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[RP fermé] A perte de vue

Historis
Marseille, 1er décembre 1442

La vue de la femme se brouillait au gré de ses hurlements. L'homme près d'elle la supplantait de plusieurs pieds, et l'observait, sourire aux lèvres tandis qu'elle souffrait un martyre qu'il ne connaîtrait jamais. Mais la vie est ainsi faite que toute souffrance que cela puisse être, cela reste une journée unique pour des personnes qui comme eux attendaient ce moment dans l'impatience.

Elle ne percevait son époux que dans un brouillard mais les années passées auprès de lui lui permettaient d'en deviner les traits. Malgré la douleur, elle esquissa un sourire. Elle sentait sa fièvre monter dangereusement tandis que le col de son utérus se dilatait. Ces derniers jours sa grossesse avait été un enfer. Elle avait contracté une maladie et s'était inquiétée de perdre l'enfant qu'elle portait. Une fièvre s'était d'abord emparée d'elle, suivi d'une toux. Peu à peu ses yeux s'étaient mis à rougir et à la bruler avant de voir son corps se recouvrir de plaques rouges qu'elle avait cachée aux yeux des autres par ses vêtements. L'hiver avait été un bon prétexte pour se vêtir le plus chaudement possible.

Elle n'avait confié sa maladie qu'au curé qui lui avait dit que l'enfant à naître s'il naissait serait une bénédiction du Très Haut qui lui donnait cette maladie comme une épreuve à affronter. Très pieuse elle avait sourit et rassurée elle avait lutté contre les symptômes persistants et avait porté semblait-il l'enfant à terme. Dans quelques instant elle aurait sur son sein la chair de sa chair elle le sentait... Les contractions se faisaient plus fortes.

L'homme était fier de sa femme, elle été une bonne épouse : robuste et toujours apte au travail, entêtée et pleine d'humour, pieuse... Elle faisait son bonheur au quotidien et pour rien au monde il ne changerait de femme. Avec le temps ils avaient une sexualité moins débridée, ils se comprenaient, avaient une réelle affection l'un pour l'autre et se respectaient. Il était logique qu'un enfant viennent rejoindre le foyer et c'est avec un grand bonheur qu'il se tenait près à accueillir son enfant.

Il sentait sa femme défaillir avec la douleur de l'accouchement et tira un tabouret jusqu'à lui pour s'asseoir près du lit conjugal. La voisine était là elle aussi. Elle nettoyait du linge, chauffait de l'eau... Il avait fallut lui expliquer que sa femme était malade lorsqu'elle avait vu les plaques rouges sur les cuisses de celle-ci. La brave dame avait acquiescer et continué sa besogne. Un enfant à naître était une œuvre divine et elle serait là pour ses voisins.

Il prit la main de sa femme dans la sienne. Il vit à son sourire qu'elle avait reconnu la peau rapeuse de son mari. Travailler aux champs ou à la mine ne pouvait décemment pas apporter des mains de nobliots !

Un hurlement déchira l'air suivi d'un cri exulté de la voisine :


Le v'la, tenez le coup, il arrive ! C'est presque fini.

Il fit un bond. Il allait être père et avait hâte de voir son enfant.

De longues minutes s'écoulèrent encore. Elle sentait l'enfant traverser son intimité et déchirer sa chair. La douleur était fulgurante mais c'était la volonté du Très Haut. Elle serra plus fort à chaque instant la main de son époux. Encore un effort... Elle devait encore faire un effort.


C'est une fille, entendit-elle dans un brouillard avant de sentir qu'on posait un corps frèle et rougit par les effusions de sang et de chair de l'accouchement. Elle voyait toujours flou mais sourit. Elle avait fait un enfant et il vivait. Elle entendait le cri de celui-ci. L'enfant respirait pour la première fois et l'air dans ses poumons ne pouvait l'empêcher de hurler, seul moyen d'expression avant la parole.

Son mari avait lâché sa main. Il observait avec joie leur fille : ce tout petit bout de lui qui ne voyait encore rien, qui avait les yeux fermés et la bouche grande ouverte.

Il entrevoyait leur avenir, leur vie de famille. Un bonheur à perte de vue s'offrait à eux. Il en était certain.


Merci, murmura t-il en levant les yeux vers le ciel.
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Historis
Marseille, 1er décembre 1442

Ils avaient laissé l'heureuse mère s'endormir, l'enfant posée contre son sein mais Alide, la voisine devait bientôt rentrer chez elle où sa famille l'attendait et, il fallait nettoyer la fillette, l'entourer d'un linge et la poser dans son berceau pour sa première nuit. C'est pourquoi elle reprit l'enfant à sa mère.

Léandre de son côté, tout à son bonheur d'être père et reconnaissant envers sa voisine pris la décision de trinquer avec elle et sortit choppes et bières en conséquence. Alide n'allait pas refuser le verre à son retour de la toilette du bébé. Elle en avait même grand besoin. C'est pourquoi quand la choppe fut entre ses doigts, elle la vida d'un trait un sourire géné sur son visage. devait-elle le leur dire ou les laisser le découvrir eux même ?

L'enfant dormait à présent, les yeux de nouveau fermés. Alide ne pouvait s'empêcher de revoir le visage de la petit tandis qu'elle la nettoyait du placenta...


Léandre... je... votre fille... ses yeux...

Il observait la femme qui balbutiait. Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre qu'il y avait un problème. Debout face au berceau devant lequel il venait de se précipiter après avoir lourdement reposé son verre, il observait son enfant. Elle était endormie paisiblement et rien ne semblait troubler la nature des choses...

Alide avait parlé des yeux mais Historis, car tel était le prénom de sa fille en l'honneur aux origines grecques de son épouse Nessa. De sa main rapeuse il vint entourer celle toute petite de sa fille avant de se tourner vers Alide le regard interrogatif.


Ses yeux sont blancs Léandre, dit-elle en réponse à la question non formulée.

Il acquiesça en signe d'acceptation. Il comprenait toute l'ampleur de la nouvelle mais si le Très Haut en avait décidé ainsi alors il ferait tout avec Nessa pour protéger sa création, leur création, leur enfant.

Il continuait d'observer le bébé endormi. La voisine comprit qu'il avait besoin d'être seule. Elle reprit son châle et annonça son départ d'une voix douce pour ne point perturber l'atmosphère. Lorsqu'elle fut dehors, juste devant leur porte, elle se signa en murmurant "Qu'Aristote les garde !".

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Historis
Marseille, 2 décembre 1442

Il avait attendu jusqu'à l'aube que sa femme se réveille. La petite ne s'était pas réveillée un instant durant tout ce temps. Il avait plusieurs fois posé ses yeux sur sa choppe de bière pensant boire plus que de raison mais il savait que le Très Haut ne tolérait guère les excès et s'était donc ravisé pour choisir des tisanes.

Lorsque Nessa ouvrit les yeux, elle lui offrit le sourire d'une femme comblée et elle tourna très vite son regard vers le berceau qu'il avait confectionné de ses propres mains.


Nous sommes parents, dit-elle doucement en souriant toujours.

Il acquiesça, prit sa main et répondit d'un sourire faible. Après avoir longuement inspiré pour se donner du courage il répéta à son épouse les propos de la voisine. Nessa ne trembla pas, elle ne pleura pas non plus au lieu de tout cela, elle tint sa tête bien droite, se redressa dans le lit. On pouvait lire une détermination farouche dans son regard.


Je veux la prendre dans mes bras, peux-tu me l'apporter ?

Il s’exécuta sans un mot.

Historis pleura un peu quand elle fut tiré de son sommeil mais se calma au contact de ses lèvres contre le sein maternel. Son premier repas parmi les vivants. Elle ne se souviendrait jamais des paroles de sa mère en cet instant, mais celle-ci les lui répéterait souvent et elle dicteraient son existence pour longtemps.


Tu ne verras jamais le ciel, jamais les océans mais tu ne verras pas non plus les guerres, les misères et les horreurs de ce monde. En revanche mon enfant il n'est point besoin de ses yeux pour vivre et connaître l'amour des hommes et du Très Haut. Ce n'est pas une punition, c'est un don de dieu que tu as là.
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Historis
Marseille, le 25 décembre de l'an 1450

Sa main chauffée par celle de sa mère, Historis avançait vers l'église. La nuit était tombée depuis quelques heures déjà et elle sentait sur sa peau la brise glacée de l'hiver et le châle qui entourait son visage caresser son visage au gré de ce vent froid.

- Mamma, pourquoi aller à la messe si tard chaque année ? Pourquoi la Saint Noël se fête t-elle deux fois dans la journée ? Nous sommes déjà allé à la messe ce midi...

Un sourire chaleureux vint éclairer le visage aux traits grecs de Nessa. Ses yeux parfaitement symétriques dont les coins semblaient commencer la ligne du nez, et brillaient d'une lueur emplie d'amour lorsqu'elle posa son regard sur son enfant. Son nez légèrement allongé se plissait, amusé par la curiosité d'Historis. Les coins de ses lèvres venaient eux former deux fossettes dans son sourire.

- Saint Noël est né un vingt cinq décembre comme Aristote et Christos et il le savait. Comme il était diacre puis évêque, et qu'il savait qu'Aristote était né à midi et Christos à minuit, il avait décidé de faire deux messes ce jour là en leur honneur.

Comme tu le sais, Saint Noël apportait du bonheur à tout le monde, les malheureux qu'ils soient riches ou pauvres. C'est pourquoi nous allons à la messe, pour le remercier de l'exemple qu'il est pour nous tous mais aussi pour fêter tous ensemble le bonheur.


Historis était heureuse d'avoir obtenu réponse et comme toute les petites filles de son âge, elle se mit à sautiller sur le chemin de l'église. Elle en oubliait même de balayer le sol avec la canne juste faite à sa taille par son père avant qu'il ne décède. Les enfants n'ont pas la notion du risque et il en va de même pour les aveugles.

- Historis, dit sa mère d'un ton faussement sévère arrêtant la fillette dans son mouvement.

- Oui mamma ?

- Tu n'oublies rien ? Ne t'ai-je pas dit cent fois que le savoir est une chose important. Je suis grecque ; comme Aristote l'était et je puis te dire qu'il accordait une importance au savoir et qu'en vertu de ma foi j'en fais tout autant. A ce titre, j'aimerai lorsque tu obtiens réponse à une question, lorsqu'une personne partage avec toi son savoir, que tu lui sois reconnaissante et que tu dises merci.

Elle avait entendu ce discours si souvent qu'elle en était lassée. Du haut de ses huit ans elle n'avait pas suffisamment de recul pour se rendre compte de l'importance de ces paroles et elle ne voulait que continuer à sautiller sur le chemin. sa mère, toutefois faisait autorité et elle savait qu'elle devait être une enfant polie pour que Nessa soit heureuse toujours de l'avoir comme fille.

- Merci mamma.
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Historis
Marseille, le 15 juin de l'an 1448

Pour la première fois de sa vie, Historis avait des reflets bleus dans ses yeux pourtant toujours laiteux. Elle n'en savait rien. Elle ne voyait rien, ou plutôt elle voyait le noir... Tout est question de perception. Un jour elle avait demandé à son père ce que voulait dire "avoir peur du noir"... Après qu'il lui eut expliqué elle avait compris que le noir était l'absence de lumière... C'est le mal dont elle souffrait. Elle ne voyait donc pas rien, elle n'était pas plongée dans un néant non, elle voyait le noir. Ou le noir était l'absence de toute chose...
Elle se poserait cette question toute sa vie : le noir est-il différent du néant ?

Ses yeux donc, était embués de reflets bleus, reflets du ciel dans les larmes qu'elle versait. La petite fille serrait très fort sa canne de bois et tentait d'étouffer ses sanglots. Sa perception des sons lui était plus insupportable que jamais. Chaque soupir, chaque pleur, chaque reniflement des personnes venues rendre un dernier hommage à son père était perçu par Historis. Tous les sons se mêlaient et chacun lui renvoyait sa propre tristesse, sa propre détresse.

L'enfant ne comprenait pas pourquoi le Très Haut avait ramené son père à lui, l'enfant ne comprenait pas pourquoi Nessa et elle devaient à présent vivre sans lui, elle ne comprenait pas pourquoi le corps pourtant puissant de son père avait été broyé par des cailloux. Rien n'y personne ne lui avait jamais parut être plus fort et plus invincible que Léandre et quelques jours plus tôt pourtant, alors que sa mère et elle attendaient qu'il rentre de son travail à la mine, le voisin était venu frapper à leur porte.
Nessa avait tout de suite compris quand ce dernier avait enlevé son chapeau le regard triste mais Historis elle était déjà debout et s'avançait vers l'entrée en appelant son père, pensant qu'il était là...


Papa.... résonnait la voix de la fillette dans la maison. ...papa


"Dieu dont la miséricorde est grande, Tu as rappelé auprès de Toi Léandre Dou Plessi, accueille-le dans Ton royaume d’éternité.
AMEN
"

Les voix étaient devenus lointaines. Historis se souvenait des mains de son père, fermes, grandes. Elle se sentait protégée lorsqu'ils se promenaient ensemble et qu'il tenait fermement la main de son enfant dans la sienne.

"Apporte réconfort et tendresse à ceux qui, sur la Terre, pleurent sa disparition avant de le retrouver au firmament de Ton palais.
AMEN
"

Elle entendait le rire gras qui la rassurait tant et lui rappelait que le Très Haut lui avait offert l'amour et le bonheur.


"Sur cette assemblée réunie pour témoigner leur affection et dire un ultime au revoir terrestre, apporte la compassion et la force de vivre selon les vertueux préceptes que Tu nous as donné.
AMEN
"

Il lui avait pris son père, plus jamais elle ne pourrait aimer le Très Haut... plus jamais.

"Dieu le père, Christos et Aristote, bénissez Léandre.
AMEN
"

La douceur d'une autre main familière vint effleurer sa peau. La main de sa mère. Elle se serra un peu contre elle.

Dieu, prenez soin de lui.

C'était la voix de sa mère. Le Très Haut veillait sur son père. Au milieu de ses larmes, elle sentit la chaleur du soleil, des Astres sur sa peau. De là haut il pouvait encore réchauffer son coeur.

Amen, répondit-elle à la prière de Nessa.
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Historis
Marseille, 29 juillet de l'an 1448

- Mireìoooooooo ! commençait à geindre Vincèns le voisin d'Historis à sa petite soeur.

- Pô fait exprès...répondait la fillette des sanglots dans la voix.

- J'avais économisé toutes ces coques de noix pour faire des petits bateaux dans les flaques tu as tout cassé ! Je le dirai à papa tu vas voir !

Des bateaux... des coques de noix... les noix elle connaissait mais les coques. A quoi pouvait bien ressembler un bateau ?

Historis était assise sur les pierres d'un mur qui s'était bien abîmé au fil des saisons, des années, l'errosion faisant son oeuvre. Souvent elle venait là, à l'ombre d'un cyprès. Elle avait deviné la présence de l'arbre des années plus tôt. Chaque fois qu'elle venait là, le soleil ne chauffait plus sa longue chevelure noire et elle pouvait même sentir comme une légère brise. Elle avait entendu le bruit des feuillages que le vent faisait danser. Il n'y avait pas plus appréciable pour elle que de s'asseoir en ce lieu lors des douceurs printanière.


- Papa, papa, avait crié Historis ce jour là, il y a un arbre j'en suis sûre.

- Oui il y a un arbre, douce. Tu es très douée.


Ce qu'elle avait été fière lorsqu'il lui avait dit ça... Des larmes perlaient sur ses joues. Il lui manquait.

- Je vais le dire, je vais le dire, criait Vincèns à sa soeur qui à présent pleurait franchement.

Historis se leva curieuse et s'approcha d'eux. Aussitôt les railleries et les pleurs s'étouffaient. Les deux bambins, sur le qui-vive observait l'enfant qui s'approchait d'eux aidée d'une canne et les yeux laiteux.


- C'est quoi une coque de noix ? demandait-elle.

- Un truc que tu verras jamais parce que t'es déjà dans l'enfer lunaire ! C'est maman qui m'a dit ça. Vas t-en !

si les propos avaient été autre, Historis aurait tout de même compris qu'elle n'était pas la bienvenue, le ton était sans équivoque. Pour la première fois, bien qu'elle ne le saisissait pas encore -cela n'allait pas tarder- elle subissait le regard des autres et ce, sans même le voir.

- Vas t-en où les lunes qui te servent d'yeux je les tape.

Historis partit en courant vers chez elle, en courant et en pleurant. A chacun de ses pas, elle pouvait entendre la voix de Vincèns qui lui criait "Tête de Lune" avec toute la cruauté dont les enfants savent faire preuve entre eux. Très vite il était rejoint par la voix de sa petite soeur qui en voyant son frère sourire de sa bêtise se dit que se moquer des autres devait être un jeu amusant sinon il ne le ferait pas.
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Historis
Marseille, 23 juin de l'an 1449

Maman est toujours triste maintenant... même si elle fait semblant de sourire. Je le sais sa voix tremble et des fois j'entends qu'elle pleure. Du coup je lui parle pas des vilains qui m'embêtent. Elle serait encore plus triste.
Tu nous manques.


Bien que l'été fut là, ce jour était pluvieux. Historis, ses longs cheveux noirs collés le long de son visage, avait plus une apparence fantomatique que celle d'une petite fille. Les yeux laiteux aidant beaucoup.
Elle ne sentait pas les larmes qui s'écoulaient sur son visage. Elles se mêlaient aux gouttes de pluie tièdes.
Une sensation de chaleur inonda soudain la petite ; le soleil venait de percer les nuages et la berçait de ses rayons. Ce fut comme si pour la première fois en un an son père la prenait dans ses bras. Elle savait que les fantômes n'existaient pas, elle savait qu'il était là haut dans la soleil mais que seul le Très Haut faisait des miracles. Historis souriait à présent.

Il était encore tôt et comme pour remercier le Très Haut de lui offrir encore un moment de bonheur dans cette journée elle pria.



Dieu Créateur de toutes choses, nous te remettons cette journée !
Guide-nous dans nos actes, nos pensées les plus intimes,
Toi qui sais tout, purifies-les afin qu'ils soient conformes à Ta volonté.
Toi le Très Haut, qui a tout prévu, mais nous laisse libre de notre destin,
inspire ceux qui s’écartent de ta parole Divine,
Pour qu’ils nous aident à préserver le monde.


Elle était fière, maintenant elle connaissait bien la prière du matin. Tous les jours avant de manger le pain elle la récitait avec sa mamma. Aujourd'hui c'est avec le souvenir de son père qu'elle le faisait.

Elle était restée agenouillée sur la pierre grise sous laquelle le corps de son père était alité pour l'éternité et sentant qu'une bonne heure s'était écoulée elle s'apprêta à repartir chez elle. Un bouquet de fleurs des champs composés d'achillées noires, d'adonis flamboyantes et d'ambroisines avait été déposée par ses mains frêles. si elle n'avait pas connaissance de la couleur de ses fleurs elle avait pris grand soin qu'elles soient différentes. En caressant les pétales elle savait à leur forme que chaque fleur avait sa particularité. Historis attachait aussi beaucoup d'importance aux senteurs florales de ses bouquets.

Il était temps à présent. La fillette se leva, la pluie tombait toujours et le soleil la réchauffait dans un même temps.
Elle avait fait quelque pas vers la sortie du cimetière lorsqu'elle se retourna de nouveau vers la tombe. Un grand sourire éclairait son visage.


Il y a un arc-en-ciel papa.

En effet, le ciel était parcouru de reflets colorés que les rayons du soleil avaient déposés en perçant de leur force divine les larmes célestes. Historis ne voyait pas ce miracle de la nature mais au plus profond d'elle même, elle le savait.
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Historis
Marseille, le 27 septembre 1454

Il faisait noir mais le savait-elle vraiment ? Avait-elle une réelle idée de ce qu'était le noir ? Souvent la plus tout à fait fillette se l'était demandé comme une question existentielle récurrente dont elle n'arrivait pas à se défaire.

Est-ce qu'être aveugle c'était vivre continuellement dans le noir ? Est-ce qu'elle était un peu voyante parce qu'elle voyait du noir toujours ou est-ce qu'être aveugle était l'absence complète de la vision ? Sa vue avait-elle totalement disparue laissant place au néant complet ?
Elle n'arrivait toujours pas à répondre à ces questions et comme à chaque fois qu'elle se les posait, elle sentait son ventre se nouer alors elle se courbait dans son lit en position de foetus... Toujours après elle tremblait tout en ayant chaud et sa voix fluette répétait inlassablement dans un murmure
"je ne veux pas le vide... je ne veux pas le vide... je ne...".

Ce soir là, plus que jamais, elle se sentait triste. Elle voyait comme sa mamma devenait un peu plus laconique chaque jour. Elle avait le sentiment que la seule personne qui lui restait s'effaçait un peu plus à chaque instant et elle avait beau tendre ses mains pour s'accrocher à elle, pour la retenir rien n'y faisait.

Les caresse d'hier en réponse à ses
"je t'aime mamma" avaient laissé place à des "moi aussi" monocordes. Les rires ensoleillés à des sourires qu'elle ne pouvait voir... Était-elle face au noir ou vivait-elle l'absence de tout ?

L'enfance commençait à glisser entre ses doigts l'amenant à faire face à une réalité pas toujours aussi jolie que ce qu'elle s'était imaginé.
Cela avait commencé par la cruauté des autres enfants mais avait sombré dans le réconfort des bras de sa mère parfois. Cela ressurgissait avec l'évidence de sa solitude future. Elle n'avait pas d'amis les autres lui faisant atrocement peur, elle n'avait plus son père et elle perdrait sa mère.


Un jour je serai seule... je ne veux pas le vide...

Il faisait froid, très froid... Historis se recroquevilla un peu plus.
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