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[RP] Belle du Seigneur

Blanche_
Pour aider le lecteur, nous dirons d'abord que cette scène se situe à Gondomar, Castille et Léon, au vendredi 12 novembre 1459.


Il était une fois une baronne, et un marquis. Ils avaient tous deux vécu fort loin l'un de l'autre, et parcouru des chemins très différents, traversé des périodes heureux et d'autres moins ; et pour une raison inconnue, ils avaient subitement décidé de convoler en justes noces.
Se marier. Bien qu'elle fut bretonne, et lui espagnol, et que pour l'épouser elle devait quitter la terre de sa naissance et de son enfance pour embrasser une contrée complètement inconnue ; car Gondomar, sise en Galice, était une terre mystérieuse pour Blanche qui n'y avait jamais posé de pied. Rapidement, quelques échanges de courriers scellèrent le pacte ; elle donna sa parole, il envoya de l'argent, fit appareiller un bateau, et vint la chercher.
En novembre 1459 elle voyait les Îles de Gondomar pour la première fois, empreintes de brumes et camouflées du soleil par de gros nuages... C'était une terre semblable à celle de Bretagne, ce qui lui fit penser, l'espace d'un instant, qu'il s'agissait peut être de la disparue Avalon, et de ses brumes légendaires.

Accueillie selon son rang, elle obtenait tout ce qu'elle souhaitait, mais n'en abusa pas. Elle savait de toutes façons, que son affection serait testée par un cadeau ou un autre, par une pierre précieuse ou un collier de perles, et qu'elle n'aurait pour cela rien à demander ; l'attente était, de fait, beaucoup moins amusante.
Elle avait en plus de ça, un tout nouveau rapport avec l'argent, un peu d'appréhension, de dégoût, sans doute pour en avoir manqué énormément les dernières années : car si Gondomar était terre d'opulentes richesses, Donges était une baronnie qui périclitait, abandonnée par les nobles alentours, et dont le Grand Duc n'avait que faire. Alors s'il lui arrivait d'offrir à sa promise quelque bijou, ou apparat qu'il lui aurait plu de voir vêtir, elle s'en gardait bien et s'obstinait à ne porter que ses propres acquisitions. Donges ne ployait pas devant Gondomar, quelles que fussent les manigances pour accéder à son désir.


Le Marquis aura t'il le temps de me recevoir aujourd'hui ?

C'était non.
Toujours non.
Astaroth n'a pas le temps. Sa Majesté Astaroth, Roy de Castille de facto, n'a pas le temps de vous recevoir, car il a convoqué les Pairs. Car il destitue le Duc Bidule. Car il condamne truc pour trahison. Car il prépare l'élection du prochain Roi. Car il se rend au chevet de feu sa Majesté William. Car...
C'était non. Indubitablement non, car si Blanche devait rester à Gondomar selon son bon désir, elle ne pouvait pas non plus échanger avec lui plus que quelques mots par jour, elle ne pouvait pas discuter avec lui de sa prochaine condition, quand bien même... Ses épousailles se trouveraient être au lendemain. Tel était son bon plaisir, et elle devait obéir.
C'était tout.

Mais j'aimerais vraiment le voir ce soir insista t'elle en s'adressant au domestique. L'intonation seule avait suffi, de toute façon son interlocuteur ne parlait pas breton, extrêmement mal français, et la seule chose qu'il pouvait comprendre c'était sans doute juste les sourcils qui se fronçaient et les yeux qui lançaient des élciars courroucés. Je veux, je veux, je VEUX !

Quelques minutes d'argumentation suffirent ; Je suis presque sa femme avait elle envie de hurler, sa FEMME. Il avait donné des ordres, en plus, la traiter comme la Marquise de Gondomar bien que la cérémonie n'ait pas encore eu lieu, alors quoi, devait-elle réellement attendre ? L'idée seule que ce nouveau statut la reléguait au dernier échelon hiérarchique du castel l'exaspérait. Visiblement, les galiciennes avaient oublié leur condition de femme et d'épouse pour vivre rien que pour leur époux, et leur unique satisfaction.
On l'emmena aux appartements du Marquis. Du Roy, pardon. On l'y emmena, on l'y déposa, et on l'y abandonna, seule, habillée très simplement. Elle avait presque honte de sa tenue, mais l'heure extrêmement tardive l'en excusait à elle-seule, et après tout, n'était-ce pas la propre faute de Gondomar, si elle était ainsi si peu élégamment vêtue ? Il l'avait convoquée à 10 heures, au beau milieu de la soirée, il écoperait donc de sa future en peignoir et cheveux à peine coiffés, souffrirait de voir l'opalescente chemise de nuit bomber sur son ventre, là où la grosseur n'avait pas encore disparu.
C'était bien fait pour lui, pensa t'elle. Et il aimerait sans doute la voir sans apparat, les cheveux abandonnés sur une épaule, tel qu'il en aurait l'occasion toutes les nuits suivantes.
Les mariées, c'est bien connu, s'accordent quelques libertés dans la chambre conjugale.

Alors quoi ? Alors toc. Toc.

_________________
Astaroth, incarné par Blanche_


C'était la toute fin d'une longue journée.
Pour marquer le fait qu'il s'en dégageait, Astaroth ôta ses gants avec une grande lenteur. Mais c'est le moment qu'elle avait choisi pour arriver, et alors il les remit très vite.
Elle n'avait jamais vu ses mains, ni le tatouage, et il ne savait pas comment elle réagirait. C'était presque en fait, depuis quelques semaines, l’emblème que portait son ennemi. C'était un tatouage qui avait été fait pendant les évènements menés par Caedes, alors qu'il travaillait avec des agents bretons.

Le son de quelqu'un toquant à la porte le fit se retourner. Il réalisa qu'il avait posé ses gants sur le couteau, caché sur la table, et songea l'espace d'un instant qu'il devenait paranoïaque. C'était peut être son nouveau statut...
Ouvrant la porte, il ne cacha pas sa surprise.


Blanche ! Je ne pensais pas que vous viendriez, il est si tard...

Ceci dit, il vit les cheveux éparses, et tous les autres... détails. Tout ceci était fort étrange... Tout ceci était très prévisible. Au moins logique.

Rentrez. Il doit me rester du vin.

Ai-je dit qu'il était surpris ?

______________
Blanche_
Sa surprise la heurta. Quoi, n'avait-il rien d'autre à dire, pardieu ? Il ouvrait la porte devant une femme, la sienne, qui répondait à son invitation, et il était simplement "étonné qu'elle ne vienne" ? Les bras lui en tombèrent.
Je... enfin je suis désolée, mais je pensais... pardon.

Pum, shlak, cette sentence la faisait se sentir bien inconfortable. Elle aurait d'ailleurs pu rester devant cette porte ouverte et méditer sur cette brillante déconsidération, s'il n'avait pas eu la pitié de l'inviter à entrer. Elle nota cependant qu'elle était toujours considérée comme une invitée, et qu'elle devait du fait sans cesse lui indiquer ses faits et gestes, ainsi que venir à des heures convenables. C'était complètement ridicule. Lui dire tout, absolument tout, aussi pendant que vous y êtes !

Merci, ajouta t'elle simplement, pour montrer par la froideur de sa réponse qu'elle tenait plus à rentrer qu'à rester dehors, et qu'il aurait pu témoigner un peu plus de respect envers elle. Je suis quand même venue depuis Donges ! Et j'attends depuis des jours ! avait elle envie de dire. De la même façon, son remerciement avait été prononcé empli de crainte et d'obéissance, ce qui témoignait concrètement de son assouvissement et de sa dépendance. Merci pour ci, pour ça, pour tout ce que vous avez fait pour nous, et pourquoi je vous suis désormais obligée. Je voulais vous parler... Avant* Elle n'eut même pas besoin de spécifier avant quoi tellement les choses étaient évidentes. Demain, la cérémonie, nous, tout ça, et tout ce qui en découlera.
En fait, tout cela provenait sans doute principalement de l'obéissance qu'elle se sentait obligée d'avoir envers lui. Pour toutes les choses qu'elle n'était désormais plus en mesure de choisir seule, pour tous les actes auxquels on l'obligerait après ce pacte divin, cette nuit-là était la privilégiée pour en discuter sereinement. Toute cette infériorité n'était pas si dure à admettre et à envisager, élevée comme cadette d'une famille ducale, Blanche y était habituée. D'une façon générale, et bien que l'adolescence ait fait émerger quelques grief envers sa mère, Blanche avait su où se trouvait sa place : sous l'aîné, sous les parents, sous, plus tard un jour, l'époux. Que celui-ci soit espagnol, un peu bourru, et très fortement suspicieux n'était qu'un détail.
Il aurait tout autant pu être français, jeune, et amoureux.


Cela fait des semaines que l'on en parle, des mois que tout est préparé, des mois, je le sais... Oh pardonnez moi Excellence, si je vous avoue mes doutes, mais à qui d'autre aurais-je pu les dire ? Après tout, n'était elle pas toute seule, avec ses dames de compagnie, ses enfants, à parler français ? Les autres, tous espagnols, ne conjuguaient le breton qu'avec moquerie, en cris rauques et raclements de gorge. Parfois un "Braise" bruyant était grogné, pour se railler d'elle d'une façon si médiocre qu'elle ne relevait pas.
Parler de sa tristesse à un courtisan de Gondomar ? Impossible. Elle enchaina.


Vous avez bien vu comment les choses se sont passées à l'anniversaire du Cardinal Borja ! S'il me faut souffrir de vous voir réaffirmer notre mariage à chaque cérémonie publique, pour que la vexation des galiciennes trouve son contentement, je ne saurais le supporter. C'est trop, vraiment.
Pour sa défense, l'anniversaire de Carolum lui avait porté le coup de grâce. Il n'avait pas suffi qu'à sa honte se rajoute l'idée monstrueuse qu'elle avait instruit le malheur de Cyliam, alors qu'elle était reniée par son époux à son profit propre, non, il fallait que ladite reniée, répudiée, vienne se montrer à chaque représentation, ramène ses bâtards et réclame par ses yeux larmoyants qu'Astaroth lui revienne ! C'était beaucoup trop. Cyliam était de trop.
Et Blanche, quoique de nature emplie de pitié, était prête à se montrer blessante si la femme oubliée s'obstinait à vouloir reprendre ce qu'elle avait perdu.

Mais elle cessa brusquement de penser à tout cela. Il n'y avait pas de Cyliam à proximité, pas d'ancienne marquise, pas de bâtards, juste elle et lui. Et sa condition gentiment rappelée d'invitée obligée, avec l'obligation de se la fermer assez souvent pour que sa présence reste agréable.
Elle rentra, observa toute la pièce. Le lit s'imposa à sa vue, tellement imposant, tellement noir, couvert de fourrures. L'idée d'être nue, glissée dessous contre lui la fit frémir.
Elle détourna les yeux et se força à ne plus y penser ; mais malgré que son regard restait obstinément fixé vers la fenêtre, une évidente obligation maritale la faisait rester roide et droite, blafarde.


Je veux bien du vin, oui s'il vous plait.

[* en espagnol dans le texte]
_________________
Astaroth, incarné par Blanche_


Il sourit.
Oh, c'était vrai bien sûr, que Blanche n'était là que depuis quelques jours ! Mais ces heures minimes partagées, sa présence lui faisait oublier tout le reste. Il ne savait pas vraiment pourquoi, d'ailleurs... Néanmoins c'est ainsi que les choses fonctionnaient. Et il aimait ça.
Remplissant deux verres avec prudence, il lui en offrit un.

Pour nous, ma chère ermine*. Pour le futur.

Il but très légèrement. Gorgée qui coulait dans son gosier noir, il reposa le verre sur la table et la dévisagea. Une seconde passa, indolente et éternelle, où leurs regards se croisèrent. Doucement, le félin glissa une patte sur le sol, au plus près d'elle, et marcha silencieusement derrière sa proie.
Il s'arrêta alors qu'il était face au dos de sa chaise, et le silence se fit à nouveau ; seuls grincèrent les chaises, et murmurèrent leurs respirations.
Brusquement, se penchant vers la nudité de sa nuque, il l'en couvrit d'un baiser de paix. Puis il s'en retourna, majestueux, à son trône.

Je vous épouse parce que vous le méritez, Blanche. Croyez que si vous n'en étiez pas digne, nous ne parlerions pas ici ce soir.

Il rapprocha son siège du sien, pour qu'ils soient cote à cote, au même niveau, en muette et symbolique égalité, ce qu'il tendait d'ailleurs de lui faire comprendre sans rien en dire.
Vous êtes mienne, vous êtes mon égal, il la mettait sur un piédestal auquel lui seul avait accès, c'était une hiérarchie éclatée très étrange, et inquiétante. Reprenant, il dit.

Mes amis savent à quel propos ils n'ont pas le droit de parler.

Il était de toute façon de notoriété publique que personne ne disait jamais à Astaroth quoi que ce soit de déplacé, ou d'incongru ; s'il épousait, tout le monde adhérait, s'il répudiait aussi. Il n'était plus qu'une seule âme en fait, qu'il daignait écouter et respecter plus que les autres.

Et vous ma chère, songez à cette séparation d'avec la Bretagne, serait-ce un problème ? Vous avez des amis pour lesquels ce mariage ne se peut.
Blanche_
Symboles.
Astaroth en usait à outrance, pour silencieusement montrer à Blanche sa presque nouvelle condition. Elle le remarquait, emplie d'une chaleur douce à son cœur, un sentiment qu'elle n'avait jamais aussi profondément ressenti auparavant. Convaincue, au moment où les lèvres d'Astaroth rejoignirent sa nuque, qu'il était celui qu'on lui avait envoyé, malgré toute apparence. Il avait du charisme, une âme exempte d'impuretés, et surtout, surtout, avait promis de protéger ses deux bâtards leur vie durant : certes, il s'adonnait parfois à un rapprochement physique qui la brusquait, mais la protection, oui, cette protection, pour elle elle aurait accepté n'importe quoi. N'importe quoi.
Oh, parfois bien sûr, c'en était trop ; et à ce moment d'ailleurs, tandis qu'elle aurait pu dessiner l'empreinte humide de cette bouche, cette moite respiration sur sa peau, et y accrocher son odeur, alors qu'elle avait son aura autour d'elle, et jusqu'au parfum de sa propre chair pénétré par le sien, elle était comme possédée. Droguée, bannie, muette par l'alcool et les vapeurs. Oui, obsédée par cet attouchement impromptue, yeux exorbités vers l'invisible, ne pouvant voir ce qui dans son dos se tramait, ivre qu'elle était, elle sombrait en souvenirs, en erreurs, à cette chance nouvelle que la vie lui offrait, ballotée par les traditions, par tous ces symboles autour d'eux.
Elle prit son verre et bu encore.

Bien... Elle posa immédiatement le verre sur la table, ayant à peine bu. C'est relativement... spécial. Je n'avais jamais bu chose semblable.
Mon Dieu, songea t'elle en reprenant ses esprits, c'est juste affreux, je n'en puis plus.
Elle essaya de sourire en retour, mais c'était difficile ; le goût du vin dans sa bouche, la sensation de pareille substance dans son cou. Tout ce qu'elle aurait voulu, c'aurait été un verre d'eau, quelque chose pour soigner sa langue.
Mais elle se souvint aussi de sa question.


Je puis me tromper, bien sûr, mais leur réaction semblait en tous points différente : ils n'étaient pas tristes de me voir quitter le pays, ils l'étaient de me voir partir sans les inviter à vous rejoindre, à me rejoindre. Certains sont excédés par notre union, car voyez, pour ces gens, qu'une femme du Nord épouse un homme du Sud...
Mais tout cela, condensé, n'est que pure jalousie, plus qu'un réelle considération de nos promesses. Et je ne prête pas attention à la jalousie, ni l'ai jamais fait.

En vérité, y repensant un peu plus elle fut prise d'une violente constatation : elle n'était absolument pas, d'aucune façon, triste de quitter la Bretagne. Elle l'était, simplement, de quitter des amis, comme Della -ce qui n'était pas un tel désastre car elle la reverrait bientôt, en tant que marraine de son premier-né, et qu'ainsi elle garderait de fréquents contacts avec la famille d'Amahir-, et autre sentiment d'importance : elle était angoissée à l'idée de découvrir une nouvelle façon de vivre, ce qui en un sens, expliqua la question suivante qu'elle lui posa :
Excellence, vous me traitez avec trop de bonté. Je ne suis point votre égale, mais votre fiancée, et demain votre épouse, mais... Je sais que je suis ici pour obéir, votre respect trop exprimé me l'ôte parfois de l'esprit.

Et ainsi, s'asseoir à son coté faisait valdinguer son éducation, déchirait ses certitudes en lambeaux, et la poussait à une exaspérante reconsidération, menant parfois au désespoir. Elle était son égale, mais sa possédée en même lieu, sa femme, et son soutien, mais aussi son soleil et son avenir, si bien que ne sachant réellement où était sa place, elle ne savait pas non plus ce qu'elle pouvait accepter et refuser, concéder ou obéir, trahir ou respecter. Levant les yeux au loin, peut être vers le ciel, peut être vers le plafond sculpté, elle chut lentement de son fauteuil, comme ne sentant pas la morsure du bois de hêtre clair dans son dos et ses hanches, jusqu'à ce que, une main sur le tapis, qui découvrait instinctivement les reliefs et dessins inscrits dessus, et une autre près de la sienne, sur sa propre jambe, cherchant comme à lui ôter le gant des doigts.
Elle ne savait pas pourquoi elle faisait ça.
Elle n'avait pas envie de le faire.
Mais Astaroth, de ses yeux dits, avait ordonné quelque chose ; et elle obéissait.

Elle garda les yeux fixés en les siens, jusqu'à avoir tout compris. Et alors, totalement soumise, l'échine rompue, ployant le col vers lui, elle lui présenta une nuque fraiche, sur un lit de cheveux clairs, dont la marque malsaine de son premier baiser tenait toujours. C'était, d'une certaine façon, l'apothéose de son éducation, lorsqu'elle trouvait partenaire à quitter offrir le licol ; et, ainsi dressée, elle posa sa joue sur la cuisse de l'homme, sur le velours qui les recouvrait, sur la rugosité d'un pantalon de jour grisé et froid. Il l'embrassait et c'était un paradis glacé, un Eden. Un astre autre. Une nouvelle ère.
Il l'embrassait et tout était rompu.
Il n'y avait rien d'autre à dire, à expliquer.
Il ne pouvait pas la quitter des yeux, dévorait chaque goutte d'elle ; chaque soir il y goûterait, et elle ne pourrait jamais le quitter. C'était ainsi, c'était rompu, c'était la fin. Depuis le temps qu'elle patientait dans cette chambre noire, qu'elle entendait les femmes parler de leur mari, de leur amusement, de leurs ébats, elle saurait bien ce que ça serait, ah ! la Madone. Depuis le temps... Depuis le temps...

Il l'embrassa et tout fut terminé.

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Astaroth, incarné par Blanche_


Très lentement, il enleva le gant de sa main, écoutant ce qu'elle avait à dire. Sois attentif à la jalousie, lui avait dit sa mère un jour. C'est la cause de bien des ruines en ce monde... Pis que l'ambition. Fais attention à la jalousie...!

Je ne les laisserai pas parler. C'est notre fortune qui les fera jaloux, m'entendez-vous?

Et elle parla d'égalité, d'inégalité, ce qui provoqua en lui un rire franc.

Je vais vous apprendre nos coutumes, Madame. Il souriait en la regardant. D'abord, on vous appellera Excellence, votre Excellence, car c'est ainsi que je le voudrai. Il est des règles en Gondomar, comme la façon de parler aux nobles, et je vous les indiquerai.

Du reste c'était compliqué tant la différence avec la France était franche.

Demain vous serez ma Marquise, ma dame. Nos lois vous garantissent l'égalité. Je ne sais pas comment l'on traite les femmes chez vous, mais ici, vous serez traitée tout comme moi. Vous serez Marquise pour moi et les autres, un point, c'est tout.


Ce qu'il voulait dire, bien que l'exprimant mal, c'est qu'il voulait une femme, non une esclave. Une personne de confiance, dont il croirait les conseils. Et il ne tolèrerai pas qu'il en soit autrement.

Il n'est pas question d'en discuter plus : c'est ainsi que cela sera.


En fait, excepté l'affaire Elena, Blanche était la femme la plus noble avec laquelle il lui avait été donné d'être. Lorsqu'il avait épousé Cyliam, elle n'avait pas de fief, et aucune des autres, assurément, n'avait porté de couronne. Pourtant il avait été aimable avec chacune d'elles, et les avait prises en égales.
Traiter Blanche différemment n'avait aucun sens.
Et puis, elle était proche de lui.
Trop, proche.
Trop pour ce qui aurait été considéré comme acceptable. Il la prit par les mains, tira, la hissa sur ses pieds et l'enserra contre lui. Face à lui, si proche qu'il aurait pu baiser ses cils, il savait d'elle ce dont il avait besoin, et envie. Il savait aussi qu'il la voulait elle sur le trône de Gondomar. Il baisa ses lèvres encore.
Ce ne pouvait pas être comparé à quelque chose d'humain, tant la chose était belle.
Blanche_
Muette.
Toutes ses sensations allaient la quitter. C'était une sorte de rêve, de cauchemar, une chose qui n'était pas possible... Est-ce que cela lui arrivait en vrai? Elle ouvrit les yeux, réalisa les conséquences...
Il y avait un œil de Dieu au dessus-d'eux.


A...attendez !

Quelle violence dans ce mot, pour le faire arrêter, le faire reculer, le faire la lâcher... Quelle violence, et la voila alors muette d'avoir parlé, muette de sa propre erreur... Quelle violence ! Elle en aurait eu presque honte. Elle se força à un sourire, qu'elle su truqué, mais qu'elle savait aussi pertinemment sincère et innocent. Et puis, l'explication creuse : Attendez, c'est... C'est inhabituel pour une bretonne.
Bordel, quelle explication! "Je n'ai pas l'habitude..." Quelle excuse...! Au lieu de parler de ses peurs, ses larmes, ses douleurs, au lieu de parler de sa volonté pure de suivre un chemin saint, elle parlait de ses habitudes... Et alors la peur se décuplait, de se savoir ainsi risible, et surtout... D'autant plus vulnérable. C'est bien cette peur en vérité qui faisait d'elle un pantin de foire ; c'était l'origine de sa chute, de son désarroi, son infériorité, sa soumission. La peur avait pris d'elle la sauvagerie barbare, l'avait rendue chaton, quand elle aurait dû être tigre.
Elle avait les foies. Une respiration de lui lui causait un supplice, et la moindre parole sous-tendait un cachot, ou une torture de chair. Et le pire, dans cette indécise trahison, c'est qu'elle sentait poindre l'envie malsaine de goûter à ces fruits tant qu'il lui présentait.


Dieu nous envoie des tentations. Et il est probable que j'en vive une. Elle ferma les yeux, fit le vide en elle. La peur persistait, les pulsions vivaces restaient encore, mais au moins il était plus aisé d'y voir... Et de comprendre.
Elle sentait sa physique noirceur trépasser et se morfondre. Elle sentait sa colère, sa rage, sa jalousie moite envers Clémence et Aimbaud. Et, si Dieu le voulait, l'envie de s'abandonner en Astaroth, de le laisser sucer et prendre son corps, de l'autoriser à l'impensable en espérant frapper au cœur d'un autre. Oh, que cette idée était basse! Et stupide! Et quel intérêt, que de se faire prendre par un homme pour en blesser un autre? Quelle femme le ferait, donc?


Cessez, par pitié. Lui dit-elle en collant une main sur ses propres lèvres. Plus un seul, répéta t'elle encore, comme pour s'en protéger définitivement.
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Astaroth, incarné par Blanche_


L'art des glaives qui s'entrechoquent. Depuis la nuit des temps, ces transparents visages qui s'affrontent et perdent l'originalité de leur faciès, leurs traits. Il arrive un moment où les soldats oublient jusqu'à la manière de mener à leur bouche un quelconque sentiment. Il ne finit par n'y avoir aucun lien. La froideur. La noirceur de leur âme inscrite sur leur peau comme un tandem d'indifférence. Froides personnes, qui ne ressentent rien. C'est vrai. Ils ne peuvent rien sentir.
L'apparence ne sait être trompeuse.

Jamais la surprise ne marqua le visage d'Astaroth da Lua ce jour là. Il l'était pourtant. Il le savait au fond de ses tripes, il savait qu'il pourrait lui faire faire n'importe quoi. De son ventre au sien, avec cette volonté presque animale de la baiser, il était relié à elle : un cordon, une tige, une liaison de l'un à l'autre, qui allait dans le sens de sa domination sur elle. "Bleep" power, il aurait pu dire. Impossible de savoir jusqu'à quel point il pouvait se dominer, ou la dominer elle.
Il aurait eu envie.
Elle disait non.
La rage montait en lui, des pieds au bas-ventre. S'arrêtait surtout là. Grandissait. Vomissait son énergie et son sang pour le faire enfler.
Il avait une putain d'envie.

Mais il était noble. Il suivait parfois quelques règles. Assez dures pour que la dureté de ses propres résolutions se choquent contre la dureté de ses... désirs.

Je ne vous forcerai pas contre vos convictions, ou votre foi, ma dame. Je respecte certaines choses.

Un fossé se créa entre eux.

Je suis... désolé.

C'est ce qu'on disait face à la logique.
Aux déesses.
Aux divines.
Aux reines.
C'est ce qu'on disait face à l'absolue vérité de la femme de sa vie.
Blanche_
Camoufler ses expressions...
D'ordinaire, la Serrant y arrive très bien. Elle est maître à cet art. Mais avec Astaroth, depuis le jour où ils se sont rencontrés aux joutes de Castille, sous la haute autorité de Béatrice et d'Elena Ruth, il semblait bien qu'elle n'était pas apte à le faire en Sa présence. S'il parlait, elle baissait les yeux. S'il criait elle ouvrait la bouche sans rien dire, s'il voulait la baiser elle devenait plus fragile qu'un vase, plus légère qu'une souris, plus molle que n'importe laquelle molle... Soumise. Elle murmura.

Je ne suis pas sure de ce qu'il serait correct de dire ou de faire. Pas du tout... J'ai vu des choses, on m'en a appris d'autres, de personnes dignes de confiance et de bon apprentissage. Je serai à vous demain, je ne pense pas que Dieu fera une différence entre ce soir, et un autre soir. Il est vrai après tout, que demain nous allons...
Elle baissa les yeux, tant ces mots lui brûlaient la bouche. Elle ne changerait rien, peu importait ce qu'elle dirait, se plier à sa volonté ou s'en défaire, il n'y aurait de toute façon qu'une seule alternative, une seule fin. Rien de ce qu'elle pourrait dire n'aurait pu compter. C'était une femme.
Il était temps qu'elle agisse conformément à sa place.
Même si ça ne lui plaisait pas.


Les peuples celtes ont une façon de se marier qui diffère de la vôtre. Nous faisons un pacte. Un pacte de sang. Personne ne peut braver ce serment, il est écrit dans notre chair, il est écrit comme une empreinte sur votre âme... El alma. Vous comprenez ?


Une lumière s'alluma dans ses yeux.
Elle prenait enfin son pied.
Un coup de rein, un coup de rien la guida lentement vers lui. Il y avait quelque chose de bestial entre eux deux, c'était cette dominance qui passait de l'un à l'autre. Mais elle ne s'y perdait pas, elle comprenait très bien qu'il serait toujours au dessus d'elle. Elle n'avait que le pouvoir de l'amadouer par des surprise, de susciter son intérêt pour ne pas qu'il la jette...
C'est elle qui se jetait elle-même dans la gueule du loup.

Mais comme il n'y est pas, il nous mangera pas !
Astaroth, incarné par Blanche_


Un vœu. Offert comme une offrande celte. Je te veux, il te veut, nous nous voulons, nous nous volons l'un l'autre... Ouep. C'était une bonne idée.
La moitié des aristotéliciens qu'il connaissaient auraient fui la queue entre les jambes. Mais il venait, il fallait l'avouer d'une terre où les aristotéliciens n'étaient sans doute pas la bonne moitié. En Galice, depuis l'an 700 où les vikings s'étaient échoué par erreur sur leurs terres, les hommes connaissaient les rites celtes ; d'une certaine façon, bien que fondamentalement différents entre les textes que Blanche connaissait, et ceux que lui-même connaissait, il ne pouvait être que séduit.
C'était une idée parfaite, en vérité. Bien meilleure que les voeux pieux de ces païens en robe d'église, cette soutane ridicule, qui l'aurait rendu chèvre une nuit durant. Non, avant cela, avant la nuisance de leur intellect abscon, il aurait le plaisir de la piété barbare, il aurait le plaisir de trancher et coudre l'une à l'autre leurs deux chairs. C'était parfait pour le jour.


Racontez-moi ça.


Il se servit du vin et en happa quelques bouchées. En face de lui, la muse parlait. Il n'écoutait rien. Les mots n'avaient pas d'importance, seule la danse de ses lèvres comptait. Touche, touche, caresse, s'éloigne, touche, s'éloigne, meurt l'une contre l'autre, s'étendent et restent collées, s'aiment, se lâchent, restent meurtries loin l'une de l'autre, et touche, touche, mord...
C'était une histoire qu'elle mettait indubitablement en valeur.
Le lien.


_______________
Blanche_
Narrer l'origine de pratiques primitives n'est guère aisé ; ce serait comme expliquer Beltane, lui dit-elle. Ce n'est pas possible. On ne sait pas trouver les mots ou les raisons d'un rassemblement autour d'un feu, et si on s'y risque, on voit au visage de notre interlocuteur qu'il n'a compris de ces évènements qu'une ronde primaire autour d'un feu : alors que celui qui voit et qui sait pour avoir assister aux choses connait d'elle leur nature profonde. Le fardeau d'un druide est, aux yeux des non-initiés, de ne pouvoir réellement transmettre sans transfigurer.
C'est vrai pourtant que la religion celte était orale ; avant le grand massacre, les druides transmettaient par la parole ce qu'ils savaient. Peut être avaient-ils d'autres langues, ou d'autres esprits. Quoi qu'il en soit, ce que Blanche était inapte à dire ou à expliquer, eux, en d'autres temps, auraient sans doute pu le faire. Elle se força.


C'est un pacte, un échange de sang. Vous blessez -herir?- une main, vous la tenez contre l'autre blessure et les sangs se mélangent. Nous échangerons de toute façon nos deux sangs, n'est-ce pas ? A défaut de pouvoir jouir de celui de la nuit de noce, vous aurez, vous aurez...

Sa voix hésita, car elle n'avait pas encore dit à haute voix ce qu'il savait pertinemment. Elle n'était pas vierge, elle était impure, souillée, et c'était un immense déshonneur pour lui si les choses arrivaient à se savoir. Pouvoir, ainsi, d'une certaine façon, jouir d'un premier sang versé avec une résonance religieuse était un juste retour des choses... Une juste réponse à son dégoût. Si Astaroth da Lua comprenait l'importance d'un tel serment, il saurait qu'il vaut mieux une cicatrice sur sa paume qu'un drap souillé. Il verrait que les dieux sauraient, lui pour qui les anciennes croyances importaient autant, et il adorerait pétrir avec sa lame une chair jusqu'à la mort. Jusqu'à la fin, elle aurait sa marque. N'était-ce pas la meilleure façon de la posséder ?

Nos deux familles seront liées par nous. Nos sangs se mélangeront par nos enfants. C'est à vous de choisir de quelle façon vous voulez qu'ils se mélangent en premier lieu.

Je souffrirai de toute façon : délivrance d'une engeance, délivrance d'une souffrance par le fer. Oh, l'époux aura à faire saigner de toute façon. Suffering by a knife, suffering by life* que préfèras-tu Astaroth? Engeance de l'en-fer ?
Se dégageait indubitablement d'elle une envie malsaine de sang et de marque. Elle le regardait, subjuguée, autant par ses mains que par la lame qu'il avait au début de la nuit posée sur la table, près d'eux, et qu'elle savait sans la voir se trouver à ce point proche de sa paume. Il y avait une espèce de bestialité sombre dans ses yeux, indécise au départ, mais qui portait cette étrange certitude qu'apporte la fascination : elle ne l'aimait pas, elle en était quasiment sûre, ainsi qu'elle aimait pour toujours Aimbaud, mais si possible elle suivrait son époux jusqu'en enfer s'il lui demandait. L'enfer ou la damnation qu'elle lui proposait, pour le tester avec malice, savoir, dans sa tête candide mais pourtant ô combien barbare et sans raison, s'il était capable de la suivre. Elle respectait les traditions noires et glauques. Les rituels qui avaient donnés lieu à des extrémités sordides. Les contes noirs qui reposaient sur d'anciennes traditions. Les égorgements. Le sang. Le tout mêlé au feu. Elle aimait la force des éléments, elle aimait les provoquer, elle aimait aussi provoquer les hommes. Sans loi. Sans foi. Sans regret.
Marquée elle était devenue walkyrie. Une vraie barbare. Assoiffée par son propre sang ; ivre de pouvoir peut être, forcer Astaroth à la blesser, le voir souffrir de la faire souffrir, le torturer en lui demandant.
Elle tendit la main.


Vas-y.

Et ce fut l'unique fois où l'impératif s'imposa.

* en anglais dans le texte original.

[Bonjour, Bonjour,
Merci de traduire le moindre mot qui ne soit pas Français comme cela est stipulé dans les règles d'or du coin des aRPenteurs. De plus, s'il s'agit d'une citation, merci de bien vouloir en indiquer la source.
Bon jeu, bon RP,
Modo Mahelya]
Astaroth, incarné par Blanche_


Lentement, près d'elle, comme un bruissement de poils, un sourire apparut sur son visage. Il avait un œil dont la couleur avait disparu, tant il faisait noir dans sa chambre. L'autre était caché par un bandeau étincelant comme mille étoiles, et c'était l'unique lumière de sa face brune : un linceul en cuir autour de l’œil emporté. Il pensa à l'échange de sang, ses yeux devinrent plus rouge, presque rubis, et déployant ses bras avec majesté jusqu'à la table, dans un geste si monumental qu'il en paraissait habituel, il avait l'air d'un albatros en l'air, d'un aigle en plein vol qui irait planer jusqu'à la lame, la porterait dans une griffe ou son bec, pour ensuite revenir à Blanche et la narguer avec.
Les dieux dans sa tête l'oppressaient. La déesse. Il s'envola jusqu'à son siège.
Peut être, que dans toutes les trois couronnes d'Espagne, les galiciens étaient les plus cruels de tous. Ils aimaient les rites dans le sang, les rites symboliques et un peu douloureux. Ainsi, Astaroth était charmé par l'idée. Quelque chose de meilleur que les mots d'un prêtre. Quelque chose d'authentique... Le sang de la barbare.
Il n'avait aucun doute. Sa dague près de lui, il jouait avec la lame comme avec son esprit. Sa patience.
Il releva les yeux. Jais courant ses pupilles et sa peau.


Un homme et une femme que l'on marie sont unis. Ils deviennent une unique personne. On m'a déjà dit que Dieu, alors, était au dessus d'eux deux. Mais ce n'est pas vrai, ils ne sont pas unis. Ils peuvent se séparer si le lien n'est pas de chair.

Le rasoir brillant comme une couronne de diamants. Il aurait voulu toucher sa joue avec, son cou, l'ouvrir en deux...

Je suis fier de vous. Vous m'offrez ce lien que j'attendais avec vous.
J'accepte, petite. Je veux ce pacte de sang. Tendez la main, que je vous la prenne.


_______________
Blanche_
Oh Dieu... Il réagissait si vite... Était il ce monstre des mille et unes nuits, qu'elle devrait contenter par des idées saugrenues et sordides jour après jour, pour éviter qu'il ne la tue ? Blanche, estomaquée par la réactivité de son fiancé, dût se secouer pour lui répondre. Un instant de silence cependant s'imposa entre eux deux, un instant terriblement long, un instant de détresse pour elle et de salacité pour lui. Quelle monstruosité que l'engrenage des forces entre ces deux-là...

Je...

Bien sûr il ne la laissa pas reprendre ses esprits. Il attendait, devant elle, qu'elle lui donne sa main, qu'elle lui offre sa chair... Et elle le voulait-elle ? C'était elle qui lui avait proposé, mais c'était autant pour le séduire que pour susciter chez lui cet engouement trop rustre, trop sauvage... Astaroth, septième des enfers, tu me fais tellement peur... Je serai à toi, crois-tu, si tu m'effraies à ce point? Devrais-je m'offrir à un monstre?
J'ai peur...
Souffrir. Blesser. Meurtrie. Frapper. Ouverte. Qu'est ce qu'elle avait peur, à son cœur battant, à ses joues brûlantes, son souffle court, sa gorge sèche, préparée à hurler, là, devant l'objet de son désir et de sa peur, là, lasse... Oh qu'elle peur n'aurait elle pas endurée pour le quitter! Oh qu'elle envie n'avait-elle pas de l'abandonner! Elle serait morte pour le laisser.
Mais il était trop tard. Et elle avait quelque chose en elle qui était plus fort que n'importe quelle souffrance. Plus dure. Plus celte. Viking.
Elle ouvrit sa main, lui présenta, Blanche, pure, presque sans marque, les ongles fins et blancs, la peau sans ride. Aucun duvet, aucune marque. Juste blanche, blanche...


Continúe.

Et puis elle ferma les yeux.
Adossant son dos à son fauteuil.
Ne sentant plus que la pression intense de ses artères à son bras.
Et le parfum au jasmin à son poignet.
Aucune angoisse, aucune libération.
Et bien qu'elle aurait vomi de le voir, elle ouvrit les yeux et le regarda. Inclinant légèrement le visage, dressant vers lui un front qu'on aurait baisé tant il était fier. On voyait qu'elle appréhendait, parce qu'elle serrait les mâchoires avec une force évidente ; mais on sentait aussi le courage qui se dégageait d'elle, bien plus dru que la lame, bien plus dense qu'une femme. Il y avait le poignard ; et il y avait elle. Elle tendait la main si fermement, que peut être croyait-elle que son bras en s'offrant deviendrait plus dur que la pierre. Statue femme. Statut de Reyne.


Auriez-vous peur ?

Il trancha.
Et sa main, comme pour pleurer, s'effondra en deux pétales de chair carmin.
Astaroth, incarné par Blanche_


Plus elle le narguait, plus il la trouvait.
Touchante.
Plus il la trouvait tout court. Sa femme. La chef de sa mesnie, la chef de ses manies, sa femme... Elle avait une main d'enfant, et elle lui offrait pourtant comme un homme. Elle ne faiblissait pas, quel sang de race... Il savait qu'en la sectionnant elle ne broncherait pas. Il savait que c'était inutile de la mettre à l'épreuve... Puisqu'il l'avait déjà fait. Il avait eu envie qu'elle souffre, maintenant il n'avait plus que envie d'elle.
C'était une envie comme une autre...

D'un geste sec il pénétra sa peau, la fit humide et pleine de sang. Il n'appuya pas si fort, mais la lame était de qualité, et la chair fut entaillée en profondeur. Alors, dans un geste aussi paternaliste qu'adorateur, il baisa le mont de chair sous le pouce, pur de tout sang, et essuya dans les replis de sa barbe le sang qui s'était logé.
Elle saignait encore ; c'était aussi rouge que brillant.

A toi.

Il arracha son gant d'un geste sec, imposa une lame forte dans sa paume pour qu'elle tranche. Il avait envie d'en finir. Il voulait la serrer contre elle et échanger leur sang. En face d'elle, surplombant sa peau, un tatouage d'hermine noire. C'était fait exprès. Symbolique...
Envy.


_____________
Blanche_
Les larmes vinrent en masse. Rempart de chair que ses paupières qui refusaient de les laisser passer. Et rien ne coula, elle garda tout, dominante, forte, courageuse jusque dans la domination de l'indomptable, son propre corps. De deux peines elle ne savait laquelle était la plus horrible : sa chair, vidée qui pleurait chaud sur le sol, ou savoir qu'elle collerait ensuite dans le plus symbolique que tous les actes sa propre âme contre la sienne. Car n'était-ce pas ça, le souffle vital ? Son âme, son sang, son être, ses ancêtres ?
L'excitation, et la souffrance avaient rendu ses yeux plus brillants. Elle vit que cela modérait la tempérance de l'espagnol. Elle aurait voulu reculer, mais elle se contenta de baisser les yeux.
Pleure, c'eût été lui faire une trop grosse faveur ; mais déjà il la voyait hors de tout protocole, hors de tout masque... Quand la dernière fois avait-elle eu les yeux si brillants si plein de larmes devant un homme ? Devant un être humain ? Pudique, la Serrant n'avait octroyé au public et à sa famille que de rares moments de détresse. Pour ainsi dire, elle paraissait froide et indifférente à tout, tant elle excellait dans l'art de dompter ses sentiments. Nous l'avons dit, c'était un jeu de sabre auquel elle connaissait toutes les règles ; eût-elle su qu'il trichait, et les choses auraient été différentes, mais à cet instant où tout semblait parfaitement régulier, l'on voyait juste les cartes des uns et des autres se dévoiler. Elle venait d'ouvrir la partie en lui tendant l'as de cœur.
Le souvenir de la façon dont il l'avait ouverte lui revint ; elle posa la lame sur sa paume, l'ouvrit en deux. Il ne broncha pas ; l'avait-elle blessé si peu ? Pourtant, la paume saignait, répandait un sang rouge sombre sur une peau couleur de nuit. Elle trouva sa peau, ainsi tailladée, relativement jolie. Peut être était-elle un peu folle... Quoi qu'il en soit, il lui plût.
Ils fermèrent les yeux, et chacun d'eux pu sentir remonter en lui l'absolue totalité de sa vie, et de ses souvenirs. D'aucun s'en souviennent qu'une vaste parte de sang -telle qu'ils la vivaient en couvrant le sol d'un lait carmin- peut produire une réminiscence affolante d'à peu près tous ses souvenirs... Blanche ainsi, ressentit Rohan et ses frères et soeurs, ses parents, ses ancêtres. L'illustre Gomoz lui même, accompagné de sa femme Amra, sembla occuper un instant la vaste vallée de sa chair recroquevillée, alors qu'ils s'enfuyaient tous les deux dans la marre de sang. Oh, cette cascade c'était les siens, et elle les connaissait par cœur. Lorsque l'instant fut parfait et qu'elle ressentit toute cette vie à la perfection, elle colla toutes ces âmes contre la paume d'Astaroth da Lua, paume ouverte et fendue, d'où sa propre vie allait s'engouffrer.
Elle ne sentit rien la première seconde.

Presque étonnée, elle gardait la main pressée, jusqu'à ce que l’affolement gagne son cœur et le fasse trépigner.
Ce qu'elle ressentait n'avait eu aucun précédent.
Elle voulut crier, elle voulut retirer sa main, mais la plaie était comme collée à cette d'Astaroth. Les doigts du mâle, en serres, se refermèrent sur elle. Elle aurait voulu se la couper pour en être délivrée.
Le sang partait en lampées glacées vers la main de l'homme.
Et en retour, la sienne se délivrait d'une brûlante vie, d'une maligne sensation qui gerçait jusqu'à sa peau, cramait, dorait ses doigts, pétrifiait ses phalanges en les faisant sentir comme des petits sauts d'anges à chaque extrémité. Le diable, c'était lui. Tout du moins sembla t'elle le réaliser alors qu'elle commençait à partager avec lui ce semblant d'âme. Il râla, alors qu'elle sentait sa tête devenir lourde ; c'était étrange d'ainsi se sentir chavirer, avec si peu de vie dans son esprit et tant dans sa main... Elle ferma les yeux, il resserra plus fort sa main, et un peu de sa semence chaude -quoique c'était bien du sang- fit comme un bond dans son bras.
Gagna son épaule. Son dos. Son sein prit une couleur rosée intermittente, et alors qu'il rougissait d'ainsi se laisser pénétrer, son corps s'arrêta.
Ou sembla le faire...
Elle dodelina de la tête, pâle à mourir, et récita avec lenteur les termes sacrés de cet échange ultime. L'unicité d'une telle pratique rendait les choses macabres et divines. La blanche mêlée au noir, enserrée dans ses doigts et son sang, qui avait l'impression de s'offrir à sa possession.


Je, Blanche de Walsh-Serrant, promets de te prendre toi, Astaroth da Lua, en unique époux, je reconnais tes pères comme les miens, j'accepte de porter ton engeance comme la mienne.


La main blanche caressa la main noire.
Puis les deux prirent une teinte semblable. Seuls les ongles différaient, ainsi que la taille des doigts et les poils les recouvrant. Mais, indiscutablement, ils étaient liés.
Ils partageaient la même race.

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