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[RP Semi-ouvert] De père en fille, on aime l'aventure

Baudouin.
[Première étape: on ira voir la mer]

Sarlat. L'idée l'avait prise sans crier gare, la rumeur de la mort de Cerdanne l'avait hanté bien des nuits, le laissant dans une torpeur désagréable. Il ne s'y résolvait pas, c'était impossible. Elle, son tout, son autre, elle ne pouvait ainsi être morte sans qu'il l'ait revu. Elle était faite pour vivre, pas pour mourir, pas déjà, pas si tôt.

Les jours passaient et il tentait de faire de son mieux pour ne pas peser sur le quotidien d'Amy. Il l'avait choisi comme compagne et elle était la mère de sa fille, d'ailleurs, elle s'en occupait fort bien, mais il ne voulait pas tout gâcher, encore une fois. Il rongeait ses idées noires en silence, l'air de rien, juste un peu plus ronchon et un peu plus silencieux qu'à l'ordinaire.

Et puis enfin, l'illumination avait surgit. Il irait vérifier si l'envoûtante brune était bien mort et tant qu'il ne verrait pas son corps raide et froid, son sourire figé, il n'y croirait pas.

C'était Noël, il faisait froid, mais l'envie d'emmener sa fille avec lui était plus forte que tout. Il avait demandé à Amy, pensant essuyer un refus, mais contre toute attente, elle avait dit oui. Très rapidement tout fut prêt, au cas où la jeune femme changerait d'avis.

A y regarder de plus près, arracher l'enfant à sa mère la veille de Noël était assez inhumaine, ce n'est qu'une fois parti que le vieux soldat s'en rendra compte, trop occupé aux préparatifs du départ, trop absorbé par l'idée de voyager avec son trésor.

Sa bonne humeur était revenue, il en était presque jovial et la petite Korydwen, sa princesse, son trésor, était toute excitée à l'idée de cette équipée.


On ira voir la mer.

Il lui avait dit, il l'avait promis et cela allait se réaliser. Enfin parés, ils avaient quittés Sarlat avaient de suite pris la direction de la mer. Amy tenait à ce qu'ils prennent leur cheval, le vieux frison qu'elle aimait tant et pour ne pas trop surcharger Faran, Baudouin marchait devant, le tenant par les rennes, tandis que Kory, petit bout de chou de deux ans émergeait entre laine et peaux de bête pour ne pas souffrir du froid. Il avait lu l'inquiétude dans le regard d'Amy, elle se séparait de sa fille pour la première fois et ce devait être douloureux, mais Baudouin, peu enclin à tomber dans le sentimentalisme outrancier pensait qu'elle s'en remettrait facilement. Il ne mesurait sans doute pas encore toute la fragilité et la sensibilité de la jeune femme.

Malgré le froid et la neige, ils avançaient joyeusement, tantôt chantant gaiement, tantôt Kory endormie sur la monture, Baudouin repartant dans ses méditations obscures. Le froid avait ça de bon qu'il éloignait un peu plus les brigands, mais pas les armées et bientôt, ils seraient en terre de guerre, le royaume n'était toujours pas en paix. Il faudrait faire avec.


Tu n'as pas trop froid ma chérie? Tu veux manger un bout de pain? Bientôt nous arriverons à l'auberge et tu auras droit à une soupe bien chaude et à un bon lit douillet!

La route était longue et la petite était courageuse. Bientôt ils arriveraient à Saintes et pourraient profiter du charme de l'ancienne cité romaine.
Korydwen.
[Le début d'une grande aventure]

Kory, elle avait été toute excitée quand son papa lui avait demandé si elle voulait partir en voyage. Quelle question, franchement, lui demander à elle, ELLE, la spécialiste de la vadrouille improvisée, si elle voulait partir en voyage, il en avait de bonnes, son papa.
Trottinant dans tous les sens, elle s'était quand même laissée habiller chaudement par sa maman et avait eu droit à un gros câlin et tout un tas de bisous avant de se retrouver sur le cheval, prête à partir.
Kory ne savait pas trop pourquoi, mais sa maman ne venait pas, elle. Moins aventureuse, peut-être. Moins ours, sans l'ombre d'un doute. En tout cas, Kory était trop excitée pour vraiment se rendre compte de ce que ça voulait dire, de partir sans sa maman. Heureusement, cette dernière était plus prévoyante, elle avait donné à sa fille, avant le départ, un foulard qu'elle portait tout le temps et qui avait gardé son odeur.
En plus de ses deux poupées, dans son petit sac, Kory avait donc le souvenir de sa maman qui l'attendait, tout prêt à être câliné et mâchouillé si jamais le manque la prenait.


Cé quoi pâpa ?

Tout au long du chemin, et quand elle ne sombrait pas dans une sieste moelleuse où sa maman venait lui faire des câlins tout chauds, elle laissait traîner ses grands yeux noirs tout autour d'elle, pointant plus ou moins aléatoirement, d'un doigt potelé, un bout du paysage pour demander à son papa ce que c'était. Des fois, elle savait déjà ce que c'était, mais écouter son papa lui raconter des choses, elle aimait ça, alors elle en profitait. Elle l'avait pas vu souvent, son papa, au début, et ce voyage c'était aussi une occasion de rattraper un peu du temps perdu et de se découvrir, entre grognons-explorateurs.

{ Tu n'as pas trop froid ma chérie? Tu veux manger un bout de pain? Bientôt nous arriverons à l'auberge et tu auras droit à une soupe bien chaude et à un bon lit douillet! }

Elle secoua la tête en souriant. Non, elle n'avait pas froid. Non, elle ne voulait pas de pain. Oui, c'était rare, qu'elle ne veuille pas de pain, mais enfin, elle était en pleine aventure là, elle n'écoutait pas vraiment son estomac. L'auberge, la soupe, le lit douillet, ça avait l'air tentant, mais pour Kory, c'était comme son estomac, relégué au second plan. Tout ce qu'elle savait, elle, c'était qu'elle aimait se balancer au rythme du cheval, et qu'elle était en train d'explorer un bout du royaume avec son papa.

La guerre, les armées qui tuaient les voyageurs à vue, le froid, la faim, la mort... Tout ça, c'était des inquiétudes de grands. La seule inquiétude qui aurait pu - et allait, sans qu'aucun doute ne soit possible -, la toucher, c'était celle de devoir dormir dans un grand lit, tout douillet qu'il soit, sans sa maman, mais ça, elle ne le savait pas encore, Kory.

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Baudouin.
Les journées se passaient bien, la petite s'émerveillait d'un rien et faisait le bonheur de son père. Périgueux, puis Saintes leur avait permis de passer une bonne nuit et de se reposer.

Le moment du coucher était toujours un peu difficile, Kory pleurait sa mâman qu'elle n'avait jamais quitté. Alors, le vieux soldat, compatissant et ne supportant pas la tristesse de sa fille, finissait par la prendre dans ses bras et la bercer jusqu'à ce qu'elle s'endorme, mâchouillant un mouchoir à l'odeur d'Amarante.

Il profitait de ses instants pour contempler son trésor. Si elle avait le regard noir, à la fois dur et doux de son père, elle avait les cheveux de jais de sa mère et les mêmes traits fins qu'Amy. Pour lui, elle était la plus ravissante des petites filles, vive d'esprit, malicieuse et curieuse, il aimait l'enthousiasme dont elle faisait preuve tout au long de leur équipée.

La Rochelle était en vue et à ses portes: la mer.

Enfin, ils y étaient. En bon breton qui se respecte, Baudouin aimait la mer. Elle lui rappelait son enfance à Brélidy, dans le château de son père. La mer n'était pas très loin et il lui prenait souvent de chevaucher jusqu'à la grande bleue.


Regarde ma princesse, là voilà, c'est elle, la mer! Tu vois comme elle est belle, tout bleue et immense?

Il sourit et lança un regard tendre à sa fille. Elle aussi était bretonne même si elle été née loin de la terre celte.

Dans toute sa vie, le vieux cerbère n'avait que peu connu de moments aussi paisibles et sereins. Homme de guerre, tourmenté, il avait souvent le coeur troublé par les choses de la vie.

Mais là, tout était parfait. Le doux soleil d'hiver, la tendresse de sa fille, la beauté de la mer.

Ils chevauchèrent jusqu'au bord de mer, Baudouin déposa un baiser sur le front de sa fille, tendant le bras vers l'horizon azur

Ecoute le bruit des vagues, regarde toute cette étendue d'eau. Tu vois, ça n'a pas de fin. Tout au bout la mer épouse le ciel. C'est un beau mariage, tu ne trouves pas? Quand je serai loin de toi, quand tu seras triste, viens voir la mer Kory, elle te consolera. Tu es bretonne ma chérie et chez les Brélidy, l'eau salée coule dans nos veines.

A petites foulées, ils étaient arrivés sur la plage et Faran trottait doucement dans le sable.

Un jour, j'espère, je t'apprendrai à naviguer. Tu verras, tu aimeras beaucoup ça, j'en suis sûr.

Korydwen était encore une enfant, elle choisirait sa destinée, mais le vieil homme qu'il était espérait pouvoir être près d'elle pour la guider et la protéger. La vie était rude, il le savait et plus que tout au monde, il espérait que sa fille trouverait son chemin et le bonheur.
Korydwen.
[C'est ça, la mère ?]

Mâma ?

Bah oui, pour elle, aller voir la mère, c'était voir sa maman... Alors là qu'elle voyait la mer, et que c'était pas sa maman, justement, y'avait un truc qui tournait pas rond.
Une fois, sa maman lui en avait parlé, de la mer, mais là non plus elle n'avait pas compris... Faut dire, ils sont compliqués ces grands avec leurs mots multitâches ! Le sa-pain qui fabrique pas de pain, les murs qui se mangent, la mère qui n'a pas d'enfants... Avouez quand même qu'il y a de quoi être troublée, non ?
Alors, bouche ouverte, elle regarda l'étendue bleue - la mer, mais pas sa mère -, réalisant enfin qu'il s'agissait d'un grand lac. Et qui disait lac, disait gros poissons... Qui disait gros poissons, disait monstre mangeur de pieds, sa maman lui en avait parlé de ça aussi. Valait mieux prévenir son papa, au cas où...


Haaann - grande inspiration un peu pas rassurée - pâpa ! Monst'e manz' pié pâpa ! Pâpa ! Pâpa !

D'habitude, c'était plutôt mâma qu'elle disait, alors là-dessus aussi elle se rattrapait, répétant "pâpa" aussi souvent qu'elle le pouvait.

Ecoute le bruit des vagues, qu'il lui dit, lui, son papa. Les vagues ? Le truc qui bouge là et qui fait vraaoum ? Et puis, viens voir la mère, elle te consolera, qu'il dit aussi...

Bah, elle le savait déjà ça, qu'il fallait aller voir sa maman pour se faire consoler... Sa maman, elle avait des bisous magiques qui soignaient les bobos, d'abord...
Après, elle avait pas tout compris. Une histoire de mariage entre sa maman et le ciel, et puis d'eau salée qui coule... Enfin, son papa lui parlait, c'était le principal, et elle l'écoutait attentivement, même si elle comprenait pas tout.
Apprendre à naviguer, par contre, ça lui disait quelque chose. Ca avait un rapport avec les bateaux, ça, et les bateaux, elle en avait entendu parler. Un bateau, c'était comme une barque pour pêcher les gros poissons du lac, mais en plus grand, et puis on allait dessus pour faire des longues explorations et attraper des poissons encore plus gros que les plus gros poissons du lac.


'viguer Ko'y ! Sasser po'sson pâpa ?
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Amarante.
Sarlat ! Périgord ...


Cinq jours ... Cinq jours qu'ils étaient partis et elle n'avait encore rien reçu. Cinq jours et pas un mot ... Elle ne savait même pas où ils étaient. Une vague idée seulement, mais elle n'était sur de rien ...

« ... Nous t'écrirons souvent » Qu'il avait dit !

Pour elle souvent c'était tous les jours. Elle ne dormait plus et ne mangeait pratiquement plus. Trop inquiète ... Et si elle ne la revoyait plus ? Et s'il lui avait enlevé ? Pourquoi n'écrivait-il pas ? Elle était morte d'inquiétude. Mais pourquoi avait-elle dit oui ?

Elle était là, désespérée. Elle avait écouté son coeur, voyant bien que l'homme qu'elle aimait le plus au monde en avait besoin, mais elle n'avait plus aucune envie de se battre. Après tout qu'était-elle pour lui à part la mère de sa fille ? Rien ! Lui était tout pour elle, mais elle se battait contre des moulins à vents et là, elle n'avait plus envie. Elle rendait les armes ...

Déjà passer la Sainte Noël seule dans cette maison vide avait été un déchirement et puis, elle avait attendu autre chose de la présence de Baudouin à Sarlat. Enfin présence c'était vite dit ... Comme la présence d'un fantôme qu'elle ne voyait jamais. Elle n'appelait pas ça une vie de couple, car rien n'avait vraiment changé de quand elle était seule avec sa fille ...

Si lui retrouvait l'envie de vivre, elle, la perdait à petit feu ... A quoi bon après tout ...

Tel un zombi, elle allait au lac tous les jours faire son travail de garde pêche et revenait dans sa chaumière, froide, sombre et sans vie. Les volets étaient fermés et la cheminée éteinte qu'elle n'avait plus envie d'allumer. Un froid glacial envahissant la petite chaumière, reflet intense des sentiments de son coeur ...

Sans un bruit, elle alla se coucher dans la chambre de sa fille, encore une fois sans manger, sans appétit ... Elle allait la perdre ...


Kory ... Mon ange ...

Allongé sur la petite couche, recroquevillé telle une enfant, elle laissa couler sans les retenir, les larmes sur ses joues, serrant contre elle, un des jouets de sa petite merveille et elle resta là, figé, jusqu'au lendemain, persuadé que Baudouin l'avait trahis encore une fois ...
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Les Fées Tisserandes ici
Baudouin.
Un sourire sur les lèvres, le vent du large caressait leurs visages et la petite Dwen tirait sur les manches de son père. Il sourit à l'évocation des monstres mangeurs de pieds.

N'aie pas peur, ma princesse, je t'apprendrai à chasser les monstres qui mangent les pieds et tu verras, c'est sacrément bon à manger!

Et oui, quand on naviguera, on chassera le poisson, des gros poissons pour pouvoir bien manger ensuite!


Il quittèrent la plage et entrèrent dans la ville. Le port était en effervescence, l'odeur du poisson cru et de la marée emplissait les narines. La nuit tombait, il fallait trouver une auberge pour que la petite puisse se reposer.

Tu sais, Korydwen, on va aller à l'auberge et on y écrira une belle lettre à ta maman. Elle doit s'inquiéter de ne pas avoir de nouvelles!

Il talonna Faran et remonta la rue principale à la recherche d'une auberge digne de ce nom.


[La Rochelle: Dans le calme d'une chambre d'auberge]

Une fois leur monture installée aux écuries et leurs bagages portées dans leur chambre, le soldat s'était assis à la table éclairé par une chandelle, il avait pris sa plume et s'apprêtait à écrire à Amarante tandis que Korydwen, assise sur le lit moëlleux, jouait avec ses poupées.

Citation:
La Rochelle, 29 décembre de l'an 1459

Ma chère et tendre Amy,

Nous voici à La Rochelle, le voyage se passe bien même s'il fait très froid et Kory est très sage et très curieuse de tout ce qu'elle peut voir.
J'espère que la Saint Noël s'est bien passée, nous avons pensé très fort à toi. Tu manques beaucoup à ta fille qui croyait aller voir sa mère en allant à la mer, tu imagines comme j'ai ris!

Nous avançons vite et j'espère arriver au plus vite en Anjou. Nous irons jusqu'en Bretagne et puis, nous reviendrons auprès de toi.

En me permettant de faire ce voyage avec Kory, tu me fais le plus beau cadeau de Noël qui soit et je t'en suis infiniment reconnaissant.

Prends soin de toi ma belle et à très vite.

Baudouin


Il lut la missive à sa fille et lui sourit tendrement.

Tu veux ajouter quelque chose ma chérie?

Prêt à rédiger, il attendait les consignes de son petit bout de fille.
Korydwen.
Ah, c'était le plus fort son papa, il allait lui apprendre à chasser les monstres mangeurs de pieds ! Faudrait qu'elle le dise à sa maman, ça, elle serait contente de le savoir. Par contre, elle était pas sûre que son papa soit meilleur pêcheur que sa maman, non parce que, sa maman elle était garde-pêche, quand même, elle s'y connaissait pour attraper des gros grooos poissons. Pas grave de toute façon, elle irait chasser avec son papa et pêcher avec sa maman, où était le problème ?

'cri' mâma ?

Bonne idée ça, écrire à sa maman. Il fallait qu'elle lui raconte son exploration. Il fallait qu'elle lui dise tout ce qu'elle avait vu, et tout ce qu'elle avait entendu, et tout ce qu'elle avait reniflé et mangé et bu ! Fallait juste espérer que son papa réussisse à écrire tout ça dans sa lettre, parce que Kory, elle, elle savait pas écrire encore, c'était un truc de grands ça.


[Sur un lit, en plein mâchouillage de foulard-maman]

Ce qu'elle voulait ajouter ? Et bien, tout ce qu'elle avait vu, et tout ce qu'elle avait entendu, et tout ce qu'elle avait reniflé et mangé et bu... Non ? Trop compliqué à expliquer ? Soit...

B'sous mâma !

Toute façon, sa maman comprendrait, c'était des bisous magiques qui remplaçaient tous les mots de toutes les plumes de tout le royaume, voilà.

Par contre, si dans la journée sa maman ne lui manquait pas trop - parce qu'il y avait plein de choses à explorer, à regarder, parce que son papa lui parlait, parce qu'ils chantaient et riaient -, le soir, c'était pas tout à fait la même histoire. Et là, c'était le soir... Et Kory, au milieu du grand lit, en train de câliner ses deux poupées et son foulard-maman, elle commençait à penser qu'à une chose : pourquoi qu'elle était pas là, sa maman-maman ?
Elle se frotta un oeil ensommeillé, d'une main, et renifla un grand coup tout en mâchouillant son foulard-maman. Pleurer, c'était pour les petits, et Kory, elle était un peu grande maintenant, pas grande grande, mais pas petite petite non plus, alors elle pleurait pas. Elle pleurait pas, mais quand même, ils étaient bien mouillés, ses grands yeux noirs, d'un coup.

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Baudouin.
[Deuxième étape: Aux portes de l'Anjou, constatation]

Chaque soir ressemblait au précédent et le vieux bougre qu'il était sentait combien sa fille devenait tristounette lorsqu'à la nuit tombée, au fond d'une auberge, dans une obscure chambre, elle se retrouvait toute seule dans le grand lit. Alors, à chaque fois, il la prenait doucement dans ses bras et il la berçait tendrement, sans mot dire. Les mots, il n'avait jamais été très doué pour les dire, bien souvent maladroit, surtout pour exprimer ses sentiments. Il espérait que sa simple présence et la douceur de ses gestes feraient comprendre à sa fille qu'il l'aimait et qu'elle n'était pas seule, même loin de sa maman.

Et tandis qu'à la lueur de la chandelle, la brunette s'endormait dans les bras du vieil ours, les pensées de l'homme virevoltaient jusqu'à des terres proches et l'angoisse de ce qu'il allait découvrir.

Elle, son autre, celle qui désespérément avait marqué son âme tout autant que son corps et qui était plus insaisissable que le vent. Tantôt, il sombrait dans une morbide mélancolie. Si les rumeurs étaient vraies, il trouverait un cadavre, et encore... s'il le retrouvait. A cette idée, il se renfermait sur lui-même, vivre loin d'elle était possible, n'était-ce pas ce qu'elle désirait? Mais vivre sans elle, c'était impossible.

Parfois, atteint d'un syndrome aigu d'espérance, il rêvait qu'elle n'était pas morte, qu'elle était au pire, blessée. Elle ne pouvait être morte, pas déjà, pas comme ça. Mais si elle n'était pas morte, serait-elle heureuse de le revoir. Étrangement, à l'instant où il pensait cela, un vide se faisait en lui, constatation amère. Alors, il s'allongeait près de sa fille et la regardait dormir, petit ange de paix, le sommeil fuyant de plus en plus ses propres nuits.

Les jours passaient et peu à peu l'Anjou approchait. Ils avaient réussis à éviter les armées, les brigands et pour le moment, ils étaient saufs. Au loin, les collines que l'on apercevait avaient un goût d'Anjou.

Il caressa la joue froide de sa fille et lui pinça légèrement pour la réchauffer.


Hé bien, petite glacière, tu vois là-bas? C'est l'Anjou. C'est une belle terre, on y fait du bon vin. Et si tu es sage, je t'en ferai goûter un petit peu. Et puis, tu vas y rencontrer quelqu'un que j'aime beaucoup... j'espère.

Son regard se perdit dans le vague du paysage et il talonna doucement le vieux Faran pour qu'il se rende vers la ville tant attendue: Saumur.
Amarante.
Sarlat : Nuit entre le cinquième jour et le sixième.


Elle ne dormait pas, somnolant tout au plus, plus épuisé par ses larmes intarissables que par une réelle fatigue. Elle avait froid, mais elle en avait cure. Elle tenait un des jouets de bois de sa fille, pressé contre son coeur. Ses yeux la brûlaient, rougit et gonflés. Elle était à ce moment précis, au fond du gouffre du désespoir et rien ou presque ne pourrait l'en sortir ...

Barricadé dans sa petite chaumière fermée à double tour, elle réalisa après un certain temps qu'il y avait un petit grattement sur un des volets. Pensant que c'était quelqu'un qui venait la voir, elle ne répondit pas et elle s'enroula même un peu plus en boule, tournant le dos à la fenêtre comme si cela allait empêcher le bruit.

Patiemment le pigeon attendit dans le froid, roucoulant et ramassant sur le sol ce qu'il pouvait trouver, remontant de temps en temps sur le bord de la fenêtre, qu'enfin on lui ouvre et sa patience fut enfin récompensée, quand la jolie brunette réalisa qu'il s'agissait d'un oiseau qui grattait comme ça. Elle se leva difficilement, chancelante et sans force. Prenant une chandelle qu'elle alluma, elle ouvrit la porte, sortie dans le froid et fit le tour pour enfin voir le petit messager qu'elle prit délicatement dans ses mains.

Chargé de son petit fardeau, elle entra de nouveau dans cette chaumière sans vie, froide et sombre. Elle referma la porte machinalement à clé, posa la chandelle sur un buffet, prit une petite boite de graines et posa le volatile sur un petit perchoir. Elle lui donna quelques grains et le débarrassa enfin du vélin. Reprenant la chandelle, elle alla s'asseoir sur un des fauteuils et déroulant le parchemin, ses yeux douloureux parcoururent les mots ...

C'était enfin un courrier de Baudouin. Après tout ce temps, il se décidait enfin à lui donner des nouvelles. Son coeur battit de soulagement. Ils étaient à La Rochelle, ils allaient bien et elle en remercia le Très Haut mentalement en fermant les yeux. Elle reprit ensuite sa lecture et plus elle lisait et plus son coeur se serrait douloureusement si tant est que ce soit possible.

Ils étaient au bord de la mer, alors qu'elle était ici à ce morfondre. Ne lui était-il pas venu à l'idée, qu'elle aussi, aurait aimé revoir cette immense étendue bleue qui lui manquait tant ... Et qu'allait-il faire en Anjou ? Qu'il aille à Mortagne chercher ses affaires, elle aurait compris, mais en Anjou ... Et pire que tout, douleur ultime, il allait en Bretagne et sans elle. Il retournait là-bas alors qu'elle aurait tant aimé y retourner elle aussi. Revoir la baie de Saint Brieux et surtout, surtout, pouvoir aller se recueillir sur la tombe de son frère ... Mais comme à chaque fois, il se moquait bien de ce qu'elle pouvait vouloir ...

Oh il pouvait la remercier pour ce cadeau oui, il pouvait s'en réjouir oui, mais elle, elle en était très affectée, plus qu'elle n'aurait cru. Que répondre à cela ? Elle qui avait le coeur brisé en plus de morceaux qu'il était imaginable. Seul le baiser de sa fille lui réchauffa un peu le coeur. Elle lui manquait terriblement et elle regrettait amèrement d'avoir accepté, elle voudrait la serrer tout contre elle à ce moment précis, entendre son rire et même ramasser son mantel sur le sol lui manquait ...

Elle froissa le parchemin, sans colère, mais de déception et d'écoeurement puis le jeta sur le sol, de nouveau en larmes, source intarissable. Il ne voulait pas d'elle, c'était maintenant évident, bien qu'au fond d'elle-même, elle le savait déjà, sinon il lui aurait proposé de les accompagner. Il savait pertinemment qu'elle aimait la mer et elle aussi était bretonne jusqu'au tréfonds de son âme et elle n'avait jamais refusé de partir avec ou sans lui.

Cet instinct d'exploration, ils n'étaient pas les seuls à l'avoir, mais de cela, il en avait cure. Si elle disparaissait maintenant, si elle quittait ce monde maintenant, elle était persuadée qu'il en serait même très heureux. Il aurait sa fille pour lui tout seul et elle ne serait plus une gêne pour lui. Plus de reproche en ce qui concernait la Rose, plus de reproche sur ses absences incessantes.

De toute façon, pour lui, elle n'avait jamais compté. Juste un tampon qui avait amorti la trahison de Cerdanne. Pourtant elle avait cru en ses belles paroles, douces, mielleuses mais aussi empoisonnées et qui se distillaient encore dans son sang, dans son corps et dans son âme, parce qu'au fond d'elle-même, elle l'aimait comme jamais, quitte à en mourir ... Elle souffla la bougie et se retrouva de nouveau dans le noir. Elle ne répondrait pas tout de suite, il n'y avait rien à répondre dans l'immédiat et elle n'avait pas la tête à cela. Elle verrait cela quand il ferait jour et même si elle ne répondait pas, elle était sure qu'il ne s'en apercevrait pas ...

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Les Fées Tisserandes ici
Korydwen.
[Petit glaçon en vadrouille]

Même calée entre les peaux de bêtes, sur le cheval, elle ressentait le froid. Pas autant que si elle avait du marcher comme son papa, ça c'était sûr, mais quand même, elle aurait aimé un peu plus de chaleur sur les chemins. Des fois, elle reniflait bruyamment. D'autres fois, non, parce que son nez dormait, tellement il avait froid, ce qui ne l'empêchait pourtant pas de couler.

Cé quoi pâpa ?

Reniflement ou pas, froid ou pas, elle continuait à s'intéresser à ce qui se passait autour et à s'extasier des réponses de son papa. Quelqu'un d'autre se serait peut-être pas extasié, mais Kory si, bah oui, c'était son papa hein !
Et donc, elle aimait les journées à cause de ça, l'exploration. Mais elle aimait bien les soirées aussi à cause de la chaleur dans les chambres. Le froid de la journée, lui, elle l'aimait vraiment pas par contre, mais d'un autre côté elle n'aimait pas non plus ne pas avoir sa maman pour s'endormir... L'un dans l'autre, il était donc totalement évident qu'elle n'avait au final pas de franche préférence pour un moment de la journée ou un autre.
Heureusement, le soir, elle avait son foulard-maman. Et puis, elle était bien dans les bras de son papa, au chaud, en sécurité. Bon, ses bisous n'étaient pas aussi doux que ceux de sa maman, ils piquaient même franchement, mais ils n'en étaient pas moins réconfortants.

Tous les jours, donc, elle s'endormait en pensant à sa maman et à tout ce qu'elle allait avoir à lui raconter quand elle la reverrait. D'ailleurs, tous les soirs aussi, la même question revenait, au creux des bras de son papa :


Quand va voi' mâma ?

Et oui, on peut être une grande aventurière, enfin, presque grande, en sécurité dans les bras du plus fort des papa, et toute heureuse de se balader partout, ça n'empêche pas d'avoir envie de revoir sa maman.

{ Hé bien, petite glacière, tu vois là-bas? C'est l'Anjou. C'est une belle terre, on y fait du bon vin. Et si tu es sage, je t'en ferai goûter un petit peu. Et puis, tu vas y rencontrer quelqu'un que j'aime beaucoup... j'espère. }

Sortie de ses grandes réflexions très importantes par la voix de son papa, Kory essaya de comprendre tout ce qu'il lui disait...
Là-bas, c'était la joue, d'accord... Faire du vin sur la belle terre de la joue, ça par contre, ça devenait moins clair déjà, mais passons.


Joue là ? Ko'y l'a joues 'ssi ! Dit-elle en posant un index potelé sur une de ses joues rosies par le froid.

Goûter le vin, ça, elle dirait pas non, parce que les grands ils en boivent sans arrêt de ce truc, alors ça doit être drôlement bon, peut-être même aussi bon que du lait.

Bon vin ? Co' lait ?

Et puis rencontrer quelqu'un que son papa aimait beaucoup ? Ca pouvait pas être Kory, elle était déjà avec son papa et elle pouvait pas aller se voir elle-même, enfin il lui semblait pas en tout cas... Est-ce que c'était sa maman ? Son papa il devait l'aimer, sa maman, non ? Mais il lui aurait dit, si ça avait été sa maman, quand même... Hmm...

Qui aim' pâpa ? Aim' Ko'y ? Aim' mâma ?
_________________
Amarante.
Sarlat, bien des jours plus tard ...


Plus d'une semaine était passé depuis la réception du message auquel, elle n'avait pas répondu. Deux raisons à cela, la première étant qu'elle ne savait pas où se trouvait Baudouin maintenant, bien que ce ne soit pas une raison suffisante, puisque Evinrude pouvait retrouver Kory n'importe où qu'elle soit. Et la deuxième étant qu'elle ne savait pas quoi répondre.

« Vous allez bien, j'en suis heureuse, soyez prudent ! » Oh bien sûr, elle était contente qu'ils aillent bien, elle connaissait trop bien la poisse qu'avait Baudouin, quand il partait en voyage et pour une fois, il avait même eu plus de chance que Gwen. Le patriarche Bleizhmorgan s'était fait poutrer entre Angoulême et Saintes quand sa fille et l'ours y étaient. Eux étaient passés, mais Gwen et Lena n'avaient pas eu cette chance et maintenant ils étaient coincés à Angoulême ...

Gwen voulait rentrer en Bretagne lui aussi et le fait que Baudouin lui ait écrit qu'il allait y emmener Kory avait fait remonter en elle un désir de rentrer sur ses terres natales. Peut-être irait-elle avec Gwen quand il serait remis ... Elle avait encore le temps pour prendre sa décision, il n'était pas prêt de bouger avant un grand moment et peut-être que Baudouin serait rentré entre temps ...

Pour l'instant ce qui la maintenait, c'était son travail de garde-pêche. Oh bien sûr, quand elle croisait un villageois, elle répondait que tout allait bien, que sa fille lui manquait et qu'elle languissait son retour ... Seulement reviendrait-elle un jour ? Là était sa plus grande peur ... La confiance qu'elle avait au père de sa fille était plus que réduite et là elle saurait si oui ou non, elle avait eu raison de lui faire confiance encore une fois ...

Plusieurs jours après la missive de Baudouin, une invitation avait pointé le bout de son nez un matin. Leyah se mariait enfin. Après tous ses mois, tous ses contretemps, tous ses problèmes, le grand jour était enfin arrivé pour elle. Elle n'irait pas au mariage. Elle n'avait pas la tête à faire la fête et elle ne voulait pas gâcher ce jour avec sa mine déconfite et blafarde. Elle serait bien allée au chevet de Gwen aussi, mais il n'avait pas besoin de ça non plus et il avait assez de ses propres problème sans en plus avoir les siens ...

La seule question qu'elle se posait, c'était qu'allait faire le vieil ours faire en Anjou ? Pour aller en Bretagne il y avait bien plus court que passer par l'Anjou. Qui avait-il là-bas pour qu'il s'y intéresse autant ? Mais peut-être n'aurait-elle jamais la réponse ...

Cela faisait maintenant deux bonnes semaines qu'ils étaient partis et elle menait son train train comme elle ne l'avait pas mené depuis bien des années, retrouvant une certaine sérénité dans la contemplation du lac recouvert de neige. Elle passait des heures à regarder l'eau si apaisante pour elle, essayant de griffonner quelques choses à leur envoyer. Si elle ne se trompait pas et qu'elle comptait juste, il ne devait pas être loin de l'Anjou ...


Citation:


Sarlat huit janvier 1460
A Korydwen et Baudouin.


Demat à tous les deux !

Pardon pour cette réponse tardive. Je suis heureuse que vous alliez bien tous les deux et je prie pour que cela continue.

Baudouin j'ai eu un choc quand tu as écrit que tu allais en Bretagne. Si tu vas à Saint Brieux, peux-tu aller sur la tombe de mon frère pour moi ? Sinon ce n'est pas grave ...

Kory me manque beaucoup plus, que je n'ai pu le penser, alors j'espère de tout coeur que ce voyage te fait du bien. Embrasse ma petite merveille pour moi s'il te plait et surtout soyez prudent !

A très vite et prenez soin de vous
Amy


Elle était restée très évasive en ce qui la concernait et n'avait pas posé la question de l'Anjou. Aucune tendresse dans cette lettre, aucune affection à l'encontre du vieil ours. S'en apercevrait-il seulement ? Elle en doutait et plus le temps passait et plus elle se rendait compte que la seule chose qui les rapprochait encore c'était leur fille ... Cette constatation lui faisait moins mal, même si cela l'attristait toujours beaucoup ...

Elle marchait vers l'inconnu, ne sachant pas quoi faire en ce qui le concernait. Il était revenu ici les retrouver et bêtement elle avait cru reprendre sa vie « d'avant », mais ce n'était pas le cas. Devait-elle tourner la page une bonne fois pour toute ? En serait-elle seulement capable ? Il y avait tant de questions sans réponses et elle ne savait pas ce qu'il voulait Lui ...

Petit tour à l'écurie où se trouvait le pigeonnier et voilà Evinrude partie avec son vélin ...

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Les Fées Tisserandes ici
Baudouin.
[Même jour même heure: portes de "la joue"]

L'Anjou petite fille, pas "la joue"!

Il sourit, attendrit. N'était-elle pas son ravissement, cette enfant de deux ans qui pouvait l'émouvoir d'un regard. Il posa son doigt sur sa joue.

En effet, ça c'est ta joue.

Il montra l'horizon et la ville de Saumur qui s'en détachait.

Et là, c'est l'Anjou, c'est une terre, un lieu.

Il lui pinça doucement les joues pour qu'elles se réchauffent un peu et talonna un peu plus le vieux Faran.

Allons viens, allons en ville, nous nous y réchaufferons. Le vin c'est très bon mais il ne faut pas trop en boire, sinon c'est moins bon.

Il l'écoutait babiller et esquissait un sourire de temps à autre. Elle était toute innocente et pleine d'à propos et lui, il se devait de la protéger des vicissitudes de la vie.

Bien sûr je t'aime ma fille! Et oui, j'aime beaucoup ta maman aussi, de tout mon coeur, et puis il y a aussi Cerdanne. Tu vas voir, elle est très gentille, je suis certain que vous allez très bien vous entendre toutes les deux.

Une forte quinte de toux l'obligea à se taire, il fit un grand sourire à sa fille et, peu après, ils se trouvaient en ville à chercher une auberge. Un nom retint son attention. Il ne put s'empêcher de sourire intérieurement. Il y jeta son dévolu et, finalement, ils s'y installèrent.

[Auberge Scandale, Saumur]

C'est là qu'il reçut la missive d'Amy. Son silence l'avait étonné, pas vraiment inquiété. Il savait qu'elle était occupée, mais il commençait réellement à se poser des questions et la réception de la lettre ne fut qu'une question de plus parmi tant d'autres.

Revenant d'une soirée mouvementé en taverne, il trouva Korydwen dormant paisiblement et il s'attela à la tâche.


Citation:
Ma chère Amarante,

Il semblerait que tu ailles bien et ça me rassure, ton silence m'a inquiété et ta fille était bien triste. Je vais en Bretagne oui, le besoin d'un retour à ma terre et de le partager avec ma fille. Juste elle et moi. J'en avais besoin, le comprendras-tu... Un jour, nous reviendrons tous les trois, je l'espère et nous irons ensemble sur la tombe de ton frère. Je doute aller jusqu'à Saint-Brieuc cette fois-ci.

Chaque soit ta fille te réclame et je pense que nous prendrons la route du retour bientôt. Nous venons d'arriver à Saumur. Cerdanne est en vie... incroyable n'est-ce pas? Je tenais à ce qu'elle connaisse Kory. Peut-être pour effacer le souvenir de notre enfant qui ne grandira jamais, qu'en sais-je...

J'espère qu'un jour tu comprendras Amy que je ne vis plus que pour notre fille, elle est notre joie et notre bonheur et j'espère que cela suffira à ce que toi et moi vivions en bon entendement. Mon affection pour toi est toujours très vive.

Prends soin de toi, ma belle, il te faut être resplendissante pour le jour où nous reviendrons, pour que ta fille retrouve une maman en pleine santé et bien heureuse.

Kory dort à cette heure mais je sais qu'elle t'envoie mille baisers. Je lui ferai écrire un petit mot bientôt pour que tu puisses l'avoir sur toi.

Qu'Aristote te protège ma douce Amy.

Baudouin.


La soirée l'avait épuisé, il se sentait vidé, et d'une tristesse à fendre l'âme. Sa colère était retombée et il préférait ça. Comme il se haïssait quand il s'emportait. Dans cette lettre, il se livrait et espérait que pour une fois Amy se souviendrait de ce qu'il lui écrivait, à défaut de comprendre. Les paroles s'envolent... les écrits demeurent. Le vélin fut expédié et il s'approcha de sa fille, caressant sa joue. Il n'avait qu'elle. Elle était tout et il ferait tout pour la guider au mieux. Tendrement, il déposa un baiser sur son front.
Korydwen.
[Le soir suivant, dans la chambre avec pâpa]

Assise sur les genoux de son papa, lui-même installé à la table, Kory avait sortit de sa petite besace son foulard-maman et le mâchouillait allègrement entre deux mots.

Pâpa mâma !

Elle tapota de sa main libre - l'autre étant accrochée au foulard-maman, des fois qu'il veuille s'en aller, on sait jamais hein - sur la table, signifiant qu'il fallait écrire à maman. Elle avait tout plein de choses à lui raconter, à sa maman, alors il fallait lui écrire, c'était évident.

Mâma, Ko'y ! Elle fronça les sourcils et se reprit d'elle-même. Koooory !

Et oui, l'évènement de la journée, elle arrivait ENFIN à dire son nom ! Fini, les inconnus auxquels elle se présentait n'allaient plus passer leur temps à l'appeler "Ko'y", non non, maintenant tout était clair pour tout le monde, elle, c'était KoRy, avec un grand R, et ça, elle en était pas peu fière. C'était donc bien entendu la première chose qu'il fallait dire à sa maman, haute priorité.
Elle plissa les yeux pour bien montrer qu'elle réfléchissait fort, avant de continuer sa liste des choses à dire à sa maman.


Kooory ba'be - oui, tous les Rs ne sont pas égaux - mazic, et missante pincé !

Bon, ça, c'était du réchauffé, ça datait de la veille, autant dire que c'était de l'histoire ancienne, mais quand même, ça devait être dit.
Elle avait croisé, en taverne, un monsieur avec une barbe magique, ouiii oui oui, quand elle lui tirait la barbe, ça faisait sortir sa langue ! Elle n'avait jamais vu ça, une barbe magique comme ça ! Bon, elle avait bien essayé elle-même de tirer la langue, pour voir si une barbe lui poussait, mais ça n'avait pas marché. Aujourd'hui, elle savait pourquoi, la gentille dame-amie de son papa lui avait dit : la barbe c'est que pour les messieurs. Dommage, parce qu'elle aurait bien aimé en avoir une rien qu'à elle, de barbe, Kory.

Après avoir croisé, entre autre, le monsieur à la barbe magique, et siroté le godet de vin de son papa pendant qu'il regardait ailleurs - ça, fallait pas le dire à maman -, ce fut le drame. La missante arriva dans la taverne et pinça la joue de Kory, non sans lui avoir avant parlé de vaches qui font des prouts et appris un mot que sa maman ne serait pas pressée d'entendre : foireuse. Bon, chez Kory ça devenait "fo'euz", mais l'intention était bien la même.
Aujourd'hui, la paix avait été faite avec la missante. Elles s'étaient recroisées et un échange avait été fait, sous forme de noix pour l'une et de pomme pour l'autre. D'ailleurs, ça rappela à Kory quelque chose de super important à dire à sa maman.


Beuh noua !

Non, les noix, c'était pas bon, trop amer, pouah. Pis toute façon ça avait une drôle de tête qui l'inspirait pas. En plus, si c'était si bon que ça, ça se cacherait pas sous une coquille toute dure impossible à casser sauf pour les papas super forts comme le sien, d'abord.

Elle se tut un moment, se contentant de mâchouiller son foulard-maman, bien calée contre son papa, et se redressa d'un coup, ouvrant de grands yeux, comme si elle venait de se souvenir de quelque chose.


Zentil 'sieur pom' ! Zentil Cé'dane 'ssi !

Avec tout ce qu'elle avait à raconter, elle avait faillit en oublier le monsieur à la pomme, et la dame-amie de son papa. Est-ce que tout allait tenir sur la lettre pour sa maman ? Elle était pas sûre... En plus, elle devait encore oublier des choses, c'était obligé. C'est qu'il lui était arrivé pleins d'aventures, depuis qu'ils étaient dans cette ville...
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Amarante.
Sarlat, encore et toujours ...


De retour du lac, comme chaque jours ... Elle alla voir dans l'écurie si Evinrude était revenu. Il était là, un petit parchemin accroché à la patte. Elle l'en débarrassa et le nourrit puis elle partit vers la maisonnée. A peine venait-elle de fermer la porte et de poser sa cape dans l'entrée qu'on frappa à la porte. Elle mit un certain temps à réaliser qu'on venait de frapper, mais finalement, alla ouvrir.

Devant elle se tenait un homme aux armoiries des Bleizhmorgan. Un homme de Gwen à n'en pas douté. Il la salua et lui tendit une missive puis lui expliqua qu'elle devait se dépêcher ...

Elle fronça alors ses fins sourcils et parcourut la missive des yeux. En parcourant les mots, son coeur manqua un battement. Elle avait eu vent de la nouvelle que Gwen avait eue maille à partir à la frontière Poitevine, mais ne le pensait pas si mal. Pourquoi tout partait en vrille autour d'elle ? Le garde la pressait et elle revint à la réalité. Il voulait la voir ! Gwen voulait la voir ? Cela voulait dire qu'il était vraiment à l'article de la mort ...

Elle hocha la tête pour dire au garde qu'elle venait, parti chercher sa cape et ferma la porte de sa petite chaumière. Elle demanda de faire un détour au port de pêche, y laissa un mot et les voilà parti pour Angoulême. Le garde menait bon train l'attelage. Connaissant Gwen, il avait dû dire à son homme de ne pas trainer en route et elle se l'imagina, même agonisant, vociférant des ordres qui effrayaient tout le monde ... Un léger sourire étira ses lèvres à cette pensée ...

Bien installer dans le carrosse qui filait vers leur première étape, elle prit la missive que Evinrude lui avait apporté. Elle la déroula et la commença à en lire le contenue ... Oui elle comprenait, même si elle aussi ressentait ce besoin de retourner sur sa terre natale. Il voulait en quelque sorte rattraper le temps perdu d'avec sa fille ...

Elle continua sa lecture et sa mâchoire se serra ... Ainsi il avait vu Cerdanne et elle était en vie. Incroyable ? Non pas vraiment ... Il aurait dû se douter que Cerdanne avait la peau dure et elle n'en était pas le moins du monde étonné ...

Elle continua ensuite et c'est dans un soupir résolu qu'elle laissa tomber sa main sur ses genoux. « ... que toi et moi vivions en bon entendement. » Si elle comprenait bien, fini la vie de couple ... Mais il voulait qu'ils restent des amis ... C'était-elle vraiment attendu a autre chose ? Au fond d'elle-même, elle savait que non ... C'était déjà comme ça, depuis un bon moment ...



[Périgueux]

La voiture ralentit et elle ne finit pas la missive. Ils arrivaient à Périgueux, leur seule escale avant d'arriver à Angoulême ... Arrivée devant une auberge, le garde l'aida à sortir et elle entra dans la bâtisse. Elle fut heureuse de revoir son grand ami Perta qui était le tavernier et croisa un homme qu'elle avait connu quand elle était à Saint Brieux. Après avoir discuté un peu, elle demanda une chambre à Perta qui lui avait dit lui faire monter un baquet et elle partit dans sa chambre ...

Après son bain qui lui fit un bien fou, elle s'installa sur le lit et reprit le parchemin de Baudouin. Elle le relut et le fini cette fois-ci ... Etre resplendissante ? Le pauvre s'il la voyait à ce moment précis, il prendrait peur ... Elle attrapa sa besace et en sortit son nécessaire d'écriture.

Comment commencer ? ... « Mon cher Baudouin ? » ou « Baudouin » tout court ? ... Autant faire simple et concis ...


Citation:


Cher Baudouin !

Je fais aller, il ne faut pas s'inquiéter ... Je suis juste un peu fatigué. Depuis votre départ, je dors très mal ... Pour le cimetière, ce n'est pas grave ...

Alors comme ça Cerdanne est en vie ? Je ne trouve pas ça très étonnant. Tu devrais savoir qu'elle a la peau dure depuis le temps ... Si tu la vois, passe lui mon bonjour et dis lui que je suis contente que sa carcasse aille bien ... Dis lui aussi que si elle veut, elle peut m'écrire ...

Dans ta lettre, tu mets que tu aimerais que nous vivions en bon entendement ... Cela signifie-t-il que tu aimerais que l'on reste amis et rien qu'amis ? C'est comme ça que je comprends cette phrase ... Mais si c'est bien dans ce sens-là que tu l'as écrit, ne t'inquiète pas ... Je ne ferais pas de crise, je me suis faite une raison depuis un certain temps maintenant ... Et si c'est ce que tu veux, alors je l'accepte ...

Maintenant je vais te parler de moi. Si tu veux me joindre, il te faudra le faire à Angoulême. Je suis en ce moment dans une chambre d'auberge a Périgueux et j'en repars très tôt demain matin. Gwen est très mal et il m'a fait appeler à son chevet. Je savais qu'il était en piteux état après sa rencontre avec l'armée Poitevine, mais je ne le savais pas agonisant ... Je te ferais prévenir quand j'en repartirais, mais je vais rester avec lui et mettre a profit mon savoir d'infirmière ...

Embrasses Kory pour moi et dis lui qu'elle me manque beaucoup. Je l'embrasse fort fort et languis de la revoir ...

Prenez soin de vous tous les deux et soyez prudent.
Tendrement Amy


Elle relut ses mots, sécha l'encre et ferma le vélin d'un petit ruban vert. Elle sortit ensuite de la chambre et alla au pigeonnier municipal pour envoyer son vélin puis elle revint à l'auberge pour finir la soirée auprès de ses amis trop longtemps oubliés ...
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Les Fées Tisserandes ici
Baudouin.
[Saumur]

Scribe. Telle était la nouvelle fonction du Cerbère de la Rose Noire. Appliqué, assis à la table, il écrivait consciencieusement et très sérieusement.

Alors donc, je te relis ce que tu m'as dis.

Citation:
Ma petite Maman chérie que j'aime,

Je suis à Saumur avec Papa, nous y sommes très bien, j'y rencontre plein de gens: un monsieur avec une barbe magique qui tire la langue quand je tire sur sa barbe, un dame méchante qui m'a pincé et qui m'apprend des bêtises.
J'ai aussi mangé des noix et je n'aime pas ça du tout! C'est beuh! J'ai rencontré aussi un autre messire qui lui, mange des pommes, même qu'il m'en a fait goûté et puis Cerdanne aussi, elle est gentille.

Tu me manques beaucoup beaucoup beaucoup, Papa dit que bientôt nous reprendrons la route du retour.

J'espère te revoir très très vite. Je t'aime fort.

Ta Kory qui est toujours très saze!!!


Il regarda sa fille tendrement.

Qu'en penses-tu? ça te va?

Korydwen était la seule boussole qui le faisait tenir pendant cette traversée du désert depuis qu'il était à Saumur. Il allait de désillusion en désillusion et il ne décolérait plus qu'en compagnie de sa fille qui se plaignait souvent de sa mauvaise humeur. Si la ville était sympathique et si la petite semblait y évoluer comme un poisson dans l'eau, le vieux soldat était tout à fait conscient que s'il y traînait plus, il finirait sans doute fou.

Plus tard dans la soirée, c'est une lettre beaucoup plus douloureuse qu'il écrirait, l'ultime lettre, celle qui mettait un point final à sa relation avec Cerdanne. Il devait penser à Kory, Cerdanne aurait pu avoir sa place si elle l'avait voulu, mais ses actes parlaient pour elle, son départ de la ville en disait long au vieil homme qui ne s'était jamais senti si vieux. Elle voulait être libre, elle n'avait plus à s'en faire, jamais plus il ne viendrait entraver sa chère liberté.




Cerdanne,

C'est étrange de se dire que cette lettre est la dernière. Je suis toujours à Saumur avec ma fille et toi... tu n'y es plus. Envolée, comme d'habitude. Quand tu reviendras, nous ne serons plus là. J'ai été heureux de te revoir une dernière fois, même si j'imaginais que nos retrouvailles seraient un soupçon plus chaleureuses.

Ma décision d'écrire cette lettre est avant tout celle de faire un choix, car je sais que si je n'en fais pas, si je te vois encore, j'imaginerai toujours que, peut-être, un jour... quand tu serais bien lunée, notre "nous" existe encore. Et de fait, je passerai le restant de mes jours à attendre que tu sois bien lunée.

Alors voilà, c'est terminé. Si je te recroise par hasard un jour, ne m'en veux pas de ne plus être le même. C'est mon choix, comme toi tu as fait celui de ne pas venir à notre mariage, comme tu as fait celui de toujours être sur les routes, comme tu as fait celui de partir alors que tu savais que j'étais venu, pour toi, juste pour toi, une dernière fois.

Ta liberté n'est qu'un leurre, un jour peut-être t'en rendras-tu compte, cela dit, si c'est ainsi que tu es heureuse, je te souhaite d'être heureuse. C'est toi l'artisan de ton bonheur et ce, même si tu me dis ne plus avoir d'illusion.

Je vais t'oublier. Je veux t'oublier, je le veux si fort que je sais que j'y arriverai. Oublier tes caresses, oublier le souffre de tes baisers, oublier ton corps qui me hante la nuit, ta chevelure brune. Oublier la seule femme que j'ai aimé à m'en damner. Oublier les joies, mais aussi oublier les peines, la mort de notre enfant, nos déchirures.

Vis ta vie, avec ta fleur, avec tes amis. Tu es libre de faire ce que tu veux, comme tu le veux, si tu m'écris tes lettres seront lues, mais je ne me fais aucune illusion. Tu n'écris pas, ou presque pas.

L'homme que j'étais n'est plus, il n'est que pour sa fille. Tu ne fais plus partie de ma vie.

Adieu ma belle amazone, adieu ma damnation.

Je t'aime.

B.


Le vélin fut froissé avec colère, il râla, puis le défroissa en soupirant. Il devait aller jusqu'au bout, même si ainsi, il finissait d'enterrer son coeur. La boucle serait bouclée, il ne resterait plus que lui, sa fille et la Rose. Tendrement, il regarda son trésor qui dormait et sourit, les larmes aux yeux. Si son coeur d'homme ne vibrait plus, celui de père était comblé par un petit ange brun.
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