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[Rp] Ma main est plume, mon cœur est palimpseste.

Theobert_lazarus
[Thouars - Frère de sang, frère de foi]


Il y a des événements, des rencontres qui détournent l’ascète de son sanctuaire de silence et de prière. Des boucles brunes qui le ramènent à la vie et au monde.
Une lettre n’a déjà que trop tardé, l’autre annoncera sa venue au couvent des Franciscains.



Citation:
    A toi Judas,

A celui qui partage le même sang que moi, à celui qui peuple les souvenirs heureux de mon enfance, à celui que j’admirais plus que tout et à qui je voulais ressembler, l’ombre que je suis te salue.
Tant d’années passées ensemble et presqu’autant à vivre dans l’absence. La complicité qui nous liait jadis s’est effritée pour raffermir un mur de silence. Qu’est-il advenu de nos rires et de nos heures d’insouciances ? Parfois je me le demande.

Je t’ai maudit, je t’ai haï, tu as insufflé en moi un sentiment de colère aussi dévastateur que le feu qui après m’avoir consumé entièrement a laissé une âme de cendre.
J’ai fui, tenté de me couper de mes racines, d’oublier jusqu’au nom que je porte mais il m’a fallu du temps et des heures de prière pour comprendre que dans l’amnésie je ne trouverai pas mon salut.

Mes pas m’avaient emmené bien au nord, hors des territoires françois, j’espérais ainsi retrouver la paix dans mon cœur, mais nulle quiétude n’est venue me cueillir, juste un manque cruel des miens qui ne cessait de grandir. A présent de retour ici, je vois que le Royaume est divisé et que la guerre bien qu’assagie à cette heure a défiguré bien des provinces. Il y a longtemps que je voulais écrire cette missive mais la crainte de ne pas avoir de réponse, ou pire de recevoir annonce de ton trépas m’effrayait. Puis, je ne trouvais pas les mots à coucher sur cette froide distance que j’ai laissée instaurer entre nous. Je ne sais pas encore si je suis prêt à te donner mon pardon mais l’amorce d’un pas dans ce sens est faite puisse-tu faire le deuxième car à toi je demande l’absolution de t’avoir ignoré.
J’espère recevoir un pli de ta part, ne serait-ce que pour m’assurer que tu es en vie.

Que Dieu dans Son infinie miséricorde, t’accorde Son aile et Sa protection.

    T.-L.


C’est comme un poids qui s’ôte de son âme, une amertume qui quitte sa bouche.
A plein poumons, le brun prend une large goulée d’air.
Il est le noyé qui remonte à la surface et s’abreuve enfin d’oxygène.
La deuxième missive sera moins éprouvante et douloureuse que la première.



Citation:
    Frère Drak,
    Pax Tecum*


Je t’avais précédemment écrit de ma venue imminente chez les franciscains et de mon choix de rejoindre cet ordre, c’était sans escompter quelques conflits qui enferment les terres de Bretagne dans un nid antiroyaliste et un brigandage où au procès je me suis fait accuser d’être un type louche aux mœurs légères, moi je dis, vive la Touraine. Actuellement au Poitou, en route pour le couvent, et pour de vrai cette fois, j’espère arriver bientôt dans cette fraternité dont tu m’as si souvent loué l’accueil, enfin si d’ici là, mes compagnons de route et moi-même nous ne rencontrons pas d’armée qui nous prenne pour des terroristes antis Grand Duc.
Prie pour nous, frère, pour que rien de fâcheux ne nous arrive.

Que Dieu dans Son infinie miséricorde, t’accorde Son aile et Sa protection.

    Frère Théo


Pli scellé et envoyé.

*Paix à toi
Judas
[Nevers]

Parmi les plis matinaux, il en est une qui arrache un hoquet de stupeur à celui qui le tient d'une senestre chevrotante. Là, bien posé dans son siège, Judas étouffe un sanglot d'émoi , étranglé de surprise et d'incrédulité. Théobert. Comme la vision d'un fantôme du passé, une sueur froide vient faire frissonner le corps entier du lecteur au fur et à mesure que les prunelles sombres parcourent l'écrit. Il reste figé longtemps, pétrifié et partagé entre l'envie de vite trouver une réponse et celle de laisser tomber le pli dans l'âtre non loin. Dualité qui se bat longuement sous les mèches longues et brunes qu'il ramène en arrière, se tenant le front dans sa paume moite. Finalement, les mots viennent, et comme une fissure qui laisse couler ce qu'elle couvait l'envie et le besoin de répondre l'étreint, Judas épanche une vieille soif qui l'a tenu longtemps en apnée.


Citation:
    Théobert,

    ce que l'on m'a rapporté était donc vrai, tu es toujours envie. Je ne sais si cette nouvelle me réjouit, car elle m'apporte quelques sinistres conclusions sur tout le temps qui a marqué ton absence. Je vois que tu ne signes pas ta lettre, faut-il que l'on ne tire jamais assez de leçon de nos désillusions. Renier ta famille est une injure , tu es de ceux qui se détournent des leurs et dissimulent leur nom, et pour cet affront je ne sais si j'ai les mains qui tremblent de colère ou de mépris. J'ai bien lu chaque lettre, chaque mot, je n'ai rien cherché entre les lignes, je crois que cette missive est claire. Et c'est sous cette offense que tu mande le pardon, sais tu seulement qu'en passant sous silence tout ce qui a ébranlé notre famille et en t'éloignant des tiens tu as oublié ton sang, celui même qui a coulé, celui de notre soeur.

    C'est donc ainsi que tu montres ta bravoure, en agissant comme un couard, tu es lâche et le dernier des pleutres Théobert. Mande le pardon à ton Dieu, qu'il m'en soit témoin, je ne peux croire que tu aies tant d'orgueil pour être si sûr que je fasse le second pas. Le royaume que tu retrouves est à l'image de ton geste, de tes actes. Il a été délaissé aux mains d'hommes et de femmes qui n'ont su que taire les problèmes, laissant gronder les clameurs de conséquences irréparables. Des hommes qui n'ont jamais su prendre les problèmes à bras le corps et on préféré fuir pour se sentir moins coupable. Garde ton pardon Théobert! Je n'en veux pas! Je me suis habitué à vivre sans le frère qui m'a toujours tenu coupable de la mort Marie. As-tu ne serait-ce qu'une seule fois pensé que le poids de mon tourment était en soit une punition assez lourde? Où étais tu lorsque je l'ai portée en terre, sais tu seulement où elle gît! Que me reproches-tu si ce n'est de l'avoir trop aimée...

    Préserve toi va, j'ai trop attendu un mot ou un signe pour ne pas être amer, j'ai essuyé deux pertes simultanées le jour où tu es parti. Si c'est la rémission que tu recherches, considère que ma lassitude et ma peine ont depuis bien longtemps achevé la rancoeur que je te portais. Je ne garde qu'un mauvais pincement, cette surprise absurde de lire tout ce que l'on sait déjà et qui n'est jamais qu'écrit, des années plus tard. Pendant que tu as pris le temps de m'absoudre, moi je me suis brulé les yeux à trop lire l'épitaphe fraternel, et chaque jour pendant longtemps je me suis demandé ce qui nous avait mené à cette défection. L'abandon de notre innocence, certainement.

    Vois tu, moi je n'ai pas bougé, et mes racines sont toujours bien ancrées dans le sol de Bourgogne. Je suis un Von Frayner, et aussi longtemps que je vivrai l'on saura où me trouver.

    Judas Gabryel Von Frayner


Il savait en confiant le pli à une esclave, que le retour de ce frère saint et maudit à la fois aller changer son quotidien, quand bien même ils ne se verraient plus jamais. L'idée d'avoir des réponses prenait le pas sur le reste. C'est en concluant que la fuite de Théo était dû à la haine qu'il lui portait qu'il avait pris le parti de ne pas le poursuivre. Pourtant, jamais ces mots n'avaient été prononcés par son frère devenu fervent éclésiastique, le laissant avec le silence de quinze années de néant et d'absence. Par tout temps les deux hommes avaient cultivés une différence certaine, et s'étaient forgés des caractères et des convictions paradoxales. Deux enfants qui ne jouaient pas aux mêmes jeux fascinant un peu l'autre, admirant ce qu'il n'étaient et ne seraient jamais par leurs images interposées.. Celle de leur soeur revint comme un coup de poing, lui qui avait promis de ne plus aller la pleurer au cimetière eut une envie terrible de se désavouer.

Ce qu'il fit, Judas restait toujours le moins sage des deux.

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Nous sommes les folles plumes des inspirations sans règles... Entrez dans la danse.
Theobert_lazarus
[Anjou on meurt]


Avec Judas, on n’aime pas… on se déchire jusqu’au sang, jusqu’aux larmes, jusqu’à atteindre l'ultime et divin souffle.
L’aimer c’est une mise à nu abrupte de l’âme de la plus cruelle des manières, on s’écorche vif et pourtant on consent à tout sacrifice... rien que pour lui.
Judas, c’est l’Amour & la Violence.


    « Judas,
    Dis-moi ce que tu penses,
    De ma vie, de mon adolescence,
    Dis-moi ce que tu penses,
    Moi j'aime aussi l'amour et la violence *»
    - S. Tellier


Page blanche et encre noire.
Nuits blanches et broie du noir.
Les paupières du moine sont lourdes d’avoir pleuré, d’avoir imaginé à maintes reprises ce qu’il serait advenu si…
S’il ne les avait pas surpris.
S’il n’était pas parti.
S’il son cœur n’avait pas été gangréné par la colère.
SI !

Revivre par les souvenirs les années d’insouciances, à la saveur surannée et doucereuse de l’enfance.
C’est le vide qui le happe, comme un vertige d’entendre tous ces rires, l’affliction peut prendre d’étranges traits. La dolence est palpable dans son ventre, dans la cage thoracique comme un poids qui l’écrase.

Judas. Maudit sois-tu.
Maudit sois-je !
Autant l’aîné est séducteur, entreprenant, téméraire, et arrogant autant le cadet est inquiet, effacé, maladroit, couard, et aussi doué en contacts avec ses semblables qu’une huître échouée dans une portée de chatons.
L’un est noir, l’autre translucide.
Lui c’est le revers de Judas, son antithèse, qui croiserait ces deux êtres-frères ne leur trouverait rien de commun.
Rien.
Juste les liens invisibles du sang et d’un nom.

Longues sont les heures restées, le dos fourbu et courbé, sur le parchemin aussi vierge que son esprit s’entachant de mille pensées. Des millions de brouillons de lettres entamés, raturés, suspendus sur le fil imaginaire du nid douillet de sa caboche. Son âme incandescente brûle de lui répondre et pourtant la main reste inerte ne s’alarmant d’aucun mouvement hormis l’hésitation.
Notre charmant moine, tout grand dadais qu’il est, se retrouve comme au temps où minauds, le pouvoir de Judas corrompait toute sa volonté, annihilait toute rébellion d’un seul et unique reproche. Comme si le fait de LE décevoir lui, était le pire de tous les maux, pire que de se faire battre jusqu’au sang, pire que de se faire injustement punir, pire même… que le jugement de Dieu.

Enfin se dessinent les premières lettres, le premier mot. Son nom. Il faut bien commencer par quelque chose non ?
Soupir.
Les phrases se bousculent en désordre, cohortes indociles qui ne veulent plier à leur maître.



Citation:
    Judas,

Mon frère, ma seule famille, au-delà de notre appellation commune, il y a le sang et je porte bien plus d’importance à ce liquide carmin, source de vie et de mort que nous partageons, qui à jamais s’écoule en nos veines, plutôt qu’au nom prestigieux de notre famille.
Dois-je te rappeler que je suis le dernier né, que l’inutile cadet, le nom incombe à toi, tu dois le l’élever au plus haut, c’est à toi de le perpétuer dans une digne et vigoureuse descendance.
Alors non je n’ai point signé de mon nom, je supposais (stupidement peut-être) que tu le connaissais et qu’ayant partagé les douces années que nous a offert l’enfance, je pouvais m’abstenir d’un protocole guindé.

Peut-être ne donneras-tu pas suite à cette lettre, j’ai failli moi-même ne pas poursuivre un échange épistolaire avec celui qui m’est si étranger à présent. Toi.
Je pourrais bien essayer de t’expliquer les années d’absences et de silence, le besoin impérieux que j’avais d’oublier cette douleur, de grandir par moi-même et point dans ton ombre. Tu ne pourras jamais saisir ce qui m’étreint le cœur en ce moment, ton caractère n’a pas la faiblesse du mien, tu m’as assez souvent mis sous le fait accompli que je n’étais pas fait du même métal que toi.
Je t’entends encore me sermonner : « trop tendre, trop sensible, trop mou, trop velléitaire… »
Tu avais raison… tu as encore raison… c’est ce que je suis. Un homme de paille, un homme de failles et de fêlures car grand frère adoré, je ne suis qu’un pastiche mal imité de ce que tu es toi, le fils de rechange… l’enfant « au cas où » sans trop d’importance…

Et même si mon cœur est empli de compassion, je ne peux faire celui qui n’a rien vu. Je ne peux faire abstraction à cela. C’est le pécher que j’ai vu dans vos gestes, dans vos regards… c’est l’inceste que vous avez scellé dans l’acte. Peut-être j’ai gardé quelques jalousies de cet amour là, du vôtre.
Sais-tu Judas, j’ai bien plus perdu qu’un frère et une sœur dans cette sombre histoire, j’ai perdu mon model, ma ligne de conduite, mes repaires et une parcelle de mon âme. C’est comme si à vif on m’avait arraché des lambeaux de chair… alors je suis parti, pour soigner mes plaies.
Ce fut la plus grande erreur, au-delà de ma stupide colère contre toi.

Je vais m’en tenir là, cette missive n’a pas le but de te donner des nouvelles de mon quotidien sans intérêt, elle n’a de but que de t’assurer de ma présence.
Juste te dire que je suis là.
Quelque part.
Je suis là…
… et je te garde dans mon cœur, dans mon âme comme une écorchure.

Une fois, j’ai fait l’erreur de m’éloigner, point deux.

Ainsi à Dieu je te confie, de corps et d’âme par mes répétées prières.

    T.-L.



Le coeur est toujours aussi lourd mais l'âme est gorgée d'espoir alors que le vélin s'en va sur les pas du fraternel.
Judas
Cinq mois. Cinq mois avaient passés depuis la lettre coup-de-surin que Judas avait envoyé en réponse à celle de son frère. Emporté par sa colère ou l'émoi terrassant que les mots de Théobert avaient éveillés en lui, Judas avait fait détruire la tombe de leur soeur, usé d'avoir trop ployé le genoux à sa pierre ou simplement gangréné de tristesse. D'un revers de main aux écus rutilants, le seigneur avait balayé l'objet délictuel d'un conflit qui était né et mort le jour ou Marie était passée au trépas quinze ans plus tôt. Le temps avait repris ses droit, décantant le trouble saumâtre qu'avait révélé la lettre pavé-dans-la-mare de Théo. Judas n'avait pas cherché à connaitre sa villégiature, imaginant que les mots inattendus n'avaient été que coup d'éclat douloureux et que la vie reprendrait son cours plus ou moins paisible... A l'image de sa personne.

Mais le destin est un brin cynique. Une réponse s'égara, malheureuse, par delà les murs de Petit Bolchen, Judas en ligne de mire. La lettre ne fut cette fois pas détruite mais méditée. On ne compta pas les heures que prit cette méditation introvertie ni les précautions dont l'homme usa pour dissimuler ladite missive aux yeux curieux que pouvait abriter le castel.


Citation:
Fais donc, confie moi à dieu, prie! Si le but de ton retour est de me dire que tu es là, soit! Reste-y.


Rature.
Citation:
Ecorchure, c'est toi l'écorchure. J'ai fait un rêve Théo. J'ai rêvé que tu avais des couilles.


Rature.

Citation:
Ne me dis pas ce que je me dois de faire, quand tu as toi même manqué à tous tes devoirs...


Rature.


Citation:
Qu'as tu vu Théo... Qu'as tu vu qui ne soit que l'expression de ce que nous n'avons jamais voulu montrer... De ce qui nous appartenait.


Rature. Car il avait vu. Vu quoi, où, quand! Il avait vu. Toutes ces années après, l'idée d'avoir été pris sur le vif, mis à nu, découvert, surpris piquait. Piquait fort. Oh, Judas n'en avait pas rougit, et ce n'est pas la honte ou le remord qui le tenaillait. C'est le souvenir encore cuisant de cette bouche, de cette peau, de ce corps qui lui appartenait et qui l'avait modelé et grandit, élevé à la force de mille filins de pantin.

Malgré tout, cette réponse en appelait d'autres. Le frère absent levait le voile sur le néant des non dits. Epuisé de ne trouver les mots justes, le satrape laissa finalement suinter sa plume de façon désordonnée si ce n'est grossière, exprimant le brouillon confus de ses pensées heurtées.


Citation:
    Je ne sais,

    que veux tu Théo, moi je ne sais plus quoi dire. Et que faire, dois-je agir ou laisser mourir, que veux tu Théo, je crois que la fraternité ne fait pas de vieux os. Ta colère est feue ma colère, tu te couches sur des braises que j'ai depuis longtemps cessé de souffler. Ha sais tu seulement combien elle me manque, sais tu que je l'ai cherchée chez toutes les autres, et si ça t'écorche l'esgourde je n'en ai cure, l'après ne fut qu'une immense rature. Alors va Théo, fais ce que tu veux, ce qui te soulage... Elle n'est plus, et tu as déserté. Je suis seigneur désormais, ma solitude en meilleure compagne. Ma vie est ce qu'elle est, un peu bancale, un peu vandale, mais elle s'est forgée sur des actes et d'autres qui n'ont jamais été faits. Je ne sais, que veux tu Théo, moi je ne sais plus quoi dire. Et que faire, dois-je agir ou laisser mourir, que veux tu Théo, je crois que la fraternité ne fait pas de vieux os.

    Judas Gabryel Von Frayner


Retourne d'où tu viens...

Aumonière lancée pour l'attente, le messager avait certainement compris qu'il était aussi payé pour ne pas ouvrir la bouche.
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Nous sommes les folles plumes des inspirations sans règles... Entrez dans la danse.
Theobert_lazarus
« Il n'y a que ce satané souvenir (le sien ou celui des autres) qui arrive à confirmer la réalité d'une existence. » - Robert Blondin


Miserere mei, Deus…*

Avec rigueur, le psaume s’élève dans le silence de l’édifice saint. Une voix douce, teintée de mélancolie. Oui « *pitié de moi, mon Dieu… », occulte les affres du doute de mon cœur, raffermis ma foi, et ne m’abandonne pas dans les égarements de la tentation.
Encore une fois il a pris la fuite dans son isolement prenant l’excuse de sa dévotion.
Dieu pour alibi on ne fait pas guère mieux pour éviter toute discussion avec sa mercenaire, et ainsi éviter de raviver la fièvre qui le consume, des entrailles au derme.
Incendie de chaque nuit où sa pensée se pervertit en miasmes licencieux, où des larmes d’abdication s’échouent sur ses joues creusées par l’insomnie.
Chanter les cantiques pour oublier que lorsque rendu fou, enivré de ce désir latent et létal pour elle, il se laisse aller, capitule dans la volupté sismique du solitaire.
Il en a honte, et même la discipline de chanvre et le cilice qui le mettent à sang arrachant des lambeaux de chair ne suffisent plus à détourner son âme de son obsession.
La torture du corps pour soulager l'esprit.
Et pourtant...
Elle.
Elle et ses yeux verts.
Elle et ses boucles de jais.
Elle et sa bouche rieuse.
Elle… toujours et encore, jusqu’à l’épuisement, jusqu’à l’extinction de sa volonté.

Et quand la voix s’éteint, c’est, désespéré que le moine prend la plume et s’abîme le regard dans le demi-jour qui décline pour tracer avec soin les lettres qui distillent son agonie. L’appel succinct d'un « au secours » caché au milieu de banalités.



Citation:
    Si tu ne sais, comment moi l’imbécile peut-il savoir ?


Je suis l’ignorant et toi l’homme de sagesse, j’ai par le passé porté un jugement hâtif sur cet amour dont je ne voyais que l’interdit, l’acte dévoyé. Dans mes jeunes années je me suis toujours représenté l’existence soit blanche, soit noire avec leurs limites bien distinctes et les personnes soit bonnes, soit mauvaises mais mes errances et les rencontres que Dieu a mis sur mon chemin m’ont ouvert les yeux.
Il n’y a qu’une vérité, ce n’est ni la mienne, ni la tienne mais seulement celle de Notre Seigneur, la vie n’est ni blanche, ni noire, elle est chamarrée, brillante, et ses nuances colorées si nombreuses que je serais un sot si je m’employais à les énumérer et à les quantifier. Et qui suis-je pour juger de la valeur d’un homme par ses actes alors que je suis incapable de sonder le cœur de mon propre frère.
J’ai appris récemment à mes dépends qu’il y a des sentiments difficilement niables et peu importe qu’on les cache ou les ignore… ils sont là et se rappellent à toi avec une assiduité amère dans la poitrine, te brûlant l’âme sans aucune reddition possible.

Alors oui, je pourrai me dire, à quoi bon insister à me rapprocher de ce sang si étranger maintenant.
A quoi bon… et laisser les choses en état, attendre que dix années ne passent en me murant à nouveau dans ce mutisme qui est pour moi comme une seconde peau. Me complaire dans ma solitude qui est un vice récurrent depuis mes primes années, Judas, toi qui as connu l’enfant, voit l’homme guère différent sur ce point.
Alors si toi tu es le feu, qui embrase, brûle et devient cendre, moi je suis ton contraire, je suis l’eau, m’infiltrant dans la moindre des brèches qu’aura ouverte cette relation épistolaire et si je peux apaiser ne serait-ce qu’un peu le brasier, je le ferai.

Judas, malgré le fait que je vive presque cloîtré en Anjou, j’ai entendu parler d’escarmouches dans notre beau pays, te sachant attaché à la Bourgogne, je ne serais pas étonné que tu aies porté haut le fer pour la défendre, ce dont je m’inquiète. Je t'adresse à Dieu par mes prières dans l'espoir que rien de fâcheux ne te sois arrivé.
Et si même je n’ai rien à te demander, des nouvelles encore moins qu’autre chose, j’en souhaiterais de ta part.
Si tu ne sais plus quoi dire, moi j’ai envie de croire.

Ainsi à Dieu, je te confie dans chacune de mes oraisons.

    Théobert-Lazarus
Judas
En Anjou. Il vivait en Anjou. cet Anjou qui l'avait vu passer trois jours auparavant. Alors allongé sur sa couche dans l'exigu de la petite cabine de la Cardabella Judas imaginait qu'il l'avait croisé sans le voir. Cet homme de dos dans la petite ruelle de son appartement, ne pouvait-ce pas être lui? Et celui qui avait fait tomber ses pommes sur le parvis de l'église andégave, n'aurait-il pas pu être son frère? Alors oui, tous ces hommes dont il n'avait pas daigné observer le visage, ces passants, ces chalands étaient Théobert, ou l'inconnu qui avait pris sa place.

Dieu que la France est petite. Dieu a gardé Théo. Il l'a gardé pour lui, bel égoïste, il se l'est approprié et ne le rendra plus jamais à personne. Si Théo a connu le sentiment d'amour, alors ce ne peut être qu'un homme malheureux sous la toge de son dieu. La lettre suinte la grisaille d'une cellule de monastère, Dieu a gardé Théo. L'ignorant , l'imbécile, le sot , l'incapable, ainsi s'est effondrée sa dignité. Dieu a gardé Théo, et sa fierté avec. Il est des dettes qui ne se règlent pas d'argent mais de ce que l'on possède de vivant, ne serait-ce que cette infinité de gaieté à jamais cédée.

J'ai souffert de ton abandon, tu as souffert de n'être qu'un lâche. La page se tourne.


Citation:
    Frère Théobert,

    du fond du plus impénétrable des cloitres jamais l'homme à la conscience peu tranquille n'échappera à la douleur de ses instincts. Si tu as cru trouver en tes prières quelques moyens d'éviter ce qui te garde un tant soit peu humain, tu t'es leurré. Dieu prend des sujets, il ne change pas pour autant leur nature. Et si je ne t'envie pas, ne m'envie pas non plus. Quel sage suis-je lorsque je passe mon temps a faire du mal à ceux qui me sont fidèles? Non, frère, je n'ai pas pris les armes, j'ai pris le temps de me protéger de retombées politiques en laissant passer l'orage. D'ailleurs les blessures qu'on subit mes servants lors de déplacements anodins n'ont été sans doute que de vagues châtiments pour ma passivité et la préservation de mes intérêts. Aujourd'hui mes devoirs me rattrapent, je ne cherche plus à m'y soustraire. Des solutions pour pallier à mon manque diligence viendront en leur temps, je suis confiant. Je n'aurai sans doute jamais ta capacité d'empathie ou de regret, si ce n'est pour ces vieilles histoires dont nous avons je crois assez parlé. Je pourrai te conter tous mes travers, mais je crains n'avoir trop de pudeur pour cela. La tranquillité d'esprit commence par l'acceptation de soi. Je doute que tu la pratique, Théo, et pourtant qu'il est bon de se laisser aller. Dans quelques jours vois tu je prendrai pour épouse une bien jeune damoiselle, parait-il que mon temps est venu. Je ne t"y convierait pas. J'ai encore assez de respect pour ne pas te laisser assister à une telle mascarade. Et d'après toi Théobert, qui des deux saura le mieux l'accepter? Elle ne sera pas Marie, ni même ces sentiments difficilement niables comme tu te plais à les appeler et qui n'épargnent personne loin s'en faut... Pourtant je ne me priverai pas. Alors suis-je plus sage que toi... Qui de l'imbécile et de l'obstiné rejoindra la béatitude de la fin avant l'autre?

    Demande-le lui Théo.

    Judas Gabryel Von Frayner.


Lettre remise une fois a terre, revenu sur le sol Bourguignon, fin du mois de Juin 1460.

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