[RP] : Pour lui, ton sang coulera

Elle a marché de longues semaines.
Elle connait son nom.

La matinée s'annonce belle et ensoleillée. Mystère du printemps où l'hiver côtoie la chaleur. La nuit était fraiche, mais bien emmitouflée dans ses peaux de moutons, elle supportait maintenant facilement la froidure lunaire.
Elle s'était placée là, derrière un talus, invisible, prête...
L'heure est arrivée!

Déposant à ses pieds les peaux emplies de sa chaleur odorante, elle se redressa. Au loin, là bas, Troyes

Les remparts se dressent, on distingue des hommes montant la garde. Son pain ce matin à un gout de sang. Elle le mord comme un fauve aurait arraché la carne de sa proie. Ses crocs se plantent déchirant, arrachant, ses mâchoires se crispent comme électrisée par une force qui lui prend le ventre.
Elle ramasse un à un les quelques biens qui partagent sa vie depuis ces dernières semaines.
Le ruisseau qui plus loin rejoint la Seine lui permet une toilette sommaire.
Rien ne doit transparaitre.

Personne ne doit se douter de quoique ce soit, je viendrai à lui... invisible et sournoise et je te vengerai...

Elle avançait maintenant fixant la lourde porte ouverte offrant une vue éphémère sur la ville encore endormie.
A chaque pas, les veines battaient son cou, prenant vitesse et amplitude.



Deux hommes postés là, sans uniforme particulier semblaient filtrer les allés et venus des rares braves levés comme elle au chant du coq.

Elle ralentit son pas, les voyant la scruter de la tête aux pieds comme deux soiffards près à se coller à la moindre chope de Bière.
Ils échangeaient des mots et des rires venaient ponctuer leurs messes basses.
Le doute la saisit, lui faisant parcourir une onde qui circulait dans ses vertèbres.
Elle était là maintenant si près. Son but, sa quête, des mois de recherches, de questions, toute cette énergie passée à l'identifier, à le localiser.
Et son visage revenait, hantant ces nuits, hantant sa mémoire, sa vie entière m'avait que ce but. Cette folle entreprise devrait lui calmer à jamais ses tourments et cette soif de vengeance qui la tenaillait comme un étau lui serrant le crâne.

Elle reprit sa marche en avant, déterminé, tête basse.

L'image de son père gisant ensanglanté cette nuit de septembre de l'an de grâce 1456, la rappelait à son devoir!

L'un des deux hommes se détacha de l'autre arborant un aplomb surfait et montrant des talents d'acteur bien pitoyables.

Halte là, qui va là! hurla-t-il se retournant vers son complice, exhibant un sourire de circonstance.
Alors ma p'tite dame on vient en nostre ville de Troyes? Et c'est à qui cette jolie p'tite frimousse?

Elle leva la tête, le figeant de son regard pénétrant. Elle le sentit comme saisi par ses yeux de verre.
Elle était calme, sereine. Enfin le jeu commençait et elle se trouvait surprise de l'aisance qui l'habitait soudainement.

Je me nomme Errance, messire.
Le milicien avait perdu de sa splendeur, glacé par la froideur de cette femme.

Eh bien ... En voilà une femme bien seule pour voyager! Et qu'est ce qui vous amène chez nous?

J'ai à Troyes de la famille... que je visite mais je suis en quête d'un lieu pour séjourner ne souhaitant point les embarrasser de ma présence.

Ah... tiens donc dites voir qui sont ces gens peut être qu'on pourra vous diriger?

C'est une surprise , messire, et je la souhaite entière. Ma venue n'est pas annoncée, c'est que je viens de loin...

Hum, bien...je ne vous ennuie pas plus... c'est que si vous cherchez un guide pour vos soirées, j'ai un peu de temps à vous consacrer m'dame... Pour votre séjour je vous recommande nos tavernes... Au troyen on y croise quelques notables de la ville... Si vous voulez de la compagnie...

Elle salua le milicien qui continuait de la dévisager, sentant au bout de ses regards des mains avides. Elle venait de découvrir un pouvoir qu'elle avait sous estimé jusqu'à présent. Le charme venait de faire son apparition dans son registre. Une nouvelle carte à son jeu.

Elle franchit le portail. La ville de Troyes s'offrait à elle. Elle se stoppa , laissant ses yeux se poser sur ce tableau. Un soupir souleva sa poitrine.

Il était là! dormant peut être! Encore cuvant un alcool frelaté couché auprès d'une gueuse...
Je sais que tu es là... ta vie va basculer comme autrefois la mienne!

[dans la ville de Troyes]

Sa flèche dominait le ciel de Troyes. La cathédrale attirait à elle les premiers venus comme un passage obligé. Déjà derrière les remparts elle en avait deviné les contours.

Ce qu'elle était venu faire justifiait repentances et prières. Elle prit la direction du lieu de culte levant les yeux au ciel comme pour élever son âme et suivre la voie de Dieu.

Devant le portail, elle prit soin de contempler les gargouilles et autres sculptures donnant le relief au monument et racontant aux croyants l'histoire de leur foi. Elle y vit une forme de violence, celle du bien contre le mal. Elle entra, le silence régnait, seul le diacre semblait s'affairer aux préparatifs d'un évènement important au vue du soin qu'elle y plaçait.

Ce lieu, lui imposa sa loi, celle du divin, l'odeur d'encens lui imprégnait le palais comme une lourde poussière qui lui limitait sa respiration. La lumière se colorait des tentes des vitraux montrant une autre vie que la sienne. Celle du prophète, des bienfaiteurs, des illustres hôtes que comptaient ce monde. Des faisceaux entiers fendant l'espace en un halo se posaient sur le sol en une étincelante flaque.



La paix et le silence la gagnait. Elle se signa, s'avança plus profond dans l'édifice. Juste derrière un pilier un banc l'attira, elle s'y installa et se lança dans une longue prière.

Je viens vers toi, mon Dieu, chercher les dernières forces. Je sais que tu n'approuves pas, je sais que tu me mets au défi.
Je t'en prie reste près de moi, guide mes choix et accompagne mes gestes. Ne m'abandonne pas.
Je prendrai mon temps, je l'approcherai, j'attendrai le moindre signe de ta grandeur pour me laisser sur le chemin de la raison.

Elle changea d'interlocuteur, celui là, la hantait depuis cette nuit du 16 au 17 septembre 1456.

A toi! mon père, à toi! mon guide
Ta chaleur me manque, ta force me manque
Ton départ me laisse une plaie béante que rien ne peut guérir
Tu avais choisi de défendre les tiens
Je ne voulais que toi comme protecteur
Tu as servi ton comté et je t'en veux
Ta fille souhaitait tellement te garder près d'elle
Ces lâches envahisseurs sont venus chez nous prendre nos richesses
Et t'ont laissé gisant, le corps meurtri par les coups portés
J'ai du supporter leur présence dans nos tavernes
Imaginant que l'un deux était celui qui t'avait emporté dans l'au delà.

Une larme coula le long de sa joue, ponctuant son propos.

Karine entra dans la cathédrale, ce froid matin d'hiver, plus tôt que d'ordinaire. Sa tête était lourde, elle croyait pouvoir s'endormir à chaque pas. Elle prit un balai dans un petit cabanon en bois attenant à la crypte, fit une genuflexion devant le crucifix et se mit en devoir de nettoyer la cathédrale avant le début de la cérémonie importante qui allait avoir lieu.

Elle vit une ombre dans le fond de la cathédrale, derrière un pilier, elle s'approcha. Elle s'aperçut alors que c'était une femme. D'ordinaire, elle levait à peine les yeux sur les fidèles venus se recueillir mais elle sentit en cette inconnue quelque chose de différent. Elle tremblait comme une feuille et semblait en proie à une émotion intense. Elle remarqua également qu'elle pleurait.

Rougissant et maudissant son attitude, elle détourna les yeux et reprit son travail avec ardeur. Elle vit l'inconnue se lever et sur le point de sortir, dans un état de nervosité lamentable. Rapidement mais silencieusement, elle s'approcha d'elle et lui dit de sa voix douce:

Bonjour dame. je me nomme Karine. Avez-vous besoin d'aide? Il fait frois dehors, venez à l'intérieur vous réchauffez. Vous avez l'air fatigué... Entrez je vous en prie.

Karine ouvrit alors la porte qui communiquait avec la salle où l'on rangeait les objets précieux puis, avec un sourire aimable, elle invita l'étrangère à entrer.

Errance était envahie par des sentiments troubles. Avait-elle vraiment pesé le poids de sa décision? Elle comprit combien cette quête avait été pour elle bien plus, une sorte de chemin de croix, qui lui avait mangé l'esprit, donner un but. Tout cela l'avait certainement tenu debout, empêcher de trop penser à cette nuit.
Elle s'était oublier, seule en ce lieu et l'image de son père. Elle revoit la scène.



Bonjour dame. je me nomme Karine. Avez-vous besoin d'aide? Il fait froid dehors, venez à l'intérieur vous réchauffer. Vous avez l'air fatigué... Entrez je vous en prie.

Elle n'avait pas vu cette jeune personne s'approcher d'elle. Elle en fut d'abord surprise. Il se dégageait une gentillesse spontanée et non feinte de cette jeune femme. Elle lui fit un bien fou, sa voix était calme et avenante, et la résonance qu'elle prenait en ce lieu l'apaisa fortement.

Bonjour Karine, eh bien je me nomme Errance. Je viens d'arriver à Troyes victime de brigandage, j'ai trouvé refuge en ce lieu de prière.
Il est vrai que je suis du coup sans l'écu sonnant et je vous avoue être lasse.

Elle mentait de façon effrontée, mais dans son esprit quel merveilleux cadeau que d'espérer se retrouver prise en charge par une personne d'une telle bonté et paroissienne de surcroit. Elle doit connaitre la ville. Elle la renseignera et sa compagnie la fera se fondre derrière sa jovialité évidente.

Je serais ravi de vous suivre, votre compagnie me sera surement réconfortante.

Elle emboita le pas de Karine.

Il lui vint une pensée soudain forte et miraculeuse!
C'était le signe, celui qu'elle attendait. La main de Dieu venait l'accompagner!

Bonjour Karine, eh bien je me nomme Errance. Je viens d'arriver à Troyes victime de brigandage, j'ai trouvé refuge en ce lieu de prière.
Il est vrai que je suis du coup sans l'écu sonnant et je vous avoue être lasse.
Je serais ravi de vous suivre, votre compagnie me sera surement réconfortante.

Un sourire aux lèvres, Karine entra la première dans la pièce aux lourds coffres dans laquelle brûlait depuis la veille au soir un grand feu. Elle désigna une chaise à Errance, pendit une marmite à la crémaillère, sortit du vin de messe et des herbes et mit le tout à bouillir.

J'espère que vous aimez le vin chaud Errance. Il n'y a rien de tel pour vous réchauffer.

Elle s'approcha d'un des coffres, l'ouvrit et en sortit un fromage et une miche de pain.

Tenez, vous devez avoir faim.

Elle déposa le tout en face de la prétendue voyageuse.

Vous n'êtes malheureusement pas la seule à avoir été victime de brigandage ces derniers temps. Les loups parcourent pourtant tous les chemins de Champagne pour éviter celà... Mais malgré tout, les routes demeurent peu sûres...

Elle sourit à Errance d'un air candide.

Vous avez bien fait de venir vous réfugier ici, il y a toujours quelqu'un pour aider ceux qui n'ont guère eu de chance sur les chemins.

Elle sortit deux chopines et les posa sur la table à côté du pain et du fromage.

C'est vrai que de la soupe aurait été plus consistante mais je n'en ai guère. Si vous voulez vous reposer, vous pouvez rester ici, voilà des couvertures et une paillasse.

Elle joignit le geste à la parole et disposa le tout à distance respectable du feu. La marmite commençait à répandre une bonne odeur de romarin. Karine s'approcha de la marmite.

Et voilà, du vin chaud pour tout le monde! Notre bon curé, notre diaconnesse et tous les fidèles transis de froid vont se régaler.

Elle prit une louche et une écuelle, versa le liquide rouge et fumant et le tendit à Errance. Puis elle en versa dans l'autre écuelle et la porta à ses lèvres. Le breuvage se répandit en elle comme si elle plongeait dans un bain chaud. Karine aimait les plaisirs simples comme le fait de boire un peu de vin chaud... Elle en frissona de plaisir.

Soudain, une idée la frappa.
Vous n'avez pas été blessée au moins? Si c'est la cas, dîtes-le moi, je pourrais vous soigner.

Errance profitait de l'accueil chaleureux de dame Karine. Elle esquiva les questions gênantes qui pourraient la troubler.

Non pas de mal! En fait, ils ont profité de mon sommeil, je n'ai rien vu ,ni senti, mais ce matin au levé, je me retrouvais bien démunie
Elle profita du vin chaud. La curiosité la dévorait , mais elle ne voulait pas éveiller les soupçons chez Karine. Elle prendrait son temps, avançant à petit pas vers celui qui avait fait basculer sa vie.
Le vin ne tarda pas à lui tourner la tête, elle n'en avait pas l'habitude.
Le sommeil la gagnait et elle s'en excusa auprès de Karine.
Je suis désolé la fatigue accumulée et le vin ont raison de moi. Je ne suis pas très bavarde, j'en suis navrée. Puis-je profiter que vous soyez occupées pour me délasser un peu?
Elle se choisit un coin de la pièce où régnait une douce chaleur et une délicieuse odeur. Elle se sentait bien, apaisée.
Elle ne tarda pas à s'endormir...



Errance se réveilla trempée de sueur, le regard hagard, ne comprenant pas ce qu'elle faisait là.

Non pas de mal! En fait, ils ont profité de mon sommeil, je n'ai rien vu ,ni senti, mais ce matin au levé, je me retrouvais bien démunie

Karine soupira, rassurée. Nombreux voyageurs qui avaient été détroussés étaient dans un piètre état en arrivant à l'église...

Errance but du vin chaud et Karine continuait son bavardage quand celle-ci l'interrompit:

Je suis désolé la fatigue accumulée et le vin ont raison de moi. Je ne suis pas très bavarde, j'en suis navrée. Puis-je profiter que vous soyez occupées pour me délasser un peu?

Oh, mais bien sûr. excusez-moi, je suis trop bavarde...

Elle lui sourit.

Vous pouvez m'appeler si vous avez besoin de quelque chose, je serai à côté.

Karine reprit son balai et nettoya à fond la cathédrale. Elle était en train de mettre des tentures en guise de décoration quand elle entendit sa visiteuse hurler. Elle se précipita dans la petite pièce et trouva Errance en sueur, les yeux exhorbités. Elle avait sans doute fait un cauchemar.

Tout va bien, dame. Vous êtes à l'intérieur de la cathédrale de Troyes. Je suis Karine. ne vous inquiétez pas, il ne peut rien vous arriver.

Karine savait par expérience que les voyageurs qui se réveillaient après un cauchemar étaient désorientés, aussi fit-elle en sorte de rassurer Errance.

La diaconesse de la ville était dans la sacristie. Elle rangeait ses affaires. Il y avait eu du monde à la messe de la veille.

Quelques paroles venu de la nef, parvienne à Dame Shaud. Elle regarda rapidement par la porte et pu apercevoir deux femmes discutant, non loin de l'autel. La première lui était familière, alors que la seconde, elle ne l'avait jamais vu au par avant. Elle retourna à ses devoirs dans la sacristie. Si on la cherche, on pouvait la trouver facilement.

Tout va bien, dame. Vous êtes à l'intérieur de la cathédrale de Troyes. Je suis Karine, ne vous inquiétez pas, il ne peut rien vous arriver.

Errance se posait bien des questions. Elle reprit ses esprits, comprenant la présence de Karine. En se réveillant, elle salua son hôte.

Pfff... j'avais besoin de sommeil et le vin chaud m'a tourné la tête... J'espère que je n'ai pas trop divagué. Cela m'arrive souvent.

Dans son fort intérieur elle espérait ne pas avoir dévoilé son secret durant son somme. Elle fit un sourire à Karine.
Elle regardait maintenant attentivement cette femme pleine de générosité. Comment pouvait-il y a voir en ce monde de tel contraste? La bonté, la beauté côtoyaient la haine et la laideur.
En chacun de nous le bon et le mauvais se répondaient et se livraient une bataille mystérieuse.
Cette personne respirait la générosité, aucune méchanceté ne paraissait. Son allure frêle et ses yeux tendres dégageaient une sérénité qui finalement lui conférait une étonnante force.

Errance promenait son regard maintenant par l'entrebâillement de la porte qui s'ouvrait sur le cœur de l'église. Elle aperçut dans la nef, une personne affairée.

Karine qui est cette dame de fière allure dans la nef?

Il était temps de partir à sa recherche. Errance affutait ses questions et comme une obsession! de la méthode, de la douceur, de l'intelligence, de la surprise, du temps...
Je lui dirais qui je suis! Et dans son regard je veux la stupeur... Alors je lui dévoilerai mon secret et ma lame le tordant de douleur, je verrais ses yeux m'implorer!