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[RP]Entretiens tavernicoles

Assyr
[Même soir - Chambre rouge de l'Épi chantant]




Elle ne parlait pas mais cela n'était même pas nécessaire. De toute façon, dans l'état où il était, Assyr n'aurait sans doute pas pu écouter quoique ce soit. Il avait l'impression de baigner dans un brouillard de coton. Et chacun des gestes de Boulga l'apaisait, ou bien était-ce l'alcool, il n'arrivait pas vraiment à savoir. Enfin il ne se posait même pas la question ; il était bien voilà tout. Après cet effondrement soudain et le torrent de larmes versé, la douleur commençait à s'estomper. Petit à petit, un sentiment de bien-être l'envahit. Les larmes cessèrent de couler, les sanglots s'arrêtèrent progressivement. Il sentit alors la délicate pression exercée par la jeune femme qui essuyait son visage avec un linge humide. Elle était douce.

Il ouvrit alors les yeux, le voile brumeux se déchirant, et elle lui apparaissait enfin, entouré d'une sorte de halo, tel un ange. Sa vision l'apaisait. Elle était jolie, gracieuse. Son visage, son attitude exprimait une grande compassion, une empathie qu'il n'avait jamais vue chez quelqu'un d'autre, comme si elle comprenait exactement ce qu'il pouvait ressentir. Toujours aucun mot n'avait été échangé jusque là. Il rompit alors le silence dans un murmure.


- Merci.

Boulga continuait de lui éponger le visage. Il l'arrêta alors en lui prenant la main qui vagabondait sur sa figure. Elle était douce et paraissait si petite et fragile comparée aux mains rudes du vigneron, plus habituées aux travaux des champs et au maniement des armes. Un léger frisson parcourut son corps. Il serra un peu plus la main de l'intendante, puis il la posa sur sa poitrine, juste à l'emplacement du cœur. Celui-ci battait la chamade ; était-ce provoqué par Boulga, par sa douleur, par l'alcool, par le souvenir de son Armoria à jamais disparue ? Il n'aurait su le dire tant tout était mêlé, tant tout s'entrechoquait dans son cerveau. La seule chose qu'il savait c'est qu'à cet instant, il avait besoin de tendresse, de sentir la chaleur d'un corps contre son propre corps. Il attira la jeune femme à lui et déposa sur ses lèvres carmins un tendre baiser.
_________________
Boulga
Votre bouche dit : baisiez-moy,
Ce m'est avis quand la regarde.
Laissiez m'avoir par votre foy,
Un doux baisier, sans que plus tarde*



Vraiment, c'eût été malhonnête à la jeune fille de prétendre qu'elle fut totalement prise au dépourvu par ce qui arriva. Tout se passa un peu comme dans ces rêves où vous anticipez tellement fort la suite que vous ne manquez pas de la susciter.
Et à la vérité, depuis qu'elle avait refermé la porte de la chambre rouge, Boulga n'avait plus prise sur aucune des émotions qui lui tournait les sens. Aussi n'offrit-elle aucune sorte de résistance lorsque l'ambassadeur lui prit la main et la posa sur son coeur, juste après avoir murmuré un merci. Elle s'étonnait seulement de son propre abandon, si rapide et si aisé, le souffle raccourci et les tempes bourdonnantes.
Mon senher m'encourage à enrichir mon expérience auprès d'autres hommes... je ne fais que lui obéir... de verda...
Mais il y avait autre chose.
Car Boulga, au fond, se fichait bien d'enrichir son expérience et d'obéir sur ce point précis. Cela c'était le discours convenu entre elle et le blond baron.
Sensibilité extrême, empathie, sa soif d'émotions lui faisait s'ouvrir à celles d'autrui, en particulier à celles que son senher ne partageait qu'extrêmement rarement.

Son Excellence Assyr n'était plus d'une extrême jeunesse, tant s'en fallait, mais il était taillé comme un homme sérieux, avec des mains solides et puissantes qui indiquaient de rudes journées de labeur. Des mains respirant la vie. Qu'il soit beau ou non de traits importait peu. La jeune fille se laissa entrainer contre le large corps plein de chaleur et une bouche se pressa délicatement contre la sienne.

Ah !

Le coeur bondit. Et lui remonta brutalement au bord des lèvres.
Les effluves d'alcool. Qui faillirent éteindre le violent désir qui venait d'embraser Boulga.
Un petit effort, des yeux clos, une pensée pour ce qu'elle avait déjà partagé dans cette chambre rouge, et elle décida de prendre l'affaire en mains. Et imperceptiblement, ce fut elle, la petite femme aux airs souvent timides et aux rougeurs faciles, qui renversa Assyr sur le lit, sans cesser de l'embasser.
Sans brusquerie aucune. Mieux valait ne risquer aucun débordement fâcheux lié à l'abus d'hypocras ou autre divin nectar. Et pour l'heure, Boulga s'enivrait des soupirs réguliers que son amant improvisé exhalait.

Il faut croire cependant que le Très Haut veille toujours au grain.

Rrrrr...... pshiiiiii.... rrrzzzz..... psssshhhhiiiii..... rrrzzzzz.....pshiiiii

La jeune fille venait d'achever de délacer tous les noeuds de son corsage, d'une seule main, lorsqu'elle se rendit compte que les soupirs exhalés, s'ils étaient toujours aussi doux et réguliers, n'émettaient plus tout à fait la même musique.
Un regard suffit : son Excellence l'Ambassadeur de Bourgogne dormait à poings fermés.


Heu... bon.

Autant en prendre son parti.
Elle ramassa les affaires de l'invité, les plia soigneusement, acheva de se dévêtir et se coucha elle-même pour un sommeil sans rêves.
Demain est un autre jour. D'ailleurs, elle s'éveilla aux premières lueurs de l'aube et fila peu après vaquer à ses travaux. Son Excellence dormait toujours.



* Charles d'Orléans
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Assyr
Il l'avait embrassée et elle en avait fait de même. Puis, elle prit la direction des opérations. Assyr était bien trop imbibé d'alcool pour le faire lui même. C'est comme si chaque geste qu'il faisait se déroulait au ralenti. Ses bras lui paraissaient tellement lourds qu'il avait même du mal à étreindre l'intendante du baron. Finalement, il se laissa faire. Que ses baisers étaient doux et sucrés. Ils avaient un goût d'amande, d'amande grillée, à l'image des petites gâteaux de la région. Et son parfum, que dire de son parfum ! Il l’enivrait complètement. C'était un mélange, à la fois de senteurs boisées, de pin, et de lavande, de romarin, un parfum qu'il n'avait encore jamais senti sur les femmes de sa connaissance. Sans doute était-ce une spécialité du Sud du royaume.

Boulga commençait à être entreprenante tant et si bien que le Bourguignon émettait des soupirs de plaisir de façon régulière. Il se sentait bien, il se sentait calme, il se sentait apaisé. Ses yeux se fermaient d'eux-même tant le bien-être qu'il éprouvait était fort. La Mendoise l'abandonna un instant afin de délasser son corsage. Les yeux du diplomate se faisaient de plus en plus lourds, son souffle se faisait de plus en plus profond et régulier, son corps se laissait de plus en plus aller. Progressivement, son souffle se transforma en un léger ronflement qui ne trompa la jeune femme : il s'était endormi.

La nuit fut plutôt agitée pour le Tonnerrois. Armoria, sa chère Armoria, cette femme à jamais hors de sa portée, hanta ses rêves . Il la voyait souriante, joyeuse, courir dans les couloirs d'une demeure, gambader dans les champs. Et lui il essayait de l'attraper, en vain. Elle s'échappait à chaque fois. Il était tout près d'elle, il était sur le point de pouvoir lui prendre la main, lui déposer un baiser sur la joue, lui toucher le bras, et, à chaque fois, elle disparaissait pour se retrouver un peu plus loin souriante et moqueuse.

Il se réveilla alors. La matinée était déjà bien avancée. Le soleil inondait la pièce de ses rayons pâles. Il ouvrit les yeux et découvrit cette chambre qui n'était pas la sienne, un lit qui n'était pas le sien. Et là, au même moment, il sentit son crâne aussi lourd qu'une enclume.


Par saint Bynarr ! Ma tête !

Ça cognait dure, la gueule de bois était carabinée. Il essayait de se masser les tempes pour calmer la douleur mais cela n'avait que peu d'effet.

Mais où suis-je ? Comment je suis arrivé là, moi ?

Il scruta la chambre pour essayer de trouver un indice ; il essaya de se souvenir, mais son mal de crâne rendait la chose difficile. Des bruits assourdis venant du rez-de-chaussée commençaient à lui parvenir. Petit à petit, il distingua des rires, des bribes de conversation. Les souvenirs lui revinrent alors : il était à l'auberge, celle de l'Épi chantant, celle du baron d'Apcher et de Randon. Puis, il s'aperçut qu'à côté de lui, les draps avaient été froissés, comme si quelqu'un avait dormi là.

Ventre-Dieu ! Qu'ais-je fais ?!

Qui avait pu dormir là, à côté. Et surtout que s'était-il passé ? Il essayait de se remémorer la soirée, mais tout était si flou, si mélangé. Et puis lui revint son embrassade avec le baron. Non, ça ne pouvait pas être lui, définitivement. Mais qui d'autre alors ? Un flash, alors, une jeune femme brune, douce, tendre lui apparut.

Tudieu ! Boulga !

Il se mit sur son séant au bord du lit, se prit la tête dans les mains et resta là, un moment à réfléchir, perplexe, gêné, inquiet. Qu'allait-il lui dire ? Qu'allait-il faire maintenant ? Que dirait le baron ? Il ne pouvait se permettre de lui déplaire. Que dirait la princesse si elle l'apprenait ?

Il finit par se lever, s'habilla rapidement, sortit de la chambre sans faire de bruit, descendit tout aussi discrètement les escaliers et tenta de s'éclipser de l'auberge sans se faire remarquer. Il paierait le baron plus tard, en tête à tête. Il lui expliquerait alors, et il comprendrait, enfin il l'espérait.

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Boulga
[Des lendemains qui chantent moyen]

Il eut été difficile de prétendre que Boulga se sentait coupable après ce qui venait de se passer la soirée et la nuit précédente, puisque précisément, il ne s'était rien passé.
Mais il se trouve toujours des petits évènements qui viennent vous rappeler que votre bonne conscience est un peu bon marché. En l'occurrence, pour Boulga, ce ne fut pas un petit évènement, mais un échange avec son senher, quelque temps avant les vêpres.
C'était à l'Epi chantant. On revient toujours sur les lieux du crime.
Oh ! La jeune fille avait bien l'esprit tranquille, d'abord, et pouvait avouer sans gêne qu'il ne s'était rien passé du tout dans cette chambre rouge. Mais à bien y regarder, s'était-il vraiment rien passé ? Elle avait dormi là, après tout, à côté d'un homme qui n'était ni son époux, ni son amy officiel. Les apparences étaient contre elle. Elle se défendit en évoquant les vapeurs d'alcool qui soulèvent le coeur qand on n'est pas ivre soi-même. Le senher Salvaire approuva. Mais il la regardait fixement, sans la lâcher un instant, soupçonneux et pressant.
Et puis, il y avait eu ce baiser. Donné puis rendu de bon coeur.
Et Boulga n'en parla pas à son senher, premier mensonge par omission. Elle ne parla pas non plus du désir qui l'avait saisie et de l'initiative qu'elle avait prise. Mais elle sentit le malaise et la honte la gagner, osant à peine lever ses yeux vers Salvaire. Le coeur lui battait si fort qu'elle pouvait l'entendre distinctement.
Elle allait tout avouer quand un visiteur interrompit brusquement l'interrogatoire.

Soulagée, la jeune intendante le fut sur le moment.
Mais sa conscience garda l'emprunte des questions soulevées par son senher. Pour sûr, elle devrait y revenir. Avec lui. Avec Assyr. Ou seule, en face à face avec le Très Haut.

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Boulga
[Quelques jours plus tard]


Son senher lui faisait goûter au régime sec depuis... combien de jours ? Pas tant que cela en vérité, mais ça n'avait pas d'importance. Charges et responsabilités pesaient lourd et apportaient leur lot de fatigue. Les vives tensions dans le petit village mendois également. Et puis, Boulga - avouons-le - avait d'abord achevé une affaire commencée un peu plus tôt.

Adoncques, ce soir d'août, le double baron aux flamboyantes bottes rouges était si épuisé qu'il monta seul dans une des chambres de son auberge.
Le spectacle improvisé de bolas que Louis Track donna au comité restreint resté en bas, fit venir quelque idée à Boulga. Ou plutôt le désir de se retrouver seule avec son senher à la faveur de la nuit, et peu lui importait ce qu'ils en feraient. A la vérité, elle espérait qu'il serait déjà endormi et qu'elle pourrait profiter de ce moment de quiétude.

Elle monta à son tour peu après.
Il n'avait pas verouillé la porte. Oubli ? intention délibérée ? Il n'y avait plus que la lune au dehors pour éclairer la pièce à travers la fenêtre.
La jeune fille s'assit sur le rebord du lit et après empli ses yeux de l'or des flammes dansantes, les laissa s'habituer aux ombres argentées qui flottaient dans la chambre.
Il dormait bel et bien. Non, elle n'allait pas le réveiller. Seulement le regarder et boire jusqu'à la dernière goutte ce moment de parfait abandon qu'il lui offrait à son insu. D'ailleurs, dans les histoires, ce n'était pas à la demoiselle de réveiller le chevalier. Son sein se gonfla d'un long soupir qu'elle étouffa doucement. A défaut des doigts, elle le toucha des yeux, depuis la mèche blonde - fatiguée sans doute elle aussi d'avoir bien voltigé - jusqu'au bout des pieds. A n'en pas douter il était sien. Nul besoin à cet instant d'un baiser ou d'un quelconque autre contact pour s'en persuader. Ni même d'un mot.

Plus encore, elle était sienne.
Peut-être, plus tard, serait-elle à un autre aussi entièrement. Assyr ? Peut-être, le lien esquissé avec lui conduisait sur cette route. Encore fallait-il la suivre pour s'en assurer.
Mais ce jour, ou plutôt cette nuit était habitée par Salvaire d'Irissarri. Il imprégnait ses pensées, son coeur, s'imprimait dans sa chair et courait dans ses veines.

En attendant le jour nouveau où elle devrait retourner à son ouvrage, elle retira ses vêtements en silence et s'étendit à côté de son amant bien-aimé, à distance respectueuse... de son sommeil, et ferma les yeux à son tour, la tête remplie d'images de bottes rouges et de mèches d'or.

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Coleta
[Un jour de relâche, en l'absence du maître des lieux et de mestra Boulga]



Coleta menait la belle vie en l'absence de sa maîtresse, san bureau à tenir et sans vaches à garder. Le blé, c'était Kassimir qui s'en occupait. Alors en attendant, la petite venait à l'Epi chantant, de préférence quand il n'y avait personne, et profitait de moments de solitude pour jouer à la tavernière ou à la dame, ce dernier rôle ayant tout de même sa préférence.
Là, elle retirait le drap qui recouvrait la harpe de Boulga, s'installait à peu près comme elle avait vu faire à sa maîtresse, et chantait de jolies chansons des temps anciens, des trucs de troubadours, toujours.


(1er couplet)
Jadis régnait un prince
Joli comme le jour !
Les dames de province
Pour lui mouraient d'amour !


L'une, la plus jolie,
Mignonne faite au tour
Pour passer son envie
S'en fut droit la cour.


(refrain)
Pan pan, pan pan
Beau prince aux cheveux bouclés
ouvrez-nous à l'instant même !
Ouvrez gentil prince, ouvrez,
A la femme qui vous aime !


(2e couplet)
Vous ferez bien madame
De vous en retourner,
L'objet de votre flamme
Vient de se marier

A sa femme fidèle,
Il renonce aux amours;
"C'est très bien" dit la belle
"J'repasserai dans huit jours"
*



*piqué dans les Brigands d'Offenbach.
Boulga
[D'Epi chantant en dépit amoureux]

Une raison, elle devait se faire une raison. C'était l'évidence. Non dite parce qu'évidente, plan segur et qui s'imposa brutalement à Boulga le jour où elle entreprit un grand ménage à l'Epi chantant.
Son senher l'en avait nommée tavernière, et comme elle était aussi intendante et qu'elle venait d'achever grand ménage à Randon, elle allait faire de même à l'Epi. Sols nettoyés, bois pour la cheminée rangé et entassé à côté, vaisselle changée, godets remplacés - surtout que ceux-ci avaient tendance à voler à travers la salle et à s'écraser contre les murs les jours bus - escalier ciré - mais pas trop pour éviter les accidents. Puis elle s'attaqua aux chambres.
La chambre verte, d'abord, claire et calme, aux tons aussi doux qu'une matinée de printemps et Boulga laissa un moment ses pensées errer vers le printemps précédent, oublieuse des peines que son senher lui avait infligées et ne se souvenant que de ses douceurs. Disparues, envolées les autres donas. Evanouie la promise. Dissoute dans une brume lointaine la feue reyne Beatrice.
Mais pas la vivante et belle Melisende d'Euphor.
Melisende... C'était ici que...
Boulga s'arrêta un instant, le coeur battant, avant de reprendre sa tâche et de finir d'apprêter le lit qui trônait au centre de la pièce, entouré de rideaux.
Folle, folle folle, elle avait été. Et folle elle restait.


Quand elle eut achevé et qu'elle s'attaqua à la chambre rouge, elle ne put en franchir le seuil. Les souvenirs lui revinrent d'un coup, brûlants à la faire suffoquer. Les jambes tremblantes, les mains fiévreuses, elle referma la porte et vint s'assoir sur la première marche de l'escalier. Perdu, oui, perdu pour elle était l'amour de son senher. D'ailleurs, il l'avait même engagée à partir en voyage avec Tones et Xias, "pour découvrir le monde et se trouver un mari". Les mots lui martelaient la tête et lui étreignaient le coeur.

je demanderai à Johana de s'occuper de la chambre rouge.

Elle voulut se lever, résolue, mais au lieu de cela elle plongea son visage en feu dans ses mains et fondit en larmes.
_________________
Boulga
[Dans les premiers jours de novembre... ou plutôt dans la nuit du 4 au 5 novembre 1460.
Boulga à la broderie]


Boulga s'affairait près de l'âtre, à la lueur de la petite flambée, concentrée sur son ouvrage et la tête si pleine de pensées qu'elle en exprimait une partie à voix haute, bien assurée de se trouver seule à cette heure-ci.

Tout de même, il s'en est passé des choses ce jorn !

Et elle passa ces choses en revue, tout en tirant sur le fil d'or du galon qu'elle était en train de broder. Car oui, Boulga brodait, et avec application.

Il y avait d'abord eu sa décision de se présenter aux élections municipales. Un projet qu'elle avait depuis longtemps et qu'elle n'avait encore jamais mis à exécution, mais cette fois, elle avait sauté le pas. Les encouragements et la fierté affichés par son senher lui avaient causé vif plaisir et beaucoup de ce trouble délicieux qu'elle s'efforçait toujours de cacher derrière son air aimable, souriant et sérieux de jeune femme sage. Il avait même parlé à un moment de lui octroyer une seigneurie.

tudieu, qu'en ferais-je donc ?

Boulga tira avec précaution sur le fil d'or afin de défaire le noeud qui menaçait de se former.
Une seigneurie ? non, cela elle n'y était pas prête. Elle ne servait pas le bel et blond baron par intérêt. D'ailleurs, quand il l'avait engagée, il n'était pas encore baron. Bref, ce n'était pas d'actualité.
son esprit remonta un instant le fil de ses souvenirs : quelques mois plus tôt, un soir de printemps, un autre double baron, petit et brun, lui avait proposé de l'emmener avec lui et d'en faire sa vassale...
Té, après tout, pourquoi refuserait-elle à son Salvaire ce qu'elle avait refusé à Jehan Djahen ?


Aïe !

L'aiguille la piqua au doigt à nouveau.
Allons, un peu de diligence, que l'ouvrage soit achevé avant le jour. Avant son départ.
Et voilà, encore un coup du Très Haut qui la mènerait elle ne savait pas trop où. Enfin, si, concrètement, elle allait embarquer pour Alexandrie, emmenée par un vieil ami du senher Salvaire. Le même genre de coup qui lui avait fait suivre le double baron jusqu'en Lengadoc et s'accrocher à ses basques jusqu'à présent. Il fallait bien un cas de force majeure pour la décrocher. Arriverait-elle à destination ?

Elle ne put se défendre de certaine inquiétude. la mer, c'est dangereux, on y croise pirates, barbaresques, tempêtes, toussa. Et son coeur se faisait lourd à l'idée de ceux qu'elle laissait derrière elle. Et si elle allait se retrouver définitivement séparée de Lui ? Si la dona Mélisende... Et si elle allait Le trouver marié à son retour ?

Un coup un peu sec et le fil d'or se brisa.
Elle avait accepté de partir sans réfléchir aux conséquences.
Et puis il y avait le jeune Rostang qui se mourrait. Encore une histoire étrange et triste que celle-ci. L'esprit du jeune homme semblait hanter l'Epi chantant à ses heures et s'y livrer à moult facéties. Etait-ce les pensées de Boulga qui lui faisaient croire à sa présence, était-elle sujette à quelques hallucinations ? Cela se pouvait, car voilà quelques nuits qu'elle ne dormait pas tout son saoul, occupée qu'elle était à tisser ce fichu galon !
Et tandis que ses doigts s'activaient à réparer le petit dégât, elle pria pour que Rostang recouvre la santé.

Le fil d'or reprit sa course.

Dans moins d'une journée, elle ne serait plus à Mende.

_________________
Boulga
[Quelque heures plus tard, juste avant le départ]

Boulga avait attendu jusque tard pour dire au revoir de vive voix. Partir pour si loin, et que le voyage se décide en si peu de temps, rien n'était moins facile à accomplir pour la jeune fille, malgré l'excitation de l'aventure. Les risques étaient considérables et son coeur saigna à l'idée qu'elle ne reverrait peut-être aucun de ceux qui lui étaient chers, ni le plus cher entre tous.
Elle aurait aimé Le serrer contre elle pour se donner du courage, mais elle se résigna à étreindre le vide. En se refermant sur sa poitrine, sa main rencontra le précieux velin des vertus, le cadeau de son senher.

Elle prit alors la plume et des parchemins

Au bel et blond baron d'Apcher et Randon :




Très cher et très aimé senher,

je regrette de n'avoir pas eu le loisir de vous dire au revoir de vive voix. Je prierai pour votre conservation pendant mon absence et j'espère vous retrouver de si bonne santé et humeur que vous puissiez pleinement des connaissances que j'aurai acquises. J'espère de vous retrouver tout court. Priez le Très-Haut qu'il ne nous arrive aucun malheur. Je tâcherai de vous envoyer nouvelles régulières.
Qu'Il vous tienne en sa Sainte protection
Votre très fidèle et dévouée Boulga



A Lahire :




Cher mestre Lahire,

mon départ fut si soudain que nous ne nous sommes pas dit au revoir et je le regrette fort. Je compte sur vous et vos talents pour veiller sur notre double baron, et je vous accorde que mes prières pour sa conservation seront peut-être moins immédiatement efficaces que votre présence.
Je tâcherai de vous faire récits des contrées visitées si fidèles que vous aurez envie de les peindre.
Portez-vous bien, vous aussi.

Votre amie Boulga

PS : j'ai donné instructions à Coleta et Kassimir pour notre petit projet



Voilà, chacun sa lettre, qu'il trouverait à l'Epi chantant. Elle en ferait porter une à Boulie. Et une autre à Rostang qui ne serait peut-être jamais lue.
_________________
Orville.bernard.bianca
Les mêmes messagers qui avaient porté missive chez messer Rostang firent une halte à l'Epi chantant :



Très aimé senher, et très cher ami Lahire,
je ferai un petit passage à Mende jeudi, avant de repartir dès le soir. Mon coeur se réjouis à l'avance de vous revoir et de passer quelques moments en votre compagnie. D'autant que cette fois-ci, mon voyage durera plusieurs semaines, sans certitude d'être là pour la Noël, même si je l'espère très fort.
Si Boulie n'est pas disponible, vous la saluerez chaleureusement de ma part ?

Adissiatz
Le très Haut vous protège
Boulga
Iris_veronesa
Mois de décembre, liquidation totale avant fermeture

Citation:
~~~~~~~ Avis du jour, bonjour ! ~~~~~~

En cours de fermeture. Plus rien à manger.
Reste une dizaine de chopes à boire.
épicétou !





Les pérégrinations d'Iris la conduisirent à Mende en cet hiver 1460, mais elle ne voyait la ville que comme une étape parmi d'autres, avec sa curiosité d'étrangère qui découvre un nouveau pays et commence à s'y habituer. Iris venait de la ville de Vérone, en Vénétie, sur les bords de l'Adige, où des constructions séculaires encore bien visibles et utilisées par les Véronais attestaient le très riche passé d'une civilisation de vainqueurs, et le présent de commerçants audacieux, agressifs et prospères.
Elle était fille d'une riche courtisane à la moue dédaigneuse qui ne semblait se souvenir de l'existence de sa fille que pour se vanter en public de l'avoir conçue avec un membre de la prestigieuse maison des Scaligieri, ainsi que pour se préparer à en tirer des revenus conséquents lorsqu'elle la vendrait au plus offrant.
Iris était belle pour ses contemporains et compatriotes. Elle était aimable et toute son éducation la poussait à l'être. 'Jardin des Délices"- Hortus Deliciarium - était le surnom que lui avait donné un cardinal de passage à Vérone. Elle avait constament cherché le regard bienveillant de sa mère et s'était contentée de paroles approbatrices à l'égard de ses progrès et de son accomplissement, en les prenant pour des marques d'amour maternel.
Le voile se déchira un jour de la plus brutale des manières lorsqu'un jeune cavaliere dont elle était tombée amoureuse tenta de la violer avec quelques-uns de ses compagnons et cria avec dépit que sa mère n'était qu'une menteuse et une voleuse, à laquelle il avait payé une fortune la virginité de sa fille qu'on disait docile, et bien évidemment qu'il allait se venger.
La jeune fille ne dut son salut qu'à l'intervention d'un spadassin sorti de nulle part, un colosse taciturne qui mit en fuite les godelureaux.
Iris dut fuir à son tour et comme le spadassin ne semblait pas très net avec la justice mais qu'il avait le bras fort, elle le suivit et ils traversèrent les Alpes.
Ces incidents avaient brisé l'italienne à l'intérieur. Sous ses dehors aimables et chaleureux, le coeur demeurait froid. Sa peau frissonnait au moindre contact et sa chair se rétractait instinctivement. Elle éprouvait une sorte de répugnance viscérale pour les choses de l'amour, fuyait les sentiments et se méfiait comme d'une maladie grave de leur démonstration.



Iris songeait à tout cela lorsqu'elle s'éveilla dans la chambre rouge de l'Epi chantant. Elle tapota légèrement le coussin qui la séparait du signor barone, comme si elle voulait s'assurer qu'il était toujours là et que la nuit avait été chaste comme promis. Elle tourna la tête vers la fenêtre à travers laquelle elle devinait un ciel blanc de neige. Elle aimait le froid et la neige car ils lui parlaient.
A priori, le blond Salvaire n'avait rien qui aurait dû la charmer : il avouait sans vergogne avoir besoin des "donas", comme il disait, pour le plaisir, il ne parlait pas d'amour, faisait une cour bien loin des subtilités des courtisans, montrait sa vantardise, avait au moins une amie connue à laquelle il ne songeait pas à être fidèle en exclusivité, quoi d'autre ?
Iris sourit ce matin.
Vantard, égoïste, insensible, sûrement un peu mufle, même ? mais terriblement sincère et homme de parole car il ne l'avait pas touchée. La Véronesa se demanda s'il ne serait pas trop déçu de son refus de se laisser toucher. Il est certain que la déception aurait été plus vive si elle lui avait permis d'aller plus loin car il aurait alors goûté le froid de son coeur et de son corps. Ce froid-là n'était pas amusant comme les boules de neige. Mais les hommes en général sont enclins à croire que leurs mérites font fondre instantanément les glaçons les plus résistants et ils ne pensent pas qu'un glaçon qui fond, c'est des larmes de douleur.

Cospetto !

Le coeur de la Veronesa était à l'abri avec l'Irissarri, et bien que toute son éducation l'avait habituée à rechercher compliments et marques d'intérêts, et qu'elle concevait un certain dépit que le signor barone ne lui dise pas des mots d'amour, elle décida que tout était pour le mieux ainsi, qu'il n'en était que beaucoup moins dangereux et plus digne de confiance.

La chambre rouge devait sûrement en avoir vu d'autres et Iris sentit un rire monter doucement lorsqu'elle pensa que cette dernière nuit de son existence avant fermeture avait été plus chaste encore que devait l'être la chambre verte.
Elle repoussa sa longue chevelure d'or blond et avança la main vers celle toute chaude de son voisin.

Signor barone, signor barone, buon giorno, vous m'avez promis une de vos douceurs aux amandes, hier soir.
_________________
Boulga_
[erreur de manoeuvre, je voulais poster en gargote ]
Salvaire_d_irissarri
Iris_veronesa a écrit:
Elle repoussa sa longue chevelure d'or blond et avança la main vers celle toute chaude de son voisin.

Signor barone, signor barone, buon giorno, vous m'avez promis une de vos douceurs aux amandes, hier soir.


Douououououceeeee Nuit....dououuuuuccceeeuuuu Nuit.... (et nan, c'est pas là) Sans folie, sans passion, sans ce frisson, sans cette sensation, sans que s'emmêlent les corps et pourtant pas sans tentation...
Il l'avait dit, il l'avait fait et au final ne l'avait donc pas fait ! Il avait promis et avait dormi, sans la toucher, juste en rrêêêver... (voila, c'est là ! surprise hein ?), coussin de nuit entre les deux, simples soupirs en s'endormant et au réveil sa main sur la sienne si douce et si sensuelle. (pfiouuuu..)


Buon giorno itou, belissima veronesa !


Il prit entre les siennes la main qu'elle lui offrait et y déposa un délicat baiser en la regardant, sourire dans les yeux et méche ébouriffée. Ah les matins ! L'après ! Le réveil ! Mais en l'occurrence... juste un réveil mais pas d' après...rien. nada. niente !
Il se leva donc prestement, d'un bond félin et enjoué, et laissant se poser sur son torse musclé les rayons du soleil matutinal, lui laissa tout de même le temps d'observer ce qu'elle avait manqué. Après tout, il n'était qu'homme et bien jeune encore d'ailleurs ; ce qui expliquait sans doute cela; un autre, plus vieux, moins courtois aurait-il eu le cran de tenir sa promesse et toute la nuit durant de l'écouter dormir, respirer, soupirer, sans rien tenter ?
Mais revenons à notre baron, qui justement, au souvenir de ce qui n'arriva point eut soudain pressant besoin de dissimuler à la jeune dame l'effet de ses pensées. Il s'empressa donc de se vetir, dans un soupir et puis ensuite de lui revenir, dans un sourire :


Des croquants ! Plan segur, des croquants aux amandes !
Venez, douce italienne ! Nous allons célébrer dignement la fermeture de mon auberge et je m'en vais pour vous cuisiner ces délicieuses douceurs puisque je ne puis gouter à celles que me refusent votre coeur. Nous prendrons avec du lait à la cannelle et nous évoquerons nos souvenirs de vie. Je vous dirai la mienne, vous me direz la vôtre et nous aimerons cela, de partager nos âmes, pas vrai ?


Déja, il s'était repris et reprenait le cours de sa vie. Enjoué, aimable, lui tendait la main pour l'aider à se lever, encore pourtant quelques étoiles dans les yeux :

Vous êtes belle, si belle... Prenez grand soin de vous.
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“ Se ne vos pas sentir la fret, te cal minjar un caçolet ”
Iris_veronesa
Elle n'était pas bégueule, la blonde Iris, mais bien plus timide qu'elle ne consentait à le montrer. Elle aima le délicat baiser sur sa main et le sourire des yeux du signor barone, où elle voulut lire qu'il ne lui en voulait pas trop.
Elle le suivit du regard et bien sûr, elle put admirer sa stature d'éphèbe ou de jeune dieu grec, comme on commençait à en voir des représentations sculptées dans toutes les riches maisons d'Italie et sur les places. Mais c'était son malheur, elle s'interdisait tout regard autre qu'esthétique. Prise d'une certaine petite panique intérieure, elle baissa les yeux avant d'avoir vu ce qui aurait causé sa chute si la nuit avait été autre.

Il lui tendit la main et l'aida à se lever :

Venez, douce italienne ! Nous allons célébrer dignement la fermeture de mon auberge et je m'en vais pour vous cuisiner ces délicieuses douceurs puisque je ne puis gouter à celles que me refusent votre coeur. Nous prendrons avec du lait à la cannelle et nous évoquerons nos souvenirs de vie. Je vous dirai la mienne, vous me direz la vôtre et nous aimerons cela, de partager nos âmes, pas vrai ?

Elle se redressa docilement et tint de l'autre main le drap qui devait dérober ses appâts à la vue. Décidément, ce Salvaire savait assaisonner ses compliments de plaisante façon. Elle n'était pas loin de se sentir coupable de son refus. Et mystère du tortueux esprit humain, si les compliments lui firent bien plaisir, elle faillit céder à la panique à l'évocation du partage d'amour et du désir qu'elle pouvait susciter. Le regard se perdit fugacement.
Son éducation de petite fille parfaite, toute en simulation et dissimulation des sentiments ou sensations, vint à son secours :

Je vous suis, signor barone, laissez-moi simplement le temps de passer une robe correcte

Ce qui voulait dire en langage irisien : je vous aime très fort, vous, quand vous me parlez d'échange des âmes, mais ne parlons pas du reste.
D'ailleurs, à propos de reste, une curieuse idée lui traversa l'esprit :

Êtes-vous marié ou promis, signor barone ?

Non pas que la question de la fidélité lui pose un problème, elle était fille de courtisane et il était tout à fait normal que les seigneurs aient des amies de coeur, de corps au vu et au su de tout le monde. Mais elle se demandait si elle aussi un jour serait affublée d'un mari, et si au lieu de profiter de délicieuse collation du réveil, elle ne devrait pas subir le repas de famille.
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Salvaire_d_irissarri


Les mots ne sont pas maux

Le partage des âmes fut bien entendu suivi du partage des corps et depuis tous les jours ne se ressemblant point, toutes les nuits se suivant sans être en toutes choses égales, le couple formait indéniablement une paire.
Assemblage improbable, amour inévitable, langueurs insondables, dans leur soif insatiable l'un et l'autre se rapprochaient, se séparaient, se retrouvaient et la rime venait chaque jour un peu plus les lier l'un à l'autre.

Accord sans désaccord. Les corps soupirent encore...Besoin, envie, plaisir, partage et le temps s'écoulait qui empêchait le baron de s'effacer, de s'évaporer. Disparition repoussée.

Attente, étreintes et le bonheur doucement... peut être ?

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“ Se ne vos pas sentir la fret, te cal minjar un caçolet ”
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