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[RP]Un long dimanche de fiançailles...

Marzina
Deux semaines après la trêve, Nantes.

Pas là, il n’était pas là. La trêve avait été décrétée, et depuis, elle l’attendait, son petit nez hautain collé aux fenêtres du château de Nantes, guettant depuis la direction du Maine l’arrivée de l’Epine à la robe blanche…Mais rien, rien, rien…Son cœur parfois se serrait, et elle s’en trouvait plus lunatique encore qu’à son habitude, passant de la méchanceté à la tristesse en un rien de temps, agressant les gens la côtoyant avant de se faire passer victime presque aussitôt.

Il va venir…Il va venir…Il va venir…

Il était toujours venu, pourquoi ne viendrait-il pas maintenant ? C’était lui qui avait souhaité l’épouser non ? Il le lui avait promis, et elle, amoureuse, l’avait cru…Pourquoi en aurait-il été autrement ? Elle ne pouvait sincèrement pas douter de son amour, il risquait sa vie plus encore qu’elle dans cette passion, le peuple français était autrement moins tolérant que le peuple breton à l’égard des penchants du cœur pour les nations ennemies…Encore que, elle en avait destitués sur ordre du Grand Duc justement. Mais elle, elle n’avait pour seule faute que de l’aimer, contrairement à ces autres. Et bientôt, son amour éclaterait au grand jour, il viendrait avec cette bague, et elle lui dirait oui, et ils pourront enfin profiter tout leur saoul de se retrouver ensemble. Elle s’était fait baptiser, elle était prête maintenant, il ne manquait plus que le fiancé…Mais il ne venait pas, et désespérément, elle restait accrochée à la fenêtre, caressant le verre glacé, écoutant la complainte du vent qui exprimait si bien le chagrin qu’elle ne parvenait à exprimer, parce qu’elle n’en avait pas le droit, et parce que si elle le faisait, ce serait se résigner à ce qu’il ne viendrait pas…

Il viendra.
Parce qu’il le faut…
Parce que s'il ne vient pas, elle en mourra...

Une larme roule sur sa joue, doucement, vient s’écraser sur le sol de pierre froid comme son cœur qui saigne, et disparait…Un cri de folie retentit dans tout le château tandis que vole en éclat la vitre devant laquelle elle était postée. Un garde arrive, un valet, une servante…Elle ne prend plus garde à ce qu’il se passe autour d’elle, se répandant en sanglots qui paraissent intarissables en un faible gémissement, tandis qu’on retire son poing ensanglanté de la vitre brisée. En ce trou béant s’engouffre le vent glacial de l’hiver qui hurle à nouveau la souffrance de l’amante trahie, le froid l’enveloppe, caresse sa peau pâle, l’engourdit. On lui parle, certes, mais elle n’entend pas. Bientôt elle sent des bras puissants qui soulèvent son corps frêle, et sa conscience s’enfuit de ce corps amaigri par les privations d’un amour contrarié. Les boucles d'or volettent dans le vide, légèrement agitées par le courant d’air, dernier signe de vie d’une princesse inconsciente.


*livre de Sébastien Japrisot, long-métrage de Jean-Pierre Jeunet
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Marzina
« ….et c’est pourquoi ils ont décidé de le considérer comme disparu au front. Je suis désolé. »

Je suis désolé. Il avait ajouté ca comme s’il savait ce qu’elle pouvait penser, ressentir. Que pouvait-il bien comprendre de ses sentiments, il n’était qu’un espion ! Il commence à se redresser, se dirige vers la porte.

« Qui vous a dit que vous pouviez partir ? »

La réplique est glaciale, et la silhouette frêle mais charismatique de la blonde est tournée vers l’homme, tandis que ses yeux glacials dardés sur lui le font brusquement blêmir. Elle pouvait réellement paraître dangereuse lorsqu’elle était dans cet état à mi-chemin entre fureur et désespoir, quand elle n’avait plus rien à perdre, et il sentait bien d’instinct que le moindre faux pas à cet instant-là pouvait lui valoir sa vie, sans plus de considération que pour une fourmi. Alors il choisit soigneusement ses mots, baisse la tête en signe de soumission, et d’une voix assurée mais volontairement basse, il répond :

« Il est mort Votre Altesse, il n’y a plus rien que je puisse faire, j’ai pensé que ma mission était terminée. »

Elle ne répond rien, fait quelques pas impériaux vers lui, et sans prévenir, lui assène une gifle cinglante dont le claquement résonne dans le grand salon vide de Nantes. La fureur faisait trembler ses mains, mais il n’y avait eu aucune hésitation lorsqu’elle avait frappé.

« Je vous interdis de dire qu’il est mort ! Il n’est pas mort ! Votre mission n’est pas terminée ! Il est peut-être blessé quelque part dans un hôpital de fortune, et vous venez ici me dire que vous avez échoué ?! Retournez le chercher, et ne revenez pas avant de l’avoir retrouvé, ou je vous ferais payer cher votre fainéantise ! »

Elle lui tourne le dos, cache ses mains agitées qu’elle tente de tranquilliser l’une sur l’autre, mais rien n’y fait. Elle sent son souffle qui devient court, et son cœur qui saigne, sa voix qui commence à s’éteindre au fond de sa gorge. Avec les dernières forces qu’il lui reste, elle ordonne à l’homme sans même un regard :

« Disparaissez maintenant. »

Elle tient encore le temps qu’il s’en aille. Le temps d’entendre la porte se refermer, et les pas dans le couloir s’éloigner…Elle tient encore quelques longues secondes, le plus qu’elle peut, prenant appui sur la table. Et puis les larmes coulent sur ses joues, lentement. Elle pousse un cri de rage et envoie à terre le vase le plus proche.

« Il ne peut pas m’avoir abandonnée, il ne peut pas avoir fait ca, disparaitre comme ca ! Il m’avait promis ! »

Et ainsi, jusqu’à la tombée de la nuit s’enchaineront divers cris de rage et bruits de casse, jusqu’à ce que certains valets viennent se risquer à débarrasser les dégâts, et la trouvent prostrée dans un coin. Elle ne semblait même pas les avoir remarqués, tandis que les larmes coulaient sur ses joues, perdue dans son monde…
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Ailvin
    « Certaines fiançailles se terminent bien, mais dans la plupart des cas, les deux parties se marient. » Sally Poplin


Le Blond avait chevauché, longtemps, trop longtemps, il le savait, en son coeur le doute naissait et avec le doute était venue la peur, la peur de perdre celle pour laquelle il avait tout donné ou presque, car il l'aimait, véritablement et de tout son saoul.
Et si elle l'avait remplacé ? Si la foule de prétendants qui se pressaient à l'entrée de Nantes avait eu raison de sa passion ? A cette pensée le Wolback plantait ses éperons en les flancs de son Epine, qui harassée écumait en haletant bruyamment. Le cheval mourrait, ça ne faisait aucun doute, mais des sacrifices, il en a déjà fait, s'il le faut il en fera, mais toujours le point levé.
Le coffret sous la lourde cape grisée par la terre, serrée contre sa poitrine, il avait parcouru Orléans, Alençon, Normandie, en empruntant chemins de traverse, routes délabrées, sentiers escarpés, au péril de sa vie, et s'apprêtait maintenant à faire un pas en Bretagne, un premier pas, celui de la délivrance, celui qui, pour lui, signifierait la fin d'une course pour la survie, pour la survie d'un désormais traître.

La nuit était tombée, froide et noire, le Baron frissonnant sous la neige fine avait mis pieds à terre, et délestant la monture des sacs de selle qu'elle portait, il retira le mors, caressant d'une main étrangement sereine la nuque de l'animal vacillant, il le vit s'effondrer en une gerbe de neige immaculée avant de se pencher sur l'Epine à la respiration saccadée, au corps palpitant dans la flegme de Décembre et d'un geste furtif lui planta un poignard en pleins coeur.
Le sang gicla et éclaboussa les joues du Baron, libérant le destrier de longues et terribles souffrances.
Se relevant, le Wolback s’encapuchonna et enfouit son épée et l'écrin sous sa cape, laissant le reste aux maraudeurs et aux brigands de grands chemins, il arpenta longtemps, peut-être une mois, peut-être une année, les routes, marchant sans s'arrêter, boitant et malade, pour arriver presque rampant aux portes de la cité de Nantes.

L'un des gardes en faction, dardant un regard dédaigneux sur le Baron, lança alors :

« Qui es-tu, misérable ? Un rebut des campagnes avoisinantes ? Retournes d'où tu viens, la Royale cité de Nantes n'a que faire des loques dans ton genre ! »
Toujours enfoui dans son habit, le Wolback de lui répondre, arborant un ton presque placide :
« Je suis le Baron de Thornton et suis ici pour épouser Son Altesse la Princesse. »
Un rire gras se fit entendre, et l'un des hommes en armes de dire, moqueur :
« Pauvre fou ! Nous te mènerons à elle et quand elle t'enverra au cachot pour l'offense que tu lui fais, nous rirons de ton sort. »
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Marzina
Alitée, encore...Les conséquences d'un esprit trop fougueux dans un corps trop faible, corps qu'elle semble prendre un malin plaisir à anémier plus encore, de sorte qu'il reflète les ruines de son âme passionnée. Le Très Haut finira par l'accueillir au Paradis Solaire, ce n'est qu'une question de temps...Sa peau habituellement blafarde paraît presque transparente, et seul l'éclat d'or de ses précieuses boucles laisse encore transparaitre une once de vie. Même si elle ne réussit jamais à quitter cette Terre, son corps continue de se fragiliser lentement, de sorte que la fin de cet être torturé semble inéluctable. Elle le sait et cela la rassure, elle ne veut pas rester dans ce monde qui a perdu tout intérêt à ses yeux, elle est baptisée maintenant, elle est entrée dans la communauté, et lorsqu'elle partirait, elle ferait partie intégrante de ce tout. Et elle le rejoindrait, lui...

Elle a revu Marie à son baptême, ca fait un certain temps déjà... Son amie épanouie et grosse, face à elle chétive et inconsolable, le contraste avait été si flagrant...C'était à ce moment là qu'elle avait fini par se convaincre qu'elle n'appartenait plus à ce monde, qu'elle l'avait déjà quitté.
Elle avait concrétisé ses pensées, quelques jours plus tard, à la lueur de la lune, apparition fantomatique partie rejoindre les anges...ou pas. Arrachée à la douce quiétude de l'Ankou qui venait la serrer dans ses bras, la voici à nouveau violemment raccrochée à cette vie dont elle ne veut plus. Mais avec un fardeau de plus, qu'elle seule peut voir...

Au moins ne refusait-elle pas la nourriture, mais elle en mangeait peu, piochant de ci de là, avec une sorte de détachement loin de la gourmandise habituelle dont elle faisait preuve. C'était le cas ce matin, et le plateau du petit déjeuner qu'on avait amené dans sa chambre était resté quasiment intact. Elle le repoussa, et s'adossa contre son oreiller. Elle jeta un regard en coin à l'homme à ses cotés depuis plusieurs jours déjà, son horrible secret qu'elle n'avait partagé avec personne, et qui petit à petit modelait à sa guise la partie sombre de son âme tourmentée.
On frappe à la porte, elle relève brusquement la tête, et tandis qu’elle dicte à la personne d’entrer, elle sent sa folie personnifiée qui vient l’enlacer lascivement. Elle sourit, un sourire un peu perdu, fou…Le valet reste à la porte, assez méfiant, et annonce la nouvelle qui glace le sang de la blonde désaxée. Ailvin ? Quelle était donc cette mauvaise blague ? Comment pouvait-il être là ? Elle était bien placée pour savoir qu’il était mort…Comment donc me direz-vous ? C’est très simple, son fantôme murmure actuellement à son oreille, et depuis plusieurs jours déjà…
Elle hésite, doit-elle faire entrer cet imposteur ? Elle sait qu’il n’est pas lui, alors pourquoi se fait-il passer pour lui ?
Le valet s’éclaircit la gorge pour attirer son attention, et ajoute :


« Il dit vouloir vous épouser. »

Elle déglutit difficilement. Quelle macabre et impitoyable cruauté que de lui faire croire qu’il revenait, lui, dont elle souffrait tant la mort !

*Laisse-le entrer, lui susurre le spectre à l’oreille, laisse-lui croire que tu ne sais rien, laisse-le jouer sa comédie, prend l’avantage de la surprise…*

Elle penche la tête de coté, et un sourire mesquin teinté d’égarement vient se dessiner sur le visage gracieux maintenant émacié de l’aguichante blonde.

« Faites-le entrer. »

Le valet est étonné, mais il ne dit rien, il se contente de s’incliner et de disparaitre. Deux femmes de chambre viennent déposer sur les épaules de la blonde sa robe de chambre afin de couvrir sa tenue de nuit, et arranger rapidement ses cheveux. Un coup frappé à la porte, et elle sait qu’on va le faire entrer. Elle les fait sortir, et on le fait entrer. Ah, elle sait bien qu’il n’est pas Ailvin, puisqu’Ailvin est mort, mais elle a le cœur qui bat à en sortir de sa poitrine comme si c’eût pu être lui. Elle regarde dans la direction opposée à lui, se demande si elle saura faire semblant de l’avoir confondu avec l’original. Et puis elle se dégage de ses draps, vient se mettre debout, silhouette fantomatique accompagnée de son fantôme qui s’accroche à elle, l’enlace, s’amuse à la tourmenter et à déposer dans le creux de sa nuque quelques baisers rêveurs. A ce moment, elle lève enfin les yeux vers son visiteur, deux yeux plus froid que la glace, et où toute étincelle de vie a disparu.

« Ailvin dis-tu ? C’est toi ? »

Elle retient le mépris dans sa voix, face à cet imposteur qui vient tourmenter les restes de son cœur, et reprend, avec toujours cette froideur dans les gestes et dans la voix.

« J’ai peine à te croire, lorsque je te regarde. »

Elle referme mécaniquement sa robe de chambre qui vient épouser ses formes amaigries. Ses cheveux ne sont pas soignés, et ses longues boucles blondes qui n’ont pas été coupées depuis bien longtemps descendent en cascade le long de son dos. Elle lui tourne le dos, soudain fatiguée, elle a du mal à tenir debout, et vient chercher le soutien du montant du lit. Cette rencontre l’affaiblit beaucoup, bien qu’elle sache qu’il n’est pas lui, son cœur se serre. Elle hait cet homme qui remue en elle tant de souffrances, tandis qu’elle n’attendait que la mort vienne la cueillir.

*Demande-lui pourquoi il a été si long, pourquoi il aurait tant fait souffrir sa bien aimée…*

Il rit à son oreille, et glisse ses mains sous sa chemise, caressant ses hanches tandis qu'elle se tourne à nouveau vers le visiteur. Ses sourcils se froncent.

« Vous vous êtes bien fait attendre, mon prince…Vous seriez-vous perdu dans quelque bordel en route ? »
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Ailvin
Flanqué de deux gardes, il traversa l'agitée cité Grand-Ducale, dans les rues, des cortèges et suites nobiliaires se pavanaient en arborant fièrement les armes de leurs maisons, dans les ruelles, on entendait le vacarme des forges, des forgerons et de leurs enclumes, des tavernes et auberges s'évadaient les rires et les railleries des soudards, bref, Nantes était la capitale bien portante d'une nation en guerre.
La guerre, cette guerre, qui l'avait contraint à rester caché, qui avait connu une trêve, trêve que tout le monde crut annonce de paix, mais il n'en fut rien, et à nouveau on se pressait aux frontières, à nouveau France et Ponant allaient se livrer une lutte à mort, à nouveau les campagnes allaient s'abreuver d'un sang, d'un même sang, celui des Français.

Mais pour l'heure, il n'avait pas à s'occuper d'un quelconque conflit, pour l'heure seule comptait sa Princesse. Elle, lui, eux.
Le Wolback leva les yeux, le ciel était vide de nuage. Simple coïncidence ou destinée manifeste ?
Le soleil flamboyait et ses chauds rayons aveuglaient le Baron qui d'une main cherchait à se protéger, avant qu'un des soldats qui l’escortait ne lui assène une volée, lui ordonnant de marcher droit.
Il n'avait pas la force de contester l'acte, mais il posa longuement son regard sur le soldat, le fait ne restera pas impuni, il reviendrait, bientôt, et planterait sa lame en l'abdomen de cet homme qui, depuis le début, le traitait tel un asservi.
Ils arrivaient en vue du Palais, à l'entrée on le confia à un valet qui, le long des couloirs, le regardait un oeil inquiet. Le Wolback n'eut pas le courage de lui demander comment se portait sa tendre, mais à la vue des regards affolés que lançait le domestique, le Blond déglutit.
Il connaissait la fureur vengeresse dont pouvait faire preuve sa dulcinée, aussi craignait-il le pire. Le très pire. Le vraiment vraiment pire.
Ce qui finit d'épouvanter le Blond était ce que lui glissa le valet lorsqu'il ouvra la porte de la chambre de Son Altesse, porte d'où sortit précipitamment une ribambelle de femmes de chambre :


« Le Très Haut vous garde... »

Mais il n'en eut cure et s'apprêtait déjà à voir son amante se jeter dans ses bras et le noyer de baisers, de pleurs et de bonheur, aussi s'engouffra-t-il dans la pièce alors que derrière lui la porte se refermait.


« Marzina, mon amour ! »

Disait-il en accourant vers elle, arrêté net à la vue de la princesse le regard à l'opposé, la stature ferme et... cette maigreur, bon dieu que lui était-il arrivé. Il l’appela à nouveau, elle ne réagit pas.
Le Wolback en était pétrifié, et alors qu'enfin elle se retournait vers lui, il cherchait les yeux noirs qu'il chérissait tant. Mais le regard pleins de vie et de malice, le regard de Marzina, de sa Marzina, n'était plus. En lieu et place était la mort. La mort, figée et impassible. Il fit alors un pas de plus.


« Ailvin dis-tu ? C’est toi ? »

Le Wolback en restait bouche bée. Quelques secondes passèrent avant qu'elle ne parle à nouveau.

« J’ai peine à te croire, lorsque je te regarde. »

Et lui alors de s'exclamer, la gorge douloureuse.

« Est ce une plaisanterie ? Si c'en est une alors elle est de mauvais gout, nous avons été séparés pendant si longtemps et voila comment... te serais-tu détournée de moi ? »

Une larme coula. Pour seule réponse elle le fusilla du regard. Tout ce qu'il voulait, en cet instant, c'était fuir, fuir, loin, aussi loin que possible, revenir cinq mois en arrière, l'oublier, ou mourir.
Le Wolback fit alors un pas de plus, et leva un bras tremblant vers elle, paume ouverte, son ventre était noué de peur. Peur de la fin de leur histoire, de la fin de la vie... De la mort, du jugement divin, du paradis solaire ou plutôt, dans son cas, de l'enfer lunaire.


« Vous vous êtes bien fait attendre, mon prince…Vous seriez-vous perdu dans quelque bordel en route ? »

Il voulut crier qu'il l'aimait, qu'il avait parcouru vals et monts pour la rejoindre, il voulut l'embrasser, la voir rire, la prendre au creux de ses bras comme... comme à cette époque. Mais il n'en fit rien, avançant d'un pas encore. De ses bras, il pouvait maintenant la toucher. Ses mains vacillantes avancèrent vers les siennes, et alors qu'il prenait les mains froides de la Bretonne dans ses paumes, il grimaça, essayant de retenir son gémissement, mais bien vite, il éclata en sanglot et la respiration saccadée, il voulut l'enlacer...
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Marzina
Les yeux sont les fenêtres de l’âme,*

...mais les siens étaient vides…A travers le voyageur épuisé, ils ne parvenaient plus à distinguer l’amant tant chéri, et les oreilles restaient sourdes à ses complaintes, préférant écouter la mélodie envoutante du fantôme qu’elle avait créé. L’âme en elle remuait, se déchirait un peu plus devant ce spectacle, en proie au doute et à la peine, puis à une colère destructrice. Pourquoi jouer tel jeu ? Qu’y gagnerait-il, ce voyageur ? Sa main, sa couche ? Choses prisées il y a quelques mois, mais de bien peu de valeur après la guerre, et le traitement qu’elle s’était fait subir. Qui voudrait d’une ombre pour épouse, vivant dans le souvenir d’un baron mort ?
Le fantôme la voit douter, faiblir, il s’accroche à elle, l’enlace.

« Je suis mort, mais je ne t’ai pas abandonné, je suis revenu, comme je te l’avais promis…Ils seront nombreux à se faire passer pour moi, mais ils ne savent pas que je suis près de toi…Débarrasse-toi de lui, rejoins-moi… »

Le rejoindre…Elle n’avait plus que cette idée en tête depuis la trêve et sa disparition, mais les occasions avaient été réduites depuis sa première tentative, elle était étroitement surveillée. Ses yeux regardèrent furtivement à droite, puis à gauche, comme si elle avait déjà oublié sa présence dans la pièce. Se débarrasser de lui ?...Avec quoi ? Comment ? En serait-elle capable ? Malgré la fatigue et le désespoir qui tendait ses traits, il ressemblait tant à Ailvin, il serait tellement facile de se persuader que c’était le vrai…Mais elle ne pouvait pas le trahir, sachant au fond d’elle que ce n’était pas le vrai…Mais ca faisait si longtemps, si longtemps qu’il n’était pas revenu, elle se sentait si seule, abandonnée…

Et puis le geste, comme une agression, vient casser le fil de ses pensées. Il lui prend les mains, et elle reste un instant figée, sans savoir quoi faire, retenant son souffle, son cœur cessant soudainement de battre…En une fraction de seconde sa folie fait rage et elle le repousse avec toute la violence dont son faible corps est encore capable. Ses yeux révulsés se posent sur lui, tandis qu’elle referme les bras sur elle, comme pour se protéger, hurlant sur lui :


« Arrêtez ! Arrêtez ça ! Vous n’êtes pas Ailvin ! »

Elle éclate en sanglots et se cache le visage entre ses mains, répétant sans cesse.

« Vous n’êtes pas Ailvin ! Vous n’êtes pas Ailvin…Ailvin est mort….Vous n’êtes pas Ailvin… »

Ses doigts s’écartent lentement, laissant apparaitre ses yeux froids embués, tandis qu’un flot de larmes continue de couler paisiblement sur ses joues, son corps toujours secoué de sanglots maintenant entrecoupés de hoquets.

« Qui êtes-vous ?...Pourquoi me faites-vous ça ?...Ma détresse n’est-elle pas encore assez grande ? C’est elle qui vous envoie pour me narguer ! Elle ne fait qu’attendre que je pose un pied près de la frontière pour m’emprisonner ! Ou bien serait-ce lui ? Il hait ma famille pour avoir accompli ce qu’il n’a pas su faire, il veut atteindre mon père à travers moi ! »

Elle semblait ailleurs dans ses considérations, comme si son esprit avait déjà oublié sa présence, et laissait libre cours à sa paranoïa. Les émotions en semblent si fortes que son corps peine à les contenir, et ses frêles jambes tremblent comme si elles allaient céder sous le poids de son corps.

*de Georges Rodenbach
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Ailvin
[ Je suis ce que je fuis... ]

Une porte claqua, bruyant vacarme symbole d'un amour terni, tumultueux chahut, allégorie d'une passion flétrie, tapageur bastringue, incarnation d'un esprit persécuté.
Les membres épris d'un tremblement, il marchait le long d'un couloir, appuyé sur les murs noircis d'un Palais ensanglanté. Sanglant des larmes du Wolback qui, les yeux embrumés continuait d'avancer, s'enfonçant dans ce sombre jour encrassé d'angoisse, sa vision altérée provoquait en lui d'illusoires sensations, les rires le cernaient, un oeil d'encre saignait, une ombre sans répits l’égorgeait, et l'affliction se faisait grandissante, désormais à genoux, le Blond se noyait dans une mer de tourment balayée par les rafales larges de la désolation, avant qu'un cri, ultime supplice d'un être en désespoir, ne se fasse entendre.
De prompts pas se faisaient entendre, était-ce la mort qui venait le prendre avec elle, là bas, dans l'autre monde, le libérant du joug de la forfaiture de celle qui jadis fut la terre, le ciel, le monde, la beauté, l'envie, l'amour et qui maintenant lui amena la mort. Aimer jusqu'à la mort, tel avait été son serment et tel allait être le dénouement.

La foule de servantes qui se massaient autour du Wolback aux allures de miséreux se faisait grandissante, le bruissement reprenait, la rumeur de la renaissance se faisait pressante, le bourdonnement qui venait de là bas, le monde des hommes, chantait la véhémence de la vie et alors le Wolback naquit.
Échoué navire sur la rive de la déchéance, il se releva tant bien que mal avec l'aide des vivants, observant de ses yeux aveugles les flots humains qui le scrutaient avec singularité.
S'exclama alors une femme parmi les Hommes :


« Laissez le ! Je le reconnais, c'est le fiancé de Son Altesse ! »

Soulevé par de fermes bras, il se sentit transporté par une force fluide sur des lieux de marais, sur le ciel se dessinaient des barreaux par où réchappaient les lueurs de la conscience.
Le Wolback respirait lourdement, il était couché sur un lit, Ninnog penchée sur lui le suppliait de se réveiller et priait milles Saints de le maintenir en vie. Le Baron se redressa, ses yeux le brulèrent. Il voyait à nouveau.
Haletant, il écarta la femme potelée à son chevet et lui demanda de le laisser, ce qu'elle fit. Lui se leva, et retira les haillons qui lui servaient alors de vêtements. Il était tel l'Homme à sa naissance, nu et inconscient. Inconscient du lieu où il était, inconscient de ce qui lui était arrivé. Était-il au paradis ? En vie ? En enfer ?
En tenue d'Adam, il traversa la chambre qui l’accueillait, à quelques pas se trouvait une bassine remplie d'une eau glacée, il y plongea la tête.
La gifle fut sans équivoque et la substance du Wolback se remettait en marche.
Y passèrent par la suite barbe, bras, torses, jambes et cætera.
Alors il se tint là, debout face à une glace qui lui montrait bien toute la vivacité retrouvée de son être.

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Marzina
Il est parti…Il est parti ca y est, il est parti…Et pourtant, la sensation de délivrance ne venait pas avec sa sortie de ces lieux, elle avait toujours aussi mal, et sa tête lui donnait l’impression qu’elle allait exploser. Assise au bord de son lit, les mains sur sa tête comme pour étouffer le bruit de sa raison qui lui hurlait que c’était lui, qu’il n’était pas mort, et qu’il s’était tenu là, devant elle…Elle avait repris ses habitudes perdues après la guerre, attrape la bouteille près de la table de chevet, et remplit son verre d’une main tremblante. Le liquide alcoolisé remue dans le verre tenu de façon maladroite, et agitée, elle avale son verre d’une traite. Il ne restait plus qu’à ce que l’alcool l’endorme, elle était devenue tellement faible qu’un simple verre de chouchen suffisait à l’assommer. Mais le but, surtout, était de faire taire son fantôme.

« Pourquoi l’avoir laissé repartir ? Et s’il revenait un jour ? Pourquoi ne pas l’avoir tué ? Tu me déçois, tu me déçois tellement…Tu ne m’aimes pas vraiment, si tu m’aimais, tu m’aurais déjà rejoint, tu l’aurais déjà tué…Si tu m’aimais… »

Elle hurle et se débat dans la chambre, prisonnière de bras invisibles qui la retiennent, les sanglots reprennent alors qu’elle crie :


« Bien sûr que je t’aime ! Arrête de dire ca ! Ne dis pas ça, je t’aime ! Je ferais ce que tu veux, arrête… »

Elle s’élance vers la porte sans vraiment savoir ce qu’elle va faire, l’ouvre à la volée et tombe en pleurs dans les bras de Ninnog, s’y accroche avec ferveur tout en gémissant :

« Bien sûr que je l’aime, mais il est mort, et je peux rien y faire… Aide-moi à le rejoindre Nounig, je n’en peux plus… »

La bonne femme a beau être charpentée, elle n’est plus aussi jeune qu’elle l’a été, et l’aide de quelques domestiques hélés n’est pas de trop pour remettre la princesse à bout sur ses jambes, alors qu’elle prend son visage entre ses mains et l’oblige à la regarder dans les yeux, cherchant ses pupilles parmi le flot continu de larmes. La blonde la regarde, et la haine l’envahit soudain lorsqu’elle voit sa gouvernante avec un sourire radieux. A ce moment là, la bretonne est assurément sur le point de commettre un meurtre. Heureusement, la gouvernante parle la première :

« Mais non mademoiselle, il n’est pas mort…Il est en vie, votre fiancé ! Vous l’avez vu tout à l’heure ! Le pauvre était bien mal en point après ce que vous lui avez fait subir…»

Elle l’écoute sans comprendre, pleurniche un peu moins, et se remet à hoqueter avec un air hagard. La gouvernante est gênée, elle voit bien depuis un moment qu’un truc ne tourne plus très rond dans la caboche blonde, mais sans en savoir plus, elle ne peut l’affirmer. De la voix douce que l’on réserve aux enfants, elle lui explique calmement :

« L’homme qui est venu vous rendre visite…C’était votre fiancé, Ailvin Wolback…
- Ailvin…est mort !, hoquète la blonde avec un regard lourd de reproches.
-Non, il n’est pas mort mademoiselle, il est vivant et bien vivant…Il est assez amoché, mais c’est bien lui, j’en mettrais ma main au feu ! »

Elle la regarde toujours sans trop comprendre, sans trop oser y croire. Pourrait-elle être dans un état pire encore que l’actuel si Ninnog s’est trompé, si elle la croit quand elle lui affirme qu’il est revenu, et qu’il n’en est finalement rien ?

La gouvernante prend les choses en main, et dégage les boucles blondes collées au visage princier par les larmes, qu’elle essuie avec un mouchoir de soie. Elle sait bien qu’elle ne pourra pas faire grand-chose en si peu de temps, mais les réflexes de la mère qu’elle a été pour cette enfant restent ancrés en sa chair. Elle la mène lentement vers la chambre qu’elle a allouée au jeune mainois, la tenant par la main comme une enfant tandis que la blonde suivait docilement sans poser de questions, le regard hagard.

Devant la porte, la gouvernante toque quelques coups rapides, enclenche la poignée et s’efface, poussant la blonde dans le dos pour qu’elle entre. Et tandis que Ninnog reste en retrait derrière la porte qu’elle referme, guettant le moindre bruit suspect pour se précipiter à l’intérieur, la blonde reste droite et immobile devant un blond à moitié nu. Le silence est total, juste entrecoupé de quelques hoquets qui secouent le corps frêle par instants. Les yeux noirs scrutent et détaillent l’homme devant elle. Les pupilles s’attardent sur des détails : des grains de beauté, de vieilles cicatrices, avant de remonter vers ses yeux…Les connexions sont longues à se faire : la bretonne est sous-alimentée, et déjà blonde à la base, ne l’oublions pas.


« Ailvin ?... »

Un hoquet à moitié étouffé, et sans plus attendre, la voici qui se jette dans ses bras, le serrant contre elle à l’en étouffer, respirant avidement le parfum de sa peau. Elle s’accroche à lui, ses bras glissant sur sa peau, comme s’il allait soudainement disparaitre.

« Ailvin…Ailvin…Ailvin… »

L’esprit s’égare, les mains se posent sur son visage, tandis que les lèvres se caressent avidement. Lorsque le baiser s’efface, les larmes remontent à nouveau dans ses yeux.

« Tu étais mort Ailvin… »
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Ailvin
    « Tatoue moi sur tes mûrs, un futur à composer. » Mozart l'Opéra Rock


Le Wolback était debout, dans cette pièce, dénudé, la main sur ses yeux encore douloureux.
Dans le couloir des pas faisaient écho. Il ne pouvait s'y méprendre, c'était là les foulées de la Monfort.
Feue Marzina de Monfort-Penthièvre car en lieu et place était désormais une créature déficiente et insensée, elle n'était pas cela, il n'aurait pu aimer une telle inepte.
Lorsque la porte s'ouvrit, il ne cilla pas, on entra alors, mais lui ne daignait remuer, du moins pas jusqu'à ce que ce mot ne résonne.


« Ailvin ?... »

Il releva la tête et ouvrit les yeux, dos toujours tourné à l'entrée de la chambre. Il déglutit, avait-il à nouveau des hallucinations ? Son pouls s’accélérait, ses pupilles se dilatèrent mais sa conscience craignait ce qui l'attendait, là, à quelques mètres.
Mais l'instant que cette pensée ne traverse son esprit que déjà la silhouette s’élançait en sa direction, bondissant dans ses bras qu'il resserra sur elle machinalement. Sa respiration était encore hésitante, elle l'étouffait et lui ne réalisait toujours pas que c'était elle. Vraiment elle. Qu'elle était... de retour.


« Ailvin…Ailvin…Ailvin… »

Mais cette voix, ces mots, il ne pouvait se tromper, son regard se posa sur elle. Il pleura. Les larmes devinrent ruisseau, rivière puis torrent, emportèrent avec elles toute l'exaspération et l'aigreur du Wolback, blanchirent son âme de toute appréhension.
Les deux amants, unis à nouveau, s'embrassèrent, lentement, longuement, et comme jadis leur union fut douce et gracieuse.


« Tu étais mort Ailvin… »

De ses bras il se libéra alors, et sans dire mot, fit quelques pas vers la couche. Soulevant un linge immaculé, il s'en drapa, récupérant au passage l'écrin pour lequel il avait parcouru tant de chemin.
Le Wolback se mit à genoux, face à son aimée.


« Je suis mort, mais par ta grâce je revis. »

Prenant ses mains dans les siennes, il les baisa avec bonté avant d'ouvrir le coffret, la voix tremblante.

« Marzina, ma Princesse, veux-tu m'épouser ? »
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