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[RP] tais-toi.

Nyam
La douleur était partout...

Elle explosait dans son crâne en milliers d'étincelles incandescentes, lui ôtant toute faculté de penser. Si bien que quand le Déchu se fut retiré, il fallut un moment à la Frêle pour se rendre compte que son calvaire était pour l'instant terminé. Les plaies dans son dos étaient collées par les draps, décuplant la douleur des coups par le frottement du tissus rugueux. Son sang coulait, imbibant le blanc d'un vermeille parfait.

Mais plus que la douleur des coups, c'était la douleur qui tenaillait son ventre qui était la pire pour elle. Déchiré l'hymen, déchirées les chaires tendres de l'enfant faite femme dans la violence. Le feu était en elle, et ce n'était pas le feu qui consume une femme de désir et de plaisir... Mais bien celui d'une femme qui souffre en son corps violé... Sur les draps, la semence du Judas se mêlait à son sang de vierge déflorée...

La douleur était partout...

Et elle arracha à Nyam son premier vrai cri, presque un hurlement de bête blessé qui réclame qu'on l’achève tant ses blessures sont grandes et ne semblent pouvoir être un jour guéries. Le bruit se répercuta dans les couloirs de Petit Bolchen, mais personne, personne ne viendrait à son secours, car tous craindraient de subir le sort de la malheureuse esclave.

Ce n'est qu'une fois le cri terminé, quand les sanglots secouèrent le petit corps meurtris, que la Frêle entendit les discrets coups à la porte close de sa prison. L'Iris... Elle était là... Elle avait souffert avec elle à défaut de souffrir à sa place... Elle n'était pas seule... Pas totalement... Alors Nyam s'extirpa de son lit avec douleur, s'approchant de sa cuvette renversée, y versant le peu d'eau qu'il restait dans le broc... Ne pouvant nettoyer son dos, elle se contenta d'essuyer maladroitement et en gémissant les traînée sanglantes sur ses cuisses blanches...

Aujourd'hui Judas avait apposé sa marque sur son esclave.... Aujourd'hui, il pensait avoir vaincu.... Mais aujourd'hui commençait le véritable combat...

La Frêle n'était pas brisée... Nyam n'était pas vaincue....

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*Frédéric Régent, Historien
Judas
Et les jours passèrent, longs et plats pour Judas, intemporels et rudes pour la jeune esclave. La porte resta close et ne s'ouvrit que pour l'eau, le pain et parfois les coups. Puis gagné par le besoin de briser Nyam, son intérêt premier le regagna comme un ver rongeant l'accalmie. Il revint inlassablement réitérer le condamnable, yeux de pierre et mains de fer.

Au fil des nuits où le sommeil le fuyait comme la peste il avait appris chaque courbe du corps de la Frêle, chaque stigmate de son autorité, chaque fleur bleue sur le fil de sa peau. Il ne lui parla plus, se murant dans le mutisme des journées durant, pourtant continua à en faire une femme entièrement façonnée à ses besoins primaires à chaque fois que l'envie se faisait opressante. Il apprit son odeur et chaque cil fermant à double tour son regard de condamnée. Quelque part, Judas laissait venir à lui l'inspiration salace qui la dépeignait morte de chagrin ou de douleur un jour, inerte sous ses assauts.

Lorsqu'il ne venait pas la solliciter, Judas restait au lit, laissant ses rares sorties aux fréquentations des bordels. Le temps semblait s'être figé à Petit Bolchen, le maistre des lieux laissait sa vie prendre la poussière. L'Anaon n'était pas revenue, il défoulait sa colère comme il le pouvait. Les terres en jachères ne virent plus de visite pendant longtemps. D'ailleurs, combien de temps? Un mois, deux ?

Suzanne avait prit lentement mais certainement sa place en ses murs et sa couche, et chaque soir où son humeur daignait être meilleure il célébrait son égoïsme en creusant de sa lippe volage ses reins de jouvencelle. Désabusé un peu, procrastinant beaucoup, Judas laissait vivre sans lui la maisonnée et le coeur de ses amantes.

Il entreprit même de quitter quelques temps la Bourgogne, allant chercher chez l'amie le plaisir qu'il ne trouvait plus chez lui. Pourtant il resta là, encore un peu, remettant toujours au lendemain les décisions qui l'éloigneraient inéluctablement de ses attentes.

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" Nous sommes les folles plumes des inspirations sans règles "
Nyam
Horreur... Douleur... Supplice... Enfer...

Voilà ce qui caractérisait l'univers de Nyam désormais... Le Maître pouvait venir à tout heure, de jour comme de nuit, pour profaner son corps inlassablement et sans tendresse. Et qu'elle fasse mine de résister, et les coups pleuvaient, marquant sa peau de vaste marques bleues, noires, mauves... La terreur était devenue son quotidien, elle n'avait plus un instant de répit...

Le temps s'écoulait sans mesure, heures après heures, jours après jours... Combien de temps resta-t-elle ainsi enfermée à n'avoir nulle visite autre que celles de son bourreau ? Son seul sablier était la couleur de ses hématomes et la cicatrisation hasardeuse des plaies que la badine avait laissé sur son dos... Plaies qui se rouvraient sans cesses après chaque visite du Déchu dans l'antre de la Frêle...

Pas un mot n'était prononcé à chaque fois que le Maître venait la prendre... Rien d'autre que des grognements animal quand l'homme assouvit ses besoins entre les cuisses blanches, et les pleures silencieux de la Frêle accompagnaient le viol à chaque fois qu'il arrivait. Et c'était ce silence, qui permettait à l’adolescente de tenir le coup... Car tant qu'il la traitait comme un objet, elle parvenait à garder son esprit enfermé et à l'abri de toute atteinte...

Seulement cette nuit là, tout changea... Pour une raison connu de lui seul, Judas rompit ce silence. Alors qu'il la besognait, il s'était penché à son oreille pour lui murmurer son nom... Un seul mot qui brisa l'équilibre, faisant pencher la balance vers le maître. Quand il se retira, il laissa Nyam dévastée, avec un grand vide dans son âme... Immobile, elle avait même renoncé à son rituel de se laver après chaque passage de son tortionnaire.

Lorsque iris vint tapoter à la porte, alors que l'aube pointait et que le Déchu avait sombré enfin dans le sommeil, Nyam se traîna hors de sa paillasse pour s'effondrer contre le battant de bois. Posant sa joue meurtrie contre l'huis, les larmes coulant sur ses joues livides, les azurs braqués dans le vide. Brisée était la Frêle, et elle faisait appel à son unique secours.


Pitié... Aide-moi... Fais moi mourir... Libère-moi...

La Mort apparaissait maintenant à ses yeux comme la seule clé de sa liberté perdue...
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*Frédéric Régent, Historien
Iris.
Les jours se suivaient, douloureux. Les passages devant la porte close de la Frêle lui tiraillait le ventre. Elle entendait les gémissements de plaisir, sadiques, du Déchu à chaque passage dans la chambre. Elle imaginait les blessures, physiques et morales, de la Frêle. Mais elle ne pouvait rien faire. Silencieuse, comme toujours, la Soumise restait dans l'ombre de Judas et cherchait un moyen d'aider Nyam. En vain.

Elle ne le reconnaissait même plus, le Déchu. Plus animal que jamais, il lui faisait même peur. Ce n'était plus qu'une bête répondant à des instincts primaires toujours plus impulsifs jours après jours. La peur... Horrible pouvoir que le Von Frayner maîtrisait à la perfection. Et le seul moyen pour lutter contre ce pouvoir qu'il avait sur elle(s) était d'aller, chaque soir à la porte de la Frêle, une fois que Judas s'était endormi dans les bras d'une nouvelle venue. Assise ou à genoux, elle tapotait la porte et parlait à la jeune femme. "Ne t'inquiète pas Nyam, je suis là. Un jour, il s'arrêtera, Judas. Il se lassera et se tournera vers une autre âme fragile. Tiens bon". Oui, elle lui trouvait encore des excuses. Son amour était sans faille, quoiqu'il fasse.

Mais, ce soir là, c'était autre chose...

Comme d'habitude, l'Iris était contre la porte. Judas avait encore terrassé et laissait Nyam plus mal que jamais. Elle le sentait. Sauf que son malêtre était plus grave qu'Iris le croyait. "Pitié... Aide-moi... Fais moi mourir... Libère-moi..." Un frisson lui parcourut l'échine alors qu'une larme coulait le long de sa joue pâle. Qu'avait-il donc fait pour que la petite n'ait plus d'espoir ? N'ait plus envie de se battre ? Dépitée, Iris regardait la porte.


Non... je ne peux pas. Sois forte. Ca va aller, Nyam.

Silence radio. Que faire ? Impuissante face à tout, Iris était désemparée, perdue. Son regard ne quittait pas la porte, comme si elle voyait la Frêle, derrière, pour la questionner. Elle ne pouvait tout de même pas la laisser seule. Elles étaient plus forte à deux. Du moins, c'est ce qu'elle croyait... Elles avaient besoin d'aide. Et la seule qui pouvait leur fournir cette aide-là était la Roide. Celle que Nyam appréciait, en qui elle avait toute confiance. Il fallait qu'elle l'aide à tout prix.

Filant dans sa chambre sans faire le moindre bruit, l'Iris attrapa plume et vélin. La Roide était leur dernière chance.



Anaon,

Je dois faire vite. Judas est à côté.

Nous avons besoin de toi : Nyam se porte mal, très mal. Judas a frappé fort cette fois, et la petite ne veut plus se battre. Je ne sais plus quoi faire.

Aides-moi, aides-la, je t'en supplie.
Iris.


Elle n'avait que très rarement écrit. C'était toujours Judas qui le faisait. Mais aujourd'hui il fallait qu'elle prenne les rennes, quitte à les donner à la Roide après. La Soumise savait qu'elle avait son rôle à jouer. Le courrier fut rapidement envoyé, toujours dans le plus grand silence. De retour à la porte, Iris la gratta.


Ca va aller, Nyam. Bats-toi, s'il te plait. Tu seras libre, bientôt, je te le promets. Bats-toi encore...

Oui, bats-toi, la Frêle, pour toi, ton honneur... Bats-toi pour nous. Pour tout ce que je ne saurais faire un jour...

Edit : rajout.
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Anaon
[ Louvre, Paris ]


    La rose. Symbole antique des déesses aux mœurs charnels. Un Emblème fragile, délicat et séduisant, pourtant farouche et mortifiant. L'Amour. On aurait put lui choisir le lys et sa pureté, mais on lui préfère la rose et ses piquants. Les pétales et les épines. Car c'est çà, la passion. Une douceur qui fait mal. Une violence qui fait du bien. On s'y frotte, on s'y pique, on s'y brûle et on s'y consume. Même si on s'y arrache les doigts à force d'écorchure, on y revient toujours, cueillir la rose et sa violence.
    Le rouge. Pour l'interdit. Le sensuel. Le sang. Rouge comme le carmin des cœurs qui saignent de trop aimer ou qui aimeraient savoir aimer, parfois.
    Une rose rouge. Quand on délaisse une rose, les pétales se fanent en noirs et quand ils viennent à s'échouer il ne demeure que les épines... Comme une amertume, acérée, prêtre à blesser et qui demeure une fois que l'amour s'est étiolé. Les relations, c'est comme les fleurs. A trop les délaisser, elle risque de se faner.

    L'aube s'éveille dans sa timide fraicheur printanière et elle a vu se lever bien avant elle la femme au sommeil éphémère. Les rayons naissants filtrent a travers le verre de la fenêtre, redessinant dans un halo opalescent les courbes du visage qui a reprit ses galbes. Le sommeil retrouvé, bien que fragile, à soufflé les cernes qui ceignaient les perles azurs et seul demeure sur la peau pâle quelque taches brunâtres, témoins de rixes et de lubies. Poings fermés, l'un sur l'autre appuyés sur le bois de la table, elle observe fixement, menton sur la main dextre, la rose séchée au devant d'elle. La fleur est aussi plate qu'une feuille et les pétales carmins ont virés au grenas. Voilà quelque temps déjà qu'elle passait son temps à observer sa rose quand elle s'éveillait bien avant que le Louvre ne se mette en branle. Toujours ces même questions existentielles. Qu'en faire? La mettre en poussière pour la mêler symboliquement à la poudre que renferme la fiole qui pend à son cou? Jouer les herboristes et en faire un élixir? Ou bien la garder, simplement, entre deux lettres et deux pensées.

    Une rose rouge. Ca vaut quoi, une rose rouge offerte par le plus libertin des cour'jupons?

    Choc contre la porte.

    _ Dame Anaon! Du courrier pour vous!

    Le regard se tourne vers la porte de sa chambrée. Si les nobles dorment encore, les laquais sont au taquet. Premier réflexe, le chaperon se fait oublier n'osant pas même respirer. Puis le bon sens fait son travail. La silhouette s'étire avant de quitter sa chaise pour aller ouvrir et toiser le gamin qui lui fait face, plis à la main. Un sourcil se perche sur le front blanc tandis que les doigts se saisissent du petit vélin. Diable! Elmazilla aurait trop la flemme pour ne plus venir lui casser les pieds en personne? La pensée bogue sur cette réflexion alors que le gamin a déjà filé depuis un instant. La bâtarde, écrire et à cette heure-là en plus?... Naaaan! Impossible. Lentement, la mercenaire retourne au silence de sa chambre.

    Le plis est déplié, et premier réflexe, les azurites cherchent le nom de son émetteur. Là, c'est la surprise. La balafrée se fige au milieu de la pièce. Dans l'entourage de Judas, il y a trois types de femme. Les transies qui ont les yeux qui dégoulinent d'amour à chaque œillade. Les haineuses qui le dégommeraient bien à chaque regards. Et les autres qui cumulent les deux. Étrangement les secondes lui étaient nettement plus sympathique. Pas de bol pour Iris, l'Anaon la casait dans la première catégorie. Entonnement passé, la balafrée s'empresse alors de savoir ce que l'énamourée lui veut.

    Si le visage avait reprit des couleurs, il se fane maintenant au fil des mots. Blême. Les sourcils se froncent et l'inquiétude lui claque dans le ventre comme une gifle en plein visage. Le regard s'est figé sur les mots. Sa dextre se crispe sur son menton. Judas! Par tous les dieux qu'as-tu encore fait? Les yeux se ferment. Oh diable! Elle imagine et les pires images lui viennent à l'âme. Du carmin dans les cheveux blonds et des larmes dans les yeux bleus. Mais quand elle entrevoit le corps amant sur la couche de la gamine la réaction est trop violente. L'estomac se noue menaçant subitement de recracher sa bile acide. La main se fait poing et l'Anaon se tord sous la force de l'assaut s'appuyant violemment sur le bord de la table. La crispation devient tremblement tandis que l'esprit ne semble pas vouloir l'épargner de son imagination répugnante. Sous le corps échauffé, sur la mine encadrée de mèche blonde, elle imagine un autre visage, tellement plus précieux. Et çà accentue sa nausée. Dents férocement fermées, la femme se fait violence pour ne pas rendre sur la table le peu qui réside dans son estomac.

    T'as pas fait çà Judas! T'as pas fait çà! Non, l'Iris s'emballe, l'Anaon invente, ou l'inverse. La servante exagère et la balafrée qui voit le mal partout s'enflamme pour que dalle. Dans un effort, elle ravale le début de bile qui a commencé à pointer le bout de son nez, se figeant le visage dans un rictus de dégout évident.

    Une longue expiration et le regard s'ouvre de nouveau. Exagération ou pas, balivernes ou non, l'Anaon ne peut pas rester là. Le corps se tourne vers la porte d'entrée. Il va falloir trouver l'excuse pour abandonner le Louvre, ses responsabilités, la bâtardes royale. Elle trouvera. D'un bond, l'Anaon est dans le couloir pour entamer une course folle à travers les dédales royaux. Aux vents les convenances dans un lieux pareil! Elle doit trouver la gouvernante, la cousine, le Roy même qu'importe! Aujourd'hui elle prend les voile au grand bonheur, sans doute, de la bâtarde.

    Elmazilla sera ravie: pas de préceptrice pour une semaine.

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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III - Montage LJD ANAON----[Clik]
Judas
[Maudit soit-Il de t'avoir donné des mains, maudit sois-je de t'avoir appris à t'en servir.]

Juché sur les remparts de la vieille muraille qui délimite l'espace commun qu'a Petit Bolchen avec le bois et le village, Judas s'est assoupi. S'éveillant à demi sous la caresse devenue griffure du soleil de la mi journée il ose ouvrir un oeil, tout dissimulé sous une paupière flétrie. Flétrie comme une Rose, cette Rose qu'il a laissé à la Roide avant son départ pour Paris. Le corps s'est remis de la nuit difficile qui a chamboulé le castel, le Von Frayner a retrouvé son apparence lisse et toute stigmate a disparu. Combien de jours depuis cette soirée? Cinquante? Soixante? A vrai dire après le premier mois Judas a cessé de compter. Depuis deux nuits il ne visite plus la jeune esclave, la laissant croupir, par ennui ou par désintérêt. Le châtiment semble enfin prendre fin, Nyam n'aura assisté ni à Ripailles ni aux fuites nocturnes de son Maistre... Bientôt il la laissera de nouveau hanter les pièces du château, bientôt. Pour l'heure il chasse toute pensée relative à la Frêle, comme on laisse la poussière se déposer sur un bel objet sans réellement penser à la chasser.

Senestre passe furtivement sur son visage, créant une ombre sur ses yeux qui s'ouvrent un peu plus. La silhouette se meut, il est temps de sortir de sa latence inhabituelle. Un mouvement nonchalant et il met pied au sol, recouvrant la terre de ses pas tranquilles. Moran doit faire la sieste quelque part dans les granges à cette heure-ci, les terres Bouguignone sont paisibles. Qui saurait présager le tumulte qui s'y profile...?

La promenade l'amène vers le vivier qu'il contourne et guette avec application, tâchant de deviner les sinueux mouvements qui le rendent si intriguant. L'eau poissonneuse laisse les rayons du soleil s'y mirer avec vivacité. Une grenouille s'échappe au craquement de feuille qu'un pas plus audacieux que l'autre fait résonner à la surface luisante, le fil de l'eau se pare d'une onde naissante.

Il est temps de rentrer s'enfermer dans sa prison de pierre. Le vendeur d'âme ne pressent pas le vent de mutinerie qui souffle sur sa demeure.


That boy is a monster
There was a monster in my bed.*




*Lady Gaga, Monster : "Ce garçon est un monstre, il y avait un monstre dans mon lit"

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" Nous sommes les folles plumes des inspirations sans règles "
Nyam
La supplique n'avait pas trouvé d'oreille attentive... Du moins pas le genre d'attention qu'elle aurait voulu... Car si l'Iris l'avait entendu, elle lui refusait la seule chose que Nyam lui avait jamais demandé.. la seule qu'elle demanderait jamais pour elle-même...

La Mort... Cette entité que tout homme fuit mais qu'elle était la seule à réclamée. l'Ankou... Ombre noire à la faux tranchante qui d'un mouvement coupe le fil de votre vie... Pourquoi... Pourquoi refusait-on de la faire venir pour elle ? Ne l'avait-on pas appelé si souvent, pour d'autre en sa présence ? Était-ce qui dur de le faire pour elle à présent ? Et pourquoi ne venait-elle pas d'elle-même...? Tu m'as pris ma famille, tu m'as forcé à accoucher et à enterrer de mes mains un enfant mort avant d'avoir vécu... Pourquoi.... Pourquoi ne veux-tu pas que ce soit mon tour ?

La Frêle se laissa glisser au sol contre la porte, sans force, sans volonté, sans envie... Elle restera là quoi qu'il arrive... S'il doit revenir, le Déchu la trouvera ainsi, et il devra la traîner jusqu'à son lit de torture lui-même... Car elle refusait d'y retourner d'elle-même... Les plaies rouvertes sur son dos libérèrent de nouveaux filets de sang qui se répandirent lentement sur le sol... Suffisamment pour l'affaiblir et la faire souffrir... Pas assez pour la tuer... Le Maître avait été consciencieux sans le vouloir... Détruire l'esprit sans faire de dommage irréparable au corps...

Allongée nue sur le parquet froid qui se tâchait de son sang, sa peau si blanche tranchant avec le sombre du bois et le vermeille du liquide précieux, ses longs cheveux d'or blanc étalés autour d'elle sur le sol, elle restait si belle... Une beauté d'Ange que la violence n'avait pu altérer... La perfection d'une enfant faite femme contre son gré... Un frisson parcourut son corps et elle ferma les yeux, voilant ses pupilles d'azur de ses paupières closes. Inattentive au départ ni même au retour de l'Iris, elle s'enferma dans sa tête pour se laisser sombrer seule.

Le temps s'écoula sans que la porte ne s'ouvrit, comme si le Judas en avait oublié qu'il avait une esclave à tourmenter, ou bien comme s'il était enfin apaisé... Nul n'apporta à manger ou à boire, ou peut-être que cela fut fait mais que son corps contre la porte bloqua l'accès... Qu'importe... Elle ne bougea pas...

Quand enfin elle entendit qu'on l'appelait, elle ne savait plus... Plus où elle état, qui elle était ni même si elle vivait... Tout était trop lumineux et parfois trop sombre...

Nyam... Ouvre les yeux ma chérie... Il n'est pas encore temps...

Ouvre les yeux Grande Soeur... Ouvre...


Vous croyez aux anges ? La Frêle croyait, elle... Persuadée que sa mère et le nourrisson mort qu'elle avait enterré venaient pour la chercher, elle leur obéit... Et elle ouvrit les yeux... Contre la porte, un léger tambourinement, craintif, terrifié, inquiet... Et un appel...


Nyam... Nyam... Je t'en pris réponds... Je t'en supplie, ne soit pas morte...

Et la Frêle de répondre d'une voix faible et enrouée par la déshydratation...

Je suis là Maman... Ne pars pas sans moi...
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*Frédéric Régent, Historien
Anaon

    Trouver le prétexte n'a pas été bien dur et pour une fois Elmazilla s'est avérée être d'une aide inestimable. Surprenant? Aucunement. La bâtarde avait enfin l'occasion de se débarrasser de son chien garde et autant dire qu'elle y avait mis de toute sa personne pour la faire rester en Bourgogne le plus longtemps possible. Voilà que la bâtarde lui a coller une liste de course aussi longue qu'inutile, soigneusement notée d'une écriture digne des antiques hiéroglyphes, dont le déchiffrage à au moins eu la vertu d'occuper la mercenaire pendant ses deux jours de voyages. Si d'ordinaire la balafrée l'aurait soigneusement remise à sa place en lui rétorquant qu'elle est sa préceptrice et son chaperon et non son marchante-ambulante-personnelle, c'est fois-ci elle s'était contentée de lui dire "Amen" et de filer pour la Bourgogne.

    Le départ s'était effectué en catastrophe et elle avait avalé en une journée bien plus de lieux qu'elle ne le fit le second jour. Heureusement, la route et le calme de la forêt de la Fontainebleau ont eu raison de sa nervosité première et bien vite la mercenaire a retrouvé le sang-froid qui est le sien. Le reste du voyage s'est déroulé dans le calme tout en avançant bon train. Barricadant son esprit contre toutes hypothèses hâtives, la mercenaire s'était contentée de s'enfermer dans des raisonnements pragmatiques presque professionnels, s'efforçant à penser aux jours suivant comme s'il s'agissait d'une mission quelconque. Une simple mission, commandée contre écus tintants et trébuchants. Que faire, que dire....

    Bientôt Petit Bolchen se dévoila à sa vue et la bouche du cheval se raidit sur l'embouchure. Ils y sont. Enfin.

    _ Hey gamin...

    La voix est douce pour rassurer la monture qui a redressé l'encolure. Les oreilles battent l'air, les naseaux se dilatent nerveusement. La badine de Judas a gravé dans l'âme de l'animal une peur tenace. Une terreur contre laquelle l'Anaon ne peut rien. Si elle n'avait pas vu la bâtisse, elle aurait sentit leur approche dans le simple comportement de sa monture.

    Petit Bolchen, aussi bien gardé qu'un moulin à vent. Elle l'avait quitté comme une voleuse, une première fois dès leur retour de Bretagne, une seconde fois pour regagner Paris. Égoïste. Elle avait fuit comme la poussière balayée par le vent, s'en se soucier de l'avis de Judas, de ses attentes, de ses envies. Sans chercher avant longtemps à avoir la moindre nouvelle de lui. Ni même de lui en donner. Il y a quelque jours seulement que l'envie de lui revenir s'est faite sentir. Dieux, qu'elle aurait voulut le faire le cœur aux lèvres! Aujourd'hui pourtant, le sourire ne viendra peut être pas.

    Sans se soucier des gardes, ni des laquais qui pourraient la voir et l'annoncer à Judas, l' Anaon abandonne Visgrade dans la cours pour s'engouffrer dans la demeure. Foutu instinct qui lui hurle de courir, lui que ne souffre d'aucun sang-froid! Heureusement pour elle, la balafrée a des nerfs et c'est le visage fermé qu'elle parcoure les dédales du domaine d'une démarche ample, mais non moins rapide.

    Elle trouve bien vite la chambre de la frêle et la Soumise qui veille à sa porte. S'accroupissant brutalement à sa hauteur, la mercenaire vient saisir sans douceur les épaules de l'esclave rivant son regard glaciale dans les yeux de la jeune femme.

    _ Dis-moi tout...

    A sa gauche, la porte qu'elle refuse de voir. Ne pas la regarder, comme si une simple œillade pouvait trahir se qui se trame derrière, ce qu'elle ne veut pas voir. Les perles azures restent férocement rivées sur Iris. Elle ne connait pas la beste, l'Anaon ne s'est jamais intéressée aux esclaves qui gravitent autour du sybarite. Il faudrait pourtant être bien aveugle pour ne pas voir l'amour inconditionnel que l'Iris voue au Maistre, ni même pour remarquer la jalousie qui lui crevait les yeux à chaque regard posés sur Nyam. Comment l'énamourée percevait les amantes de Judas? Elle ne le savait pas. Comment la voyait-elle, elle? Elle n'en avait rien à faire, mais mieux valait pour son matricule qu'elle ne se soit pas amusée à la faire venir pour une affaire de jalousie ou une broutille du même acabit.

    Judas aurait alors intérêt à bien cacher sa Soumise car il ne resterait plus grande chose sur elle que ses lèvres puissent baiser.

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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III - Montage LJD ANAON----[Clik]
Iris.
Les jours se suivent et se ressemblent dangereusement.
La Soumise n'avait eu aucune nouvelle d'Anaon et la Frêle ne daignait plus vouloir lui parler. Rien n'allait. Seule, évitant à tout prix le Déchu, l'Iris se fanait petit à petit, se morfondait et passait le plus clair de son temps devant la porte close. Elle tentait des murmures, passaient des messages à la Frêle, mais rien ne faisait. Iris était seule et désemparée.

Pourtant, elle avait cherché un moyen de résoudre ce problème. Croyant ne jamais voir la Roide venir, l'Iris tournait en rond et se triturait la tête pour trouver un moyen de faire sortir Nyam. Crocheter la serrure ? Casser la fenêtre de la chambre de l'extérieur ? Impossible. Judas rôdait toujours, même s'il s'était calmé. Elle sentait sa lourde présence derrière elle et, à chaque fois qu'elle voulait tenter quelque chose, elle se sentait épiée. Judas attendait le jour où l'Iris referait une erreur, pour se venger.

Énième jour. Toujours pareil. Assise à la porte, l'Iris gardait la tête posée contre celle-ci et priait pour que tout s'arrange. Elle entendait la Frêle se poster de l'autre côté, mais gardait toujours le silence. Enfin, au moins elles étaient à deux, d'une certaine manière. Alors la Soumise chuchotait, chantonnait et encourageait Nyam de garder espoir... Le Très-Haut ne pourrait pas la laisser désemparée comme cela.

Puis, la Sauveuse.

L'Iris est attrapée sauvagement par les épaules. Les yeux s'ouvrent de stupeur et une larme coule. De soulagement. La Roide était forte, elle avait une réputation derrière elle. La Roide était La Solution. "Dis-moi tout"... Si elle pouvait tout dire. Mais les mots lui brûlent la gorge, lui transpercent le cœur. Pourquoi revenir là-dessus. Mais l'Anaon a ce même pouvoir que Judas, elle a ce regard de ceux pour qui l'on ferait tout, de ceux qui ont une force surhumaine en eux. Alors les lèvres s'ouvrent, tremblantes. Elle murmure, de peur de se faire entendre.


Il a abusé d'elle. J'ai voulu l'aider mais il est trop fort. Trop fort. Il a sévit. Elle est enfermée depuis si longtemps... Elle veut mourir... Elle se laisse mourir... Aide-la. Pitié.

Les larmes coulent doucement. Elle a peur, la Soumise, et tremble. Elle sait qu'elle n'est pas à la hauteur, alors elle repose tout sur les épaules d'Anaon. Elle seule peut avoir la solution, elle seule peut aider la Frêle. Pourvu qu'elle ait juste le temps.
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Anaon
    Les secondes qui scellent la bouche de l'Iris dans le silence lui paraissent affreusement longues. Les doigts se resserrent déjà sur les épaules, prêtes à les secouer comme un vulgaire prunier, mais ces larmes qui s'écoulent... Se sont ces larmes qui retiennent son impatience.

    Et le redouté franchit les lèvres féminines. La confirmation de ce qu'elle craignait. Elle avait essayé de ce préparer à l'idée, mais les mots qui matérialisent son appréhension lui font plus de mal qu'elle ne l'aurait voulut. Si on disait parfois de l'Anaon qu'elle ne faisait pas son âge, qui remettrait en cause aujourd'hui ses trente-quatre printemps alors que son visage se fane sous les yeux de l'Iris? Le poids des années pèsent, soudaines, sur celle qui un jour fut mère. Les images flashent dans l'esprit de la mercenaire et les yeux se ferment violemment pour tenter d'enrayer son imagination perverse. La salive passe péniblement. Inspiration profonde.

    Les paupières s'ouvrent alors sur deux azurites nimbées de tendresse. Lentement, le visage tailladé se tourne vers la porte et les mains abandonnent calmement les épaules d'Iris. Le corps se coule contre le bois, la tête s'y pose et la pulpe des doigts vient frôler les veines végétales. Douces caresses, maternelles, comme si sous ses doigts le bois se faisait chevelure blonde.

    _Nyam... Nyam... Je t'en pris réponds... Je t'en supplie, ne soit pas morte...


    L'oreille se tend, le souffle se tait. Et derrière la porte, elle entend, la petite voix. Les mots lui tirent un frisson d'une rare violence et pour la première fois depuis longtemps l'impensable lui monte au regard. Les larmes se font roches au bord des yeux, elles ne franchissent pas le rempart de la paupière, mais elles sont là, lourdes dans le regard.

    Les oiseaux qu'on met en cage, peuvent-ils encore voler? Les enfants que l'on outrage peuvent ils encore aimer?*

    Souviens-toi, Nyam. Ce jour ou tu m'as accouché. Quand j'ai mis au monde l'immonde. Tu m'as dit de ne pas mourir. Aujourd'hui, c'est moi qui te supplie de vivre... Souviens-toi de ce jour ou nous étions seules dans le sang et dans la mort. Souviens-toi. Devant ton courage, je suis tomber à genoux. On est devenus ce jour-là, amies à la vie à la mort. Il se passe entre toi et moi
    quelque chose de tellement fort...

    _ Je suis là maintenant, Nyam, je suis là... Attends-moi...Ma aelig, ma kalonig, ma Mélusine. *


    Un frisson dans le cœur et la visage se recule. Les yeux se posent lentement sur la serrure. La crocheter, elle pourrait le faire. Mais cela n'enrayera pas le courroux à venir. Cela ne résoudra rien. Elle sait, l'Anaon ce qu'elle doit faire.

    C'est presque à contrecœur que la silhouette se redresse, faisant face à la porte, doigts toujours posés sur le bois.

    _ Restes-là Iris... mais quoi qu'il arrivera, n'intervient pas.

    La balafrée se détourne, offrant au couloir son visage de marbre. Elle s'éloigne alors, frôlant au passage la chevelure de la Soumise du bout de doigt. Les bottes vont alors claquer les pavés de Petit Bolchen. L'émotion cède sous la glace qui lui gèle les nerfs et le sang. La Roide ne portera jamais mieux son sobriquet. A elle d'aller trouver celui qu'elle haï-me.

    Judas, qu'as tu fais...


*"Les oiseaux qu'on met en cage", merci à "Notre-Dame de Paris"
Breton: Mon ange, mon coeur.

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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III - Montage LJD ANAON----[Clik]
Judas
[Voici le temps venu d'aller prier pour mon salut, Anaon est revenue]*


inattendu.

Marche paisible, presque absente. Machinale, le corps est bien là, la silhouette familière de Judas progresse dans le décor redevenu printanier des terres de Petit Bolchen. L'esprit lui est ailleurs, loin des premières feuilles nouvelles et de l'odeur de tourbe fraîche.

Marche trainante, quelques mèches sombres s'emballent avant de s'échouer sur les épaules fière du Von Frayner, jouets du vent. La cape a gardé la poussière de la grande muraille et la rend au gré des caprices de la brise chaude de l'après midi. La pâleur de Judas irradie, son détachement à la beauté de ce qui l'entoure encore plus.

Marche engourdie, l'iris de pluie balaye de sa froideur la cour qui s'offre à son champ. Un groupe d'oiseaux s'étiole au loin, le palpitant perçoit un douloureux raté avant que l'esprit ne comprenne réellement ce qui est entrain de se jouer.

Marche interrompue subitement, l'avancée se brise net sur le pavé sec. Le cheval. Judas observe circulairement la cour, incrédule. Le cheval de la Roide se trouvait là, une claque ne lui aurait pas plus fouetté le sang. Passage a vide, l'hémoglobine ne fait qu'un tour.

Voici le temps venu d'aller prier pour mon salut, Anaon est revenue. Bougnat tu peux garder ton vin ce soir je boirai mon chagrin, je sais ce que je m'apprête à faire.
Toi la servante, mon Iris, qu'as tu fait? Vaudrait peut-être mieux changer nos draps, fais disparaitre toutes les amantes avec ça, Anaon est revenue. Les belles, les belles, mais qui sont-elles? Déjà je ne m'en souviens plus: Anaon est revenue. Ma rancune, ne me laisse pas! Ce soir je repars au combat, maudite Roide puisque te voilà. Mon coeur, mon coeur ne t'emballe pas, fais comme si tu ne savais pas qu'elle est revenue. Mon coeur arrête de répéter qu'elle est sans doute aussi belle qu'avant l'été. Allez, cesse de bringuebaler souviens-toi qu'elle t'a déchiré. Et vous mes mains restez tranquilles c'est un chien qui nous revient de la ville, non mes mains ne frappez pas tout cela ne vous regarde pas...*


Il fallut lever des yeux durcis et des lèvres fébriles vers ce visage qui dévisage, vers cet affront personnifié. Anaon est revenue. Judas en reste figé et coi.

* Libre adaptation de Mathilde, Brel
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" Nous sommes les folles plumes des inspirations sans règles "
Anaon
    Les dédales s'avalent sous le pas déterminé sans jamais livrer l'objet de ses désirs. Chaque porte est poussée, chaque pièce éventrée d'un regard qui ne souffre d'aucune pudeur quant aux secrets qu'il pourrait surprendre. Passions des laquais, amantes au chevet du délaissé. Qu'importe les visages, les regards, aujourd'hui l'Anaon se fait vandale. Abandonnant les pierres des couloirs, ce sont bien vite les pavés de la cours qui trouvent grâce sous ses bottes. Celle-là même où elle a abandonné Visgrade. Celle-là-même où elle Le trouvera.

    Premier regard, elle se fige.

    Le vent se joue de leurs crinières, le jais marbre de ses ombres dansantes le visage à la peau d'albâtre. Blanche, bien plus qu'elle le lui a connu. Les prunelles se scellent dans celles qui lui furent complices. Il est là. Ce visage, ce corps. Il est là. L'allure et la droiture. L'animal de luxure, il est là. Ne lui manque que l'arrogance qui autrefois baignait ses yeux. Combien de temps? Depuis combien de temps était-elle partit, pour oublier tout ce qui lui rappelait ce jour ou elle a perdu l'engeance? Deux lunes. Deux lunes a s'empoisonner le sang à trop le noyer dans le vin, deux lunes à se fracasser la peau contre le poing des autres. Guérir dans la violence. Remplacer le mal par le mal, battre la chair qui saigne pour oublier la prime douleur. Chacun sa manière de faire taire les souffrances. Il y a des plaies qui ne partent pas. On les supplante seulement par quelques autres. Ça lui paraissait tellement plus simple de fuir que de s'oublier dans ses bras à lui. Qu'a t'il fait? Qu'est t'il advenu de lui pendant ce temps? Elle ne sait. La seule chose qui les a relié est un échange à sens unique, quelque mots couchés sur le papier, envoyé quelque jours auparavant. Maigre lettre.

    Judas, qu'ai-je fais?

    Le silence dure, des secondes, des minutes. Bien que des deux, ce n'est pas elle que la surprise a fauché, elle demeure tout aussi interdite. Tiraillée. Honnis sois-tu, mon cœur qui cherche à m'adoucir! Toi le cimetière dans ma poitrine, as-tu oublié tes tombeaux? Tu as scellé tes sépulcres, barricader tes portes. Alors dis-moi, comment l'as-tu fais entrer celui-là? Sous le poumon, çà vibre du souvenir des étreintes. Dans l'esprit, çà s'envenime sous les images de l'infâme qui a été commit.
    Pourtant elle le savait bien. Judas ne quémande pas, il prend, il vole. Il viole.

    C'est la pensé du murmure affaiblit de Nyam qui lui rappelle ce pourquoi elle est là. La mâchoire se crispe, sous la peau stigmatisée les muscles se raidissent. Dieux! Si seulement cette lettre ne m'avait pas précipitée, sans doute serais-je revenue sous peu, dans un sourire, juste pour moi, juste pour toi.

    Et l'immobilité se brise. Les pas sont lents et à chacun d'eux le corps se crispe de plus bel alors que le regard se trouble. Seigneur au nom d'opprobre. Si certain arrive à éveiller chez l'Anaon aussi bien l'animosité que la sympathique, il n'y a bien que Judas pour attiser en elle autant de haine que d'affection. Les talons se plantent tout près de lui, les azurites se heurtent alors à la roideur des anthracites. La dextre trésaille de l'envie de frôler cette peau, la senestre s'abstient de la frapper. Diable! Que ses doigts la brûlent de vouloir redessiner d'une caresse ce visage qu'elle déteste de trop l'aimer.

    Face à l'amant, à un pas de ces lèvres. A défaut de les baiser, elle est prête à embrasser toute la rancœur qu'elles lui cracheront. Qu'il s'apprête à accuser la sienne.

    _ Qu'as tu fais à Nyam?

    Brutale. Ton bas, mais non moins grave, c'est le début des retrouvailles cinglantes.

    Ainsi je te ferais la guerre. Souviens-toi, Judas...

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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III - Montage LJD ANAON----[Clik]
Nyam
Lâcher prise, oublier, mourir... S'accrocher, se rappeler, survivre... Voilà le choix qui s'offrait à la Frêle... Elle était si faible, si fatiguée, si meurtrie... Si prête à laisser l'Ankou l'emporter. Mais dans son délire d'épuisement, de douleur et de privation, son esprit brisé avait materialisé des morts... L'illusion de ne pas être seule... D'être avec des gens qui l'aimaient...

Aussi n'était-il pas étonnant qu'elle mêla rêve et réalité.

La voix de l'Anaon devint pour elle la voix d'une mère qu'elle n'avait pas connu mais qu'elle avait idéalisé au fil des années. Un être á la voix douce, aux mots tendres, au désir de protéger... Cela ne peut être qu'une mère dans ce monde ingrat et dur... Non ? Nyam y croit dur comme fer et s'y raccroche, sa dernière ancre avant de couler...

L'attendre... Bien sûr Maman... Autant que tu voudras... Mais ne me laisse plus cette fois... Protège moi de tes bras tendre... Couvre moi de tes ailes d'ange... Et ne laisse plus le monde me faire du mal... Ne Le laisse plus me toucher et me salir...

J'ai mal...

La douleur recommençait à tout englober, alors que l'esprit se refusait à l'abandon de la mort, accedant au désir de cette voix si douce qu'elle ne voulait pas décevoir. Trainant son corps martyr jusque vers sa paillasse, elle ne put même pas se hisser sur le matelas de paille, trop faible. Elle resta donc là...

La peau blanche couverte de bleus, de sang séché et de stris sanglantes et boursoufflées, se couvrit d'une chaire de poule après un violen frisson de froid. Le monde rattrapait la Frêle et la douleur reprenait ses droits...

Reviens vite Maman... Viens vite m'emporter dans tes bras... Car bientôt il ne me restera plus assez de raison pour savoir que tu es à mes côtés... Car bientôt, je n'aurai plus la force de resister à la Mort.

Viens vite...

Je t'attend depuis si longtemps...

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*Frédéric Régent, Historien
Judas
Bonjour, longtemps que l'on ne s'est pas revus. Oui, je vais bien, merci. La revoir est un coup de surin. La revoir est réaliser combien elle a manqué.

Senestre furète sous le mantel, s'accrochant au col, chainette de fer trouvant la lumière du jour. A son extrémité une petite clef pendante, bien peu impressionnante en comparaison de l'accès qu'elle fournit.


C'est ça que tu cherches?

Hé bien cette fois, je ne te laisserai pas venir la chercher. Ne nous touchons pas, cela fini toujours en massacre. Même notre extase en est un. Ne nous touchons pas, non, j'en ai mal d'avance.

Judas reste fermé, faciès en berne. Il bouillonne sous ce calme apparent mille mots et mille maux. Il eut des mois pour ressasser peine, colère et amertume, deux mois pour être précis. Et après ce temps et quelques exutoires, la hargne restait latente. Même celle qui s'animait dans le regard de la Roide semblait plus vive. Semblait, seulement.


Prend-la.

Prends-tout et va-t-en. C'est ce que tu as su faire de mieux jusqu'à maintenant.

Sans doute filera-t-elle chercher la Frêle, puisqu'en mal de pouponner. N'était-ce pas après la perte de l'engeance qu'elle avait perdu le nord, perdu la route de Petit Bolchen? Même les suppositions du marchand d'âme étaient acides. Cet aura protecteur soudain l'écoeurait. On a pas le droit de sauver une vie quand on en prend tant et plus, c'est tellement... Hypocrite. Roide se ramollit, quelque part.

La chainette se rompt, la clef est balancée aux pieds d'Anaon, sans plus de cérémonie. Les yeux évitent soigneusement leur vis à vis.

Pas de demi mesures hein, ma mie. Rendons nous à l'évidence, j'ai perdu le chemin que tu as pris. J'ai perdu jusqu'au gout de la nuit, c'est bien la seule chose que tu m'as laissée, tes insomnies. Et quoi, quatre mots sur un vélin, envoyé aux quatre vents? Pas suffisant. Pas à ta hauteur, Anaon.


Epargne-moi tes sermons...

Epargne-moi, cette fois.

Il la dépasse, sans la frôler, sans même la regarder. Le coeur se tait. Une guerre sans adversaire n'en est plus une.

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" Nous sommes les folles plumes des inspirations sans règles "
Anaon
"Tu vas me détruire.
J'aurais pu le prédire,
Dès le premier jour,
Dès la première nuit..."

      - "Tu vas me détruire", Notre-Dame de Paris -


    Les mots parfois font mal. Certains plus que les gestes, mais ils ont au moins la vertu de tendre le bâton pour se faire battre. Judas ne lui tend rien. Ni le loisir de se défendre contre les reproches, ni celui de lui en servir. Rien.

    Les azurites ne se délogent pas de son visage, ni pour voir la clef qui pend à son cou, ni pour la voir s'échouer à ses pieds. Figée, plus immobile encore que les pavés qui les portent. Ses paroles sonnent comme le silence. Comme une indifférence. Elle se heurte à du vide. Il ne lui donne aucune prise. Il ne lui aurait fallut qu'un geste, un mot. Elle n'aura rien. Dieux, comme le silence fait mal!

    Il passe raide à côté, elle en demeure tout autant. Sidérée. Son sang ne fait qu'un tour. Étau glaciale qui lui enserre la poitrine. Le regard reste là, perdu dans le vide où il se trouvait un instant plus tôt. Non, elle ne s'était pas attendu à çà, pas à devoir se confronter à.... rien. Elle reste coi l'Anaon. Elle reste con. Avec son aigreur et ses pardons sur les bras. Sacrée claque. Tu la sens? Toi, là-dessous bien tapis dans tes écrins de chair? Honnis sois-tu j'ai dis! Naïf qui a creusé sa propre tombe, cette fameuse nuit ou tu as passé les barrières de Petit Bolchen. Ne pleure pas aujourd'hui d'y plonger la tête en premier. Tu avais oublié, comme un homme pouvait faire mal? Et maintenant tu as appris que tu pouvais en faire aussi.

    Lentement, le visage s'abaisse pour poser son regard sur la clef jetée à ses pieds. Et pour la toute première fois, la mercenaire se maudit d'avoir franchit le pas cette nuit-là. Une lubie parmi tant d'autre, celle d'aller vérifier la rumeur qui promettait alcool et allégresse. Cette nuit-là, elle y avait trouver Judas, pour leur plus grand dam. Le corps se plie doucement et les doigt viennent pincer la petite clef. Symbole de la délivrance pour la Frêle. Il n'y a plus qu'à courir, ouvrir, la prendre et puis... partir?

    La Roide se retourne, mâchoire tremblante, pour apercevoir la silhouette qui lui semble déjà trop loin. Sans réfléchir, elle s'élance. La main s'accroche fermement à la cape poussiéreuse, d'une poigne presque autoritaire. Le visage se fait dure, le regard, lui s'est perdu. Frappe-moi Judas, insulte-moi, brise-moi, détruis-moi à ton bon vouloir, mais seigneur ne me tourne pas le dos! Toute la hargne qui ne se dira pas s'exprime dans ce poing fermé qui tremble de trop serrer. Oh Nyam! Tu voudrais qu'il paie, tu voudrais que je le tue, peut être. Pardonne-moi, déteste-moi, mais lui, je peux pas...

    Dans la dextre la passion, dans la gauche la raison. La balafrée ne sait plus s'il faut donner du cœur ou de la tête. Elle est venue pour Nyam, elle ne la laissera pas. Doit-elle pour autant abandonner Judas? Une vie a sauvé, une autre à récupérer. Que faire en premier? L'esprit se torture. C'est un choix qui s'impose? Gast! Il faut croire que si la vie a crevé en elle toute morale, elle a oublié de lui tuer le cœur. La main se crispe d'avantage tandis que dans l'autre la clef grave la peau de trop s'y enfoncer

    _ Restes... laisse-moi rester... Regarde-moi.

    Culotté, insolent pour celle qui est partit. Désespérée surement. De toute manière, tout ce qui sortira de ses lèvres sera à blâmer. Les absents ont toujours tord.

    _Regarde-moi...

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