Aniki
Cela faisait déjà un petit moment qu’Aniki patientait, le cœur battant, devant la grande porte de ce, si triste bâtiment …
Deux jours … Ils lui avaient parus si fades, les deux nuits si longues. Elle lui manquait tellement ...
Dans son dos il cachait quelques surprises pour l’accueillir, pas grand-chose, juste quelques friandises ... une demi bouteille de saké. Avec, ils pourraient ensemble fêter sa précieuse liberté enfin retrouvée …
Son regard anxieux figé sur la lourde porte, il guettait, espérant à tout moment la voir sortir, son cœur bondissant dans sa poitrine au moindre mouvement.
Lui n’avait encore jamais gouté aux geôles de la ville. Que s’y passait-il ? Comment allait-elle ?
Il était inquiet …
Aniki
La main de Megu se posa sur son torse, ses lèvres vinrent l’embrasser.
Lui aussi aurait voulu l’entourer de ses bras, la saisir par la taille pour la hisser jusqu’à lui mais, la bouteille dans sa main droite et surtout, la grappe de bananes dans la gauche, lui interdisaient catégoriquement ce genre de mouvement … L’idée des cadeaux n’était peut être pas si bonne après tout m’enfin bon …
Il se contenta d’écarter les bras, dévoilant à Megu leurs contenus.
Bon retour à la vie ma beauté !
Avant d’ajouter, timidement, un sourire un peu niais au coin des lèvres …
Comment ça va ?
Un p’tit creux ? … Une p’tite soif ?
Aniki
Elle riait, lui aussi …
Peut être que l’odeur n’était pas des plus raffinée en effet, mais, pour le berger, cela n’avait aucune espèce d’importance. Ils étaient ensemble à nouveau. Elle ne semblait pas avoir trop souffert et rayonnait. Lui était rassuré.
Megu saisit la grappe de bananes et commença à en éplucher une, nerveusement. Aniki, profitant de sa main libre, enroula son bras autour de ses épaules et l’attira doucement contre lui. Les joues gonflées, mastiquant frénétiquement de ses puissantes mâchoires la chair tendre et sucrée, elle sourit. Puis tous deux l’un contre l’autre s’éloignèrent tranquillement en direction du Dédale.
Ce soir ils avaient une libération à fêter mais avant, un peu de toilette s’imposait et déjà, dans l’esprit un peu tordu d’Aniki, une idée avait germée et depuis tournait et tournait.
Un petit sourire moqueur au coin des lèvres, il la renifla, bruyamment …
Arff non, pas la rose t’as raison …
Dis … Tu crois qu'tu vas avoir b'soin d'un peu d’aide pour t’frotter l’dos ?
Aniki
Aniki sourit, la serrant contre lui encore un peu plus, promenant sa main le long de son dos en guise de démonstration.
Tu s’ras pas déçue, tu vas voir … J’vais frotter et frotter, trèèès mé-ti-cu-leusement !
Bien sûr, la subtile étincelle dans les yeux de Megu ne lui avait pas échappé et … Allez savoir comment ? Dès ce moment, le jeune berger avait compris que jamais il n'oublierait la soirée qui s’annonçait. Une douce nuit de plus à Gifu …
Porté par ce brusque élan d’enthousiasme, il fit sauter le bouchon de la bouteille et s’envoya une bonne rasade. Puis, refilant la bouteille à Megu, il se mit à hurler et hurler, tel un dément en pleine rue.
Megu est libre !!! Megu est libre !!! Vive la liberté !!!
Quelques réponses, vulgaires et obscènes, résonnèrent, venant de quelque part derrière eux : le Dédale dans toute sa splendeur et toute sa déchéance … Devant, une vielle dame s’arrêta de marcher pour le toiser d’un regard sévère. Aniki répliqua aussitôt de sa plus vilaine grimace, avant d’entonner de plus belle, la glorifiant au passage de quelques postillons en guise de remerciements …
Megu est libre !!! Megu est libre !!!
Encore quelques pas, une autre rasade pour pousser la précédente, puis Aniki se retourna vers sa compagne, le front légèrement plissé et, d'un coup l’air étonnamment sérieux …
Tu sais quoi Megu …
J’en ai marre de la ville …
Ici on devient fou pis … C’est même pas bon pour les affaires … On gagne que dalle …
Il la fixait, un grand sourire aux lèvres, une petite lueur malicieuse scintillant au fond des yeux.
Ça te dirait d'partir en ballade ?
Aniki
Un tendre baiser était venu sceller l’entente, aussi solidement qu’un pacte de sang ...
Aniki s’arrêta, juste un instant, pour la contempler.
Voila pourquoi il adorait cette fille, son enthousiasme !
À peine sortait-elle de prison que, sans hésiter une seule seconde, elle se lançait dans une nouvelle aventure, le cœur toujours plein d’entrain, sans se soucier le moins du monde des conséquences car, bien sûr, elle avait parfaitement saisi l’étendu des projets du berger. C’était comme ça entre eux, pas besoin de long discours. Un simple coup d’œil ou une idée à peine évoquée suffisait amplement pour qu’ils se comprennent.
Quand est-ce qu'on part ?
Bah disons deux trois jours … L’temps de rassembler un peu d’nourriture … Ça te va ?
Bien sûr que ça irait … Les doigts d’Aniki se remirent à gambader le long du dos de Megu. Il n’avait pas oublié, loin de là …
Ils regagnèrent la maison et, comme prévu, il offrit son aide pour le bain, honorant sa promesse avec le plus total dévouement …
Trois jours plus tard, aux premières lueurs du jour, les deux jeunes sortirent de la maison, armes et baluchon sur le dos. Ils étaient fin prêts à prendre la route et, autour d'eux, en bourrasques, semblait souffler … comme un doux vent de liberté …
