Afficher le menu
Information and comments (0)
<<   1, 2   >   >>

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[ RP] III. Expiation

Anaon
" Maudite soit la nuit aux plaisirs éphémères
Où mon ventre a conçu mon expiation ! "

      - Charles Baudelaire -


    L’hiver avait été avare en neige, offrant au pays plus de pluie que de flocons, mais Janvier était arrivé avec sa vague de froid et de gel. Les flaques sont devenues verglas et les campagnes se sont nappées d’un voile blanc de givre. On croirait que le temps s’est arrêté, là, enchâssé dans une prison de cristal. Sur une route perdue entre l’Anjou et la Bourgogne, le vent ne souffle pas. Sur le versant boisé, les branches des arbres nus semblent se coucher sous le poids du gel et dans le fossé qui devait être il y a longtemps le lit d’une large rivière, il n’y a plus qu’un menu ruisseau devenu muet. Le monde ne respire plus, le silence triomphe… Silence? J’ai dis silence?

    _ Raaah! Visgrade, tu commence à me les briser sérieusement là!!

    Sur la dite route pommée quelque part dans le royaumes de France, il y a Judas, Nyam et Moran qui voyagent ensemble… et il y a l’Anaon… qui bataille quinze mètres derrière.

    Et on peut dire que çà brasse! Voilà plusieurs jours que la balafrée est en constant bras de fer avec son insupportable monture. Le rétif n’a jamais toléré la proximité d’autre chevaux en marche et encore moins celle d’autre mâle. La mercenaire est condamnée à cheminer en retrait pour éviter d’exciter les autres équidés. Autant dire que l’ambiance et à la fête. C’est que du haut de ses seize printemps, la mercenaire avait espéré que ses humeurs de jeune étalon fringuant se seraient calmées, mais à défaut d’être sage, l’entier tourne en carne. Renâclement nerveux. Le dit Visgrade ne manque pas de faire prévaloir ses origines ibériques. Et vas-y que je t’envoie du pâté en piaffé! Et que je fais le cake avec mon avec mon encolure arrondie! Autant la cavalière on peut la juger modeste, autant son canasson est un péteux de première.

    Les mains s’affirment sur les rennes, l’étalon s’encapuchonne, les jambes sévissent. Il aime pas, l’isabelle quand l’Anaon s’énerve, il renâcle, couche les oreilles comme un chien grognerait. Mécontent, le sabot claque sur le chemin. Elle a la main douce, mais l’ordre intransigeant. La balafrée sait se montrer patiente mais là, de patience elle n’en a plus depuis un moment. Voyager avec un cheval qui piaffe sous la selle c’est éreintant, mais dans son état c’est d’autant plus insupportable. On a beau tenter de cacher cinq mois de grossesse sous des corsets serrés à l’outrance, le fait est là et la fatigue qui va avec aussi. Sur le visage d’albâtre les traits sont tirés, l’œil est terne. Le corps est rompu par les courbatures et elle commence sérieusement à maudire le pommeau de selle qui lui rentre dans le ventre à chaque fois que son cheval fait un bond de travers. Parce que oui, quand Visgrade est nerveux, la moindre poussière qui vole est un prétexte pour tenter de faire voler sa cavalière.

    Le mors claque une nouvelle fois contre les dents du rétif. Les lanières de cuir s’ourlent d’écume sur le poil doré. C’est qu’à force d’écart, il va bel et bien finir par la foutre dans le fossé.

    _ J’vous garantis que ce soir on va bouffer du cheval !!!

_________________

Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III - Montage LJD ANAON----[Clik]
Nyam
"Les esclaves perdent tout dans leurs fers, jusqu'au désir d'en sortir." Jean-Jacques Rousseau

Nyam fermait les yeux avec soin. C'était le seul moyen qu'elle avait trouvé pour atténuer ses nausées. Il faut dire que monter à cheval n'était pas son moyen de transport préféré, et qu'elle aurait aimé rester avec le reste des serviteurs et les bagages... Mais le Maître la voulait avec lui, aussi était-elle installée en croupe d'un des cavaliers, lequel, elle ne le savait plus, il faut dire qu'elle n'y avait guère fais attention, se sentant un peu mal depuis leur arrêt dans la dernière auberge et sa sortie sous la pluie orchestrée par la perfide Iris. Quoi qu'à l'instant même, elle aurait préféré subir les remontrances et les piques mesquines de cette dernière, assise dans la petite charrette qui transportait les affaires du Maître.

Quand on a les yeux fermés, notre attention se porte sur nos autres sens. Son odorat ne lui était guère utile vu son nez bouché par le probable coup de froid qu'elle avait pris. Le toucher guère plus, ses bras fins étant passé autour de la taille du cavalier qui l'avait pris en croupe, sans trop serrer pour ne pas être une gène, ne souhaitant pas à avoir à faire le chemin à pied aux côtés des chevaux.... Quoi que cela aurait le mérite d'arrêter ses nausées... Le goût... Et bien le goût ne lui apprenait que ce qu'elle s'avait déjà, la bile lui étant monté par deux fois aux lèvres, sans les franchir, de peur de salir les vêtements du Maître si c'était lui qui la transportait en croupe, ou ceux de Moran, cet homme étrange au service du Maître et qui l'effrayait un peu...

Il ne restait que l'ouïe, et ce n'était guère instructif... Elle n'entendait que le pas des chevaux, celui de son Maître sans doute, celui de Moran bien sûr, et celui de la femme... Ou peut-être pas... Elle n'était pas sûr car le bruit était un peu lointain... Jusqu'à ce qu'un juron et une phrase de colère claqua dans le silence glacial... Ah... Elle était donc toujours là, mais visiblement en arrière. Pourquoi ? Nyam n'en avait aucune idée, et avec la nouvelle vague de nausée qu'un écart du cheval provoqua, elle n'avait guère le temps de s’appesantir sur la question.

Le mouvement entraîna une traction sur sa chaîne en argent, reliée à son collier, que le cavalier devant elle, qui qu'il soit, avait noué à son poignet, histoire d'éviter qu'elle ne tente d'elle-même de descendre de selle... Ce qui aurait été très idiot de sa part, vu la hauteur, elle se serait probablement rompu le cou en tombant. Une grimace de douleur crispa un instant son joli visage de poupée de porcelaine, mais elle l'effaça bien vite... Elle n'avait pas le droit de se plaindre... Elle n'était qu'une esclave après tout...

Et quand bien même sa chaîne lui aurait été ôtée, où irait-elle ? Le Maître avait détruit sa maison... Et puis sa vie de maintenant était un peu mieux que celle d'avant... Sauf en cet instant peut-être... Car elle avait froid, transie sur la croupe de la monture, qu'elle se sentait mal et sur le point de s'évanouir...

Nyam resserra sa prise autour de la taille du cavalier inconnu qui la transportait, et se concentra sur sa respiration pour ne point perdre connaissance... Cela aurait été dramatique, elle se serait pendue avec son propre collier d'esclave... Elle avait hâte qu'une halte soit demandée.

_________________

*Frédéric Régent, Historien
Judas
En seconde position, Judas soupire. Aimer les femmes, c'est accepter leurs défauts et leurs failles. Leur fragilités et leurs faiblesses. Là en l'occurrence, le manège de l'Anaon sévit depuis un petit moment, et bien qu le seigneur s'applique à feindre une concentration sur leur progression et sur le chant des oiseaux, il est clair que l'impatience le gagne. La dernière réplique de son amante lui fait crisper les zygomatiques, la senestre tire sur le coté les rênes d'un geste impulsif. Tord l'encolure, le palefroi fait volte face dans un mouvement nerveux, le crin fouette l'air et les sabots claquent en écho.

Alors! Je le ferai abattre en Bourgogne si le voyage doit perdurer de cette manière!

Le regard est implacable, tout gentilhomme que puisse se montrer en public le Von Frayner, sa sensibilité s'exacerbe parfois au contact de détails qui survenant au mauvais moment laissent poindre une âme profondément directive. Les lèvres minces ne jouent pas d'ironie, le désir d'anéantir ce qui se dresse sur sa route couve toujours. La procession stoppe ainsi, là perdue au milieu de nulle part. Judas s'avance à la hauteur de la Roide, laissant son palefroi envoyer les dents avec autant de hargne qu'il menace. Et tout précieux qu'il soit, l'animal ne valait rien aux yeux froids du seigneur, seuls les iris sombres interrogèrent ceux d'Anaon. Premier tumulte depuis le début de leur relation, une façon de ne pas oublier comment les complémentaires peuvent aussi diverger. L'animal restait souvent à l'image de son maistre...

Soucieux de ne pas donner trop d'importance aux frasques de la beste, Judas se détourne pour reprendre le rang, sommant d'un geste la reprise du convoi. Anaon était enceinte, et de cette grossesse la mercenaire ne semblait rien vouloir garder. Il n'était pas insensé de penser que la nervosité qu'émanait en aura la Roide touche l'animal et parasite sa souplesse. Regard torve à Nyam, tout à point de l'avertir des conséquences d'une erreur stomacale. Seul Moran savait rester l'égal appréciable et apprécié des besoins taciturnes du Von Frayner. Annonce résignée:


Nous ferons halte à bon port.

En somme, que les femmes se gardent de quémander le repos qu'elles n'offrent pas.
_________________
Anaon
    A force de brasser, il fallait bien s’attendre à ce que le Von Frayner craque. Chose faite, la patience est rongée et l’Anaon soutient le regard qu’il lui porte par pur principe. L’envie de réplique n’est pas là, déjà aux prises avec sa monture récalcitrante, elle ne veut pas avoir à batailler sur deux fronts à la fois. Le seigneur tourne les talons, la croupe de son palefrois suivit de près par les dents de l’ibérique prêtes à claquer. Trois coups secs sur le mors enraiyent son affront, le faisant reculer sur plusieurs pas et les jambes le relancent d’un coup brutal, coupant net toute hypothétique envie de se cabrer.

    Et la route reprend dans son calme tout relatif. Les mains féminines restent solidement fermées sur les rênes, bloquant tout mouvement de tête parasite de l’étalon. Même sous les épais gants de cuir, la peau tendre des doigts commence à pâtir d’être ainsi malmenée, se parant çà et là de quelques cloques bien placées. Les yeux se ferment, profitant de ce semblant de calme. De tout les voyages qu’elle ai fait durant sa vie, celui-ci restera gravée dans sa mémoire comme étant certainement le plus insoutenable. Le pire, c’est qu’elle n’en voudra probablement pas à sa monture, bien que son ingratitude présente lui ruine les derniers brins d’énergie qui lui reste. L’ibérique avait été une véritable horreur à débourrer, et dieux savent que des chevaux, l’Anaon en avait éduquer autant qu’un curé peut en bénir. Celui-là pourtant lui avait fait bouffer la poussière plus d’une fois. Trop sanguin pour faire un bon palefrois, trop peu de sang-froid pour être un destrier potable. C’est cette inconstance qui lui avait permis d’obtenir un si beau modèle pour une somme modique. Etalon racé, mais au caractère exécrable…. Autant dire une monture qui lui ressemble. Pourtant après treize années d’apprivoisement elle l’aimait, son caractériel, mais aujourd’hui, on dépassait largement la simple broutille de vieux couple.

    Yeux toujours clos, elle sent sous ses mains l’encolure s’arrondir. Le pied gauche sort de l’étrier pour shooter le nez de l’équidé qui cherche à lui gnaquer sournoisement la botte. A croire que Visgrade n’a pas encore compris qu’elle n’est pas née de la dernière pluie. Elle fatigue la mercenaire, comme jamais, et il la ruine, lui, là dessous, sous sa selle. Le pas est nerveux, mais il ne se contente que de grogner. C’en est presque reposant… mais c’était sans compter sur l’envol d’un oiseau qui fait vibrer l’air.

    Il n’en faut pas plus pour le rétif. La tête se redresse vivement, un écart et le voilà qui brasse de l’air faisait voler l’épaisse crinière grise en refusant obstinément d’aller de l’avant. Comédie!

    _ Gast* Visgrade! Kaoc’h,* kaoc’h ha kaoc’h

    Les oreilles équines s’affolent réellement quand les accents d’Armorique claquent dans l’air. C’est la goutte qui fait déborder le vase. Tout sang-froid explose, l’Anaon n’en peut plus de ses conneries! La dextre abandonne les rênes pour déloger la cravache de sa botte et la badine gifle les oreilles avant de battre le flanc du rebelle. Ah! Le cheval! La plus beau mensonge de l’homme! On croit l’avoir conquit, mais il suffit qu’il se rebelle pour nous rappeler bien vite qu’on est rien face à six cents kilos de muscles. L’ibérique s’entête, rue et même se cabre. Mais si les années ont conféré à la cavalière une assiette exceptionnelle, elles n’ont pas accordé au cheval la capacité de volé.

    Elle n’a pas le temps de comprendre, la balafrée, que les deux postérieurs ont glissés dans le fossé. Et c’est toute sa monture qui se dérobe sous elle.

    La chute et le choc, près de quatre mètre plus bas. Reflexe de tout lâché, elle s’éclate dans le ruisseau et roule sur le côté en un éclair, juste à temps pour entendre son cheval se fracasser à côté d’elle. Elle lâche un hoquet de surprise, la tête à moitié dans l’eau de peur de s’être prise une demie-tonne de muscle sur la tête. Le cheval brasse et elle roule, s’agenouille dans le ruisseau. Le monde lui tourne, son cœur s’emballe et elle croit l’avoir dans le crâne tend le sang tambourine ses tempes. La vision flouée se pose sur l’équidé déjà sur pied, mais le coup la force à baisser les yeux. Elle se perd dans une quinte de toux douloureuse qui lui arrache la gorge. Les membres perclus tremblent et l’incarnat pâle du visage se fait livide.

    Coup dans son ventre.

    Affolée, les paupières s’ouvrent brutalement. Ca lui brûle dans le crane et elle n‘arrive pas à reprendre son souffle! Sa main gauche cherche maladroitement à passer sous le mantel et force les liens qui retiennent le corset qui la fait suffoquer.

    Nouveau coup.

    La dextre se referme sur la caillasse qui jonche le lit du ruisseau. La mâchoire trémule, le teint se fait plus hâve encore. Elle a peur l’Anaon. Quand le ventre se libère, c’est un hoquet de soulagement mêlé de douleur qui s’extirpe de la gorge blanche. Azurites exorbitées, souffle sifflant, une main fébrile reste plantée contre le ventre rond. Terrifiée.

    Dans ses entrailles, l’engeance a mal.


* En breton
Gast: Putain
Kaoc’h: M.rde

_________________

Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III - Montage LJD ANAON----[Clik]
Judas
L'accident arrive toujours sans crier gare. Résigné, il avait fermé ses écoutilles aux jurons de la Roide, prenant la tête du convoi. Le souffle égal de son propre cheval avait su calmer ses ardeurs, et le manque de réplique de l'Anaon aussi. Marcher sur des braises, Judas savait faire... Mais la brûlure sournoise et persistante qui en résultait n'apportait jamais réconfort. Vite emporté, vite lassé, le seigneur reprenait vite son détachement naturel.

C'est lorsqu'il était au plus loin de ses pensées, perdu quelque part entre ses terres de Bourgogne et ses affaires angevines qu'il l'entendit. Le bruit de l'inéluctable. Lourd et fracassant à la fois, sourd et pourtant annonciateur du drame. La scène est brève, ce qui lui confère tout son coté impressionnant. Le Von Frayner se retourne, sans trouver le duo qui fermait la marche, le convoi se brise en désordre, aux prises de l'affolement. C'est en contrebas que tout se joue, dans les entrailles de terre ocre qui voient le seigneur chercher le corps désarçonné déjà pris de mille pensées macabres. Anaon le crâne fendu en deux, Anaon écrasée par le cheval...

Ann...

Lorsqu'il la rejoint enfin en foulées anarchiques, il l'agrippe, cherchant à voir son visage. Il est étrange de lire la peur instinctive dans les yeux d'une femme qui porte un enfant lorsqu'elle l'a en fardeau, lorsqu'il s'est invité et lui fait un poids de faiblesse. Comme si, qu'importe les projets qu'elle a pour lui, le droit de vie et celui de mort lui était réservé, et l'accidentel évènement formellement redouté. C'est ce que perçoit Judas dans l'iris froid de l'Anaon lorsqu'il vient la soutenir d'une main qui ne tremble que d'appréhension , tentant de la faire se relever pour mieux considérer ses blessures. Les doigts se lient, mais blessure apparente il n'y a pas... L'irréparable est ailleurs. Peut-être là, dans ce regard d'effroi.

Il fait signe à Moran d'éloigner la beste délictueuse, et son faciès ne laisse pas de place au doute quand à la décision qu'il prend en la jaugeant. Il la ferait abattre, et ce même si sa maitresse devait le lui reprocher jusqu'à la fin de ses jours. Il la ferait abattre à son insu, à leur retour en Bourgogne. Elle le détestera, qu'importe, il s'en fallut de peu pour que la chute soit mortelle. Un mauvais coup et c'est la vie qui s'éteint...


Nyam! Amène ma monture! Passe par le coté.

De l'index il désigne un passage pentu mais pas aussi abrupte que la hauteur de la fosse dans lesquels ils se trouvent, et la senestre elle évite soigneusement de se poser sur la panse arrondie qui pointe ostensiblement, délivrée de son carcan dissimulateur. Lâcheté, ne pas voir, ne pas savoir ce qu'il se passe en son sein, les femmes sauront s'en occuper... Lui préfère couvrir le sinistre présage, et le mantel vient glisser sur les épaules de la brune. On ne parle pas de ce qu l'on ne veut pas reconnaitre, on n'admet pas ce qui est voué à disparaitre.
_________________
Anaon
    Figée. Incapable de se relever. Le regard perdu reste rivé dans le voile du ruisseau. Sous le choc, elle n’arrive pas à aligner trois pensées dans son crâne qui la lance. Bouillie d’émotion étreint dans un amas de douleurs. Un visage s’approche, une main s’agrippe à son épaule. Les prunelles errent sur le visage de Judas sans le voir. L’attention s’est figée ailleurs, là, au cœur des chairs maternelles.

    Une main fébrile se cramponne à l’épaule du seigneur, comme une damné à son dernier fil de raison. Le corps se délie pour se relever et elle a croit que chaque os n’est plus que miettes. La tête lui tourne, tout le côté gauche de son corps est chauffé à blanc par la douleur. La dextre se resserre contre son ventre. Le regard s’alarme subitement.

    _ Mon cheval….

    Le prunelles vides cherchent par-dessus l’épaules le corps de sa monture. L’angoisse. Malgré la rage qu’elle lui vouait l’instant plutôt, elle oubli rapidement son état. Quand la peur se fait sentir, on efface bien vite toute rancœur. C’est son cheval, sa teigne, son " gamin " comme elle l’appelle, le dernier être qui lui reste " d’avant " et elle y tient comme à la prunelle de ses yeux. Grands dieux s‘il lui est arrivé malheur… Déjà la culpabilité lui agrippe le cœur. Dans le couple homme-cheval, le cavalier est toujours le coupable. Et elle le voit, plus loin, l’ibérique au poil d’or, fuyant la main de Moran.

    Les yeux se ferment alors, couplé d’un soupir. L’Anaon se fixe sur sa respiration qu’elle tente de calmer en vain et cherche à enrayer les tremblement qui ne cesse de faire vibrer ses membres. Chaque veine s’agitent, pulsant la chamade. L’esprit vacille un bref instant. La mercenaire flirt avec le néant.

    _ On s’arrête au prochain relais…

    Plus qu’une supplique, un ordre fragile dans la voix oscillante. Un " on " à prendre comme un " je ". L’Anaon ne continue pas, pas avec ces crampes, pas avec cette peur dans les entrailles et elle est prête à abandonner le groupe en cours de route s’il le faut. Une conversation qu’elle avait eu dans une taverne bretonne avec la rousse méprisée de Judas lui revient soudain en mémoire. Des mots sur l’indésirable et son crime: celui du déni. Et la fatalité qui risquait d’en découler…

    Nouvelle salve de tremblement. Nerveux, douloureux, de froid peut être, elle n’en sait rien. Tout est confus dans ses sens, seule l’envie irrépressible de s’effondrer lui est claire. S’allonger, dormir, faire taire la peur et la douleur. Renier ce qu’elle a tant provoquer, mais qu’elle redoute à présent.

    Les yeux s’ouvrent enfin parcourant l’abrupte qui l’a vu choir cherchant le chemin d’où ils pourront remonter. Sa main délaisse Judas et la mercenaire esquisse un pas malhabile. Moment de latence pour assurer son équilibre et la voilà qui s’apprête à aller chercher sa monture. Jambes droite boiteuse à ses heures, c’est maintenant épaule, flanc et hanche gauche qui se raidissent. L’Anaon se ruine à petit feu. Un jour il ne restera de la musculature souple qu’une poupée de chiffon.

_________________

Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III - Montage LJD ANAON----[Clik]
Nyam
Faisons un petit récapitulatif... Trois chevaux, trois cavalier et demi et une route interminable. Le Maître en tête, Anaon à l'arrière et Moran quelque part entre les deux... Quand au demi-cavalier, soit Nyam qui se trouvait en croupe du Maître, elle avait les yeux fermés pour tenter de garder son estomac et surtout son contenu à sa place. Exercice difficile si l'on tient compte du fait qu'elle a mal au coeur lors des chevauchée.

Nyam était donc installée en croupe du Maître, ses bras fins enroulés autour de la taille du cavalier, les yeux clos, avec à l'esprit la menace voilé du regard de son Maitre quand aux conséquences immédiate si elle venait à rendre son déjeuner sur le pourpoint neuf. C'est dans ses instants où tout semble figé que les choses se précipitent généralement, courant à la catastrophe le plus souvent.

Nous avions donc Nyam en croupe sur un cheval, et un instant plus tard, Nyam sur sa croupe en bas du cheval. Et le sol dur fut un rappel brutal à la réalité. La raison de cette chute ? Nyam la chercha de son regard azur, avant d'entendre le Maître l'appeler vivement, lui donnant l'ordre de... Et bien de lui apporter cette maudite bête au bas de laquelle elle venait d'être jetée. Mais obéissante était la Frêle, aussi s'empara-t-elle des renes de la monture, et se lança-t-elle dans la descente abrupte de la pente du fossé.

Après une glissade royale qui se finit dans une trainée de boue, soupçonnant ses fesses d'arborer un hématome magnifique, grelotante de froid à cause de l'humidité, Nyam rejoignit son Maitre et sa maitresse blessée.


Me voilà Maitre
_________________

*Frédéric Régent, Historien
Judas
Il jauge le pas chancelant de la Roide lorsqu'il daigne la laisser se défaire de ses bras, et avant même qu'une nouvelle chute ne survienne il la rattrape fermement. Sa main libre longe le flanc musculeux et son geste les rapproche de la beste que maintient la Frêle, docile.

Ne t'en fais pas pour ton cheval, Moran s'en occupe... Laisse-moi t'aider à monter.


Et sans lui demander son avis, il l'accompagne d'une forte poigne pour la hisser sur son palefroi, qui ne lui causera pas de tracas pour la route restante. Car même s'il élude le sujet il feront une nouvelle halte , du coté du Berry peut-être, bon gré mal gré... L'oeil suspect vient caresser la stature de son amante, ses mouvements semblent indiquer qu'aucune fracture ne couve, il lève les rênes des mains de Nyam pour les lui confier. Tenant sa monture au mors il remonte le pentu qui a couté cher et retrouve la platitude du chemin.

Reste au milieu, je vais monter Visgrade... Nyam, viens par là.

Les mains gantées ceignent la fine taille de l'esclave qui a suivit sans broncher pour la hisser sur le Visgrade lequel gratte nerveusement le sol et tire sur le Joug de Moran. Visage fermé, Judas retrouve ses instincts dominateurs lorsqu'il le monte, prenant court les rênes et éperonnant sèchement l'animal. Le premier coup devait être le dernier, sans quoi le duo serait voué à la mésentente définitive. L'animal montrait des signes évident d'excitation, oreilles couchées et pas désordonnés, ce qui lui fit dire immédiatement à la jeune blonde:

Tiens-toi.


Il ne se dévouerait pas pour une seconde chute, et Nyam était si légère que le vent même qui se levait semblait la faire trembler. Il ramena les menottes claires de la pucelle contre sa ceinture tout en vérifiant que l'Ibère ait repris le rang. Le cortège repris dans un silence de mort.

Il y eut le cri perçant d'un oiseau, et l'écho de leurs sabots en cadence. Il y eut la vision funeste d'une mise à mort et le rictus satisfait de Judas. Nevers ne tarderait plus, et l'exécution de ses souhaits non plus.

_________________
Nyam
A peine descendu dans ce maudit fossé, qu'il faut en ressortir... Ce fut en poussant un soupire résigné que Nyam escalada à la suite du Maître la pente glissante de ce trou du bas côté. La Roide était en selle sur la monture du Maître, et l'adolescente de se demander si elle allait devoir faire le reste du chemin à pied.

En fait, elle aurait sans doute préféré... Car quand son maître l'appela et qu'elle s'avança, il la prit par la taille pour la hisser sur la croupe de l'étalon capricieux, qui avait mis à terre peu avant une cavalière émérite... Alors une débutante comme elle, autant dire qu'elle n'avait pas une chance. L'animal commença d'ailleurs à broncher, mais bien vite, le Maître la rejoignit sur la selle, reprenant d'une poigne de fer la monture capricieuse.

Les mains gantées du cavalier devant elle, se posèrent sur ses mains fines à elle, pour l'enjoindre de bien se tenir. La chevauchée promettait d'être encore plus désagréable que précédemment. Le groupe se remit en route, la Frêle dissimulant son visage contre le dos du Maître, pour que nul ne vit son visage où s'affichait la terreur, essayant de ne point ni pleurer ni vomir, car elle craignait plus le courroux du Maître, qu'une chute à cheval. Seul son petit corps tremblant, collé contre le dos musculeux, témoignait de sa frayeur.

_________________

*Frédéric Régent, Historien
Anaon

    *

    Elle n’a pas le temps de répliquer que la main amante la tire vers l’autre monture et même si l’orgueil ne manque pas, elle n’a pas la force de tenir tête à Judas. Pour elle, rien n’était plus naturel que d’enfourcher de nouveau son étalon capricieux, pourtant la voilà juchée malgré elle sur la monture du seigneur. Une grimace lui crispe les traits quand elle prend place dans la selle et d’un revers de la main elle vient chasser les mèches humides et autres caillasses collées sur sa joue.

    La pente est remontée sous les directives de Judas et quand il lui parle de monter Visgrade la mercenaire se retourne sur sa selle, trop brusquement pour le corps endolori. Et le visage s’anime d’un nouveau rictus de douleur. Les azurites s’affolent quand elle voit le corps de la gamine hisser sur la croupe de l’ibérique. Une inspiration qui s’emballe et les lèvres qui restent ouvertes, béates. Descend-là! Ne le monte pas! Fais attention! Arrête! Tout veut sortir, mais rien ne se dit. Ce n’est pas la jalousie, mais bien l’inquiétude qui agite les prunelles féminines. Mise à part elle et la mâle-ratée, aucun séant ne s’est posé sur la selle de l’ibérique et l’Anaon craint que les réactions à deux ronds de sa monture ne mettent le duo au sol. Mais l’animal semble avoir été aussi secoué qu’elle par la chute, et l’œil blanc, il risque de ne pas résister longtemps à la main du Von Frayner.

    Le groupe s’ébranle de nouveau et le regard inquiet de la mercenaire se force à rester figé sur le duo qui la précède. La robe de l’étalon est blanche de sueur, mais après quelques minutes, rassurée par son calme, elle se laisse aller.

    Les yeux se ferment alors. La chute l’a assommée. Le mal dans son crâne est pareil à un cœur qui lui envoie une vague de douleur à chaque battement et c’est le pas du cheval qui la tient relativement éveillée. Qu’elle s’allonge et il lui faudrait moins de deux secondes pour sombrer. La main gauche repose mollement sur le large pommeau de selle et de la droite elle vient tâter son cou puis son épaule. Grimace. Rien de cassé semble t-il, elle l’aurait sentit. Déboité peut être, elle ne saurait le dire. En tout cas elle n’a pas besoin de palper bien longtemps pour y deviner les hématomes qui ne manqueront pas de taveler tout son coté gauche. D’aussi loin qu’elle s’en souvienne, elle n’a jamais fait pareille chute. Elle n’avait jamais cravacheé Visgrade de la sorte non plus. Qu’elle se blâme! En tout cas, le choc à eu l’effet d’une douche glacée sur le couple exaspéré.

    Ils continuent leur route dans un silence tendu. Quand bien même auraient-ils parlé que l’Anaon ne les aurait probablement pas entendu. Recluse derrière les barrières de son âme, tournée vers sa douleur, l’esprit s’est scellé sur cette main posée contre son ventre et sur la vie qui s’y bat. Ca se contracte. Tout son corps semble pulser de cette même souffrance lancinante. Chose rare, l’Anaon a froid. Le touché de ses vêtements humides est des plus désagréables et la peau d’ordinaire insensible à la fraicheur s’horripile à chaque coup de vent. Sa respiration s’emballe de temps à autre, accompagnée parfois d’un abominable frisson quand ses entrailles s‘agitent. Elle s’en persuade pourtant, c’est le choc, rien d’autre, juste le choc. Ca va aller.

    L’esprit ankylosé cherche à se concentrer ailleurs. Cette route, elle l’a empruntée plus d’une fois, elle connait les villes où elle mène, les hameaux qui la jalonnent et ses relais disposés le long de son tracé. Le prochain, si elle se souvient bien n’est pas loin. Quelques quarts d’heure. Peut être un peu plus, peut être un peu moins. Qu’importe, l’Anaon a décrété qu’elle y forcera la halte.

    Le voyage se poursuit tandis que la mercenaire se décompose à chaque pas de sa monture impavide. C’est alors que l’auberge modeste apparait, sur la gauche de la route. Enfin! Qu’elle soit bénie! S’il n’était pas autant crispé par la douleur, le visage de la balafrée s’illuminerait en cet instant. Sans rien demander, la mercenaire se redresse fermant les doigts sur les rênes. Obéissante, la monture s’arrête sans plus de manière. Visage fermé, mâchoire serrée à se les rompre, la mercenaire blême demeure un instant immobile, regard férocement fermé.

    Les pieds se délogent lentement des étriers et elle se laisse glisser plus qu’elle ne descend du palefroi. Elle atterrit sur le sol dans un hoquet de douleur et l’échine se tend d’une crispation soudaine. Rien. Ce n’est rien. Déni. Le déni jusqu’au dernier instant.

    Les paupières s’ouvrent pourtant. Le cœur loupe un battement. La pensée trébuche.

    Une main fébrile vient effleurer la selle puis s‘en retire, tremblante. Le visage sans âge s’affaisse soudainement sous le poids des ans et des peurs primaires. Vision d’horreur.

    _ Une chambre…

    La mâchoire tremble, la voix est un murmure en détresse. Toute la carapace qui fait d’elle Anaon se fissure puis se brise. Angoisse. L’angoisse la plus viscérale.

    Sur le cuir de la selle, les eaux se mêlent au sang.

_________________

Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III - Montage LJD ANAON----[Clik]
Judas
Une chambre. L'arrêt imposé de toute manière ne laisse pas de place à la protestation. La Roide veut une chambrine, elle l'aura. Il met pied à terre pour l'aider à descendre, faisant signe à Moran de s'occuper de Nyam. Sang froid, trop froid, lorsqu'il découvre les stigmates de la chute en trainées morbides sur le cuir. Anaon est moribonde, Judas la prend en mariée, visage fermé. Du pied la porte est poussée, passée, et la voix cassée ordonne.

Une chambrée! Avec trois couches.

Sans doute aura-t-il fait impression au taulier, car sans rechigner ni poser de question sur la femme a demi évanouie il les devance pour ouvrir une porte. Les yeux pourtant eux sont curieux, et le regard inquisiteur. Le groupe est hétéroclite... Une garçonne, un seigneur, un sbire et une adolescente craintive... Chacun vaque, Nyam s'occupera de payer la chambre avec l'argent de son maistre, Moran de panser les chevaux, l'Anaon de souffrir et Judas de la veiller. On installe la blessée sur une paillasse correcte, remontant édredon derrière les omoplates, chassant la bataille de ses crins derrière les esgourdes.


Va chercher de l'eau, et des torchons.

Il se détourne de l'esclave, déliant soigneusement tout ce qui dissimule, ôtant précautionneusement tout ce qui recouvre. Mal-en-point sa balafrée, et que peut-il faire de plus si ce n'est accuser le coup en silence, et éviter de poser les questions qui fâchent. La fébrile est mise au sec. Un soupir nerveux s'échappe d'entre-lippe, dieu savait combien de temps durerait la convalescence forcée... Ils auraient mieux fait de regagner Petit Bolchen, même à bride abattues. Les anarchiques entrelacs de ses pensées contraires aveuglèrent un peu le VF. Il nia l'idée qu'une telle course aurait achevée la Roide. Son état était à ses yeux préoccupant, mais mille fois minimisé. Orgueil d'homme qui ne doit pas montrer de trop combien l'attachement avait fait son nid, insidieusement.


Un murmure avant que la Frêle ne s'échappe, pour échapper à ce qu'il redoute.


Tu vas panser ses blessures, je ne veux plus voir de sang et je ne veux pas la voir souffrir. Malheur à toi si son état empire.


Il sait bien ce qui se joue, et ne veux pas y assister. Lâche, et couard. Le sang ne le ramenait qu'à la sinistre découverte du corps exsangue et martyrisé de Marie, posée comme Anaon sur une couche de suppliciée. Stressé, angoissé, terrorisé, il exprime sa peur avec agressivité en tirant Nyam au chevet de la souffrante, claquant l'arrière du crane blond comme pour le sortir de la torpeur. L'idée de voir de nouveau la mort en face lui fait tourner les talons, abandonnant abruptement son amante à ses problèmes. Des problèmes de femmes.

_________________
Nyam
L'arrivée à la taverne fut mouvementée, les chevaux étant tendus pour une raison inconnue et leur cavalier tout aussi renfermés. Quand la Roide stoppa l'étalon du Maître devant l'auberge, le Maître descendit immédiatement de cheval, laissant la Frêle Nyam juchée sur la monture capricieuse. Mais assez rapidement les mains de Moran se posèrent sur sa taille pour la faire descendre. A peine les pieds posés au sol, Nyam courut pour entrer dans la bâtisse.

Le Maître porta Anaon jusque dans la chambre réclamé, l'aubergiste ayant ouvert la pièce sans broncher. L'adolescente regarda le sang et le liquide poisseux qui tachait les vêtements de la jeune femme. Pour avoir assisté deux de ses belles-mères lors de la naissance de ses petits frères, la Frêle savait de quoi il s'agissait, aussi fila-t-elle sans protester pour rapporter l'eau et les linges réclamés, craignant la punition si elle devait échouer et que l'Anaon venait à mourir...

Elle revint avec la cuvette et les linges, posant le tout sur la table de nuit au chevet de la femme souffrante. Le Maître lui administra une claque à l'arrière de la tête, telle un avertissement avant de partir, la laissant seule pour s'occuper de la Roide... Le corps dénudé est couvert de bleu, symbole de la chute qui a eu lieu plus tôt... Mais surtout, le ventre gonflé qui était censé porter l'enfant se contractait de manière alarmante...

Lavant ses mains dans la bassine, elle passa ensuite un linge frais sur la peau nue couverte de sueur. Elle se plaça à genou entre les jambes, surveillant l'écoulement de sang et de liquide... Elle avait vu cela une fois, après que son père est roué de coup sa femme enceinte... Le bébé était mort et il avait fallu le faire sortir... Essuyant le sang de sur les jambes, Nyam essaya de parler à la femme pour la rassurer... Ou l'aider... Même si elle ne savait pas trop quoi faire...


Dame... Je suis là... Je vais vous aider... Si vous avez mal, il faut me le dire... Et surtout vous détendre... Et peut-être faire venir un médicastre non ?

La voix se voulait douce, posée, pour rassurer, réconforter...
_________________

*Frédéric Régent, Historien
Moran
Le voyage n'était pas de tout repos. Depuis le début Moran s'était lentement intégré au groupe tout en gardant ses habitudes de voyageur solitaire : ne pas parler, rester dans ses pensées et rester vigilent.
Jamais il n'aurait cru avoir affaire au problème présent.. et pourtant il était de notoriété publique que cheval et femme enceinte ne font pas bon ménage.

Mais l'encloquée est mal en point, loin de lui l'idée de lui faire la leçon.
Une auberge se dessine enfin, incitant le groupe entier à s'empresser de la rejoindre.
Déjà Judas emmène Anaon avec fracas. Les ordres sont donnés, chacun a son rôle.

D'une poussée, le Lisreux descend de cheval et va aider Nyam en la soulevant dans ses bras. Une fois au sol, elle s'empresse de filer et le boiteux se charge alors de rejoindre les écuries.
Son cheval est brossé, nourrit comme ceux des autres. C'est en arrivant à celui de la mercenaire, que l'ibère fronce le nez d'indignation. Les souillures de la scelle n'indiquent rien de bon. Et soudain, ce qui lui semblait être que des maux de femme enceinte, devient un peu plus inquiétant.
Il nettoie ce mélange douteux et s'empresse de regagner l'auberge tout en sachant, que tout homme qu'il est, il serait interdit de franchir la chambre de la malheureuse.

Loin des regards affolés, il se signe rapidement adressant une brève prière :
"Dios mio, salve la madre por favor"*
Elle, elle pourra toujours redonner la vie plus tard..
Même dans les moments durs, le boiteux restait très pragmatique.. c'est ainsi.


*Mon dieu, sauve la mère s'il te plait
_________________
Anaon
    C’est comme si tout se précipitait par le simple fait de l’admettre. La vérité refoulée lui claque au visage, l’Anaon ne peut plus rien nier. Tout s’accélère, le cœur, le corps qui semble prendre conscience lui même de ce qui se trame dans ses recoins de chair. Pas le temps de se morfondre que la voilà décollée du sol. La porte s’ouvre à la volée, une chambre leur est cédé et elle se retrouve allongée sur un lit.

    Assistée. Encore, toujours. Ca l’insupporte, çà la brasse plus qu’elle ne l’est déjà. Les mains d’homme la défont de ses habits avec précaution tandis qu’elle, elle s’y acharne d’une dextre maladroite et paniquée. L’inébranlable n’est plus qu’une boule de nerf en perte de tous ses moyens alors que Judas se pare d’un sang froid presque effrayant. Elle écrase ses tempes de ses mains et les doigts se referment en étau sur les mèches brunes qu’elle martyrise. Derrière les paupières closent c’est une salve de souvenir anarchique qui inonde son crâne alors que ses entrailles convulsent avec douleur.

    Du plaisir en soupir. Des peaux qui s’échauffent. Ebullition des sens. Et le corps qu’elle revoit couché au dessus d’elle n’est pas seigneur. Il n’est que soldat. Alliage de force et de douceur, ancien courtisant de la rose noire. Jules, tu vas me détruire, je l’avais bien dit. Jules. Lui qui l’avait soigné du mâle par le mal, il a semé en elle un préjudice plus violent encore. Libérée du dégout de l’homme, il l’a rendu femme, mais en a fait une mère infanticide. Cette nuit. Fameuse nuit où son regard à effleurer pour la première fois le Von Frayner et où le hasard l’a mené dans le lit du courtisant qui a marqué sa vie. Une nuit de plaisir, des mois à maudire. Dans sa mémoire, elle restera à jamais gravée, au nom de la passion et de son expiation.

    Elle entend les pas qui la quittent, la porte qui se ferme. Et elle comprend qu’elle se retrouve seule avec Nyam. Gamine qu’elle méprise d’avoir les cheveux trop blond. Beauté qui frôle la perfection, "sa" perfection, sans pourtant l’atteindre. Elle lui ressemble tant. Trop. C’est un souvenir qui prend vit sous ses yeux, et çà fait mal. Chaque jour, elle cristallise l’image de l‘angelot perdu…. Mais ce n’est pas Elle et ce ne sera jamais Elle. Et cette similitude éveille à son égard des sentiments contraire. D’amour autant que de haine. Ah! Anaon! Tu ne peux pas la voir cette gosse, mais qu’aurais-tu fait si tu avais été seule dans ta chambrée de Paris? Tu aurais noyé ta peur dans l’alcool et tu y serais resté. Ce drame tu l’as ardemment désiré et tu la crevé à petit feu, l’indésirable qui sommeille au fond de toi. Alcool, bagarre, voyage. Tu l’as renié, dénié, aujourd’hui pourtant, tu trembles. Misérable! Exempte de moral, mais encore trop mère pour ne pas frémir devant ton crime. Alors loue cette gamine, tu la maudira plus tard de pouvoir être ta fille. Car aujourd’hui tu n’as plus qu’elle.

    La voix qui se fait douce s’insinue dans l’esprit chaotique. Une profonde inspiration vient gonfler ses poumons. Retrouver son calme. Tu l’as déjà fait une fois Anaon, tu sais ce que c‘est. Tu as juste faillit y passer… Mais juste faillit. Les mains blêmes se retirent du visage et elle vient se redresser sur un coude, les lèvres crispées dans un pâle sourire. Semblant de contenance.

    _ Ca va aller… C’est comme un accouchement…

    Qui cherches-tu donc à rassurer Anaon, elle ou toi? Tu sais bien que çà n’a rien à voir. Tu ne donnera pas la vie aujourd’hui. Si les dieux le veulent, çà ira vite, tu auras mal et peut être que tu lui survivras. Un nouveau frisson vient se mêler aux spasmes. Témoin de la peur primaire de tout femme en couche. Offrir sa vie pour donner le jour. Elle le peut, elle pourrait l’accepter, mais elle sait que l’engeance n’ouvrira jamais les yeux.

    Elle se laisse retomber sur l’édredon, serrant les mâchoires nerveusement pour en arrêter les tremblements. La respiration se fait lourde, bourdonnement de douleur dans le crâne en surchauffe.

    _ Tu as déjà fais çà ?

    Hein Nyam, répond-moi. Ne me laisse pas seule donner naissance à un mort.


_________________

Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III - Montage LJD ANAON----[Clik]
Nyam
La Roide... Nyam se sentait toujours mal à l'aise avec elle, comme si l'autre voyait en elle quelqu'un qu'elle n'était pas... Et puis surtout, la Frêle ne voulait pas prendre le risque de s'interposer entre le Maître et son amante, de crainte d'avoir à prendre sa place dans le lit du Seigneur... Et elle souhaitait l'éviter au maximum... Mais là il n'y avait plus ni Roide ni Frêle, il n'y avait plus l'amante ni l'esclave... Juste deux femmes devant la mort d'un enfant non né... Juste deux femmes dont l'une se bat pour survivre et l'autre l'aide comme elle peut...

Alors quand l'Anaon se redressa pour lui parler, Nyam lui rendit son regard, les deux azurs s'accrochant sur le visage crispé de douleur. Elle passa délicatement le linge sur la peau humide de sueur, avec une douceur toute maternelle que seules savent faire preuve les femmes qui connaissent l'accouchement, les douleurs et la mort...


Oui...

Un mot chargé de douleur et de tristesse... Oui elle avait déjà assisté une femme en train d'accoucher... Oui elle avait déjà assisté à la sortie d'un enfant mort dans le ventre maternel... Et oui, elle resterait quoi qu'il advienne jusqu'à la délivrance... Elle redressa les coussins pour mieux installer la femme. Puis se replaçant entre les jambes de la parturiente, elle glissa sa main fine au coeur de sa féminité pour évaluer où en était le travail, le corps expulsant de lui-même ce qui n'avait plus de raison de s'y trouver... Retrouvant les gestes appris auprès de la vieille guérisseuse qui lui avait montré comment mener à bien une naissance, gestes pratiqués pour les quatre dernières naissances de sa fratrie, de même que pour les deux fausses couches, Nyam en oubliait qu'elle n'était plus libre...

Le liquide et le sang coulaient sur ses mains blanches... Bientôt... Bientôt les douleur viendraient et viendraient les cris... car aucune femme n'ait assez forte pour supporter cela en silence... Pas même la Roide... Et plus tard... Quand les cris se feront silence, l'adolescente aux cheveux d'or blanc emporterait le corps martyre de l'enfant mort pour le faire disparaître comme seules les femmes ont le courage de le faire...

_________________

*Frédéric Régent, Historien
See the RP information <<   1, 2   >   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)