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[RP] Des gens qui cherchent la Lumière en pleine nuit.

Aldraien
      « L’absence est le plus grand des maux »
            Jean de La Fontaine
Elle dormait peu à nouveau, la Malemort. Sa sœur était partie à Tulle et lui était impossible de fermer l’œil tant elle lui manquait. Si le ventre arrondi ne lui donnait pas quelques formes, on aurait pu jurer qu’elle n’avait plus que la peau sur les os tant elle s’était amaigrie ces dernières semaines. Elisa…Que pouvait-elle faire à cet instant ?
Les balades matinales, avant même que le jour ne soit levé, dans les jardins de son Pavillon, n’arrivaient ni à la rassurer, ni à lui faire oublier combien sa vie n’avait aucun sens sans Elle. Pourtant il y avait sa fille, le petit Guilhem dont elle devait s’occuper, son mari ; et tout ce petit monde à Saint Julien. Mais son Tout n’était pas là et comme dit l’adage : « Un être vous manque, et tout est dépeuplé ». Les jardins étaient endormis par l’Hiver, et elle n’avait envie de rien. De rien, sinon de la revoir, Elle. Trop long, trop gris, trop tout. Son enfant avait besoin de sa Marraine, et elle-même avait besoin de son Soleil.

Voyant qu’il était peine perdue d’espérer pouvoir se changer les idées, elle prit la direction opposée, retournant dans son bureau pour s’installer devant une feuille vierge. Il fallait qu’elle lui écrive, qu’elle demande de ses nouvelles ; qu’elle sache si le voyage s’était bien passé, si tout allait bien. Qu’elle lui dise à quel point elle pouvait lui manquer, même si cela tombait sous le sens.
Il fallait également qu’elle trouve de quoi s’occuper, et qu’elle évite de rester seule car, elle le savait, elle ne ferait que broyer du noir si elle ne trouvait personne pour lui tenir compagnie.
Heureusement, elle avait une solution pour lui permettre de s’occuper, et de ne pas rester seule ; une pierre deux coups. Enfin…Une lettre, deux coups.
Ainsi, cette première missive serait adressée à Marie-Amelya, sa fille adoptive, pour l’inviter à venir au Pavillon.


Citation:
Marie-Amelya,
Ma Fille,

      Je pense que nous n’avons que trop attendu pour rendre ton retour au Pavillon des Emissaires effectif ; il est grand temps d’y remédier. Cette lettre sera courte, j’imagine que tu es au courant du départ d’Elisa et que tu doutes que, du fait de son absence, je suis en charge de la bonne gestion de la Diplomatie de notre Comté.

      Je ne te le cache pas, je manque cruellement d’énergie dans cette tâche, et j’ai donc besoin de toi, plus que jamais. J’espère que tu pourras répondre présente au plus vite, ta présente me permettra sans doute de travailler dans de meilleurs conditions et de passer du temps à tes côtés. Lions donc l’utile à l’agréable, puisque nous en avons l’occasion.

      Rejoins moi dans mon bureau de Vice-chancelière au Pavillon lorsque tu seras prête, si les gardes à l’entrée t’arrêtent, tu n’auras qu’à leur montrer la présente.
      Mon scel et mes mots devraient les dissuader de tenter quoi que ce soit qui pourrait te nuire. Je t’expliquerai ton rôle lorsque tu seras là, afin de ne pas m’étaler ici ; j’ai une autre missive à écrire.

      A très vite,
Ta Mère,

Aldraien Sybell de Malemort-Carsenac



Le document est signé, scellé, et mit de côté. Elle l’enverrait dans quelques minutes, en même temps que la deuxième missive qu’elle s’apprêtait à écrire.
Une pause, la plume reste en suspend au dessus du vélin encore vierge. Elle prend une grande respiration, comme pour décoincer la boule qui la prend à la gorge alors qu’elle pense à sa sœur, réfrénant ses larmes pour ne pas se trahir. Dans son bureau ce n’était pas bien grave, mais ce n’était pas une chose qu’elle tenait à faire malgré tout.
Elisa…


- Elisa…

      « Et un jour une femme dont le regard vous frôle, vous porte sur ses épaules comme elle porte le monde […] et jusqu'au bout d'elle-même, vous prouve qu'elle vous aime, par l'amour qu'elle inonde…
      Jour après jour vous redonne confiance, de toute sa patience vous remet debout.»*
Trop tard. Les perles tombent sur le vélin, l’entachant de leur humidité saline. Elle ne pouvait pas penser à Elle sans se rappeler dans le même temps qu’Elle n’était plus là ; même si la Malemort savait que sa sœur ne serait pas absente longtemps, celle-ci la rongeait. Quiconque aurait pu observer la réaction de la trentenaire l’aurait prise pour une folle - qu'elle était, finalement -, il n’était pas ordinaire de réagir si violemment à la courte absence d’une personne, même si celle-ci était aimée. Pourtant, elle, elle était incapable de réagir autrement. Au fil des mois, le lien qui s’était développé entre elles était devenu si intense, si vital, qu’elle ne pouvait s’imaginer vivre sans Elle.
La plume crisse sur le vélin. Il est temps qu'elle mette ce qu'elle ressent par écrit. Peut être cela la soulagerait-elle un peu, au moins valait il la peine d'essayer, et elle voulait de toute façon avoir de ses nouvelles. Ecrire avec son coeur...Bientôt les missives partiraient, la Malemort restant seule dans son bureau. Marie-Amelya se verrait porter la sienne par un des jeunes pages du Pavillon, quant à Elisa, c'est le messager en qui elle avait le plus confiance qui serait chargé de la retrouver pour lui transmettre en main propre. Ainsi, la Princesse découvrirait ce qui suit :


Citation:
A Elisa de Lahaye-Malemort, Princesse de France, Dame de Saint Bonnet en Bellac, Grande Chancelière du Limousin & de la Marche,
Ma soeur, mon Soleil, mon Tout, ma Cerise ;

      Me pardonneras-tu de t'écrire déjà, alors que je m'étais promis de te laisser profiter de ce voyage pour être seule avec Bel' ? Deux jours à peine que tu m'as quitté, et déjà je me sens dépérir loin de toi. Encore que tu n'es pas si loin que ça, mais Tulle me semble être à l'autre bout du Royaume lorsque c'est toi qui t'y rends.
      Je ne sors plus, je ne dors plus. Comme tes bras et ta chaleur me manquent, ma soeur ! Seul le travail que m'offre le Pavillon permet à mon esprit de s'évader quelques instants. Je suis si faible lorsque ma Lumière est loin...Pourtant Marie-Amelya fait de son mieux pour ne pas me laisser seule, mais elle ne peut pas te remplacer. Personne ne le peut.

      Ce jour, j'ai reçu une missive du Capitaine, Wolf Loner. Il souhaite me muter à Guéret pour que je recrute des soldats dans une ville morte. Je compte bien refuser. Je suis encore trop faible pour me déplacer et ses ordres n'y changeront rien ; je ne compte pas me tuer pour satisfaire son désir de me montrer qu'il a une quelconque emprise sur moi. Je vis à Limoges, et non à Guéret. S'il souhaite que des soldats soient recrutés, qu'ils s'y rendent lui même, après tout c'est lui le soldat de là bas. Et si mon refus le froisse, et bien tant pis. J'ai eu des nouvelles de la Licorne, m'indiquant pour le moment de rester à Limoges et de faire des réserves de nourriture tant que je le peux ; et mon engagement royal passe avant celui que j'ai envers le Comté. S'il veut me forcer, c'est ce que je lui répondrais ; nous verrons bien lors de l'entrevue.

      Je suis si fatiguée ma soeur. Vois-tu d'où tu te trouves la lune qui perd de son éclat peu à peu ? J'ai eu si peur de te perdre ces dernières semaines, je ne le supporterai pas. Je suis incapable de vivre sans Toi, ma force, mon courage et mon envie de continuer à me battre ne sont présents que parce que tu es auprès de moi.
      Sans toi, plus rien n'a de valeur.
      Sans toi, il n'y a plus d'intérêt à vivre.
      Comment le pourrais-je ? Une ombre sans sa lumière n'est que ténèbre, tout comme la Lune ne peut exister que grâce au Soleil. Qu'est ce qu'une âme sans son alter ego ? Rien.

      Mon âme, donne moi de tes nouvelles. Apprends moi la vie à Tulle. Il n'y a rien à dire de celle de Limoges, je ne sors plus en taverne depuis ton départ, je n'en ai pas envie. Tu manques à ton filleul, mon Soleil, je sens qu'il te réclame et que le contact de ta main sur mon ventre lui manque, autant qu'il me manque.
      Réponds moi vite, et surtout, reviens moi vite; rends moi la Vie et l'envie d'avancer dans celle-ci.
« Deux âmes pour un Tout »

A.



* Et un jour une femme, Florent Pagny
_________________
Mahelya
[Une chambre à Saint Julien... puis le Pavillon]

Les rayons du soleil hivernal avait du mal à filtrer au travers des épaisses tentures qui habillaient les fenêtres du château de Saint Julien. Cela avait pour conséquence que la petite Mahelya dormait plus que de raison, se réveillant à une heure avancée de la matinée. Depuis deux jours, Guilhem et elle vivaient désormais ici, en compagnie de la Princesse Aldraien et du Prince Hannibal. Tout ce petit monde était encore en période d'adaptation, s'observant, s'écoutant, se jaugeant. Les habitudes de chacun étaient bousculées, mais rien de négatif là-dedans. Simplement il fallait que chaque protagonistes s’accordent pour qu'une belle harmonie soit jouée... Bref, Toujours est-il que la jeune fille dormait encore dans le grand lit qui meublait sa nouvelle chambre, complétement enfouie sous les épaisses couvertures. Soudain quelques coups furent donner contre la lourde porte, tirant la Flammèche de ses doux songes. Il devait être l'heure de se lever, peut-être était-ce l'heure du premier cours de latin. Assise au milieu du matelas, la jeune fille s'étira, accompagnant son mouvement d'un profond bâillement. Un rapide regard alentours, lui appris que quelqu'un était venu remettre une bûche dans la cheminée, probablement Harchi. Un fin sourire fleurit sur le visage aux taches de rousseurs. Même ici, il ne pouvait s'empêcher de veiller sur elle. A contre cœur, l’Étincelle repoussa les lourdes couvertures à ses pieds, s'extirpant avec difficulté de ce cocon bien douillé. Enfilant sa cape d'intérieur pour dissimuler sa chemise de nuit, la jeune fille se dirigea vers la porte, où quelqu'un toquait encore.

- Oui ... voilà voilà ... j'arrive.

La porte fut ouverte sur une Bertille apparemment ravie. Il était vrai que la vieille cuisinière se plaisait beaucoup à Saint Julien. Comme elle aimait à le dire, les cuisines étaient plus grandes et elle avait maintenant de la compagnie.

- Bertille ?! le premier cours de latin était ce matin ? je ne me suis pas réveillée à temps ?
- Non rien d'tout ça M'dame, y'a un jeune page qui doit vous r'mettre une missive en main propre. Préparez-vous ! j'le fais patienter avec un verre de lait.
- Oh ... euh d'accord je me dépêche. Sais-tu de qui vient le Vélin ?
- Bin j'sais pas lire moua M'dame.
- Bon je fais au plus vite.

Aussitôt la porte fut fermée. Après quelques longues minutes, c'est une petite Rouquine propre et élégante mais point trop qui apparaissait devant le jeune page. Un rapide coup d’œil sur sa tenue, lui appris qu'il travaillait au pavillon des émissaires. Immédiatement, une vague d'angoisse vrilla les entrailles de la jeune fille, était-il arrivé quelque chose à sa Mère ? Incapable de prononcer un seul mot, la Flammèche se saisit du parchemin tendu. Décacheté rapidement, les prunelles émeraudes eurent loisir à se promener sur le papier précieux. Ouf ! rien de grave... Juste ce dont elles avaient déjà parlé toutes les deux. Le souffle qu'elle avait inconsciemment retenu redevint normal et régulier. Elle remercia le jeune page qu'elle ne pouvait décemment pas retenir plus longtemps, puis trottina jusqu'aux cuisines où elle demanda à Bertille de lui préparer un verre de lait frais et deux tartines pendant qu'Harchi sellait sa monture. Le vieux soldat insistait pour l'accompagner, mais le Pavillon n'était qu'à quelques lieux. Aussi déclina-t-elle l'invitation, argumentant qu'il devrait sans doute aider Marcel aux Écuries et veiller sur Guilhem, qu'il n'aille pas embêter le Prince. Une fois sa collation engloutie, et sa cape doublée de fourrure revêtue, Harchi l'aida à se hisser sur l’Étalon impatient. Ezildur était en parfaite forme depuis deux jours, probablement grâce aux interminables galopades sur les terres d'Aldraien et aux bons soin de Marcel. Bertille fourra dans les bras de la jeune fille un petit panier avec du pain et du lait frais ainsi que quelques morceaux de viandes séchées. "Pour la Princesse", avait-elle dit.
Un dernier sourire en direction de son valet et la jeune fille talonna les flancs du cheval, lequel partit au galop immédiatement ne laissant qu'un nuage de poussière là où elle s'était tenue quelques secondes auparavant.

Le voyage jusqu'au Pavillon fut court, comme elle l'avait imaginé. La Petite Rouquine était toute contente de venir travailler avec sa Mère. Au moins ça lui ferait une compagnie. Même si elle n'avait rien dit, elle avait bien remarqué que la De Malemort-Carsenac n'était qu'une ombre quand Elisa n'était pas là. Aussi espérait-elle lui changer un peu les idées, et au mieux lui donner l'envie de sourire. C'est qu'elle était belle la brûlée quand elle souriait, même si peu nombreux étaient ceux qui la voyaient ainsi. Précautionneusement, l’Étincelle descendit de sa monture, lissant les plis imaginaires sur sa cape doublée de fourrure et sa robe en velours vert. Se saisissant de la bride d'Ezildur d'une main et du panier de provisions de l'autre, elle s'avança vers les gardes à l'entrée. Chemin faisant, elle sentait son palpitant enfler, cela faisait tellement longtemps qu'elle n'était pas revenue ici, et ça c'était tellement mal terminé. Un nœud engourdissait sa gorge, aussi c'est une voix éraillée qui se fit entendre quand elle s'adressa à l'un des deux gardes en poste devant l'entrée.


- Bonjour, j'aimerai voir son Altesse Aldraien De Malemort-Carsenac, Vice-Chancelière.
- Bonjour, et ... vous êtes ?
- Hey ! Mais j'me souviens d'elle... Elle était avec l'aut'e folle. T'sais... la Berrichonne.
- Ola ! On ne passe pas.
- Oh euh oui ... alors attendez euh ... tenez... Son Altesse m'attend !

Et la Rouquine de tendre précipitamment le vélin signé de sa mère. Elle retint un gloussement quand elle vit le garde réaliser qui avait écrit se parchemin.

- Oh euh ... Pourquoi ne pas vous être présentée ... Mademoiselle ... je vais vous conduire... euh ... oui ... vous conduire à son bureau... Je suis fort surpris ... Son Altesse ne nous a pas prévenu... Euh encore que euh ... bien ... Suivez-moi.

Blême le premier garde tendit le parchemin au second, qui afficha alors un "o" presque parfait sur ses lèvres. Oui, il y avait de quoi être étonné. Le vélin fut rendu à qui de droit avant que le garde ne tourne les talons vers l'intérieur. Laissant Ezildur aux bons soins de l'autre garde, la Flammèche lui emboita le pas à travers le labyrinthe qu'était le Pavillon. Tout semblait bien calme, ce qui n'était pas vraiment le cas à une autre époque. Elle ressentit un pincement au cœur en réalisant qu'Aldraien et Elisa devaient venir chaque jour ici où c'était déroulée l'agression, la tentative de meurtre, le geste fou et inconsidéré d'une Berrichonne. Ces deux femmes côtoyaient donc chaque jour des démons du passé. Sa bouche devint sèche et ses mains moites. Quand les deux princesses se montraient fortes chaque jour, elle, petite Étincelle, elle n'avait fait que fuir. Oui elle n'avait pas osé remettre les pieds ici parce qu'elle avait été la protégée de la Berrichonne. C'est parce qu'elle aimait sa mère qu'elle avait accepté de revenir. Sa Mère était sa lumière.
Le garde s'arrêta devant une porte close, et d'un geste de la tête lui fit comprendre que c'était ici. Doucement Mahelya s'avança et toqua à la porte. Pendant ce temps le fameux garde avait disparu, apparemment les menaces à peine voilées sur le vélin étaient prises très au sérieux. En même temps sa mère, ne faisait-elle pas collection de chapelet de dents ? Un petit sourire fleurit sur le fin visage de la jouvencelle.


- Mère ?! c'est Marie-Amelya, je suis venue au plus vite. Bertille m'a fait porter pour vous quelques collations. Il semblerait que vous n'ayez rien mangé ce matin. Ainsi nous petit-déjeunerons ensemble.

Oui la Rousse modèle réduit avait déjà mangé. Oui c'était donc un petit mensonge qu'elle disait. Mais c'était pour le bien de sa Mère et de son futur petit frère ou sa future petite sœur.
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Aldraien
Combien de temps était elle restée seule dans son bureau, les yeux rivés sur la fenêtre et sur ses pensées ? Elle était incapable de le dire. Le temps prend une toute autre intensité lorsqu'on se retrouve seule avec lui ; il tourne, se retourne, prend des détours, pour finalement arriver au même endroit que celui prévu initialement. Quelques heures s'étaient écoulées peut-être, à en juger par la lumière au dehors, depuis l'envoi des deux missives. Elle n'avait pas bougé, seules les quelques larmes parcourant ses joues étaient témoins des pensées qui avaient traversées son esprit durant ce long moment d'immobilisme.
Elle, bien entendu. Rien qu'Elle. A s'en rendre malade, à dépérir par amour, à haïr cette absence de son Tout. Ce n'était pas simplement sa sœur qui était absente, c'est une partie d'elle qu'on lui a arraché pour la laisser simplement agonisante dans sa solitude. S'il n'y avait pas eu Marie-Amelya, certainement serait elle partie à Tulle, qu'importe sa faiblesse, qu'importe l'enfant en son sein. Mais voilà, sa fille veillait sur elle, et elle n'avait d'autre choix que celui d'être raisonnable. Autant vous dire que ce n'était pas facile pour la Malemort qui en avait toujours fait à sa tête, au mépris de tous les risques encourus.

Mais aujourd'hui elle n'est plus uniquement ombre, plus uniquement une femme ; mais une mère, et c'était aussi son rôle à présent d'être une lumière, même s'il s'agissait dans le cas présent d'une lumière bien pâle. Alors elle resterait, pour la petite rouquine qui partageait maintenant sa vie, et pour le petit être qui grandissait en elle. Il y aura fallu attendre trente cinq ans pour que ça arrive, comme quoi la patience était belle et bien mère de toutes les vertus.
La rousse détourne subitement le regard de la fenêtre pour se diriger vers la porte du bureau et la voix qu'elle reconnait immédiatement. La nouvelle cuisinière était bien trop observatrice, et bien trop perspicace, ce qui plaisait moyennement à la trentenaire. Beaucoup de choses lui plaisent moyennement, vous remarquerez, c'est juste que le monde tout entier s'est ligué pour qu'elle reste en vie et en aussi bonne santé que possible.
Léger soupir, elle n'a pas faim.
Elle pourrait éventuellement faire croire à sa fille qu'elle avait déjà mangé en arrivant au Pavillon ? La gamine était très intelligente, mais peut-être n'y verrait elle que du feu ? Qui ne tente rien n'a rien, c'est bien connu.

Elle se lève de son fauteuil et se rend compte qu'elle est plus faible qu'elle ne veut bien l'avouer. Ses jambes chancellent sous son poids, et elle se retient à la table avant de se retrouver au sol. Voilà une chose qui n'avait pas intérêt à lui arriver quand elle serait en présence de la petite rouquine, sinon elle la forcerait à rester allongée jusqu'au retour d'Elisa. Le temps pour elle de retrouver un équilibre stable bien que précaire, et elle se dirige vers la porte pour ouvrir à la gamine, et la laisser entrer dans le bureau en lui adressant un sourire qu'elle veut rassurant mais qui devait sans doute plutôt ressembler à une grimace, faute d'y croire elle-même. C'est souvent ce qui lui manque quand elle essaie de faire semblant : la conviction dans le mensonge. C'est ce qui fait que les grands politiciens sont des grands politiciens, et qu'elle exècre ça, la politique. Elle ne sait pas tromper les autres, encore moins lorsque ceux ci font partie de son cercle familial.
Enfin...Il faut bien essayer quand même, non ? Puis comme on dit...Pas vue, pas prise.


- Je t'en prie Marie-Amelya, entre. Tu peux poser tout ça sur la table, je te remercie d'être venue si vite.

On meuble, on meuble, mais ça ne marche pas vraiment. La gamine est loin d'être idiote et la Malemort le sait, mais elle essaie, plus pour la forme que pour autre chose. Elle referme la porte derrière elle et se permet un baiser sur le front de sa fille. Après tout, elles sont juste toutes les deux là, elle peut bien se laisser aller à quelques gestes affectueux.
Lentement, elle fait le tour du bureau pour venir s'installer en face de sa petite après lui avoir indiqué l'autre fauteuil. Comment lui dire qu'elle n'a pas faim du tout ? Elle s'en douterait certainement. Commencer directement en lui parlant de ce que serait son rôle au Pavillon ? Trop rapide et brutal. Il fallait au moins une petite introduction. Un soupir s'échappe des lèvres de la trentenaire.


- Tu peux manger Marie-Amelya, moi je n'ai pas très faim tu sais ; j'ai mangé en arrivant au Pavillon. Lorsque tu seras rassasiée, je te parlerai de mes projets pour toi ici.

...Menteuse.
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Elisa.
    «J'aurais aimer t'aimé comme on aime le soleil te dire que le monde est beau que c'est beau d'aimer j'aurait aimé t'écrire le plus beau des poèmes et construire un empire juste pour ton sourire , devenir le soleil pour sécher tes sanglots et faire faire battre le ciel pour un futur plus mais c'est plus fort que moi tu vois je n'y peut rien ce monde n'est pas pour moi ce monde n'est pas le mien ... »
        Damien Saez



Le départ pour Tulle avait été rapide… Et l’annonce du départ à sa soeur fut d’autant plus rude. Comment lui dire qu’elle partait pour une durée indéterminée à deux jours de marche de là ? Comment lui dire qu’elle ne savait même pas quand elle allait pouvoir rentrer ? Comment lui dire qu’elle partirait même sûrement plus loin pour les besoins de son Comté ?
Comment lui dire sans avoir peur qu’elle ne rechute ? Comment… ?
Alors la Malemort avait décidé de lui en dire le moins possible. Juste une mission à Tulle, sans vraiment d’informations complémentaire. Se laissant le temps de trouver une meilleure façon de lui dire que cette mission serait peut-être plus longue que prévue…

La route s’était donc passée paisiblement. L’arrivée à Tulle fut calme. Les manœuvres légèrement plus longues que prévus suite à quelques malentendus… Il faut dire que parfois la Malemort était dur de la feuille… Et il valait donc mieux parler haut et fort pour qu’elle puisse entendre… Enfin bref… Ils étaient donc arriver à Tulle, où une lettre était arrivée en même temps qu’eux. Nul doute de la provenance.

Un nouveau jour passa, et la Malemort prit enfin une plume et un vélin afin de lui répondre. Elle tentait de trouver des mots adaptés pour ne pas lui faire peur ou ne pas lui faire plus de mal que son départ. Exercice peu évidant.


Citation:
A vous, Aldraien Sybell de Malemort-Carsenac, Dame de Chamaret et de Cobrieux, Vice Chancelière du Limousin & de la Marche, Lieutenant de la COLM et Chevalier Errant de l’Ordre Royal de la Licorne, Dict, Mon Excellence Bouchon, Ma sœur,

De nous, Elisa de Lahaye Malemort, Princesse évadée dans le Sud,

Bonjour ma sœur,

    Laisses moi le temps d’arriver et de poser mes affaires à Tulle. Je tiens à te rassurer, la route fut paisible. Nous n’avons rencontré presque personne. Les manœuvres pour entrer dans la ville se sont passés sans encombres. Voilà pour les nouvelles d’ordres générales.

    Bel et moi avons trouvés une auberge fort agréable pour loger. Evidemment cela n’a pas le luxe et le confort de nos appartements, mais ça conviendra pour le temps de notre séjour ici. La ville est vraiment calme, nous n’avons croisé pratiquement personne. Cela fait du bien parfois d’être loin de l’agitation de la capitale. J’ai l’impression de pouvoir enfin me reposer ici, évacuer tout ce qui a pu me tracasser.

    Malheureusement, la réalité des choses est arrivée plus vite que prévu. J’ai reçu une missive de la Grande Prévôté de Paris il y a trois jours. Je n’ai pas vraiment compris au premier abord, et puis mes yeux ont continué de parcourir le vélin… Et je me suis rendu compte qu’ils me demandaient des détails de mon agression au Pavillon. Rien que d’y resonger je sens cette douleur dans mon flanc qui se ravive. Je ne sais pas vraiment pourquoi ils me demandent cela, l’ont-ils arrêté ? Se sont-ils enfin mit à sa recherche ? S’est-elle rendu d’elle-même ? J’ai demandé des explications dans ma réponse. Je te tiendrais évidement au courant pour que tu saches ce qu’il en est par rapport à Guilhem. Le pauvre enfant, il ne manquerait plus… *la phrase est barrée*

    Enfin bref, cessons de parler de moi, ta lettre me fait regretter d’être partie. Tu dois prendre soins de toi ma sœur. Soins de toi et de cet enfant que tu portes, ma future nièce, j’en suis persuadée, encore une fois. Tu as besoin de repos et de reprendre des forces. Tu dois te nourrir plus que convenablement pour vous donner des forces à toutes les deux. Promet le moi ma sœur. Promet le moi ! Ma cuisinière se fera un plaisir d’être à ton servir le temps de mon déplacement à Tulle. Un mot de toi, et je la fais venir chez toi le temps qu’il faudra. Elle pourra vous mijoter de très bons plats. Tu verras c’est une perle. Je vais lui écrire pour lui dire de se préparer à venir chez toi. Et puis N’Hanny sera content, j’en suis certaine.

    Quant à Wolfloner, il doit comprendre que tu n’es pas en état pour voyager à Guéret. Mais tu dois également te souvenir que désormais c’est lui le Capitaine, ma sœur. Tu dois te soumettre à ses ordres comme un Lieutenant doit se soumettre à son Capitaine. Je sais que cela n’est pas facile, mais si tu comprends cela, peut-être que lui aussi finira par comprendre que tu es trop faible pour voyager, et que tu as besoin de rester à Limoges, ville où tu vis depuis ton mariage.

    Tu dois retrouver ta lumière, ma sœur. Tu dois recommencer à vivre comme si j’étais encore tout près de toi car c’est encore le cas. Dans ton cœur, je suis toujours là. Tout contre toi, serrée dans tes bras. Je ne t’oublie pas. Je pense à toi chaque instant, et je sais que bientôt nous nous retrouverons. En attendant tu dois retrouver ta forme ma sœur et surtout ta place. Tu es mère, tu es mère et tu dois le redevenir. Tu dois veiller sur Mahelya, tu dois veiller sur son épanouissement, sur son savoir, sur son bonheur, sur sa vie, sur Elle. Tu dois reprendre ton rôle, car aujourd’hui, c’est elle qui veille sur toi. Elle a peur pour toi, chaque jour, tu dois la rassurer et lui dire que tu resteras toujours près d’elle. Que tu ne l’abandonneras… jamais. Tu dois lui dire ma sœur.

    Tu dois prendre soins de toi ma sœur, soins de tes filles et de ton époux. Et puis je reviendrais pour prendre à mon tour soin de toi comme une sœur doit le faire.

    Embrasses tout le monde pour moi.

    Deux âmes pour un tout


E.




Ps : J’ai croisé Hema hier. Je ne la savais pas à Tulle…. Enfin bref, en fonction de ma date de retour, je la ramènerais peut-être dans mes malles.


Et voilà que la missive est pliée, la bougie posée sur le bureau de cette chambre à l’auberge principale du village est utilisée pour faire couler la cire sur le vélin. Le tampon est rapidement apposé. Nul doute de la provenance encore une fois. Et voilà le valet qui repart en direction de Limoges et plus précisément les appartements de sa sœur.
_________________
Mahelya
[Bureau de sa Môman]

[Le mensonge et la crédulité s'accouplent et engendrent l'opinion.] {de Paul Valéry dans Mélanges}

Les délicats sourcils roux s’arquèrent d'étonnement quand l’Étincelle apprit que sa Mère s'était déjà nourri en arrivant au Pavillon. Il allait falloir arrêter de prendre la Rousse Modèle réduit pour un lapin de deux semaines. Dans ses souvenirs, le Pavillon était pauvre en matière de cuisine. Les ambassadeurs mangeaient presque toujours sur le pouce, bon sur une assiette aussi mais s'était quand même plus rare. Et leur palais devait se contenter de quelques quignons de pain parfois bien sec. Dans les bons jours, ils pouvaient l'agrémenter d'un reste de marmelade, mais c'était loin d'égaler, les délices qui se trouvaient dans son petit panier à provision gentiment donné par Bertille. Bien ... Il allait falloir la jouer fine et que la Flammèche se montre maligne.

La jeune enfant sourit donc à l'adulte tout en pénétrant dans le Bureau, faisant mine de ne pas avoir cerné le mensonge et d'accepter les paroles pour Vérité. Exemple : "Oui Mère vous êtes blanche comme la Mort, mais je ne le vois pas …" Elle ne le savait pas encore la Mahe, mais elle serait une excellente diplomate... ou pas. Le temps le dira. Sa Mère la gratifia d'un baiser sur le front tandis qu'elle, se hissant sur la pointe des pieds, lui en déposa un, comme à son habitude, sur la joue. C'était des gestes peu naturels pour la toute jeune adoptée, pourtant elle s'y faisait rapidement. La famille De Cassel-Malemort-Carsenac avait été adorable avec elle. La Rouquine y avait trouvé un Père, une Mère, et deux frères, sans compter Guilhem qui faisait déjà parti d'elle. Une vrai grande famille, comme elle n'en avait jamais connu. Une nouvelle vie, un nouveau départ, de nouvelles personnes à aimer sans compter, et bien entendu tout ce que cela impliquait…

Dans le cas présent, c'était de l'inquiétude qui était impliqué dans les rapports "familiaux", Aldraien ne mangeait pas, et elle avait beau servir les mêmes mensonges à différente sauce, il ne fallait pas la faire à l'Incandescente, elle n'était pas dupe. Mais ça on le savait déjà… Maintenant ce sur quoi elle devait se pencher, c'était la solution. Les rouages de son esprit certes enfantin mais ayant malheureusement déjà appris la manipulation d'autrui se mirent en marche. La machine était un peu rouillée, ce n'était pas si souvent que cela qu'elle s'en servait. Pourtant lui vint une idée. Le pain brioché, fait maison, devait être encore tiède. Voilà c'est ça, elle allait tout sortir devant les yeux de la Princesse, son ventre crierait famine et elle-même pourrait alors s'écrier : " Ahah ! je le savais bien que vous ne mangiez pas ! " ... Ou pas.

Elle prit place dans le fauteuil confortable que lui indiquait sa Mère. Toujours souriante, en l'espace de quatre à cinq minutes, toutes les victuailles étaient sorties et posées délicatement sur une serviette fournit par Bertille, devant les yeux de son Altesse. Le pain dégageait une odeur alléchante, et bien qu'elle eut déjà déjeuner, la Flammèche ne put résister... Le geste se réalisait quand ... Pause ... Les prunelles vertes détaillèrent les traits marmoréen de la Princesse. Léger froncement de sourcils, avant de reposer le tout.


- Mère ... Je suis ravie de revenir ici, qui plus est sous votre Tutelle.
Néanmoins ... Serait-il possible, s'il vous plait que ... NOUS nous sustentions avant parler affaires et travail ?


Admirez l'insistance sur le "Nous". Et paf c'est quand on a trouvé une ruse, qu'on a fait des plans dans sa tête que finalement tout change et qu'on laisse place à l'improvisation.

- Je suis désolée de vous le dire mais je suis en mission ... Je dois vérifier que vous mangiez bien au moins une tartine de pain devant moi ainsi qu'un grand verre de lait. Et ce n'est pas Bertille qui me l'a demandé.

En réalité personne ne lui avait rien demandé. Mais en digne fille de sa Mère, elle usait des mêmes stratagèmes qu'Aldraien. Et puis ne dit-on pas "La ruse la mieux ourdie Peut nuire à son inventeur, Et souvent la perfidie Retourne sur son auteur" ?(*). En bref qui sème le mensonge récolte le mensonge. Restait maintenant à savoir quels noms donner à sa mère...

- Deux personnes tiennent absolument à votre santé, en plus de moi bien évidement. L'une vous est très proche bien au-delà des sentiments, l'autre vous aime et vous est liée par un serment.

Ce qui désignait sans doute Elisa et Hannibal. Elisa sa sœur et Hannibal son mari. C'est d'ailleurs ce qu'espérait Mahelya, que sa mère y devine ses personnes... Mais en réalité, ça pouvait tout aussi bien désigner Guilhem et Marcel ... Guilhem son filleul et Marcel son palefrenier ...
Tout l'art de la Parole.
Afin de ne pas se trahir, la jeune fille se saisit aussitôt de la miche de pain et en moins de temps qu'il ne le faut pour l'écrire, deux belles tartines, généreusement garnies trônaient sur le bureau. Un fin sourire s'esquissa sur le visage enfantin aux tâches de rousseur.


- Voilà Mère, Bon appétit. Car oui, pour elle, il était évident que sa Mère allait manger maintenant.

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(*) Extrait de la Fable Le grenouille et le Rat de Jean de la Fontaine.
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Aldraien
Deux semaines ? Tout de même pas. Au pire, la rousse miniature aurait été un lapin d’un mois ou deux mais pas de deux semaines, cela aurait été l’insulter. La Malemort avait espéré que son stratagème fonctionne, ou au moins que cela détourne l’attention de sa fille, mais visiblement celle-ci était arrivée avec une idée bien précise en tête : faire manger sa mère ; et elle n’en démordrait pas tant qu’elle n’aurait pas réussi. Pour un peu, la Vice-chancelière aurait juré que la mini-elle était bien de son sang, avec le même caractère de tête de mule qui n’en faisait qu’à sa tête - c’est le cas de le dire - et qui ne lâchait rien tant qu’elle n’avait pas atteint son objectif.
Marmonnement de la Malemort, pour la forme, et aussi parce qu’elle n’aime pas être percée à jour, surtout par ses proches qui lisaient en elle comme dans un livre ouvert. Un jour, elle apprendrait à mentir convenablement - mais pas aujourd’hui, aujourd’hui y a petit-déj’ -. La gosse était bien trop perspicace à son goût et pour un peu, elle aurait juré que celle-ci était entrain de conspirer avec elle-même pour lui faire avaler quelque chose, c‘est qu‘ils sont fourbes à cet âge là.

Il fallait bien l’avouer, son excuse d’avoir mangé en arrivant au Pavillon était bien fade, et pas du tout crédible, surtout si l’on s’en référait au teint blafard qu’elle arborait. Il faudrait à l’avenir qu’elle prévoit ses excuses à l’avance et qu’elle répète ses mensonges pour les rendre plus naturels parce que vue la tête de la rouquine, elle n’y avait pas cru une seule seconde.
Voilà qu’elle sortait maintenant tout ce que Bertille lui avait donné pour venir la voir juste devant son nez. Bien entendu, loin d’avoir l’effet escompté de lui ouvrir l’appétit, la présentation du pain et des divers aliments eurent plutôt tendance à lui donner la nausée. Quand elle disait qu’elle n’avait pas faim, ce n’était pas un mensonge. Elle n’avait pas encore réussi à trouver l’aliment par excellence qui lui permettrait de se nourrir sans avoir l’envie de tout rendre juste après. C’est qu’une femme enceinte, c’est compliqué !
Surtout elle, déjà que même sans marmot dans le ventre elle était chiante, imaginez la chieuse qu’elle va être durant les mois à venir.

Le grimace était sans appel, si elle mangeait ça, le ventre ne resterait certainement pas plein longtemps. Aaah si Elisa avait été là, elle aurait sans doute retourné le Royaume tout entier pour trouver quelque chose que sa sœur puisse manger en toute quiétude et avec un appétit sans limite. Oui mais seulement, elle n’était pas là, et l’état de la Malemort en témoignait.
Bien sûr, son refus de manger n’était pas grand-chose comparé aux arguments qu’avançaient la mini-Carsenac.
Nouveau marmonnement, décidemment…Elle savait trouver les mots justes, et elle en jouait, surjouait même ; et la rousse grandeur nature, elle, se retrouvait au pied du mur. Parce qu’évidemment, elle avait deviné que l’Etincelle parlait de Elisa et Hannibal, et elle ne pouvait rien leur refuser. Si Elisa venait à apprendre que sa sœur ne mangeait rien, elle aurait été bien capable de refuser de revenir à Limoges rien que pour la punir de ne pas avoir pris soin d’elle.
Elle abdique.


- Soit…Bon appétit.

Résignée, elle soupira, avant de prendre en main la tartine qui ne lui inspirait rien. Pourtant elle n’avait pas le choix, il fallait bien qu’elle mange pour ne pas encourir le courroux de sa famille. Soit, elle mangerait alors, sans appétit, et en espérant que le tout reste accroché à son ventre, ce qui n’était pas gagné du tout. Peut-être qu’en se bouchant le nez, ça passerait mieux ? Non, ça c’était un mythe pour faire manger les enfants.
Bon…à la une…à la deux…Hop, la Malemort prend une bouchée de la tartine et commence à la mastiquer. C’était pas si mauvais que ça, objectivement, mais elle ne supportait pas cette odeur. Avalant difficilement, elle prit le parti de parler un peu avant de mordre une nouvelle fois dans la tartine maudite. Elle la garda en main toutefois, pour bien montrer à sa fille qu’elle comptait encore manger. Se faire surveiller par sa propre fille, le comble ! Pour un peu elle se ferait presque gronder et punir de dessert.


- Nous pouvons manger et parler en même temps j’imagine…Je pense que tu te doutes du pourquoi de ta venue, à part m’apporter à manger. J’ai besoin d’aide ici, et je pense que tu seras parfaite pour m’assister. Ce que je te propose, si tu en as envie évidemment, c’est d’assister à mes rencontres diplomatiques, et éventuellement de porter certains messages. Ainsi tu seras formée directement sur le terrain, sous ma tutelle bien sûr. Je serai pour te conseiller, pour te montrer ce qu’il y a à faire. Qu’en penses-tu ?
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Mahelya
Gronder ?! oui !... Punir de dessert ?... M'enfin !!! même pas en rêve. Le but de l'opération était que la Princesse s'alimente. S'il y avait eu une punition elle aurait sans aucun doute été : "Double ration de dessert pour l'Altesse !"
La Rouquine modèle réduit n'osait pas encore relever ses pupilles sur le visage d'Aldraien. Un mensonge venait d'être prononcer et à n'en pas douter si la jeune fille la regardait maintenant, le rouge brulant de la honte pigmenterait ses fines joues au teint de perle, son regard serait fuyant et probablement bafouillerait-elle. Ce qui montrerait ça petite manipulation et cela pousserait, sans doute, sa Mère à cesser sur le champs toute ripaille. La Flammèche se contentait donc de déguster méticuleusement sa énième tartine de la journée, car rappelons-le : la jeune fille avait déjà déjeuner !
Une miche de pain : 6 écus, un pot de marmelade : 10 écus, une bouteille de lait : 11 écus, voir sa Mère s'alimenter ? ça n'a pas de prix et vaut bien tous les sacrifices, y compris celui de manger comme douze. Tiens d'ailleurs, peut-être faudrait-il qu'elle demande à Bertille de moins serrer les lacets de son bustier... Cela commençait à devenir inconfortable...

Un sourire joyeux et sincère fleurit sur le visage de l’Étincelle lorsque qu'Aldraien lui souhaita bon appétit. Oh la jeune fille était parfaitement sûr que sa Mère allait se sustenter, après les faux arguments qu'elle avait prononcer. Néanmoins, le modèle réduit pensait tout de même qu'il y aurait plus de protestations que cela. Or il n'en était rien, sa Mère abdiquait presque facilement. Ce qui ravit la jeune enfant. Si elle arrivait à négocier - manipuler - aussi bien au Pavillon, à n'en pas douter plus tard elle ferait une excellente diplomate. Bien sur elle commencerait sans doute par trier quelques parchemins, passer le balais et servir diverses boissons aux visiteurs, mais elle pensait que c'était comme ça que l'on apprenait le métier. Ouhhh qu'elle avait hâte de commencer à travailler avec la Rousse grandeur nature. Et c'est exactement ce que lui proposait la Princesse.
Doucement, précautionneusement, l'Incandescente releva les émeraudes sur le visage de la Malemort. Prête à baisser le regard au moindre signe de chauffe sur ses joues. Heureusement, rien ne se produisit et elle put donc ainsi sceller ses yeux à ceux de sa Mère, remarquant au passage que la tartine était à peine entamée mais néanmoins toujours gardée en main, signe que la mastication n'était pas finie.
Le sourire joyeux esquissé un peu plus tôt se mua en véritable manifestation de joie. Mahelya en sautillait presque sur son siège. Bien plus que quelques tâches administratives, Aldraien lui proposait de l'aider partout, en tout temps.
A cette instant présent, La jeune rousse était heureuse comme jamais - ou presque -, bien plus heureuse que le matin de la Saint Noël, mais soyons honnêtes, cela ne valait tout de même pas le soir ou La Princesse avait demandé à l'adopter.


- Je pense, Mère, que c'est une excellente idée ! j'aimerai beaucoup vous assister dans toutes les tâches que vous me confierez... Et je passerai beaucoup plus de temps avec vous ainsi. Vous ne pouvez me faire plus plaisir... Et je suis sûr que j'apprendrais plein de choses à vos cotés... Et ...

Mais soudain le regard de la Flammèche s'assombrit quelque peu.

- Mère ... ?! ... Je me doute que vous savez que j'avais déjà tenter de devenir diplomate ? ... Et que cela ne s'était pas très bien passé ? ... J'étais jeune, j'avais huit ans ... Pensez-vous que ... Enfin ... Je veux dire ... C'était une autre époque ...

Les petits poings de la jeune fille se serrèrent sur ses genoux. Oui elle avait été virée de son bureau ! Oui elle n'avait pas été à la hauteur à l'époque ! Oui elle avait travaillé sous les ordres de Poumona ! Non elle ne recommencerait pas ! C'était une nouvelle vie qui s'offrait à elle, elle devait donc tourner la page et recommencer en faisant fi du passé. Son regard vert était résigné.

- Mère, j'ai fait des erreurs par le passé, mais je ne vous décevrais pas ! Je vous le promets !
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Aldraien
Ou comment rendre une jeune rouquine heureuse en deux leçons. Jusqu’à présent, la Malemort s’en sortait plutôt bien dans son nouveau rôle de Mère. Notez qu’elle l’était déjà, Mère, et ce par trois reprises, mais elle avait été plutôt pitoyable jusqu’à présent ; d’où sa nouvelle résolution de l’année mil quatre cent soixante : être présente pour ses fils, pour Marie-Amelya, et pour l’enfant qu’elle portait en son sein, et leur montrer à tous les cinq comme elle pouvait les aimer.
Cinq enfants…Ca commençait à faire, mine de rien. Si on lui avait dit, à ses quinze printemps, qu’elle deviendrait mère de cinq enfants, elle ne l’aurait sans doute pas cru. Faut dire que ses quinze ans étaient bien loin maintenant, et qu’en regardant sa petite fille, elle repensait avec nostalgie à l’époque où elle était aussi curieuse de tout, et aussi avide d’apprendre et de découvrir le monde. Et oui, la Malemort est vieille, il faudra bien qu’elle s’y fasse, même si elle ne laisserait jamais personne l’affirmer devant elle. Elle était la seule à pouvoir se qualifier ainsi, naméo.

Soudain, le regard de sa petite s’assombrit et, prenant une nouvelle bouchée de sa tartine, elle mastiqua en écoutant celle-ci exposer ses inquiétudes. Oui, elle avait eu vent que la jeune fille avait déjà voulu devenir diplomate, c’était à son arrivée au Pavillon des Emissaires et elle en avait un souvenir assez précis. La petite rouquine était alors sous la garde de la Chancelière de l’époque, qui n’était autre que Prudence de Champlecy, certainement la seule et unique possibilité de voir la Malemort passer outre ses engagements de Justice et d’Honneur. Pour tuer cette femme, elle était prête à tout, même à pactiser avec le Sans-Nom, chose qu’elle avait déjà commencé à faire. En plus d’avoir abandonné Guilhem, acte déjà peu reluisant, la Berrichonne avait osé la blesser elle, et plus que tout, elle avait blessé sa sœur, Elisa. Cet acte était tout simplement impardonnable, et elle paierait un jour, la Rousse se l’était juré.


- Le passé n’a pas d’importance, Marie-Amelya, seul ce que tu feras dans le futur en aura. Si tu veux bien faire, alors tout se passera bien, et tu progresseras plus vite, j’en suis certaine. J’ai confiance en toi.

Cette phrase, toute bête, pour la rassurer. Elle a confiance en elle, oui, et la confiance donne des ailes. L’étincelle dans le regard de la petite suffisait pour la convaincre, un tel regard ne pouvait signifier qu’une chose : elle ferait une excellente diplomate ; et la trentenaire en était certaine. C’était celui qu’elle avait eu, parfois, quand elle décidait de faire quelque chose de concret : rien ne pouvait la détourner de son objectif. Ainsi la petite ferait tout pour réussir, et réussirait.
Mais déjà la fatigue revenait prendre possession de la Diplomate. Il fallait qu’elle se repose à tout prix, ou l’épuisement aurait tôt fait de la gagner à nouveau, et de mettre son enfant en danger. Même si sa sœur lui manquait horriblement, il fallait au moins qu’elle garde l’enfant qu’elle portait en vie. Sa sœur…Que faisait-elle, à ce moment bien précis ? Pensait-elle à sa sœur ? Vivait-elle sa vie, heureuse loin de la Capitale ? Tant de question sans réponse…La tartine est reposée, elle n’a pas plus faim.


- Laisse moi le temps d’organiser ton arrivée au Pavillon. J’en parlerai à Elisa dans ma prochaine lettre, mais elle n’y verra aucun inconvénient, ne t’en fais pas. Elle a confiance en mon jugement. Je te préviendrai lorsque tu pourras officiellement te présenter pour m'aider, ce sera dans les jours qui viennent. Tu peux rentrer maintenant, et remercier Bertille pour le repas. Merci à toi également d’ailleurs.
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Mahelya
"Heureuse" était un faible mot pour désigner l'état d'esprit de la Rousse Modèle Réduit. Sa joie était inqualifiable tant elle était grande. Sa Mère lui faisait confiance, n'était-ce pas ce qu'elle venait de lui dire ? Et ça pour la Jeune Étincelle c'était la plus belle marque d'amour qu'il soit. La seule qu'elle est véritablement connue aussi. Mais plus qu'une marque d'amour c'était pour la jeune fille la plus grande motivation aussi. Ne pas décevoir la Princesse serait son nouveau Credo. Sa Princesse, sa Mère, sa Lumière qui la guidait doucement mais surement sur les chemins d'une vie honnête, droite et respectable. Alors elle ferait tout ce qui était en son pouvoir pour être digne d'être son ombre. Pour lui faciliter la tâche, pour l'aider dans ses différents travaux, et pour apprendre à devenir une femme comme Elle. Car oui Aldraien était son modèle en plus d'être sa Lumière.

- Merci Mère, je ne vous décevrai pas ! Je vous en fais la promesse.

Une vague d'émotions submergea la jeune fille. Incapable encore d'identifier correctement les sentiments qui se manifestaient dans ses entrailles. Quand on était habituée à vivre et à se débrouiller seule on s'affranchissait de toutes préoccupations sentimentales. Sauf envers Guilhem qui avait été sa seule vraie "fausse" famille. Mais depuis, la Rousselotte avait été adoptée, elle avait un père, une mère, trois frères, et un bébé qui allait naître. C'est toute une réadaptation à un mode de vie familial qui s'effectuait doucement mais surement. Et il est vrai que cela lui plaisait grandement d'en faire partie.
Un large sourire fendit les lèvres barrées d'une cicatrice de Mahelya. Et si elle n'avait pas remarqué la fatigue sur le visage d'Aldraien probablement aurait-elle eu les larmes aux yeux. Mais l'état de la future Mère la préoccupait. Aussi garda-t-elle son sourire chaleureux mais détailla les traits de la Rousse Adulte. Elle semblait exténuée et bien qu'elle s'évertuait à le cacher à ses yeux d'enfants, cela ne prenait pas. N'oublions pas qu'en vivant seule, la jeune fille avait du se débrouiller, et décrypter les pensées ou intentions de ses interlocuteurs était la clé de sa "longévité"… Bon, il est vrai, Harchi aussi y était pour quelque chose… Mais, aujourd'hui, le vieux valet n'était pas là… La Flammèche ne pouvait compter que sur son instinct. Et ce dernier lui criait haut et fort que l'état de sa Princesse Mère n'était pas étranger au départ d'Elisa.
Prenant une grande inspiration, la petite ne put cacher sa légère déception quand sa Mère posa la tartine. Mais elle avait perdu, elle devait le reconnaître. Sa Mère désirait rester seule à présent et la tartine demeurerait presque entière… C'était ça aussi devenir une honnête jeune femme, c'était savoir mettre de l'eau dans son vin et réaliser qu'on ne pouvait pas avoir tout ce que l'on voulait.
Doucement, elle se leva, fit le tour du bureau et alla faire une bise sur la joue de sa Mère, avant de lui poser la main sur l'épaule.


- Bien, Mère je retourne à Saint Julien. Bertille sera ravie de savoir que vous avez gouté son pain.
Je vous en prie faite attention à vous et à mon futur petit frère ou ma future petite sœur. J'attends donc de vos nouvelles au sujet du Pavillon.
Oh ! Mère ! Pouvez-vous transmettre un gros bisou de ma part à Elisa et presque Oncle Bel ?


Elle adressa un dernier sourire à sa Mère, un regard triste à la tartine, et baissant les yeux elle sortit du bureau. A sa sortie les gardes ne l'enquiquinèrent pas...
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Aldraien
- J’y veillerai Marie-Amelya.

Léger sourire à sa fille pour donner le change, elle sait que ça ne marchera pas, elle n’est de toute façon pas douée pour faire semblant. Mais il est plus que temps qu’elle reste seule, elle avait des choses à faire, du travail, elle devait faire ce qu’il fallait pour s’occuper l’esprit et sa fille, en s’inquiétant de la sorte pour elle, lui rappelait combien sa sœur pouvait lui manquer. Car c’était un fait, les personnes s’inquiétant pour elle n’étaient pas si nombreuses, et les arguments utilisés par la rousse miniature faisaient directement allusion à sa Lumière à elle. Puisqu’on est tous l’ombre de quelqu’un…Sa fille était pour ainsi dire devenue la sienne au fil des semaines, et un jour à son tour elle serait la lumière de quelqu’un ; c’était déjà un peu le cas d’ailleurs, car elle avait apporté de la lumière dans les ténèbres de la Malemort, au départ de sa sœur. Pas assez pour éclairer totalement, mais assez pour ne pas être effrayée du noir.

Bien entendu, la Princesse avait remarqué la déception de la jeune fille alors qu’elle partait, tout comme elle avait vu l’inquiétude sur ses traits. Si on ne pouvait pas mentir à l’enfant, l’adulte était passée maître dans l’art de décoder les expressions qu’elle pouvait lire sur certains visages, sa fille ne faisait pas exception. Mais comment lui expliquer ce qu’elle ressentait ? Comment lui expliquer qu’elle essayait autant que possible de faire face à l’absence de celle qui lui était vitale mais que c’était extrêmement dur pour elle ?
A part la faire souffrir inutilement, quel serait l’intérêt de lui révéler une telle chose ? Ca ne changerait pas la situation, ça ne l’améliorerait pas, ça ne ferait que du mal à la jeune fille qui avait déjà eu tant de difficultés à se sentir acceptée par sa désormais nouvelle famille. Alors la Malemort ne dit rien et laisse la petite rouquine sortir du bureau, il vaut mieux qu’elle souffre peu d’un non-dit que beaucoup en apprenant la vérité.

« Excuse moi »
Deux mots si simple qu’elle n’arriverait pas à prononcer. Elle était la mère de la rousse miniature depuis quelques jours à peine et déjà elle la faisait souffrir. Bien joué Ald’, et te voilà seule à nouveau dans ce bureau trop silencieux. Et les heures passent, et elle ne sort que pour monter la garde sur les remparts durant la nuit, à dormir par intermittence pendant la journée, quelques heures d’affilée à peine, avant d’être réveillée en sursaut par l’absence de sa sœur à ses côtés. Lorsqu’elle allait mal, Elisa était toujours venue se blottir contre elle, veiller sur elle pendant qu’elle se reposait ; et aujourd’hui elle n’était pas là : elle était seule.
Pourtant le troisième jour, une lettre lui fut apportée. Une lettre dont elle reconnut immédiatement le scel. Sa sœur…Une réponse ! Rapidement, elle brise le sceau et se plonge dans la lecture des mots tant attendus, comme un assoiffé s’abreuverait d’une oasis. Et les mots furent à nouveau couchés sur le vélin, scellés, et envoyés en direction de Tulle.


Citation:
A Elisa de Lahaye-Malemort, Princesse de France, Dame de Saint Bonnet en Bellac, Grande Chancelière du Limousin & de la Marche,
Ma soeur, mon Soleil, mon Tout, ma Cerise ;

    Je suis heureuse que tu sois arrivée sans encombre à Tulle, les jours ont passé depuis ta réponse, et j’imagine que tu dois être bien installée maintenant. Tu me manques ma sœur mais force est de constater que je dois malgré tout faire attention à moi, comme tu me l’as demandé dans ma lettre. J’espère que tu trouves le temps de te reposer de ton côté ; il ne faut pas te tracasser pour Prudence, je suis certaine qu’elle finira par avoir le sort qu’elle mérite, si ce n’est pas par ma lame au moins paiera-t-elle. Je m’occuperai de Guilhem quoi qu’il arrive de toute façon, il est mon filleul, et en l’absence de famille, il restera sous ma tutelle. Quand on voit ce qui lui sert de famille ce n’est pas plus mal, je pense.
    Ma sœur, pense uniquement à ton bonheur avec Bel’, profite de ton voyage pour te ressourcer, ne pense pas à ses malheurs qui appartiennent au passé.

    Marie-Amelya m’a dit que Hannibal et toi lui avez confié la mission de veiller sur moi, elle m’a fait manger un peu, mais j’avoue que je n’ai guère faim. Je te promets cependant de faire un effort, pour l’enfant que je porte, pour ma famille, pour toi puisque tu en fais partie. Ne dérange pas ta cuisinière pour si peu, l’installation de ma petite rouquine à Saint-Julien a ramené plusieurs personnes supplémentaires à notre service, dont Bertille, la cuisinière de Marie-Amelya, qui se fait un plaisir de chercher tous les stratagèmes pour me faire manger. Si tu voyais ton frère ! Je pense qu’il a dû prendre autant de ventre que moi, sans doute l’angoisse de devenir père qui le fait compenser par la nourriture. Si tu voyais mon ventre ! Je commence à sentir mon bébé bouger, il s’impatiente de te retrouver. Je suis certaine que cet enfant sera le plus beau, intelligent et tendre comme son père, diplomate et agile comme sa mère ; parfait comme sa tante. Si tu savais comme j’ai hâte que le moment de la naissance arrive enfin !

    Pour Wolfloner, je ne sais guère que penser. J’obéis aux ordres, cela fait trois jours que je défends Limoges chaque nuit, que je parcours les remparts en long et en large, dans l’attente d’une menace qui ne vient pas. J’avoue être fatiguée ma sœur, ma grossesse aura eu raison de l’énergie que je mettais autrefois à défendre par les armes mon Comté. On dirait presque qu’il prend plaisir à m’épuiser, pour voir jusqu’où je tiendrai avant de m’effondrer.
    Cela dit, je te promets mon Tout de veiller sur les miens, sur mes filles et mes garçons, tant que le Très-Haut me prêtera un souffle de vie. Marie-Amelya a été un soutient sans lequel je n’aurais pas supporté ton départ, c’est à moi à présent de lui montrer qu’elle n’est pas seule et que, malgré ma tristesse de te savoir loin, je suis toujours là pour elle.
    Je lui ai demandé de venir m’aider au Pavillon, j’espère que tu accepteras.

    Sais-tu ? J’ai présenté mon premier hommage à la Comtesse, Seleina, qui m’a octroyé une terre suite à la demande de ton frère, au mandat dernier. Hannibal et moi sommes désormais Barons.
    Barons de Ussac…C’est un fief magnifique, mais je n’ai guère eu le temps de le visiter pour le moment. Une Baronnie de mérite, pour me remercier de tout ce que j’ai fais pour le Comté. Cependant ma sœur, tout cela n’aurait pu être réalisable sans toi à mes côtés, tu m’as porté, tu m’as soutenu tout au long de ces longs mandats, nous avons fait tout cela ensemble, à deux.
    Je veux partager cela avec toi; cette Baronnie devrait t’appartenir tout autant qu’elle m’appartient, mais puisque cela n’est pas possible dans la réalité, je souhaite t’en offrir une partie. Tu le mérites plus que quiconque. Aussi je te le demande…Dès qu’il me sera possible d’octroyer officiellement des terres, acceptes-tu de devenir ma vassale ?
    Réponds moi vite ma sœur, l’attente est si longue loin de toi.
« Deux âmes pour un Tout »

A.




PS : Je vais écrire à Hema, elle me manque. N’hésite pas à la ramener quand tu reviendras. Marie-Amelya t’embrasse, ainsi que son « presque oncle » Bel’.

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