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[RP] Qui m'aime me suive !

Actarius
Des Rois du passé au porte-parole actuel du Conseil Comtal, il y avait un univers de différences. Rien de commun entre le "roi trouvé" et le Mendois, qui peinait à se frayer un chemin dans les méandres de sa vie tourmentée, si ce n'était peut-être ce brin d'enthousiasme qui avait mené le premier à s'écrier "Qui m'aime me suive !*" avant de partir en campagne en Flandres et le second à proposer à quelques compagnons de sillonner à ses côtés les routes accidentées du Languedoc; si ce n'était peut-être qu'en écho à la sentence du Valois, le Vicomte serait, qui sait, bientôt suivi par une personne qui l'aimait. Un amour terrible et douloureux, un amour de toutes les contradictions, de toutes les querelles, mais un amour quand même, partagé de surcroît.

Le Phénix pensait-il vraiment à Philippe VI, perché qu'il était sur son cheval ? Certes non, il pensait à cette voiture qu'il imaginait se dessiner dans l'angle d'une rue menant à la place Arganossius de Mende. Viendrait-elle ? Viendrait-elle après leur dernière confrontation, exaltation sublime de leur profonde contradiction, de l'insondable impossibilité de leur union ? Son instinct l'affirmait. Au-delà de toutes les contingences, de toutes les contraignances, de toutes les douleurs, de tous les substantifs imaginables, il existait une réalité: ils avaient besoin l'un de l'autre. Elle lui infligerait sa garde d'Italiotes détestés, il lui répondrait par ses maladresses honnies. Elle lui opposerait son froid silence, il la brûlerait de ses yeux passionnés. Elle lui répliquerait sèchement, il lui sourirait. Ils s'agaceraient mutuellement, se chasseraient, se fuiraient, se détesteraient, se chamailleraient, mais elle serait là, il serait là. Ensemble malgré la convenante distance.

Puis, il y aurait la Flamboyante, touchante vassale, appréciée du Mendois, le neveu peu connu. La mystérieuse et envoûtante Désirade, le fougueux Mordric au nom dissonant comme seuls savaient les façonnaient les dialectes rugueux du nord, de l'est ou de l'ouest, tous ceux finalement qui se dérobaient vilement à la merveilleuse mélodie de l'oc. Un groupe qui grossirait par la suite, rejoint par l'héritier normand et son suivant. Un groupe hétéroclite, improbable. Un porte-parole pour les trouver, un porte-parole pour les amener tous et dans le Languedoc les lier*.

L'équation aux multiples inconnues était posée et sur cette place où le départ serait donné le Magnifique attendait. Cavalier encore solitaire, il souriait à la légère brise printanière qui s'était levée et qui les accompagnerait à travers la haute-vallée du Lot, déjà verdoyante de vie. Dans la région de la Garde, plus ouverte, elle s'estomperait, puis renaîtrait après Villefort, d'un souffle plus chaleureux car issue du sud, berçant leur trajet sur l'antique voie Regordane qui les mènerait à Alais, la prochaine étape de leur périple. Mais la route à engloutir était longue encore et en cet instant-là, il n'y avait que cet homme à la quarantaine bien trempée, à la silhouette robuste, guerrière, à l'allure rendue presque farouche par ce regard sauvage, par cette taille diabolique de son collier de barbe, son cheval et cette place mendoise...




*phrase attribuée à Philippe VI

*libre adaptation d'un passage du fameux JRR Tolkien

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Mordric
Une vie peut basculer en quelques jours seulement.
Ce qui arriva au Chapeauté, ne changea pas radicalement la sienne, mais lui fit prendre une direction inattendue.
Arrivé à Mende un peu par hasard, il en repartait, déboussolé.
Quelques jours auparavant, il avait accepté une escorte à la dernière minute, gagnant une lance boiteuse au trajet plus qu'incertain.
Tout ça pour finir le voyage, affamé, encerclé par des brigands italiens; il avait alors juré, maudit et haï.
Rien ne s'était passé comme il l'avait souhaité, simplement parce qu'il n'avait pas eu le contrôle sur quoi que ce soit.
Pourtant, au moment opportun il avait su rattraper la situation; s'interposant entre les détrousseurs et son employeur, il avait été dépouillé à sa place, tandis que le reste de la lance qu'il avait quitté gagnait tranquillement l'abri des remparts.
Son arrivée à Mende ne fut guère plus agréable. L'employeur avait eu, du haut de sa suffisance, l'arrogance de ne reconnaître aucune erreur, de se montrer méprisant face à sa perte...
Noblesse oblige, il ne voulait entendre que conseils et pas critiques.

Mordric avait serré les dents, sourit comme à son habitude avant d'annoncer que le retour en la capitale se ferait sans lui. Désirade qui l'accompagnait dans cette aventure avait été moins courtoise...
La suite du séjour s'avéra riches en rebondissements.
Un Double Baron et sa mesnie, tous plus originaux et attachants les uns que les autres. Coup de coeur pour le Chapeauté... Des menaces planant sur la ville...
Une garde volontaire du haut des remparts... La rencontre d'une brune aux accents angloys... Cette dispute avec sa brune à lui...
Et surtout...
Un Pair croisé en taverne, membre du conseil comtal et prêt à entamer le tour du comté.
L’élément qui influa sur son lendemain. Et ceux qui suivraient.

Sans trop savoir pourquoi, il s'était immédiatement proposé pour l'accompagner, lui offrant ses services, sa compagnie. Prétentieusement.
Il ne connaissait l'homme que de par sa légende Languedocienne.
Sa Seigneurie Actarius d'Euphor, Vicomte du Tournel, Baron de Florac, Seigneur de Saint-Dionisy et d'Aubemare...
Homme du Gévaudan au regarde de sienne, il imposait le respect de par son allure.
Il avait appris à le connaitre en écoutant parler les languedociens. Admirateurs comme détracteurs s'accordaient toujours sur certains points. L'homme ne pouvait être ignorer, avait des valeurs qu'il défendait quoiqu'il lui en coûte et tous craignaient son ire.

Beaucoup auraient tremblé à l'idée de voyager avec lui, mais le Chapeauté l'avait croisé quelques fois dans les bureaux du CLE et il avait été pris d'une certaine affection pour le Pair.
Il avait éprouvé l'envie de le connaitre, se forger sa propre opinion...
Et même cela avait été plus fort que la terrible nouvelle apprise plus tard.

Il n'y aurait peut-être pas qu'un Pair dans la troupe, mais deux.

Le deuxième était bien plus effrayant à ses yeux.
Ses titres étaient encore plus imposants, sa légende bien plus glaciale.
Toute sorte de rumeur courraient et bien difficile était de ne pas y prêter attention...
Son esprit en avait fait une sorte de monstre protégé par une garde de bellâtres plus irritants qu'un Double Baron Blond croisé avec un Double Baron Brun.
Ce Pair là le rendait nerveux et il espérait secrètement ne pas faire d'impair, ne pas semer le trouble parmi la paire.

Plus encore, il espérait que Désirade ne s’attirerait aucune foudre. Sa belle ne tenait jamais sa langue en place pour son grand plaisir, mais cette fois, c'était différent. Il ne pouvait définir pourquoi, mais il ne voulait pas décevoir le Vicomte...
Cette fois, il ne voyait pas les avantages d'un rapprochement, il n'imaginait aucun bénéfice à tirer, aucun carnet d'adresse à remplir.
Il voyait là une échappée temporaire... Oublier pour un instant ses affaires, son commerce, ses manigances. Apprendre, apprécier et rendre service.
Aussi orgueilleux que cela pouvait être de présenter ses pauvres compétences à un groupe pareil.
Il faisait tâche, il en était conscient...

C'est dans cet état d'esprit qu'il gagna la place Arganossius, drapé dans son mantel, le chapeau enfoncé sur le crâne pour que la brise ne l'emporte.
Il menait le cheval loué à Montpellier par la bride.
La bête était belle, il avait décidé de l'acheter et avait fait parvenir à son propriétaire missive, expliquant son désir.
La réponse ne tarda pas à lui revenir, positive. A Montpellier on le connaissait, il n'était jamais avare avec sa fortune, payant souvent plus qu'il ne fallait pour s'assurer un service de qualité. Et peu se souciait d'où venait l'argent. On le craignait assez pour éviter de poser la question ouvertement.
Toutes sortes de rumeurs courraient sur le contenu des caves de sa taverne. Pour certains il y faisait élevage de Rousses, pour d'autres c'était un haut lieu de recel ou on racontait encore que sous la terre battue, logeaient des cadavres de curieux.
Tout cela l'amusait follement...

En y repensant il sourit... Et c'est avec ce sourire affiché qu'il s'adressa au Vicomte.


Bonjorn Votre Seigneurie !

J'espère que nous pouvons toujours nous mêler à vous...

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Ingeburge
L'aimait-elle? Bien sûr que non et pour cause, elle le haïssait. Elle le lui avait d'ailleurs affirmé en son Hôtel de Clisson, avec fermeté, au cours de l'une de leurs nombreuses querelles et elle le lui opposerait à chaque fois qu'il serait assez fou pour le lui répéter. Et folle, elle l'étant tout autant que lui car si elle ne l'aimait pas, si elle le détestait avec une insolente ardeur, elle avait consenti à le suivre. Elle était donc, comme de juste, d'une humeur massacrante, se vengeant sur les autres de ses propres inconséquences et cela avait commencé dès le levée du jour, quand il avait fallu se mettre en route pour gagner le point de rassemblement. Il n'y avait pas eu un domestique auquel elle n'avait pas adressé une froide remontrance, que ce fût pour se plaindre de l'allure débraillée de l'un, de la négligence d'un autre et toute la valetaille princière avait fait le dos rond, étonnée encore des sautes d'humeur que leur maîtresse semblait de plus en plus souvent connaître. Même les Lombards en avaient été pour leurs frais, elle leur avait reproché leur nonchalance toute latine là où habituellement elle ne semblait pas la voir. Seule exception à ces reproches généralisés, Aelith-Anna de Chambertin, sa vassale, qui était encore assez en faveur pour ne pas souffrir de l'irascible attitude de sa suzeraine, et pour cause, elle était parfaitement renseignée sur les causes de cette irritation à grand peine contenue.

Et ce ne fut pas une simple voiture escortée de quelques cavaliers qui déboucha sur la place de rendez-vous, non, ce fut une voiture peinturlurée de croix de Saint-André et de briquets bourguignons, frappée des armes des ducs d'Auxerre et tirée par quatre superbes frisons qui s'approcha du lieu de ralliement, encadrée de cinq Lombards vêtus de sombre et juchés sur de solides montures. Et cette voiture qui revendiquait clairement l'appartenance à l'une de ces contrées barbares du nord était suivie de pas moins de trois chariots où s'entassaient bon an mal an malles, objets, babioles et domesticité. L'explication d'un tel déploiement de richesses n'était pas fortuite, la duchesse de Berg ayant décidé de quitter le château des comtes du Languedoc et n'ayant pas entre temps trouvé de point de chute... et puis, quand bien même elle eût pu faire ranger ses effets en un lieu sûr qu'elle n'en serait pas moins venue avec un tel chargement, tout ce qu'elle traînait avec elle, de ses coffres à quelques tapisseries, de son baquet à son chat, de ses livres à ses fards étant le minimum syndical de survie d'une princesse lâchée en pleine cambrousse. Et que quiconque s'avisât de la moquer ou de la tancer, le moindre peigne manquant pouvait la rendre pénible et elle ne se délesterait de rien, préférant mourir plutôt que d'être privée d'un de ces objets nécessaires à son équilibre.

Le train princier s'immobilisa, pléthorique, place Arganossius et l'on remua à peine à l'intérieur du carrosse dans lequel avait pris place celle que l'on nommait en Bourgogne, allez savoir pourquoi, la Froide. Celle-ci, de sa main lourdement baguée, caressait machinalement le chat lové en son giron et ce fut là le seul mouvement qu'elle consentit à accomplir. Le ridelet de velours cramoisi la dissimulant aux regards extérieurs ne serait pas tiré. Elle désirait rester bien à l'abri, elle ne voulait voir personne et surtout pas lui car elle était encore épuisée par cette révélation faite à sa vassale et craignait que son visage ne reflétât les stigmates de son tourment. La première étape entre Mende et Alais serait propice au repos et nécessaire pour se reconstruire un air serein et apaisé. Pour l'heure, elle était toujours inquiète et avait décidé de ne pas se montrer. Paraîtrait-elle impolie? Assurément non, l'on mettrait cette attitude sur le compte de la hauteur dont on la disait abondamment pourvue. Du reste, pour faire avorter toute tentative d'intrusion, elle décida d'envoyer la dame d'Augy en messager :

— Aelith-Anna, allez faire savoir à Sa Seigneurie que je suis souffrante et que je ne puis quitter ma voiture, je vous prie.
Et c'était vrai qu'elle souffrait. Elle ajouta, précipitamment :
— Et faites-en sorte, je vous en conjure, que Sa Seigneurie n'approche pas. Que mes gardes restent au plus près de moi.
Ses directives données, elle se cala à nouveau sur sa banquette et continua de s'amuser avec son animal de compagnie.

L'aimait-elle? A l'en haïr et la détestation, outre la folie, était un motif aussi puissant que l'amour pour décider de suivre l'objet de son inclination.

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Back, work in progress
Aelith
[« Je l'aime, je le fuis ; Titus m'aime, il me quitte. »*]

Lothaire lui avait vanté les bienfaits de l'air du Sud tandis que Stephan refusait qu'elle le quitte pour un temps absolument indéterminé. Le vieux domestique aurait pour lui la tranquillité de la demeure familiale, légèrement à l'écart de Tonnerre – et si la Flamboyante le soupçonnait d'y inviter quelque compagnie féminine, elle avait renoncé à lui soutirer la moindre information, laissant l'homme sans âge à ses batifolages. Le jeune cousin, quant à lui, s'il avait beau prétendre n'aimer qu'Aelith, n'en courtisait pas moins toute jeune femme – blonde ou brune, il avait au moins assez de respect pour Augy pour l'avoir élue plus belle rousse du Royaume – dont l'attrayant visage passait à portée de son regard. Son attitude libertine lui aurait sans doute valu les foudres de nombre de confesseurs, s'il en avait seulement eu un.

Entre ces deux mâles indomptables, la Chambertin avait trouvé la sécurité que la mort de son père et la maladie de sa mère lui avaient enlevée. Au service de la Prinzessin, sa désormais vassale n'avait que renforcé ce sentiment de sécurité, d'autant plus que cette glaciale façade qu'elle opposait à tout importun faisait figure d'imprenable rempart, de massif château-fort derrière lequel Aelith avait élu domicile.

Mais au creux des murailles de sagesse et de raison, une fissure s'était fait jour, devenant une faille – et quelle faille ! Le Vicomte du Tournel, à l'invitation duquel la Duchesse d'Auxerre avait répondu positivement, offrant à Aelith, pour la première – et peut-être la seule fois de sa vie – la vision d'une femme que le doute rongeait.

C'était à ces réflexions amoureuse qu'Augy se consacrait, les yeux perdus vers un décor absent puisque les rideaux de la voiture avaient été tirés. La voix de sa suzeraine la tira cependant de ses pensées : le convoi avait finalement stoppé sur la place Arganossius, et prestement, la Flamboyante s'exécuta, descendant du carrosse, Rhéa sur les talons. La chienne, sans doute, n'aurait guère de poids face à toute attaque du Phénix, mais un mot rapide adressé aux Lombards fit légèrement se resserrer la formation autour de la voiture.

Une paire de secondes plus tard, elle était auprès du Pair et de ceux qui l'accompagnaient.


―Votre Seigneurie, le salua-t-elle, troquant une éventuelle originalité contre la plus élémentaire des bienséances. Ignorant de quelle manière il convenait cependant de saluer ceux qui étaient déjà présents à ses côtés, elle se contenta d'un: Le bonjour. Aelith-Anna de Chambertin, Dame d'Augy et vassale de Son Altesse Ingeburge von Ahlefeldt-Oldenbourg.

Les présentations avaient souvent quelque chose de décisif, sans qu'elle ne sache bien pourquoi. Les premières impressions avaient fait et défait de nombreux destins : allaient-elles déterminer le cours du voyage à venir ? La Flamboyante en doutait. La seule chose qu'elle désirait, c'était connaître ceux avec qui elle partagerait les prochains jours, d'où le fin sourire qu'elle leur adressa avant de se tourner vers le Pair, qui peut-être s'attendait à ne pas voir descendre la Froide du carrosse.

―Ma suzeraine m'envoie vous saluer ; elle est souffrante et n'est pas en mesure de quitter la voiture pour le moment. Si vous souhaitez lui transmettre quelque message que ce soit, je serais heureuse de le lui apporter.

Peser ses mots... La Prinzessin n'avait pas mentionné de salut; Aelith l'avait ajouté dans un esprit d'apaisement. En retour, elle s'était instituée médiatrice: c'est par elle que passeraient les messages, et le Vicomte n'approcherait pas le carrosse.

Mais honnêtement, dans quel traquenard s'était-elle fourrée ? Écrasées entre la volonté du Phénix et la défense de la Froide, combien de temps les pierres de la muraille qu'elle constituait tiendraient-elles ? Prise entre deux Pairs à défaut d'être prise entre deux feux : telle était sa posture désormais.

En cet instant, Dieu qu'elle enviait Rhéa dont les battements fous de la queue ne manifestaient que la joie de découvrir de nouveaux visages, et l'excitation du voyage...


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*Berenice, Racine.
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Desirade
Une vie de bohème, faites de voyages, de rencontres, parfois de drames, de larmes... Mais toujours cette envie de continuer, de ne pas s’éterniser à un endroit, ne s'attacher ni ne rien attendre de personne pour ne pas déchanter. Une fuite? Peut-être... Mais que fuyait-elle? Elle même ne le savait pas...
C'est ainsi que ses pas la menèrent en Languedoc et plus précisément à Montpellier. Coup de foudre pour la ville et ses habitants, la Châtaigne décide d'y poser ses maigres bagages pour un temps. Puis sa rencontre avec le Chapeauté, chamboulement total qui ne se contrôle pas, sa vie change, prend un tournant différent. Elle le sait, cette fois elle ne fuira pas... Les jours, les semaines passent et ne se ressemblent pas, puis...

Un départ précipité vers Mende, une escorte qui tourne au vinaigre et une Désirade en colère qui n'hésite pas à dire le fond de sa pensée au noble ingrat qui les a entrainé dans cette chaotique aventure en mettant leurs vies en danger. Certes, sa façon de faire ne plait pas à tout le monde, mais elle est ainsi la Châtaigne, impulsive et directe.
Cependant, contre toute attente, changement de programme. Parcourir les routes du Languedoc avec des Pairs? Voilà une occasion qui ne se présente pas tous les jours, situation improbable pour Dési, peu habituée à fréquenter la haute noblesse et qui ne connait pas grand chose en matière de convenances... Inquiétude, peur de mal faire, de paraitre impolie... Voilà de quoi lui mettre la pression... Elle chassa ses pensées en secouant la tête, ses doigts se resserrèrent doucement sur le bras de Mordric.

Rendez-vous avait été donné place Arganossius. Désirade n'était pas mécontente de reprendre la route après ces quelques jours passés à Mende. Jours éprouvants et chargés en émotion, autant négative que positive. Un regard vers son Chapeauté suffit à l'apaiser. Le seul homme capable de lui tenir tête, le seul pour qui elle était prête à tempérer son impétueux caractère.
Ils avançaient, silencieux, vers une nouvelle aventure. Non sans une pointe d'angoisse chez la jeune femme.

Ils furent les premiers à rejoindre le Vicomte sur la place. Dési le salua d'un chaleureux sourire mais souffla un néanmoins timide:

Votre Seigneurie, bonjour. Nous sommes prêts pour le départ.

Un coup d'oeil rapide vers Mordric, cherchant l'approbation dans son regard. Ne pas commettre d'erreur, voilà ce qui lui importait.

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Mordric
Un hochement de tête accompagné d'un sourire.
Le tout destiné à Dési en signe d'assentiment. Il ne doutait pas qu'elle pourrait y mettre les formes nécessaires, il craignait juste un débordement quelconque...

C'est sur cette entrefaite que le cortège fit irruption.
Stupidement il ne s'était pas imaginé voyager avec pareil attelage. Il n'était pas allé jusqu’à imaginer la Pinzessin chevauchant à leur côté. Mais les chariots suivant sa voiture, il n'avait pas pensé les voir.
Au moins, il serait difficile de se perdre s'il s'éloignait du convoi. Les traces seraient nombreuses... Avec ce que cela impliquait de convoitises.
Mais les lombards étaient là pour ça non ?

Lorsque la femme descendit du carrosse, son coeur manqua un battement. S'attendant avec angoisse à voir le Roy d'Armes s'avancer vers eux.
Mais non, pas la femme de Glace. Elle resterait certainement à l'intérieur...
Étonnamment c'était un Incendie qui se glissait rapidement vers eux.
Il l'avait aperçu déjà, peut-être aux précédentes allégeances... Il n'en était pas sûr.
Les présentations se firent. La vassale de Son Altesse. Glace et Feu unis par les liens de la suzeraineté. Cette pensée le fit sourire et c'est ainsi qu'il répondit, les lèvres étirées en une amabilité mal dissimulée.

Lo bonjorn Dona de Chambertin!
Mordric...

Et toujours ce doute, cette hésitation. Répondre en un mot à une personne dont le nom et les charges pouvaient prendre de longues secondes à être énoncés. Cela lui semblait toujours, incongru.
Mordric, montpellierain qui vous accompagnera un moment.

Transmettez mes respects à Son Altesse.
Pour peu qu'elle s'en intéresse faillit-il ajouter. Non par insolence, mais qu'était-il finalement ? Surement pas le centre d'attention qu'il était dans la comédie qu'il jouait souvent...
Et si cela était déplacé, il se doutait que la Flamboyante n'en ferait part à sa suzeraine.


Il s'inclina alors légèrement, pour la saluer. Puis lorsque Dési se fut présentée à son tour, il s'écarta, espérant que sa brune suivrait pour laisser le Pair et la Dame s'entretenir.
Il avait hâte de chevaucher maintenant...

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Desirade
A peine le temps du bonjour qu'un carrosse déboula sur la place, suivi de quelques chariots. Les yeux écarquillés, Désirade regardait le défilé. Elle qui voyageait toujours léger était, pour le coup, impressionnée. Pour sur qu'ils ne passeraient pas inaperçu. La Châtaigne garda les yeux fixés sur l'important cortège, passant du carrosse aux chariots, des chariots aux cavaliers... Pour peu elle en aurait eu le tournis.

Sa main se crispa légèrement sur le bras de Mordric quand une femme descendit de voiture, mais sitôt que cette dernière se fut présentée, Dési se détendit un peu et c'est tout naturellement qu'à la suite de son Chapeauté elle répondit un: Bonjour, je m'appelle Désirade, montpellieraine, du voyage également.

Elle ponctua en souriant aimablement, nul besoin de se forcer, chez elle le sourire était inné. Sa mère lui avait assez répété, quand elle n'était encore qu'une enfant: " Ma fille, quelque soit la situation dans laquelle tu te trouves, n'oublies jamais de sourire, ça ne coûte rien mais ça apporte beaucoup, à toi comme aux autres" Désirade en avait donc fait son crédo.

Les présentations faites, la jeune femme suivit son brun un peu à l'écart. Le départ allait bientôt sonner, enfin...

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Actarius
Si le Vicomte était d'une maladresse crasse en amour, il avait l'oeil expert pour la chose militaire. Le léger repositionnement de la garde lombarde ne lui échappa pas. Il n'était plus question de convenances, plus de fallacieuses excuses. Si ces Italiens de malheur se resserraient, c'était bel et bien pour qu'elle fût protégée de lui.

La joie avait empli son coeur lorsque le convoi princier était apparu quelques instants auparavant. Il y voyait un signe de trêve, une promesse d'horizon plus apaisé. Mais le bonheur s'estompa éphémère lorsqu'il remarqua cette manoeuvre insultante. Il laissa place à une sourde colère et à une grande déception, à plus forte raison que l'ordre venait de la Flamboyante. Il avait échangé des propos amicaux avec elle il y a près de deux mois, ne lui avait jamais donné la moindre occasion de se défier de lui et voilà qu'elle participait de ce jeu hostile dans lequel sa Suzeraine de glace excellait. Pas même un franc sourire, juste un rictus de convenances lorsqu'elle vint le saluer. Puis, des paroles qui auraient pu être tenues par la Prinzessin... la colère grondait, le profond sentiment d'injustice également. Elle retournait donc ses gens contre lui, qu'elle serait la prochaine étape: la Bourgogne, la Pairie, les Feudataires, voire même le Languedoc ? Le visage chaleureux avait naturellement disparu. La vassale eut droit à un léger hochement de tête en guise de salut, là où peu auparavant Désirade avait été gratifiée d'un franc sourire et d'un "Addissiatz" en bonne et due forme. Une nouvelle fois, il prit sur lui.


Nous passerons par Villefort, cela épargnera à Son Altesse les routes chaotiques des Cévennes. Voix sentencieuse pour affirmer un plan, déjà conçu mais ignoré de toutes et tous. Oui, il comptait de toute manière prendre cette route. Oui, Aelith ne pouvait le savoir. Et oui, il n'avait aucune autre gentillesse dans l'escarcelle. Chose qui se confirma lorsqu'il pencha de sa monture en direction de la Maîtresse équine pour parler un peu plus bas. Que sa garde ferme la route, elle sera bien plus utile contre les brigands que contre moi. Deux choses sous-jacentes ainsi signifiées. La première établissait sans l'ombre d'un doute qu'il avait perçu le petit manège. La seconde révélait une autorité claire. Il connaissait la route, il savait les dangers et en matière de défense, il n'était pas le premier venu. Voyager avec lui revenait à lui confier une responsabilité et il la prenait très au sérieux. Rien n'arriverait à celle qu'il aimait. Et puisqu'on lui avait ostensiblement démontré à quel point sa compagnie était souhaitée, puisque la mise en scène était comprise et entendue, puisque le message était passé, inutile désormais de poursuivre dans cette voie, la sécurité du convoi demeurait bien plus importante que les petites précautions insultantes de Son Altesse à son égard.

Il se redressa alors et s'écria dans son oc natal, comme pour affirmer un peu plus son autorité.
Zo !*

A ce mot explicite, quinze cavaliers surgirent de la cour de la vaste demeure qui faisait face à l'église de l'autre côté de la place. Tous arboraient le Phénix. Dix firent halte non loin du carrosse dont ils assureraient les flancs, les cinq autres approchèrent du Vicomte. Avant qu'ils ne s'arrêtassent à leur tour, le Mendois rappela une dernière fois. N'oubliez pas Aelith, les Lombards à l'arrière. Mes hommes veilleront sur les flancs de votre voiture, ils connaissent chaque fourré, chaque bois, chaque zone dangereuse de la route que nous allons suivre, ils ne pourront être surpris, ce qui n'est pas le cas de ces Italiens. Surveiller l'arrière leur sera plus facile. Ce n'était pas là l'amoureux offusqué qui parlait, mais le soldat. Après avoir assuré nombre de fonctions militaires, après trois guerres, ce soldat dégageait une certaine assurance lorsqu'il s'agissait de mettre en place un plan mûrement réfléchi. Ah ! Et dites à Son Altesse que je suis heureux qu'elle soit là, lâcha-t-il avec une bonhommie et un sourire retrouvé. Au-delà de la contrariété et des nouvelles piques qu'elle lui lançait sans même paraître, elle était là. Et au final, le reste importait peu. Si bien que la colère avait disparu et que sa nature avait repris le dessus. Puisse-t-elle guérir vite, conclut-il avec un clin d'oeil qui ne laissa guère de doute sur ce qu'il croyait n'être qu'une astuce pour ne pas avoir à le voir.

D'un coup de talon, il élança sa monture au trot vers les cinq gardes qui approchaient. Deux reçurent l'ordre de partir directement sur Alais et d'y réserver plusieurs chambres dans deux auberges. La Froide n'aurait ainsi pas de raisons de se plaindre de son manque de convenances. Prévenant le Coeur d'Oc ? Si peu... les trois autres s'en retournèrent vers le cortège princier qu'ils précéderaient de quelques pas. Le Mendois adressa un signe d'invitation à Mordric et Desirade puis ordonna le départ d'un nouveau "zo !".



* En avant !

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Aelith
["Moi, je vivais depuis longtemps dans la tragédie. C'est pour sauver la tragédie que j'ai tiré."*]

Il y avait plus de flammes dans les yeux du Pair que dans la chevelure de la Flamboyante.

Coupable ou non, elle les ignora. Au creux de son ventre, il y avait de l'admiration pour l'un comme pour l'autre. Pas la même, c'est vrai; si cela n'avait tenu qu'à elle, elle se serait mise en selle et Tacite l'aurait emmené loin de cette stupide tragédie. Mais la tragédie était devenue la seule scène qui semblait bien vouloir l'accepter; les planches avaient beau craquer sous ses pieds, elle s'était exécutée. "Pour sauver la tragédie".

Un instant plus tôt, pourtant, l'acte avait quelque chose de plaisant.


―Je n'y manquerai pas, sieur Mordric, avait-elle répondu au chapeauté, adressant à sa compagne le même sourire que celui qu'elle lui dévoilait.

Mais la voix du Phénix avait fait taire les sourires en même temps qu'elle avait fait naître les voix dans la tête d'Augy. Elle en aurait hurlé: subir ses foudres alors qu'elle faisait son possible! Juste son possible... Qu'attendaient-ils, chacun de leur côté? Voulait-Il qu'elle arrange les rencontres qu'Elle ne daignait pas lui accorder? Voulait-Elle qu'elle repousse des attaques qui n'avaient pas encore eu lieu?

Son poing se serra dans sa main ganté tandis que Rhéa s'applatissait au sol, craignant une colère qui n'éclaterait pourtant pas. Contre qui pourrait-elle bien se manifester, si ce n'était le sort?


―Bien, répondit-elle tout aussi chaleureusement, rejoignant le carrosse, la chienne sur les talons tandis qu'un geste à l'intention des Lombards rectifia leur position. A nouveau.

La colère avait laissé place à la lassitude. Elle n'avait rien de leur obéissance militaire, rien de leur résistance physique et morale. Elle n'avait rien de ce qui leur permettait de rester impassible, tandis que ses traits se creusaient et qu'une vulgaire quinte de toux venait taquiner sa gorge. Elle la réprima, serrant les dents, tandis que le goût cuivré du sang remontait jusqu'à sa bouche.


―Souffrir passe, déclara-t-elle au Pair dans un sourire, se retournant alors qu'elle allait rejoindre le carrosse.

"Avoir souffert ne passe pas"**, garda-t-elle pour elle tandis qu'elle rejoignait sa suzeraine.

Le temps viendrait sans doute à bout de leurs batailles. Mais il ne les effacerait jamais, et leur attitude commune aurait alors le goût de l'amertume. Chacun armait son bras: et si l'un provoquait, l'autre répondait avec la même fougue. C'était tellement humain. Et seule Rhéa, sans doute, n'y comprenait rien.


―Nous serons accompagnés d'un sieur dénommé Mordric, et d'une femme appelée Désirade; ils vous adressent leurs respects. Sa Seigneurie vous souhaite un prompt rétablissement et se réjouit de votre présence.

Son compte-rendu effectué, son regard se déroba, fixant le ridelet avec une volonté d'acier. Elle ne voulait pas savoir quelle émotion passerait dans celui de la Prinzessin après ces quelques mots. Elle avait proposé son conseil, et elle le regrettait désormais.

Non, elle ne voulait pas savoir.


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*Les mains sales, Jean-Paul Sartre.
**Louise-Marie de France

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Mordric
Zo !

Le signal, impérieux, était lancé.
Le cortège allait se lancer; concert de sabots martelant le sol, de roues grinçantes et de chevaux piaffants; bientôt la campagne résonnerait du son de leur avancée.

Le Chapeauté jeta un oeil en direction de Dési.
Il lui sourit, tentant de masquer les troubles qui le prenaient.
Ces derniers jours l'avaient quelque peu transformé, il se sentait sombre, sans même savoir pourquoi. L'échange auquel ils avaient assisté quelques instants plutôt n'arrangeait en rien tout ça. Rien ne cela ne le concernait, mais les tensions ressenties dans les quelques mots qui étaient parvenu à ses oreilles l'avait perturbé.
Mais cela ne le concernait en rien, pour le moment, il se contenta de s'adresser à Dési.


En route ma Garce...

D'un geste sûr, il grimpa en selle.
Rares étaient les moments où on pouvait l'apercevoir jugé sur un cheval, mais il n'en était pas moins bon cavalier. Depuis quelques temps plus habitué à la vie citadine, il avait perdu cette habitude, préférant déambuler sur ses pieds fièrement bottés.

Une fois assuré que Dési eut gagné sa propre monture elle aussi, il lança son cheval, gagnant une place non loin derrière le Vicomte.
Assez loin pour respecter son intimité, assez proche pour l'entendre l'appeler s'il avait besoin de lui.

Ses yeux alors se portèrent sur le paysage, contemplant les remparts de Mende qu'ils quittaient désormais.

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Ingeburge
Si elle paraissait lointaine et détachée malgré cette mauvaise mine qu'elle arborait, elle prit suffisamment sur elle pour ne rien en montrer quand Aelith, les directives prises, quitta le coche, sa chienne sur les talons. C'était ce qu'elle s'était fixé, se montrer raisonnable et prendre du recul, surtout après cette révélation faite spontanément quand elle avait annoncé leur départ du château des comtes du Languedoc, à Montpellier et qu'elle regrettait quelque peu. Un secret en était-il encore un dès lors qu'une personne de plus que les concernées directement était au courant? Non pas qu'elle n'avait pas confiance en Aelith, sinon, elle ne l'aurait pas chargée de cette mission délicate de héraut envoyé en temps de guerre vers l'ennemi. Mais le fait, en quelque part, ne lui appartenait plus et pour ne personne qui comme elle aimait le contrôle, c'en était d'autant plus déstabilisant.

Le calme, néanmoins, se fissura rapidement, il ne fallut pas plus d'une minute pour que des questions nombreuses mais tendant toutes dans le même sens l'assaillent et la taraudent. Que se passait-il, à l'extérieur? Que se passait-il à l'extérieur? Que se passait-il à l'extérieur? C'était cette interrogation là qui dominait mais toutes étaient peu ou prou du même acabit. L'attente devenait insoutenable et elle qui n'était pas curieuse de nature était fortement intriguée, tentée de tirer le ridelet, ne serait-ce que légèrement, histoire de pouvoir de jeter un coup d’œil qui ne lui servirait de toute façon de rien. Elle les aurait vus parler et après? Elle ne saurait pas davantage ce qui se passait à l'extérieur. Pire, elle aurait plus d'occasions de se perdre en conjectures, de monter des hypothèses et donc, de davantage se ronger les sangs.

Faunus miaula, la tirant un bref instant de ses réflexions. Son chat commençait de s'agacer de ses caresses qui avaient perdu en tendresse ce qu'elles avaient gagné en vigueur. Ainsi étrillé, il n'était plus à ses aises et ce miaulement, suivi d'un second, la poussa à retirer sa main. L'animal, libéré de cette pensante entrave, se mit sur ses pattes, s'étira nonchalamment et quitta les genoux de sa maîtresse pour son côté, finissant par se caler contre elle, l'air vexé. Amusée par cet air ombrageux, elle lui toucha une patte, afin de le dérider et indifférent, il entreprit de se lécher ostensiblement le pelage. Elle décida de le laisser tranquille et avec cet abandon, les questions, lancinantes, revinrent.

Elles se trouvèrent même renforcées, quand il lui sembla percevoir une exclamation immédiatement suivie du bruit de sabots martelant le sol. Que se passait-il à l'extérieur? Encore. Sauf que pour le coup, elle n'était plus, à défaut d'être toujours frappée de cécité, sourde. La Prinzessin, la curiosité plus que jamais piquée, tendit l'oreille, afin d'identifier ce qu'elle entendait. C'était toute une troupe, pas moins, qui semblait avoir pris possession des entours. Les piaffements et hennissements qui accompagnaient le choc métallique étaient des plus parlants. Etait-ce signe que le départ approchait? Ou cela signifiait-il que le convoi serait beaucoup plus important que ce qu'elle avait cru?

Aelith revint, le flot des interrogations du moment se tarit pour faire place à d'autres et si elle crut, au retour de sa vassale, que les incertitudes tomberaient, elle en fut pour ses frais. En son esprit, les pensées tourbillonnaient et nombre de questions lui brûlaient les lèvres. Comment était-il? Comment étaient ses vêtements? Avait-il l'air fatigué? Comptait-il voyager à cheval? Avait-il l'air de bonne humeur? Avait-il souri? S'était-il longuement exprimé? Semblait-il inquiet? Avait-il parlé d'elle? Comment avait-il pris l'annonce de son indisposition? Comptait-il venir la saluer? Avait-il esquissé un geste en ce sens? Ou alors avait-il décidé de respecter son intimité? Et comment allait-il? Mais elle ne demanda rien, se contenant et attendant religieusement que l'oracle daignât parler. En fait de brillante prophétie, elle eut droit à un rapport très service service, d'une platitude qui ne fit que grossir le flot et l'intensité des questions.

Comme Faunus l'avait dédaignée, la Chambertin semblait vouloir l'ignorer. Il n'y avait qu'à observer ce regard fuyant, ce visage fermé. Que s'était-il passé à l'extérieur? Que s'était-il passé à l'extérieur? Que s'était-il passé à l'extérieur? Si elle n'en avait rien su au moment même où la scène se jouait, elle devinait maintenant que celle-ci n'avait rien eu d'agréable. Comme elle s'était servie d'Aelith, Actarius avait usé de cette dernière. Aelith n'avait été que le vecteur d'un dialogue, qui, malgré la distance, s'était tenu entre eux deux et eux deux seuls. Quand elle-même avait parlé à Aelith, c'était en fait au vicomte du Tournel qu'elle s'adressait directement; celui-ci n'avait pas dû faire autrement et elle savait fort bien, pour l'avoir vécu, qu'il pouvait être rude et emporté aussi bien que doux et tendre. Il y avait fort à parier que c'était la première facette qui s'était exposée et sa vassale venait d'en faire l'amère expérience.

Hésitante, elle se borna finalement à articuler trois mots :

— Merci, Aelith-Anna.
Voilà à quoi cela servait d'être honnête avec ses proches : à Actarius, elle avait dit qu'elle le haïssait et celui-ci détenait depuis le moyen de la briser comme un fétu de paille, à Aelith elle avait faire part de son tourment et celle-ci semblait s'éloigner. Elle se tairait, désormais. Elle se tut.

Reprise par ses doutes, elle détourna son visage pâle vers l'autre rideau. Dans un grincement d'essieu, le lourd coche armorié commença d'avancer. Le voyage débutait enfin, et sous les pires auspices.

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Hakon_
Tel une ombre, le jeune clerc avait suivi le convoi depuis la Bourgogne. Tel une ombre, il s'était cloîtré -au sens propre comme au sens figuré- durant plusieurs semaines. Depuis qu'il avait rendu sa charge d'évêque, plus rien ne semblait le retenir à la vie du commun des mortels. Il n'aurait sans doute pas fait long feu, s'il n'avait enseigné maintes et maintes fois tout ce que le suicide peut représenter comme pêchés multiples et terribles. Il devait aussi sa vie à deux femmes. Sa Tante, ancienne tutrice et chaperonne de haut vol avec laquelle il y avait eu autant d'orages que ce qu'il pouvait lui vouer comme admiration ; et puis il y avait Ellesya, son amie d'enfance et depuis toujours amour secret.

Dès le premier regard, ce jour-là, où tout juste arrivé en Provence, il avait accompagné sa Tante au baptême de la jeune Esyllt-Caterina alors bébé. Il avait aperçu cette jolie brune sauvage et peu au fait de ce qu'était une cour de noblesse dans le raffinement et le luxe des cours pariales de France. Quelques années après, elle était devenue une femme et la plus belle de tout ce que la France et l'Empire pouvaient compter de nobles dames et damoiselles. Quelques milliers de couronnes et deux titres de chevalier démonétisés et non fieffés étaient bien tout ce qu'il pouvait posséder. Il broyait du noir et se réfugiait dans la prière parce qu'il ne pourrait jamais prétendre à cet amour qui le dévorait. Et le défrocage de sa Tante n'avait rien arrangé à l'affaire. Elle avait tant donné à l'Église, qui lui avait si peu accordé et l'avait si mal traitée, il n'imaginait pas être autorisé lui-même à quitter les ordres.

C'est ainsi, oublieux de ses prières qu'il avait été retrouvé dans la chapelle d'un vieux monastère abandonné où il avait trouvé refuge que deux des hommes de Son Altesse l'avaient retrouvé et sommé de les suivre. Il n'avait pas réfléchi. Un ordre d'Ingeborg n'était nullement sujet à la discussion et il ne voulait pas discuter avec qui que ce soit, il suivit donc sans se plaindre. Il récupéra son baluchon, l'attacha à la selle d'Altesse, sa fidèle jument et prit la suite des lombards. Il avait de toute façon délaissé la prière depuis bien longtemps, pour consacrer un temps infini au repli sur soi et à la plainte quant à son propre sort, agissements bien peu aristotéliciens.

Arrivé à leur "campement de base", il prit une heure pour passer aux bains où il se rasa et se baigna pour racler toute la crasse accumulée dans son campement de fortune. La saleté, ou du moins son retrait semblait cathartique et lorsqu'il sortit de la salle basse et voutée réservée aux serviteurs, il semblait un peu plus humain. Son catogan était de retour comme à son arrivée du Danemark voilà des années. Son visage couturé du temps de son passage à la Garde Épiscopale et des croisades avait vieilli, tanné quelque peu par le soleil et ses mains n'étaient pas vraiment ce qu'auraient dû être les mains d'un clerc, moine attaché à la rédaction d'actes sur de riches parchemins enluminés. Les cals et les cors marquaient son attachement aux pioches, râteaux et épées.

Des chevaliers s'ébrouèrent et arrivèrent au niveau du coche qui devait être celui de Sa Tante. Il ne voulait voir personne et il savait qu'elle ne lui en voudrait pas. Sachant à présent et certainement dès le moment où elle avait envoyé ses hommes le chercher qu'il serait présent dans ses bagages lors du départ qu'il était disponible sur simple demande. Il eut un instant où il se demanda même si elle avait réellement envoyé des hommes ou si ceux-ci la connaissaient suffisamment bien pour devancer ses ordres. Il repoussa cette idée à la connaissance de son armée si bien organisée.

Il se plaça donc avec les lombards à l'arrière du coche, son épée aiguisée placée en son fourreau. Il n'avait jamais pris le temps de demander un port d'arme mais il savait que personne ne viendrait s'enquérir de cela. Et il devait bien avoir le faux constitué par un vieil ami à ce sujet et bien d'autres dans ses affaires. Sa tenue ne le montrait de toute façon pas comme un prêtre. Seule la médaille aristotélicienne dissimulée dans ses habits auraient pu le montrer comme un prêtre. Ses manières, sa façon de monter l'indiquaient sans doute davantage comme un mercenaire un peu trop couturé pour son âge. Bien entendu, il s'agissait essentiellement d'une illusion puisqu'il n'avait pas réellement combattu depuis bien longtemps mais il ne devrait sans doute pas avoir besoin de tirer son épée. Tout allait donc pour le mieux. Il rabattit sa capuche sur sa tête et vérifia machinalement que le chapelet de Sya était bien dans la poche cousue sur son cœur. Il serra légèrement les mâchoires et suivit le mouvement lorsque la troupe s'engagea sur la route de leur périple.

Il ne se rendit compte qu'après plusieurs heures de voyage qu'il ignorait parfaitement où ils allaient.

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Seigneur du Clos Lucé, Chevalier du Danemark et de Norvège
Actarius
La troupe quitta Mende par la porte du Puy, plein est donc. Elle épousa le cours du Lot à une allure soutenue. La voie était ici dégagée et les ornières plutôt rares, du moins jusqu'à hauteur du ravin de la Rouvière. Le fleuve capricieux commençait là de serpenter en formant un grand "M" au pied du flanc nord de la Causse de Mende. Dès lors que l'on avait traversé Nojaret le Lot suivait une certaine régularité, entrecoupée de quelques coudes moins marqués. Puis, se dévoilèrent Chadenet, Bagnols, qui marquaient l'entrée de plain-pied dans la haute vallée du Lot sur laquelle veillait le Castel du Tournel juché sur son éperon rocheux, qui ne manqua pas d'arracher un commentaire du Vicomte à l'adresse de Désirade et Mordric, dont il s'était mis à hauteur pour deviser durant le trajet. Le Tournel, le coeur de ma Vicomté, glissa-t-il avec un soupçon de fierté et le doigt tendu vers les remparts. C'est une forteresse proprement imprenable, les engins de sièges ne serviraient de rien face à l'éperon rocheux. Il faudra que vous veniez un jour la visiter.

Ce ne furent bien entendu pas les seuls mots qui furent prononcés par le bavard Phénix. Il y eut plusieurs digressions tandis qu'ils tendaient à l'est à travers la haute vallée du Lot, puis celle de l'Altier pour rejoindre Villefort et la voie Regordane. Elles concernaient la région, son histoire, ses légendes. Le Mendois semblait intarissable sur les lieux aperçus, les châteaux rencontrés, à l'image de celui de Castanet sur les rives du Lac de Villefort. Cependant qu'ils traversaient cette cité carrefour, érigée sur l'antique Regordane qu'ils allaient emprunter, il envoya un garde s'enquérir de l'état de son Altesse et la prévenir que la suite du voyage serait un peu plus chaotique.

Ils piquèrent au sud, longèrent la Cèze jusqu'à Genolhac, siège du Seigneurie, puis apparut le hameau de Chamborigaud, se dévoila la baronnie de Portes, le petit col homonyme qu'ils empruntèrent tant bien que mal pour joindre le Pradel. Les Cévennes déclinaient lorsqu'ils atteignirent Saint-Martin De Valgalgues, depuis lequel on apercevait déjà la cité alaisienne. Le Mendois avait profité de la seconde partie de ce trajet pour en apprendre plus sur le couple Mordric-Désirade. D'où ils venaient, ce qu'ils faisaient, comment ils trouvaient le Languedoc, que pensaient-ils de la ligne suivie par le Conseil... Fidèle à lui-même, il interrogeait sans retenue et avec franchise sans nulle autre intention que de faire connaissance un peu plus avant. Lorsque se présentèrent les portes d'Alais, l'Euphor envoya le même garde prévenir le carrosse princier de leur arrivée, prendre quelques nouvelles encore, annoncer que deux auberges avaient été réservées dont l'une exclusivement dévolue à Son Altesse et à sa suite et en profiter pour souhaiter une agréable nuit de la part d'Actarius.

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Ingeburge
La réponse donnée au garde envoyé par le Phœnix pour prendre de ses nouvelles et indiquer que la route allait devenir difficile alors qu'ils abordaient le Chemin de Regordane fut simple et sans appel : Son Altesse ne se portait guère mieux qu'au début du voyage; ce qui n'était pas si éloigné de la vérité que cela. Si plus tôt la duchesse de Berg avait feint la maladie pour ne pas se montrer au vicomte du Tournel et éviter toute approche de la part de celui-ci, elle n'avait menti qu'à demi car elle sentait une faiblesse générale prendre son corps depuis quelque temps et elle ne mentait désormais plus car la route déjà trop pleine de cahots à son goût l'avait rendue nauséeuse. Alors, la perspective d'être encore plus secouée lui arracha une grimace de souffrance et elle s'enfonça sur sa banquette une fois le cavalier éloigné. Il lui semblait n'avoir pas subi à ce point quand quatre mois plus tôt, elle avait accompli le chemin en sens inverse et entrepris l'ascension devant la mener au Tournel. Après l'avoir extrait de sa manche, elle appliqua son mouchoir violemment parfumé au lys de Florence contre son nez, tentant de prévenir et d'endiguer le haut-de-cœur redouté.


A moitié couchée sur la banquette – elle en avait délogé son chat qui était allé trouver refuge en face –, une fourrure la recouvrant jusqu'au cou, elle demeurait le regard fixe, n'ayant pas trouvé d'autre position pour soulager l’écœurement qui lui tordait les tripes. Depuis des heures, elle était ainsi, luttant contre son malaise, ne décochant pas un mot et refusant toute aide. Il lui semblait maintenant que la route était plus calme, elle se sentait moins éprouvée et de fait, c'était plus tranquille car elle put sentir le coche ralentir puis s'immobiliser tout à fait. Avec lenteur, elle se redressa, craignant d'être prise de vertige si elle regagnait sa position assise brusquement et elle en profita pour attraper la besace de cuir se trouvant à ses pieds. Une fois réinstallée, elle en sortit un petit miroir à mains et entreprit d'examiner son reflet alors qu'autour, à l'extérieur, l'on s'empressait de tout mettre en ordre afin qu'elle puisse descendre. Elle observa son visage à la carnation alabastrine qui ne devait rien à l'artifice; au premier coup d’œil, l'on ne dénotait rien d'anormal, les traits étaient fermes, la peau claire. Mais, en y regardant de plus près, l'on pouvait constater que celle-ci manquait de luminosité et s'était recouverte d'une fine pellicule de moiteur, que les yeux pâles, quelque peu hagards, étaient légèrement cernés de zinzolin. Dans un soupir, elle rangea le précieux objet et réajusta son manteau.

La portière s'ouvrit, on lui tendit le bras et alors qu'elle descendait de voiture, l'un de ses gens vint l'informer que c'était là où elle logerait durant le séjour alaisien, le vicomte du Tournel ayant réservé à son usage personnel l'auberge qui se matérialisait devant ses yeux fatigués. Gardant le même silence qu'elle avait opposé depuis qu'elle avait remercié Aelith quelques heures plus tôt, elle se contenta d'avancer puis de pénétrer dans l'établissement, ne voyant rien, ignorant tout le monde, se laissant guider par le valet qui lui avait délivré quelques informations. On la conduisit directement à sa chambre, talonnée de près par quelques gens de sa suite et avant de s'engouffrer dans son logis, elle dit simplement :

— Je mangerai en privé, seule. Que l'on me fasse monter un baquet d'eau chaude en même temps que le repas et que quelqu'un aille remercier Sa Seigneurie le vicomte du Tournel pour sa sollicitude.
Et seule, dans le vocabulaire domestique de la Prinzessin, c'était porte close à tous et toutes, y compris les proches, et à l'exception de ses camérières.

Une heure plus tard, elle avait avalé un potage et pris son bain et se tenait à genoux sur le côté de sa couche, à rendre grâce pour la journée écoulée. Ses dévotions achevées, elle s'empressa de se mettre au lit tandis que ses caméristes s'étendirent sur des paillasses installées au pied du meuble. Exténuée, elle fut vite attrapée par le sommeil et dormit d'une traite, oublieuse de ses soucis. Ceux-ci l'accueillirent quand elle ouvrit les yeux, le lendemain, à l'aube, et tant le malaise que son tourment coutumier la reprirent, comme si elle ne s'était en fait pas reposée.

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Back, work in progress
Actarius
[Quelques jours plus tard en Uzège]


Le cortège avait repris sa route. Il pointait désormais vers le sud après une escale de quelques jours au coeur de l'Uzège, dans la belle cité uzétienne. Le séjour avait été agréable, mais ponctué d'une nouvelle inattendue, le départ de Désirade. Le Mendois restait sur une impression mitigée. Il l'appréciait bien cette demoiselle et la missive qu'elle lui avait laissée avant son départ témoignait de grandes qualités de coeur. Cette décision le tourmentait encore cependant que le convoi approchait des rives du Gardon par-delà l'onduleux paysage de garrigue souriant de ces mille couleurs au printemps. Comment ignorer le jaune des ajoncs, les cistes aux pétales rosacés et froissés, le vert sombre, mais brillant au soleil des pins blancs qui se disputaient de ci de là un peu d'espace avec les yeuses et les arbustes ? Même les yeux fermés, on ne pouvait échapper à cette garrigue si sensorielle, si sensuelle, aux courbes enveloppées par un parfum de thym, de sarriette et de romarin.

Au-devant de la troupe, le Vicomte chevauchait en bonne compagnie. Il devisait naturellement avec sa bonhommie coutumière. Mais à bien y faire attention, son regard se portait souvent sur Mordric... lui aussi, il s'était fendu d'une missive à son égard pour évoquer le départ de sa belle, sans l'expliquer toutefois. En somme, le Mendois attendait un moment opportun pour se rapprocher un peu plus du Montpelliérain et apaiser sa curiosité. L'instant finit par se présenter non loin de la Combe de la Goule. Prétextant un petit doute sur le chemin à suivre, il accéléra la cadence et demanda à Mordric de l'accompagner. Dès lors qu'ils furent hors de portée, la question fusa, peut-être inopportune mais non pas mal intentionnée. Plus que de curiosité, il s'agissait d'une forme de sollicitude, de là à savoir si elle était déplacée ou non...


C'était une femme charmante, pourquoi ne pas l'avoir accompagnée ?

La question était posée cependant qu'à l'arrière un messager rejoignait le convoi en demandant à la cantonade où il pouvait trouver l'Euphor, qu'il avait déjà vu par le passé. Le corbeau, qui avait pris son envol à Mende, s'était renseigné à Uzès sur la route suivie par le cortège avec lequel voyageait le Phénix.
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