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[RP] Huguenot Party *

Gnia
[27 avril 1460 - Bourgogne - Castel de Digoine - A la pique du jour.]


Assise sur l'un des bancs que l'on avait disposés dans la grande salle du castel de Digoine, Agnès observait les derniers détails apportés à la transformation de la pièce de vie du château en lieu de culte.
La lumière naissante du jour filtrait au travers des étroites fenêtres qui tentaient vainement d'éclairer la salle et auxquelles l'on avait dû adjoindre grand renfort de candélabres et lanternes qui illumineraient le lieu le moment venu.
La jonchée venait d'être faite, apportant avec elle les senteurs du printemps naissant au travers de l'herbe fraîchement coupée qui recouvrait les dalles.
Quelques bancs faisaient face à l'imposante cheminée devant laquelle l'on avait dressé une étroite table couverte d'un linge immaculé.
Un lutrin en bois patiné complétait l'austère tableau.

Un épais manuscrit richement relié reposait sur les genoux comtaux, tandis que les doigts tapotaient nerveusement la couverture de cuir. Ils s'interrompaient parfois pour venir pincer nerveusement la fine cicatrice qui ourlait le bas de la joue droite avant de reprendre leur sarabande, accompagnés par quelques quenottes blanches qui venaient torturer la lèvre inférieure.
Oui, Son Infâme Grandeur Agnès de Saint Just angoissait.

Elle devait aujourd'hui officier le culte pour le jour des humbles et être le témoin terrestre de l'union de ses deux vassaux.
Bien sûr, il n'y aurait guère foule et donc peu de regards et d'oreilles scrutateurs, mais c'était une première pour la réformée clandestine, habituée à conserver son babillage avec pour auditeur exclusif le Très Hauct et parfois quelques proches.
Là il s'agissait de captiver un public recueilli de fervents huguenots, limite de la frange la plus dure et zélée issue de Montauban.

Finalement l'idée même d'afficher devant une poignée sa foi pourtant bien cachée ne l'inquiétait pas outre mesure. Et le cruel dilemme du choix des lectures et des mots qu'elle devrait prononcer l'avait emporté sur cette prime anxiété.
Il n'y avait guère d'indiscrétions à craindre à Digoine, même avec le soudain afflux de bras qui continuaient de venir porter leur soutien au Roy légitime de France.

Agnès exhala un profond soupir qui résonna dans la vaste pièce d'où l'on avait exclu toute richesse par trop ostentatoire - ce qui s'était avéré aisé dans cette forteresse construite pour la guerre et dont le seigneur avait conservé l'usage.
Elle s'ébroua enfin et après un dernier regard panoramique, referma l'huis derrière elle.
Il restait à passer aux cuisines pour veiller à ce que le banquet donné après la cérémonie soit diamétralement opposé au dépouillement du culte.
C'est que l'on recevait une belle brochette de spécimens ayant quelques difficultés avec le verset 14 de la Conduite d'Averroès.

"Et l'Unique nous a donné beaucoup. Et il nous a appris que la tranquillité de l'âme provient de la modération dans le plaisir. "
La modération...
Vaste programme.

Et il restait à s'habiller.
Et à veiller à ce que ses vassaux trouvent en ce jour la félicité qu'ils méritaient.


[Même jour - Mêmes lieux - Entre chiens et loups.]


Etrangement, à la lueur des centaines de flammes vacillantes des bougies, la grande salle visitée le matin semblait s'être animée d'une vie propre.
Si à la lumière du jour, sa simplicité monacale avait conféré à Agnès une solitude propice à retrouver un semblant de sérénité, à la tombée du jour, éclairée de milles étoiles, la froideur des murs de Digoine étaient réchauffée par une atmosphère propice à la communion avec l'Unique.

Les lourdes portes de la grand salle avaient été ouvertes, attendant les coreligionnaires qui uniraient leurs voix pour les porter vers Lui. Evidemment, assisteraient également à l'office et au mariage les suzerains respectifs des deux nobles en vedette ce jour, qui n'étaient visiblement pas de la Nouvelle Opinion, mais l'on aurait pu difficilement imaginer que l'office se tienne sans eux.

Agnès s'était postée derrière son lutrin, les yeux clos, tentant de calmer les battements de son coeur. Elle triturait machinalement la longue ceinture qui ceignait ses hanches jusqu'à récupérer l'ichtus qui la terminait entre ses doigts.
Une tenue sans ostentation quoique probablement trop riche aux yeux des puristes, mais lorsque l'on était Reyne, même simple lectrice et témoin d'une communauté à l'austérité mainte fois éprouvée, l'on n'en demeurait pas moins attachée aux belles choses et aux marques de son rang.
Une servante vint déposer sur la table une aiguière en métal brossé contenant du vin et une planche de bois supportant une épaisse miche de pain à la croute dorée sortant du four. Le mouvement pourtant discret tira la Comtesse de ses pensées.
Elle secoua légèrement la tête et redressa le menton vers les portes, guettant d'un regard où avait disparu toute trace d'anxiété l'arrivée des invités, du seigneur des lieux, du futur et évidemment de l'épousée.



*[hrp : Fête huguenote]
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Matalena
Je vous accorde que les tenues de femme ont finalement ceci de pratique qu'il n'est pas nécessaire de devoir tout quitter.

Digoine, ses murs de pierre de taille, ses tours, ses vastes pièces et ses couloirs...

Attendez ! Votre veste est toute froissée, et il me semble que ma houppelande tombe mal sur l'arrière.

Ses couloirs donc, où il peut être aisé de se perdre lorsque point ne connait les lieux convenablement. Mais aussi ses recoins, discrets, sombres assez pour s'y cacher tantôt quand le besoin s'en fait sentir.

Ssssht ! Vous nous allez faire repérer !

En jetant un regard derrière une porte de bois qui semblait ne mener nulle part en particulier, on aurait pu apercevoir les vastes satins d'une robe noire, surmontée par la chevelure en bataille d'une future mariée, elle même jetée dans des bras masculins brûlés et tatoués. La tête posée contre la virile épaule, la jeune femme reprenait souffle, ses boucles noires encadrant un sourire mutin. L'extrémité de ses doigts suivait langoureusement la musculature du torse, avant que ne se referme sur lui les pans du pourpoint. Dans cet instant de quiétude, elle en aurait oublié le temps qui passe et presse, leurs tenues respectives et ce qu'elles impliquaient, voire même cette enflure de l'abdomen qui la faisait s'alanguir de profil contre l'homme.
Des mois d'attente qui voyaient leur terme. Des nuits d'angoisse à espérer une lettre, à imaginer sa présence. A craindre, sans même savoir pourquoi, qu'il ait changé, qu'elle ait oublié. Elle eut presque honte de s'avouer que cette cérémonie à venir ne lui était de rien, que le mariage terrestre l'indifférait au dernier degrés... Quand une simple présence, même lorsqu'ils se muraient dans leurs exécrables humeurs, suffisait à apaiser son âme, donner sens et saveur aux jours. Deos, qui prônait l'amour et l'amitié, lui pardonnerait bien cela, n'est-ce pas ?

Au matin, chacun traversait sa portion de couloirs, paré de ses atours mondains, et plongé dans de sinistres et angoissantes pensées. Éveillée par le bruit d'un pas sur les dalles, une démarche qu'elle reconnaissait d'instinct, la jeune réformée avait relevé son minois, ses vastes yeux fendus luisants comme des billes. Ils s'étaient vus, reconnus. Il avait ouvert ses bras...

Mais maintenant, l'heure n'allait plus tarder. Et, bien que blottie contre sa chaleur et cachée sous ses mèches, une sourde terreur commençait à poindre, que la réformée tentât de conjurer et passant la main sur son ventre. Un geste devenu machinal depuis ces quelques mois de solitude.


Pensez-vous que nous devons y aller ?

Murmura-t-elle contre sa gorge, en un double sens sans doute inconscient.
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Scath_la_grande
[Quitter une vestale pour en retrouver une Venus]

If you walk in the sun
I will be your shadow
We would be together
Lovers forever
Care for each other* -
Venus - Air



De la flamboyance rousse ne reste que le couronnement de sa chevelure, Musteile n’a jamais si bien portée son velours noir d’huguenote, car son âme se pare de deuil en cette fin du jorn des humbles.
Rares sont les amitiés qui puissent se hisser si haut à son cœur altier et en gravir les échelons d’épines, car si la Sombre avait été homme sans nul doute la rousse se serait perdue de passion pour cet être là. Perdue… et damnée.
En lieu de cela, la Frayner fille a ouvert un pan de son âme à l’occitane, elle y a vu là son propre côté obscur, s’y est reconnue. Mata c’est la sœur qu’elle n’a jamais eu par le sang mais que Dieu lui a accordé dans Sa grâce.

Brun de malheur va !
Intérieurement, elle se maudit d’avoir céder à la profondeur de son bleu, à son foutu sourire. Les fauves presque inconsciemment se posent sur le côté, là où l’Humbert siège à son bras. Il est bien entendu que pour l’esprit belettique, seule, elle n’aurait jamais, Ô grand jamais mis les pieds à ce fichu mariage qui dérobe sa brune à la liberté.
Menteries. Il est plus facile de se dire que l’on cède au charme du savoyard et de l’accabler de tous maux plutôt d’avouer qu’elle n’aurait pas failli à sa Sombre en cet instant.
Avoir du cœur, ça nuit à sa réputation, alors elle préfère occulter les sentiments contradictoires qui se chevauchent en dedans.

L’arrogance ne se ceint plus à ses traits, foulée par l’inquiétude et une colère muette qui blêmissent son déjà pâle museau. Les minutes ont les apparences d’interminables heures et la Musteile s’agite, ce qui est généralement mauvais signe.
Car l’agitation s’ensuit toujours un agacement refoulé… ou pas…


« Ils foutent quoi ! Déjà que je ne voulais pas venir ! »

Œillade assassine à l’encontre de son cavalier. De SA faute à lui, on vous l’a déjà dit.
Accuser les autres la soulage toujours un peu, la lippe s’étire dans un sourire mesquin, la voilà déjà en de meilleurs dispositions.
Assez pour passer au crible la sublime tenue de leur hôtesse, et d’évaluer le risque que sa Reyne se rende compte d’une disparition prochaine de cette pièce d’étoffe là.



*Si tu marches sur le soleil
Je serai ton ombre
Nous serions ensemble
Amants pour l'éternité
Prenant soin l'un de l'autre

_________________

"Moi, je suis parfaite... et je vous emmerde !" Accessoirement : Fille de Sancte.
Eusaias
[27 avril 1460 - Bourgogne - Castel de Digoine]



La nuit fut blanche pour le balbuzard qui du coup tirait grise mine. Il savait que bien des gens verraient rouge s’ils apprenaient ce qu’il se passait Digoine. Il secoua la tête… Lui aussi, quelques années plus tôt, se serait flagellé pour cela. L’habilleuse lui présenta sa tenue pourpre. Regard noir pour l’habilleuse qui présenta aussitôt la tenue noire. Il hocha la tête. Nul rose vint sur le visage pâle de la petite habilleuse alors que le balbuzard se présenta nu face à elle. Ce jour était à marquer d’une pierre blanche, car pour une fois il ne lui demanda pas si elle aimait jouer de la flute alors qu’elle était agenouillée face à lui entrain de lui essuyer les jambes.

Son collier de la toison d’or reposait autour de son cou et il lia son chapelet argent et nacré à sa ceinture. Point de provocation, juste un besoin de montrer que romains et réformés avaient, tous les deux, intérêt à s’accepter. Il ganta ses mains nerveuses et sèches de ses gants de cuir d’un brun froncé et se bagua de sa bague tête de corbeau, de son alliance et de son rubis. Son béret rejoint sa tête, celui–ci aussi était décoré de trois plumes de corbeaux. Il semblait prêt.

Il prit alors la direction qu’on lui avait indiquée, ordonnant aux valets et servantes de finir de préparer les petits Blanc-Combaz. Il avait demandé à ce qu’on lui apporte Lionel dans la grande salle, sans bruit et sans tarder. Il poussa alors la lourde porte et s’installa devant, raid comme une saillie. Alors le regard du rapace balaya la salle découvrant son chez lui, ressemblant à chez eux. Hospitalité bourguignonne quand tu nous tient….

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Saanne
Humbert n'était pas au plus à l'aise dans sa tenue d'apparat. Déjà ce ne fut une sinécure que de trouver parure convenable hors des terres réformées, car n'importe quel tisserand aurait tôt fait de suspecter quelques mœurs étranges à une demande si particulière tant par la couleur que par le type de pièce escomptées.

Le duo que formaient le taiseux et la Musteile, parti de Montbrisson pour rejoindre le Castel de Digoine, avait fait courte escale à Lyon. Rien de tel qu'une capitale pour trouver son lot de marginaux, ou du moins quelques commerçants peu regardants pour faire affaire, tant qu'on y met le prix. L'Humbert avait pu dégoter un tisseur genevois qui par chance possédait de quoi satisfaire sa demande, encore que ce fut laborieux. D'abord parce que l'helvète et lui ne partageaient pas tout à fait la même terminologie. Afin de convenir d'une houppelande, que l'estranger nommait pelando, et qu'il ne connaissait pour sa part que sous son terme provençal de lou peland, il fallu s'aventurer pour se faire comprendre à l'évocation d'une province suédoise où l'habit rencontrait fort succès. Pelando, lou peland, Upland, voilà de quoi s'arracher les cheveux, voire parfois même se taper sur la margoulette.

Mais passons ! Car outre ce petit soucis linguistique, il fallu également opposer goût et convenance, l'un se basant sur ce qu'il était habituel de proposer pour un mariage et l'autre sur une réticence face au ridicule et à l'abandon des braies. Car, expliquait-on au savoyard, la houppelande doit se porter courte comme un pourpoint, éventuellement à mi-cuisse, mais certainement pas en dessous des genoux à l'exception des tenues de chasse. Lui-même de rétorquer qu'il n'escomptait pas se promener les bas à l'air avec ce truc à ras le séant, qu'il s'agissait d'une cérémonie huguenote tout de même. Et il fallut force menace du brun, qu'on connaissait à l'ordinaire plutôt calme, pour finir par se faire entendre.

Le résultat était sobre mais répondait aux exigences : tissu noir, cuir noir et fraise blanche. Humbert avait concédé de changer ses bottes pour des poulaines qui mettaient en avant ses mollets de marcheur paraissait-il, en échange de quoi il obtenu qu'on lui broda un ichtus de fil d'or un peu en dessous du col. Une petite croix réformée en cuivre était également incrustée sur son ceinturon. En revanche il avait catégoriquement refusé de porter la cramignole.

C'est donc ainsi affublé que Humbert fit son entrée, au bras d'une belette dont la toison incandescente contrastait fort avec ses atours. Premiers convives à débarquer, une fois n'est pas coutume, une certaine tension régnait dans l'atmosphère. Déjà la rousse pestait depuis plusieurs jours, et le toisait maintenant avec un sourire torve sur les lèvres. Il prenait sur lui en général de lui rétorquer un fin sourire et de glisser prestement sous son museau un godet de vin. Mais pour l'heure le fasciés était atone, étouffant à l'intérieur le bouillonnement d'émotions à l'idée de revoir la Sombre, ronde et prête à sceller épousailles sous l'office de la Saint-Just, Reyne de France et si bien accoutrée.

Le brun demeurait immobile, seules ses iris bleus furetaient de droite à gauche, jaugeant la pièce, les lumières, le décors... se posant enfin sur la belle qui l'accompagnait, un battement de cils pour toute réponse à la tirade râleuse. Il est vrai que cet instant s'étirait en longueur, tout comme il pesait sur eux de sa solennité écrasante. Pesanteur renforcée par l'entrée du Balbuzard qui, à l'instar de ses hôtes, adoptait à la perfection la posture des huguenots. Grand moment de liesse donc !

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Maleus
" Il est grand temps d’y aller oui. "

Le ton se voulait ferme et rassurant bien qu’il partageait l’angoisse de sa compagne. Il aurait bien fait durer encore de longues heures leurs retrouvailles, fait durer leur étreinte passionnée et passionnante mais il était temps de revenir à la réalité et tout ce qui y était lié.
Théoriquement il s’était promis de réprimander la réformée pour ses cachoteries mais la pratique avait été tout autre si bien que la colère s’était effacée au profit de la tendresse qu’il éprouvait pour elle… Plus tard surement, dans d’autres lieux.

Se rhabiller n’avait pas été pour lui une mince affaire, sa tenue, aussi belle et à propos qu’elle pouvait être lui provoquait autant de fierté que d’agacement. Lui qui était habitué à une vêture de soudard, le genre solide et agrémentée de pièces de cuir, s’attendait à la voir se déchirer à chaque fois qu’il se laissait aller à des mouvements brusques voir des mouvements tout court… Une angoisse de plus.

" Votre futur vous convient-il ? "

Maleus tourna lentement sur lui-même, espérant détendre l’atmosphère puis ne lui laissant pas le temps de répondre à la jeune femme, il s’approcha et lui vola un baiser.

" Nous aurons tout temps de parler après… Je pars en premier, ne tardez pas trop. "

Il aurait aimé ajouter qu’elle lui avait manqué, que sa vie n’avait eu que banale saveur sans sa présence mais il n’en fit rien tant il considérait que leurs corps s’étaient bien mieux exprimés pour eux.
Lâchant un de ses habituels grognement tant il avait peu l’habitude de se mouvoir dans si riches habits, il porta une dernière fois son regard sur elle avant de franchir la porte et se rendre dans la grande salle.


************

Et donc ainsi, après s'être trompé deux ou trois fois de chemin, il se retrouva dans la grande salle où lui et Matalena allait s’unir devant le Très Haut et quelques proches selon les rites réformés. Le cyclope sentait son cœur battre à tout rompre dans sa poitrine mais se garda du mieux qu’il pouvait de montrer son angoisse grandissante.

" Hm "

Bien qu’il n’attachait habituellement que peu d’intérêt aux décorations des lieux, son regard resta un long moment figé dessus. Pour sûr que la Saint-Just serait grandement felicitée une fois la cérémonie terminée.
Le pasteur jeta un coup d’œil aux personnes presentes, en reconnaissant certaines et point d’autres puis s’avança d’un pas lent jusque devant sa suzeraine. Il la salua d’une legere courbette puis lacha d’une voix neutre :

" La Ladivèze ne devrait point tarder. "

Et de se tourner, le regard figé sur la grande porte qu’il venait lui-même de franchir une minute ou deux plus tôt, le visage impassible... En bon réformé quoi.

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Finn
- « Sei-gneur Tout Puissant… », fit le romain convaincu lorsque ses prunelles charbonneuses se heurtèrent à la colossale bâtisse.

Comment voulait-on célébrer l’Amour dans un tel lieu ? C’est à peine s’il ne s’attendit pas à buter contre un macchabée en passant la herse. La route avait été longue depuis Montauban, des compagnons étaient même tombés, excepté le misérable manchot qui l’accompagnait.

Evidemment.
L'inverse eût été trop beau.

Seul ce dernier tenait d’ailleurs véritablement à se trouver ici. Lui s’était contenté de lire la joie embuer les yeux du jeune garçon à la mention d’une cérémonie mêlant une certaine réformée. Pire, il s’était laissé toucher. Il semblait en effet que Gaetan constituait une pièce maîtresse des rouages de ce mariage. Comme quoi, les Réformés avaient de l’humour.

Déambulant à travers couloirs, cours et corridors, le vieux couple de vagabonds fit enfin irruption dans la grande salle, aiguillé par une boniche machinant par-là. La sombre toque disparue, laissant place aux courtes frisettes désordonnées constellant son crâne. De toute évidence, ils étaient au bon endroit. C’était l’endroit qui n’était pas le bon ! Finn, enveloppé dans sa robe de bure brune en laine grossière se signa à la vue du lieu de culte qui n’en était pas un. On tentait visiblement de le tromper, mais il n’était pas dupe! Méfiant et un brin sur la défensive, Finn abandonna et congédia d’un vague geste de la main son jeune pupille pour s’avancer dans la salle. Il crut reconnaître des compatriotes montalbanais de-ci de-là, mais ne transigea pas avec sa retenue habituelle et opina sommairement du chef à la vue de la Comtesse, la véritable raison de sa présence en ces lieux de perdition. Le regard soupirant s’attarda avant d’aviser le Bourguignon maître des lieux, et mourut enfin sur le bout de ses bottes. Sa mise ne contrastait réellement avec celle des convives que si l’on parvenait à différencier le noir du brun à la propreté douteuse, la pèlerine du froc monacale. En outre, il fallait aussi se rendre sourd aux cliquetis métalliques que semait l’Irlandais sur son passage. Sa vieille médaille de baptême trouva refuge sous sa cotte de maille, elle-même emmitouflée dans sa laine. Nul besoin de marquer son appartenance au-delà du raisonnable. A vivre à Montauban quelques jours par an, on apprenait à tolérer certaines déviances. Et pourtant, ça restait inattendu, toujours dans l’originalité.

Lorsqu’enfin, il localisa le plus délicieusement vêtu, à savoir ce borgne qu’il avait eu l’occasion de croiser à l’Hôtel Saint-Paul, son impatience s’effaça, persuadé du proche dénouement de cette parodie. Loin de s’approcher de l’allée centrale jonchée de petites fleurs des champs sur lesquelles il avait manqué de se viander plus tôt, le trentenaire alla plutôt se terrer dans un coin de la salle tant pour ruminer cet outrage à l’union sacrée telle qu’il la concevait, que pour veiller sur son jeune cavalier.

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Matalena
Solitude, isolement, face à face avec soi-même... Diantre.
Soulèvement de cage thoracique à en péter les coutures, panique et tête qui tourne. Dès l'instant où le borgne desserra son étreinte pour tourner casaque destination ailleurs, la donzelle s'affaissa à même le sol comme une tour branlante sous un coup de Mistral. Ça y est. On y était. Rendez-vous en direct avec Monsieur Avenir pour changer, au delà de son nom, toutes ses habitudes. Se lier à un seul être sous le regard de Deos. Lui appartenir, jusqu'à ce que mort s'en suive. Torturée par l'énormité de l'acte, pourtant d'une telle banalité quotidienne que Nostre-Dame ne désemplissait de ses nobles en robes blanches qu'à la nuit tombée, la jeune femme se trouvait en l'instant terrassée par ce qu'elle s'apprêtait à commettre. Avait-elle fait le bon choix ? D'accord, elle en rêvait la nuit quand il n'était pas là. D'accord, elle croyait apercevoir partout sa silhouette grincheuse dans les pas d'inconnus. D'accord, sa simple présence la faisait vibrer comme une corde d'arc. Mais... Était-ce le chemin que le Très-Haut avait tracé pour elle ?
Et peste !
Elle était une mercenaire, une guerrière, une putain de femme d'action, pas une lopette en cloque en train de se lamenter parce qu'une bague et trois serments lui collaient la pétoche de sa vie. Et puis, merde, s'amouracher d'un mâle pour une vestale frigide dans son genre relevait déjà du miracle divin, pécho le borgne : un sacré sacerdoce, se faire foutre en cloque n'en parlons même pas, alors renier une telle succession d'improbabilités, c'était définitivement faire un doigt au Créateur ! Et une pasteur réformée ne se défile pas face à son devoir. Surtout si celui-ci s'appelle Maleus Ewen d'Assay. C'était LE jour. C'était LEUR jour.
Et elle allait finir par être en retard.

Courant à moitié à travers les couloirs, ses deux mains cramponnées aux abords de sa robe large comme une chaloupe de naufragée obèse, la petite survint aux abords de la grand salle à bout de souffle. Léger coup d’œil en se plaquant au mur : quelques invités, les principaux. Regard tendre pour le couple formé par ceux qu'elle considéraient comme sa vraie, son unique famille : la chevelure de feu et les mèches brunes, qui lui tournaient le dos. Maitrisant l'élan de joie enfantine pure qui lui montait aux tripes, elle s'accoisa : il serait temps plus tard de les étreindre, et s'enquérir de leurs nouvelles. Le maîstre des lieux, dont la magnanimité/manipulation maritale avait obtenu le prêt de la salle pour une splendide cérémonie hérétique (question de point de vue). Un inconnu au bataillon... Dans les jupes duquel s'ébattait une mini-tête rousse. Sourire. Le voilà enfin, cet impertinent marmouset, à croire que le grand méchant loup ne l'avait pas bouffé finalement. Et, bien sur, sa suzeraine et son futur, sagement rangés devant l'hôtel, qui l'attendaient.
Fermer les yeux. Respirer cette douce odeur d'herbe coupée. Se perdre dans la contemplation d'une décoration aussi discrète que savante, qui donnait à l'endroit un air familier que la jeune femme su apprécier à sa juste valeur.

Et elle entra dans les lieux, regardant droit devant elle pour éviter toute distraction potentielle, avant d'aller se ranger aux côtés du blond.


Me voilà, messire. Votre Grandeur...

Sourire de guingois. Non sans une certaine crispation, elle alla loger ses doigts dans la paume rude du mercenaire.

Je crois que nous pouvons commencer...
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Tiss__
S’il est une province qu’elle déteste plus que la Touraine c’est bien la Bourgogne.
Bourgogne terre du mal, Bourgogne qui lui a prit le père de son fils. Bourgogne qui ouvert ses portes aux Adams de Mélincour…
Faut-il vraiment tenir à son vassal pour se déplacer jusqu’en ces terres hostiles.

Et c’est avec sa plus jeune vassale que l’Archiduchesse d’Anjou arrive à Digoine…
Là encore elle grince des dents, Eusaias elle ne l’aime pas. La brune ne le connait absolument pas, ne lui a jamais adressé la parole de sa vie, mais le déteste.
Vieille histoire… Calyce, mariage et vente d’esclave. Rancunière la brune.

Faire contre mauvaise fortune bon cœur… Longue inspiration, sourire qui sur le visage de Tiss s’esquisse, dernier regard vers Calyce, signe de la tête et c’est parti.
Aux deux Angevines de se présenter aux gardes, et de rapidement se faire conduire en la salle ou allait se tenir le mariage.

En retard ?
Juste au bon moment… les yeux sont rivés sur la mariée, personne ne remarquera l’arrivée tardive des deux brunes.
Et d’avancer sur la pointe des poulaines – noires évidemment- de prendre place et d’attendre que la cérémonie commence.

Mirettes qui fixent son vassal, jamais elle ne l’avait imaginé se marier, mais de lui souhaiter le bonheur, elle y tient au borgne. Et de marmonner.


Si tu savais ce qu’il m’en coute Maleus….
Ca vaut plus qu’une baronnie !


La Bourgogne, ça ne passe vraiment pas.
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Gnia
La réduite assistance attendue ne tarda pas à faire son apparition, s'engageant dans la salle en silence, chaque visage portant un masque différent.
A l'arrivée du seigneur des lieux, Agnès fronça les sourcils, avisant la ceinture de nacre qu'il portait ostensiblement, comme une provocation de plus à la foi de sa femme.
Mais soit, il était là et se tenait roide, ayant accepté d'assister au culte du jour des humbles et aux échanges de voeux des vassaux d'Agnès. Et c'était déjà beaucoup.

Entra alors le promis, sublimement accoutré de la vesture qui avait couté l'équivalent d'un cheval arabe à sa suzeraine. Mais le rendu en valait la peine. Maleus d'Assay portait divinement bien la tenue du parfait seigneur huguenot.
Un nouveau froncement de sourcil accueillit l'Irlandais. La Saint Just avait espéré un instant le voir autrement qu'avec sa bure infâme, mais il n'en était rien. Un court instant, elle songea qu'elle ne l'avait jamais vu qu'avec ou sans, mais jamais avec autre vêtement. Ses pensées se focalisèrent un court instant sur le sans, mais fort heureusement pour la pureté de son âme prenant la pente glissante du stupre et de la luxure, la Ladivèze fit son entrée.

La Saint Just toussota, tant pour reprendre contenance que pour s'éclaircir la voix. L'auditoire était peu nombreux, réunissant proches et famille. Elle laissa son regard voguer un instant sur les visages avant de commencer son office.


En ce Jour des Humbles, nous rendons grâce au Très Hauct et témoignerons de la volonté de Maleus d'Assay et Matalena Ladivèze de nouer leurs destinées l'une à l'autre.
Mes amis, louons Le Seigneur et unissons nos voix en un cantique à Sa Gloire.


Et la Saint Just d'entonner un psaume, forme de prière qu'elle affectionnait tout particulièrement et qu'elle faisait tout naturellement partager.

L’Eternel est mon berger : je ne manquerai de rien.
Il me fait reposer dans de verts pâturages,
Il me dirige près des eaux paisibles.
Il restaure mon âme,
Il me conduit dans les sentiers de la vie juste,
A cause de son nom.

Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort,
Je ne crains aucun mal, car tu es avec moi :
Ta houlette et ton bâton me rassurent.
Tu dresses devant moi une table,
En face de mes adversaires;
Tu oins d’huile ma tête,
Et ma coupe déborde.

Oui, le bonheur et la grâce m'accompagneront
Tous les jours de ma vie,
Et j'habiterai dans la maison de l'Éternel
Jusqu'à la fin de mes jours.
*

Le regard qu'elle avait relevé sur les épaisses poutres du plafond pendant le chant s'abaissa lentement sur ses coreligionnaires et les impassibles spectateurs encore égarés sur leur route vers Dieu qui semblaient plus nombreux que lorsqu'elle avait commencé. Ou bien tout simplement, toute à son trac, ne les avait-elle pas vu entrer.

A présent, repentons-nous sincèrement de nos fautes et implorons le pardon de notre condition de pêcheurs.

La Saint Just tourna un feuillet disposé sur le lutrin, prit une profonde inspiration et poursuivit, le visage grave et les yeux baissés.

Seigneur Dieu, Père éternel et tout puissant,
Nous confessons et reconnaissons sincèrement devant ta sainte Majesté
Que nous sommes de misérables pécheurs,
Conçus et nés dans l’iniquité et dans la corruption, enclins au mal, incapables de faire aucun bien ;
Et que par nos vices nous transgressons sans cesse tes Saintes Paroles,
Ce qui fait que nous attirons par ton juste jugement une entière ruine sur nous.

Toutefois, Seigneur,
Nous avons un vrai déplaisir de t’avoir offensé,
Et nous nous condamnons, nous et nos vices, avec une vraie repentance,
Désirant que ta grâce subvienne à notre misère.
Veuille donc avoir pitié de nous, Dieu très bon, et Père plein de miséricorde.

En effaçant nos vices et nos souillures,
Accorde-nous, et nous augmente, de jour en jour, les grâces de ton Saint Esprit ;
Afin que reconnaissant, de tout notre cœur, notre injustice,
Nous soyons touchés d’une douleur sincère,
Qui nous fasse mourir au péché,
Et qui produise en nous des fruits de justice et d’innocence, qui te soient agréables.

Ainsi soit-il.
**

Et de laisser chacun se repentir de ses fautes, qu'elles fussent grandes ou petites, afin que chacun se sente lavé de la souillure en cet instant de recueillement.

*[Psaume 23 : Cantique de David]
**[D'après la prière de confession de Calvin]

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Calyce..
Il en aura fallut du temps pour que le cerveau Calycien engrange la tripotée de nouvelles qui lui venait de Maleus.
Que de chamboulements...
Faut dire qu'elle a grandi avec une certaine image du Borgne : Un méchant mercenaire sanguinaire, sans attache aucune.

Et elle se fait doucement à l'idée. Le temps d'un voyage, Anjou-Bourgogne...
Maleus pasteur.
Maleus futur papa.
Maleus marié.
Maleus en Bourgogne... Là elle a du mal. Un léger malaise qui s'estompe à la première gorgée de vin servi qu'on lui sert lors d'une escale pause-pipi.

- Ils peuvent pas avoir si mauvais fond que ça avec un vin pareil.
-...

Le regard noir que la suzeraine porte sur elle en guise de réponse suffit à ce qu'elle se fasse plus petite qu'elle n'est déjà. Enfoncée dans la banquette qui la supporte, elle comptera silencieusement ses cheveux jusqu'à ce qu'on leur annonce qu'elles sont arrivées à destination.

Pirouette cacahuète, les voilà qui prennent discrètement place dans la grande salle. A ceux dont elle croise le regard, elle offre un sourire poli. Et quand la voix de l'officiante s'élève, Calyce plisse le nez comme à chaque fois qu'elle se retrouve confrontée à un truc inhabituel. Mirettes curieuses qui se lèvent et se posent sur son Archiducale-voisine : C'est qui ? Pourquoi ils tirent tous une gueule d'enterrement ? Et Pourquoi qu'à chaque fois que j'croise un réformé faut qu'ça finisse en confession ? Fait chier. Maudit Borgne !     

La prière est bien entamée quand l'émeraude accroche un détail de la tenue du marié. Une boule se forme alors dans la gorge de la môme, l'oeil embué se détourne de sa cible pour fixer le sol...
Émotive la Calyce ? Non.
Elle s’efforce juste de contenir l'éclat de rire qui menace de s'échapper.

Maleus porte une fraise.

Ba-da-boum, un mythe s’effondre dans la caboche de la brunette.
Ça, elle s'y fera pas.

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Gaetan
[Sur la route]

- on arrive quand ? on arrive quand ? on arrive quand ? c'est pas une blague ?

Mais qu'il est chiant... chiant... mais heureux ! Depuis qu'il sait où ils se rendent, le gamin ne tient pas en place. Ce n'est plus l'ombre de Finn qu'il incarne, mais l'ourlet de sa bure tellement il le colle, de peur qu'on l'oublie encore et qu'il n'arrive pas à temps.

Ce ne serait pas la première fois qu'on le laisse derrière.

Faut dire que jusqu'à aujourd'hui, le manchot était plutot discret. Quoiqu'il en dise, ou en pense, l'Irlandais lui-même devait avouer que le rouquin ne parle que peu. Mais depuis qu'il sait qu'il va en Bourgogne pour assister au mariage de Matalena ? Intenable.


- tu crois qu'elle sera contente ?

Bien évidemment, il n'obtiendra en réponse qu'un soupir exaspéré. Pas grave, Gaetan en a vu d'autres. Il terminera le chemin en réfléchissant à tout ce qu'il a à dire à la Réformée.

[Au terme de la route]

Il a fini par se taire. Se taire, et se renfrogner. Le bout d'homme n'a plus rien à dire tellement le stress et l'angoisse lui nouent la gorge et lui tordent le ventre. De son unique main il triture les restes de sa chemise, creusant des sillons dans la crasse, élargissant les trous déjà trop nombreux.

Il ne veut plus y aller...

Seulement il n'a aucune chance d'y échapper. Finn le traine déjà à travers un dédale de couloirs et de corridors... Et l'abandonne aux mains d'on ne sait trop qui. Pas le temps de réagir, de se demander ce qu'il se passe, ni même de réaliser qu'il peut voir sa peau sans avoir à essuyer la poussière qui d'habitude s'y étale.

A peine un clin d'oeil et le voilà, dans une pièce jonchée de fleurs, un panier autour du cou dont il ne sait que faire, habillé de propre, des vêtements si foncés que son teint parsemé de son parait livide.

Ce qu'il est, par ailleurs.

Quoi de plus normal ? Dans cette pièce, nonobstant les inconnus, il y avait l'Irlandais, qui manifestement ne vivait pas l'expérience comme une sinécure. Mais aussi Agnès que Gaetan avait pris le temps de saluer rapidement. Lui n'était pas rancunier, mais il pressentait que la Comtesse avait quant à elle la dent dure et il ne se souvenait pas avoir rattrapé sa dernière bourde, en Artois.

Puis était entré... un drôle de bonhomme. Si l'ambiance était sombre, il faut avouer que celui que Finn décrira agacé et à voix basse en réponse au tirage de bure par l'unique menotte du rouquin comme le marié, redonnait le sourire. Il pouvait bien être borgne, il pouvait bien arborer un air grognon, il pouvait bien faire un peu peur... il portait un drole de collier en tissu qui ne manque pas d'attirer un sourire crispé sur la figure du gamin.

Qu'il faisait bon être pauvre ! Pas lui qu'on forcerait à porter un truc pareil !

Un peu plus et il allait pouffer. Sauf qu'enfin le moment qu'il a attendu avec tant d'impatience avant de tellement le redouter se produit. C'est maintenant qu'Elle entre. Elle, la Réformée. Elle, la Première à l'avoir recueilli. Elle qui l'a nourri, logé, et fait courir. Car oui, elle fait courir les manchots. Et pas qu'un peu...

Elle... qu'il a abandonnée, enfermé dans une mine pendant des jours avant que Finn ne l'en sauve. Elle pour qui il tient si fort à apprendre à écrire et lire. Elle qu'il admire et vénère presque.

Qu'elle est belle ! Qu'elle est intimidante ! Qu'elle est... grosse ?!


[La cérémonie]

A peine s'il avait quelques bases, grapillées dans ses souvenirs de son séjour chez Matalena. Quelques mots, quelques locutions qui affleurent la mémoire du rouquin sans culture, sans éducation, sans religion. La voix d'Agnès porte, mais cela il le savait déjà.

Ratatiné dans sa tenue empruntée, il écoute sans quitter la bure de l'Irlandais de son unique main, sans abandonner son égérie des yeux, sans comprendre réellement ce qui se dit. Il comprend juste qu'est venu le moment pour lui de regretter la pire chose qu'il ait jamais commise dans sa jeune vie...


- je suis désolé de pas avoir donné de nouvelles...Murmure-t-il dans un souffle.

C'est à peu près la seule chose qu'il peut se reprocher... mais Deos sait qu'il s'en veut. Restera à voir pendant son séjour s'il est le seul dans ce cas ou si la brune aussi lui en garde rancune.

Levant son visage qui n'a jamais paru si enfantin vers l'Irlandais, il exprime par un regard lourd de sens sa reconnaissance envers son mentor de lui avoir permis d'être là pour ce grand jour. Même si le marié a une sacrément drole de dégaine.

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Miramaz
[Blanche brebis parmi le noir troupeau]

Une salle éclairée de mille flammes sans que l'impression d'austérité n'en disparaisse, et plus le nombre de convives en toilette noires augmentait moins Mira se sentait à sa place. Assise à l'extrémité d'un des derniers bancs, elle attendait muette et immobile dans sa tenue semblable aux autres par la couleur si ce n'est par la richesse du tissu. Mal à l'aise, le visage sans aucune expression elle tentait d'obéir aux consignes de l'époux en devenir : être vêtue de noir et avoir l'air aussi pieuse que les autres.

Si la première règle n'avait guère été simple à appliquer, sa garde-robe étant loin de comporter pièce assez sobre pour l'occasion, la deuxième ne semblait pas poser souci pour le moment. Bien que différente de celle des acteurs de cette cérémonie, sa foy était bien vivace et l'importance de ce qui allait se dérouler sous ses yeux ne lui échappait pas. Une légère angoisse, qui n'avait pas seulement pour origine ce conflit de confession, l'étreignit jusqu'à ce qu'apparaissent tour à tour le borgne et la sombre.

Le mariage version huguenote débuta alors, lui laissant tout loisir d'observer l'inhabituelle vesture Maleusienne, enregistrant chaque détail qui lui permettrait plus tard de se moquer de lui. Une part de son attention continua cependant de suivre les faits et gestes de la lectrice tandis que nul muscle de son visage ne trahissait son inquiétude vis à vis de cette célébration non romaine.

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Gnia
Normalement tout le monde avait eu le temps de se flageller consciencieusement, aussi la Saint Just décida de rompre l'instant de silence propice à la contrition pour tourner d'un bout d'index mouillé de salive les pages du l'imposant Livre des Vertus enluminé qu'elle avait posé sur le lutrin.

Reportant son regard empreint de gravité sur le couple constitué d'un borgne sur son trente et un et d'une crevette noiraude à la protubérance ventrale sur-accentuée, elle hocha la tête avant d'annoncer la suite des réjouissances.


Avant que ces deux fidèles n'échangent leurs voeux d'union devant le Très Hauct et devant nous, j'ai choisi vous lire quelques extraits du Livre des Vertus originel, issus du Livre de L'Eclipse où Sypous visite les sept Enfers et y croise tour à tour les sept Princes démons avant d'atteindre le Jardin des Délices où Dieu lui pose La Question.

Agnès s'éclaircit la voix et dans la salle au silence religieux s'éleva la voix rauques aux magnifiques intonations picardes.

De L’Eclipse, chapitre II, Le brouillard...
Après qu'il eut rencontré Asmodée, Prince de la Luxure, Sypous n'est qu'au début de ses frayeurs et tourments...


"Au bout d’un temps indéfinissable, j’accédai à une gigantesque grotte creusée dans la montagne. Des piliers titanesques soutenaient sa voûte, que j’avais du mal à discerner, étant donnée sa hauteur. Un lac aux dimensions homériques emplissait les lieux. Son liquide, qu’aucune onde ne venait troubler, irradiait d’une sombre lueur turquoise, colorant ainsi toutes les roches environnantes. Aucune vie ne semblait pouvoir se maintenir en ces lieux. Quelle ne fut pas ma surprise quand je vis, parmi les roches qui s’entassaient le long de la berge des formes obscures se lever. Leurs mouvements étaient lents, maladroits, et peu affirmés.

Elles semblaient devoir faire un effort surhumain pour entrer en mouvement. Je les voyais toutes pleurer leur état déliquescent et amorphe. C’est alors qu’une gerbe de liquide turquoise surgit de lac surface du lac. Une énorme créature à la peau écailleuse et à la longue queue de lézard surgit du liquide. Surmontant une mâchoire titanesque, deux petits yeux d’émeraude me fixaient. Elle me dit: “Je suis Belial, Prince de l’Orgueil. Miguaël, Archange du Don de soi, est mon opposé. Celui qui a le sentiment de pouvoir vivre hors de la communauté, ou d’être capable d’atteindre le statut de divin, vient rejoindre les rangs de mes damnés.”."


Les azurs quittèrent les lignes d'encre tracées sur le vélin pour balayer l'assistance, hétéroclite, composée de romains et réformés, étrangement réunis autour de deux êtres dont le zèle dans leur Foi n'était plus à prouver.
Le silence qu'elle avait laisser trainer ayant suffisamment laissé de théâtralité pour permettre à chacun d'interpréter son choix de texte, la lectrice du jour reprit


De L’Eclipse, chapitre VIII, La Résurrection...
Ayant passé la Plaine, les Galeries, le Pic, abritant chacun l'horreur personnifiée des pêchés, Sypous atteignit le Ciel puis le Jardin des Délices où L'Unique s'adressa à lui.

"Cette voix que j’entendis, alors que je me trouvais en compagnie d’Aristote et d'Oane, était calme et pénétrante. Ils m’expliquèrent que c’était Dieu Lui-même qui allait me poser la question. J’allai enfin savoir laquelle était-ce. La voix divine me dit: “Toi, l’humain que les tiens nomment Sypous, tu es venu à Moi, découvrant tout ce qu’un humain pourra connaître après sa mort. Tu as visité chacun des sept Enfers, où tu as rencontré chacun des Princes-démons, qui se sont présentés à toi, conformément à Ma volonté. Qu’as-tu retenu de tes périples ?”

Je répondis: “J’ai compris le sens du Salut. Lorsqu’un humain a vécu dans la Foi et l'Amour de Dieu, s’étant ainsi conformé à Ta divine parole, transmise par le prophète Aristote et par Oane, l'élu, Tu lui accordes le droit d’accéder en ces lieux, au Jardin des Délices, au sein des cieux. S'il se détourne de la Foi et de Ton Amour, refusant d’écouter Ta divine parole, qu’il s’abandonne aux plaisirs terrestres, à l’égoïsme, à la tentation, à de fausses divinités, Ton infinie sagesse t’amène à l’envoyer en Enfer, dans la mer, pour y être puni pour l’éternité. Tu nous aimes, mais c’est également à nous de T’aimer.”"


La Saint Just releva enfin le minois de son lutrin, se permettant l'esquisse d'un discret sourire en guise de conclusion au couple qui se tenait face à elle et qu'elle invita ainsi à investir le devant de la scène.
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Matalena
Réjouissons-nous mes frères en ce jour d'allégresse, youpi. On ne vous dira jamais assez que ces réformés sont décidément de joyeux lurons qui ne loupent pas une occasion de mettre tout le monde à l'aise autour d'une célébration... Reflet, s'il en était possible, du malaise qui semblait émaner des deux futurs. La jeune femme se tenait debout, roide dans sa posture, attendant avec toute la sagesse du monde. Bien sur : normal. Mais à dire le vrai, ce simple fait semblait relever d'un exploit particulièrement difficile à réaliser, tant est que le haut de ses joues, sous leur hâle naturel, semblait plus pâle que d'ordinaire. A moins que ce ne soit l'émotion ?
Des personnes entrent. En jetant des regards obliques, elle reconnait les visages pour les avoir saisis, de loin, en taverne. Pour sur, que ce soit ses proches ou ceux de Maleus, d'aucuns devaient songer en leurs forts intérieurs : mais d'où il/elle sortait celui-là/celle-là, comment avait-il/elle réussi à passer la bague au doigt à l'autre aussi incroyable que ce soit, etc etc. En se mordillant la lèvre, la jeune femme caressa l'arrondit de son ventre, encore une fois. Leur rencontre, juste après la mort des enfants du mercenaire, qui allait de paire avec leur première engueulade. Les mois de guerre, où il s'étaient retrouvés, un peu par hasard, puis à ne se plus quitter. La première fois qu'il lui avait proposé de coucher sous sa tente, regardant avec un sourire moqueur la minuscule réformée qui ne prenait guère de place sur la paillasse, avant de s'endormir... Qui sait, conforté de ne pas être seul face à ses fantômes. La nuit à Montauban, et toutes celles qui avaient suivies.
Dans la pogne du mercenaire, sa main se crispa, les jointures craquants légèrement.
Elle s'était donnée à lui comme elle s'était refusée à tous les autres hommes. Sans questions, et sans regrets. Avec une passion et un abandon qu'on imaginait point possible chez un tel bloc de glace. Elle s'était liée à lui, et cela sans réserves, à quelque niveau que ce soit, cette journée n'étant plus finalement qu'une formalité. Mais à présent, elle le savait, ils n'étaient là tout deux que pour assurer la reconnaissance paternelle de sa portée. Et ça, ça lui restait furieusement en travers de la gorge... Relayée au rang de pondeuse, d'épousée par nécessité plus que par envie. Mais c'était ainsi, on ne se marie point par désir, le plus souvent. Agnès le lui avait suffisamment expliqué pour qu'elle soit prête, quoi qu'il lui en coûte, à accepter ses responsabilités. Elle leva vers Mal' ses yeux noirs fendus pour ne les en plus détacher une seconde... Et se lança, relayant ses peurs au second plan le temps de livrer à la cantonade, et à lui avant tout, ce qu'elle se sentait prête à lui promettre.


Devant le Très-Haut, mon amie et suzeraine ici présente, Agnès de Saint-Just, ma famille et les êtres chers à ma moitié... Je me présente à vous pour ce que je suis : imparfaite et pécheresse. Je m'offre ce jour, avec tout ce qui me définit. Mes secrets, mes ennemis, mes colères, mais aussi, et chaque jour depuis le premier, le respect que je vous porte, la constance avec laquelle je me suis invitée dans votre destinée, et... Les sentiments qui m'attachent à vous par des crochets de fer.

Elle prit une grande inspiration, tressaillant légèrement de tout son long.

Je vous renouvelle le serment de partager les épreuves qui seront vôtres, de vous épauler, vous seconder en toutes vos entreprises, par le concours de mon esprit, ma lame, ou toutes capacités que vous jugerez bon d'attendre de moi.
Je vous propose de partager vos jours, assurer votre descendance, et rester fidèle à vos causes comme à votre personne.


Les lèvres à demies tremblantes, la jeune femme sourit pourtant, quoi que légèrement de travers, et murmura pour ses seules oreilles :

Je vous aime, savez-vous...

Des mots qu'au grand jamais elle n'avait formulé autrement que sur le papier. Puis de conclure, comme peu assurée de la réponse alors même qu'ils se trouvaient déjà l'un devant l'autre :

Maleus Ewen d'Assay, me voulez-vous pour femme ?
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