Afficher le menu
Information and comments (0)

Info:
Toute fin décembre 1459. Château de Charmes en Languedoc, sur la Baronnie d'Adrien Desage : Crussol. Adrien et Ayena se côtoient depuis un moment sans s'être déclarés. Voici venu le moment tant espéré...

[RP] Tutoyer le bonheur, est-ce un manque de respect ?

Ayena
[Baronnie de Crussol, Château de Charmes - pénultième jour de l'an 1459 ]


Le paysage était blanc. Ou par endroit gris, jaune ou boueux. La neige faisait ses ravages, en somme. Par bonheur, elle avait cesser de tomber hier au matin. Par malheur, le timide soleil avait pris sur lui d'en faire fondre une partie, ce qui donnait cette aspect boueux et terriblement glissant à la route.
Le convoi de Crussol, comprenant le Baron et la Demoiselle, était revenu la veille de son voyage vers Limoges où ils avaient ravitaillé les soldats. Rapidement, la troupe avait élu Charmes plutôt que Crussol pour les quelques jours de repos qui suivraient : c'est que par ce temps, grimper vers Crussol aurait été une folie. Oh, bien entendu, le chemin menant vers le château de Charmes était lui aussi semé d'embuches. Mais le groupe, usé jusqu'à la moelle lui avait fait un sort, pressé de retrouver un bon feu, une bonne soupe et un bon lit.

Ce matin, l'un des derniers de l'année, l'air était vif et glacé. L'intérieur de la bâtisse seigneuriale avait été chauffée tant et si bien que d'Alquines y avait trop chaud. Aussi, au petit matin, elle avait pris l'excuse d'une prière pour sortir emmitouflée vers le dehors. Claudiquant, elle s'était rendue vers la tout petite chapelle, s'y était agenouillée un bon moment, regrettant qu'une messe ne puisse être dite à l'instant. Mais l'on était ni dimanche ni mercredi, et il lui faudrait attendre pour écouter un bon sermon. En pensant aux habitants de Mende, elle rajouta quelques bonnes paroles pour que le Très-Haut les aide à faire fuir la racaille : c'est qu'à peine arrivés, Adrien et Ayena avaient appris que des hérétiques titillaient le Languedoc. Nan, mais quelle idée... Bref. Un Credo, un Amen, et la jeune femme se releva, satisfaite. Elle se sentait toujours mieux après un moment de recueillement.

Sortie, elle fit un tour sur elle même. Elle aurait aimé pouvoir poser son séant un instant, mais le petit banc était recouvert d'une brassée de neige. Qu'à cela ne tienne. La Boiteuse, après un regard vers les fenêtres derrière lesquelles le Baron s'éveillait peut être, se dirigea vers l'endroit qui permettrait d'avoir une vue dégagée sur la vallée.
De sa bouche, à chaque respiration, sortait des nuages. Si cela aurait amusé un enfant, Ayena en fronça les sourcils, se demandant si un jour elle pourrait rencontrer un alchimiste qui lui expliquerait enfin à quoi cela était du. C'était embêtant d'être ainsi entourée de choses dont on ne comprenait pas les origines. Peut-être qu'Adrien saurait ? Il faudrait qu'elle lui pose la question.
Alors, son esprit glissa, comme souvent, vers son sujet favori. Adrien n'avait pas été insatisfait de la voir arriver à Limoges où il était déjà. Ca avait été comme naturel. Elle en avait été soulagée, elle qui ne savait qu'imaginer des scénarios catastrophes. Mais finalement, depuis bientôt 3 mois qu'ils vivaient sous le même toit (oh, en tout bien tout honneur !), ils semblaient s'apprécier. S'apprécier. Ou s'aimer. Des regards, des gestes. Ayena se doutait bien que c'était ce que l'on appelait l'amour. Parfois, elle se prenait à espérer que ça irait plus loin. Mais finalement, ce n'était pas à elle de faire le premier pas... Si ? Oh, non, ça aurait été indécent pour une femme. Et pourtant, ce n'était pas l'envie qui lui manquait.
Les joues rougies, où de la honte ressentie à ces pensées ou du froid, elle fit le constat que la vie était une chose bien compliquée. A cause des sentiments : comment allier la peur de l'inconnu et le désir de vivre un amour sincère ?

Une bourrasque de vent envola sa grosse tresse. Purée, qu'il faisait froid !

_________________
Héraldique
Adriendesage
Derrière la fenêtre rectangulaire de sa chambre, qui était au milieu du donjon de Charmes, Adrien Desage goûtait à la douce pesanteur d'un matin hivernal. Sa chambre était au dessus de la cour du château et de là, il pouvait contempler les premières scènes matinale. Il y avait beaucoup de buée sur le verre glacé et le baron avait fait un rond transparent avec la manche de sa chemise. Oui, il était en chemise de nuit, c'est sans doute tout un concept, mais c'est ainsi qu'il dormait. Adrien avait horreur d'avoir les épaules à nu pendant la nuit... Comme il avait fait particulièrement froid durant la dernière, il avait une peau d'ours sur le dos.
Cette peau d'ours était porteuse de souvenirs très anciens. L'animal avait été tué près de Béziers, à une époque à laquelle Adrien était simple soldat dans l'armée languedocienne, le temps de la grandeur biterroise. En se trouvant devant cette ambiance vaporeuse, le baron eut un frisson et serra la fourrure sur ses épaules.
Un petit feu crépitait dans l'âtre de la cheminée. Dans ce tableau, romantique, Adrien sentait poindre un bonheur doux et paisible. Il poussa un soupir d'aise et allait s'écarter de la fenêtre lorsqu'il aperçu Ayena assise sur un banc, cheveux au vent.


"Mordious, elle doit se geler les miches!" s'exclama-t-il avec l'élégance d'un homme qui se sait seul dans la pièce.

Un sourire attendrit se dessina sur ses lèvres et fendit sa courte barbe. Il n'en doutait plus, la grâce de ce bien-être se trouvait bien là, assise dans la cour de son château, sur un banc couvert de neige. Il se plut à imaginer un instant encore, quelle serait la vie si elle était à nouveau partagée.
Adrien ne s'était jamais livré ainsi depuis Maëlie de Lauzières, qui avait été la seule à prendre le coeur du baron après son épouse. Il avait caressé ce bonheur. Il avait donné des contours à cette sensation exhaltante et se préparait à lui donner une forme bien réelle. Il décida d'un coup que c'était ce moment, là aux aurores de cette matinée hivernale qu'il devait prendre son élan cavalier. Ce fût une décision brusque, soudaine, irréfléchie. Une décision mûe par l'amour.
Le baron s'habilla rapidement, revêtit de chauds bas de laine, des braies blanches, une chemise tout aussi blanche, et un long manteau noir, qui était assez vieux et simple, car il n'y avait dessus aucune broderie. Il jetta enfin sur ses épaules, la fameuse peau d'ours, car il connaissait le tranchant du vent froid dans le vallée du Rhône. Il se rinça la bouche dans une coupelle d'eau froide qu'on avait amenée dans sa chambre à son réveil, puis descendit en hâte les escaliers. Les quelques serviteurs qui étaient réveillés n'étaient pas trop étonné de le voir ainsi pressé au matin. L'ancien général avait conservé des habitudes de vie très martiales, aussi le levait-il généralement très tôt. Du reste on le savait rude et on ne s'étonnait guère qu'il affronta ainsi le froid dès le réveil. Ces gens en auraient été plus surpris s'ils avaient vu Ayena dehors.

Les bottes du baron laissaient d'assez larges empreintes dans la neige. Les quelques chiens qui étaient dans les chenils du château virent Adrien passer et se mirent à japer. Il les maudit du bout des lèvres, de le perdre ainsi dans son effet de surprise. Mais il se radoucit bien vite, et bien que le vent lui brûlait déjà les joues, et jetait son épaisse chevelure par tous les côtés du visage, il était radieux.


"Bonjorn Ayena. Vous êtes matinale! A vous voir dans une telle contemplation et par ce froid, on vous croirait enfant du pays."
_________________
Ayena
La neige avait la propriété d'étouffer tout bruit. D'aucuns se seraient crus dans un cocon... S'il n'y avait pas eu ce satané vent. Mais venant du nord, Ayena n'avait cure ni du froid ni du vent, qui lui semblait même des éléments essentiels à tout climat se respectant. Il fallait parier qu'à la saison prochaine, la jeune femme souffrirait de la chaleur.
Alors que sa robe en velours était en train de se gaver de neige, le regard de la jeune femme vogua vers la fameuse vallée. Le Vivarais. Un des avantages d'avoir un paysage tout en bosses et en creux était qu'à certains endroits stratégiques, on pouvait se gaver d'une vue incomparable. D'ailleurs, jusqu'où s'étendaient les terres de la baronnie ? Il faudrait le demander à Adrien. Encore une fois. Tout, décidément tout la ramenait à lui.

Non loin, les chiens aboyèrent. Peut être était-il l'heure de les nourrir. Tiens, il faudrait qu'elle se renseigne sur les races favorites du Baron, pour lui offrir quelques bons éléments pour les chasses à courre. A coup sur, cela lui plairait. De toutes façons, il avait si bon caractère, qu'elle aurait pu lui offrir une noix qu'il en aurait été émerveillé. Et elle aurait fondu sous son sourire. Décidément non, elle ne pourrait pas se passer de lui dans son avenir à elle. Sincèrement, qui était-elle sans personne sur qui veiller ? Une pauvre hère, dont le Suzerain vivait à des lieues et des lieues, qui n'avait point d'amies proches, qui n'était plus la bienvenue sur ses terres artésiennes ni à Paris. Elle n'était rien. Sauf dans le regard que portait sur elle Adrien. Ah ! Si seulement elle avait eut une mère pour lui enseigner les rudiments du charme féminin ! Non, il faudrait qu'elle redouble d'efforts pour faire de la vie du Baron un havre de paix et de sérénité. Etape une, les cuisines. Ce midi, on mangerait des cailles farcies. C'était bon, ça, les cailles.

Elle sursauta presque en entendant sa voix de baryton. Ayena se releva du banc où elle s'était allé à des pensées qu'elle trouveraient idiotes le soir, comme d'habitude. Elle ne s'inclina pas, elle ne fit pas de révérence. Elle avait abandonné cette manie très rapidement. Elle trouvait un peu étrange de s'incliner face à quelqu'un sous le toit de qui elle vivait. Et il n'avait pas eu l'air de s'en formaliser, alors...


- Bonjorn, Adrien. Vous m'avez sortie bien brusquement des mes rêveries.

Ayena lui sourit. De ce sourire un peu gaga qu'ont les jeunes femmes amoureuses. Elle le caressa de ses pupilles bleues argentées, comme le méritait tout premier regard de la journée.

- J'étais justement en train de me dire que le froid ne me gênait pas, mais que la neige était une véritable plaie.

Et pour cause : elle avait les fesses gelées et l'état de ses mains était abominable. D'ailleurs, elle les cacha derrière son dos : il ne fallait pas qu'il voit ça.
"Enfant du pays", qu'il avait dit ? Elle ne le démentit pas : indéniablement, elle était restée une enfant et irrémédiablement, elle avait fait sien ce pays où il était né. Incorrigible, la fille.


- Mais que faites vous dehors à cette heure ?

Question sotte qui aurait très bien pu être formulée à son égard. Elle s'en rendit compte au moment où elle fermait la bouche. C'est alors qu'elle remarqua l'énorme peau d'ours qu'il avait jeté sur ses épaules, comme s'il était sortit précipitamment. Elle fronça un sourcil, approcha de quelques pas en boitant et ajouta, sur un ton un peu inquiet :

- Il se passe quelque chose ?

Elle n'avait pas idée. Mais alors, pas du tout.
_________________
Héraldique
Adriendesage
Deux questions à la suite, c'était beaucoup, trop pour un matin neigeux: le baron, en arrivant parfaitement devant sa demoiselle, dérapa sur un pavé givré et c'est avec un grand effort qu'il évita de se trouver la tête dans les genoux d'Ayena. Il était ainsi tout courbé devant elle, prenant un grand pas d'avance sur le scénario... Il fallait qu'il y vienne en effet, mais pas tout de suite, pas tout de suite! Reprenant quelque constance, il écarta les épaules et gonfla la poitrine, sans toutefois se relever.

"Ahem... J'aurai pu vous dire que la neige n'est pas si pénible que cela, mais au fait, je pense comme vous, maintenant!" s'exclama-t-il avec un faux sérieux.

La neige, qui tombait encore, enveloppait irrémédiablement le décors d'une poussière épaisse et duveteuse. Il y avait dans ce tableau blanc, deux corneilles qui se disputaient bruyamment dans les fossés, quelques restes qu'on avait jeté des cuisines du château. Il y avait encore les deux lanternes de métal noircit, de chaque côté de la grande porte du château, à l'intérieur desquelles dansaient encore irrégulièrement les bougies de la nuit.
Il y avait aussi Ayena, dont le manteau blanchissait irrémédiablement, mais dont la tresse, en dansant au vent, faisait encore assez de résistance aux blancs flocons. Et enfin, il y avait Adrien, dont la fourrure d'ours s'apparentait maintenant à celle des plantigrades du grand nord, et dont la chevelure bouclée gardait consciencieusement tout ce qui lui tombait dessus. Ainsi, le baron de Crussol avait presque à cet instant, dans ce paysage tout épuré, à genou et tout blanc, les allures d'un Pape en prosternation devant le Seigneur... A cette différence qu'Ayena n'était pas le Très-Haut, à moins que la distribution des rôles ait changé en cours de scénario.
Il se releva assez péniblement car il glissa une seconde fois - généralement lorsqu'on s'adonne au ridicule, on s'y termine bien- et tendit son bras à la jeune femme:


"Tenez vous à moi, je souffrirai que vous chutiez" déclara-t-il, non sans ironie pour lui-même.

"Je vous ai vue, et il a fallu que je sorte. Cela donne à parler à la maison. Je crois qu'on vous apprécie assez, par ici."

Cette dernière déclaration, Adrien l'avait faite avec un sourire rêveur et en perdant son regard au delà du village et du mur d'enceinte, vers ce paysage accidenté dont les courbes parfois abruptes étaient à ce moment adoucies par la neige. Et c'était un signe assez poétique que lui offrait la nature. Il était ces montagnes, ces collines, ces falaises. Et elle était comme ce manteau neigeux, qui les adoucissait.

"J'espère que vous y trouvez assez de réconfort pour vous y sentir chez vous..." continuat-il en baissant sur elle un regard attendrit.
_________________
Ayena
L'intuition féminine est parfois mal renseignée. Étrangement, Ayena avait ressentit tout de suite qu'il se passerait quelque chose. Elle l'avait déduit au regard d'Adrien, à sa peau d'ours, au fait qu'il soit sortit à à sa rencontre au tout petit matin. Mais elle ne savait exactement ce qui était en train de se dérouler. Ou bien était-ce tellement évident qu'elle s'en voilait la face ?
Le Baron semblait ne plus avoir l'équilibre légendaire des preux chevaliers et cela fit sourire la Demoiselle. Comme quoi, parfois, une boiteuse savait mieux se tenir debout qu'un guerrier. Sans rien dire, elle prit le bras offert, priant pour qu'il ne voit pas ses mains gelées qui allait bientôt finir par tomber, si cela était possible.
Et puis, petite à côté du géant, elle leva la tête vers les yeux du Baron alors qu'il lui assurait qu'on l'appréciait et qu'il espérait qu'elle se sentirait comme chez elle. D'Alquines sentit son estomac se crisper et son cœur accélérer. Il avait le regard au loin, comme s'il était pensif. Et elle, qui croyait avoir deviné une approche nouvelle dans l'entreprise de la séduction ouvrit un peu plus grand les yeux, comme pour déceler dans les traits du visage d'Adrien la vérité sur ce qui se tramait.
La bouche sèche tout à coup, elle tenta d'articuler une phrase.


- Je...

Malheureusement, malgré toute la bonne volonté du monde, elle ne su quoi dire. Car il venait de poser sur elle ses azurs éclatants. Éclatants de tendresse, de sincérité, d'amour. Elle eut envie de se fondre en lui, d'être cette peau d'ours qu'il avait sur les épaules. Elle eut envie d'expérimenter la chaleur de son corps d'homme face au froid qui l'engourdissait un peu plus chaque instant. Puis, parce qu'elle était innocente des choses de l'amour, elle eut envie de fuir. Parce que l'inconnu fait peur et que contrairement aux apparences la peur n'est pas un sentiment, mais un instinct. L'instinct de survie d'une biche effarouchée face au chasseur intransigeant. Seulement, l'attraction du regard aimant agit tel un envoutement fascinant sur d'Alquines qui cessa d'ériger des palissades entre elle et ses sentiments. Et, elle qui n'était pas friande des contacts physiques, en ressentit l'irrémissible attrait. Elle fit alors ce qu'elle se serait cru incapable d'oser quelques minutes plus tôt : elle glissa la main qu'elle avait posé sur le bras du Baron dans celle de son amoureux. Et, parce qu'il ne faut pas oublier les bonnes habitudes, elle rougit encore un peu plus, en priant pour ne pas avoir tout compris de travers et donc pour ne pas être rejetée.
_________________
Héraldique
Adriendesage
A mesure qu'il s'engonçait dans la rêverie et la contemplation de ce qui s'étendait devant lui, le baron avait entraîné Ayena vers le centre de la cour. Ils passèrent ainsi sous la muraille, derrière le pigeonnier du château, et se trouvèrent coupés du paysage qui les avait tous deux émerveillé. Lorsqu'ils atteignirent la poutre d'attache des chevaux, dont du givre descendait en pointe de chacun des lourds anneaux de fer noirci, et qui était à côté d'une petite fontaine dont l'eau coulait sur un bloc de glace aux rebords couverts de neige, Adrien s'arrêta net. La main d'Ayena venait de prendre la sienne et cela le figea de stupeur. Ce n'était pas le froid de la peau délicate de la jeune femme, qui lui fit cet effet. Plus qu'une morsure glaciale, c'était une sorte de feu qui lui brûla la main jusqu'en haut de l'épaule, et l'ébranla presque complètement.
C'était un feu dont les flammes prenaient pour combustible l'effroi, l'espoir, la joie, la chasteté, l'Amour. Et ce feu atteignit son coeur assez vite pour que sa première réaction physique, qui ne fût rien d'autre qu'un mouvement de premier instinct, fût de serrer les frêles doigts qui venaient de se glisser dans sa paume, avec une force qu'il ne parvînt à contenir qu'après quelques fractions de seconde.
De son autre main, il s'appuya sur la poutre d'attache et y laissa ainsi une large empreinte dans l'épaisse couche de neige qui la couvrait. Adrien se trouvait dans une tourmente intérieure, quand le décors extérieur était empreint de la sérénité majestueuse qu'ont les paysages par les temps de neige.

Le baron de Crussol n'était pas un curé. C'était un homme martial, rompu à la vie militaire et à sa franche camaraderie, qui défiait parfois, souvent, les règles de bonne convenance. Adrien n'avait du reste, jamais oublié ses jeunes années passées dans un grand dénuement. Un dénuement assez insupportable car il lui avait fait connaître la faim, le froid, parfois même la soif, et surtout le mépris. Cette forme de pauvreté aigüe aurait pu, du, le rendre mauvais, grossier, brigand. Mais elle avait eu une toute autre vertu: Il en avait été pétri des rêves de la noble chevalerie, des aristotéliciens principes et d'une chasteté presque inaliénable.
Cette dernière coquille s'était brisée une quizaine d'années dans le passé, puisqu'il avait eu épouse et enfant.
Ainsi, la misère a au moins deux effets, dont les résultats sont diamétralement opposés. Et le baron de Crussol avait été de ceux qui embrassent la vertu à l'excès, parce qu'ils se trouvent dans des rêves pendant trop longtemps, et que les rêves ne sont jamais qu'une déformation de la réalité. Il était dans l'Amour aussi craintif qu'un lièvre et compensait cette trop grande peur par la bravoure d'un lion dans les affaires masculines, ce qui l'avait conduit à tant de champs de batailles et d'honneurs militaires.

Enfin, Adrien Desage se trouvait face à Ayena avec des intentions complètement pures et il se trouva bien dépourvu par le geste de la jeune femme. C'était peut-être, parce que l'initiative d'Ayena le comblait de joie et anticipait presque ce qu'il avait escompté lui même, dans une forme qu'il avait pensée moins osée.
Il dessera doucement son emprise sur la main de la jeune femme et ses doigts, après avoir été malgré eux une prison, un étau, se firent doux. Il déglutit et il planta dans les yeux d'Ayena, qui devait elle-même être dans un trouble assez grand, un regard toujours aussi doux, mais malgré lui tumultueux:


"Vous pourriez être totalement chez vous..." balbutia-t-il avec une voix mal assurée.

Alors, il eut un élan de courage et prit lui même la main libre d'Ayena et, tendu comme l'être le bois d'un hêtre, des ongles du pied jusqu'aux pointes bouclées de ses cheveux, déclara assez grâvement par maladresse:

"Ayena, voudriez-vous rester ici, et devenir mon épouse?"
_________________
Ayena
Et grâce à Dieu, elle ne fut pas rejetée. Au contraire, Adrien lui serra la main. Peut être un peu trop fort, mais elle savait que c'était le contraire d'un geste violent, c'était celui du premier contact entre eux deux. La peau gelée d'Alquines retrouva alors quelques sensations au contact de celle du Baron, qui dégageait une chaleur réconfortante. En soit, l'histoire de cette main était la même que celle de la jeune femme. Oh, la comparaison est tirée par les cheveux, penserez vous. Que nenni.

Orpheline de mère, elle avait été élevée par une nourrice stricte qui lui avait inculqué que la seule place d'une femme était d'être au près de son mari à porter ses enfants. Et dès sa majorité, la petite Ayena avait été mariée de force à un mari qui s'avéra brutal et mauvais par nature. Ainsi, la jolie fleure épanouie qu'elle aurait pu devenir s'était recroquevillée sur elle même en même temps que deux grossesses successives avaient minée sa gentillesse et sa bonté. Son coeur, gelé, fermé à tout, n'avait pu que se réjouir de la mort accidentelle de l'époux violent. Et depuis, elle avait vécu comme une de ces femmes, persuadées que le bonheur n'était accessible qu'aux autres, que les hommes étaient à éviter absolument, et que le mariage était la cause des plus grands malheurs des femmes.
Seulement au contact du Baron de Crussol, la Demoiselle s'était redécouverte en temps que personne sensible : oui, c'était une évidence, elle aussi était soumise aux impétuosités d'Amour. Et à cela, on ne pouvait résister. Alors, cela voulait-il dire que sa chance avait tourné ? Qu'elle avait à présenter droit, elle aussi, de tutoyer le bonheur ? Il allait falloir parier que oui. Et miser gros.
Par conséquent, cette main gelée qui venait de trouver réconfort auprès d'une autre était à l'image de d'Alquines qui repliée sur elle même s'ouvrait finalement à un homme. A un homme dont la poigne, indubitablement, saurait la protéger : car elle en savait quelque chose, lorsque l'on voulait faire mal, ce n'était pas les mains qu'on serrait.

Mais Ayena ne pensa pas à tout cela. Son cerveau était focalisé sur bien autre chose à savoir le moment présent.
Si son estomac était précédemment noué, ce fut sa gorge qui se serra lorsqu'elle devina que le moment était venu. Les prunelles d'Adrien, plongées dans les siennes, semblaient tout à la fois emplies de tendresse et de doutes. Ainsi, elle n'était pas seule à naviguer entre deux eaux. La bouche totalement asséchée par le fait qu'il prenne sa deuxième main et qu'il se poste ainsi directement face à elle, la jeune femme se demanda si elle n'allait pas succomber d'un trop plein d'émotion. Mais finalement, se furent ses yeux qui ouvrirent les soupapes et de petites gouttes bien rondes, glissèrent le long de ses joues blanches pour finir par rejoindre quelques flocons de neiges épars.
A son tour, la jeune femme serra les mains du Baron, tentant un sourire rassurant. C'est qu'elle était incapable de parler, une énorme boule d'émotion s'étant installée au fond de la gorge. Alors, pour ne pas laisser l'homme devant elle trop longtemps dans cette position délicate, elle cligna à plusieurs reprise des yeux, éliminant ainsi quelques larmes retardataires, inspira difficilement, mais finit par réussir à produire un son, un tout petit son, un peu trop aigu sans doute...


- Oui !

Elle perçut, au loin, comme dans un autre monde, les chiens japper et quelques volatiles s'envoler en quelques battements d'ailes bruyants. Aussi, ont eu dit qu'il avait cessé de faire froid et que le vent était tombé. Sans doute, plus vraisemblablement, deux vies venaient de prendre un tournant. Radical.
_________________
Héraldique
Adriendesage
Ce "oui" soufflé, chuchoté du bout des lèvres, fût une braise dans le givre ambiant. La neige avait d'ailleurs salué ce murmure en faisant tomber ses derniers flocons, et elle s'était éteinte pour laisser la place à un ciel plus clément. Les nuages se dissipaient peu à peu, laissant place à un ciel sale, entre le jaune et le gris. C'était un peu cette couleur qu'on certains poneys de race nordique et dont on ne sais dire s'ils sont complètement jaune, complètement beige, ou vraiment gris. Le vent était moins vigoureux, mais restait froid.
Au dessus de la cour, les corneilles tournoyaient désormais. C'était bientôt les premières chasses des rapaces et leurs premières occasions de piratages aériens.
Quelques volets avaient battu les murs de pierre dans le village et démontraient inexorablement l'avancée de la journée sur la nuit. Les toits étaient blanc d'un manteau duveteux assez épais, mais sur nombre d'entre eux, le couvert de neige se fissurait déjà sous l'aplomb de ces premiers rayons de soleil. Les moins délicats avec leurs fenêtres n'allaient pas tarder à se faire entendre...

La vie prenait son tour de danse, mais dans la cour du château, tout s'était figé autour de notre couple. Adrien tenait toujours les mains d'Ayena dans les siennes et sont sourire était plus rayonnant que jamais. Il n'avait répondu aucun mot au chuchotement de la jeune femme. Son regard transfigurait toute la fierté, le bonheur et la confiance qui l'animaient à présent. Il prit une inspiration profonde et étouffa un rire de joie au fond de sa gorge. Après ces quelques instants de contemplation, il ne put se contenir encore: il se sentait comme un enfant à qui l'on promet de l'emmener à son premier tournoi de chevalerie, avec une proportion de joie encore plus démesurée.


"Mercè, Ayena!" souffla-t-il enfin, brisant ainsi le silence qui les avait conservé en admiration.

"Rentrons, voulez-vous? Rentrons mettre des effets plus chauds, rentrons nous restaurer. Rentrez chez-vous et visitez ce château autant que vous le voudrez, et par toutes ses pièces. Je me conserve seul le secret de ma chambre, car je vais aller m'y changer. Changez-vous, aussi! Nous allons voir le Rhône, comme il est haut à cette époque! Oui, allons voir le Rhône s'il a gelé! Oh je ne crois pas qu'il ai fait assez froid, mais qui sait? Peut-être pêche-t-on déjà au bord! Faisons cette promenade, avant d'aller vers des sujets plus ardûs. Cette journée est à nous, elle est à vous!"
_________________
See the RP information
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)