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[RP fermé] Résurrection

Odenaiss
    « La vie n’a de valeur que si elle est un feu sans cesse renaissant »
    Pierre Valléry-Radot


Journée triviale, sans vie, sans soleil. Sans plus ni moins que l’ennui de la veille. Elle erre la Brune, en plein Felger,… Déambule au travers ses venelles. Elle les emprunte de façon machinale. L’habitude la porte dans son incessant rituel. Les heures ont finis par filer et la journée de travail remplie donne lieu à routine quotidienne. Elle arpente la petite place qui jouxte l’édifice religieux qui se dresse fièrement, narguant les cieux, pourléchant le ciel gris et encore bas d’un hiver qui résiste aux prémices d’un ciel bleu de printemps. Déjà le clocher sonne vêpres chassant les cafardeuses pensées dans lesquelles elle végète. Comme au matin, elle se dirige vers l’une des tavernes, celle qu'on lui aura indiquée. Choix contrôlé, cette fois, elle n' ira pas là où ses envies voudront bien la mener. La semelle bat le revêtement au cœur d’une froide soirée et la silhouette filiforme débouche devant une vieille bâtisse dont l’encorbellement retombe telle une lourde paupière au dessus de deux petites fenêtres basses clignant de leurs yeux rougeoyants.

Elle irait là, la Brune, et non pas sans raison.

Et quant bien même elle était au courant de la réputation détestable dont jouissait l’établissement, se mêlant au contrebandier en quête d’un supplément d’équipage, au mari jaloux se faisant chercheur d’un éventuel espion, voire le chef de bande désireux de réassortir une troupe ébréchée par la justice de la sénéchaussée… Voilà qui lui rappelerait quelques souvenirs… Lui remémorerait le printemps de sa jeunesse folle.

L’Ombre qu’elle dessine dégringole avec l’aisance d’un habitué les marches qui mènent à la porte basse. Le bras se tend et la senestre s’abat sur la poignée. Sur le seuil de la porte, le corps effilé se retrouve plaqué contre le chambranle de cette dernière, le temps de laisser passer le pochtron qui s’échappe. Un instant son regard se pose sur la silhouette qui titube et qui dans un dernier élan vient s’abattre contre un mur voisin jusqu’à se plier et venir régurgiter le contenu d’un estomac en vrac et de s’effondrer finissant vautré dans sa vomissure.
Sur le visage de la Brune se dessine esquisse du dégoût face à ce que lui a inspiré la scène et s’en détournant, elle pénètre dans la taverne comme on plonge en se retenant de respirer.
Engouffrée dans l’univers infernal qui s’offre à ses sens, elle se fond dans la masse. Tout est de bruits et de fureur, plein de querelles, de cris et de chant d’ivrogne. Le regard scrute, apercevant, moutonnant dans la fumée bleue des pipes, des dos diversement coloriés, des têtes plus ou moins hirsutes penchées sur des tables où reposent les coudes et les gobelets d’un alcool liquoreux et mordoré.

A son tour d’en faire autant et de venir se vautrer dans un des coins sombres et plus isolé de la salle, ne manquant pas de se faire servir de quoi se dessécher la gorge. De là, elle aura vue sur tout ce qui bouge et elle pourra le voir faire son entrée. Lui, premier de ceux qu’elle attend.
La senestre plongeante dans la vielle besace qu’elle traîne depuis des lustres sans trouver bon d’en changer, en ressort pour venir étaler devant les yeux pers de la Brune un de ces vieux morceaux de parchemins qu’elle conserve en cas de besoin. Le fusain court sur la peau de Pergame, le marquant de quelques volutes rapidement tracées. Quelques mots adressés à son autre. Invitation à venir la retrouver.





    Rendez-vous à l’Hermine.
    Je vous y attend.

    Tendrement,

    Votre autre. 



Nul besoin d’en écrire davantage. Si son destinataire se trouvait intéressé, nul doute qu’il saurait répondre favorablement à sa demande.

L’index se lève en même temps que l’œil fixe ce qui ressemble guère plus à un jouvenceau qu’à un homme, l’interpellant de quelques mouvements. A son approche, elle l’accueille l’attirant près d’elle, la dextre empoignant la chemise qu’il porte, le temps pour elle de lui faire part de ce qu’elle attend.


-«  Porte ça sur le champs à son destinataire. Tu y trouveras son nom sur le pli, et dans l’cas où tu n’saurais pas lire, demande à voir… D’Arenthon. C’est à lui qu’il est destiné. Chose faite, reviens me voir.»


Le missionnant à voix basse, elle relâche l’étoffe que la main aura froissée de l’avoir enserrée.
La porte refermée sur celui qu’elle n’a pas manqué suivre des yeux, son regard poursuit sa course. Elle le cherche, l’autre. On lui a dit qu’elle le trouverait ici. Elle détaille chacun des hommes que son regard croise, tous parlant entre eux à voix contenue, débattant discrètement d’affaires qui semblent avoir pour eux grand intérêt. Pas de tricorne reconnaissable dans les parages. Sans doute n’était-il pas encore là.
Et à cette question, elle ne tarderait pas se faire apporter réponse, ne manquant pas d’arrêter une des deux servantes affichant un décolleté aux limites de la décence qui passait entre sa table et celle voisine chargée d’un lourd plateau.


-«  Dites-moi… Le Nantais… Il est là ou pas ? J’ai à lui causer… »


L’interpellée tressaillit lorsque la senestre vint encercler son bras. Regard entrant en duel avec le sien, elle chercha un instant obtenir réponse en s’y ancrant. Mais déjà la donzelle détournait ses prunelles pour venir fixer une place restée vide.


«  Désolée… Sa place est encore libre, mais il devrait plus tarder  maint’nant.»

D’un léger signe de tête entendu, la main desserre le bras prisonnier suivant des yeux la servante qui déjà s’en retourne près du comptoir soufflant mots au patron dont le regard noir vient se figer sur la Brune. Ce coup d’œil, elle ne le soutiendra pas, préférant lorgner sur le contenu de son verre avant de s’en désaltérer d’une gorgée et d'attendre de voir qui des "deux" qu'elle attendait daignerait se présenter en premier.
Theos
La haute silhouette visite la nuit avec une facilité déconcertante et vient heurter les épaules de quelques villageois sans prendre le soin de se retourner pour s’excuser et faire preuve d’un semblant de déférence. L’allure fière et pleine d’un insaisissable mystère qui attise tantôt la crainte, tantôt l’admiration, libère une élégance maîtrisée et un raffinement qui contrastent avec le regard sauvage et la chevelure éparpillé de l’homme. Un parchemin, négligemment plié, gît au fond de sa poche où végètent quelques breloques cueillies tout au long de ses voyages. Les pas font chanter les pavés et éveillent les ruelles qui courent à travers toute la ville. Et, alors que son regard devine les ombres et dénude les lieux, ses pensées se fracassent contre l’objet de sa visite nocturne.

De sombres idées s’insinuent dans sa caboche d’intouchable, étouffant ses résolutions les plus pieuses et ses projets les plus louables. Et il se sent déjà sombrer dans les méandres d’une vie aussi trépidante, qu’insidieuse et sublime. L’envie de flirter avec les extrêmes le tiraille, la volonté de dépasser les limites, de franchir l’entendement crépite au creux de ses viscères. Et quand sa morale s’absente, c’est en monstre méprisant et arrogant qu’il se dresse. Mais il n’est guère tourmenté. L’ingratitude et la quête de prestige lui suffisent.

Il rabat sa capuche sur son dos et défait sa cape en franchissant la porte du lieu dans laquelle on l’attend. Odénaiss. Chimère venue braver la réalité et effacer un passé qui fut fallacieux. Prise de conscience, violente, révoltante, jouissive. Aimer, c’est sentir la terre se dérober sous ses pieds, et se retenir à une étoile pour ne pas vaciller. C’est perdre ses habitudes, ses repères, ses certitudes, et s’extasier d’un avenir jusqu’alors jamais envisager. Finalement, c’est crever puis renaître. Et ses yeux la cherchent, cette donzelle envoutante, à travers une fumée opaque qui pique les sens. Dans un coin, il reconnaît sa silhouette féminine, son visage perché au-dessus d’un verre. Il s’approche, évitant les gestes défaillant de certains, ignorant les éclats de voix et les éclats de rire des autres. Il n’ignore pas qu’il est observé, sans vergogne, telle une proie que l’on veut croquer et dépouiller de son humanité. Il fait signe à l’une des servantes de lui apporter à boire, lui indiquant la table qu’il rejoint. Et c’est d’un œil aiguisé qu’il s’attarde un instant sur son décolleté. Simple réflexe masculin.


Bonsoir.

Il prend place face à son Autre, fixant la donzelle, violant son regard. Un sourire s’immisce le long de ses lèvres. La complicité est là, ils se comprennent et se devinent sans la moindre peine. Et même quand le silence règne, un chahut de sentiments, de confidences muettes sont échangés au travers de leurs pupilles. Leurs visages, leurs expressions, les mouvements de leurs mains sont un langage qu’ils partagent et maîtrisent.

C’est donc cela votre idée du romantisme ? Une taverne où grouille la vermine et où le païen se planque pour ne pas avoir les oreilles tranchées ? Vous me surprendrez toujours.


Ses doigts se resserrent autour de son verre.

Je ne peux m’empêcher de croire que vous avez une idée derrière la tête. De quoi s’agit-il ? Si c’est lucratif, je suis pour. Sinon…

Haussement d’épaules.
Odenaiss
    " On dit qu'il n'y a rien de si rapide qu'un sentiment d'antipathie ! Mais je crois qu'on devine plus vite encore qu'on se comprend et qu'on va s'aimer. "
    Alfred de Musset


Elle attend, patiemment, le bras tenu en « V » en appui sur la table, la main à l’aplomb de son menton, soutenant alors une tête lourde de songes. Son verre posé devant elle, de l’index, elle en caresse, rêveuse, les bords que ses lèvres, encore imprégnées d’hydromel, viennent tout juste d’abandonner.
Rêver toute éveillée. Combien de fois dans une seule journée se prend elle à se laisser aller à telle utopie ? Une fois… Deux fois ?… Plus encore ? Elle ne les compte plus, et ce, depuis ce jour où le destin lui a fait croiser son chemin.


Elle rêve la Brune, de nouveau. Elle rêve d’amour, de ce que serait sa vie près de lui.
L’amour, sentiment auquel elle ne croyait plus, auquel elle ne se voulait plus soumise. Seulement, il est la nourriture de la vie, un passage obligé et constructif, quand bien même elle le sait plus ravageur, plus destructeur encore. Le constat est fait : elle ne saurait s'en passer.

Elle rêve de réalité, d’une utopie partagée qui serait là le ressort de leur Histoire. Envoutée, ses pensées sont pour lui. Theos. Mystérieux, intouchable, devenu seul Seigneur détenteur de son cœur. L’aube se lève doucement sur leur histoire. Ils se découvrent à peine et pourtant, c’est comme s’ils se connaissaient depuis toujours. La faculté de se deviner est là. Nul besoin de parler pour ça, leurs yeux parlent pour eux. Et dans l'azur des siens, elle se baigne, se noie, inondée par l’amour qu’ils renvoient. Ils sont lac d’émotions, océan de vécu, de la haine à l’amour, de la souffrance à la joie… C’est sa vie qu’ils racontent, celle qui se passe de mots mais qui résonne en notre for intérieur.
Tant de souvenirs qu’elle devine identiques aux siens. Émerveillée, envoûtée, perdue dans son regard elle se sait amoureuse la Brune. La flamme qui s’apprêtait à mourir, redonne au corps le plaisir d'embraser ses sens. Le sourire renaît. L’espoir redonne la vie.
Hier est parti, laissant choir sa traîne aux pieds de l’attente, ratissant toutes les éclaboussures des amours brèves et douloureuses. Aujourd’hui est un autre jour, empreint d’amour.

Stagnant sur le contenant qu’elle tient d’une main, le regard au repos s’éveille, sollicité par le mouvement de celui qui s’en vient la rejoindre. Retour du messager venu quémander son dû.


- " Votre homme l'est prév'nu."

La senestre encore meurtrie glisse vers une bourse de cuir et en extrait quelques deniers qu'elle vient faire tinter dans le creux de la main du jouvenceau.
Et le sourire né lorsqu'elle voit se dessiner dans la masse la silhouette de son Autre. Le Mâle est là, observe furtivement avant de s‘attarder sur le décolleté d‘une des serveuses, le tout sous le regard courroucé de la Brune.


    Regarde, mais surtout ne touche pas !


Et ce dernier de s'apaiser lorsqu'elle vient cueillir le sourire qui se dessine sur ses lèvres, comme un bijou. L’échange débute et un fin sourire s’étire.

-" N’aurai-je pas tout intérêt à vous surprendre encore et encore MON Seigneur ?"

Comment faire durer l’amour, si ce n’est en gardant une part de mystère et de surprise. L’habitude en véritable poison est synonyme d’ennui, de lassitude et que ne ferait-elle pas pour que d’elle il ne se détourne pas ?

- "Je ne doute pas que vous soyez contre les surprises. Et comme vous êtes perspicace..."

Évidemment qu’elle avait une idée derrière là tête, autrement pourquoi venir s’afficher ici, alors qu’il y avait bien plus calme comme endroit pour profiter et jouir de sa seule présence.
Regard toujours ancré au sien, elle s’abreuve d’une gorgée de ce qui lui reste de Chouchen avant d’abandonner son verre sur un coin de leur table.


- "... Sachez que je ne vais jamais nulle part sans raison. Et pour ce qui est du but précis de notre venue ici…, patience… vous ne tarderez pas avoir réponses à vos questions."
--L_nantais
[Rencontres clandestines]

L'Hermine - Dans un coin retranché de la taverne

L'Hermine : son repère, son fief, son antre. Après des semaines passées en mer, il ne manquait jamais l‘occasion, le temps d'une escale, de venir s'y engouffrer, dilapidant à tout va les écus d'un butin gagné pour le plus grand plaisir du patron qui s'en mettait plein les fouilles. La bière, le rhum, les femmes, jamais il ne s'en lassait. Surtout pas de ces dernières avec qui il prenait plaisir à fêter son retour à terre.
Et parce que ses ressources monétaires lui étaient insuffisantes, le vieux flibustier qu'il était ne se privait pas de s'enrichir sur le dos du petit, voire même du grand peuple, en leur proposant ses services et n'était jamais surpris de voir débarquer bon nombre d'inconnus désireux de faire affaire avec lui.


Là encore, il venait de conclure un nouveau marché, et pour avoir raccompagner son visiteur, il était venu se réinstaller dans la grande salle, se vautrant, le dos courbé à sa table. La même qu'il occupait depuis ce premier jour où il avait décidé de foutre les pieds chez l‘Maodan. Appuyé des deux coudes sur la table de noyer crasseux, le Nantais, comme tout le monde le surnommait ici, laissait planer sur l'assemblée un regard d'empereur auquel rien n'échappait, un regard qui de nouveau traversa la salle pour aller achever sa trajectoire sur le patron lorsque la voix de celui-ci s'éleva pour l'interpeler.

- Ho ! Le Nantais ! Du monde pour toi !

Doucement le visage de l'interpellé s'arma d'un fin sourire tandis que sa main venait le débarrasser d'un tricorne superbement galonné d'or qui n'avait pas dû être fait pour sa tête, et d'un signe, l'agitant en direction des deux que venait de lui désigner une des serveuses venue lui porter sa pinte, les invita à venir le rejoindre sans se priver au passage de venir dans l’attente, palper les rondeurs du seant qu’offrait la gourgandine à sa vue.
Theos
L’œil inquisiteur et suspicieux de Theos s’arrête sur le tricorne et suit son mouvement aérien. Mais, loin d’être émerveillé par le précieux objet, il s’amuse de le voir batifoler de la sorte parmi la fumée, au bout d’un bras qui les invite à le rejoindre. Cynique, Theos s’interdit de lui lâcher de façon toute aussi éhontée qu’effrontée :« Vous chassez les mouches ? ». Simplement parce que le respect, la déférence qu’il nourrit à l’égard de la donzelle qui l’a pressé de venir s’abîmer dans une sombre et mystérieuse aventure l’en empêche. Il ne voudrait pas lui faire honte ou la mettre mal à l’aise. Pas encore. Cela serait préjudiciable pour leur relation et il le sait. D’autant plus que la fureur des donzelles a en général tendance à le blaser, à l’indifférer et à l’ennuyer. Il se lève donc, ne dissimulant pas son audace et son caractère d’homme intouchable, parfois insensible et rejoint celui qui les attend, aux côtés de la délicieuse brune, une main possessive plaquée au creux de son dos.

Homme galant, -uniquement avec les femmes qu’il juge charmantes et séduisantes-, il propose une chaise à sa compagne et s’installe près d'elle. D’un signe de la tête, il salue le marin, appréciant ses traits, devinant sa vénalité. Si un sourire un brin arrogant s’accroche à son visage, ses lèvres demeurent muettes et sa curiosité étouffée. Il tourne la tête vers Odénaiss qu’il découvre aussi manipulatrice, ambitieuse et terrifiante que lui. Les apparences qu’ils cultivent tous deux si élégamment ne devraient pas manquer d’estomper la méfiance de ceux qui les entourent, et la vie si sereine qu’ils semblent mener n’éveillera les soupçons de personne quant à leurs effroyables personnalités. Un couple froid, aux ambitions sulfureuses, aux projets scandaleux.

Ignorant l’objet de cette rencontre, il reste attentif aux paroles échangées pour mieux apprivoiser le projet qu’Odénaiss veut élever, escamoter, concrétiser. Afin de se dispenser d’une courtoisie qu’il juge futile et déplacée, il se présente avec sobriété.
« D’Arenthon ».

Et déjà, il s'impatiente de savoir quel est l'objet de cet entretien.
Odenaiss
Le bras se lève, balayant l'air, appelant du geste à l'invitation.
La Brune qui ne lâche pas le Nantais des yeux quitte sa place, invitant Theos d'une main offerte, afin que ce dernier la suive.
Ouvrant la marche, suivie de son Autre, elle se fraye un chemin, et ce tant bien que mal dans l'espace qui réside encore entre les rangées de chaises qui ornent la salle. Sur leur passage, elle croise les innombrables regards des clients dont la curiosité naissante les poussent à se retourner. Tout comme elle sent peser sur elle celui des donzelles qui, présentes, l'envie, la jalouse. Il en est tant depuis qu’elle partage son quotidien avec son Blond.


    Rêvez autant que vous l'voudrez ! Il est à moi désormais. La seule chose que vous puissiez encore faire c'est de l'regarder. Mais que vos mains se gardent de venir le toucher ou vous aurez à faire face à mon courroux, car jamais l'on ne touche à ce qui est Mien.


Et elle avance, avec cette main possessive plaquée dans son dos. Cette main, qui épouse si parfaitement la cambrure de ses reins, et qui fait naître chez elle un discret sourire qui doucement s'étire, si intime qu'il ne saurait être perçu que par sa seule Ombre. Intime n'est pas que le sourire. Ses pensées le sont aussi à la main qui la touche. La peau frissonne.
De la main de l'amant elle fait l'éloge. Organe qui pense au présent, sans langage, elle est une pensée émotionnelle. Par ses mains passe un émotion plus originaire que celle des mots. Comme le regard, elles expriment tout : l'extase, la curiosité, le plaisir, l'empathie, le refus, la détresse, l'angoisse. Et sous cette main qui la dessine, elle se soumet comme toutes ces fois où elles ont à l'effleurer, la toucher, la saisir, se faisant si douces autant qu'elles peuvent se montrer impétueuses et difficiles à dompter.


Les quelques pas qui les séparent du Nantais s'achèvent, la main amante l'abandonnant, le temps pour elle de lui tirer une chaise sur laquelle elle vient s'installer. Un regard suffit pour remercier Sa Moitié avant qu'il ne se mette à fouiller le visage de leur interlocuteur. Sous le crâne pointu, se trouve une figure charnue au sourire trop large, au long nez fendu, aux petits yeux charbonneux et brillants comme des pierres de jais. Et ce faciès, elle le connait. Plus la peine pour elle de se présenter. Pour cause : tout les deux se sont déjà rencontrés. Le Nantais n'est pourtant pas homme à lui plaire, mais parce qu'elle sait qu'il est en mesure de lui donner ce dont elle a besoin, elle n'hésite pas à faire appel à lui.



- "Parlons peu, mais parlons bien ! Je n’vais pas perdre mon temps à tourner autour du pot. Ca n'aurait trait qu'à me faire perdre davantage de temps alors même que je suis pressée. As-tu obtenu ce que je t'ai demandé ? Les chevaux et l'assurance que franchissant la frontière, il ne nous arrivera rien. J’veux bien rendre service, mais en contrepartie, je veux certaines garanties. "


S'assurer qu'il ne leur arriverait rien, voilà ce qui la préoccupait. L'épargner de tout pour l'instant ,Theos, lui qu'elle avait trainé jusqu'ici sans lui dévoiler ce qu'elle envisageait d'entreprendre au cours de leur prochaine virée.
Une fois sortie, elle l'informerait de son projet. Une petite initiation qui permettrait à la brune de se replonger des années en arrière, de ces années où jamais elle ne s'était sentie aussi vivante.
Une main sur la table, l'autre venant se poser sur la cuisse de Son Autre en une caresse rassurante, elle attendait de savoir si oui ou non le risque était bon à prendre.
--L_nantais
La main abandonnant le tricorne était venue s'abattre, se faisant ferme sur la taille de la serveuse. Ni plus ni moins le temps d'un échange. Après quoi, il relâcha l'étreinte la poussant à aller leur chercher de quoi boire.
Brusquement rétrécies, les prunelles glacées, d'un bleu d'acier s'était posée sur le visage de l'homme qui lui faisait face, comme s'il cherchait à lui arracher le secret de ses pensées.
D'Arenthon... Regard qui le parcourt sans plus, son intérêt étant bien plus grand pour la donzelle qui prenait place tout près. Claquement de langue contre le palais et soupir de mécontentement lorsque l'immense carcasse vint se vautrer dans le fond de sa chaise pendant que la Galinette lui cause.


- Du calme tu veux ! Ne t'ai-je pas toujours satisfait ? chuinta t-il en découvrant trois dents restées étonnamment blanches au milieu d'une incroyable collection de chicots brunâtres. Son regard s'en était même venu défier celui du D'Arenthon, aimant à laisser croire qu'il aurait pu la satisfaire d'une toute autre manière la Brune. Pensée qui raviva de plus belle l'incessante manie qu'il avait de passer continuellement sa langue sur ses lèvres à la manière d'un matou qui se pourlèche.

- J'ai le pouvoir de te donner tout c'que tu veux ! Et en échange, tu me rends service quand j'en ai besoin. Et j' suis en mesure de comprendre que t'as réfléchi à ma proposition... Voilà une bien sage décision.


D'un bras de nouveau levé, et d'un geste entendu il fit signe au patron de sortir le colis qui était réservé. Moins de deux minutes s'étaient écoulées lorsque la serveuse revenue les bras chargés déposa silencieusement sur leur table, trois gobelets d'étain, une grosse bouteille noire d'un vieux rhum, sans oublier le paquet.

- Vous trouv'rez des chevaux, deux frisons à la robe noire. Un d'mes mômes vous attends au sortir d'la ville pour vous les confier. Une fois les frontières passées, peu m'importe ensuite l'endroit où vous vous rendrez et ce qui vous pousse à y aller, mais quoi qu'il arrive, tu dois absolument passer par Avranches pour y déposer ça. En rien tu n' t'occupes de ce que ce paquet renferme. Contente-toi d'aller le porter sur l'adresse qui y figure et donne le au propriétaire des lieux. C'est tout c'que j'te demande. En contrepartie, tu n'auras pas grand chose à craindre, si ce n'est que peut-être tu recevras un courrier des douanes t'invitant à rebrousser ton chemin.

Le Nantais se rapprocha alors subitement, passant un bras autour du cou de chacun pour les pencher vers lui. Rapidement, il jeta autour de lui un regard bourré de circonspection comme s'il s'attendait à voir fleurir soudainement tous les espions du Lieutenant de la Maréchaussée et chuchota enfin :

- J'espère que vous avez bien compris...
Theos
Hautain et impulsif, Theos ignore pourtant la provocation de l’homme qui prétend être capable de satisfaire les désirs, -sous-entendu charnels-, d’Odénaiss. Il ravale son insolence, étouffe son écœurement, écrase son impudence. Seul un sourire à la fois narquois et méprisant trahit le sentiment acrimonieux qui le traverse, sa virilité et son orgueil n’étant pas atteints. Il nourrit une haine malsaine, une jalousie décomplexée envers ceux qui rôdent autour de la Belle et qui souhaitent s’attirer les faveurs de la Rebelle. Mais il évite toute démonstration de violence, s’imposant un calme et une quiétude exemplaires, préférant élever une barrière d’indifférence et un étrange détachement. Menteur, il ne se dévoile que rarement.

Sa main rejoint posément et avec complicité celle qui caresse sa cuisse. Il l’arrête dans sa course, la conservant précieusement contre lui, la retenant dans la sienne. Ses doigts effleurent les siens dans une douceur qui jure avec l’atmosphère détestable et répugnante de l’endroit. Ses phalanges se plient, comme pour mieux la capturer. Le mouvement est futile, mais le partage immense.

Le Ténébreux les écoute. Distraitement. Il affecte un air grave alors que ses pensées voguent ailleurs, loin. Il oublie le sujet de la conversation, abandonnant sa suspicion et sa méfiance, se consacrant aux courbes d’une donzelle qui traverse la taverne, au râle du patron qui intime un ivrogne d’aller répandre sa nausée dans les ruelles, aux claquements des chopes qui annoncent rires, querelles et insouciance.

La réalité retombe lorsqu’un mystérieux paquet s’écrase sur la table. Theos le scrute, sous toutes ses coutures, à la recherche d’un indice qui pourrait indiquer ce qu’il renferme. Sa concentration et son sérieux reviennent, et c’est intrigué qu’il s’abreuve des paroles du Nantais. Une étreinte, une pseudo accolade achèvent son discours. Ne pas ouvrir le colis ? C’est comme demander à une femme de se taire. C’est risqué et le résultat n’est que rarement celui espéré. Expérience, quand tu nous tiens…


Oui, bien entendu, nous saurons le transporter en toute sécurité, sans l’ouvrir…

… Ou comment se parer d’un semblant de sagesse, d’une fausse crédulité, d’une honnêteté improvisée. Et c’est un sourire plein d’une implacable innocence qui déchire la gueule d’ange de Theos. Son regard se pose déjà sur Odénaiss, lui avouant silencieusement : « Crois-tu vraiment que je vais transporter ce paquet sans découvrir ce qui se cache à l’intérieur ? » Sans doute essayera-t-elle de l’en dissuader. Quoique, elle est imprévisible.

Avranches , nous nous y rendrons !
Odenaiss
Son regard s’abattant sur la face du Nantais, c’est à peine pourtant si elle prend en considération les paroles qu’il lui adresse. Rapidement, elle balaye de son esprit les sous entendus fantasmagoriques de l’individu. Comme si elle était du genre à se coucher au côté d’homme qui veuille. Il n’y avait bien qu’en rêve que pareille chose puisse arriver. Le seul qui puisse bien être assuré de la voir se fondre dans sa couche, n’était autre que celui qui venait de faire prisonnière sa main dans la sienne. Aucun besoin de le rassuré en ce sens, elle ne doutait pas qu’il sache. Contact était là pour l’en convaincre lorsqu’il la captura du bout des doigts.
L’esprit de la Brune n’assimilait alors plus que l’essentiel des informations, se laissant soudainement aller à ses songes.

Erotisation, vénération… Elle finirait par vouer un culte à ces mains qui doucement se décidaient à mettre de côté la retenue des premiers instants, prenant l’habitude de la visiter et de s’octroyer la propriété du corps qu’elles découvraient avec une exaltation non dissimulée. Douce torture d’une promiscuité qu’elle ne peut pour l’heure davantage pousser. Pas maintenant et encore moins ici.
Douce douleur que d’attendre d’être sienne à part entière. Sa patience saura payer en amour, désir et volupté. Elle le sait.

A son fantasme de se voir dissipé, le geste du Nantais la tirant définitivement de sa rêverie. Les yeux noirs se posent sur le comptoir, dévisage le propriétaire des lieux et plus encore celle qui se dirige vers eux. Sans plus d’intérêt pour sa personne, elle l’abandonne rapidement détournant le regard, le portant avec bien plus d’intérêt sur la bouteille de rhum qu’elle leur présente et le paquet sur lequel viennent se poser les mains du flibustier.
Elle le reconnait bien là, homme à faire ses propres affaires profitant alors d’un service rendu pour se faire rendre la pareille.
Et ce paquet qu’il leur intime de ne pas ouvrir, que renferme t-il ? Quelque chose qu’on cherche à sauver ? A moins que se ne soit le contraire et qu’il ne cherche à s’en débarrasser …


Osé que de demander à la Brune de ne pas aller fouiner et chercher à savoir ce qu’il cache. En même temps que le regard d’Odénaiss restait accroché au paquet, l’oreille se tendit le temps d’une confidence partagée. La lutte serait de taille pour qu’elle ne se laisse pas aller à sa curiosité. Car si elle avait un instant compté sur le sérieux de Sa Moitié, elle venait de prendre connaissance de son soudain attrait pour ce qu’il contenait.
En prenant possession, elle se décida à quitter sa place tout en acquiesçant d’un signe de tête venu appuyé ses dires :



-"  Tu peux être tranquille…tout sera fait comme tu l’entends."


Tête qui se tourne sur Son Ténébreux et prunelles qui l’invitent à quitter l’endroit sans plus tarder. D’un geste elle lui confit le paquet affichant un dernier salut au Nantais à qui elle tourne rapidement le dos pour s’éloigner. L’extérieur rejoint, après les lourdes odeurs d’alcool, l’air qui se faisait encore vif au dehors lui parut délicieux. Si tant est qu’elle aspira par deux ou trois fois l’air marin où s’attardait une odeur de sel et d’algues, avec une sorte de volupté.
Déjà la nuit s’annonçait et ne tarderait plus à dominer ce qu’il restait du jour. Avec sa grâce naturelle, elle se tourna alors sur son Autre dans la coulée jaune d’une fenêtre éclairée.



- " Ne perdons pas de temps et allons chercher les chevaux. Nous profiterons de la nuit pour voyager."
Theos
Des pensées sulfureuses s'égarent et se fracassent dans l'esprit du jeune arrogant alors qu'il foule le soir aux côtés de sa complice, d'un pas intrépide. Quels sont donc les projets que dissimule Odénaiss ? Vers quels desseins l’entraine-t-elle avec autant d’assurance ? Le soleil faiblit avec lourdeur dans un ciel vaporeux que seuls quelques oiseaux impertinents et désabusés viennent percer. Un silence troublant, invitant au malaise et à la méfiance règne dans les dédales obscurs de la ville qui s’endort. Les bottes, élancées, claquent, et se suivent avec une monstrueuse élégance. Mais l'heure n'est plus à la cérémonie, et déjà, les deux silhouettes s’éloignent de cette taverne qui transpire la tourmente, la crasse, et le sang.

Comme convenu, un gamin les attend non loin des remparts, aux côtés de deux chevaux robustes et enveloppés d’une robe aussi sombre que la nuit. Theos s’empresse d’attacher le paquet jusqu’alors caché sous sa cape, le sanglant solidement à la scelle et remettant à plus tard l’interdit qu’il ne manquera pas de franchir en l’ouvrant. Un écu se détache de la main du Prétentieux pour tomber dans celle du jeune garçon qui, très vite, s’échappe pour accomplir d’autres larcins et répondre aux attentes peu scrupuleuses de son paternel.

Le voyage s’annonce étourdissant, les deux cavaliers quittent la ville transportés par un vent de fureur. Les minutes les écartent de l’endroit qui a vu naître le projet cultivé par Odénaiss, enfermant toujours un peu plus Theos dans l’ignorance, alors que l’audacieuse muse tait le véritable objet de cette aventure. Autoritaire et orgueilleux, ambitieux et peu sensible aux ordres, l’homme sent un agacement le traverser. Car il déteste s’enfoncer dans l’inconnu sans en connaître l’aboutissement, et que le besoin de tout contrôler, de tout maîtriser, l’empêche d’avancer aveuglément vers une destination dont il ignore le nom.

Et, alors que l’humanité semble avoir déserté les environs, il défie la nervosité des chevaux et attrape les rênes de la monture de son Autre d’une main ferme, la forçant à s'arrêter dans cette campagne peu accueillante. Son regard se révèle un brin glacial, mais s’apaise en se posant sur les traits de sa compagne.


Il est à présent temps que vous me dévoiliez ce secret que vous protégez depuis tout à l’heure. Cet homme, cet échange, ce paquet, ce voyage… Je vous écoute. Où nous rendons-nous? Allons-nous retrouver quelqu'un? Des amis, des proches, des personnes peu fréquentables? Que cachent tous ces mystères?

Leurs jambes se frôlent dans la danse lente des frisons qui n’apprécient que peu cette halte imposée et qui s’efforcent de rester immobiles malgré le sang brulant qui court dans toute leur carcasse. Theos apprivoise le silence, attendant la réponse d’Odénaiss.
Odenaiss
    " L'avenir... du passé en préparation"
    Pierre Dac


Ce qu'elle avait cherché à effacer de tout temps s'en revenait au galop. A trop vouloir rejeter le passé, voilà ce qu'il advenait. On finissait par le voir ressurgir, se le prenant en pleine face sans pouvoir rien y faire si ce n'était de vivre avec. Femme à la double facette, mauvaise par ses actions mais pourtant empreinte à de bons sentiments, telle était sa véritable personne. Elle avait tenté d'en changer mais essayez donc de chasser le naturel et vous verrez... C'était chose impossible pour elle. D'une vie tranquille et sereine elle ne saurait se contenter. Le caractère intrépide de sa vie passée venait à lui manquer inexorablement et aujourd'hui encore, elle s'apprêtait à replonger dans le larcin entrainant avec elle son nouveau compagnon.

Theos. Homme aimant flirter avec le sublime, affichant une élégance masculine par des gestes subtils et délicats... que penserait-il de tout cela ? Se verrait-il poursuivre sa route à ses côtés ? Ou préfèrerait-il s'en éloigner ? Intimement elle s'était faite à l'idée que peut-être il était comme elle, entretenant une image extérieure qui ne reflétait en rien ce qu'elle tendait à dissimuler en dedans... Un faux semblant.
Rapace furieuse, elle pouvait tout aussi librement donnée. Elle n'était finalement pas si "pourrie". De cet argument, elle pourrait toujours chercher à se défendre au cas où lui prendrait l'envie de rebrousser chemin, car elle le pressentait, son Autre ne tarderait plus à venir quérir auprès d'elle réponses aux questions qu'il devait se posait.

Et chemin faisant, ils s'éloignaient se laissant peu à peu happer par les ténèbres obscures. L'oeil légèrement rougit par l'errance nocturne, elle observe droit devant, la conscience rongée par l'appréhension qui soudain l'assaille. Seulement le temps n'est plus à la contemplation et aux remords. L'heure des explications est venue. Déjà la monture de Theos la prend de vitesse pour venir prendre position à sa hauteur. Elle se sent alors le besoin de prendre une profonde inspiration. L'arrêt se fait net lorsqu'elle se voit dépourvu de ses rênes ses billes noires cherchant désormais se perdre dans le bleu des yeux de l'amant que tend à dissimuler la nuit.

Elle l'écoute. Se fait attentive. Lui sourit. Normal qu'il veuille savoir. A sa place, jamais elle n'aurait attendu aussi longtemps pour connaître le fin mot de l'histoire. Comme quoi, il s'avérait être plus patient qu'elle n'eut pu le croire.

Tenue à l'arrêt, le corps supportant les légers cahots que lui infligeait les secousses des chevaux, elle se lança à dévoiler ses intentions sans chercher un instant à fuir le regard de l'Autre qu'elle devinait si pénétrant, comme si la fixant de manière aussi intense, il avait capacité à venir fouiller son esprits.


-" Il n'est point de secret que je vous tiens caché. Croyez le ou pas... j'étais sur le point de vous parler de l'aboutissement de ce périple. Et pour répondre à vos questions, le Nantais est une vielle connaissance... Quelqu'un sur qui je puis compter. Lui et ce paquet ne sont rien de plus qu'une chose venue s'ajouter à une autre. Je lui ai demandé de nous fournir des chevaux, il l'a fait. A mon tour de lui rendre service en retour.
Et comme vous l'aurez compris, nous nous rendrons à Avranches, le temps de déposer ce colis dont je ne connais la teneur. Une fois chose faite, je vous conduirai un peu plus loin dans les terres normandes... "


S'interrompant un instant, elle reprit une profonde inspiration portant regard sur l'horizon, puis alentour, veillant à ce que seul l'Amant sache de quoi il en retourne.

- " J'ai cru à vous entendre, deviner que vous n'étiez pas contre le fait de vous remplir les poches sans avoir trop à vous fouler. J'ai donc proposition à vous faire. Que diriez-vous d'être initié à "noble" profession ? "

Aurait-elle à approfondir ses explications ? Ou par cet échange aurait-il compris là où elle voulait en venir ? Réponse à cela ne saurait tarder.
Theos
Le vent ivre décroche quelques mèches de cheveux du Blond, les entraînant avec frivolité dans une danse nocturne, leur redonnant leur sauvage et leur liberté. Le crépitement des arbres accompagne les paroles d’Odénaiss qui semble défier leurs impénétrables murmures. Il l’écoute, sans intervenir, s’abreuvant de chacun de ses mots, les disséquant pour en puiser le sens et leur insuffler la juste interprétation. Sa question finale le laisse imperturbable, son apparence emprunte les traits de l’indifférence. Pourtant, il bouillonne au creux de ses viscères, il crève d’un orgueil blessé, d’une mauvaise foi qui, loin d’être taciturne, déplore de ne pas avoir initié plus tôt à l’objet de ce voyage.

Si les propos de Théos s’avouent incisifs et particulièrement froids, il maîtrise néanmoins son ton et dévoile une voix posée :


Je vous remercie de me dévoiler enfin la teneur de cette aventure. Quitte à sombrer dans une tourmente certaine, autant le faire avec acuité. Non pas que je doute de votre expérience. Seulement, vous semblez me considérer comme un avorton qu’il faut manier avec précaution, de peur de le choquer ou de le bousculer. Je pense en toute légitimité être capable de mener à vos côtés tels projets, avec transparence, sans nous affabuler de tous ses mystères et de toute cette circonspection qui ne font rien d’autres que de m’agacer.

Il se tait un instant, ravalant l’amertume qui monte dans sa gorge. Il n’ignore pas que ses mots sont injustes, accablants et sous-entendent qu’Odénaiss a une attitude semblable à celui d’une mère pour son fils. Il lui dresse une offense pour laquelle elle pourrait se fâcher à juste titre et cracher tout son mépris. Se rendant compte de la portée de son énervement, regrettant que ses sournoises paroles se soient adressées à Odénaiss de la sorte, il laisse filer un fin soupir entre ses lèvres.

Je ne voulais pas me montrer aussi dédaigneux, j’ai été maladroit… Seulement, je vous remercie de bien vouloir me tenir informé de la suite des événements au fur et à mesure de son périple. De duo, je ne veux pas entrer avec vous en conflit pour finir en duel.

Il lâche lentement les rênes de la monture de son Autre.

Je suis prêt à vous suivre, je vous fais confiance. Et c’est volontiers que j’accepte votre proposition. Cueillir des écus me semble être une activité intéressante. Et j’ai beau ne pas être spécialement attiré par l'argent… l’entreprise me paraît plaisante !

Un craquement de branche attire brusquement l’attention de Théos qui retient de justesse son cheval qui a lui aussi été sensible à ce bruit troublant. Dans un murmure, le Ténébreux lance à Odénaiss :

Vous avez entendu? Il semblerait que nous ne soyons pas seuls…
Odenaiss
Les paroles fusent. Intentionnel ou non, les mots sont là pour faire mal.
Les iris se figent, mirant le reflet d'une lune austère que lui renvoie un regard couleur d'acier. Mots et regard sont tels des armes, l'un et l'autre se faisant aussi tranchant que des couteaux aux lames acérées.

La bouche ne consent dire mot, mais l'attitude, les gestes parlent d'eux même. Les poings se resserrent, se réappropriant les rênes de sa monture. Les battements de coeur sont violence, les muscles se tendent et la respiration se fait plus profonde sous la nervosité qui se fait naissante et lui fait bouillir les sangs.
Les alarmes naturelles que son corps dégage bien qu'invisible à l'oeil sont perçues de façon immédiate par son destrier qui, sensible à distance, s'exprime pour elle. La bête s'agite, les fers claquent et les antérieurs grattent la poussière qui couvre le sol et s'élève dans les airs.

Elle reconnait bien là la personnalité de son Autre qui autant puisse t-elle se montrer de velours, sait tout autant se montrer dure et insensible. Chez lui, la verve ne se montre pas seule acerbe, c'est l'âme toute entière qui se fait piquante.

La réponse à l'attaque est là, sur le bout de la langue, lui brûlant les lèvres. Mais elle fait d'abord choix de garder le silence. La bouche de la Brune est comme muselée. Elle ne l'interrompra pas préférant l'écouter jusqu'au bout et c'est l'esprit imprégné des derniers mots prononcés et qu'elle aura interprétée comme excuses ayant été faite, qu' elle se décide à parler :



"Soit ! J'envisagerai ne plus faire tant de mystères dorénavant... mais à la seule condition que vous jugiez bon de ne plus vous adresser à moi de la sorte. Je préfère de loin vos doux mots d'amours... Car si le mystère vous agace, sachez qu'il en va de même pour moi quant à cet air et ce ton condescendant auquel je viens d'avoir à faire face. "


L'intérieur bout encore, mais la voix se fait douce. Le calme revient, et avec lui le vent s'est apaisé, comme si la brise avait trouvée bon se reposer maintenant que la tempête verbale entre les deux amants avait trouvé sa fin dans un sourire doucement mais tendrement adressé. Prête à repartir, elle se vit néanmoins stoppée une fois de plus, lorsque l'attention de son Autre se porta sur l'un des sombres endroits qui les entourait. Intriguée, elle se laissa attirée par un second bruissement, celui-ci se faisant plus proche que le précédent. Les yeux se posent sur le sentier qui s'enfonce dans la forêt à peine éclairée d'un rayon de lune, sur la silhouette tortueuse d'un arbre... Craquement d'une branche encore, sensation d'une vie foisonnante et cachée se fait ressentir. Et soudainement une paire d'yeux se dessine, phosphoréscents. La présence d'un loup se devine. Sans quitter la bête du regard la parole s'adresse doucement à Theos :



- "Reprenons la route avant que ce Féal du Diable ne se mette en tête d'avertir ses compagnons de meute et que nous faisions office de repas. On n‘sait jamais à quoi s‘attendre avec ce genre de créatures."


Invitation faite à reprendre la route, les cuisses resserrant les flancs des chevaux, les talons vinrent s'abattre franchement ordonnant de partir au galop.
Leur périple venait de débuter et une heure au moins les séparaient encore de la frontière normande.
Theos
Théos accueille les paroles d’Odénaiss avec circonspection, s’interdisant toute remarque supplémentaire qui pourrait s’avouer dévastatrice pour la suite de leur périple. Conscient de la froideur qui l’anime parfois et qui écrase toute la bienveillance et la courtoisie qu’il cherche à préserver, il se sent souvent emporté par une bouillonnante animosité qui vient amplifier ses vices. Il se tait donc. Sa gorge se contracte, un nœud se forme pour ne laisser s’évader aucun son. Seul un soupir, aussi discret que court, trahit l’indifférence qui l’accapare. Ignorant toute marque d’autorité, la requête de son Autre ne l’émeut pas et n’atteint pas une once de sa sensibilité. Quoique… Provocateur dans l’âme, il lui aurait bien répondu : « Oui mon tendre amour au sourire envoutant, ma délicate et séduisante princesse, ma muse ô c combien captivante et attirante… » Un excès de mièvrerie pour lui faire remarquer que les mots d’amour ne sont pas toujours les bienvenus quand ils sont mielleux et pleins d’une médiocrité fétide.

Et très vite, ils s’éloignent de cette querelle intempestive, abandonnant les loups à la diète et à la fraicheur nocturne. Les branches des arbres les défient, s’accrochent à leurs vêtements et plantent des embryons de feuilles, des morceaux de bois et des insectes égarés le long de leurs silhouettes. Le Ténébreux laisse sa Moitié le devancer de quelques mètres et apprécie avec volupté le charme qu’elle dégage silencieusement, ce maintien qu’elle déploie avec une aisance sans pareille, cette audace qu’elle cultive avec entrain. Car malgré ce qu’il prétend, les femmes de caractère ne le laissent pas indifférent, et, rares étant celles qui osent l’affronter, il ne peut qu’apprécier Odénaiss qui se distingue des autres. Car leurs discussions, conseils et reproches sont toujours riches, raisonnés et respectueux. Quoiqu’un brin incisifs…

La frontière normande…

La visite ne sera pas d’agrément. Ils laissent cidre et andouilles aux voyageurs les plus casaniers. La main de Théos heurte le mystérieux paquet qu’il transporte. Sa curiosité l’interpelle et l’envie de connaître le secret qu’il renferme l’accapare. Et si c’était une bague ? Il pourrait l’offrir à Odénaiss pour leur mariage. Ou bien mieux encore ! Après de douteuses négociations, il pourrait la revendre, toucher une coquette somme d’écus, acheter un bijou à coût moindre pour son Autre, et faire ainsi un gentil bénéfice. L’idée est splendide mais ne manquera pas d’énerver Odénaiss. A éviter.
Odenaiss
    Frontières Normandes - De l'autre côté : Avranches


La nuit s'est déjà profondément installée, lorsque de leurs dernières foulées, le couple cavalier que forme Theos et Odénaiss, s'apprête à laisser derrière eux les terres bretonnes. Leur objectif : franchir la frontière normande sans encombres et faire halte à Avranches. Une pause nécessaire à la mission qui leur incombe, celle de livrer un colis dont ils se sont vus chargés.
L'ordre est simple d'exécution : "Livrer l'colis sans guère plus s'en soucier".
Ne leur restait qu'à prendre connaissance de l'adresse qui figurait sur le paquet et le remettre entre les mains de son destinataire. Fusse t-il le bon ? Rien n'était moins sûr, mais là était le cadet de ses soucis. De celui-ci aucune description physique n'avait été établie et il serait bien étonnant que le colis soit porteur d'un nom. Le côté clandestin des affaires du Nantais équivalait à tenir au secret l'identité des protagonistes qui s'y trouvaient mêlés.
Une fois l'endroit trouvé, ils s'en déchargeraient donc et reprendraient la route comme si de rien n'était. C'est ce qui devrait logiquement se passer.

Songeuse, la Brune se décide alors à ralentir la cadence de leur chevauchée. Le regard porté sur Son Autre, elle lui fait signe de prendre une allure modérée. Devant eux Avranches.
La frontière est passée sans problèmes. Pas de rivaux normands pour leur faire faire demi-tour. Du moins pas encore. Il leur reste à entrer dans l'enceinte de la ville et cela sans se faire remarquer. A coup sûr, si on les y prenaient, surtout elle, résidente du Ponant, à venir fouler le sol Normand... à n'en pas douter qu'on les renverrait sur le champs puisque n'ayant aucun droit de passage à fournir.
Nombreux auraient été ceux qui, par crainte d'être rejetés, se seraient décidés à rebrousser chemin. Mais certainement pas Odénaiss qui ne reculait devant rien. Et preuve s'en faisait, lorsque les yeux mirèrent au loin, vers les colonnes de fumée qui s'élevaient à l'ouest et les torches allumées qui donnaient cette impression que les remparts de la ville scintillaient.


-"Espérons qu'ils ne refoulent pas les voyageurs qui se présentent à leur porte... »

Le Nantais, de source sûre, leur avait affirmé qu’ils ne risquaient rien, seulement Odénaiss avait pris ses mots à demi-mesure. Sait-on jamais ce qui pouvait arriver. Rien n’était jamais sans risque.

Devant eux un sentier conduit jusqu'aux remparts de la ville. Les rênes qu'elle tient en mains claquent alors doucement l'encolure du canasson qui reprit aussitôt sa marche, progressant avec aisance sur la piste bien marquée. A ses côtés Theos dont la présence, en plus d'être vivement appréciée, se fait rassurante. La senestre d'un vif mouvement lui fait signe de longer à sa suite les fortifications de la ville jusqu'à atteindre la porte de cette dernière. Le regard se porte loin devant. Tout semble dormir dans la cité. Seul le cri strident des sentinelles qui s'appellent sur les remparts, traversent par instant le silence nocturne. Les barricades, comme d'ordinaire se trouvent dressées bouchant le passage de leur travers et se voient contournées. Personne pour les interpeller. Bizarre. Pourtant elle sent sur elle le poid d'un regard qui les surveille. Qu'importe. A deux ils s'immiscent. Les fers des chevaux se mettent à battre le pavé à vive allure, le temps de trouver endroit où s'arrêter, loin de tous regards indiscrets.
Bientôt ils contournèrent l'Eglise et enfilèrent l'étroite ruelle se faisant aussi déserte que silencieuse. Son cheval mis en arrêt, elle se tourna sur Theos avant que son regard ne vienne finir sa course sur le paquet qu'il transportait :


-" Voyons maintenant où tout cela va nous mener..."


Sans tarder l'adresse est portée à leur connaissance et le chemin reprit. Quelques minutes seulement passent et la petite maison qu'indique l'adresse mentionnée est repérée : collée contre l'énorme muraille , elle formait une boursouflure malsaine avec son encorbellement menaçant ruine et sa toiture posée de guingois comme un chapeau sur une tête d'ivrogne. De la lumière jaune qui filtrait de deux volets clos leur faisaient des yeux sinistres et la voix de la Brune ne tarda pas à venir interrompre le silence, s'adressant à Son Autre :

-" Nous y voilà. Débarrassons-nous de ce paquet..."

Les tourmalines se figent alors, plongeant dans le regard que leur offre les yeux de l'Amant avant que les paroles ne trouvent leur fin :

- "... Mais qui pour le porter ? Vous ? Ou bien moi ? Je vous laisse le choix."
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