Afficher le menu
Information and comments (0)

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP] « À ce souvenir, mon âme frémit d'horreur. »*

Khy
    [Flashback : Je me souviens des jours anciens, & je pleure]
      Verlaine.
La nuit, ses chats, ses ombres. Bourges & ses bas-fonds, ses excès, ses caprices. Ses défis. Ses luxures.
Khy, ses espoirs & son pas discret. Sa capuche & ses coups d’œil anxieux.
Une soirée banale en plein cœur de la capitale berrichonne. Rien de plus, ou presque.

La jeune fille, son éternel mantel de laine grise sur le dos, capuche rabattue sur la tête, s’arrange pour ne pas se faire voir. Etre discrète, elle sait faire. Qualité ô combien précieuse lorsqu’on est un véritable aimant à emmerdes.
Khy, donc, quitte les bas-fonds bourgeois pour rentrer chez sa tutrice, comme chaque nuit depuis.. Ah, elle ne sait plus depuis combien de temps en vérité. Depuis trop longtemps, sans doute. Enchaînée à son passé, elle tente encore de se voiler la face en revenant auprès de celle qui la sortie de là. Qui était sensée la sortir de là. Mais qu’importe, après tout ! Elle appartient à Hélios, & ceci qu’importe les cris, les réticences & les coups. Nashia peut bien la priver de tout, après tout. Hélios a déjà tout pris. Tout. Et ce qui reste encore, il s’emploie à lui arracher, violemment, sournoisement, sans aucune compassion.

Sa senestre se crispe sur les pans de tissus qui la couvrent, alors que l’image des siens s’impose à son esprit. Avec en arrière plan, les traits acérés de l’Hélios. A croire que pire que les fantômes, se sont les vivants, qui la hantent.


- Foutrecul !

A trop vouloir penser, elle s’en retrouve étalée sur les pavés crasseux, même pas sortie des mauvais quartiers. Elle grogne en se relevant, se tâtant pour vérifier qu’elle n’a pas une égratignure. Mais son mantel semble bien plus amoché qu’elle.

- Par les culottes sales du Sans-Nom, manquait plus qu’ça…

Elle en oublie son langage sur lequel elle a tendance à faire souvent l’impasse, ces derniers temps, jurant, pestant, grognant à tout va. C’est que ces tâches sombres ne partiront pas, ça c’est certain !

- C’est quoi c’truc ?

Aux faibles rayons de lune, elle croit apercevoir un reflet pourpre sur le tissu. Elle renifle, frotte, & pousse un soupir. C’est bien du sang qui imbibe la laine grise & qu’elle va devoir justifier auprès d’Alix, Suzon, & puis Nashia, tant qu’on y est.

- Voilà qu’j’ai buté sur un chien mort… L’aurait pas pu crever ailleurs…

Elle râle encore un coup, pour la forme, & s’apprête à rentrer sans s’attarder. C’est que les ruelles ne sont pas sûres, surtout par ici. Et une odeur froide & désagréable de chairs brulées lui titille les narines. Pourtant, alors qu’elle tourne le dos à l’animal, elle s’immobilise & tend l’oreille, glacée.
Souffle rauque, erratique qui parvient à ses oreilles fines.
Elle se retourne à nouveau, se penche sur la chose. Chose qui n’a rien d’une chose, puisque c’est un être humain.
Un enfant.
Nu.
Aux boucles blondes.


Et les yeux de la brune s’écarquillent de stupeur alors qu’elle retourne le corps pour voir le visage tuméfié, & pourtant reconnaissable entre mille…

- Grimoald… Grimoald !

La nuit, ses chiens, ses ombres. Bourges & ses bas-fonds, ses excès, ses caprices. Ses défis. Ses violences.
Khy, ses espoirs, ses brisures, sa colère. Et ses amis. Son ami.
Une soirée banale en plein coeur de la capitale berrichonne. Rien de plus… ou presque.


*Virgile, l’Énéide, II-12.
_________________
Grimoald
Cela ne faisait pas même une année... Quelques mois seulement s'étaient écoulés depuis que le jeune nain au visage d'ange et aux bouclettes blondes avait abandonné les siens par un de ces jours ensoleillés, un de ces jours verts et doux du printemps, un de ces jours porteurs de tout plein de rêves et d'espoirs. Il s'en était allé sans laisser de traces en quête d'un glorieux et excitant destin. Il s'était évaporé dans les ruelles sinueuses de Thiers. Il ne voulait point suivre le chemin que sa famille avait tracé pour lui. Il voulait voir le monde. Mais quel monde ? Avait-il seulement idée de ce à quoi pouvait ressembler le monde ? Sa pauvre et trop aimante mère l'avait tenu à l'écart de la misère et de la cruauté. A dix-sept ans, nombreux était les garçons qui déjà étaient des adultes accomplis, mariés et parfois déjà pères. Lui, il avait été tenu à l'écart du monde. Il avait grandit sur les hauteurs de Thiers, dans un petit coin de campagne isolé de la ville et des villages alentours, auprès de sa mère qui veillait à ce qu'il reste un enfant, un enfant pur et innocent, son enfant. Il ne connaissait point la ville si ce n'est que par la fenêtre du grand appartement des Lefebvre....
Alors il se retrouva seul dans ce monde qui ne ressemblait en rien à celui que sa douce maman lui décrivait le soir, ce monde des contes et légendes. Le jeune nain se rêvait chevalier, parcourant terres et mers en quête de princesses à délivrer. Mais dans ce monde qu'il découvrait peu à peu, il était perdu. Il n'était rien, il était seul...
Alors il découvrit les tavernes, la bière et le vin qui enivrent. Il découvrit tous ces menus plaisirs et il était heureux, il vivait de peu et travaillait à la mine, lui qui n'avait jusqu'alors jamais touché un outil.
Mais il découvrit aussi les excès et le jeu. Très vite, il se mit à boire plus que de raison. La vie était une fête, nuit et jours, et il chantait, et il buvait... et il découvrit le tripot crasseux de Jojo le Borgne. Et il était bien trop ivre pour jouer raisonnablement. Il perdit d'abord son salaire journalier, puis il fit des dettes, beaucoup de dettes. Il s'attira des ennuis et un soir, une femme l'arracha de peu à une mort certaine.
En à peine un mois, il s'était mit dans un tel pétrin qu'il se retrouva à choisir entre l'exil ou la mort.
On le retrouve quelques temps plus tard à Loches. Il mène une vie paisible et heureuse... enfin presque. Dans les mois qui suivirent, nombreuses furent les rencontres et les péripéties. Il se contentait de peu et s'émerveillait d'un rien. Il était de retour cet enfant pur et innocent, et il refusait maintenant de grandir. Il ne voulait plus être un homme, il voulait rester cet enfant. Son rêve le plus fou ? Pouvoir un jour acquérir une confiserie afin de pouvoir se gaver de sucreries et en faire profiter tous ses amis. Oh bien sûr, tout n'était point tout roses, et il eût sa part de chagrins : des retrouvailles douloureuse, la vérité à propos de son père, la guerre, les deuils, un viol... il avait fait pas mal d'expériences...
Et puis plus récemment, il avait connu l'humiliation et la torture... Et c'est à son retour à Bourges, après deux semaines passées à l'Hostel Dieu, que l'on retrouve notre cher nabot à bouclettes blondes. Et il fait peine à voir...

Le petit bout d'homme descend de sa nouvelle acquisition : Hubert, un brave poney mal en point dont l'ancien propriétaire voulait à tout prix se débarrasser.
Il se cramponnait à sa canne, enroulé dans une grande cape de laine grise, le visage recouvert par une longue capuche. Et il avançait péniblement, poussant des petits gémissements de douleurs à chacun de ses pas. Tous ses membres le faisait souffrir, et le voyage l'avait affaibli.
Les médecins d'ailleurs n'était point d'accord pour le laisser partir. Mais il avait promis de rester au lit, de faire laver ses plaies et changer ses bandages tous les jours. Mais le nain était têtu, et il avait décidé de s'en aller...
Il ne s'attendait sûrement pas à cette rencontre. Il faisait simplement une halte dans cette taverne où il n'avait jamais mis les pieds auparavant, et où il ne s'attendait certainement point à la rencontrer.
Il poussa la porte. Enroulé dans cette cape, à visage recouvert, martelant le parquet avec sa canne... on aurait vraiment dit un vieillard souffreteux.
Il ne fit point attention à elle, il ne la reconnut point... il voulait simplement boire avant de prendre la route.
Alors il s'assied, la douleur lui extirpant un petit grognement, et il appela, la voix plus rauque qu'à l'habitude mais toutefois reconnaissable :


-"Tavernier ! Un truc fort... Et que l'on abreuve ma monture, je voudrais arriver avant l'aube..."

Il souffrait. Et pour l'heure, il ne pensait qu'à faire taire sa douleur... Il ne prêta aucune attention à ceux qui étaient présent dans la pièce. Il ne s'attendait sûrement pas à la voir ici.
Il avait décidé de s'en aller sans vraiment prévenir. Il écrirait sans doute le lendemain. Mais il n'aimait point les au revoir...

_________________
Khy
    [Retour au présent : Toi qui me l'a appris, tu ne t'en souviens plus, de tout ce que mon coeur renfermait de tendresse.]
      Musset.

Rien de tel qu'une taverne animée pour penser en paix.
C'est ce qu'elle se dit, la brunette, en se calant dans un coin sombre, missives encore closes sur les genoux, chope de bière sans doute frelatée sur la table. L'avantage de ces tavernes bruyantes, c'est que si vous ne faites pas autant de bruit que les autres, on ne vous considère pas. Et elle a bien raison, l'adolescente, puisque depuis le début de l'après-midi, personne n'est venu la déranger. Hormis peut-être le tavernier, inquiet de ne la voir que trop peu consommer.
L'autre avantage, non négligeable, c'est qu'assise où elle l'est, il est bien impossible pour qui que ce soit de la voir de l'extérieur. Ainsi, pas de tutrice pour venir la sermonner sur sa présence solitaire en ce lieu, ni d'Hélios affamé pour la tirer de ses cauchemars.
La paix, quoi.

Paix qu'elle ne savoure cependant que trop peu. Car si l'Acéré l’exècre, il n'en reste pas moins qu'elle vient à lui avouer, à demi-mots, mais tout de même, combien il peut lui manquer lorsqu'elle ne le voit pas d'une journée entière. Quitte à être hantée, quitte à être damnée, quitte à être viciée, autant ne pas l'être qu'à moitié.


- Humpf...

Le fil de ses pensées la surprend elle-même.
Honteuse, sa senestre s'avance pour se saisir de la chope, ses lèvres se plissant au contact de la boisson ignoble.
Son regard se porte un instant sur ce qu'elle croit être un vieil homme voûté, & si laid qu'il vient à se cacher derrière une capuche informe. La canne, claquante, la sort de sa torpeur, & c'est d'un grognement inaudible qu'elle accueille l'étranger.
Elle s'était habituée aux éclats de voix des ivrognes, & ce nouvel entrant a le don d'agacer sa quiétude factice.

Ses lèvres se pincent, la chope est reposée, la nuque est malaxée, sans douceur.
Ses traits se teintent de fatigue, celle des nuits d'insomnie & d'inquiétude, celle qui laisse entrevoir l'amertume ou l'acidité -ou les deux à la fois- de la personne qui les porte. C'est que la taille du vieillard lui rappelle un ami.
Oui, un ami.

Il vaut mieux oublier de nommer ce qui nous fait faire des cauchemars. Elle a fait ce qu'elle avait à faire, personne ne peut le lui reprocher. Elle s'en est occupée comme s'il était son seul & unique véritable ami, allant jusqu'à voler une jument pour le porter elle-même à Paris, en cet Hôtel Dieu dont on lui vante parfois les mérites. Allant jusqu'à taire la mésaventure, assurant qu'elle ne sait ce qu'il est advenu de lui, ou mieux encore, en négligeant d'en parler à qui que ce soit. Allant jusqu'à jouer le rôle de l'indifférence la plus totale à la perfection.
Ne lui a-t-elle pas dit, après tout, qu'il n'avait jamais été son ami ? Qu'elle avait toujours feint, de la plus insignifiante attention aux discours les plus habités ? N'a-t-elle pas juré, après tout, n'avoir jamais ôté le masque d'hypocrisie que lui imposait sa condition ?

Voilà, elle a joué l'amie, elle a joué l'indifférente, elle a joué toutes les cartes en sa possession pour éviter de s'avouer que le nain à bouclettes blondes était indubitablement son seul & unique véritable ami. Pour éviter de lui avouer, à lui, qu'il a fait pour elle plus que de raison en lui offrant sans hésiter son amitié.

Vous imaginerez bien, ainsi, qu'étant persuadée d'avoir tiré un trait sur ce qu'elle assure être une fausse amitié, c'est recrachant le contenu de la chope qu'elle vient de saisir à nouveau qu'elle accueille le timbre de voix qui lui parvient aux oreilles.
Si l'allure de l'étranger peut porter à confusion, sa voix, elle, bien que plus rauque, bien que plus sombre, ne peut décidément faire place au doute.
Et Khy, pour le coup, en est tellement stupéfaite qu'elle s'étouffe de cette bière frelatée, faisant tourner vers elle les regards de quelques ivrognes intrigués.

Et la réplique de fuser, plus pour elle-même qu'autre chose, brûlant les lèvres vipérines qui n'ont pas prononcé de prières depuis bien trop longtemps :


- Que le Très-Haut me garde d'une telle apparition.
_________________
Grimoald
Bien sûr qu'il se souvenait. Toutes les images de cette terrible nuit lui était revenue en tête alors qu'il reprenait peu à peu connaissance. Chaque parcelle de son petit corps meurtri lui rappelait cette terrible nuit. Il avait connu l'Enfer, et il était de retour parmi les vivant. Il aurait voulu que les images ne reviennent jamais. Mais elles étaient là, elle ne le laissaient point en paix.
Bien sûr, il avait continuer à dire aux médecins qu'il n'avait aucun souvenir. L'ont-ils cru ? Peu importe. Il ne voulait point en parler. C'était encore trop tôt... Du temps, il lui fallait du temps pour guérir de ses blessures. Mais les coups portés au cœur s’effacent-ils avec le temps ?
En revanche, il disait vrai sur un point. Il se souvenait de cette nuit, il se souvenait des chaînes, du fer, de la lame, des coups et des humiliations. Mais il s'était réveillé dans cet hôpital. Comment était-il arrivé là ? Comment était-il passé de cette forge souterraine de Bourges à cette chambre dans un grand hôpital parisien ? Il n'en avait aucune idée. Aucune image ne lui était revenu en tête. Aucun souvenirs, rien...
Tout ce qu'il savait, c'était qu'une femme l'accompagnait. Mais qui était cette femme ? Qui était cette femme qui l'avait retrouvé ? Qui était cette femme qui l'avait conduit jusqu'à Paris ? Qui était cette femme sans qui il ne serait probablement plus, sans qui il serait mort comme un animal dépecer et abandonné ?
C'est à cela qu'il pensait, le regard perdu dans le vide, alors qu'il cessât de parler, économisant le peu de force qu'il lui restait avant le long voyage qui l'attendait.
Il ne prêta d'abord point attention à cette femme qui s'étranglait avec la bière probablement frelatée de cette auberge crasseuse. Mais c'est alors que sa voix retentit et...


-"Il ne manquait plus qu'elle..."
murmura t-il pour lui-même.

Il avait tout perdu. Ils lui avaient ôter son innocence. Son coeur pur avait été arraché. Il avait tout perdu cette nuit-là... Et rien ne serait plus comme avant. C'est peut-être, au fond, ce qui le faisait souffrir le plus...
Il n'était plus que colère. Il avait tout perdu...
Il rêvait autrefois, il rêvait à cette confiserie. Il rêvait aux sucreries par milliers qu'il partagerait avec ses amis.
Il ne rêvait dorénavant plus que de vengeance et de Justice...


-"Tu pensais que j'étais mort ? Eh bien non... je suis bien là..." Il retira sa capuche et fixa longuement Khy avant de reprendre, jouant avec le pommeau de sa canne. "... Ma vielle tante m'a fait appeler à son chevet. Elle est souffrante mais elle tient bon. Je suis resté quelques temps chez elle et me voilà de retour." ... puis il ajouta, montrant sa canne : "Les routes sont peu sûres..."

Jamais plus son coeur ne s'attacherait, jamais plus son coeur n'aimerait ainsi.
Leur amitié aurait put résister à tout. Elle aurait résister à l'éloignement. Elle aurait résister à cet homme...
Un coeur pur sait reconnaître une véritable amie, même si tout tend à lui prouver le contraire.
Ils avaient craché sur son coeur, il l'avait roulé dans la crasse. Il était sale...


-"Ne t'en fais pas... Je ne suis point revenu te hanter... Je ne suis point là pour toi... Je ne fais que passer..."
_________________
Khy
    « Dans chaque ami, il y a la moitié d'un traître. »
      Rivarol.

Ce qu'elle voit dans les yeux ternes du seul qui puisse prétendre au rôle d'ami lui arrache un frisson de malaise. Il n'a plus rien du garçon joyeux qu'elle appréciait tant dans les tavernes de Loches, alors qu'il était rond comme un rond, & qu'elle-même ne l'était pas moins.
Il n'a plus rien de l'ami à qui elle s'est confiée, hésitante & perdue, troublée à l'idée de laisser entrevoir la colère qui lui ronge les tripes depuis tant d'années.
Il n'a plus rien du nain à bouclettes blondes qui répétait sans cesse qu'il ne voulait pas grandir.

Grimoald n'a pas grandit, pourtant. Il a juste vieilli.
Atrocement vieilli, comme si la vie le lassait déjà. Comme quelqu'un à qui l'on aurait arraché les saveurs sucrées de son enfance.
Il lui ressemble, maintenant, certes. Elle qui détestait tant qu'il se prenne encore pour un enfant devrait être satisfaite.
Devrait savourer sa victoire sur cette innocence enfin souillée.


- Je savais que tu n'étais pas mort.

Elle n'en dit pas plus, attend qu'il continue.
Elle s'est assurée, avant de quitter Paris, que les jours du nabot n'étaient plus en danger. Sans doute ne se rappelle-t-il pas qu'elle l'a veillé trois jours, qu'elle a offert son aide aux médicastres s'occupant de lui comme si sa vie était entre ses mains.

L'adolescente porte à nouveau la chope à ses lèvres desséchées, un fin sourire de soulagement étirant sa lippe.
Il est vivant, après tout. C'est tout ce qui importe.


- Les routes sont peu sûres...
- Imbécile.


Rictus de douleur alors que l'insulte fuse, à peine étouffées par la lippe qui se clôt.
Elle fait passer sa réaction pour le dégoût de la boisson, accusant le coup qui lui porte sans s'en rendre compte.
Sur sa cuisse recouverte du tissu épais de la robe, sa dextre se crispe & ses ongles s'enfoncent, les tourments qui l'assaillent réveillant son bras faible.
Les émeraudes, sombres & inquisitrices, détaillent le menteur. Elles se font dures, transperçant le traître avec une rage à peine contenue.
Les missives sont posées sur la table, s'imbibant aussitôt de la bière frelatée plus tôt recrachée. La vipère n'en a cure pourtant, & se lève en tendant une dextre hyaline & faible, l'invitant à s'approcher. Sans doute ne l'a-t-il jamais vu bouger ce bras qu'elle prétend mort, mais qu'importe. Il n'est pas le seul à...


- ... Mentir.

Théâtrale, elle lève le bras, hélant le tavernier, commandant une bouteille de vin, sans doute une vinasse infâme, mais encore une fois, qu'importe. Elle n'a pas choisit cette taverne pour la qualité de ses boissons, loin de là.

- Tu peux bien me mentir autant qu'il te semble nécessaire. Mais ne va pas jusqu'à me prendre pour une idiote.
Silence, le temps qu'il encaisse ce qu'elle vient de lâcher.
- Je suis bien assez hantée ainsi. Tu n'as pas ta place parmi mes cauchemars.

Les lèvres ternes & vipérines se plissent en un sourire douloureux, un sourire assassin.
Ce n'est pas une plainte, ni même un constat, qu'elle prononce de ce ton mesquin. C'est presque un défi, une moquerie blessante, comme s'il ne l'était pas assez. Un test, avec la seule idée en tête de voir jusqu'où il est meurtri.
Peut être mue par le besoin de savoir si elle peut encore aider, soutenir, faire sentir qu'elle est encore là pour lui.
Maladresse de sa propre souffrance.

La place est reprise sur la chaise, les tissus retenus pour ne pas marcher dessus, manie prise à force de trop porter ces robes qui l'exècrent.
La anse de la cruche est empoignée, le tavernier remercié d'un signe de tête & de quelques écus glissés dans la main. Les godets se remplissent, le silence s'étire, tendu, électrique.
Et la brunette au sourire effacé de reposer les yeux sur le visage du blond, de briser le silence d'une question qui ne laisse place au doute quant à sa connaissance des évènements.


- Les médicastres t'ont laissé partir, ou bien as-tu trouvé le moyen de t'échapper de ce labyrinthe qu'est l'Hostel Dieu ?
_________________
Grimoald
Il espérait s'en aller sans dire au revoir, le sort en a voulu autrement. Il avait choisit cette taverne isolée pour la seule et unique raison qu'il n'y rencontrerait personne qui eût quelconque importance à ses yeux. Seule la Pettinengo savait, c'est du moins ce qu'il pensait, et encore, elle n'avait point vu ses bandages et ne pouvait point se douter de l'ampleur des dégâts. Bien sûr, il peinait pour avancer et la souffrance se lisait sur son visage d'ange. Il avait user de tous les sourires rassurants, mais ceux-ci sonnaient comme faux et sa souffrance était comme une évidence. Le voyage, les secousses, n'avaient fait que l'affaiblir un peu plus. Il ne voulait point qu'ils le voient ainsi. Il ne voulait pas que la petite Juliette le voit ainsi. Il ne voulait pas qu'elle, la brune adolescente qui le fixait, le voit ainsi...
Il ne prêta guère attention à sa première remarque. Après tout, cela ce serait probablement su si on l'avait retrouvé raide mort.

Il dévisageait son amie, le regard inexpressif. Soyons désinvolte, n'ayons l'air de rien.
Surtout ne point lui montrer qu'il avait espéré n'être plus de ce monde. Ne point lui montrer qu'il aurait tout donner pour ne jamais se réveiller. Et pourtant, le Ciel en avait décidé autrement. Il ne devrait point connaître le repos, du moins pas encore.
Oh ! Elle pouvait bien le traiter d'imbécile. Ses mots étaient comme des gravillons lancés dans les eaux troubles et agités d'une mer sombre et torturée. Ils ne faisaient que fendre la surface et étaient emportés aussitôt.
Imperturbable, il continuait à mentir. Quoiqu'elle sache, elle ne pouvait point savoir.
Il dévisage cette amie qui semble vouloir le transpercer de ses deux prunelles assassine. Elle est en colère. Oui, elle est en colère et contient son venin. Il sait que ses mots peuvent être dur, et il n'attend que ça. Il veut qu'elle s'emporte, que la vipère libère son venin. Il le veux, car ainsi, il se sentirait moins mal.
A cet instant, il veut qu'elle se fasse vipère. Il ne veut point voir son amie, mais la vipère dont elle revêt parfois le costume. C'est cette vipère qui doit le regarder, et non son amie. C'est la vipère qui doit le regarde sourire.
Ce n'était point son sourire d'ange, c'était un sourire dont il ne s'était encore jamais paré. Un sourire fou, un sourire défiant, un sourire désabusé, un sourire qu'il l'invite à mordre et à cracher.
Ce sourire, il l'avait reçu cette nuit-là. Jamais auparavant il n'aurait été capable d'un tel sourire...
Il lui en voulait, il était en colère contre celle en qui il faisait confiance, contre celle qu'il aimait, d'un amour désintéressé, comme il aurait aimé une sœur. Nul besoin de gage, il aimait et c'était tout ce qui importait. Quand bien même il aurait pu douter de son amitié à elle, il n'en avait cure car son cœur aimait, et il avait confiance en son cœur... son cœur des jours heureux...
Alors il voulait qu'elle libère le venin qui montait en elle, il voulait qu'elle lui apparaisse la plus détestable possible. Son cœur était une plaie, une plaie purulente. Son cœur jamais plus n'aimerait comme il avait aimer. Il était dorénavant empli de doute. Il savait reconnaitre un ennemi, mais reconnaitre une amie, cela lui était devenu difficile. Le petit être mutilé devrait dorénavant compter sur son esprit et sa raison. Quoique l'amitié ne soit affaire de raison, mais de sentiments. Le lien des deux cœurs ne reposait dorénavant plus sur l'ultime conviction d'un cœur pur, mais sur des actes, des faits, des souvenirs partagés. Mais quels souvenirs pouvaient alors émerger dans cet esprit ravagés et amer ? Les instants de complicités, il ne les avaient point oubliés. Ils restaient là, endormis. Tandis que les mots durs, eux, envahissait sa mémoire...

Alors elle reprend et d'un geste de ce bras qu'il n'avait jusqu'alors jamais vu bouger, qu'il avait toujours penser mort, elle commande au tavernier qu'on lui apporte de quoi épancher sa soif... et elle lui fait signe d'approcher.
Et tandis qu'elle remue les lèvres, le nain reste sur sa chaise, la dévisageant avec toujours plus d'intensité dans ses deux petits yeux gris-vert qui se faisaient plus pâle, plus froid encore.

Il ne répond point... Il la fixe, il veut la mettre au défi. Elle ignore tout, il le sait. Alors il sourit, ses pommettes se rident. Un sourire glacial et irritant.
Mais aucun son ne sorti de sa bouche. Il ne rompra point le silence qui s'installe...

Non, c'est elle qui s'en chargea. Ses mots furent comme un coup de masse.
Le sourire du nain disparut, laissant place au doute et à l'inquiétude qui se lisait sur son visage.
Comment était-elle au courant ?
La Pettinengo avait parler, il ne voyait aucune autre réponse possible à cette question... Non, aucune. Enfin si, il y en avait une... Mais l'idée ne lui traversa point l'esprit.
Elle était au courant. Qui d'autre était au courant ?
Et si ce n'était point la seule personne qu'il avait mis au courant de sa présence en l'Hostel Dieu ? Et si c'était ses tortionnaires eux-même qui s'étaient vanté de leurs exploits ?


-"Que sais-tu ? Qu'a t-on raconté ?! Parles !" se mit-il à crier à l'encontre de son amie, pointant sa canne vers elle comme si elle avait le pouvoir de faire parler quiconque était visé par elle.

Il se lève et, s'appuyant sur sa canne, parvient difficilement jusqu'à être tout proche d'elle.
De la pointe de sa canne, il pouvait atteindre son visage. Il pointait le bout de son nez, se faisant menaçant.
Il était comme fou, les traits tirés par la colère, les bouclettes hérissées sur le crâne. Il criait :
-"Qui ?! Qui t'as parler de l'Hostel Dieu ?! Parles !"
_________________
Khy
- Touché.

Elle ne cille pas, la brunette torturée, elle ne bouge pas, ne sourit pas, non, loin de là. Elle observe, elle détaille, elle savoure ; cette angoisse qu'elle fait naître dans le coeur du nain. Lentement, sûrement, elle comprend qu'il ne se souvient pas. De rien. Qu'il ne se doute pas une seule seconde de la façon dont il est arrivé à l'Hôtel Dieu. Elle accuse le coup, durement, sereinement, déchirée entre l'envie de lui hurler qu'elle était là, toujours, auprès de lui, & celle de lui tourner le dos, encore une fois, de se taire & de le laisser se noyer dans sa terreur.

Alors immobile, l'adolescente le fixe, hésitant.
Il peut bien crier tant qu'il veut, elle ne l'entend pas vraiment en vérité. Le vin est porté à la lippe terne, colorant la pulpe de ses lèvres d'un carmin écœurant. La canne, repoussée d'une senestre presque tendre. Et les émeraudes, ternes, de se détourner de la vision que lui offre le blondinet.
Si venin elle crache, ce sera froidement.


- Tu devrais te trouver minable de me menacer avec une.. canne.
Tu ne tiens même pas debout. Rassied-toi. Reprend ton souffle. Ce vin n'est pas trop mauvais, bois.


Silence. Elle le laisse digérer les ordres claquants qu'elle vient de prononcer, pas bien méchants, mais d'un ton horriblement blessant. Ça ne lui suffit pas, qu'il hurle, qu'il saigne, qu'il pleure ou qu'il gémisse. Elle ne teste plus, elle souffre de le voir ainsi, elle souffre & elle a besoin.. d'évacuer.
Évacuer sa colère, sa rage contre ceux qui l'ont massacré. Évacuer la souffrance de le voir en si piteux état, de le voir si meurtri. Évacuer les cris qui ne franchissent pas ses lèvres.
Soupir.

La timbale est reposée, les paupières closes, la dextre massée, malmenée, tiraillée.
Qu'il hurle, après tout, elle n'en a que faire. Elle est fatiguée. Éreintée. Vidée de s'être trop inquiétée.


- Là, là, je parle. C'est un vieil homme, il y a bien longtemps, alors que j'étais encore à Orléans, qui m'en a parlé. Il y faisait soigner sa fille. Là, tu vois, je parle.

Anecdote déjà racontée alors qu'il gémissait dans ses bras alors qu'elle les menait à Paris. Elle avait parlé, ce soir là. Énormément parlé. De rien, de tout. D'un peu n'importe quoi. Mais il ne se souvenait pas. Soit. Tant mieux.
Léger ricanement, moqueur & hautain, alors qu'elle rouvre les yeux, lueur malsaine reprenant place au creux de ses iris.
Le temps s'étire, trop lentement sûrement, alors qu'elle joue, taquine, mutine, mesquine. Sûre d'elle.
Inspiration. Expiration. Silence encore. Fait mine de continuer. S'arrête. Reprend. Narquoise.


- Tu ne te souviens de rien, n'est-ce pas ? Tu crois donc que tu es arrivé de Bourges à Paris par la seule volonté divine ?
Ou peut-être que c'est ce fameux Jojo le Borgne qui t'y as emmené. Après tout. Pourquoi pas. Hum ?


Sourire narquois alors qu'elle sait combien ses mots sont durs.
On en dit, des choses, en trois jours d'inconscience, trois jours de fièvre & de délire.
Elle avait eu assez d'éléments en main pour reconstituer la soirée qu'il avait passé. Assez de rage pour vouloir tuer d'un coup dans le dos l'enflure qui avait osé ordonner qu'on porte la main sur Grimoald. Assez de douleur pour vouloir étriper les deux qui lui avaient fait ça.
Et assez d'orgueil pour se dire "chacun sa pomme".

S'il veut se venger, il le fera lui-même. Elle n'a pas à s'en mêler.
Elle, se contente de planter son regard sombre dans le sien, les traits mi indifférents, mi déchirés par un sourire compatissant.
Rien n’est plus humiliant parfois que la pitié exprimée.*


*Naubert.
_________________
Grimoald
Elle était la dernière personne à qui il voulait être confronté au sortir de l'Hôtel Dieu, alors qu'il s'apprêtait à suivre une nouvelle voie, pleine d'incertitudes, pleines de rebondissements. Une nouvelle voie qui le mènerait tôt ou tard à se venger : se venger sur la vie, se venger de tout, se venger du Ciel qui n'avait point voulu de lui, se venger de ses tortionnaires aussi.
Elle était la dernière personne à qui il voulait être confronté. Du moins, pas maintenant, pas ce jour, pas en ces conditions, en son état. Car s'il avait été salît, et s'il bouillait aujourd'hui de rage, de haine, de désir de vengeance et d'amertume, il savait que son nouvel être était encore incomplet. Bien sûr, il avait profondément changer, et cela frappait quiconque avait bien connu le Grim' des jours heureux. Mais il était encore un être en devenir, un être incomplet, un être qui allait devoir s'endurcir. Il n'aimait pas cette vision, mais il se savait condamner. L'affront était trop énorme, son coeur trop bafoué. Il s'était réveille armé, prêt à en découdre. Il savait que dorénavant, il devrait s'armer plus encore, qu'il devrait affûté ses lames sans cesse, qu'il devrait s'endurcir et consolider cette carapace qui était maintenant en lui, qu'il était condamné à porter toujours en lui, et qui pourtant était encore bien fragile. Il ne voulait point devenir cet être-là, et pourtant, il se savait condamner. Il ne pouvait plus effacer, alors il devrait avancer...
Elle était la dernière personne à qui il voulait être confronté parce qu'au fond de lui, il ne voulait point voir ce à quoi il tendait à devenir...

Elle se fait froide alors, très froide. Elle écarte sa canne qu'il brandissait sous nez, se voulant féroce, comme pour lui montrer qu'il ne peut rien contre elle, et qu'il ne l'impressionne guère. Pis encore, elle le blesse... Elle, elle sait faire, elle maîtrise les armes, elle est rompu à l'exercice. Elle est bien plus forte que lui, et il le sait.
Il aurait voulu qu'elle s'emporte, et il aurait put répliquer violemment. Mais elle était bien plus habile... et il était sur la touche, impuissant.
Mais il ne s'assied point, se contenter de la regarder avec mépris et colère. Il ne maîtrisait pas encore ces nouvelles façade, il ne maîtrisait pas encore les nuances. Sa colère jaillissait de ses yeux, mais elle était bien jeune, elle n'était point mûre encore.


-"Va pourrir... Je ne m’assiérai point !"
lâcha t-il enfin alors que le silence retombait quelques instant. Il n'avait point sa verve, il n'avait point cette facilité qu'elle avait à envoyer des pics là où ils feraient le plus mal

Mais elle parla enfin. Oui elle parla... Et le nain ne comprenait pas. Il ne comprenait pas et pourtant, ces paroles, cette anecdote, résonnait dans sa tête, tel un écho. Il ne l'expliquait pas.
Il croyait comprendre, mais il ne savait pas vraiment ce qu'il comprenait. Elle évoquait l'Hôtel Dieu, à nouveau... Ce serait-elle qui l'y aurait conduit ? Non, impossible.

Et c'est une attente malsaine qui commence alors. Elle ricane, elle joue avec lui. Elle à cette lueur mesquine dans les yeux qui glace le sang et qui blesse. Lui, il ne l'a pas encore cette lueur... Lui il attend. Elle en a trop dit, ou pas assez. Elle doit parler, il doit savoir...


- "Tu ne te souviens de rien, n'est-ce pas ? ... Non, il ne se souvenait de rien, mais... De quoi parlait-elle ? Non... impossible...
... Tu crois donc que tu es arrivé de Bourges à Paris par la seule volonté divine ? ... Le nain pâlit, déconcerté... Non... Pas elle ! Ce n'était pas elle !
...Ou peut-être que c'est ce fameux Jojo le Borgne qui t'y as emmené. Après tout. Pourquoi pas. Hum ?" ... Les rides qui s'étaient formée sur son visage d'ange semble fondre alors pour disparaître complètement. Une douleur lancinante vint lui lacérer le crâne alors qu'il cherche en vain à se souvenir.

Non, ce n'est pas elle. Il ne faut pas que ce soit elle ! Il doit la détester et l'oublier... Il ne faut pas que ce soit elle !
Et pourtant, il sait qu'il y avait une jeune femme... Elle ne devait pas être cette jeune femme !
Il se tenait le crâne, c'était douloureux. Les souvenirs ne voulait point affluer. Il n'avait d'autres choix que de...

Il fixa alors son amie, car elle l'était même si son cœur malade refusait de voir une amie dans le brune adolescente...
Il la fixait et dans ses yeux, un vague brouillard... On ne pouvait lire que le trouble.
Que désirait-il au fond ? La Vérité ? Peut-être.. Lui-même ne le savait pas vraiment...

_________________
Khy
- Grimoald, allons...

Le "mon ami" ne franchit certes pas ses lèvres, mais le regard qu'elle lui porte est empreint d'une tendresse sincère. L'agacement se peint sur ses traits, alors qu'une senestre lasse balaye d'un revers les pensées étranges qui semblent faire hésiter le nain. Certaine de son coup, elle se pare d'un sourire sans animosité aucune, dévisageant intensément le blondinet.
Et d'une position nonchalante, la timbale presque vide tournant sous ses doigts fins, d'affirmer :


- Tu as bien récupéré. J'avoue ne pas avoir cru que tu t'en sortirais à l'entrée de Paris.
De fait...


Les émeraudes se baissent sur la timbale, songeuses.

- ... La chevauchée aurait du te tuer. Tu étais dans un tel état... J'avais le choix entre prendre trois jours en coche, ou chevaucher une journée & une nuit sans m'arrêter. Sans compter qu'il est bien plus facile de voler une monture qu'un coche.

Le vin est porté aux lèvres sèches dans un faible ricanement.
Vu le nombre de larcins qu'elle avait pu commettre, siffler un coursier sous le nez de son propriétaire avait été un jeu d'enfant.
Et sans plus lui laisser le temps de répondre, elle continue, plus pour elle-même en vérité.


- Ce médicastre... Comment s'appelle-t-il déjà...
Les doigts pressent les tempes alors qu'elle réfléchit, fronçant les sourcils.
- Meleagre ! C'est ça... Un Normand, à tous les coups. Enfin, il s'est occupé de toi sans trop poser de questions. J'aurai pu lui dire tout ce que, pendant ton délire, tu as pu avouer. Jojo le Borgne. Le serpent, la catin. Le fer. Tout ça.
Et une nouvelle gorgée d'avalée alors qu'elle redresse le regard sur lui.
- Qui donc est Elisabeth ?

On pourrait croire qu'elle s'amuse comme une petite folle à faire tourner en bourrique le nain à moitié-amnésique. Pourtant, la question, sur laquelle elle n'attend aucune réponse, n'est là que pour lui montrer qu'elle était là, & qu'elle l'écoutait, toujours.
Et le sourire narquois de refaire son apparition, appuyant là où ça fait mal.
Délicate, prévenante, douce & tendre. N'est-il pas ?

_________________
Grimoald
La vérité... qu'il eût voulu ou non la connaître, il l'a su.
Était-ce vraiment ce qu'il souhaitait entendre ? Peut-être...
A le voir se masser les temps, paupières closes comme pour se retrouver seul à seul avec sa mémoire, comme si sur le néant pouvait venir se greffer quelques images qui n'auraient point encore ressurgi.
Que voulait-il voir ? Peut-être la preuve d'un mensonge... Oui, il recherchait les images de cette jeune femme, d'une jeune femme qui ne serait pas Khy. Il se massait les temps lancé dans cette quête vaine; et pourtant, il savait... il savait qu'elle ne mentait point. Elle ne pouvait mentir, car nulle autre que la jeune femme pouvait savoir, pouvait parler de cette chevauchée, de cette nuit, de l'Hostel Dieu, du médecin normand...


-"Non..." lâcha t-il, dans un murmure.

... Non seulement il y avait ces détails, mais Khy évoquait le passé, son passé. Un passé qu'il aurait lui-même évoqué avant son réveil, dans son "délire". Il l'ignorait... Il ignorait qu'il avait parlé... Mais qu'avait-il bien pu raconter ?
La Catin, c'était la femme. Il se souvenait de cette Nuit, il se souvenait qu'il l'avait traité de "Catin" et "Chienne"... C comme Catin...
Serpent... S comme Serpent...pourquoi Serpent ?
S...C... c'était les lettres gravées sur son séant...
Jojo le Borgne... c'était le commanditaire. Khy était l'une des rares à connaître ce détails. Avait-elle fait le lien entre son état et le tenancier du tripot auvergnat ? Il avait dû évoquer le Borgne avant son réveil. Mais l'homme aussi, celui qui maniait le fer, était borgne. Était-ce de lui qu'il avait parlé ? Ou avait-il dénoncer, dans son délire, l'origine du crime ? Personne ne devait savoir. S'il venait à se savoir qu'il avait parlé... sans doute reviendraient-ils pour remettre ça...
Le jeune nain pâlit légèrement à l'évocation du Borgne... Il s'assombrit et se repli à celle du fer...


-"Elisabeth ? ... il arque un sourcil, étonner. Que venait-elle faire dans cette histoire ? Quel lien entre le Borgne, le Serpent, la Catin et... sa cousine Elisabeth ?
Qu'ais-je dis à propos d'elle ? Qu'ais-je raconté ? Dis-moi ce que tu sais...
Elisabeth est ma cousine... Elle a retrouvé ma trace il y a peu, nous nous sommes écris, mais elle vit en Franche-Comté, je crois. Mais cela doit bien faire trois ou quatre ans que je ne l'ai plus revu.
Qu'ais-je dis d'autre ? Dis-moi !"


Il avait bien d'autre question... Des questions qui le préoccupaient bien plus que la place de sa cousine dans le récit, dans son récit dont il n'avait aucun souvenir...
Il finit tout de même par murmurer...


-"Pourquoi.. ?"

Un pourquoi ponctué par une moue de dégout, une moue plein d'amertume. Était-ce un reproche ? Peut-être...
Une part de ce "pourquoi ?" sonnait comme tel, une autre part témoignait d'une sorte de surprise, une autre, plus subtile, ressemblait à un merci...

_________________
Khy
Et la réponse de se faire une nouvelle fois attendre alors que la timbale est définitivement vidée, sans l'envie apparente de la remplir à nouveau.
La vipère frémit de l'alcool trop vite avalé, inspirant profondément alors que les paupières sont closes, & en profite pour se dérober aux questions agaçantes. Il n'y en a qu'une, qu'elle retient, c'est ce "pourquoi" à peine murmuré, cette supplique teintée d'amertume, cette mélodie qui résonne aux oreilles vipérines & qui arrache un sourire trop faible à la lippe sarcastique.

Les émeraudes viennent chercher le regard de l'ami, semblant vouloir finir ce cache-cache de regards qui les prend depuis le début de la discussion. Les doigts hyalins se porte à la dextre, massant tranquillement, calmant les angoisses tiraillant les nerfs, la colère qui naît & serpente dans le coeur lacéré de la jeune femme & qui se ressent même dans les muscles qui se tendent.

Le temps est encore pris, s'étirant trop longuement, appréciant le silence brisé par les rires des ivrognes. Les secondes défilent alors que le regard s'assombrit, détaillant Grimoald comme s'il pouvait voir à travers la chair. Elle semble lire en lui, avec application, & se fiche du silence qui, plus que pesant, écrase désormais leurs frêles épaules.

Enfin, alors qu'elle juge que sa réponse vaut le coup, & qu'elle prend conscience qu'elle le dérange à le fixer ainsi, Khy lâche un soupir atténué par la lippe mordue, & daigne enfin répondre.


- Pourquoi quoi, Grimoald ? Pourquoi ne t'ai-je pas laissé crever comme un cabot sur le pavé de Bourges ?
M'aurais-tu laissée crever, comme une chienne, sur le pavé de Bourges ?


Le pourquoi la taraude, & elle sait que la réponse donnée n'est sans doute pas celle attendue.
Ou du moins, ne répond qu'à un seul des "pourquoi" qu'il semble avoir prononcé.


- Ou peut-être... Pourquoi est-ce que je ne me suis pas contentée de faire mander un médicastre de pacotille qui t'aurai tué plus vite qu'une armée en faucheuse ?
Ou bien...


Le nez est plissé alors que la brunette s'agace, encore, crachant ses mots comme un venin, emportée par la question qu'elle juge insultante.

- Ou bien sans doute que tu te demandes pourquoi je t'ai fait croire que j'étais ton amie, & pourquoi j'ai porté ce masque d'hypocrisie pendant si longtemps ?
C'est cela, qui t'intrigue, Grimoald ? ça te fait faire des cauchemars, ça te ronge de l'intérieur, l'idée que tu te sois fait berner par une traîtresse ?
Tu te sens trahi, n'est-ce pas ? Tu te sens comme un moins que rien, abandonné, jeté aux chiens parce que tu as été trop stupide pour te laisser berner !


Et la rage, qui lui fait hausser le ton, montre à quel point ce n'est plus de lui qu'elle parle, mais bien d'elle.
Des paroles qu'il a pu prononcer alors qu'il délirait, ce n'est pas Elisabeth, ou le Borgne, ou quiconque qui la fait sortir de ses gonds. C'est ces mots, répétés, qui sifflent, lancinants, qui la torturent, encore, & encore & qu'elle murmure alors en se rapprochant de lui.


- "Traîtresse... Ne m'abandonnez pas"... C'est donc ça, que tu penses, hein. Que je t'ai trahi. Abandonné.
Il est pour ça, ton "pourquoi", n'est-ce pas ?

Elle enrage tant & tant qu'elle se lève brutalement, jetant quelques écus sur la table collante de crasse, crispant sa dextre sur le velours épais de sa robe.
Le mantel est attrapé, le regard, hautain, se pose une dernière fois sur l'ami.


- Je prierai pour que tu ne te laisses pas avoir une deuxième fois, ne t'inquiète pas.
Il serait déplorable que quelqu'un d'autre se fasse sermonner par tes petits poings d'enfant. C'est que tu risques de blesser quelqu'un à force.


Et partir, vite, avant que les mots se déversent encore, avant que l'angoisse de perdre un ami ne lui fasse perdre l'esprit.
_________________
Grimoald
« L'amour supporte mieux l'absence ou la mort que le doute ou la trahison. » A. Maurois

    Une soirée de beuverie aux Cloches sur Loches... Une simple soirée de beuverie... De la bière, de l'eau de vie, des paroles pleines d'ivresses et un mal de crâne terrible...
    De cette soirée mémorable était née une amitié des plus étranges faites de pics et de confidences. Était-ce du fait d'un cœur pur ou d'un esprit trop naïf qui s'était laissé dupé ?
    Il faut croire le jeune Grimoald au cœur pur avait finalement finit par en douter dans ces jours qui avaient précédés cette terrible Nuit.
    Cet homme... Ses pics qu'elle lui lançait... Ne lui avait-elle point avouer que toute leur amitié n'était qu'un mensonge ? Ne lui avait-elle point avouer qu'elle s'était jouer de lui ?
    Le jeune Grimoald devait-il faire confiance en son cœur ? Ou devait-il se rendre à l'évidence ? N'avait-elle point même réussi, au final, à semer le doute en son cœur ?
    Il faut le croire...

    Les mots s'échappaient de la fine bouche de son amie comme un torrent. Elle cherchait les raisons de son pourquoi et il faut dire qu'elle voyait juste.
    Alors, il restait là, comme médusé. Il ne s'attendait point à une telle réaction et elle ne lui laissait pas le temps de répliquer. Il était contraint d'écouter. Il était contraint d'écouter et elle, elle ne répondait pas à ces questions. Qu'avait-il dit ? Il resterait dans l'ignorance. Du moins, en partie...
    Pâlir, grimacer, s'assombrir... c'était tout ce qu'il pouvait faire...

    L'aurait-il laisser crever sur le pavé de Bourges... Certainement pas... Mais il est vrai qu'à ce moment, il n'était pas vraiment convaincu que de vivre était la meilleure issue possible. En finir, voilà ce qu'il avait souhaité deux semaines durant. Il avait voulu en finir et à l'orée d'un nouveau départ, la vie n'était encore pour le jeune nain qu'un fardeau.
    Pourquoi l'avait-elle porter jusqu'en la Capitale ? Pourquoi tant d'effort ? Pourquoi cette preuve d'amitié ? ... Là était une partie de sa question, il est vrai. Alors il voudrait hocher du chef et répliquer, lui demander pourquoi, lui dire merci aussi... Mais elle ponctue par ce "ou bien..." qui le tient en haleine. Et le temps passe alors très lentement, il sent la charge arrivée, il la voit s'agacer et sans avoir le temps d'y penser, il sait que les mots qui suivront ce "ou bien..." résonneront comme une claque.

    C'est là qu'elle aborde l'épineux sujet de ses doutes. Et elle est en colère...
    Oui, il se demande bien pourquoi. Pourquoi avait-elle insinuer le doute en son coeur ? Oui, tout cela l'intrigue. Toutes ces questions s'entremêlent dans sa tête. De ce doute était née l'idée de la Trahison... Il en avait conclut qu'elle l'avait trahit. Il en avait conclut qu'elle était une traitresse !
    Et c'est bien cela qu'il a dit durant son délire. Ce sont ces mots... SES mots qu'elle lui dévoile dans un murmure.
    Jamais plus il n'aurait adressé la parole à Khy s'il ne l'avait point retrouvé dans cette auberge de fortune. Jamais plus il n'aurait voulu entendre parler d'elle tant qu'il serait resté dans l'ignorance.
    Mais il savait maintenant. Il savait ce qu'elle avait fait pour lui. Il savait à présent qu'elle était la "Jeune Femme" a qui il devait aussi la vie. Alors la Trahison s'était à nouveau métamorphosée en Doute... Et du Doute renaissait de ses cendres leur Amitié.
    C'était cela, la claque...

    Et elle enrage, s'agite, se lève, attrape sur mantel et le regard hautain dont elle se pare en lui lançant ces dernières paroles lui glace le sang et ne fait qu'accroître un peu plus sa culpabilité.
    Point le temps de répliquer. De toute façon, il en est incapable. Bien sûr, il remue les lèvres lorsqu'elle quitter brusquement la taverne. Mais aucun son ne parvient à passer le seuil de sa petite bouche. Son amie disparaît... La reverra t-il un jour ?
    Et il est seul maintenant, seul avec lui-même. Seul devant la culpabilité qui l'envahit... Seul devant sa Trahison.
    Car le traître, maintenant, c'est lui. Oui, il l'a trahit et l'émotion soudain le submerge. C'est un mélange de dégoût et de colère. C'est violent et douloureux.

    Il ferme alors ses petits yeux et masse ses tempes. Son petit corps mutilé bouillonne et ses plaies semblent elles aussi enragées. La douleur est lancinante et ne font que nourrir l'élan de colère qui l'envahit.
    Et la dextre vient alors se saisir de la chope encore pleine devant lui. Il ne sait plus ce qu'il fait... La chope vole jusqu'à la porte close, laissant dans son sillage une trainée de bière, et se brisent dans un fracas assourdissant.
    C'est alors que tous les regards des ivrognes médusé se tournent vers lui...


    - Qu'est-ce qu'y a ??!!

    Il fulmine... Et la patronne, ou bien la femme du patron, bien en chair et regard sévère rapplique.

    - Non mais c'est t'y pô vrai ! T'vô m'nettoyer tout çô, p'tit morveux !
    - Toi la Grognasse ! Va t'brosser l'cul !

    Il s'enroule dans sa cape, se cramponne à sa canne et file à son tour en maugréant, donnant des coups dans les bottes qui trainent sur son chemin...
    Il passera les portes de la capitale berrichonne un peu plus tard... sans un Au Revoir... en traître...

    Et c'est ainsi que s'achève la première scène de ce nouvel acte de la vie du jeune Grimoald...

_________________
See the RP information
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)