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[RP] Aime moi à en mourir...

Larouchka
[... Sois à moi comme je saurais être à toi, offre-moi le rêve, que je te le rende au centuple... B.]

[Luxeuil. Auberge Osso Buccolica.]

Accoudée à la fenêtre de la petite chambre louée par Gabriel, je regardais le lac, songeuse. J'avais fauté, terriblement fauté, bien plus que je ne l'avais jamais fait jusqu'alors.

Passant une main dans mes cheveux mordorés, je posais ma main libre sur mon ventre rond. Dieu, qu'avais-je fait. Pourquoi mon âme était ainsi hantée? Il me faudrait écrire à Ellya, lui confesser mes fautes, elle me reprocherait encore mille maux. Et Gabriel? Cette fois, je le trahissais pour de bon. Je ne devais plus revoir l'objet de mon tourment. Jamais.

Mon ventre se contracta et, pour être plus à mon aise, je me levais lourdement pour me coucher sur le lit moelleux. Souvenirs, souvenirs...

[Epinal, la veille, en taverne.]


Un rot tonitruant était sorti de ma bouche. Était-ce moi qui ainsi avait éructé? Je me tournais alors en riant vers celui qui était venu me tenir compagnie.

Allons, mon cher, il ne faut pas vous mettre dans ces états. Votre venue était une bonne chose, j'en suis certaine. Et puis, je suis ravie de vous avoir rencontré!

Ma main s'était doucement posée sur le bras du jeune homme. Il me plaisait. Certes, ça n'était pas un Apollon, mais il y avait quelque chose qui émanait de lui que j'aimais. Était-ce sa naïveté, l'innocence qu'il avait montré lorsque in-élégamment, je lui avais proposé de lui montrer ma chatte alors que lui me présentait une petite bête adorable au poil blanc?

Je n'étais pas un parangon de chasteté, c'était connu et ce jeune homme avait quelque chose de frais, d’enivrant, d'envoûtant. Était-ce moi où lui qui se jetait dans la gueule du loup?

Doucement, mes lèvres se posèrent sur sa joue légèrement barbue et ma main libre vint caresser sa jumelle.


Moi, je suis ravie que vous soyez ici...

Murmurai-je dans un soupire.

Mais qu'avais-je donc ainsi à vouloir le séduire? J'avais promis à ma soeurette d'être chaste et fidèle à mon époux et jusqu'à présent j'y réussissais fort bien, pourquoi donc la vue de cet homme me faisait oublier mon serment envers moi-même?

_________________
Beren
Un autre voyage, un de plus ; finira-t-il comme les autres, comme cet autre-là qui l'a vu tomber sous les coups d'une armée ? Le guet-apens d'alors avait été savamment préparé, Beren ayant demandé à ce qu'on lui octroie un laissez-passer ; ce faisant, il avait communiqué son itinéraire exact. Làs, qu'avait-il fait ? L'armée les avait attaqués, lui et l'amie de la Platine, alors qu'ils rejoignaient des amis blessés.

Fort heureusement, ce trajet-ci n'était pas vers la Champagne qu'il abhorrait tant, mais vers la Lorraine, et plus précisément vers Epinal, où sa soeur, jumelle, et chef de famille occupait la fonction de maire, depuis la veille. Sur une idée de la douce Gwenaelle, il avait donc pris monture, et s'était dirigée, la Belle à ses côtés, vers la frontière, et, celle-ci passée, vers la cité spinalienne voisine.

Epinal. Pleine de suprise, toujours. De là était originaire la petite fille qui l'avait fait fondre ; Luisa était décidément adorable, et il aurait voulu la revoir. En fait de visite, Beren passa la majeure partie de son temps à la municipale, afin de deviser avec de parfaits inconnus, le tout, en compagnie de sa soeur. Et elle était entrée ; Lara.

A son arrivée, Beren s'était naturellement levé, incliné, puis lui avait soufflé baise-main ; il n'était pas de ceux qui n'ont d'égard que pour les puissants et, il en était persuadé, chaque femme était une reine, à sa façon. Celle-ci, particulière et franchement singulière, avait su attirer son attention par un je-ne-sais-quoi de captivant. Timide, rosissant parfois sous ses initiatives, la conversation s'était vite déliée quand ils en étaient venus à parler félins - du moins le croyait-il.

Asraelle, la petite chatte immaculée offerte par Naelle, à ses côtés dans son petit panier, le jeune Fiole nouvellement barbu s'était détendu à cette conversation, sa naïveté ne lui faisant pas saisir le double sens des paroles de la future mère. Finalement, c'est une querelle avec la cadette de ses soeurs qui avait fait sortir un Beren ulcéré de la municipale, et pousser la première porte venue, pour se retrouver Nez à nez avec une Lara qui l'avait précédé de peu.

Comment décrire ce qui s'était alors ensuivi de leur soirée ? Il n'y avait pas de mots, mais une chose était sûre, Beren avait perdu cette innocente naïveté qui le caractérisait tant. Bien plus que de lui faire découvrir de nouveaux horizons, elle avait suscité quelque chose d'indéfinissable chez lui. Finalement, tous deux ne s'étaient séparés que tardivement, la jeune femme devant prendre la route. La nuit suivante, ce fut au tour de Beren de filer vers la Franche-Comté, direction Luxeuil, où... le hasard fait bien les choses... Il rencontra Lara en taverne.

Discrétion assurée devant le maître de celle-ci, il prit congé au bout d'un certain temps, ne laissant que peu paraître son trouble, et, bientôt, fit parvenir un petit billet à celle-ci :




Citation:
Ma chère,

Enivrante amante qui avez su égayer mes jours, et une nuit toute spéciale... Je loge à l'auberge municipale, et brûle de vous revoir, seule à seul... Que diriez-vous d'une entrevue privée avec un parfumeur un peu idiot, franchement naïf, et totalement séduit ?

Tendrement,

B.

_________________
Larouchka
[Tes pieds, mon amour,
A tout jamais je baiserai
Ta voix de velours,
Je m'incline et j'y obéirai
Telle une Pompadour
Enfarinée, rococo, parée
Des plus beaux atours
A tes pieds, je me jetterai.
]
Claire Diterzi Tableau de chasse, L'Odalisque.

[Luxeuil. Auberge Municipale.]

Encapuchonnée, cachée, je levai la tête aux abords de la taverne. Ni Gabriel, mon tendre époux, ni Ersinn, l'ami très cher, ne devaient me voir. L'un, parce qu'il devinerait à l'éclat de mes yeux que quelque chose d'anormal se passait, l'autre, parce qu'il détestait l'homme que je m’apprêtais à retrouver et dans les bras duquel j'allais, encore une fois, me perdre.

La Taverne était vide, sans doute du à l'heure tardive, je jetai à peine un regard au tavernier et grimpai lentement les escaliers. Ma grossesse ne me permettait pas de l'enjamber quatre à quatre. J'avais la gorge nouée, dans mon ventre, une boule me nouait l'estomac avec les autres organes. Je déglutis.

C'était bien la première fois que je me cachais pour retrouver un amant. J'avais toujours été claire, sans rien dissimuler à personne, parce que je n'aimais pas le mensonge, parce que je n'avais pas le désir, ni le luxe de m'encombrer de mensonges. Seules les dames de haute naissance ont quelque chose à protéger. Ma vertu s'en était allée, il y a bien longtemps, et après une vie de catin, puis une vie de débauche, j'avais trouvé une certaine paix de l'âme, guidée par Gabriel, puis par ma douce marraine qui tentait, tant bien que mal, de me montrer la voie d'Aristote.

Au milieu des escaliers, je m'arrêtai, reprenant mon souffle. La missive envoyée était tout contre coeur, j'avais mis un peu de temps à la lire, maîtrisant mal l’orthographe, mais elle m'avait retourné les sens. Envolées les bonnes résolutions. Déjà, croiser le parfumeur en taverne avait vu le premier envol de mes chastes décisions. La missive avait fini par faire mourir mes derniers scrupules. Oui, cette relation naissante était toute passionnelle; oui, il était plus qu'un simple amant, juste de passage, et oui, je céderais encore et encore, autant de fois qu'il me désirerait auprès de lui.

Devant la porte, mon souffle se fit plus court, je levais la main pour frapper. Je pouvais encore rebrousser chemin, retourner près de mon mari, retrouver Ersinn qui devait se languir, séparé par trop d'orgueil et de jalousie de celle qu'il aimait, rejoindre mon fils qui devait sans doute être à deviser avec sa future promise. Mais je n'en fis rien. Mon poing heurta la porte, deux toutes petites fois. Furtivement, j'ouvrais l'huis et me faufilais à l'intérieur.


Beren.

Je fis tomber ma capeline. Les joues rouges, le souffle court, le coeur battant la chamade, l'idée seule de le retrouver m'embrasait d'une passion dévorante.

"Telle une Pompadour, à tes pieds je me jetterai."

_________________
Beren
[Fais de moi ce que tu veux
Prends tout ce qui t'intéresse
Je serais docile au bout de ma laisse
Fais de moi ce que tu veux
Prends tout ce qui t'intéresse]*



Il a attendu, après l’envoi de son pli, les mains moites dans sa chambre, à tourner en rond, à faire les cent pas, des dizaines de fois, à tourner comme un lion en cage dans cet espace trop réduit. Il a refait cent fois, dans sa tête, le tour du mobilier présent ; de ce large bureau, au fauteuil confortable, au lit massif et à cette armoire à double battant, large et boisée, tout. Tout, sans exception, et il s’est pris à imaginer répéter l’expérience d’hier auprès de chacun de ses supports, différents. Dieu, il va en devenir fou, comme il la désire, et plus que cela encore, comme il la veut. Oui, c’est le mot, il la veut encore, sentir son corps contre le sien, s’offrir à elle comme elle s’est offert à lui, tout entière, dans cette taverne où, esseulés, leurs corps ont parlé.

Pourtant, il y a davantage que le simple désir ; une certaine fascination l’a pris pour cette femme-là qui a su embraser ses sens et faire céder les barrières guindées de son éducation, mais pas que, mais pas que… Il y a de l’affection, une magie certaine dans ce qui le lie à elle, elle est, plus que sa première fois, celle qu’il veut répéter, encore, celle qu’il brûle de vivre à nouveau. Dépendant du brasier, soumis à ses pulsions, mais désireux surtout de l’étreinte encore, de savourer à nouveau ce derme soyeux et sucré, il attend, dans sa chambre d’auberge. Il pense bien à celle qu’il aime, il sait que ce n’est pas bien, mais il ne peut s’empêcher, il ne peut réprimer là aussi ce désir qu’il ressent ; c’est plus fort que lui, pas là, c’est impossible.

En bas, la taverne est vide, même le tavernier est sur le point d’aller se coucher ; à la demande de Beren, et à la promesse de celui-ci de fermer plus tard, dans la nuit, il laissera la porte ouverte, pour permettre à « une visite programmée » de faire son apparition, et de rester le temps qu’elle voudra. Une bourse pleine d’écus en gage de bonne foi, et voilà Beren assuré d’être le seul locataire de la taverne auberge, à écouter le silence, à prier pour qu’il cesse bientôt. Et en fait de bientôt, le douloureux et martelant silence est enfin brisé, comme le léger cliquetis de la porte se fait entendre, d’en bas. Son cœur fait un bond, et entame un vacarme assourdissant dans son poitrail, comme il sait que d’une seconde à l’autre, elle sera là. Deux coups se font entendre et déjà, elle est dans la pièce ; tout s’est accéléré. Il la regarde tantôt, l’admire, la dévore, tantôt la caresse du regard. Lui sent son souffle se saccader comme, incapable de bouger, il voit la capeline choir au sol, dans un bruit délicat et soyeux. Elle, semble dans le même état que lui, qui s’approche bientôt, d’un bond, et lui prend ses mains dans les siennes.


- Tu es venue… Lara.

Dieu comme ce prénom est synonyme d’abandon… Très vite, il porte, pris d'une envie furieuse, les mains féminines à ses lèvres, les embrasses, et appuie ses joues, son front contre elles.

- Tu es venue... Je me consumais, dans l'attente, tu... je... Oh Lara, que m'as-tu donc fait ? Mes pensées s'emplissent de toi, à chaque instant, et je ne peux ôter de mon esprit les courbes délicates de ton corps... Tu...

Il n'ose en dire plus, et soupire, son torse soulevé, sous le gilet, le veston et la chemise, d'une respiration rendue difficile par l'émotion. Un dernier soupir, un seul, comme il relève les yeux vers elle ; son prénom, encore :

- Lara...


Cali.

_________________
Larouchka
[Vois comme je me couche,
Au sein de tes draps alanguie
Rien ne m'effarouche
Je suis ta diva, ton odalisque.
A tes forteresses
Enamourée, je m'abandonne
Pour l'éternité,
Je suis ta nana et ta Madone]

Toujours Claire Diterzi, Tableau de chasse, L'Odalisque.

Il était là, Lui, mon bel amant, mon adoré, ma passion, ma folie, et moi, j'étais comme une jouvencelle à son deuxième rendez-vous. Alors, lorsqu'il s'approcha, qu'il prit ma main dans la sienne, que je sentis ses lèvres, ses joues, les dernières barrières de ma conscience cédèrent.

Quelle était cette étrange sensation... J'en avais connu des hommes et je savais dans ma tête folle et mon corps tout aussi fou de désir, que je n'appartenais qu'à un seul, totalement, et qu'il était mon époux. Mais cet homme là, dans sa jeunesse et sa fougue adolescente, avec son charme, sa courtoisie toute délicate, la façon dont il avait de prendre soin de moi, m'ensorcelait toute entière. Certes, il avait cette même courtoisie pour toutes les femmes, ce qui me faisait le taquiner, mais, lorsque je croisais son regard, mon coeur frémissait, mon corps s'embrasait.

Comme il était beau dans la pénombre de la chambrée. Je devinais les traits fins de son visage, les courbes graciles de son corps d'éphèbe. J'avais envie de lui, de le posséder, qu'il soit mien, cette nuit et toutes les autres.

Il me parlait, et ses mots me rendaient un peu plus folle encore. Jusqu'où cet amour passionné nous entraînerait-il? Je ne pesais pas les conséquences de cette folie, je voulais juste qu'elle dure, toujours. Et lorsqu'il prononça à nouveau mon nom, je me sentis frémir, toutes les sensations de mon être exacerbées. Je me blottis contre lui, sans pouvoir rien dire.

Était-ce moi, ou une autre? Ma bouche chercha la sienne, je savais que jamais je ne serais rassasiée, j'en voudrais encore, toujours plus. Il m'appelait à lui, plus aimant qu'amant. Mes mains s'immiscèrent sous la tunique. Le toucher... me repaître de son corps, épuiser le mien. Mon ventre me gênait dans mes mouvements et je ne pus qu'émettre un grognement de mécontentement.


Grrr... vivement qu'il soit autonome, celui-là!

Le petit être en moi me rendait lourde et s'imposait toujours entre moi et Lui, à croire que l'enfant voulait déjà nous séparer.

Tendrement, je passais ma main dans ce geste qui devenait familier, caressant sa barbe et, comme si j'étais chez moi, je l'entraînai vers la couche.


Viens...

Je ne voulais qu'une chose, être contre Lui, sentir ma peau contre la sienne, m'imprégner de Lui et, ne faire plus qu'un avec Lui.

Je lui souris, les yeux brillants du désir qui m'habitait. C'était un fait, j'étais sienne.

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Beren
[La première fois.
Celle qui apaise, et qui vrille.
La première fois.
Ca laisse un goût indélébile.
Une première fois.
Un peu comme le toit du monde.
Et malgré soi.
S'attacher à quelques secondes.
La première fois.
Et pourquoi pas une deuxième…]*



Oui, il était là, elle était là, ils étaient là tous deux, enfin dans la même pièce ; seuls, comme rescapés du monde qui, du reste, ne les intéressait pas, qui n’avait pas la moindre importance à leurs yeux. Rien ne comptait qu’elle, que ses mains fines et féminines au creux des siennes, trop longues et trop fines pour ne pas trahir le manque de travail au champ, les doigts trop osseux pour ne pas avouer la méticulosité de son travail ; si le bout des doigts est corné, c’est que l’empreinte de la plume d’oie trop souvent maniée y est marquée, autant que les petites tâches d’encre noire qui siéent les manchons de sa chemise trahissent l’application et les trop longues heures de travail.

Les bésicles sont toujours sur son nez droit, cachant encore pour l’heure les émeraudes qu’il ne dévoile que peu, et pour peu de monde - seuls ses proches doivent véritablement connaître ce vert là qu’il tient de sa mère et partage avec sa jumelle -, la barbe est là, courte et entretenue, qui encadre la mâchoire de jouvenceau : c’était un homme à demi, il l’est pleinement depuis Elle, depuis cette nuit qu’ils ont partagée ensemble. La chambre est faiblement éclairée ; trois à quatre bougies sont allumées au candélabre du bureau qui caressent de leur faible lueur orangée le sable qu’il a utilisé pour sécher le parchemin qu’il a rédigé ; l’ambiance tamisée les rapproche, et les flammes se joignent à celles de l’âtre où une bûche séchée est mordue d’un feu doux pour danser de lumière sur leurs peaux, pour refléter dans les prunelles avides de croiser leurs jumelles un ballet délicat et sensuel. La passion… C’est elle qui les habite depuis qu’ils se sont rencontrés, à se rendre fous de désir coupable, à se rendre fou du besoin de se posséder et de s’abandonner encore. La déraison a vaincu son antonyme, dès lors que les corps se sont étreints ; elle les mange, elle les dévore et eux se laissent perdre, sans penser à demain.

Elle est là, et elle est sublime d’intentions. Elle est là et bientôt, c’est elle qui se fond contre lui, et scelle leurs corps, avant de sceller leurs lèvres dans un baiser empressé d’être partagé enfin, comme le manque se fait sentir ; plus par besoin que par langueur, les pointes dardées se cherchent, se joignent, se meuvent dans une bouffée incontrôlées ; elle est là, enfin. Le ventre rebondi constitue la seule barrière à l’ardeur ; l’enfant déjà se pose en garde-fou invisible entre les deux amants, peut-être pour rappeler leur fougue à sa condition d’impossible, implacable et dure.

Les mains féminines se faufilent sous le tissu, caressent les flancs masculins ; lui ferme les yeux, se mord la lèvre inférieure comme son torse se soulève dans une inspiration plus profonde qu’auparavant, trahissant par là-même le trouble incandescent couvant déjà en son bas ventre. La réplique n’est pas immédiate, et c’est sur le visage délicat que viennent se poser les deux paumes qui pressent légèrement les joues comme il ne se départit pas de ces lèvres qu’il a senti sur les siennes, même en leur absence. Elle peste et râle contre son ventre ; il sourit, amusé qu’il est par son tempérament de feu. Heureux. Epanoui. Adulte, enfin.

C’est les yeux clos qu’il reçoit la caresse de la main sur sa barbe, comme une reconnaissance de la fin de son adolescence ; elle est plus âgée, plus expérimentée, et dans ce simple geste, lui confère sa condition d’homme, à présent. C’est grisant, c’est plaisant ; ça l’enivre et l’émeut tout à la fois. Aussi se laisse-t-il bercer par la tendresse bienveillante de son mante, laissant échapper un soupir d’aise d’entre ses propres lèvres. Elle se détache de lui, cela lui fait rouvrir et les yeux, et le jeune Fiole de l’observer se mouvoir, rejoindre la couche qu’elle a fait sienne de ce simple mouvement. Lui, docile, attiré, la suit, main dans la sienne, doigts entremêlés aux siens. Son murmure appelle le sien, et c’est sur le même ton qu’il répond, complaisant et attisé :


- Je viens, je viens.

Ses yeux dans les siens, reflétant le même désir, il prend donc place, s’allongeant sur la couche drapée de soie. La main cependant se fait moins sûre ; moite, elle trahit bientôt le trouble qui le prend et l’inquiète : et si… Et si elle était déçue, et s’il n’était pas à la hauteur ? Et si… Oui, c’est bien l’appréhension qui le gagne, autant que l’envie règne sur lui ; tiraillé, intimidé… Mais à elle autant qu’elle est sienne, assurément.


Tryo, La première fois.

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Larouchka
["Ô temps, suspends ton vol! et vous, heures propices, suspendez votre cours!
Laissez-nous savourer les rapides délices, des plus beaux de nos jours!"

Citation d'Alphonse de Lamartine ; Lac, Méditation XIV - 1820.

Le plus beau de mes jours, le plus délicieux des moments. Comment s'y soustraire? Comment ne pas succomber à la divine tentation? Il est là mon jeune amant, mon bien aimé. Un instant le temps suspend sa course et moi, mon regard sur lui. Il est beau, à la fois touchant et maladroit. Il est beau, encore enfant et déjà homme, adulescent...

Mes yeux sont rivés aux siens, je ne peux les quitter et au creux de mes entrailles, le désir gronde, sourd. Les yeux brillants se noient dans leur miroir, je mordille nerveusement ma lèvre, entre l'envie violente qu'il me possède à l'instant et le désir langoureux de faire durer, d'attiser, d'embraser le feu qui brûle en nous.

Si j'avais su... Si j'avais su les questions qu'il se posait. Certes, il est connu que la première fois d'un jouvenceau n'est certainement pas la plus glorieuse, mais il y avait entre nous bien plus que le désir d'une performance physique. Il y avait ce lien, invisible, indicible, qui nous liait l'un à l'autre. Si différents et pourtant si semblables, il y avait un écho entre nos deux êtres qui, perpétuellement, se répondait.

Il était l'amant le meilleur que j'ai connu. Car il mêlait en lui seul, tout. Tendre et passionné, fougueux et maladroit, amoureux et bestial, mon Beren était tout. Cet amour là, je ne l'avais jamais connu et je savais qu'il était unique et que jamais, plus jamais, je ne le connaîtrai à nouveau, si ce n'est dans les bras du Fiole.

Je soupirais d'aise. Combien de fois m'étais-je donnée à un homme sur une couche drapée de soie? Il était loin le temps où mon beau-père me forçait, où il m'offrait en pâture à des hommes que je vomissais et qui faisaient vite fait leur affaire contre la porte de la cuisine. Non seulement les draps étaient de soie, mais en plus j'aimais celui à qui j'allais me donner. Tout n'était que luxe et volupté.

Ses bras se refermaient sur moi, et comme j'y étais bien. Mon corps se cambrait contre lui, et oh, comme j'étais bien. Qu'il vienne, qu'il vienne! Et que la danse des corps commence! Et que l'union charnelle fasse trembler le lit, gémir la femelle, râler le mâle, ivres de plaisir.

Langoureusement lovée contre l'amant en herbe, ma bouche vint chercher la sienne et prendre ce qui lui appartenait, embrasée. L'une des mes jambes se glissa machinalement entre les cuisses de mon amant, le caressant, l'excitant alors que moi-même, je n'avais plus d'autre choix que de tout oublier pour ne plus être qu'à lui.

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Beren
[« Aimons donc, aimons donc ! de l’heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ;
Il coule, et nous passons ! »]*



Le temps doit s’écouler, tout-de-même ; sans doute s’attèle-t-il à entamer ce mouvement inéluctable qui transformera cet instant en hier, en naguère, puis en jadis. Sans doute, sans doute. Mais nulle seconde ne s’égraine ailleurs qu’en ces yeux-là dans lesquels sont plongées les émeraudes du Fiole.

La gorge sèche de ce que l’air lui manque – paradoxalement, d’ailleurs, la jeune femme étant devenue son souffle dès le prime échange, quelques jours plus tôt -, les prunelles rivées aux jumelles, le corps vissé au sien, tout son corps est bandé comme il repose sur le dos, tout près d’elle.

Elle est magnifique, plus belle encore que dans son souvenir, alors même qu’elle l’a habité depuis leur rencontre, à Epinal. La vie est ironique, n’est-ce pas ? Une visite à sa sœur jumelle, le temps pour lui d’adresser à celle-ci ses félicitations pour son accession au poste de bourgmestre, de lui assurer que seul, il est très heureux, qu’il ne compte surtout pas être en couple avec qui que ce soit, merci bien, et… Et de faire LA rencontre.

D’aucuns diront qu’il en est toujours ainsi, que la tournure des événements prend systématiquement l’inverse de ce que l’on attendait d’elle, jusque là. Les certitudes se brisent, comme ces résolutions que l’on croit pouvoir prendre contre soi, vainement.

Et Elle est là, lui souriant, exhalant un soupir d’aise, tout contre lui, alors qu’elle s’est nichée au creux de ses bras. Sa douce, la sienne, et pourtant, elle ne lui appartient pas ; elle ne serait jamais à lui, évidemment, ni à personne, mais… C’est la femme d’un autre, et lui, même si la raison lui dicte de s’éloigner, resserre encore son étreinte autour de ce corps dont il ne peut pas se départir.

La main masculine épouse bientôt la cambrure des reins féminins, comme il fiche ses dents dans la pulpe de sa propre lèvre inférieure, pour réprimer les puissants frissons qui prennent possession de lui. Le ventre rond de la Belle n’altère en rien le désir qu’il lui porte, simplement, il ne tarit pas d’égards au bombé de vie, qu’il ne veut malmener.

Les lèvres aimées viennent quérir celles plus charnues de ce qu’elles sont masculines, et le Fiole de répondre à l’abandon sensuel dans un délice non feint, comme dans le même mouvement, les rampes soulèvent les bords de la chemise, le bout de ses doigts effleurant bientôt la peau tendue et soyeux de ses flancs. Lentement, amoureusement, il se donnera encore ce soir, à celle qui aura su, là où toute autre avait échoué, éveiller à la fois ses sens, son coeur et son esprit.

Les yeux clos, le torse soulevé de ce qu’il perd pied peu à peu, au rythme lancinant de la jambe féminine glissée entre les siennes, ses baisers se font plus assurés, coulent bientôt le long de sa mâchoire, et le murmure d’être susurré au creux de l’oreille toute proche :


- Maintenant, comme avant, doucement
Restons-en au présent pour la vie,
Aujourd'hui, reste ici…
**


La nuit commence à peine, oui ; qu'elle demeure, à jamais.


*Lamartine, Le lac.
**J. Clerc/I. Boulay, Souffrir par toi n'est pas souffrir.

_________________
Larouchka
["L'un près de l'autre,
Se tiennent, les amants
Qui se sont retrouvés
Pour cheminer côte à côte.*"]


La nuit commence à peine. Nos corps se lovent dans le creux l'un de l'autre. Les murmures me font frémir, me troublant jusqu'aux tréfonds de mon être.
Je l'admire, si beau, si Lui, chaque soupire est un appel à une danse plus amoureuse encore, plus langoureuse.

Le feu nous embrase, si fort, si fou. Peu à peu, nous nous effeuillons l'un l'autre jusqu'à pénétrer au Jardin d'Eden, en tenue d'Eve et d'Adam.


O mon amour, je suis à toi... tienne pour l'éternité... aujourd'hui et demain.

Nos bouches s'unissent pour mieux s'appartenir. Notre nudité ne fait qu'attiser notre désir, nos désirs, car pourquoi se contenter d'un seul lorsque la folie de la passion nous habite?

"Les feuilles, les feuilles tombent
Sur leur lit de noces.
Que la terre soit douce,
Soit douce aux amants de Luxeuil
Enfin réunis...**"


Mon coeur s'emballe. Mes yeux embués par l'émotion, ma main se pose contre le torse brûlant, je plonge dans son regard en même temps qu'il plonge en moi. Un frisson... Gémissement languissant du plaisir exultant.

Notre union est une prière, celle des amants interdits, chaque murmure est une invocation, chaque soupire un cantique. Il n'y a plus rien. Il est TOUT.

Mon bien-aimé...

Mes yeux se brouillent, mon souffle devient plus court, en moi il est, et moi, je suis sienne, encore et encore. Il m'a tout pris, je lui ai tout donné, mon coeur, mon âme, mon corps, ma vie.

Nous nous entraînons vers une petite mort. Eternelle. Les sens exacerbés par les sentiments qui nous habitent. Intense.

La paix revient aussi sûrement que ce feu qui bouillonnait en nous et dans une ultime union, nos bouches à nouveau, ne font plus qu'unes alors qu'en mon sein, l'enfant tressaille.


"L'un près de l'autre,
Ils dorment maintenant.
Ils dorment, délivrés
De l'appréhension de l'aube.
Se tenant par la main,
Dans l'immobilité de la prière,
Renouant leur serment
Dans la tranquille éternité des pierres,
La nuit leur ouvre ses portes.
Tout rentre dans l'ordre.
Leur étreinte demeure,
Demeure à jamais suspendue
Ainsi qu'une note d'orgue...***"



* Edith Piaf, Les Amants de Teruel, 1962.
** Ibid, librement adapté.
*** Ibid.

_________________
Beren
[Troubles images issues du temps
Messages d'enfant
Vagues voyages au gré d'avant ]*

D’où vient cette impression-là de l’avoir toujours connue, chérie, aimée ? D’où provient ce sentiment de lui avoir toujours appartenu, à elle qui le fait sien, ce soir, cette nuit encore ? Par quel prodige le corps si vert de Beren sait-il répondre aux attentes de celui, féminin, qui se love à lui, l’enlace, l’étreint ? Quel mystère explique qu’il ait oublié jusqu’à la certitude-même d’avoir aimé avant elle, tant l’idée lui paraît étrange, dorénavant ? Il se souvient, depuis qu’il l’a recroisée par hasard en taverne, de cette phrase qu’il a eue un jour, au prime balbutiement de sa vie d’adolescent « Je pense n’en rencontrer qu’une qui un jour, pourrait me faire changer d’avis sur le mariage, et celle-là, je l’épouserai. ». Las, il l’a faite, cette rencontre, la belle est dans ses bras.


[Ne lui dis pas
Ce n'est qu'a toi
Rêve tout bas
Ne lui dis pas]

Mais elle est mariée, déjà ; l’inaccessible étoile**. Mais pourtant… Il en rêve, de s’unir à elle, autrement que charnellement, même si… Même si les chaînes de la passion se sont enroulées à leurs hanches, même si la raison s’est couchée à leurs genoux***. Il est là, l’époux, il existe. Le vrai. Et le ventre féminin, rond de vie, en sert d’assertion, par son importance. Pour autant, doit-il l’apprendre, déjà ?



[Tendres caresses, fièvres et sang
Les peaux s'entendent et se tendent
Paupières closes, qui te prend ?]


Pense-t-elle à lui, quand les corps se domptent, se dressent, se fondent ? Comme les mains se cherchent, se caressent, se trouvent ? Comme les pointes dardées, unies, tout à la fois tendre et fougueuses, dansent un ballet sensuel et enivré ? Y songe-t-elle, à son époux, quand c’est l’amant qui s’attèle à la combler ? Est-il à la hauteur, l’amant en herbe, est-il assez alangui, pour qu’elle s’abandonne et que son esprit s’emplisse de lui, et uniquement de lui ? La jalousie, sans doute mal placée, d’aucuns diront, rend le Fiole plus assuré, plus fougueux, plus ardant, plus bouillant encore, les doigts entrelacés aux siens, le corps scellé à celui de l’Adorée.


[On n'avoue rien si l'on est innocent
Les mots sont vains, les mystères indulgents
La pénombre éclaire
Du silence au mensonge
C'est l'espace des songes
Page après page, vie sur vie
Quand les questions dansent
N'est-ce que ca ? Etait-ce lui ?]


Sont-ils coupables, pourtant, ces amants-là, quand leurs âmes sont plus enflammés encore que leurs dermes ? Doivent-ils confesser un pêché qui n’en est pas un, sinon de ce qu’ils s’aiment, plus que simplement leurs corps ? Non, ils n’ont rien fait de mal, ils ne sont coupables de rien… Peut-être l’église condamnerait-elle l’union charnelle, mais que pourrait-elle faire des sentiments ? Comment la morale pourrait-elle oser aller à l’encontre de ce qui les lie ? C’est trop fort, trop intense, c’est… la folie, peut-être, mais elle habille les pensées de Beren, ou qu’il soit.


[Rêver un impossible rêve
Porter le chagrin des départs
Brûler d´une possible fièvre
Partir où personne ne part

Aimer jusqu´à la déchirure
Aimer, même trop, même mal,
Tenter, sans force et sans armure,
D´atteindre l´inaccessible étoile]**


Et cette absence, son départ, quand il ne souhaitait que la retenir, encore, oh, juste quelques instants de plus entre ses bras. La déchirure, le manque, le sel sur la plaie, tout est vivace toujours, mais pansé et soigné par sa présence ce soir. Nue, belle, sublime, elle est Tout, et lui n’est rien… Sans Elle. Ressentait-elle la même chose ; se sentait-elle lui appartenir autant que lui s’offrait, tout entier, au moindre de ses désirs ?

[Telle est ma quête,
Suivre l´étoile
Peu m´importent mes chances
Peu m´importe le temps
Ou ma désespérance
Et puis lutter toujours
Sans questions ni repos
Se damner
Pour l´or d´un mot d´amour]


La réponse à ses interrogations vient d’elle-même, comme elle parle, comme elle lui dit, lui confie ; taiseuse, elle aurait nourri ses doutes, mais elle le conforte, au contraire, à l’idée qu’ils sont tous deux dans le vrai. Elle se livre, et lui gagne en assurance. Les baisers, les mains qui courent sur la peau, la parcourent, comme les nacres mordillent et les doigts agrippent, s’entremêlent ; tout nourrit l’étreinte, et l’embrasement, dans le même temps. Au brasier amoureux, l’abandon délicieux. Et la certitude, enfin, de gagner le Fiole, comme ses murmures et ses râles répondent aux exaltations féminines, jumelles d’extase : il n’abandonnera pas, il ne la laissera pas s’en aller, sans lutter, sans lui dire tout ça ; il ne laissera pas filer sa chance, car il en est conscient, ce qu’elle lui donne à ressentir, c’est un trésor d’émotions.


[Je ne sais si je serai ce héros
Mais mon cœur serait tranquille
Et les villes s´éclabousseraient de bleu
Parce qu´un malheureux

Brûle encore, bien qu´ayant tout brûlé
Brûle encore, même trop, même mal
Pour atteindre à s´en écarteler
Pour atteindre l´inaccessible étoile.]


Sera-t-il celui qu’elle choisira, finalement, ou plutôt celui dont son cœur ne saura se dissocier ; sera-t-il celui-là qui lui fera perdre pied, pour jamais ? Il se battra pour cela, oui, il fera tout pour ne pas perdre ce joyau entre ses bras, cette perle à son cœur jadis par trop aride. Et il l’aimera, comme il l’aime en ce moment-même ; et il sourira, comme il le fait à l’instant, alors que leurs corps épuisés l’un de l’autre viennent retomber sur le dos, l’apogée atteinte communément - ou presque. Le torse bombé à la fois de la fierté de parader à son bras, et de l’ivresse de l’exacerbation des sens, à chacun de ses mots, à chacun de ses gestes, il n’aura de cesse de tenter de s’en montrer digne, pour que sa vie se pare enfin des couleurs qu’elle sait créer en lui et sur lui.

Un murmure, enfin, un dernier, comme, haletant, il vient mordiller son menton, sa main glissant sur son ventre rond, avec tendresse :

- A toi, Amour. Toujours.


*JJG, Ne lui dis pas.
**J. Brel, La quête.
***Allusion à Barbara, La solitude.

_________________
Larouchka
"Quand on n'a que l'amour
A s'offrir en partage
Au jour du grand voyage
Qu'est notre grand amour."


En serai-je rassasiée un jour? De ce corps que, maintenant, je connais par coeur? Pourtant, j'en ai eu des amants. Des lourds, des fats, des sots, des doux, des chous, des violents, des sans noms. Trois seulement ont comptés. Trois seulement que j'ai aimé.

L'amant du plaisir, du libertinage, celui qui m'avait emmené en voyage, les yeux plein d'étoiles.
L'amant de la tendresse et de la douceur, lorsque le coeur fait exulter le corps, où les sentiments transcendent tout.
L'amant du Tout, celui des nuits blanches, de la passion folle, du plaisir intense, de l'amour virulent.


"Quand on n'a que l'amour
Mon amour toi et moi
Pour qu'éclatent de joie
Chaque heure et chaque jour"


Et Beren était celui là. Chaque instant me renvoyait sur le rivage de ses bras. Je le voulais à en mourir. Tous les obstacles n'étaient rien, ni l'époux, ni les engagements que le Fiole avait déjà, ni l'arrondi de mon ventre et le petit être qui semblait se dresser entre nous. Il doit me prendre, je suis à lui, toute à lui.

"Quand on n'a que l'amour
Pour vivre nos promesses
Sans nulle autre richesse
Que d'y croire toujours."


Il voulait être Franc Comte? Je vomissais la politique et bien soit. Peu m'importait, qu'il soit Duc, qu'il soit Roi, qu'il soit riche, qu'il soit gueux, qu'il soit pauvre qu'il soit le dernier de ce monde, il serait toujours le premier dans mon coeur vibrant pour lui. Sait-il combien je suis sienne, même si les lois ne sont pas pour nous? Sait-il que, même si mon époux reste au chaud dans mon coeur, Lui, l'éclatant, prend toute la place, partout? Des promesses à vivre? Je lui donnerai ma vie, mon âme, mon coeur, je braverai la morale, la mort même s'il le faut.

"Quand on n'a que l'amour
Pour meubler de merveilles
Et couvrir de soleil
La laideur des faubourgs."


Sait-il que lorsque je suis entre ses bras, qu'il palpite entre mes cuisses, il n'y a plus que lui, il n'y a plus que moi. Toutes les laideurs du monde s'effacent. Je ne suis plus une ancienne catin, souillée, brisée, je suis femme, je suis vie. Il n'est plus un jeune homme maladroit, d'une grande famille, ou presque, inaccessible, ou presque. Il est homme, il est puissance. Sait-il que lorsqu'il est en moi, il est le seul que j'ai jamais connu et qui n'a jamais franchi ma forteresse de chair? Tout est beau, merveilleux, intense et, au creux de mon ventre, l'enfant tressaille d'allégresse.

"Quand on n'a que l'amour
Pour unique raison
Pour unique chanson
Et unique secours."


Sommes nous pécheurs? Adultère... luxure? Sont-ce là les péchés que nous commettons alors que tout n'est que lumière, sensuelle volupté, désir merveilleux et... coeurs unis. Et quand bien même nos corps ne se toucheraient plus. Quand bien même mes yeux ne pourraient plus le contempler, personne, personne jamais ne m'empêcherait d'avoir le coeur qui bat pour lui, et ma pensée qui le rejoint. Unie à l'Unique. Pour l'éternité.

"Alors sans avoir rien
Que la force d'aimer
Nous aurons dans nos mains
Amis le monde entier."


Je voudrais mourir, à l'instant, entre ses bras. Mais l'instinct de survie est là. Quoiqu'il m'en coûte. Je me battrai. C'est Lui, le seul que je veuille, comment supporter d'autres mains que les siennes sur ma peau, comment savourer d'autres baisers, comment vivre loin de lui, arrachée à lui comme à une partie de moi. Nous nous aimerons même si, pour ça, le monde disparaît, car il n'est rien de plus important que l'union de leurs coeurs.

La nuit n'est pas finie. Encore nous nous aimerons. Suaves fragrances d'amour et de plaisir, les draps froissés de trop s'être alanguis. Les corps épuisés de s'être unis, désunis pour mieux se retrouver encore. Et c'est au petit matin, entre ses bras, que m'assoupirai, pleine de lui, habitée par lui dans un soupire de bonheur, comblée.


Je t'aime...


Texte: Quand on a que l'amour, J.Brel, 1956.
_________________
Beren
Si tu savais mon ange, si tu savais Lara,
C’est le feu d’un autre qui couve au creux de toi
Et pourtant cet enfant je l’ai senti déjà
En une douce réponse, frémir sous mes doigts.

Si tu savais mon ange, si tu savais Lara,
Peu m’importe, dussè-je troquer vie à trépas
Aucune rivale joie ne peut naître en moi
Que sentir là ton corps alangui dans mes bras.

Si tu savais mon ange, si tu savais Lara,
Comme je me sens entier, à m’échouer contre toi,
Comme je me sens libre tout au creux de tes bras,
Ebahi, chanceux, riche de toi… Ah… Lara…
*



[Du plus loin que me revienne
L'ombre de mes amours lointaines
Du plus loin du premier rendez-vous
Du temps de mes premières peines
Lors j'avais quinze à peine
Coeur tout blanc et griffes aux genoux
Que ce fût, j'étais précoce
De tendres amours de gosse
Ou les morsures d'un amour fou]**


Ah oui, Lara, si tu savais, si tu avais la moindre idée, une once d’idée de ce que déjà, tu représentes aux yeux du Fiole, à l’esprit de l’éternel adolescent, de l’immuable enfant innocent. Tu es l’ivresse de la tempête qui règne au corps berenien, tu as ce côté terrible de la boîte de Pandore, délicieusement dévastateur, cette tempête de sensations, addictive dès la première prise, bouleversante d’intensité. La révolution, avant l’heure ; la renaissance, alors que Beren est déjà presque adulte. Tu lui confères sa condition d’homme, au parfumeur au menton glabre, au poète vert. Pas physiquement, pas seulement ; te rencontrer l’a ouvert au monde, au tien. L’homme ne naît pas homme, il le devient***… Tu es révélation, tu es divine ; bible de sentiments, de sensations… Son cœur se voue au sacerdoce de ton adoration ; il n’est nulle bonne nouvelle si elle ne te concerne pas, déjà.


[Du plus loin qu'il m'en souvienne
Si depuis j'ai dit "je t'aime"
Ma plus belle histoire d'amour, c'est vous

C'est vrai je ne fus pas sage
Et j'ai tourné bien des pages
Sans les lire, blanches et puis rien dessus
C'est vrai je ne fus pas sage
Et mes guerriers de passage
A peine vus, déjà disparus
Mais à travers leurs visages
C'était déjà votre image
C'était vous déjà et le coeur nu
Je refaisais mes bagages
Et poursuivais mon mirage
Ma plus belle histoire d'amour, c'est vous

Sur la longue route qui menait vers vous
Sur la longue route j'allais le coeur fou
Le vent de décembre me gelait au cou
Qu'importait décembre, si c'était pour vous]


Il a déjà aimé, du moins le croit-il, mais était-ce vrai ? Lui qui n’a flanché que furtivement, s’embrasant et se lassant si vite, lui qui n’a étreint jusque là que des corps qu’il ne pouvait posséder, lui qui n’a lié son cœur qu’à des gens avec lesquels il savait que toute union était impossible. Ce devrait être le cas encore, mais cette fois-ci, tout est différent. Plus profond, plus sincère, plus entier, plus total. Perdition, addiction, folie, passion… délice, extase, attachement, amour réels. Tout est déraisonné mais qu’importe ? Là, il te veut, il ne peut pas lutter ; à s’en damner, à s’en morfondre, à en pleurer d’amour, Lara. Pour toi. Par toi. A jamais.


[Elle fut longue la route,
Mais je l'ai faite, la route,
Celle-là, qui menait jusqu'à vous,
Et je ne suis pas parjure,
Si ce soir, je vous jure,
Que, pour vous, je l'eus faite à genoux,
Il en eut fallu bien d'autres,
Que quelques mauvais apôtres,
Que l'hiver ou la neige à mon cou,
Pour que je perde patience,
Et j'ai calmé ma violence,
Ma plus belle histoire d'amour, c'est vous]


Il a tenté, pourtant, oui, il a essayé de ne pas s’attacher, de vivre ce soir-là comme la parenthèse rêvée d’un voyage inconsistant et futile, oui. Oui, il a fait son possible, pour réaliser qu’il était justement impossible de s’ôter le souvenir de ta peau sur la sienne, de ton parfum au creux de ses narines, de la soie de ta chevelure retombant sur ses épaules nues et mâles. Oui, il a tout fait pour, mais… Mais… Quoi qu’il fasse, et où qu’il soit, rien ne t’efface, il pense à toi.****

Et tu es là, et il est là, et cette chambre a le calme de [ces] trou[s] de verdure où coule une rivière*****… Parlons-en, de cette pièce, havre de douceur : des meubles luisants, polis par les ans, décorer[ent] [cette] chambre ; les plus rares fleurs mêlant leurs odeurs aux vagues senteurs de l'ambre, les riches plafonds, les miroirs profonds, la splendeur orientale, tout y [parle] à l'âme en secret sa douce langue natale… Oui, cette auberge a un petit air de paradis, oui, là, entre tes bras Lara, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté.******

Au « je t’aime » murmuré vient susurrer un aveu jumeau, une promesse jumelle, et s’ajouter bientôt, avant que le calme soit clos, avant le nouvel élan, avant l’étreinte renaissante, avant même ce repos qui ne viendra qu’au matin, un chuchotement de plus, au creux de son oreille :



- Enfant ! si j'étais roi, je donnerais l'empire,
Et mon char, et mon sceptre, et mon peuple à genoux
Et ma couronne d'or, et mes bains de porphyre,
Et mes flottes, à qui la mer ne peut suffire,
Pour un regard de vous !

Si j'étais Dieu, la terre et l'air avec les ondes,
Les anges, les démons courbés devant ma loi,
Et le profond chaos aux entrailles fécondes,
L'éternité, l'espace, et les cieux, et les mondes,
Pour un baiser de toi !*******



*J'aurai essayé, hein ; j'ai au moins les alexandrins pour moi.
** Barbara, Ma plus belle histoire d'amour.
***Erasme
****JJG, Pas toi.
*****Arthur Rimbaud, Le dormeur du val.******Charles Baudelaire, L'invitation au voyage.
******Victor Hugo, A une femme.

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