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[RP] Des promesses liées au sang, ou Rien

Astana
1450. Astana a quatorze ans.

Deux âmes se sont trouvées et s'enlacent. Elles s'accrochent l'une à l'autre comme si leur survie en dépendait. Et c'est le cas. Les deux créatures ne se quittent plus, de peur de découvrir un monde Autre, un monde A Part, dans lequel leur lien n'existerait pas. Par peur de la déception qui se fait poignante et meurtrière, et qui pourrait vous briser en un souffle, une brise. Par peur de cet Inconnu Inquiétant, tout simplement. Mais n'est-on pas plus fort lorsque nous sommes deux ?
Ensembles, ils vaincront ; et main dans la main, chevelures entremêlées, les gamins découvrent le Monde. Cruel et si beau à la fois. Traitre et somptueux. De l'Avenir ils ne veulent rien savoir… puisque le passé lui-même les a rejetés. Le Destin a réuni un Hongrois et une Danoise, sur les chemins de traverse, et lui seul aura la faculté de les séparer par la suite. Ni le Temps, ni les Gens. Juste ce destin-là, ce futur ô combien incertain qu'ils portent sur leurs maigres épaules en dépit d'un passé noir et agressif. Noir et Ténébreux. Chacun ses casseroles à traîner. Pour la jeune blondeur : son viol, l'abandon d'un père aux mains de perverses connaissances, et une longue fuite. Pour le gitan : le massacre d'une famille sous ses yeux, la sienne, et une errance de plusieurs années.

Jusqu'alors, aucune promesse n'a été faite.
Jusqu'au soir où… par Nécessité, par Envie de… un serment est prononcé, du bout de leurs lèvres si innocentes. A la vie, à la mort. Et pour sceller tout ça, mutuellement ils gravent leurs initiales en leur chairs adolescentes. Une nuque, un coeur. S&F. Un coeur, une nuque. S&F.


1455. Astana a dix-neuf ans.

Plus rien. Plus rien.
Ne plus vouloir vivre, ne plus vouloir ressentir. Vouloir, désirer, espérer que tout glisse sur elle, comme une légère brise. Qu'aucun sentiment ne réussisse à passer cette barrière se voulant indestructible ; que chaque mot, chaque parole et chaque geste se brise dessus, comme une mer déchaînée viendrait s'éparpiller sur quelque falaise tranchante. Le mobilier vole, les dagues et les insultes fusent, comme d'habitude. On lui a prit son frère, qu'on le lui rende. Mais non. Rien, toujours Rien. Y'a des suppositions qui se font, parce l'on a pas retrouvé son corps… ou bien tout simplement que le sien a été brûlé dans l'incendie.

«Mais rendez-moi mon frère ! Rendez-le moi ! Je vous maudis, tous, vous qui êtes là. Je vous maudis pour avoir tué un gosse ! Je vous maudis et vous ne trouverez le repos que lorsque son corps me sera rendu !»

Elle s'entaille alors la main et vient la presser sur les trois joues voisines.

«Son sang sur vos mains, le mien sur votre peau encore chaude. Prenez-le comme un avertissement. La prochaine fois que vous reverrez mon visage, espérons pour vous que le corps de mon frère vous accompagnera, ou vous goûterez à une mort lente et douloureuse.»

Déjà déterminée, la gamine, à cet âge-là. Ici déjà, l'on remarque les prémisses de cette folie lancinante qui l'habite désormais. Folie qui ne fait que grandir et n'atteindra son summum que dans quelques années.

Mais jamais le corps ne fit sa réapparition et les gardes périrent alors.
Le Sang appelle le Sang. La Vengeance aussi.

Et jamais elle n'aura de cesse de le chercher.
Les Serments sont sacrés.

Astana, ou plutôt Sisley comme on l'appelait encore parfois, ne sait rien du fait qu'Il est toujours en vie, quelque part.


1460. Astana a vingt-quatre ans.

Aujourd'hui, cette année... ce matin...


«Lab ? Pourquoi t'es partie ? Pourquoi l'as-tu laissé ? Il finira par en mourir… »

Ce sont ces questions-là, qu'elle se pose intérieurement, sachant qu'aucune personne n'y répondra, et qu'on ne viendra pas la troubler. Astana est passée de Louve solitaire à Louve parmi les Loups. Chose qui ne lui déplaît pas, et qui l'agace en même temps. Elle y étouffe. Mais son frère… oui, son frère est là… c'est tout ce qui compte. Soudés. Impossibles à séparer.

Du moins, c'est ce qu'elle croyait, oui. Mais il faut se rendre à l'évidence : les gens changent. Même celles qu'on aime le plus. Surtout… celles qu'on aime le plus. A peine l'avait-elle retrouvé qu'il souhaitait déjà aller s'empaler sur quelque épée traître.
Le Sang appelle le Sang. La Vengeance aussi. Surtout.


«Lab, Lab… t'es morte… t'es morte, c'est pas de ta faute mais j'te déteste.»

Sa voix est passée de la colère à la fatalité, amère réalité.
Le sang coule, goutte à goutte, et vient souiller le duvet neigeux qui recouvre le sol. Sa main gauche, quant à elle, s'ouvre et se renferme en quelque lent mouvement, cherchant à faire passer cette désagréable sensation. Un peu comme si son coeur battait en sa main blanchâtre.
Un peu plus tôt, une nouvelle promesse a été formulée. Face à tant de Haine, l'obligation, la supplique ne se fit guère attendre. En vertu de leurs identiques gravures, cicatrices, c'était avec ou sans elle. Dans une tentative désespérée, le pari égoïste de faire rester son frère un jour, une semaine, un mois de plus… S'ouvrir la main alors, et mélanger son sang au sang fraternel. Nouvelle promesse, oui. Mais vaine.

Astana est consciente que le moment venu, l'icône fraternelle s'en ira pour trouver vengeance et satisfaire sa soif de sang. Le sang d'un homme qui prit la vie d'une femme sans savoir que derrière se cachait un homme qui ne trouverait le repos qu'une fois le meurtrier mis en terre. Devenir meurtrier à son tour. Cercle vicieux.

C'est Inévitable. C'est comme essayer de retenir de l'eau en ses mains… Au début c'est facile, les mains font office de vasque, jusqu'à ce que l'eau s'échappe par quelques orifices de fortune. Alors on replonge ses mains dans l'eau et on réessaie… tant de fois. Jusqu'à ce qu'on en vienne à la conclusion de circonstance : le problème… nos mains. Mais le problème, ce n'est pas nos mains, c'est l'eau. Cette eau inconstante qui finira toujours par vous échapper, peu importe ce que vous ferez. Gardez-la dans vos mains : elle s'en échappera. Mettez-la dans un récipient : le récipient finira renversé, l'eau évaporée ou transformée en glace. Elle s'échappe toujours. Son frère… c'est pareil.
Le jour viendra où il lui échappera, où il lui filera sous le nez et la Blondeur ne pourra rien y faire.

Mais soit. Qu'ils gardent les mains sales si leur âme est épargnée.

Elle a compris tous les mots. N'en trouve plus aucun autre. Ils sont tous morts, d'un coup, pris au vif, endormis par la neige, par le froid qui glace ses os, ses muscles et tout le reste.

Comme les félins, Astana lèche sa plaie, les yeux sournoisement fixés sur son épée. Peu importe… pas sans elle. Un point c'est tout. Quitte à passer à trépas avant le gitan et la colombe.

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Andrea_
Est ce qu'il sait ?


Est ce qu'il sait ce qu'on ressent quand on perd la personne a qui on tient le plus ?
Combien le coeur est lourd, la brûlure profonde et la plaie incurable ?

L'esprit d'un enfant est complexe. Petite âme sensible qui s'accroche avec son coeur, se fiant uniquement à ses intincts primaires.
L'enfant ne voit pas, n'entend pas, ne ressent pas les choses comme les adultes...
Je me rapelle avoir été cet enfant...


J'ai 8 ans...

J'ai 8 ans et mon paradis s'écroule...
Qui peut croire que tout peut s'écrouler en un instant... Et un instant, qu'est ce que c'est quand on a huit ans...
Un père qui faiblit, un frère qui travaille d'arrache pieds pour que rien ne change dans l'univers de la petite princesse, une mère qui tente de suivre. Une gamine qui ne voit rien. Ils sont tellement doué pour tout cacher...
Peut on cacher à une enfant que ses parents vont mourir, son frère disparaître ?
Croyez bien que si ça avait été possible ils l'auraient fait... Je reste impassible... Le début d'un long combat pour masquer ma peine. Il faut un point de départ...

Une vie de reine entourée des miens, des jeux, des rires, des chants, une famille. Un frère qui me surcouve, des parents aimants. La preuve que l'argent ne fait pas le bonheur, la preuve qu'un mot suffit pour faire éclater de rire une gamine, qu'un regard suffit pour panser ses blessures, qu'un baiser suffit pour lui faire faire de jolis rèves.

Peut ètre qu'à trop avoir, un jour on paye le prix fort. La Jolie a raison... A voler trop haut, on se brûle les ailes... Sauf qu'il fait froid, il fait froid et mon coeur pour toujours allait se glacer.


Mon frère a 15 ans maintenant, et il me demande de venir, il ne veut pas jouer, il veut parler. Naïveté quand tu nous tiens...
Il dit qu'il m'aime, qu'il est désolé, il passe ses mains dans ses cheveux, il ne veut plus me regarder... J'ai longtemps chercher à croiser son regard, j'aurais donné tout ce que j'avais pour sortir un mot, mais... je n'avais que lui et maman...

Je me souviens n'avoir pas réagi. N'avoir pas pu, pas su, pas fait.
Je me souviens l'avoir écouté, avoir baissé la tête, et ne l'avoir relevé que pour le voir disparaître dans la brume. Je me souviens être restée longtemps immobile, impassible, silencieuse.Mes yeux parlent pour moi, des perles brulantes glissent sur les joues. Mais personne n'est là pour les sécher.
Disparu.
Envolé.
Il ne s'est pas retourné, je n'ai jamais su, à cette époque ce qu'il l'avait empêcher de le faire, bien trop jeune, bien trop... vide. Et s'il l'avait fait est ce que ça aurait changé quelque chose ?
J'ai huit ans, et je viens de perdre mon frère. Plus jamais son regard ne se posera sur moi, plus jamais sa main n'ébourrifera mes cheveux, plus jamais il me dira combien il m'aime, plus jamais il ne m'expliquera la chance que j'ai d'être née ici.

J'ai huit ans et je n'ai plus que ma mère puisque l'hiver a prit mon père et que mon frère a décidé de foutre le camp, de prendre son balluchon et d'aller servir de chair a canon.


Continuer de vivre, s'isoler... voir sa mère dépérir, ne plus pleurer, vivre ça de l'extérieur.
Mourir de chagrin. Une bien jolie excuse qui maquille la tristesse d'une mère, et sa lâcheté de ne pas avoir su et voulu s'accrocher a ce qui restait. Elle a choisi de me laisser seule.

J'ai huit ans, et ma famille m'a abandonné.




Je suis adulte maintenant.
J'ai retrouvé ce frère que j'ai cru mort pendant des années. Il est loin, mais il est vivant.
Je sais qu'il ne m'a pas oublié, qu'il donnerait sa vie pour la mienne comme il sait que je ne peux plus me passer de lui. Bien plus qu'un lien du sang, des courriers et quelques rares étreintes : une promesse, un serment.


Passer chaque jour du temps avec Astana et Fan, c'est me prendre en pleine face tout les bons moments que je rate avec lui, ma colombe, mon frère.
Je sais qu'Astana va mal, je sais ce qu'elle ressent, je sais combien son coeur se sert quand il parle de partir, le mal qu'il lui fait quand il parle de mourir pour Lab.

J'aimerais le secouer, lui en coller une, lui dire qu'il est égoïste, peut être le supplier... Qu'il reste, pour elle.

Parce qu'on peut tous survivre à la mort de quelqu'un mais que lorsqu'on fait son deuil une première fois, il est inconcevable de penser le refaire. Qu'à cette simple pensée il l'a tue...

Non il ne sait pas.
Non il ne sait pas qu'une fois suffit... Il n'a pas conscience qu'elle n'en survivrait pas.

Fan, quand la vie vous donne une seconde chance... Qui est-on pour la défier ?

_________________
Gypsi
[*...................................................... J'ai traversé plusieurs désert.
Si ces désert sont sans paroles c'est que je garde la pudeur
Si tu ne vois jamais ma rage c'est que j'peux gérer mes humeurs.
Si tu vois rarement ma peine c'est que ma joie est supérieure.
Si tu n'vois jamais mes larmes c'est parce qu'elles coulent à l'intérieur.]


Le silence devient son arme. Et son armure. Entouré par des personnes auxquelles elle s'attache de plus en plus, malgré ses réticences et malgré sa méfiance, le silence se fait arme, et armure. Observer, écouter, analyser. Elle voit tout. Elle comprend tout. Parce que, ce qui les lie est au-delà des mots. Nul besoin de phrases. Juste un comportement. Un regard. Une esquisse de faux sourire. Et elle comprend. Car tout parle à qui sait lire, voir et écouter. Alors oui, elle voit. Il voit aussi, mais ne comprend pas. Qu'est ce qu'elle a? Parle, dis moi. Qu'est ce qu'elle a?. Elle, elle comprend. Elle sait. Mais elle ne dit mot. Ce n'est pas à elle de lui dire. C'est à lui de comprendre. De s'en rendre compte seul. Certains ressentis doivent être vécus et non racontés, ou expliqués. Alors elle laisse faire. Elle laisse faire le temps. Espérant qu'il fera son travail correctement. Que le temps sera suffisamment long pour qu'il comprenne. Qu'il se rende compte. Qu'il voit. Et qu'il tourne la page des souvenirs passés.

Elle était parvenue à semer ses poursuivants la gitane. Mais elle savait pourtant, que ses cauchemars, eux, ne la lâcheraient jamais. Les souvenirs sont là, la hantent. Et sa vie continue de défiler devant ses yeux... Un frère, une sœur. Unie au plus profond de leur cœur. Au plus profond de leurs âmes. Jumeau. Parfaite moitié l'un de l'autre. Parfait complément, et en même temps, parfaite réplique. Dark et Gypsi sont enfants. Ils s'aiment. Trop peut être. Pas besoin d'autres amis puisqu'elle à un frère. Pas besoin d'autre amour que le siens. Jusqu'au jour où... Gypsi a presque huit ans. 8. Peste dans l'âme, pécore, et folle. Une folie enfantine. La peur de rien. Ni même de la douleur. Elle joue avec le feu. Elle rit pour rien. Simplement heureuse. Puisqu'elle est entière. Son frère est prêt d'elle. Gypsi a presque huit ans. Presque huit ans quand ses parents prennent peur, l'envoient se faire retirer le démon qui l'habite dans une cathédrale lyonnaise. Gypsi a presque huit ans quand, après cet événement, on l'emmène dans un couvent pour l'éduquer. Gypsi a presque huit quand on lui arrache sa moitié.

Gypsi a presque quatorze ans quand elle fugue. Presque 14. Quand elle fugue, et se perd et reperd pour essayer de retrouver le chemin de chez elle. Pour essayer de retrouver son frère. Elle essaie, et elle parvient à retrouver son village. Gypsi a presque quatorze ans quand elle se rend compte que ses parents sont partis. Son frère aussi. Quand elle constate qu'elle a perdu sa moitié. Déchirure encore plus grande. Plus profonde. Plus brûlante. Plus douloureuse. Le passage de la séparation à la perte. Le pire des passages. Car l'espoir disparaît. Alors elle erre la gamine. Elle erre jusqu'à s'évanouir - de faiblesses, de tristesse, de désespoir, ou de douleur - dans la terre humide et froide d'une forêt. Recueillie. Aimée. Appréciée. Retrouver le sourire. Retrouver l'espoir. Car les gitans ont se pouvoir de croire en tout, même quand tout semble perdu. Alors elle espère à nouveau. Et elle part, à la recherche de celui pour qui l'espoir est né à nouveau. Et elle se perd en chemin. Une sœur apparaît. Une sœur, non pas de sang, plus fort encore. De cœur, de sourire, d'envie, de vie. Une sœur de vie. Et un homme, L'homme. Un départ. Loin, très loin. L'Irlande leur ouvre les bras. Et là bas, une rencontre. Un homme, un maître, un seigneur. Son seigneur. Poursuivi. Pourchassé. Haït de tous. D'elle seule aimé. Respecté. Son maître. Qui lui aura appris tant de chose. Se battre. Et se forger un masque. Un accouchement difficile. L'homme, son homme est là. Son maître aussi. Des jumeaux... Deux anges qui l'ont fait souffrir au-delà de l'imaginable. Manqué de perdre la vie. Mais se battre, comme il lui a appris. Et s'accrocher. Espérer. Se rétablir, jusqu'à devoir fuir. Un navire, son homme, ses enfants, sa sœur, laissant derrière eux son maître. Un naufrage. Où elle perd tout.

Gypsi a presque vingt ans. 20 ans. Si jeune, et pourtant si vieille à l'intérieur. Presque vingt ans quand elle contemple son reflet dans la surface miroitante de l'eau du lac sur lequel elle s'est échouée. Et son reflet se fait glace. Et le masque prend place. Et son cœur se fait glace. Trop de souffrance. Un mécanisme de défense. Ne plus penser, ne pas essayer de faire son deuil. Il est impossible. Une vie gâchée. L'horreur des enfants naît alors en elle. Elle les déteste. Tous. De naître pas ses deux enfants à elle. D'être vivant quand les siens sont noyés. Elle les déteste. Et elle se hait de n'avoir sut les protéger. D'être là quand eux ne le sont plus. Et elle hait les hommes aussi. Une boule de haine. Un cœur de glace. Ne plus s'attacher. Ne plus aimer. Seulement haïr, faire souffrir, et partir. Gypsi a presque vingt ans. Et son cœur est glace. Son cœur est glace, mais la glace se fond, commence à se briser lorsqu'elle retrouve sa moitié. Un cœur bon, chaud, plein d'amour et de tendresse, face au siens. Un cœur froid, glacé, emplit de haine, de honte et de larmes. De larmes glacées. Refoulées. Quelques morceaux de glace se brisent encore. Un berger, une reyne. Un frère. Elle ne veut rien de plus.

Pourtant, Gypsi va sur ses vingt-et-un ans quand elle comprend que son frère vit sa propre vie. Que son frère vit une vie qu’elle a perdu. Qu’elle n’espère plus retrouver. Quand elle le voit heureux, rayonnant au bras d'une femme qui fait son bonheur. Quand elle le voit papa-poule, dorlotant un petit garçon qui cristallise son cœur. Et elle pleure. Elle verse les larmes trop longtemps retenue. Elle a presque vingt-et-un an. Quand elle comprend que sa moitié a trouver une autre moitié. Quand elle comprend qu'elle ne pourra jamais haïr son neveu. Quand elle comprend que c'est à elle qu'elle en veut, et non aux autres. La vengeance avait besoin de s'exprimer. Elle a presque dix ans cette vengeance. Gypsi a vingt-et-un an. Presque plus.

Dispute, cassure. Départ. Son frère part. Loin, trop loin. Elle l’aime plus que tout pourtant. Elle sait qu’il l’aime aussi. Mais les moitiés enfantines doivent d’autres moitiés paraît-il. Il a la sienne. Les siennes. Et la gitane s’efface. Même si les missives s’échangent, poignantes. Même si l’un comme l’autre ne rêve que de se revoir, se retrouver, se chamailler. L’amour à distance. L’amour fraternel n’a pas d’autre frontière que la vie et la mort. On peut épouser un autre homme. On peut avoir d’autres enfants. Mais on ne peut jamais avoir d’autre frère.

Elle repense alors à Stan. Et à Fan. Les voir, eux, si proches, si complices, si taquins. Si liés. Elle les voit, les observe. Et elle sait. Oui elle sait. Pour avoir parlé avec les deux. Elle sait. Elle voit. Son regard se fait perçant. Son silence se fait arme et armure. Ne rien dire à Fan. Le laisser faire son chemin. Le laisser comprendre seul. Comprendre seul que la vengeance ne sert à rien. Comprendre que la vie est un don. Un don qui fait du mal. Mais un don. Elle voudrait lui dire pourtant…. Oui lui dire quelques mots, pour qu’il comprenne, qu’il ouvre les yeux : **Te rendre compte que les journées qui s’écoulent, les gens que tu rencontrent, les expériences auxquelles tu es confronté forment ce qu’on appelle une vie. Ta vie. Et des vies, tu n’en vivras qu’une. Lui dire aussi que La vie est un chemin, qui se parcourt dans un seul sens. La reprendre à zéro est impossible. On peut choisir sa destination, réfléchir quand on arrive à une intersection, ralentir, accélérer, décider de ne plus refaire les mêmes erreurs, on ne revient jamais en arrière. Et elle l’a compris depuis peu la gitane. Elle a compris que la vengeance ne faisait que gâcher la vie du vengeur. Que, même si ceux dont on veut se venger, ne mérite pas de vivre, leur mort ne nous apporte rien. Et ne fait pas revenir les morts. Alors à quoi bon tuer ? A quoi bon passer sa vie à courir après une vengeance qui est complètement inutile. Par fierté ? Par honneur ? Par bêtise ? Autant de possibilité. Pour le même échappatoire.

Elle aimerait lui dire, lui faire comprendre, lui montrer qu’il a sa place encore ici, avec eux, prêt de sa sœur surtout. Elle aimerait mais elle ne dit rien. Ne montre rien. Préférant le silence. Il devra faire son expérience seul. Malgré les présences des gens qui l’aiment ou l’apprécient autour de lui. Il devra faire son chemin, et se rendre compte lui-même que la vie mérite d’être vécue pour ce qu’elle est, au présent, et non ce qu’elle était. Que la vie et la vengeance ne font pas parti du même monde. Il devra comprendre seul que Lab, loin d’avoir disparu, est maintenant en lui. Comprendre qu’elle continue de vivre avec lui. Et ne pas oublier qu’autour de lui, vivent tant de personnes qui ont besoin de lui, encore. Et comprendre alors que la vraie liberté, sa liberté de gitan, ne consiste pas à faire ce qu’il veut mais ce qu’il doit. Etre libre. Il ne le serait qu’en pensant ses actes justes. Et bien des actes étaient loin d’être juste. Mais elle gardait confiance. Elle gardait espoir. La force gitane coulant dans ses veines plus sûrement que son sang. Ils comprendraient tous à temps.


*Grand Corps Malade, 1er Janvier 2010
** Pierre Bottero, Ellana, l'envol puis Les âmes croisées

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Fandango
Automne 1436 Première douleur, premier effroi

Euck…Euuck…Ouinnnnnnnnnnnnnnnnnnn !

Première douleur et premier cri de rage, de cette rage de vivre quand la mort vous est promise.
Première peur, première image de ma vie sur mon père un couteau à la main, me libérant de cette corde de chair qui enserre mon cou. Première sensation du contraste entre la chaleur de ma mère qui me serre contre elle et de ce blizzard
qui mord ma chair. Bien plus tard je me demandais encore pourquoi eux, esclaves miséreux avaient tant voulu que je vive. Bien plus tard je comprenais que chez nous si les enfants son trésor, le premier fils est roi, mais de cette période
je ne me souviens que du visage bienveillant des deux anges qui veillent sur moi quand mes parents détruisent leur santé à travailler pour leur maître, Nella et Luludja mes sœurs. Me voici pantin entre leurs mains déjà habiles.
Je suis Fandango du peuple des Vendekitas.


Hiver 1443 Second cri, première plaie au cœur, bien d’autre suivront

J’ai 7 ans et déjà je travaille pour soulager mon père, je me dis que un jour nous seront riches et qu’il auront une chaumière à eux, qu’enfin ils se reposeront. Mais ce matin-là, je ne comprends pas, je ne comprends ps pourquoi mon père
ne pleure pas en refermant ce trou, je ne comprends pas que personne ne vienne pour pleurer, je comprends juste la signification des mélopées que ma mère chante, je comprends mon nom Fandango de cette musique de mort
que l’on joue chez nous pour exprimer sa peine.


Nellaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa pourquoi ?

Je frappe la terre maternelle souillant son blanc manteau un de mes anges est parti, parti où ?
Je pleure inconsolable enfant comme si c’était ma mère comme si je pouvais par mes cris la ramener. Je fais une croix comme j’ai vu qu’il en existait dans le cimetière privé de notre maitre quand une main puissante me soulève et détruit
devant mes yeux ce symbole qui n’est pas le nôtre. Mon père le visage dur et les yeux brillants me traîne dans l’ombre vers le monastère ou vivent ceux que le seigneur local nous a ordonné de servir, il me montre à la lueur des bougies
qui inonde la pièce, ces porcs qui ripaillent à la chaleur de l’âtre leur séant débordant de leur chaise molletonnées pendant que je pleure ma sœur. De cette nuit j’apprends à mettre un nom sur la douleur qui ronge mes entrailles, elle s’appelle
la haine. D’un signe de la tête sans rien dire, mon père m’enseigne plus sur ce monde que tous les livres des grandes bibliothèques. Je reste longtemps à me nourrir de leur vision, je regarde mon père fier, droit qui crache au sol en serrant
les poings, je sais, je sais à présent, je ne pleurerai plus


Eté 1446 La liberté est un bien qui coûte plus qu’il ne rapporte

Je vais atteindre mes 10 ans et tout d’un coup les mélopées se font joyeuses, les familles préparent les vagos de fortune les guitares parlent de mer, de soleil de voyage. Ma mère malgré ses rides naissantes est radieuse elle me dit que la roba
c’est fini, elle parle de Ladislav le sauveur du peuple des Vendekitas, celui qui nous a rendu libre. Nous allons partir pour terre appelée Royaume de France, un terre de progrès ou la tolérance est de mise. Jamais je n’ai vu autant de visages
rayonnants que lors de ce voyage. Nous vivons de rien, de petits boulots, le clan plus soudé que jamais est porté par l’espoir. … Jusqu’au matin ou je me réveille, le sang coule sur ma tempe, tout a été très vite, les roulottes éventrées, les corps
éparpillés, mon père serrant ma mère et ma sœur Luludja tout 3 baignant dans leur sang……. Je n’entends qu’un enfant qui pleure, que les pas lourds des chevaux cuirassés de l’armée qui repartent. L’espoir, les rires, les guitares sont de futiles
armes de défense contre une armée qui ne veut pas des gitans en son sol, qui comment diront-ils plus tard, se trompent de cible, banal effet collatéral qui me laisse seul avec comme seul reste de mon clan, les restes de leur maigres biens et ce jeune
poulain épargné par je ne sais encore quel miracle. Je me raccroche à ce bout d’histoire à ce bout de mes racines. Je le prends avec moi, nous partons. Je me retourne et laisse derrière moi tout ce qui était amour, sentiments, beauté. Ce jour-là,
je comprends tout le mépris que mon peuple met en prononçant le mot Gadjo.


1450 Plus qu’une sœur, une source de vie

J’ai 14 ans à présent et la fuite en avant de la lutte pour survivre j’ai gagné en muscle et en débrouillardise. J'ai joué le pickpocket en échange de pain rassis, j’ai charrié des denrées pour quelques marchands trop peu généreux, j’ai volé surtout tout
ce qui passait à portée de main. Trop faible pour me venger, je n’y pense même pas seul le présent compte, demain n’existe pas il est trop loin, il est trop incertain. Et puis il y a une rencontre qui fait tout basculer. Une blonde maigrichonne mais rusée
comme le renard, endurcie par la vie dont elle ne dit rien, on fait la route ensemble avec Fanfaron je ne suis refusé de tuer pour le manger, lui aussi a pris du muscle. Jour après jour j’apprends à te connaître petite sœur de cœur. Un soir ou l’on réussit
à voler une bouteille, première cuite, premiers délires, on se défie comme toujours et l’on se prouve comme si cétait besoin que l’on est inséparables. Ce soir-là … par Nécessité, par Envie de… un serment est prononcé, du bout de leurs lèvres si innocentes.
A la vie, à la mort. Et pour sceller tout ça, mutuellement ils gravent leurs initiales en leur chairs adolescentes. Une nuque, un cœur. S&F. Un cœur, une nuque. S&F. Je revis, de cette nuit j’ai appris qu’avec de bout de rien il peut naître quelque chose de fort ..


1455 Pourquoi la vie reprend toujours ce qu’elle donne ?

J’aimais nos jeux toujours plus dangereux, j’aimais te défier toi qui savait comment me mener par le bout du nez, j’aimais la vie de bohème que nous vivions tous les deux, l’un protégeant l’autre, taquins et incontrôlables, fiers et libres. Alors pourquoi
cette surenchère pourquoi s’être sentis si forts que l’on ait voulu dévaliser cette maison de bourgeois. On est bête quand on a 19 ans et l’on ne sait pas se contenter de ce que l’on a on ne mesure pas ce que l’on peut perdre.


Sis !!!!
Pourquoi n’es-tu pas à notre point de rendez-vous ?
Pourquoi avoir fui dans une autre direction, pour les attirer ?


C’était à moi de te protéger petite sœur et à présent je t’ai perdue. 10 jours déjà que je t’attends dans cette forêt froide. Aucune nouvelle de toi, et ce village qui me cherche, je ne veux pas croire ce que mon cœur me dit, je refoule la douleur qui me submerge,
Perdu, à nouveau seul, toi la source de vie au milieu du désert de ma peine, tu es morte je le sens. Ils ont tué ce qu’il y avait de plus beau en moi. Ils ont tué cette part de bonté qu’il me restait et qui portait ton prénom. Je les ferai payer, mon nom résonnera
dans leurs châteaux, dans leurs casernes. Fils du vent je serai leur cauchemar.


1459 Elle, ce n’est pas de l’amour c’est de la rage

3 années passées à fuir et à te chercher, j’ai égorgé un soir le bourgeois, ça ne t’a pas ramené mais cela soulage, enfin pour un temps. J’ai dû me cacher suite à ce coup de rage, dans une taverne immonde on me conseille d’aller au lupanar voisin, la patronne
y est peu regardante. Je me cache un temps et j’y fais deux belles rencontres, Emiliano qui restera mon ami, un sacré numéro encore aujourd’hui et une belle berbère qui m’enseignera comment combler sans aimer, comment donner sans se laisser prendre
au jeu des sentiments.

L’affaire se tasse et ce n’est pas en restant au lit des femmes que je vais terrifier les foules, pas 36 solutions et rien à perdre si ce n’est ma vie, une vie de rien une vie qui n’a pas de sens. Je me rends à Genève il parait que ce lieu est propice aux rencontres telles
que celles que je souhaite, j’ai quoi pour moi, un corps de crevette et ma hargne, ma fierté de gitan, plus que j’en ai besoin. Un vieil enfant de la balle qui connait la musique, rit quand je lui dis qu’un jour je me tiendrai dans ses bottes, au lieu de me fendre comme
du petit bois, il me met en contact avec des amis, de ses mais qui ont des amis, enfin vous voyez. On me fait une proposition et on me fournit même une escorte. Quelle escorte………. Elle fait peur et son nom est connu de tous, enfin il parait moi je ne la connais
pas mais je ressens une chose bizarre, mélange de défiance et d’attirance, on chevauche ensemble et…Mais bon diou je la regarde comme mon père regardait ma mère !
De cette époque j’ai appris que même si c’est interdit, même si incroyable on peut aimer plus que tout et se déchirer. On peut aussi faire trembler une roulotte quand…. On y met du sien.


1460 Mon cœur est mort et je suis vivant

Plus on m’enferme et plus mon âme gitane se flétrit. Je n’avais jamais compris ce que disait ma grand- mère avant, quand elle expliquait que c’est pour cela que nous vivions dans des roulottes, pour jamais on nous attache. Lab me connait, elle me connait autant
que Tana me connaissait, elle sait que lorsque je me sens pris, je fuis. Après des mois de séparation, les retrouvailles, la passion, les coups de sang encore ; Encore une fois je la laisse partir quand elle souhaite que je la retienne, ce peintre, cet artiste de rien croit
qu’il la gagne, quand c’est moi qui la perd.


Lab je....je t'aimais !

Idiot qui n'a jamais su dire ce qu'il faut quand il faut.....Je m’en veux, je deviens rage, folie……… Je viens d’apprendre par ta sœur ta mort, elle refuse de me donner le nom de celui qui a fait cela, elle dit que
je n’ai aucun droit, qu’il fallait l’aimer de son vivant, que la vengeance lui revient car elle seule était là quand la pelleteuse souffrait de mon absence. Foutaise………… Elle a raison mais je refuse de vivre ainsi, je refuse de continuer si tu n’es pas là. Je trouverai
cet homme et je ferai en sorte qu’il paie. Ensuite………. Sentiments qui se mélangent, saveur aigre, entre la joie d’avoir retrouvé ma sœur et la disparition de celle que j’aimais. Encore une fois la vie prend et donne selon son bon vouloir, une vie pour une vie.

Je viens de dire à ma sœur quels étaient mes plans. Désillusion, elle nous voit chevauchant réunis à nouveau et moi je parle de venir te rejoindre toi Lab, pas celle qui distribue des coups de pelle comme on distribue des bonbons, non l’autre celle qui jamais soumise
avait su percer mon cœur de gitan.


«Lab ? Pourquoi t'es partie ? Pourquoi l'as-tu laissé ? Il finira par en mourir… »
«Lab, Lab… t'es morte… t'es morte, c'est pas de ta faute mais j'te déteste.»


[i]Je reste tapis dans l’ombre des murs et je regarde ma sœur sans savoir quoi dire. Je la laisse reproduire ce rituel, s’infliger cette coupure, pour partager encore avec moi les souffrances. Je me rappelle alors ce que l’on disait adolescents, tout ressentir ensembles
pour ne rien manquer de l’autre. Plus qu’un lien de cœur, un lien de sang. Je voudrais lui dire que l'on traquera ensembles cet homme, je voudrais lui dire combien je l'aime ma sœur de cœur mais les mots restent là, je ne veux pas qu'elle suive son frère, jusqu'où ?
J'ai peur pour elle à présent elle est le lien qui me retient à la vie...
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