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[RP] Chasse ta peur....

Khal
Respire.

Il lui jette un coup d’œil et hoche lentement la tête avant de s'avancer dans les bois, aussi silencieux qu'un tigre. Sa silhouette bien qu'imposante semble se fondre dans le décors, agile et légère, glissant de bosquets en troncs d'arbres sans alerter le proche bois. L'esprit ailleurs et entièrement concentrée à sa tâche, il oublie le monde extérieur et s’imprègne des lieux. L'humidité semble avoir tout envahi depuis quelques jours et dans l'air flotte de nombreuses odeurs végétales, de fougères en ronces diverses, de la mousse qui voudrait faire la nique à celle plus discrète de l'ancolie et celle de la terre trempée des derniers jours de pluie. Au dessus d'eux, les nuages tentent de s'accrocher aux branches, si bas dans le ciel que l'atmosphère s'en trouve changée. Sombre et froide, elle s'agrippe et glisse sur leurs peaux glacées et trempées de sueur. L'excitation augmente lentement, étreignant son échine de ses doigts frêles et implacables, son regard s'anime et devient ardent alors qu'il resserre sa main sur une lame de chez lui.
Un léger craquement de branche et il se retourne, aux aguets, apercevant Cerdanne qu'il regarde un rien agacé. Et se remet en marche. Être là pour elle, parce qu'il le fallait. Parce qu'il avait dans l'idée que l'occupation réduirait à néant ses pensées, que l'attente finirait par se faire moins pesante car raccourcie. Puis, tous les sens en éveil, il se baisse et l'entraîne avec lui, lui intimant d'un geste de ne plus faire un bruit.
A quelques pas de là, les oreilles dressées, le regard ouvert, elle observe. Imposante. Puissante. Superbe. Inquiète. Sur ses gardes. Mais rien ne semble avoir changé, nul ennemi en vue et à l'odeur. Elle peut reprendre son festin. Mais parce qu'elle reste méfiante elle avance de quelques pas. Pas suffisamment...

...

Quelques jours plus tôt.
Assis, les bras croisés, le regard sombre, il observe la brune et tente de répondre à ses questions comme elle répond aux siennes, sincère. Il découvre ainsi celle qui ressemblerait presque à une amie si il détenait les sens exactes du terme. Si il avait pour habitude de considérer ses frères comme tel. Se laisser surprendre, sourire parfois et gronder lorsque la vérité ne lui convient pas. Se découvrir alors presque... Transparent, et haïr cela, tout en appréciant le regard dans lequel il plonge, qui ne le juge pas.
Femme brisée tout comme le Néant, elles ont plus en commun que ce qu'elles se l'imaginent. D'apparence fragile, de caractère corsé, mais l'âme en perdition. Avoir peur. L'admettre. Tout était une question de vision des choses. Admettre pour accepter, pour l'amadouer et vivre avec. Car tout est question de cela. Vivre. Et alors qu'il laisse échapper ce mot, une grimace déforme le visage devenu pâle de la brune. Elle l’appréhendait. Il la comprenait. Mais ne tolérait pas sa faiblesse et cette peur viscérale qu'elle semblait avoir...
Il lui avait dit:


Je t'apprendrais.

...

Un coup d’œil sur sa proie tandis qu'il glisse un regard sur Cerdanne et lui désigne la biche. Se sentait-elle prête? Une vie contre une autre. Parce que pour commencer à vivre, il faut d’abord se laisser envahir par les sensations. Celle de l’adrénaline prenant sauvagement la crainte pour la transformer en peur fragile nimbée d'excitation. Que les yeux se ferment et que les doigts ressentent le cuir du manche de la lame, que ses narines s'agrandissent pour laisser l'odeur animale pénétrer son cerveau. Que ses papilles s'animent et gouttent la salive acide qui précède tout moment dangereux. Quand le corps s'élance et que les cris pleuvent, que la bataille commence tandis que l'on fouraille dans les entrailles du défunt, observant la vie quitter peu à peu son regard surpris.
Une rapide inspection de Cerdanne, lui montre la lame, lui désigne l'arc qu'il a emporté avec lui. Le tout dans un silence infini. De ses yeux lui dire: Fais ton choix....

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Cerdanne
Ose.

…..

Le silence. Opaque, épais.

Le froid glacial de la chambre et le corps recroquevillé, perles de sueurs tremblotantes qui retombent à chaque respiration.

Regard halluciné sur la nuit qui la recouvre.

Le bleu givré s’accroche aux lueurs de l’aube qui pointe.
Visage ruisselant, son cœur palpite, au bord de ses lèvres, martelant ses tempes, son cou.
Brûlante, elle halète, se courbe sous cette fièvre qui chaque nuit l’emprisonne.
D’une main diaphane, nerveuse, elle chasse les derniers soubresauts des spectres qui la hantent.
Reprendre pied dans cette transparence qui est la sienne.
Se préparer pour un jour de plus, morose, morose et vide…

Efforts douloureux, gestuelle lente pour déplier la fine silhouette qui lui sert d’enveloppe.
Le pied à peine posée sur le sol, elle entend l’appel de sa mémoire. Immobile, le corps attend, docile. « Souviens-toi ».

Chancelle un instant sous le poids du vide.

Les poings se crispent et les yeux se ferment.
Elle se souvient…
Elle avait simplement hoché la tête.
C’était hier, il lui semblait bien que c’était hier.
Dans la quiétude d’une taverne, Khal lui avait dit « je t’apprendrais » et elle, Elle…, elle n’avait même pas envisagé de refuser.
Son presque frère…
Les pupilles bleues s’agrandissent devant ce que l’esprit envisage.
Elle sait, maintenant, ce qui va arriver.

…..


Il est là devant elle et elle le suit à peu de distance.
Grimaçante sous la caresse humide et glacée d’un feuillage renaissant.
Cheveux fous, barrière imprécise comme autant d’épines qui masquent son regard, elle l’observe, le visage morne, absente, l’esprit encore accroché aux ténèbres de sa nuit.
Elle traine les pieds, évitant de justesse les souches pourrissantes, enfouies dans la terre noire et grasse.
Méprisant la démarche souple de l’ombre, elle avance encore, grognement aux bords des lèvres. « Pourquoi ? »

Obéissante, pourtant quand le regard sombre de Khal lui intime le silence. D’un geste, il l’entraine à sa suite et elle bascule.
Courbée à ras du sol, elle fronce les sourcils, regard buté.
Les cheveux collés contre son cou, s’égoutte lentement.
Le ciel a le gris de sa douleur. Alors que fait elle ici, enfouie dans ce vert qu’elle déteste.

Et tout à coup, chaque perle d’eau résonne contre ses oreilles.
Lentement, elle redresse la tête, observant d’un œil étonné la végétation qui les entoure.
Les odeurs la pénètrent violemment.
Par bouffées moites et âpres.
Le végétal, le minéral et l’animal, surgissent de sa mémoire muselée comme autant d’épines.
Narines frémissantes, elle retrouve leurs noms, leurs places.
Elle frissonne lorsque ses pupilles dilatées se posent sur la biche.

Le piège se referme.

Khal la jauge, placide, et son regard ordonne encore.
Le choix des armes. L’arc la fascine.
Ses doigts, lentement, caressent la courbure de bois avant de se crisper dessus.
Autant de jointures blanches que de souvenir de chasse.
Son regard, lui est déjà fixé sur la lame et ne s’en détourne qu’à regret.

Nouveau regard sur la proie, sur Khal , une trainée givrée encore dans l’azur .

Sans bruit l’arc est saisi et le corps se fait souple avant de se couler contre la terre.
S’en imprégner encore un peu avant de ne faire plus qu’un avec l’arc. Battements de cœur imperceptible, elle n’entend plus que le souffle de l’animal, elle ne voit plus que le poitrail vibrer.

Elle est la proie.

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