Afficher le menu
Information and comments (0)

Info:
Circonstances et histoire de deux âmes futurement soeurs ....

[RP] Quique amavit cras amet - Acte II

Alan.de.t
[Loches, Tourraine - 25 Octobre 1459]

Avec un jour de retard, le Talleyrand parvint enfin à Loches. Après plus d'une semaine de voyage depuis le Lyonnais-Dauphiné avec un petit détour au Limousin, Alan voyait enfin approcher la Tourraine. Le petit groupe était allé bon train mais avait rencontré quelques soucis, l'obligeant à retarder son arrivée d'une journée. Aux portes de la ville, la compagnie se scinda et Alan prit la route de la ville basse. Il devait y retrouver son valet qui l'avait devancé pour tenter de joindre la Licorneuse qui occupait ses songes depuis plusieurs mois. Les dernières nouvelles qui lui étaient parvenues n'avait pas été des plus réjouissantes puisque le Borgne n'avait pas pu remettre la dernière missive à la destinataire, piégée à Tours.

Le Nuitel menait sa monture dans les rues de Loches. La peur et le désarroi se lisait sur les visages des quelques personnes qu'il croisait. Le siège de Tours les affectait tous, du plus jeune au plus vieux. Chacun craignait pour son avenir si les Ponantais parvenaient à faire tomber la capitale. Toutes ces mines défaites inquiétaient Alan qui n'avait pas pris toute la mesure des évènements. Il s'enquit de l'adresse d'une auberge auprès d'une vieille mendiante et lui tendit quelques unes des ses vivres avant de repartir.
Il piqua Farengo du talon et le poussa dans une étroite ruelle où les habitations s'affaissaient vers la chaussée, privant de lumière les pavés éparses de la voie. Dans cette atmosphère oppressante et étouffante luisait pourtant une lumière inespérée vers laquelle convergeait quelques ombres. Le Nuitel parcourut rapidement le chemin qui le séparait de la lueur. Un brouhaha se faisait grandissant et le bruit des brocs s'entrechoquant, des éclats de rires et des engueulades se fit plus distinct. Le Talleyrand se froissa d'un haussement de sourcil et laissa s'échapper un murmure rauque entre ses dents serrées :


- Foutre, ne pouvait-il trouver un lieu plus paisible ?

Il gagna la porte et mit pieds à terre. Laissant son destrier à un jeune lad, il pénétra au coeur même du...

- Foutre de Foutre ! s'exclama-t-il.

Ce que le Talleyrand avait pris pour une taverne se trouvait être un lupanar en pleine effervescence... Il se retrouva au beau milieu d'un cohue-bohu monstrueux où les gouges s'escambillaient avec entrain, faisant le bonheur d'un poignée de pelés. L'une d'entre-elles s'approcha de lui en posant sa main sur son épaule mais fut reconduit d'un simple regard, le regard noir du Talleyrand, typique des ses instants de ire... Il se fraya un chemin sans ménagement au travers des différents couples... trio... groupes... Bref, il cherchait son valet. Il caressait l'espoir de s'être tromper d'endroit, de s'être fait refiler une mauvaise adresse lorsqu'une main se posa sur son épaule.


- Trouvons nous un siège, Messire, lança le Borgne.
- C'est une plaisanterie ?! lâcha sèchement le Nuitel, qui tentait visiblement de retenir sa main...
- Hum... Laissez moi m'expliquer... Je...
- Dehors, sombre abruti !

Saisi par le col, le Borgne se résigna donc à sortir. Une fois dans la ruelle, il reprit vivement anticipant les représailles de son Maitre.

- Ne me frappez pas, Messire. Ce n'est pas pour mon plaisir que je loge ici... Vraiment pas... insista-t-il en voyant la mine du Talleyrand, visiblement pas convaincu. Messire, la guerre ravage ce pays, il n'y a plus une auberge de libre en ville ! Elles sont toutes pleines de réfugiés, jusqu'à 7 par chambrée ! Ils fuient tous ! Les Ponantais ne se contentent pas d'assiéger Tour...

Il hésita un instant...

- Et bien quoi ? Parle !! s'exclama le Talleyrand d'une voix vacillante.
- Ils... Ils mènent chaque soir des assauts meurtriers contre les murs de la ville...



Quique amavit cras amet > lat. "Qu'il aime à nouveau, celui qui a aimé"

_________________
Lady_antlia
[ "Heureux qui comme Ulysse, a fait un beau voyage..." *]



Il y avait eu les obsèques douloureuses du Perplexe, Grand Maitre de l'Ordre Royal de la Licorne... Il y avait eu cette précipitation en cette guerre et la petite blonde engagée dans les combats.
Il n'était jamais simple d'appréhender ces combats et il ne lui était pas simple de le faire. Pour cela, son âme "guerrière" reprenait le dessus et elle oubliait sa condition de femme et mère. En ce jour, elle n'avait toujours pas eu de nouvelles à sa dernière missive de son ancien impétrant, Alan de Talleyrand.


Il lui avait semblé ressentir quelques troubles à la lecture de ses derniers mots, son coeur avait battu un peu plus fort. Ses mains tremblaient légèrement et le feu couvait sous la peau de ses joues.
Mais ces temps de guerre ont cette particularité de faire oublier beaucoup de choses ou sentiments , du moins les occulter. Se retrouver parmi ses frères et soeurs d'arme et ne former plus qu'un à la demande de la Reyne, voilà le Credo qu'ils devaient suivre à présent. Former un seul corps, celui de la Licorne.

Ces derniers jours, Antlia avait rejoint les rangs d'une armée : Memento Mori. En ce mois d'Octobre 1459, elle venait grossir les rangs de cette armée au commandement d'une poignée d'hommes appartenant aux Ordres Royaux.
Elle se retrouvait parmi un monde qui aurait du être le sien, celui de la Noblesse avec ses us et coutumes. En effet , l'armée était composée de Nobles, de Grandes Familles, de Hauts Officiers Royaux. Mais l'Etoile avait passé plus de temps sur les routes, dans des campements ou dans des combats que dans ses demeures, son château ou parmi les Nobles . Certes, l'Ordre comptait bon nombre de Nobles et hauts dignitaires mais ils se considéraient tous comme des soldats à part entière, bras armé contre les félons.

Après s'être installée ce soir là dans une tente au beau milieu du campement et de sa ruche, elle prit le parti de se laisser choir quelques instants sur une couche sommaire.
Il fallait dire que les moments de repos étaient peu nombreux et qu'il fallait profiter des moindres instants.
En faisant le tour du regard de l'intérieur de la tente, on pouvait constater qu'il y avait très peu de meubles afin de ne pas entraver un déplacement le plus rapide possible. Elle contenait plusieurs couches, celles de ses frères, quelques affaires et armes. Vous me direz qui s'accordait à penser qu'une femme devait avoir sa tente et l'homme une autre? Une guerre ne s'arrête pas à cela, et ils étaient à ce moment précis des soldats.
Alors l'Etoile s'allongea un instant, passa ses bras derrière sa nuque d'où émergeait sa longue natte couleur des épis de blé murs. Ses yeux posés sur le tissu de la tente, ils s'y noyaient. Sa respiration se calmait, devint profonde, et gardant les yeux ouverts, elle sentit petit à petit ses muscles se décontracter. Tant de petites décharges, de petits tressautements indiquant que son corps se mettait au repos ... enfin.
Les traits de son visage s'apaisèrent,. C'est à ce moment que les pensées resurgirent, vagabondèrent. Elles revenaient au pas de charge ces pensées qu'elle avait essayées de fuir, que l'occupation d'une guerre fait oublier.
Pourquoi n'avait il pas répondu ?


* Joachim du Bellay
_________________
Alan.de.t
[Dies Irae - Jour de colère]


Dans les méandres obscurs de la bourgade de Loches, le silence s'était fait. Le maître s'était tu, assommé par sa prise de conscience tardive et le valet, anxieux n'osait plus piper mot. Seuls dans cette étroite impasse, à l'abri du plus lumineux rayon de Lune, les deux hommes se dévisageaient et, dans l'oeil de l'autre, Elias lisait la tourment qui l'affectait. Alan, la mine terreuse et usée, la barbe drue et l'oeil noir avait abandonné son assurance et sa fierté au désarroi et la peur.

Les visions macabres qui avaient envahi l'esprit du Talleyrand à l'évocation des assauts ponantais le ramenait bien des années auparavant, aux portes du château de Mirmande, dans le Dauphiné. Il avait 38 ans et avait mené jusque là une vie de cultivateur, loin de sa noble famille. Au bas des remparts, une soixantaine de paysans, éleveurs, mineurs et autres va-nu-pieds, et lui. En haut des murs, un vingtaine d'hommes d'armes et un Seigneur indigne. A l'aube, à l'heure où l'astre solaire transformait la pierre sombre des murs en or, les faux et les fléaux s'étaient agitées. Un tronc déraciné dans la nuit servirait de bélier, les battants de la porte de bois ne devraient pas résister. La horde s'élança contre les remparts et s'y brisa comme la vague sur l'écueil. Sous la volée de flèches, une poignée d'hommes de tout âge s'écroula, face contre terre. Pourtant le courage ne manquait pas d'animer encore les rebelles qui ne cessaient d'affluer, bientôt rejoins par une douzaine d'autres, et plus encore. Un signe de tête de l'homme devant lui et Alan s'étaient mis à courir, lançant un dernier regard à Allia, son épouse. Ses jambes l'emportaient et le mêlaient à une foulée commune. Les mains cramponnées sur une poignée de fortune faite de cuir clouté, il envoyait le bélier contre la porte qui rugit dans un craquement déchirant. Le bois sec céda dès le premier coup et les rebelles s'engouffrèrent dans la brèche. Muni d'une pique, Alan s'était élancé avec ses compagnons. Mais au milieu de la cour, montés sur des destriers cuirassés, les attendaient une quinzaine de cavaliers en armure. Les rayons lumineux se reflétaient sur l'acier comme si le ciel lui-même encourageait ces hommes plutôt que les rebelles en haillon. Un cor résonna dans l'enceinte, un second y répondit depuis l'extérieur... Sorti des bois, quarante cavaliers légers, n'arborant aucune livrée, formèrent une ligne derrière les paysans. Alan ne comprit que trop bien dans quel pièges ils s'étaient fourrés. La peur l'envahit, lui et bon nombres de ses compagnons. Des regards s'échangèrent, fallait-il baisser les armes ? La négociation n'eut pas lieu, ne laissant aucune chance aux rebelles, le Seigneur de Mirmande lança son palefroi contre la dizaine d'hommes qui avait pénétré son domaine. Dehors, les mercenaires piquèrent leurs montures et vinrent s'abattre tel une masse sur la peuplade restée hors des murs... Les épées tranchèrent, les lances empalèrent, les masses fracassèrent. Le sang, les cris et les larmes envahirent le castel et ses alentours. A la vue du Seigneur lançant sa charge, Alan s'était précipité au travers des débris de la porte. La révolte venait d'échouer, il le savait, et il devait protéger Allia... La charge des mercenaires lui glaça le sang. S'abattant sur les rebelles avec toute la férocité d'une bête, ils s'adonnaient à un massacre selon leur coeur. Pointant sa pique devant lui comme un désœuvré, Alan courrait jusqu'au moment où, à une cinquantaine de mètres devant lui, il vit périr celle qu'il aimait. Courant vers les bois, Allia s'était faite transpercée par une lance au possesseur inconnu. Les yeux sombres d'Alan s'étaient emplis de larmes... Désespéré et ivre de colère, il s'était élancé contre le premier cavalier venu. Une masse vint lui fracasser le bras et la douleur l'avait fait s’écrouler, inconscient. Des quatre-vingts hommes et femmes qui avaient finalement pris part à cette révolte, treize seulement avaient vu le soleil s'effacer devant la lune. Allia, elle, avait rejoint le paradis solaire avant qu'il ne disparaisse...

Un couple sortit de l'établissement pour briser l'assourdissant silence. Il ricanait, elle gloussait, tous deux agaçaient le Nuitel.


-Que la Carnade les emporte... murmura-t-il entre ses dents.
-Elle en emporte plus que de raison par ici, Sire...

La pupille humide et vacillante du Nuitel se posa sur le Borgne.

-Comment as-tu perdu cet oeil, Elias ?

La question avait fendu l'air, vil couperet chargé de haine, sentence injustement tombée sur le valet loyal. Ce dernier détourna son oeil du Talleyrand et se mordit la lèvre. Ordure qu'il pouvait être... Il savait que le Borgne n'en parlait jamais. Sa colère l'emportait bien au delà de ce que son valet pouvait supporter...

-Je te pose une question, renchérit-il.

Une seule chose pouvait rendre le Talleyrand si acide et ordurier, et le Borgne avait fini par le comprendre...


-Il vous faudra l'oublier... répondit-il d'une voix blanche.
-Pardon ?
-Celle que vous avez aimé... Il vous faudra l'oubl...

*SPAF*

Aussi rapide qu'inattendu, le poing du Talleyrand s'était abattu sur le menton du Borgne et le Nuitel s'était jeté sur son valet, l'emportant avec lui au sol.


-Foutre ! Comment oses-tu ?!
-J'ose ! se mit à gueuler le Borgne emporté par la colère. J'ose parce que vous vous élancez à travers le Royaume pour rejoindre une femme que vous dites aimer quand vous en aimez une autre ! J'ose parce que le moindre souvenir de celle-ci vous fait vous comporter comme le pire enfant de salaud que ce royaume ait jamais porté !

La poigne du Talleyrand sur le Borgne se resserra tandis qu'il l'écraser un peu plus sur le pavé. Mais ce dernier, loin d'en démordre, continua de plus belle...

-J'ose parce que vous ne pourrez pas en aimé deux à la fois et que vous seriez assez con pour préférer la morte à la vivante ! J'ose parce que cette Licorne est la meilleure chose qui vous soit arrivé depuis des années et que vous vous refusez à en prendre pleine conscience !

Abruti par les propos du Borgne, Alan relâchait peu à peu sa prise...

-J'ose parce que vous n'osez pas vous-même ! Et J'ose parce qu'Allia vous emportera dans la tombe quand Antlia vous rendra la vie qui vous fait défaut depuis que je vous ai retrouvé !

Le Talleyrand tomba en arrière... Allia et Antlia, les deux noms martelèrent son esprit. L'évidence même. Des sonorités si semblables...

-Je ne l'aime pas... C'est Allia que j'aime à travers elle... dit-il finalement la voix tremblante.
-Allons bon ! répondit le Borgne en se redressant.
-Je te dis que ce sont les noms...
-Les noms ? Mais que sont les noms ?
-Allia et Antlia... Je ne l'ai jamais appelé L'Etoile, ou Kennedy... Toujours Antlia...
-Sottardise que tout ceci ! L'une était paysanne quand l'autre est soldat !
-Allia ne manquait pas de courage...
-Mordiable, vous n'en démordrez pas ? La première vous a séduit, la seconde ne vous voit que comme un soldat. Ses cheveux étaient noirs de geais, ses pupilles aussi sombres que les vôtres. Antlia est blonde avec des nuances rousses, ses yeux sont d'un vert pur. Allia avait votre caractère de feu et la Licorne est douce comme l'eau.

Le Talleyrand, effaré, plongea son regard dans celui du Borgne.

-Comment foutre sais-tu tout cela ?
-Diable, à quand croyez vous que remonte mon service chez les Talleyrands ?! Je servais de jeune assistant à votre diplomate de mère dans l'Orléanais quand vous jouiez encore avec un cheval de bois ! J'ai été le premier témoin de vos ébats avec la brune, j'ai assisté impuissant à votre départ... Nous nous sommes peu croisés à cette époque, mais vous m'aviez déjà vu. Certes pas comme ça... ajouta-t-il en montrant son oeil. Pour information, j'ai perdu cet oeil dans les semaines qui ont suivi votre fuite. Votre mère m'avait envoyé au Sud pour vous chercher et j'y ai fais de mauvaises rencontres...

Le Borgne s'interrompit un instant. Le Talleyrand ressentait une forme de gêne mêlée de honte face à cet homme qu'il traitait comme un vulgaire bon à rien, cet homme qui avait veillé toute sa vie durant sur sa famille et sur lui-même... Un instant, il eut l'impression d'être un enfant, un enfant de 49 ans certes, mais le plus ingrat qui soit. Silencieux, il prit conscience de toute la cruauté qu'il avait déployé à l'égard de celui qui ressemblait plus à un ange gardien qu'à un valet soiffard et bougon...

-Bref... reprit le Borgne, arrachant par la même le Nuitel à ses pensées. Croyez moi, vous aimiez Allia mais l'état dans lequel vous plongeait l'attente des réponses de la Licorne était tout autre, et bien plus profond. Si c'est d'amour dont il s'agit, il est d'une tout autre forme et vos tristes sonorités n'ont rien à faire là-dedans. Maintenant, il vous faut faire un choix : avoir aimé ou aimer de nouveau. Les deux ne peuvent coexister et les deux mènent vers des chemins différents...

Alan ne répondit pas. Dans l'obscurité, ses yeux sombres émettaient une lueur vivace. Assis tous deux sur ces pavés boueux, dans cette ruelle éclairée seulement par la lumière dansante émanant du lupanar, ils se dévisageaient. Et dans l'oeil de l'autre, Alan lisait le tourment qui l'affectait. Elias, la mine terreuse mais vive, la barbe grisonnante mais taillée et l'oeil gris avait abandonné son air gauche et grognon à l'anxiété et l'inquiétude.

-Tu mériterai le bâton pour ce que tu m'as dit, commença le Nuitel d'une voix atone.
-Allons bon !
-... mais d'ami plus fidèle, il ne s'en trouve pas.
-Ne commencez pas à me faire chialer, je regretterais alors de vous avoir gueuler dessus !

Le Talleyrand sourit et se leva. Il tendit le bras au Borgne et reprit :

-Très bien vieillard... Parle moi de Tours.
_________________
Lady_antlia
[ Tours - Armée Memento Mori -
" Le remords, c'est le crime enfoncé dans l'âme, qui s'oxyde " *]



Sa poitrine se souleva dans un long soupir comme si la tension s'effaçait et s’échappait par ce souffle chaud. L'Etoile croisa les pieds ou plûtot les bottes qu'elle n'avait point ôtées.

Peut être n'avait il aucunement envie de s'investir avec une femme qui n'avait de cesse de parcourir les routes du Royaume de France, qui se battait à se faire renvoyer par son Capitaine pour cause d'accouchement imminent.
Même son précédent soupirant n'avait pas soutenu cette figure qu'elle était.
Oui elle n'était pas femme à rester au foyer et cela depuis sa plus tendre enfance. Fille adoptive d'un grand Capitaine, son mentor, femme devenue Capitaine elle même de l'Ost après avoir été soldat des années durant, elle ne pouvait rester en place dans une jolie demeure …. même pour ses enfants. Et elle l'avait payé très cher.

Dans ses souvenirs, il y avait d'abord eu le rejet de sa fille, Appolline pour la Licorneuse qu'elle était, ou plutôt la Licorne qui lui enlevait sa mère.
Le père de son fils.... Guidel avec qui le mariage avait été annulé.... pour cause de dommages collatéraux en la figure de celui qui serait Dauphin du Royaume beaucoup plus tard.
Un fils, Tristan qu'elle ne voyait pas. Il était à la demeure de son père, élevé par les nourrices.
Si elle s'était laissée épancher, elle aurait craqué, aurait hurlé de douleurs et de haine contre elle . Mais ces blessures ne se refermaient pas. Pire, la douleur lui rappelait combien elle était vivante.
Elle avait raté sa vie de femme, et en tant que mère elle était devenue incompétente. Et pourtant, Aristote savait combien elle pouvait les aimer, combien ils comptaient pour elle.
Oui, ils comptaient ….

D'un mouvement, elle s'assied sur la couche. Dans un deuxième, sa main s'empara de son n nécessaire à écrire. La table improvisée fut prise d’assaut, elle déballa ce qu'il lui fallait. Droite, assise au mieux, elle leva les yeux du vélin, regarda droit devant elle sans voir l'ouverture de la tente, les sinoples perdues … Elle cherchait non les mots mais la force vive. Elle ne cherchait pas l'introduction mais comment arranger cette flopée de phrases qui lui venaient dans un désordre sans nom.

Citation:



De Antlia Kennedy, Baronne de Grignan, Seigneur de Urre, Cavalier de la Licorne

A Appolline Kennedy, fille d'Antlia Kennedy et de Leriot


Ma chère enfant,

Le temps a peut être fait son œuvre et aura apaisé ta colère contre ma personne …. ou l'aura attisée. Quoiqu'il en soit, je ne peux rester sans essayer à nouveau. Je ne cherche point de pardon mais souhaite te témoigner de ce que je ressens, de ce que ta mère ressent.
Chère Appolline, j'ai pour toi, mon enfant, un Amour sans limite. Tu es le fruit d'un amour et sans honte je t'ai portée et donnée vie.
Si mon chemin n'est pas celui d'une mère exemplaire, il est celui de la personne que je suis.
Je t'ai donné tout ce que je pouvais te donner, sans compter. Mais il est clair que je suis soldat et que, même sous tes protestations je ne pourrais changer.
Appolline, je souhaitais te présenter toutes mes excuses de ne point avoir été la mère que tu aurais souhaité.
Si un jour tu penses que, malgré ce fait, nous pourrions reprendre contact, ce jour serait le plus beau de ma vie après vos naissances.

Ta mère qui t'aime.



Après plusieurs ratures, essais, et des sentiments qui effleuraient son cœur et lui serraient la gorge, elle finit et scella sans relire. SI elle l'avait relu, elle aurait pu jeter la missive et le courage dont elle avait témoigné aurait pu s'échapper. Surtout qu'il lui fallait en écrire une autre.

Mais au dehors le rassemblement sonnait, les armes s'entrechoquaient et les soldats de ce jour se préparaient. Une nouvelle nuit commençait à Tours.
Déjà quelques jours auparavant dans l'armée MM, elle avait tué …. Le masque retomba sur son visage, celui du soldat.
Rapidement elle sortit, héla un messager et lui confia le pli accompagné d'une petite bourse d’écus et de quelques ordres.

La nuit allait être rude... Pas moins de 6 armées du Ponant se trouvaient aux portes de Tours .


* Victor Hugo
_________________
Alan.de.t
[Dies Timoris - Jour de frayeur]


Un bruit de pas pressé martelait le dédale entre les box, mêlé au cliquetis régulier de la garde d'une épée battant la boucle d'un ceinturon. Le Talleyrand s'empressait et se hâtait : il s'apprêtait à prendre la route de Chinon avec ses compagnons. D'une poigne vigoureuse, il se saisit de sa selle et en équipa son murgese. Une bête piémontaise aussi robuste que célère, au crin noir de la tête à la croupe. Et ses yeux... Plonger son regard dans le sien avait le don d'apaiser le Nuitel : c'était comme si les pupilles rondes et humides de l'animal se faisaient fenêtres pour lui remontrait leur histoire, toutes leurs aventures, chacun de leur périple depuis leur rencontre à Ceretto, fief du cavalier, berceau de l'équidé, jusqu'à cet instant... Les longues routes vers le Béarn, le Marquisat des Alpes Occidentales, la Savoie... Grignan, domaine de l'Etoile. La mine du Talleyrand s'assombrit à cette pensée. L'éclat de l'Etoile avait du s'estompé, prisonnière de l'ombre ponantaise aux portes de Tours...

-Tours est dévastée, Sire, avait commencé le Borgne de retour sur ses jambes. Le Ponant s'est vidé pour amener contre ses murs toutes les forces dont il pouvait disposer. Dans les tavernes, on parle de centaines d'hommes bien équipés et de machines de guerre des plus sophistiquées. C'est à un symbole que s'en prennent les félons : la ville anime les armées royales d'un courage et d'une hargne sans égal. Le joyau de la Couronne, la plus royaliste des cités inféodées.

Le Nuitel n'avait su que répondre et avait écouté béas, le récit de son valet qui ne dissimulait rien de cette réalité sinistre et inquiétante.

-Les assauts sont quotidiens mais vague après vague, les Ponantais se heurte à une résistance farouche mais de plus en plus fébrile. C'est une bataille d'épuisement, celui qui s’essoufflera le plus vite ne verra pas passer le jour.
-Existe-t-il un chemin vers la ville ? avait-il osé dans un vain espoir de voir le Borgne adoucir un peu son discours.
-Aucun de sûr qui soit connu, Sire... Les Ponantais barrent toutes les routes.
-Y a-t-il des communications établies avec les défenses ? Des rapports d'effectif ? Quelque chose qui viennent de l'intérieur ?
-Hum... Je n'aurais jamais pu avoir accès à ce genre de paperasse, Sire... Mais je sais où vous pourriez vous les procurer. Les forces royales se regroupent à Chinon, elles sont encore trop faibles pour briser le siège mais sont rejointes de jour en jours par de nombreux volontaires. Votre nom et votre rang vous permettront sans aucun doute de vous joindre à eux et vous ne tarderez pas à obtenir ce qui vous fait défaut.

Alan s'était fait à cette idée. Depuis le Lyonnais, il n'avait pas douté un instant qu'il lui faudrait à un moment ou un autre prendre les armes. C'est d'ailleurs tout de fer paré qu'il avait quitté Valence aux côtés d'un Licorneux et d'une poignée de volontaires. Les dires du Borgne ne lui avaient plus laissé d'alternative. Aussi s'était-il arrangé pour retrouver Philipe et lui annoncer qu'il le suivrait jusque Chinon pour rejoindre les forces royalistes. Dans un même temps, et malgré les vives protestations, il avait renvoyé le Borgne dans le Lyonnais pour prendre soin de sa fille.

-Laissez moi vous suivre là-bas, Sire. J'embrocherai une dizaine de Ponantais d'une seule main !
-Et qui veillera sur toi pendant que tu veilles sur moi ? Ta place n'est pas ici Elias... Léonia a plus besoin de toi que moi, elle aura bientôt 15 ans et qui sait combien de temps durera cette guerre ? Rends toi à ses côtés et tâche de faire d'elle une jeune femme digne du nom que tu sers.

Au matin, le Talleyrand s'était rendu à l'écurie, avait scellé Farengo et avait rejoint la porte nord de Loches. Il retrouva là ses compagnons qui l'attendait déjà et ils piquèrent leur montures vers l'Ouest. Chemin faisant, les coeurs se serraient, l'heure du combat approchait pour ces quelques voyageurs... Le Lyonnais paraissait déjà bien loin, inaccessible. Le Nuitel relisait le pli que son valet n'avait pu transmettre à l'Etoile. Sa plume lui paraissait d'une naïveté exécrable : il s'était adonné à lui écrire des mots tendres tandis qu'elle faisait face à la Carnade chaque jour depuis des semaines. A la nuit tombée, les compagnons firent halte. ils n'étaient plus qu'à quelques lieu de Chinon mais un volontaire avait fait remarqué qu'il valait mieux remplir sa panse avec les provisions qu'ils leur restaient avant de souffrir la tristement célèbre "ration du volontaire"... Ils s'installèrent au bord de la route, allumant pour une heure un feu réconfortant. Soudain, une voix inquiète se fit entendre :

-Il y a une vive lueur au Nord-Est...
-Chinon est toute proche, s'entendit-elle répondre par une autre.
-Chinon est à l'Ouest...
-C'est Tours, conclut une troisième voix, s'élevant comme un murmure froid et pénétrant.

Chacun s'en était douté mais personne n'avait osé le dire... sauf ce nouveau compagnon recruté à Loches. Le type parlait peu, mais on disait qu'il avait dû fuir la capitale quelques jours auparavant avec le seul désir d'y retourner... Le Talleyrand releva la tête et croisa le regard de l'insipide trouble-repos.


-Les mangonneaux ponantais réduisent peu à peu la ville en cendres. Chaque soir c'est pareil. Cette lueur est visible à des lieux à la ronde...

Alan jeta regarda brièvement les reflets des flammes dansant sur la tunique étoilée qui recouvrait les cieux. Il détourna peu à peu le regard et plongea sa main dans sa besace pour en sortir sa missive. Il la regarda un instant puis, d'un geste, la jeta dans le feu avant d’asséner un triste : -En selle. L'heure n'était plus aux amourettes galantes mais à la guerre. Il se promit de tout tenter pour rejoindre l'Etoile et de massacrer chaque félon qui tenterait de l'en empêcher.
La compagnie rejoignit Chinon en moins d'un heure et le groupe se disloqua pour aller en reformer d'autres. Dans les semaines qui suivirent le Nuitel s'impatientait de ne pas voir bouger les armées stationnées à Chinon. On lui rétorquait de jours en jours que les forces regroupées à Chinon ne pourrait pas briser le siège et qu'on ne pouvait qu'attendre. Il guettait chaque fois qu'il le pouvait les annonces et rapports qui parvenaient à grande peine de Tours. Jamais le nom d'Antlia n'avait été mentionné, il aimait à y voir une bonne nouvelle mais maudissait encore son impuissance...
Le matin du 5 novembre, une annonce vint briser la routine. Le Talleyrand fut réveillé en trombe par des mouvements dans tout le camp. Il s'affaira rapidement et partit en quête de l'élément perturbateur. Un messager était arrivé, tombant de fatigue, la mine défaite et les traits tirés. Il répétait une même phrase depuis son arrivée :


-Tours est tombée !!!
_________________
Lady_antlia

[ Tours -Armée Memento Mori - La chute, la fuite -]




Elle commençait à sentir la fatigue … Cette fatigue des combats qui duraient, qui s'enchainaient rudes et sanglants. Chaque jour voyait son lot de victimes mais l' heure de l'Etoile n'avait pas l'air de venir. Pouvait on dire alors qu'Aristote veillait sur elle ?
Les Nobles qui se battaient à ses côtés n'étaient pas ses frères et sœurs Licorne mais elle pouvait les considérer comme tel dans le combat qui les avait réuni.

La Blonde, ce soir-là, refaisait les gestes qu'elle avait pris l'habitude d'aligner depuis le début de la guerre contre le Ponant. Aucun état d'âme ; c'était peut être la raison pour laquelle l'Etoile réussissait à tenir. Elle avait tourné la page sur la lettre qu'elle avait écrite quelques jours auparavant à sa fille, les gestes devenaient automatiques mais avec la même efficacité
.

As tu réussi à faire quelque chose pour cette sangle ?

Demanda t elle au pal vers lequel elle s'approchait.
En effet, au combat de la veille une sangle du harnais avait laché .. . une surprise au combat qui aurait pu lui couter cher. Mais Aristote toujours … ou quelqu'un d'autre veillait sur elle. Aucune blessure n'avait terni sa nuit de combats.


Oui Cavalier, on a fait en sorte que ça soit réparé. Ça va tenir j'vous l'assure.

Bien, je te remercie d'avoir fait aussi vite.


D'un geste, elle lui plaça la pièce qu'elle avait pris de sa bourse dans la main puis prit son matériel avant de rejoindre sa monture. De sa main elle caressa le museau de son cheval, sourire à la main et des murmures à son compagnon avant de sangler, préparer puis se mettre en selle.
Un léger soupir s'échappa de ses lèvres avant de murmurer :
Ponant nous revoici !


Elle rejoignit son armée, regarda au loin l'autre armée amie. Leurs rangs s'étaient éclaricis, trop éclaircis vu ce qui se profilait. Ce n'était pas une armée mais six qui se trouvaient devant Tours. L'on pouvait dire qu'ils étaient quasiment encerclés mais il fallait tenir un maximum afin que l'autre front gagne du terrain.
La tension montait doucement dans les rangs aussi surement que les combats de la nuit approchaient.
Antlia avait revetu son armure de Cavalier de l'Ordre de la Licorne, dont le métal présentait une multitude de traces de coups. Juchée sur son destrier, elle se tenait droite. Son état d'âme ? Elle n'en avait toujours pas. Un remord vis à vis de ses enfants ? Non ,elle n'en avait aucun. Elle servait le Royaume de France comme elle le faisait depuis longtemps, mais armes à la main.
Une pensée pour l'homme dont elle commençait à s'éprendre malgré tout ? Aucunement ….
Le devoir, rien que le devoir. Et il valait mieux ne point penser et ne pas se pencher vers l'affectif car l'arme tremblerait à coup sûr.

Une longue inspiration tandis qu'un étrange silence s'abattait miraculeusement sur ce qui était une ruche auparavant. Le silence pouvait avoir quelque chose d'inquiétant, mais ce n'était que la concentration, les prières intérieures vers Aristote qui faisait planer ce no man's land .

Antlia regardait à présent la ligne d'horizon où se massait les armées ennemis, formant une sombre nébuleuse de mauvais augur. Elle ne savait pas pourquoi mais en son ventre, il se formait des tourbillons inquiétants, qu'elle n'avait érpouvé auparavant. Elle le savait, consciemment que c'était peine perdue cette nuit, que le combat était inégal mais … elle était Licorne et cela ne pouvait être autrement.
Il leur fallait tenir Tours coute que coute, et la nuit prochaine allait justement couter. Alors ce silence était peut être le dernier qu'ils faisaient. Ce silence était peut être la communion de ces soldats, de métiers ou non qui savaient que leurs heures étaient comptées.
Justice, Honneur, Bravoure... Ces mots résonnaient parfois en elle afin de trouver le courage de l'assaut qu'elle savait être dernier.


Le signal fut donné, les soldats se lancèrent avec la rage des derniers moments, un baroud d'honneur peut être ?
Toujours est il que la Blonde fondit, épée à la main vers ceux qui arrivaient vers eux, trop nombreux. La lame trancha, toucha, sa rage se muant en cri afin de l'aider dans l'effort physique que cela lui demandait encore une fois. Le combat rude, ses alliés qu'elle voyait tomber à terre et cette rage se muer petit à petit en colère. Elle tranchait dans le vif, et toute la nuit les combats continuèrent.


Petit matin … une poussière flotte au dessus du champ de bataille , couvrant comme un linceul les corps allongés. A l'écart, la blonde, épée pendante à la main, chevelure éparpillée et collant sur son visage gris de terre avait du mal à respirer . Elle n'avait rien … Elle regardait un peu ébétée l'état des choses, et leva un œil terne sur ce qu'il restait de l'armée.... Le capitaine de l'armée était tombé, la plupart d'entre eux également. C'est en rentrant au campement qu'elle pu voir enfin l'étendue des dégâts : ils n'étaient plus que trois !
Une Blanche , un homme qu'elle n'avait croisé que dans cette armée et elle même …. trois, trois !
Commandement appelé rapidement, celui des siens, et l'ordre fut donné : Tours était prise, il nous fallait fuir afin de ne pas tomber dans les griffes des armées poursuivantes.
Aucun temps pour le repos, tente abandonnée à la va vite, l'Etoile prit ses affaires et se dirigea à nouveau vers sa monture qui marquait des signes de faiblesse lui aussi . Ils iraient, mais pas au galop. En partant dès maintenant, ils avaient une chance de s'en sortir !

_________________
See the RP information
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)