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[RP]Escapades.

Aelith
La dernière quinte de toux l'avait laissée inerte.

Durant presque une heure, allongée sur le lit de l'auberge, elle n'avait plus esquissé le moindre mouvement, les yeux fixés sur le plafond, la respiration sifflante et saccadée. Grâce à Dieu, ce stupide accès de faiblesse ne l'avait pas prise en un quelconque lieu public, ou dans le carosse de sa suzeraine: seule Rhéa, le jeune lévrier qui ne la quittait plus, avait été témoin de ce nouveau coup du sort. La chienne n'avait pas cillé, pourtant: applatie au sol, les yeux fixés sur sa maîtresse, elle avait pris l'habitude de ces violentes réactions. Coup de vent, mouvement de colère, soudaine inquiétude: tout, absolument tout pouvait entraîner ce feu qui se déclarait dans la poitrine de la Flamboyante, embrasant tout sur son passage.

La dernière quinte de toux l'avait laissé inerte, si bien qu'elle avait eu recours à ces services que lui avait proposé Mordric quelques temps plus tôt. Le Chapeauté les accompagnait dans ce tour du Languedoc, et sa proposition secourable avait été évidemment acceptée: Aelith avait ainsi demandé le nom d'un médicastre en qui il avait toute confiance. Réponse donnée, plume prise et missive envoyée plus tard, elle avait eu le bonheur de recevoir une réponse plus que satisfaisante, longuement détaillée et rassurante, accompagnée de quelques remèdes qu'elle avait aussitôt commencé à prendre. Doucement, la douleur dans ses poumons s'était calmée. Petit à petit, elle réapprenait à respirer l'air du Languedoc qu'elle avait cru si néfaste, et qu'elle découvrait si bénéfique.

Les escapades qu'elle s'accordait hors des remparts de la ville à chaque début d'après-midi avaient retrouvé ce parfum de liberté qu'elle ne sentait plus, cette douce effluve salée qui annonçait la mer. C'était une habitude qu'elle avait prise, un saut en-dehors des règles, car la Duchesse d'Auxerre sans doute se serait montrée critique face à ces sorties sans escorte. Et parce qu'il lui avait semblé que le Chapeauté également devait retrouver le goût de respirer, elle l'avait invité à prendre part à ces promenades inopinées, consciente que la Prinzessin aurait désavoué en tous points de telles rencontres. Quelques semaines plus tôt, ne lui avait-elle pas rappelé quelles étaient les convenances? Et la Flamboyante, tête baissée, allait à l'encontre, comme une enfant qui sait d'avance qu'elle sera prise en faute.

Peu importait pourtant, au moment où la Maîtresse Equine avait formulé l'invitation. Elle guérissait. Peut-être avait-il besoin d'en faire autant. Ce jour là, comme tous les autres, elle quitta donc l'auberge sur le dos de Tacite, et Rhéa sur les talons.

Elle savait qu'elle croiserait Mordric hors des remparts, "par hasard".

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Mordric
Étonnamment ce matin là, l'aube le tira du lit.

Un fait rare pour un homme habitué à se coucher aux aurores et n'émerger de son lit que lorsque midi était sonné. Mais les faits rares n'étaient ils pas devenus habitude lors de ce voyage ?
Tant de bouleversements, de rencontres, de soirées étranges, où l'ambiance tournait à la rixe en un tour de chope.
Seules constantes ? La correspondance entretenue avec la Flamboyante, et les départs réguliers de villes que la vie animait de plus ne plus à mesure qu'ils se dirigeaient vers le Sud.

Ce matin, donc, fraîchement levé, il s'était astreint à ne pas penser à la soirée passée, et c'est tout naturellement que son esprit en était venu à songer aux lettres.
La Dame de d'Augy, dans leur dernier échange avait reçu conseils du Senher Skip, serait-elle bientôt moins emprise par son mal dont il n'avait pas osé demander la nature?

Tout à ses pensées, il se lavait, plongé dans un baquet d'eau dont il avait eu l’exigence à peine arrivée à l'auberge.
L'un des avantages certains de voyager en compagnie si prestigieuse.
Il n'était rien, mais l'aubergiste, surement apeuré de froisser la noble présence du Pair de France s'était pressé d'aménager le confort du Chapeauté. "Une compensation pour garder un oeil sur les terribles Blackney" s'était il dit en justification.

Au dehors, la journée s'annonçait belle, peut-être était-ce le jour d'accepter la proposition d'Aelith.
Une balade en suite logique d'une correspondance épistolaire. La Fauve était devenue sa confidente, la seule à qui il s'était ouvert; aussi légèrement que cela fut. Les convenances y auraient à redire, mais pour lui, il n'y avait la que suite évidente et innocente.
A croire que les bonnes moeurs ont parfois l'esprit plus mal placé que les hommes de mauvaises vies.

Sortant de l'eau, il se jeta sur le lit, nu, les bras en croix, les yeux rivés sur les poutres soutenant le plafond.


Bien... C'est décidé, j'emmerde les convenances.

C'est ainsi que quelques heures plus tard, juché sur son cheval, il passait les portes de la ville. Il ne pouvait le savoir, mais Aelith était passé au même endroit, quelques minutes plus tôt.
Son cheval était doux, habitué à passer de cavaliers en cavaliers avant que le Chapeauté ne l'achète, et se laissa guider patiemment et fort heureusement pour la suite de la journée, dans la même direction qu'avait prise la Fauve.
Et alors qu'il pressa un peu l'allure de sa monture, persuadé que la cavalière qu'il distinguait au loin était sa correspondante, il sourit.
Bientôt il arriva à sa hauteur, toujours aussi souriant.


Lo bonjorn Donà de Chambertin. Quel heureux hasard de vous rencontrer !

Le rire qui suivit fut franc. Pour quelques heures, sa mauvaise humeur s'était envolée.
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Aelith
Tacite n'avait rien de beau.

Elle s'était fait la réflexion la veille, alors qu'elle vérifiait l'état de ses jambes, apposant ses paumes contre ses canons et ses boulets, cherchant une chaleur suspecte qui n'aurait pas lieu d'être. Elle s'était relevée, avait observé le coursier qui avait laissé sa jeunesse derrière lui sans pour autant vieillir: entre deux âges, il lui semblait parfait. Pourtant, d'aucuns avaient qualifié sa tête de trop lourde, sa croupe de trop plate. Elle l'avait observé et c'était vrai: Tacite n'avait rien de beau. Mais il avait cette incroyable force, cette puissance sereine, cette attention perpétuelle. Assise en selle, la Flamboyante ressentait à cet instant chacun de ses pas qui foulaient le sol avec une stricte constance. Le mouvement de ses oreilles la tira de ses pensées: quelqu'un approchait, et bientôt, Mordric fut à leur hauteur.

Immédiatement, Rhéa s'engouffra dans la brèche que constituaient les antérieurs de de la monture du Chapeauté, sautillant, aboyant, cherchant une attention nouvelle, un regard. Aelith sourit, et se laissa même aller à rire face à la boutade de Mordric.


―Ne dit-on pas que le hasard fait bien les choses?

D'un claquement de langue, elle rappela Rhéa à l'ordre, qui s'assagit rapidement, non sans s'éloigner du cheval du Chapeauté.

―J'espère que vous excuserez le bestiaire qui m'accompagne régulièrement! J'ai la compagnie des bêtes généralement plus facile que celle des hommes.

En cet instant pourtant, elle était heureuse de constater qu'il avait accepté son invitation. Elle ne s'était pas trompé, lorsqu'elle avait supposé que Mordric était homme à tenir sa parole.

Un coup d'oeil alentour lui confirma qu'ils étaient seuls. Des passants passaient, évidemment: des marchands sur les routes, des gamins qui jouaient à chat. Elle sourit à nouveau, amusée:


―J'imaginais une foule de garde à nos trousses, des chuchotements sur notre passage... Le temps continue de couler, pourtant.
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Mordric
[J'ai fait la cour a des murènes, j'ai fait l'amour, j'ai fait le mort.]*

Son sourire cueillit la réponse d'Aelith.
Il était rare de ne pas voir Mordric sourire; même face à la colère, son visage avait prit l'habitude d'étirer ses lèvres ainsi. Un masque pour se protéger surement, ou un moyen de communiquer simplement.
Il avait l'art de faire passer ses émotions par ses lèvres, mais ce sourire là n'envoyait d'autre signe que sa joie de retrouver la Flamboyante. Joie partagée par l'animal qui sautait à ses côtés de toute évidence et auquel il adressa un regard amusé.
Il n'avait guère l'occasion de côtoyer les bêtes, pas par choix ou peur non, il ne s'était jamais vraiment posé la question de savoir si leur compagnie l'intéressait.


Je trouve votre bestiaire plus agréable à fréquenter que celui qui nous accompagne sur les routes do... Aelith.

Son regard revint alors sur elle, l'observant attentivement alors qu'elle semblait se préoccuper de ce qui les entourait. La Dame de Chambertin paraissait plus sereine qu'a leur dernière rencontre. Les bienfaits du médecin narbonnais ? L'absence du convoi princier ? Peut-être un peu de tout ça. Son sourire quoiqu'il en soit était plaisant et il en afficha un semblable pour lui répondre.

Nous ne sommes que deux silhouettes étrangères pour les yeux qui se posent sur nous.
Deux voyageurs loin de chez eux, qui attireront le regard quelques instants avant d'être oubliés.


Un coup d'oeil jeté autour d'eux à son tour à son tour.

Pour le temps de cette escapade, je crois que nous ne serons que ce que nous sommes... Et pas les membres d'un convoi prestigieux. Reposant n'est-ce-pas ?

Sa monture avançait lentement, au rythme de sa complice d'évasion. Atour d'eux l'après-midi s'écoulait à la Languedocienne. Douce, ensoleillée et paisible. Dans quelques jours ils seraient à Montpellier, où le calme laisserait la place à la cohue de la plus grande ville du sud et de son port marchand.

Vous semblez moins souffrante. Dois je en conclure que le Senher Skip vous a prescrit quelques médications efficaces ? Ou est-ce le climat simplement ?

Aurait-il du attendre qu'elle en parle d'elle même ? Il lui semblait que oui.
Mais n'y avait-il pas eu un lien de franchise entre eux dès le premier courrier échangé ? Devaient-ils s’appesantir de convenances ? Surement pas. Ils ne chevaucheraient pas ainsi autrement.



*Alain Bashung.
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Aelith
Il avait évité le Donà; elle lui en était reconnaissante.

Contre toute attente, c'était elle qui lui avait demandé d'oublier le titre pour se concentrer sur le prénom. Et sur un prénom raccourci, puisque sa mère lui avait également donné le sien à la naissance: Aelith-Anna, c'était ainsi qu'elle s'appelait en réalité, et de mémoire, seule la Prinzessin l'appelait encore ainsi, parfois. Contre toute attente donc, elle avait demandé au Chapeauté de passer outre l'étiquette, tout comme lui avait refusé le "Sieur" qu'elle lui avait servi, la première fois. Contre toute attente car, au fond, Aelith tenait à son titre. Ce n'était pas une revendication personnelle: c'était une promesse qu'elle avait faite à son père. Une promesse qu'elle avait tenue. Les Chambertin avaient été nobles autrefois, mais de sombres histoires de famille avaient terni le tableau. Le domaine de Gevrey-Chambertin était tombé à l'abandon, et s'il avait semblé revivre à l'époque de Luna et Eriadan Wolback de Chambertin, il s'était éteint en même temps qu'eux.

Une promesse qu'elle avait tenue, donc. Qu'elle tenait, chaque jour. Qu'elle mettait en danger aujourd'hui, peut-être.


―Reposant, en effet, acquiescça-t-elle, repoussant l'éventualité qu'on puisse la reconnaître. Elle n'était pas grand chose en Bourgogne. Elle était encore moins ici. Cela, pour une fois, lui convenait.

―Vous devinez juste, emabraya-t-elle sur les propos de Mordric quant à son état. Moins souffrante. C'était un fait. Son corps semblait tout du moins accepter plus volontier les efforts auxquels elle l'astreignait; son corps semblait avoir arrêté ses vaines tentatives pour rejeter son âme.

―Mes quintes de toux ont diminué, en fréquence et en intensité. Le sang ne me vient plus que rarement à la bouche, et je ne suis plus essouflée à la moindre occasion. Si le Senher Skip ne m'avait pas mise en garde contre l'envol rapide des symptômes, je me croirais sans doute guérie.

Elle eut un sourire, consciente que la description de son mal par le menu n'avait sans doute rien d'agréable. Mais la franchise, palpable, était là en effet. Sans qu'elle sache comment, ni pourquoi, elle s'était confiée à un parfait inconnu en quelques lettres, tandis qu'elle parlait si peu à... ses amis? De mémoire, à l'exception de Galaad, elle n'en avait pas. Il était difficile de considérer le foutu vassal de sa suzeraine, le Seigneur d'Irançy, comme un ami - elle le détestait cordialement. Il était difficile de considérer Son Altesse comme une amie, bien qu'elle appréciât le moindre moment passé à ses côtés.

Nouveau sourire, mais crispé, cette fois-ci. Son entourage se faisait clairsemé.


―Etes-vous le...

Elle réfléchit un instant, cherchant ses mots, une mèche rousse lui barrant le front tandis qu'elle fronçait ses sourcils. L'homme de main? Non, bien sûr. Le vassal non plus. Alors quel était le terme? Garde du corps? Aelith doutait que le Phénix eut besoin d'un garde du corps: sa stature tout autant que sa réputation suffisaient à garder loin de lui les imbéciles qui auraient voulu attenter à sa vie.

―Pardonnez ma curiosité, mais qui êtes-vous pour le Vicomte du Tournel? Il semble vous accorder toute sa confiance. Et sa bienveillance.

Bienveillance. C'était un mot qui convenait si bien à l'Euphor. Il semblait couver de son regard ceux qu'il appréciait. Elle aurait aimé l'observer observant la Prinzessin. Elle aurait voulu saisir la lueur qui serait alors passée dans ses yeux, tout autant qu'elle aurait souhaité capter celle qui aurait peut-être illuminé ceux de sa suzeraine. Elle aurait aimé mettre un mot sur les orages qu'ils essuyaient et les trêves qu'ils s'accordaient.

―Et vous semblez les lui retourner.

Curieuse? Si peu.

Et autour d'eux, la campagne défilait.

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Mordric
Il dut faire un effort pour contenir une grimace à l'évocation de la maladie de la Fauve, et il y parvint à merveille. Non pas qu'il fut choqué, dégoûté ou repoussé par les symptômes.
Non, le Chapeauté n'avait simplement pas imaginé affliction si grande et fût surprit.
Il n'était pas medicastre, n'avait reçu aucun enseignement médical mais n'importe qui aurait sourcillé en entendant l'énumération de tels maux.
Pendant quelques instants il la fixa. Non pas comme on regarde un mourant ou une bête curieuse, mais avec les yeux emplis de compassion. N'avait-il pas lui même connu les affres d'un corps meurtris ? Les jambes brisées par la vengeance d'un noble dont le Chapeauté avait entaché l'honneur. Une bastonnade qui avait eu le don, non pas de faire disparaître sa fougue, mais de lui apprendre à la tenir en laisse.

Un sourire passa sur ses lèvres alors que son esprit revenait tout à sa contemplation de la Dame de Chambertin. Sourire qui s'étala plus encore alors qu'elle amenait la conversation sur un sujet auquel il était tout aussi ignorant qu'elle.


Votre curiosité est toute pardonnée.
Mais je ne sais comment y répondre...


Et rien n'etait plus vrai. À vrai dire c'était une question qu'il n'arrêtait pas de se poser ces derniers jours. La tournant, la retournant dans sa tête sans trouver de réponse.

Je ne connais le Vicomte que depuis peu. C'est à peine si je l'avais croisé quelques fois à Montpellier avant de le retrouver à Mende. Et là encore il ne s'est passé que quelques rencontres avant que nous... enfin oui nous étions deux encore à ce moment là... que nous rejoignions le cortège.
Je n'ai donc aucune idée de la façon dont il me voit. J'ai été aussi franc que possible avec lui. Je suis piètre aristotélicien, mes mœurs sont légères, mes fréquentations ne sont pas toujours recommandables et je bois plus que de raison.

Mais je me suis fidèle à mon comté et je ne vois que cette raison aux égards qu'il me porte.


Un sourire amusé éclaircit le visage de l'homme.

Et oui j'ai beaucoup de respect et d'affection pour cet homme.
Il est une légende vivante en ces terres. On connait son engagement et l'énergie qu'il dépense pour le Languedoc... Pour cela il a mon respect.
Le côtoyer est une façon d'apprendre.


Une petite pause avant de se révéler plus encore.

J'ai mauvaise réputation, je passe la moitié de ma vie dans l'illégalité et aucun curé ne pourrait entendre ma confession sans me chasser de son église. Et ce même si j'adoucis la vérité.
Tout cela je l'assume et j'en joue. Mais aux côtés du Vicomte, jamais je n'ai eu le moindre reproche, le moindre jugement et c'est apaisant.
Il a le don naturel de grandir les autres.
J'aime ce qui se dégage de lui.


À cet instant il repensa à la proposition lancée par l'Euphor quelques jours plus tôt. Une invitation qu'il ne savait toujours pas interpréter. Mais il avait trop parlé déjà et lui aussi avait des questions.

Et vous Aelith ? Comment êtes vous arrivée à devenir la vassale de Son Altesse ?
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Aelith
Tacite piaffait, contenant difficilement son impatience.

Il était difficile d'imposer l'immobilité à un coursier, et ce sur plusieurs jours. La Flamboyante et sa monture avaient fait de ces escapades des moments de liberté, emportés par un galop effrenné, de ceux que seul le grand alezan savait proposer. Le rythme du pas l'agaçait, mais un claquement de langue d'Aelith le calma. Pour quelques minutes de plus... Si Mordric était joueur, peut-être lui proposerait-elle une improbable course.

En attendant cependant, il parlait. Et elle, attentive au moindre mot, elle écoutait, avide de satisfaire une curiosité qui ne trouvait sa source que dans l'envie de connaître un peu plus le Chapeauté. Une envie qui semblait les mener tous deux sur les chemins languedociens; l'occasion étaot trop belle pour ne pas en profiter.

Souvent, elle acquiesçait, répondant aux sourires de Mordric par les siens. Souvent, elle acquiesçait, car elle retrouvait dans les propos de son compagnon de chevauchée ce qu'elle avait cru entrevoir par elle-même en conversant - pourtant si peu! - avec le Coeur d'Oc. Elle regrettait de ne pas avoir pu prolonger leur discussion depuis lors; son ton sec lors de leurs retrouvailles, quelques jours plus tôt au moment du départ, l'avait passablement refroidie. Mais jour après jour, les tensions semblaient s'apaiser.

La description que Mordric fit de lui-même et de ses habitudes de vie tira à Aelith un sourire amusé. Elle n'était ni choquée, ni dégoûtée, ni repoussée; exactement comme Mordric ne l'avait pas été lorsqu'elle avait évoqué la maladie qui la rongeait avec une sage application. En réalité, il y avait tant de Stephan en lui qu'elle aurait éclaté de rire si cela n'avait pas risqué de blesser le Chapeauté. Tant de Stephan, ce cousin railleur, moqueur, libertin, et qu'elle n'en aimait que plus. Elle acquiesça donc, une nouvelle fois:


―On lit rarement les gens à coeur ouvert. Mais le Vicomte possède cette aura de droiture, de force, à la fois rassurantes, et... terrifiantes. Je n'aimerais pas faire partie de ses ennemis.

Une chance pour la Flamboyante, il lui semblait qu'elle possédait aussi peu d'amis que d'ennemis. Nouveau sourire, tandis que le Chapeauté embrayait sur son histoire à elle. Comment la Flamboyante était-elle devenue la vassale de la Froide? Longue histoire.

―Son Altesse était à la recherche de quelqu'un pour tenir ses écuries, et a entendu parler de mon élevage et de mes méthodes. Mais là où tous se courbaient de crainte devant elle, j'ai découvert une femme d'une complexité si grande, et d'une simplicité à la fois si désarmante... Elle eut un rire bref, consciente de l'absurdité de ses propres mots. C'est ridicule, je sais. Elle est devenue la famille que j'ai perdue, et j'ai tant d'admiration pour elle et pour ce qu'elle entreprend que je n'ai jamais su lui dire d'une façon appropriée. Elle est comme le Vicomte, à cet égard... Sous ses airs impassibles, elle donne tant à la Bourgogne, tant à ce en quoi elle croit. Alors quand elle m'a proposé de devenir sa vassale, bien sûr, j'ai accepté.

L'histoire ne se révélait finalement pas si complexe que cela. Les différences qui séparaient les deux femmes pouvaient paraître des tranchées, et pourtant... Elles se retrouvaient, au juste croisement de ces différences.

―Peu de gens la connaissent. Moi-même, je suis loin du compte.

Mais pouvait-on seulement réellement connaître quelqu'un? Pouvait-elle seulement se targuer de commencer à connaître Mordric? A nouveau, elle était loin du compte. Bien loin.

―Vous me rappelez mon cousin, finit-elle par dire, adressant un Chapeauté un franc sourire qui trahissait toute l'affection qu'elle avait pour Stephan. Vos modes de vie semblent être les mêmes. Certaines intonations de votre voix, aussi. Avez-vous de la famille, Mordric?
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Mordric
Le Chapeauté tira un amusement fugace en remarquant l'impatience du cheval. Il semblait apparemment qu'ils ne fussent pas les deux seuls à avoir besoin de quelques instants de liberté...
Résolument cette escapade était plus que bienvenue, même si pour le moment la Flamboyante retenait sa monture d'une maîtrise impeccable qui arracha un sourire à l'homme.

Les sourires d'ailleurs s'échangeaient avec une facilité déconcertante entre eux. Il en parsema l'écoute du récit d'Aelith lorsqu'elle lui conta son accession au rang de vassale d'une des plus grandes Dames de ce royaume.
Lorsqu'elle eut terminé, il reprit la parole un instant.


Je crois que l'on ne connait jamais vraiment quelqu'un. Aussi près de cette personne que l'on puisse être...

Le Chapeauté marqua ensuite un temps de pause, car dans ce ballet de questions et de réponses, son tour était revenu.

Votre cousin doit-être un bel énergumène alors !

Un petit rire vint adoucir le propos. Il ne voulait pas qu'elle y voit attaque, ou jugement. Même si cela serait revenu à s'insulter lui même.

J'ai une famille en effet.
Même si je n'ai vu aucun des membres qui la compose depuis des années.
J'ai un frère... Brigand et pillard que je ne connais que très mal...
Et une soeur. Que je crois être une véritable poule pondeuse ! Je ne sais combien de neveux et nièce elle m'a fait, mais ils doivent presque remplir une équipe de Soule.
Quant à mes parents, je ne les ai pas vu depuis mes cinq ans. L'âge auquel ils m'ont confié à un de leur ami, qui n'avait guère plus d'attention à me donner qu'eux même.
A sept ans je me débrouillais seul, dans les rues du Puy. Une ville maintenant désertée...


Une ombre plus qu’éphémère passa sur son visage. Le Puy... Ville maudite a bien des égards.

Et certains vous diront que je dois bien avoir quelques enfants ici et là.
Ils doivent avoir raison. Avec la vie que je mène depuis des années, ça serait un miracle que.. Enfin. Vous me comprenez.


Le sourire suivant fut un peu gêné.
Aelith lui avait demandé de ne pas l'appeler Dame, mais il se rendait compte qu'il venait de franchir bien plus les limites de la convenance qu'ils ne l'avaient fait jusqu'à maintenant. S'évader de la surveillance de deux Pairs oui. Aller jusqu'à narrer ses moeurs, voilà qui était moins glorieux. Un raclement de gorge plus tard, et il se tournait vers elle.


Dites moi.
Mon cheval n'est très certainement pas à la hauteur du votre et défier la Maîtresse équine de Son Altesse et très certainement la meilleure façon de me ridiculiser. Mais n'auriez vous pas envie de laisser nos montures se dégourdir les pattes ?


La diversion était lancée... Et c'est souriant pour ne pas changer, qu'il la regardait.
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Aelith
Stephan, un énergumène?

Elle acquiesça, riant même à l'écoute du substantif qui lui avait été accordé. Elle imaginait son sourire pincé, cet air prétenduement vexé qu'il n'aurait pas réussi à tenir plus de quelques secondes. Les mots de Mordric la frappèrent alors: connaissait-elle vraiment Stephan? Après tant d'années à ses côtés, après une adolescence entière passée ensemble, pouvait-elle s'ennorgueillir de l'avoir cerné? N'était-elle pas parfois elle-même décontenancée par le plaisir malin qu'il prenait à entretenir certains mystères? Depuis leur enfance, le jeu n'avait jamais vraiment cessé entre eux. Si elle l'emportait haut la main à celui du plus railleur des deux, elle perdait allégrement sur la question du mystère.

Mordric, en revanche, n'en faisait aucun à propos de sa famille. Loin de la choquer, sa franchise la toucha; elle préféra ne pas relever l'anecdote concernant les enfants qu'il pouvait avoir après avoir constaté le sourire gêné qu'il lui adressait. Confidence pour confidence, la cadence était posée. Il n'était pas question de la briser et, quoiqu'il en fut, Aelith n'avait aucun commentaire à faire sur la question... si ce n'était se demander si le Chapeauté aurait aimé rencontrer ces enfants nés ici, ou là.

Il fallut qu'il parle équidés cependant. Sans doute ignorait-il dans quel chemin - semé d'embûches, d'ornières et d'autres - il s'engageait: intarissable sur la question, elle était aussi prolixe en commentaires que la soeur du Chapeauté en enfants.


―Une course?, renchérit-elle, légèrement amusée.Ce n'est absolument pas équitable: je suis malade... Souffrante... Au bord du gouffre. Vous devriez donc me rattraper sans trop de peine si je prends quelques foulées d'avances.

Le franc sourire qu'elle lui adressa ne dura qu'une seconde. C'étaient uniquement ses cheveux flamboyants s'emmêlant au gré du vent qu'il put apercevoir alors, tandis qu'elle s'éloignait à vive allure, entraînée par un coursier galopant enfin sur les terres languedociennes.

On ne se méfie jamais assez des rousses...

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