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[RP] Que reste-t-il?

Anaon
    Étranges jours à Petit Bolchen. Le temps s'est suspendu entre les murs de pierres, dans les couloirs pavés de non-dit et de mise en sourdine. Atmosphère de cristal, à peine perturbée par des pas de loup et des mots de velours. Petit Bolchen enrobe ses paroles dans du miel et détourne le regard de ses exactions. Les langues se font des plus subtiles. On ne parle plus d'absence, on ne parle plus de viol, on tait les rancœurs. On joue les aveugles et les sourds. Personnes n'est dupes pourtant. On s'efforce de faire comme s'il n'y avait pas de squelette dans les placards. La demeure a retrouvé un semblant de sérénité. Sérénité troublée mêlée d'une gène certaine. Gène qui se traduit dans des sourires timides qui en disent longs. Étranges heures à Petit Bolchen.

    Le jour frémissait à peine des premiers frissons de l'aube quand la mercenaire a quitté la chambre de Nyam. Voilà plusieurs heures déjà qu'elle dormait paisiblement sous l'œil maternel de l'Anaon. Elle en a alors profité pour s'éclipser un moment allant quérir quelques domestiques pour se faire préparer un bain. La tête noyée dans le bac d'eau, assourdie par le silence qui ne l'est pas tant, la balafrée se livre enfin à quelques mises au point.

    Cela fait quelque jours maintenant que la lettre d'Iris l'a menée à Petit Bolchen, la mettant face à l'infâme qui s'est joué durant son absence et lui imposant malgré elle des retrouvailles troublantes avec celui qu'elle avait abandonné. Les jours suivants, elle les a essentiellement passé au chevet de la Frêle, corps et âme pleinement dévoués dans cette tâche qu'elle prenait des plus à cœur, gardant pour seul horizon ce visage qu'elle couvrait d'une tendresse non feinte. D'une attention sans faille, la mercenaire précédait la moindre de ses demandes, de ses attentes. Dévouée, ce n'est pourtant pas la seule qui bénéficiait de son attention. Le Saint-Bernard de Bolchen s'était quelque peu rapproché d'Iris, la Soumise qu'elle ignorait avant cet événement, de son indifférence presque dédaigneuse. Animées de cette même affection pour la gamine, les deux femmes s'étaient indéniablement entendues. Ne restait que Judas.

    Judas... Soupir dans l'eau qui se répercute en bulle bruyantes. Livrée à ses seules pensées, l'Anaon ne peut plus se voiler la face. Depuis son arrivée des plus inattendues en Bourgogne, la mercenaire se faisait discrète. Désireuse d'être présente, mais inquiète d'agir comme elle ne le devrait pas. La rebelle s'était couchée, écrasée même au pied du sybarite comme elle ne l'avait jamais fait. La main d'ordinaire sévère se faisait des plus douce au contact du Von Frayner. Perdue, ne sachant pas quelle conduite tenir, elle se montrait tendre, livrée, presque timide. Chacun de ses gestes, de ses sourires suintaient le "Pardonne-moi".

    Leurs retrouvailles l'ont profondément perturbée et les convictions les plus ancrées dans son être se sont ébranlées. Écroulées. Ces remparts protecteurs, forgés d'indifférence feinte et de fierté sont tombés. L'Anaon a le cœur à nu. Jamais elle n'aurait imaginé que son absence puisse mettre Judas dans un tel état. Elle l'avait imaginé vexé, rancunier, mais blessé à ce point, non. Anaon et Judas, c'était l'histoire d'un jeu étrange. A croire que la seule règle était celle de se repousser pour mieux se retrouver. Le cœur pour mise. A celui fera le plus mal? Aujourd'hui pourtant, on est bien loin des étreintes combatives, de ces jours où ils faisaient l'amour comme d'autre ferait la guerre. On est bien loin des étreintes tout court. Sans doute n'a-t-on jamais vu le couple aussi chaste que depuis ces quelques jours qui les as réunis. Le jeu est mort? Oui,certainement. Anaon prend conscience que c'est elle qui a tué ce jeu, le jour de sa fausse couche, malgré elle. C'est elle qui a saigné Judas la première, malgré elle. Puisqu'il n'y a plus de jeu, que reste-t-il entre eux? Elle est où leurs arrogance exacerbée, celle là même qui leurs suffisait pour se voiler la face l'un et l'autre, l'un à l'autre? Elle n'est plus. Judas a craqué le premier sous l'émotion il y a quelque jours, en cédant, il l'a fait ployer aussi. L'un a chuté, l'autre a suivit. Que reste-t-il alors entre eux? L'inavouable peut être. L'inavouable qui palpite dans sa poitrine...

    Les poumons quémandent leur air, la tête s'extrait de l'onde limpide et c'est tout le corps qui suit le mouvement. Elle se sèche calmement avant de se vêtir à la garçonne. Fidèle à elle même l'Anaon. Un regard nonchalant se perd dans les rayons naissants qui filtrent au travers d'une minuscule fenêtre. Vision tout simplement apaisante. Les doigts se jouent dans ses cheveux qui sont séché sommairement puis la mercenaire vient rapidement trouver la fraicheur des corridors. Le pas se fait de velours puis s'arrête devant une porte bien particulière. La dextre s'aventure sur le bois avant de la pousser silencieusement.

    Une chambre se révèle à sa vue. Ténèbres perturbés par quelques faisceaux lumineux qui s'immiscent entre les lourds rideaux. Lentement la balafrée s'approche du lit et tout aussi silencieusement elle vient s'étendre sur la couche. Les azurites embrassent alors du regard le visage qui se révèle dans la pénombre qui s’éclaircit. L'oreille se tend. L'esprit s'apaise, bercé par la cadence lente du souffle tout près d'elle. Y'a des plaisirs tout con dans la vie parfois. Deux doigts viennent pincer une mèche de filins sombres qu'elle fait rouler entre ses doigts. Douce attente.

    Il n'y a plus de jeu. Pourtant, je suis là Judas. Alors, dis-moi, que reste-t-il?

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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III - Montage LJD ANAON----[Clik]
Judas
Etranges jours à Petit Bolchen. Elle était revenue. Il avait suffit qu'elle remette l'ombre d'un pied sur ses terres pour briser l'anathème qu'il avait imposé quant à son absence. Et lorsqu'elle avait fait un pas, il n'avait pu que ployer, et lorsqu'elle avait marché vers lui, il n'avait su que se figer. Lorsqu'elle l'avait retenu, elle avait insufflé en lui le désir du pardon. La maudite, la favorite, l'Anaon. L'abandon, la déraison. L'Anaon.

Il avait fallu quelques jours pour ranger de nouveau sa vie, remettre en ordre tout ce qu'il avait défait. Dans sa tête et dans sa couche, il avait fallut ordonner, classer, redéfinir ses priorités... Le silence cloué à sa bouche, c'est avec la peur au ventre qu'il l'avait laissée reprendre ce qu'elle voulait, reprendre les rennes de sa vie. Choyer la Frêle, chasser les amantes qui avaient pallié à sa défection, consciemment ou pas. Lorsqu'elle était revenue, tout le castel avait retenu son souffle. Et Judas l'avait retrouvé, lui, saccadé et éprouvé, douloureux à souhait. Comme le premier d'un nouveau né, lorsque se déploient en éventail ce qui ne cessera de palpiter jusqu'au moment dernier.

Il avait gardé sa chambrine ou couru le bois avec Moran, il l'avait laissé reprendre là où elle l'avait laissé le fil de cette histoire. S'appliquant à ne pas évanouir cette crainte de la voir repartir comme elle était venue, juste pour se sentir vivant de nouveau. Il est question d'amour, nous trouvons cela niais. Il est question de passion et d'affliction, de silence et de non-dit. Nous trouvons cela plus à propos. L'orgueil du Von Frayner avait été malmené, l'envie de rester dissimulé le tenaillait. C'est un peu ce qu'il fit, laissant la Roide quelques jours s'occuper de l'esclave sans chercher à interférer. Comme un enfant fasciné par ses propres blessures, il se rendit compte avec effroi combien le sentiment qu'il abritait l'avait rendu vulnérable et pathétique, combien il pouvait aussi le pousser à commettre de fous gestes. Combien il le détestait, par peur qu'elle ne le partage pas peut-être, par peur qu'elle se gargarise avec.

Car on ne possède pas Roide, tout comme on ne s'approprie pas Judas. Roide et surprenante, conciliante, ou pas, si elle le veut et si l'humeur y est. Roide ne s'écrase pas, Roide ne s'enferme pas dans une fiole sur les étagères d'une pièce exigüe. Roide ne fait pas joli, c'est un ornement qui ne brille pas. Ses contours accrochent, ils blessent, Roide est une faiblesse. Sa faiblesse. Avait-il pleuré? On ne s'en souvient plus trop, on ne comptait plus ses travers cachés. On le voyait dépérir, on voulait l'arroser. Lui rincer le gosier et lui dire " ça ira... ça va aller" . Une de perdue, dix à malmener. Mais jour, nuit et blanche heure avait passé. Elle était rentrée.

De l'Aube à l'Aurore, les jours reprirent un sens convenable, et chacun devait oublier et taire ce passage à vide de l'histoire des amants de Petit Bolchen. C'est ce que le Maistre des lieux s'appliqua à faire en premier, laissant à ses pauvres poumons le temps de s'acclimater à ce renouveau qui s'immisçait. Laissant à l'Anaon l'occasion et l'envie de venir renouer. Il fallait savoir ce qu'il restait de tout cela, des vestiges passés et des ressentis exacerbés.

Et le poids qui enfonce un peu l'épaisseur de la paillasse le sort de ces pensées qui s'entremêlent, on ne se rassure que lorsqu'on tient matière entre ses mains. Main qui vient saisir le geste au vol, et qui attire le corps vénéré de l'autre contre le sien. Ce qu'il reste est là, c'est son parfum qui le fascine, et ce second pas qui l'apaise. C'est Roide au petit jour, Roide toujours. Roide qu'il attendait, hier et ce matin, qu'il aurait attendu encore demain.

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" Nous sommes les folles plumes des inspirations sans règles "
Anaon
    *

    Il reste çà. L'instant. Au final pourquoi aller chercher plus loin quand on prend plaisir au plus simple? Le corps se coule contre celui de l'amant éveillé et la tête repose sans bruit contre la chaleur de sa poitrine. La scène lui tire un léger sourire. Ils n'ont jamais vraiment fait dans la tendresse, c'est peu dire. La douceur, c'était pas vraiment leurs fort. Ni leurs priorité en définitive. Aujourd'hui pourtant, Petit Bolchen vit de drôle d'heures.

    Dans le silence qui les étreint, les doigts s'ébranlent et glissent sur une épaule qu'ils couvrent d'arabesques délicats. Les yeux se voilent de leur paupières. L'oreille se tend, entend. Pulsation qui bat contre l'esgourde. L'âme qui s'apaise s'y raccroche. C'est quoi Judas, ce qui fait battre ton cœur sous ton carcan de chair? Je crois que j'ai oublié moi, qu'un cœur çà peut vibrer. Souvent elle se l'est demandé, parfois on l'a questionné: Judas, c'est qui pour toi? A ses questionnements comme aux curiosités des autres, elle répondait de la même manière. Par le silence. Fermer les yeux c'est bien plus simple que de voir ce qu'elle ne voulait pas voir. Il serait peut être temps pourtant de faire tomber les œillères.

    Elle ne bouge pas, seuls les doigts se meuvent. Elle savoure cette proximité si simple qu'elle avait laissé à d'autre. Enfin dans ses bras, c'est le contre-coup. Elle prend conscience combien il lui avait manqué. La couche s'était faite vide les nuits à Paris, alors elle l'avait simplement ignoré. La solitaire endurcie avait connu des nuits trop vides, mais il faut l'avouer, elle les avait bien vite comblé de quelque verres d'alcool et de pensées noires qui la ramenait à sa prime douleur. Celle qui l'a forgé, celle qui l'a faite si roide. Celle qui a crée l'Anaon que Judas a connu. Pourtant, ce-dernier avait un jour foutu un coup dans la fourmilière. C'était la nuit d'une rencontre. Une frappe de plus, une de moins, la balafrée n'était plus à çà près. Pourtant si les douleurs passées raffermissaient jour après jour la carapace qui faisait toute sa rudesse, elle se désagrégeait indéniablement sous les mains du Von Frayner. Et c'est çà, qui lui faisait toujours sortir les crocs. Judas met corps et âme à nus et laisse le cœur à vif. De fierté, l'Anaon n'en a plus beaucoup à tuer, juste assez pour tenir tête de temps à autre à l'amant dominateur. Non, ce qui la faisait grogner, c'était la douleur. Judas se faisait sa place, dans sa tête dans son cœur, forçant les remparts qu'elle avait érigé pendant de longues années. L'Anaon ne voulait plus aimer. Mais, Judas s'était invité là où ne voulait pas le voir. Une écorchure dans la poitrine. Il a fait son nid, dans le sanglant du palpitant, contre la volonté de l'Anaon. C'est bien là une chose qu'elle ne supportait pas. Ne pas avoir le contrôle sur ses propres ressentis. Oh mon cœur! Tu m'as mentit, tu m'as trahit. Tu n'es pas mort, tu bats encore.

    La main aventureuse remonte pour s'inviter dans le cou de l'amant et les doigts viennent jouer sur le saillant des muscles qui s'y devinent.

    _ Tu te souviens Judas, de cette nuit et de ces tous premiers jours d'hivers? Parfois j'aimerais mourir, si çà pouvait me permettre de remonter le temps. Pour te rencontrer encore, toujours. Juste pour avoir le frisson de revivre nos premiers moments...

    C'est l'heure des aveux. Rien ne vaudra jamais l'ivresse des premiers instants. Si ce n'est la déchirure des tous derniers.

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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III - Montage LJD ANAON----[Clik]
Judas
Les longues mèches brunes se mêlent à celles de la Roide, et les mains et les peaux. Et les lèvres de venir rependre ce qu'il leur est dû. Si l'homme reconnait sa faiblesse, il n'en reste pas moins convaincu qu'il y a encore des choses qui lui reviennent de droit. On se ramollit un peu, on n'en perd pas pour autant tout ce qui fait soi.

Et moi qui ait frissonné tous ces instants auprès de toi... C'est un mal qui persévère, plus longs que tous les jours d'hiver. Je crois que je ne cherche plus à m'en défaire.

Non, il se drape dedans Judas, et sa voix rauque n'a plus honte de l'avouer. C'est toujours mieux que le poids douloureux à en crever. Ho oui, il s'y offre bras en croix. L'intense a un prix, mais l'intense c'est l'essence d'une vie. Le torse nu accueille, s'animant de l'émoi habituel que lui procure son contact. Qu'entends-elle en dedans? Cela vit-il un peu mieux? Un peu plus fort... Fragile machine que la carcasse d'un homme qui aime. Le talon d'Achille dans la poitrine.

Judas ne revient pas sur ses heures passées depuis le Retour. Il évite, se préserve, et lorsqu'il manque à sa décision il se souvient pourquoi elle avait été prise. Aimer cette femme-là et pas une autre, c'est grotesquement naturel. Et comme tout besoin naturel, on ne s'y soustrait pas. Au noble homme, on ne pose jamais question sur sa relation avec Anaon. Par respect peut-être, par crainte ou simplement parce que sa nature est trop évidente pour être vraie. On ne met pas à nu celui qui prend tant de précautions pour rester vêtu... On pense qu'il est une pièce vide, où l'écho de certaines émotions se perd sans revenir, certainement.

S'il se souvient de la nuit de leur rencontre... L'esprit n'a pas oublié un détail. Ni le gout du vin, ni la couleur de ses pommettes. Et ce sourire d'enfer, lui qui croyait la défigurer n'a fait que lui donner plus de caractère. Plus de prix. Il pourrait lui conter les stratèges dont il a usé pour la garder un peu encore, il pourrait lui conter les efforts. Le trouble naissant qui avait figé l'instant, ipomée, Bourgogne, neige et cette douce euphorie qui ponctue les rencontres qui basculent. Judas ne se mettait pas de remparts au coeur, lui... Non. Il avait simplement depuis la mort de sa soeur largement eut l'Amour absent. Insipide. Inutile? Mort, quelque part, porté disparu. Comme s'il s'était caché pour expirer, pudique et honteux. Le manège des femmes le distrayait toujours, mais tout restait en surface. Un jeu de séduction, une nuit, deux nuit peut-être, puis une vague lassitude, une nouvelle rencontre, un jeu de séduction... Tout était sans compter sur l'Anaon. Elle est apparue comme on s'invite, elle a mordu sa chair et griffé ses reins, elle a dit Encore; Judas a dit: d'accord.

Le plat d'une main se glisse sous l'étoffe légère d'une chemise, vient trouver le contact chaud d'un sein. Ho, il pourrait bien lui dire qu'il la laisserait mettre le désordre dans sa vie, d'une autre manière, à sa manière. Ce n'est pas comme si elle ne l'avait pas déja fait. Oui, il pourrait lui dire qu'il aurait aimé toucher la panse fertile de lui. Qu'elle n'aurait qu'un mot à prononcer pour qu'il sorte de ses habitudes toutes les autres. Et qu'il l'aimerait bien ainsi... Mais elle, l'aimerait-il ainsi? Elle la roture, elle la torture... Elle qu'il n'épousera jamais. La crainte tait sa part, et puis on se ramollit un peu, on n'en perd pas pour autant tout ce qui fait soi... Il n'y a pas d'accalmie, pas d'apaisement. C'est juste le vent qui souffle d'une autre façon. Aimer Anaon c'est une traversée périlleuse, ça vous fait des nuits radieuses et des drôles de leçons.

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" Nous sommes les folles plumes des inspirations sans règles "
Anaon
    Offres-moi donc ton plus doux poison… C'est la phrase qui lui vient quand il lui offre le goût de d'une passion délaissée pendant trop de temps. Cette phrase qui a gravé son âme. Par deux fois prononcée, par deux fois exaucée dans une euphorie divine. Il y a des couples qui se murmurent des mots d'amour. Eux, le font à leur manière. Eux se traitent de poison. C'est un peu de Judas qu'il y a dans cette fiole qui pend à son cou. Souvenir d'Ipomée qui n'a jamais quitté l'encolure qui lui fait piédestal. Un peu d'eux. Vestige d'une toute première folie. Oui, c'est un peu de lui qu'elle garde près du cœur.

    Et moi qui ait frissonné tous ces instants auprès de toi..

    Et c'est Judas qui fait frémir la poitrine et le métronome qui bat en son sein. Si les bouches s'ouvraient c'étaient bien souvent pour s'épouser entre elle. Les mots s'épanchaient guère, les gestes faisaient le restes. Mais parfois, une parole çà fait du bien. Ça rassure, çà console. Ça fait réaliser qu'on ne voulait entendre que çà.

    Une main remonte en une caresse le long du cou pour glisser jusqu'à la tempe masculine. Et les doigts graciles se lovent dans la douceur des crins sombres. Du bout de son nez, elle vient taquiner l'arrête du sien. Les yeux se ferment et le frisson répond à la main qui s'immisce sous le rempart de sa chemise.

    _Quel goût çà a, Judas, une vie tout près de toi?

    Elle l'a effleuré cette vie-là, du bout des doigts, sans jamais réellement chercher à s'en saisir. L'oiseau sauvage faisait son nid à droite et à gauche sans pour autant trouver l'abri qui la ferait rester. Un refuge. Un chez soi perdu depuis longtemps. La mercenaire aurait-elle aujourd'hui des envies de se mettre en jachère? Peut être. Mais ce serait mentir que de promettre qu'elle s'y confinera éternellement. L'Anaon aura toujours ses coups de sang. Judas ses coups de folie. Ce serait mentir que de promettre qu'elle n'ira plus courir Paris. Inlassablement, elle y retournera jusqu'à ce qu'elle arrive à déloger la gangrène qui lui ronge l'âme. La haine est un sentiment vivace. Ça se fait se fait oublier parfois, mais jamais ne s'efface. Et le jour où la vengeance sera assouvie, le jour où les démons ne seront plus, quand il lui restera à la place de son amertume un vide, à la place du passé un deuil ou un renouveau... Ce jour-là, Judas sera-t-il encore là?

    Ces sombres pensées sont pourtant bien loin dans l'esprit de la balafrée. Elle veut gouter à un peu d'apaisement. Savourer l'instant, se perdre Aujourd'hui, oublier Hier, sans penser à Demain. Un demain qui durera des jours, des semaines, des mois, sait-on. S'il avait été difficile de retourner à Petit Bolchen l'idée de repartir est quant à elle des plus impensables. Demain, ils n'ont jamais vraiment cherché de quoi çà pouvait être fait. Qu'importe. Une chose est sûre, elle crèverait bien maintenant, là, juste dans ses bras. Pourra-t-elle trouver plus beau linceul que ce corps contre le sien?

    Dans la poitrine çà éveille. Ça hésite un peu, c'est fragile encore. Pourtant c'est bien-là. Fébrile, mais çà palpite. Aimer Judas. Sentiment suicidaire sans doute, mais qu'importe. Pour lui, elle mourrait bien cent fois.

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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III - Montage LJD ANAON----[Clik]
Judas
La main baguée se laisse parer de la douceur du galbe auréolé, cherchant plus loin la lisière des flancs. La question sonne étrangement à son esgourde, elle fut déja posée , dans d'autres lieux et vers quelqu'un d'autre. Peut-être qu'elle mérite une vraie réponse, mais l'homme sait mal en faire. La gorge ravale une salve de salive, et le nez fin se laisse amuser. Est-il encore l'heure de faire des pirouettes... ? Les yeux noirs de Judas viennent s'ancrer à l'Anaon. Elle a le regard presque aussi clair
que les falaises blanches du fond de la bretagne... Et on en rirait s'il avouait qu'il a brûlé tous ses vieux souvenirs depuis qu'elle a son cœur en point de mire. Ne pas se jurer les mots des enfants modèles, ne jamais rester trop loin des tourbillons géants... Et qui prendrait le cœur de l'autre pour un hôtel... Il est des mots qui peuvent attendre.


Cela dépend pour qui...

Pour toi, ce serait doux et dur à la fois, quelques dilemmes , quelques coups de sang... Mais toujours cette place particulière, au dessus du reste. Comme lorsque tu trônais sur mon siège dans la grand salle, une coupe entre les doigts et ton regard daignant bien se baisser sur moi. Le bleu nuit de tes rêves m'attire, même si tu connais les mots qui déchirent... Une vie auprès de moi, du superflu, des petites gens devançant tes désirs, la faim qui ne gronde jamais, le déplaisir d'avoir tout ce que tu veux. Ne saurais-je jamais te mentir, à toi la fille qui m'accompagne?

Ha! Il en a des choses à dire Judas, mais parler et donner du pamphlet, de la joute sucrée, il ne sait. Tout s'accumule en dedans, ça lui colle au palais, ça s'entasse dans sa caboche... Et rien ne prend la poussière. Dévêtir ce corps bien des fois dénudé, parcourir les chemins de ces courbes qu'il connait sur le bout des lèvres. Il sait que d'autres nuits s'avancent lorsqu'il entend glisser ses colliers... Les gestes valent parfois tous les discours, et celui qui met à nu son amante est une vieille musique sans paroles. Pourtant... Pourtant au creux de l'oreille...


Je vais quitter la Bourgogne.
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" Nous sommes les folles plumes des inspirations sans règles "
Anaon
    Il ne se répand pas en belle parole le Judas et çà la fait sourire l'Anaon. Aussi peu loquace l'un que l'autre, pudique de cœur sans doute, elle se contente amplement de la réponse de ses gestes. Vivre auprès du Von Frayner, certainement loin d'être une sinécure. Un peu tumultueux, pavé d'imprévisibles. Des nuits aussi douces qu'agitées, de quoi lui tirer encore quelques heures blanches aux minutes incandescentes. A ce prix là, la mercenaire veut bien cracher sur le sommeil. Judas pour insomnie, belles nuits en perspective.

    De bien bonne grâce, la balafrée laisse les mains masculines redessiner les contours de son corps et éveiller en elle quelques frémissement qui viennent lui réchauffer le ventre. La peau martyrisée a oublié depuis longtemps la répulsion sous les doigts du seigneur. Maintenant elle quémande d'un frisson silencieux ou d'une crispation discrète qui vient raffermir ses cambrures. Oublié les stigmates qui la rendait si pudique et honteuse! Elle se demande parfois comment il avait put s'enticher de ce corps brutalisé, lui qui ferait tomber en pâmoison le cœur de la plus fidèle des épouses et vous damerais les Saints. Il avait accueillit en ses bras ce qu'elle même n'arrivait pas à accepter. Grand Dieux, elle se souvient de chaque secondes qui avait fait leur première étreinte! Thérapie brutal, mais rudement efficace. Si à la Rose Noire un courtisant d'un soir avait tout fait pour calmer ses craintes et apaiser sa gène, Judas lui s'était contenté de réduire sa pudeur en miette. A croire que rien ne résiste à la poigne du seigneur...

    Les yeux se ferment, laissant l'attention se porter sur la douce ivresse d'un toucher qui s'éveille. Et les doigts viennent çà et là froisser la peau qui s'offre à elle. Le regard s'entrouvre pourtant bien vite quand la dernière phrase est livré au bord de l'esgourde. Un sourcil se rehausse, quelque peu surpris. Un tantinet inquiet aussi. Ne se risquant pas à quelques hypothèses hâtives, la mercenaire préfère rester sur une note légère. Une canine taquine s'en va titiller les entrelacs d'une oreille tandis qu'elle enserre les hanches masculines d'un étau de jambe.

    _ Tes papilles Bourguignonnes en aurait-elle assez du vin?

    Garder le mi-sourire aux lèvres bien que les mots la laisse septique. Sa Bourgogne, elle a crut comprendre que le Von Frayner l'a chère au cœur. Plus Bourguignon, tu meurs. Pourtant la phrase à été lâché avec une assurance qui ne souffre d'aucune hésitation. Quitter? Quitter pour un voyage ou ad vitam aeternam? Quel événement a réussit le déraciner de sa province natale? Une chose est sûr. La paranoïaque n'aime pas être dans le flou des suppositions.

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Judas
Un léger souffle, quelle était la meilleure formulation pour conter la situation à l'Anaon? Incapable de lui parler lorsqu'elle joue dans les recoins les plus sensibles de son visage, il attendit d'avoir entièrement allégé son amante de ce qui lui recouvrait le séant pour poser les choses telles qu'elles étaient.

Penses-tu... L'acquisition de nouvelles terres... Je reviendrai à Petit Bolchen pour prendre repos... Le fief est en Maine, il s'appelle Courceriers. C'est un cadeau de baptême.

Oublier le Railly, le Montrecul, le Beaumont... Impossible. Et bien qu'il n'appréciait pas forcément toutes les femmes qui possédaient ces cépages, son amour inconditionnel pour le bon vin et son chauvinisme avéré ne pouvait que le détacher dans un déchirement de sa Bourgogne... Pourtant, il s'était bien gardé de montrer à son entourage cette affliction, se forgeant un masque égal lorsqu'il avait annoncé à sa suite les changements qui devaient s'opérer. Quitter les terres chargées de légendes et de souvenirs de sa jeunesse le laissait terriblement amer, mais Courceriers était plus faste, et lorsque le pouvoir croissait quel noble homme pouvait le refuser? Pas Judas. Soufflant sur une mèche de cheveux qui chatouillait son front il ajouta:


Oui, ma suzeraine est généreuse.

Sur quoi il la fit basculer avec langueur sur lui, ceignant des ses mains ses hanches rondes. Diable que cette femme lui avait manqué... Pour tout l'or et les fiefs du monde, l'échangerait-il contre une autre? Ces autres dont il préférait la compagnie ponctuelle à une réelle affection? D'un air chafouin, il murmura un peu.

Fais-moi la mort.

La porte restait ouverte, et leur couple visible de tous, l'idée que tout Petit Bolchen puisse les voir s'aimer ne fit que tendre son désir. Il y a toujours un gout de provoc' derrière les jeux qu'ils partageaient, et jamais leurs échangent ne restaient bien longtemps sages.

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" Nous sommes les folles plumes des inspirations sans règles "
Anaon
    Elle écoute l'Anaon, attentive et pendant un instant c'est le côté pragmatique qui prend le pas sur tout le reste. Le Maine. A mi-chemin entre la Bretagne et Paris, tout à côté d'Alençon et son purgatoire. Le Maine, çà reste près du cœur et de la tête. Et bien que la meilleur place soit à Paris, çà en serait presque un point stratégique. Si Judas lui avait annoncé qu'il quittait la Bourgogne pour la Provence l'affaire aurait été tout autre. Là, ce n'est pas si dramatique. Bien au contraire. Ca carbure un moment dans la tête de la balafrée, de quelque questions et de projet, mais bientôt les mains de l'homme l'élèvent et l'esprit retourne se braquer sur l'essentiel.

    Les azurites se lovent dans le regard de l'amant. Beau point de vue qu'il lui offre. Et il suffit d'une phrase pour lui claquer le sang. Il suffit de quelque mot pour mettre le feu aux poudres. La tendresse? Un peu, pas trop, bien vite ils se détournent de l'accalmie pour aller titiller la Géhenne qui sommeille dans leurs veines. Sage? Quelque fois, pas souvent, çà dérapes toujours de la plus belle des façons. C'est çà aimer Judas. C'est suivre le chemin tracé par les précieuses banalités du cœur, c'est faire deux pas main dans la main puis se lâcher aussitôt pour aller se retrouver dans les ornières. C'est marcher non loin des sentiers battu sans jamais vraiment le emprunter. C'est avouer l'amour à demi-mot, mais la garder particulière.

    La silhouette se penche et la chaleur de son souffle vient parcourir lèvres et joue jusqu'à s'achever aux creux de son oreille.

    _ Si ta suzeraine est généreuse, je le serais plus encore...

    Et à sa manière. Les lèvres se courbent d'un sourire mutin et elles s'en vont cheminer sur la peau d'albâtre. Redécouvrir encore et encore cette saveur qui fait danser ses papilles. Rien ne vaudra jamais cette peau qu'elle échauffe de sa bouche. Ni l'ivresse de la verte absinthe, ni la folie d'une Ipomée, ni l'abandon même d'un autre corps à ses côté. Judas. Ça lui fout les frissons au cœur et le vertiges au tripes.

    Le visage continue sa descente marquant son sillage d'une langue aguichante ou d'un baiser pernicieux, jusqu'à plonger sous les draps et dégager toute entrave qui la sépare de son point de chute. Aller chercher sans pudeur le gout des saveurs interdites. Offrir sans détour ce qu'il avait mander un jour sur les falaises un temps d'hivers. Pêché d'alcool et violence, d'hérésie et de folie, on peut compter à l'Anaon autant de travers qu'un curé peut en bénir. Mais il n'y a bien que le Frayner qui puisse la faire céder à ce vice qui les unit. Peut lui importe cette porte ouverte qu'elle ne capte même pas, le monde entier peut bien la voir se livrer à ces baisers qu'on trouverait scandaleux. Ignominie pour l'Église. Si leur Dieux bannit l'acte d'amour, pourquoi a-t-il donc rendu l'étreinte charnel si délectable? Qu'importe pour la païenne, elle continuera à damner le fraîchement baptisé avec la même application.

    A l'éveil du petit jour, ce sont les retrouvailles qui se jouent et les ardeurs qui s'enhardissent. Malmenons donc ces draps trop lisses. Profanons donc cette aube trop vierge. Retrouvons-nous dans le cuisant d'une étreinte complice. Il faut faire les sutures des plaies de mon absence.

    Viens donc me meurtrir comme tu le fais si bien.

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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III - Montage LJD ANAON----[Clik]
Judas
Oui fais-moi la mort, mais la petite, encore...

Celle qui l'embrasse ou l'embrase là tout en dedans. Qu'elle est adorable cette bouche qui fait mouche, et impudique l'Anaon. La pudeur est touchante chez une autre, excitante même. Mais si Anaon s'amusait à s'effaroucher, à lui servir du chaste , cela le blesserait. On ne gravit pas des sommets pour les voir se dérober sous nos pieds. Il fallait voir, fallait voir comment attraper l'Anaon avait été risqué, et comment la mettre dans sa couche s'était avéré inespéré. Le résultat d'un travail de longue haleine, de poigne et de manipulation sentimentale leur avait donné l'accès aux faiblesses de chacun. Coucher avec une étrangère, ça n'est jamais que le plaisir de l'insouciance, de l'immédiate satisfaction, de l'absence de contraintes. La parade habituelle des mots bien placés et des sourires calculés, l'art de toucher, palper et mordre. L'audace d'un vêtement qui tombe, puis un vague échange de fluides corporels prenant fin dans de classiques râles bestiaux. Ni plus ni moins qu'un ballet hormonal supplanté d'une pétarade spasmodique, souillant en saccade les corps et les esprits.

Mais là, dans l'aine, l'estoc de sa langue ne pique pas au hasard. Ici, sur le chemin des dames la couronne de ses lèvres ne ceint pas avec innocence. Non, coucher avec sa favorite, c'est juste divin. Dans les tourments de ses cheveux, Judas a laissé s'embrumer l'église. Dans le creux de ses mains, il l'a laissée écraser les arcanes de leur façon de s'aimer. Et si elle boit, lui ne boit qu'elle. Et si elle se bat, lui ne bat que pour elle. Son hérésie? il la brule en public et la consume en privé. Petite marchande d'illusions, elle réussit à lui faire croire qu'ils sont faits l'un pour l'autre alors que c'est encore toutes ces différences qui les séduisent. La senestre se resserre sur la nuque de la Roide, et les reins se cambrent, avides. Que dit-il? Nous n'entendons pas, que dit-il?


...

Mais rien, il n'y a rien à dire, il n'y a qu'à se laisser faire. Et elle fait bien la bretonne, mieux encore que lorsqu'il lui avait forcé la main. Elle se joue de cet appendice palpitant et déjà vaincu avec tout le talent que peut conférer la détermination et surtout: l'envie. La pièce est presque calme, la porte presque trop bavarde. Il y a là non loin sur le sol quelques habits fourrés, quelques bijoux laissés négligemment, et sur la couche deux corps qui s'échangent. L'air est frais, qu'importe. C'est aujourd'hui l'avènement d'une nouvelle envie, celle de la beste a deux dos plus prolixe que les dernières. Judas tressaute un peu et lorsque la sensibilité s'exacerbe de trop il dispense enfin l'amante de sa besogne délicieusement ingrate. Les murmures ne sévissent plus, ils se taisent. On ne se regarde plus, on se baise. Le geste accroche la crinière, la tire d'une violence simplement aimante.


Viens!

Viens je te veux, et ne me dis pas non, trop tard ce corps est à moi. Du coeur qu'en est-il, on en fait fit, ce n'est plus l'heure. Il l'attire sur lui, la désarçonne et la prend, sous l'oeil inquiet d'une licorne tapissée. Viens, tu me réapprendras comment on fait des enfants, et moi comment on n'en fait plus.

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" Nous sommes les folles plumes des inspirations sans règles "
Anaon
    Elle l'aime Anaon, elle le fait comprendre à sa manière. Elle l'exauce de cette bouche qui s'égare sur ces galbes qui le font mâle, de ses lèvres qui prennent et qui ceignent. Sentir se galvaniser sur la langue l'ardeur qu'elle a faite sienne. On trouverait çà dégradant. On veut préserver la vision idéale des étreintes chastes. Mais décent, ils ne le sont pas. L'Anaon ne se leurre plus, elle a apprit entre les mains du Seigneur a franchir les barrières des baisers d'ingénue. Bien que candide, la femme ne l'est plus depuis un certain temps déjà. Si elle sort les crocs la Roide, ce n'est plus en farouche. L'Amour impudique le rend t-il pour autant plus méprisable? A eux seuls, ils sont Scandale. Libertin ou assassin. L'Église leur donnerait bien de la corde ou du fouet. Mais qu'importe, à cet instant où il se livre à elle, qu'importe.

    La main s'agrippe et défait l'étau de ses lèvres, quand il en a assez de se bruler les chairs au feu de son indécence. Elle se laisse faire l'Anaon. Oh oui elle se laisse faire et si un jour elle vient encore à résister à cette main c'est pour mieux la provoquer. Mais ce matin non, elle se livre sans détour. Trop de continence pendant son absence pour s'amuser à retarder l'inéluctable. Il la bascule, elle exulte. Soupir éparse qui salut l'entrée de son hôte. Ils jouent la carte du silence. Et si les plaintes se taisent, c'est le corps qui s'exprime. C'est une main qui se noie dans la crinière d'ébène, c'est une autre qui s'ancre dans la cambrure de ses reins. C'est le cou qui s'offrent aux nacres et l'échine qui se cambre. L'amour avec le seigneur, çà a toujours le goût de l'intarissable. A chaque fois, on redécouvre comme à la première étreinte, on la savoure et la vénère comme la dernière. Ça exacerbe les sens, çà enivre, ça dope, çà drogue.

    _ C'hoazh...
    Encore

    Murmure et supplique. Peu importe la langue, l'homme comprendra bien vite. Elle y crèverait bien, là, dans ses draps. On peut bien mourir en paix une fois qu'on a vécu. A l'instant, elle vit bien plus, elle s'exauce et s'exhausse. C'est le summum de l'adrénaline. C'est encore l'excitation qui bat ces veines, qui l'électrise. Mais cette fois, y'a un boost en plus. Ça s'emballe dans la poitrine et ce n'est pas que le fruit que la luxure. Ça trésaille, c'est violent. Ça lui rend l'étreinte plus aimante et véhémente. L'envie de faire plaisir en prenant plaisir. Faire sauter les verrous du cœur, même si c'est peut être sa plus belle erreur. A trop vouloir se préserver, on en oublie de respirer. Ca lui fait peur, elle lui avait dit. Peur de ce qu'il pouvait devenir. Ce jour-là, elle n'avait pas eu tord. Mais au final, ce n'est plus grave. On attendra que çà déraille, elle aura tout le temps de souffrir, aujourd'hui elle prend le temps d'aimer.

    Sous le corps de l'homme, çà chaloupe. Elle presse et oppresse. La mains dans les filins ramène la tête à elle et entre deux soupirs elle retourne agacer l'oreille.

    Donne-moi donc encore de ce corps, que j'y vive et que j'y meurs. Encore et encore. Aime-moi un peu plus fort. Exhausse-moi ou plonge avec moi. Oui, exauce-nous. Laisse-nous déjà exsangue dans l'aube du petit jour. Puisqu'aujourd'hui ne s'agit plus d'un "toi" ni d'un "moi", crève-nous. Puisqu'aujourd'hui il y a un "nous".

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Judas
Non pas sur les lèvres
Jamais de trêve et pas d'assauts
Le bonheur est dans la pente
Entre le sol et le ventre
Rien ne dure au dessus de la ceinture.*


Encore. Encore c'est plus loin. C'est plus osé, c'est moins serein.


As-tu déjà aimé et souffert ma Roide ? As-tu déjà aimé la jouissance à en hurler de douleur ? Tout ce que je lis sous mes doigts ne sont que des souvenirs douloureux non?... Mais pas de ceux dont je parle.


D'une main la réponse, d'un souffle l'aveu, et le corps appelle son autre dans une légère contorsion ascendante. Offrande lascive à son appel féminin, l'effleurement du bout des doigts galope vers les sommets, l'esprit seul est le Dieu des hommes... La chair seule, c'est la brute. La chair et l'esprit réunis sont l'homme, un dieu qui a des instincts de brute. Encore? Tout ce que tu voudras. Tes griffures sur mes reins, fais moi ta cicatrice si cela te chante, fais nous mal, je te l'accorde.

Et de se laisser glisser sur la Roide, senestre couplée de dextre qui remontent lentement, au même rythme que son corps qui se frotte à elle, entre en elle, son corps qui l’emplit, les mains remontent et viennent glisser sur sa gorge qu’il enserre avec tendresse, qu’il tient fermement au fur et à mesure qu’il la possède plus fort. Les doigts compriment le cou marbré de mèches brunes, les lèvres se perdent dans la chevelure de la bretonne alors que ne cesse le ballet de ses reins. Et le joug se resserre, plus tard il viendra caresser les traces laissées comme pour en apaiser la chaleur, les lèvres quitteront l’abri soyeux pour attraper les siennes, les goûter avec précaution.** Mais pour l'heure, la gorge se pare du collier Judéen, le geste reste maitrisé, l'homme s'est mainte fois amusé du cou des biches... Nous ne sommes plus au bordel, pourtant, l'étreinte à le gout de celles qu'on paye au prix fort.


Fais moi confiance.

Sens-tu le sang se figer, et ta tête et sa confusion... Et le coeur qui frappe là dans tes tempes, qui vient battre la mesure d'un plaisir trop particulier? Laisse le descendre plus bas, laisse toi battre la mesure et fais toi nébuleuse sous mes doigts. Quand la lippe bleuit, c'est l'aveu des possibles... N'aies pas peur, rien ne dure au dessus de la ceinture. Tes yeux qui s'embuent, et ton souffle qui s'est tarit, c'est ma façon de te retrouver. Laisse toi gagner par ce qui te fais si peur! Je ne t'ai pas écorchée, je suis juste venu t'exulter. Il y a ceux qui gagnent toujours, assis sur leurs petits fantasmes désuets et ceux qui perdent tout dans les travers de l'illimitée perversité humaine.

Pas de mots futiles pour l'ardent, pas de maux nubiles face au temps.



* E.Frégé
** Passage retravaillé d'un RP de JD l'Araignée.

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" Nous sommes les folles plumes des inspirations sans règles "
Anaon
    La pente, elle l'a dans la tête. Ça dégringole, c'est la conscience qui flanche sous l'assaut des sensations. Il lui en faut peu à la Roide pour s'échauffer au contact du Von Frayner. Le mot qui titille, le geste qui trahit, un souffle et çà s'échauffe. Sous la glace c'est l'ardent qui bouillonne. Mais si, femme, elle se contente de peu, elle se satisfait de beaucoup.

    Maigre réponse aux mots prononcés qu'un regard qui se fait plus intense. Tressautement d'une gorge qui se surprend des paumes qui lui font un étau. Crispation soudaine de l'encolure. Les sourcils se froncent et elle renâcle la mercenaire comme un cheval qui piaffe, prête à gnaquer le visage de l'arrogant et ses jeux tortueux. D'une phrase il apaise, des mains ils exacerbent. Il bouscule ses limites, encore et c'est l'ambiguïté d'un désir qui suffoque entre deux soupirs. Forcer les remparts, toujours, ceux qui protègent l'acquis de l'assaut des étreintes nouvelles. En son cœur il est vandale, en son corps il est scandale. Troquer l'indécence pour l'insolence, à chaque fois plus dévastatrice. Il a la tendresse parjure. Et elle a la main qui se veut douce, elle a l'autre qui se fait cinglante contre les reins échaudés.

    Confiance? Elle demande la mort, c'est elle qu'il lui apporte, dans cette jouissance paradoxe imposée par les doigts en parure qui teinteront l'albâtre d'écarlate. C'est l'ineffable qui se joue dans ses veines. L'éveil d'une Géhenne, son sang se fait Styx. Il tambourine et martèle les parois de son crâne, il se fait acide. Ambivalence infligée par l'écrin de ses mains. C'est en haut que çà malmène, c'est en bas que çà exulte. Convulsion d'un corps qui crève de l'Envie et de l'instinct de vivre. Les soupirs se sont fracassés contre la gorge nouée et la bouche n'accueille que le néant d'un souffle qui s'est presque enfuit.

    Encore, un peu plus fort. C'est un flirt avec la mort. La saveur d'un dernier soupir, l'euphorie d'un nouveau délire. Mourir dans ses mains pour renaitre encore, pour mieux se meurtrir toujours. Soit mon bourreau et mon sauveur. Les chairs se transcendent d'une myriade de spasme. Derniers sursauts d'une condamnée à la jouissance suprême. Sacrifiée sur la pierre des étreintes sadiques. Et les doigts sillonnent la peau qu'ils malmènent de toute leurs hargnes. Graver dans la chair la folie de leur désir, d'une parcelle qui se pince, d'un sillon qui se saigne. Redorer un peu cette peau blanche de vermeil.

    Les forces s'amenuisent, l'esprit s'extasie. Shootée à l'air qui lui manque jusqu'à ce qu'à en venir frôler l'overdose. Braver la confusion d'une tête qui implose pour aller chercher un regain de volonté. Sortir un instant de cette transe qui fait mal. C'est une douleur qui exauce, l'avènement de la perversité. C'est un bras qui se resserre, c'est d'une poussée brutale qu'elle cherche la bascule pour chevaucher l'audacieux aux plaisirs dangereux. Les mains s'arriment aux flancs, les paupières s'ouvrent sur les azurites embuées et cherche à accrocher le regard de l'incube. Ivresse qui se trahit dans le regard troublé. Et de continuer toujours le va et vient qui galvanise.

    Libère-moi que j'expire mon ultime soupir. Laisse-moi nous crever de la dernière saccade.

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Judas
Tout claque. La peau, les mots, et l'exaltante ascension crescendo. Que Petit Bochen soit le témoin de la réunion qui se joue en son sein et que nul n'ignore que l'Amante est de retour, pour de bon. La jouissance est brève, elle arrache une légère supplique. Le plaisir en saccade fait s'amoindrir l'étau de ses mains jusqu'à lâcher totalement le col de la Roide. Il faut aimer ces heures troublées qui résolvent et réconcilient. Il faut aimer s'entendre exulter dans la voix de l'autre, le souffle court et l'esprit éclaté. Et quand l'un achève, l'autre se laisse faire. Judas ne s'écroule pas, c'est tout comme. Il aime et sème des vendanges inespérées autant qu'interdites. Le corps a déchargé des mois de frustration et de manque, c'est ainsi qu'il se repait, là contre l'Anaon. Senestre et dextre courent, cajolent et encensent cette silhouette qui l'émeut. La dentelle sanguine qui avait drapé ses yeux a perdu sa consistance, il faut aimer l'accalmie des sens et abandonner sans regret le tumulte des jeux d'amour.

Qui bascule qui, et qui s'abandonne à qui lorsque le silence reprend ses droits sur la couche-champ-de-bataille? C'est égal, on reprend le subliminal dialogue qui a toujours porté les deux fiertés. Les membres qui s'entrelacent se murmurent qu'il ne faut plus se séparer, tout du moins plus ainsi et que jamais ne veulent revivre les nuits sans paupières. L'amour est bien trop éphémère pour cela. Mais l'amour est faible, et toujours le taire use sans jamais apaiser. Sans trop réfléchir pour l'avoir trop fait depuis la première fois où il posséda Anaon, Judas exprima simplement l'ultime besoin. Marquer son territoire.


Ne pars plus. Je t'aime.

Un jour, elle le méprisera pour cet aveu. Le jour où la communion de leur corps et la dureté de leur caractère n'auront plus rien à s'apprendre. Le jour où son coeur résonnera du glas d'eux. La voix semble plus rauque, c'est un moment d'égarement.; la garde se baisse fugacement. Demain sera un autre jour, un jour où il ne sera plus temps de prononcer les maux qui fâchent et affaiblissent. On apprécie la teneur d'un secret que lorsqu'il le reste.

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" Nous sommes les folles plumes des inspirations sans règles "
Anaon
    Ineffable. Les mots ne peuvent exprimer ce que seul le corps peut dire. Quand les poumons s'emplissent de l'air salvateur en une bouffée euphorique. Quand le corps convulse de sa dernière cambrure et que se mêle à la respiration saccadée la plainte d'un plaisir évident. Tremblement spasmodique qui ébranle les chairs en pleine béatitude. Le silence se scande de leurs respirations heurtées, alors qu'elle garde les yeux clos pour savourer la divine latence qui suit la pleine jouissance. Après le manque d'air, c'est son affut abondant qui lui fait tourner la tête. Elle est comme soûle, l'esprit perdu à vingt mille de là, quelque part au septième ciel ou au cœur du second cercle.

    Elle fond sous les mains qui la parcoure, se love contre le corps qui la complète. La conscience n'a pas éclot, pas encore, l'esprit demeure niché dans ses limbes de coton. Douceur qui suit l'ardeur des transes amoureuses. La folie des sens laisse place à l'accalmie et elle se délecte du sillage de son ivresse. Une félicité de velours qui sublime sa perception de l'autre. L'illusion d'une communion parfaite, rare et c'est ce qui la rend tellement précieuse.

    Le souffle a retrouvé sa lente cadence contre la peau de l'amant et le murmure qui vient titiller ses sens la ramène doucement à la dimension sensible. Le regard s'ouvre avec lenteur. Deux mots se sont immiscer. Deux petits mots... Un sens vague comme un lointain souvenir. Échangés au creux d'une autre autre oreille, couché sur d'autres vélins. Deux mots réservés au Premier dont le deuil l'a rongé durant de longue année. Elles les avaient gravés en épitaphe en son cœur sur la tombe de sa mémoire. Graver le souvenir de ce qui restera souvenir. Aujourd'hui, pourtant, ils coulent de nouveau dans l'esgourde...

    Sensation étrange des secondes qui se suspendent. Un instant hors du temps. Le corps resserre délicatement l'étreinte et se rapproche encore pour aller lover sa tête dans le cou de l'aimé. Et les lèvres viennent parcourir avec tendresse la peau dont elle ne se lassera jamais.

    _ Je ne partirais pas... Tu devras me supporter, encore et encore, ma muiañ-karet*...

    La phrase est livrée dans un sourire caché dans son cou. Elle se faufile doucement, un tout petit peu plus bas, assez pour aller de nouveau coller sa tête contre le palpitant. Et de savourer la pulsation qui apaise. Le lèvres s'entrouvrent alors, hésitent. Dans sa tête c'est l'image d'un arbre qui se dessine, particulier. Un symbole aussi évocateur pour elle que l'autel des épousailles ou bien qu'une pierre tombale. Un chêne qui fut un jour le témoin de beaucoup de chose. C'est un pan de sa mémoire auquel elle tourne le dos aujourd'hui... Parce je crois que...

    _... Je t'aime.


    Timide, fragile. L'aveu se scelle et retourne bien vite au silence, pudique. Il y est des choses qui ne doivent pas prendre la poussière, comme des trésors précieux que l'ont conserve dans l'écrin d'un silence ou d'une fierté exacerbé. Des choses que l'on prononce peut, mais que l'on vit, le temps d'un geste ou d'une étreinte.

    La mercenaire laisse le sommeil la gagner, là, dans ses bras ou elle resterait bien encore et encore. Elle frôle du bout des doigts un instant de paix absolue qu'elle n'a plus connue depuis des années. Plus encore que l'allégresse qui suit le désir assouvie. Ça lui fait un bout de chemin vert dans la caillasse qui jonche sa vie. L'illusion d'un repos auquel elle aspire tant, mais qui ne durera que le temps de cet inestimable instant. Cet instant où Judas se livre à elle.

    Aujourd'hui elle portera en parure le témoin de leur passion. Marbrures rosées piquées de bleutés. Si ces traces s'effaceront avec le temps, il lui en a laissé aujourd'hui une autre. Aujourd'hui douce comme une caresse, peu être cuisante comme une écorchure, demain.

    Un nouvel épitaphe. Sait-on de quoi sera fait Demain...


* Breton: Mon bien aimé
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