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[RP] Conciliabule à la brune.

Gnia
Partie le matin du fief de Mâlain, Agnès avait prétexté des affaires à régler à Autun pour filer à l'anglaise.
Ou plutôt à l'Irlandais.

Sachant que Finn allait sous peu arriver dans la bonne ville, la Comtesse avait pris ses dispositions pour quitter quelques jours le bastion de la Fronde avec une petite escorte et trouver logis discret et confortable à Autun.
Un messager avait été envoyé sur la route vers Nevers à la recherche du seigneur de Cazayous pour lui communiquer l'endroit où il devait retrouver sa suzeraine.
La domesticité avait été prévenue, dès qu'il s'annoncerait, il fallait l'introduire auprès de la Comtesse.

Dans la plus grande chambrée d'une maison bourgeoise sise à l'entrée d'Autun, à l'abri des enceintes, la Saint Just rompait l'attente et ses angoisses en rédigeant quantités de missives destinées à partir aux quatre coins du Royaume. Les informations qu'elle recevait se recoupaient toutes et visiblement il faudrait s'attendre à une confrontation entre les deux Roys bientôt.

Le soleil venait de passer derrière l'horizon et il était l'heure d'allumer lanternes, bougies et petite flambée dans la cheminée.
Elle reposa sa plume avec un profond soupir et plia le poignet à plusieurs reprises pour le délasser, tout en lorgnant sur la carafe de vin qui la narguait de la belle couleur rouge sombre de son contenant. La Comtesse l'observa un long moment, hésitant à se servir, avant de claquer la langue sur son palais, agacée.
Elle ne pouvait pas s'enivrer et sombrer dans les vapeurs rassurantes de l'oubli.
Elle devait conserver l'esprit clair, tant pour finir de rédiger ses missives que pour affronter une discussion probablement désagréable avec l'Irlandais.

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Finn
Le massif du Morvan baignait encore dans une lumière incertaine lorsqu’il reçut des nouvelles de la Comtesse. Abandonnée dans cette même Bourgogne des semaines plus tôt, des correspondances avaient décidé du retour de l’Irlandais dans son giron. Une fois de plus, la Saint Just s’était fourrée dans les ennuis. Les intrigues de cour comme les duels d’égo de deux Roys constituaient tout ce que Finn aurait voulu fuir. S’il s’était mis en route depuis Montauban pour répondre à l’appel de sa Suzeraine, il ne fallait y voir que la soumission d’un cœur décharné à la fatalité dans laquelle conduisait la passion qu’il nourrissait à jamais pour la Saint Just. A peine fut-elle entraperçue au mariage réformé auquel il était contraint d’assister, quelques jours auparavant. Cette entrevue visuelle et fugitive l’avait blessé d’amertume tant il n’avait pu sustenter son désir de parfaire les retrouvailles.

Chaque chose en son temps.
Et il était grand temps.
Grand temps de cesser de vivoter autour de quelques cassettes mal acquises.
Et de servir.

Le message eut d’abord du mal à passer car la noblesse était, pour certains, difficile à endosser. Mais l’Irlandais finit par consentir à répondre au nom de Cazayous. Juché sur son baudet du Poitou, le reste du trajet fut avalé au grand galop et Gaetan, pour une fois embarqué sur la modeste monture. La convocation toute formelle foula l’enthousiasme du brun et le retrancha dans une relative perplexité. Puis il se souvînt leurs derniers échanges à voix vive…

L’aveu du vassal à sa Dame pesait de toute sa gravité sur leur lien. Voilà une discussion qu’il ne tenait pas à avoir. Las à son arrivée, il s’annonça non sans grincer des dents à rez-de-sol avant de gravir les marches de la maisonnée jusqu’aux appartements de la jeune femme. Comme Finn avait insisté sur son bon sens de l'orientation, c’est seul qu’il se présenta à l’huis de la chambrée. Enfin, plus ou moins.


- « Reste-là. », imposa-t-il au jeune garçon avant d’annoncer son entrée de trois coups distincts.

Tête nue, il investit la pièce et referma derrière lui, s’enquérant de l'absence d’indésirables avant de dévisager la Saint Just d’un regard empreint d’une ardeur placide, muette.

- « Comtesse. », lâcha-t-il enfin après un moment d’égarement, ponctuant d’un hochement de tête. « Tu m’as demandé. » Farouche bien que désireux de traverser le fossé qui les séparait, il n’osa s’avancer davantage dans ses propos, s’adressant à elle comme s’ils ne s’étaient pas quittés.
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Gnia
La plume s'agitait et grinçait sur le parchemin, traçant des arabesques nerveuses. Lorsqu'on frappa à l'huis, la Saint Just suspendit le ballet et releva le chef, croisant alors le regard brûlant mais contenu de l'irlandais. Elle se détourna rapidement et acheva la ligne qu'elle traçait.

Prend place.

De la pointe de la penne d'un noir de jais, elle désigna le siège non loin d'elle tandis qu'elle échangeait la plume pour la cire et cachetait avec application sa missive, ignorant ostensiblement son invité. Le pli scellé fut rangé dans un petit coffre ouvragé et elle releva enfin son regard sombre sur lui.

Une profonde inspiration rompit le silence, tandis qu'elle éloignait à contrecoeur l'envie irrépressible de s'approcher, de se laisser glisser contre lui, de céder à son profond désir et sombrer.
En lieu et place, elle se pencha sur l'écritoire, posant son menton sur la coupe de ses mains, coudes sur la planche de bois.


Pourquoi ?

Etait-il besoin d'expliquer à quoi se rapportait l'interrogation ? Agnès ne le pensait pas. Depuis l'aveu fait à demi-mots par Finn quelques instants avant qu'elle ne l'anoblisse, la question restait suspendue entre eux, comme un mur invisible mais infranchissable.

J'ai besoin de savoir.
Nous en parlons aujourd'hui et n'en reparlerons plus jamais.


Les azurs s'ancrèrent dans le regard du Seigneur de Cazayous et semblaient résolus à ne pas quitter leurs positions avant d'avoir obtenu réponse.
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Finn
Son regard habilement dévié, il ne lui restait plus qu’à s’exécuter dans le silence, des lèvres et du cœur. L’Irlandais alla donc s’écraser au fond du siège faisant face à son interlocutrice. Son pli et la manœuvre à laquelle il était mêlé ne manquèrent pas de piquer sa curiosité, bien qu’il n’en fit pas état. Finn se contenta d’observer sagement celle dont le précieux souvenir avait hanté ses nuits, attendant de savoir à quelle sauce il serait bâfré.

Et le verdict tomba.

Pourquoi ? Il devinait parfaitement ce qui se cachait sous cette question. L’armature du fauteuil couina sous le soupir résigné de son hôte. Il s’agissait là d’un abcès qu’il aurait préféré ne pas avoir à crever. Peu de fois dans son existence mouvementée, il avait eu à se soumettre au jugement d’autrui, pis, à justifier ses actes. Plus depuis que l’expérience avait fait son œuvre lui conférant un certain savoir-faire dans l’art de la dérobade. Les petites billes vernies d’ébène se mirent à fuir leurs homologues azurs tandis la réplique se faisait attendre. Il se sentit sur le point de glisser d’une poutre branlante, de laquelle il testait l’équilibre depuis bien trop longtemps maintenant.
De toute évidence, subterfuges et dérision ne parviendraient pas à effriter la détermination de la Saint Just.

Il était temps d’avouer.


- « Que veux-tu que je te dise ? », lâcha l’Irlandais, croisant les bras. Son regard retrouva contenance, narguant subitement le sien de son éclat sinistre. « C’était dans l’ordre des choses. Elle devait disparaître. » Sa lèvre supérieur se haussa de mépris en un coin. Elle voulait savoir pourquoi, ni comment, ni qui, mais les réponses à ces questions traversaient plus facilement l’étroit fourreau de sa gorge. Alors il s’éparpilla. « Il fut bien plus aisé de quérir partenaires que je ne l’aurais cru. Cette femme n’aurait pu soupçonner la pléthore d’outrages qu’elle avait commis. Grands et petits, tous étaient prêts à s’unir dans l’allégresse afin de marcher main dans la main sur sa dépouille. Une belle communion des classes… » L’homme se permit l’éclosion d’un rictus déplacé avant de reprendre. « Mais finalement, je jetai mon dévolu sur deux crapules issues de la même fosse que moi et rompues à ce genre d’exercice. Des pointures, je te prie de me croire. » La voix grave de l’Irlandais opta pour un ton badin, comme si ce qu’il s’apprêtait à dire n’avait que peu d’importance. « Je suppose que tu connais la suite… Tapis dans cette foutue Fontainebleau, on attendit que s’avance le carrosse de Sa Majesté. A trois, on l’aborda.. A trois ! Tu entends ça ?! » Finn exulta. En apparence du moins, de celles qui s’avivent pour mieux détourner l’attention de la profonde pudeur de son acteur. Il ne pouvait décemment pas se montrer fébrile en pareille circonstance. Quitte à passer pour la pire des ordures, autant tâcher de s’en montrer digne…

« Si tu veux tout savoir, j’ai porté le coup de grâce. », confia-t-il un ton plus bas, momentanément penché sur l'établi. « Tu aurais dû la voir, cette Reyne, les pieds ballant, et la gorge enveloppée dans la parure de velours que je lui avais taillée. » Il renifla devant le détail à l’insignifiance marquée tant l’impertinence était son maître-mot, en cet instant. « Et puis les gens du Guet arrivèrent. Ces petits bâtards m’ont pris en chasse. Ils avaient assisté au dernier soupir de leur idole de bois. » La voix était devenue hargneuse à la mention des agents parisiens.

« Enfin, ce qu’il est advenu de moi, tu le sais. Je me suis réfugié loin de Paris, dans cette triste contrée que vous appelez Guyenne. A Montauban. », conclut-il, sobrement.

Réponse n’avait pas été apportée et l’Irlandais ne se sentait pas grandi de cette esquive grossière. Se décharger d'une culpabilité bien lourde à porter, c'était tout ce qu'il avait tenté de faire. Il se mura alors dans un silence de plomb jusqu’à la prochaine offensive, plongé dans le vague.
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Gnia
Elle avait écouté, mâchoires crispées, sans pour autant changer de posture, tâchant de conserver visage hiératique à la provocation de l'Irlandais, de retenir l'envie de se lever et de le gifler.
Il se complaisait à dire tout sauf ce qu'elle voulait savoir, à donner de sordides détails, à la narguer par l'arrogance de son propos.

Répondant à son silence buté, elle le dévisagea longuement, ravalant sa colère muette, la laissant se transformer en sourde rage qu'elle sentait courir sous sa peau. La mine déjà distante se fit glaciale, hautaine, le regard qui l'instant d'avant restait ancré dans le sien malgré le froid qu'il soufflait devint lointain, glissant sur le faciès immobile autrefois tant contemplé comme s'il n'était que du verre, transparent.

Elle prit enfin une profonde inspiration et se leva, fixant la porte derrière lui. D'une voix blanche, elle asséna son verdict


Vous pouvez prendre congé.
Lorsque vous serez décidé à me répondre, vous savez où me trouver.
Tant que vous ne vous serez pas plié à cette exigence pourtant simple, je ne désire plus vous voir.


Elle avait pris à escient le parti de le vouvoyer, distance qu'elle ne lui offrait que lorsqu'elle voulait lui faire sentir toute l'ampleur de son courroux. Les dents serrées à lui en faire mal, elle espérait qu'il ne rendrait pas les choses plus difficiles que ne l'étaient déjà pour elle, tant elle devait prendre sur elle pour ne pas le regarder et ainsi ne pas faiblir dans sa décision.
Il répondrait à cette précise question ou devrait oublier leurs fugaces et dérobées étreintes pleines de fougue, et se contenter de contempler de loin la braise muée en givre.

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Finn
S’extirpant de sa torpeur, l’Irlandais observa d’en bas le Ciel tonner et annoncer sa sentence. Il ne se souvenait pas même s’il l’avait déjà entendue le vouvoyer tant il lui semblait la connaître depuis une éternité.

- « Je vois… », rétorqua-t-il, répondant à la raideur par le flegme.

La distance qu’elle plaçait délibérément entre eux le frappa avec la même vigueur que la gifle qu’elle aurait pu lui asséner. Un tiraillement insupportable lui serra la poitrine et les tripes à l’abominable sensation de ne plus rien être à ses yeux. S’il n’était déjà assis, sans doute aurait-il ployé genoux sous le poids du plafond qui paraissait s’être écroulé sur lui.

Qu’importent les pourquoi, les raisons?!

Il lui fallut renoncer à résoudre ce mystère lorsqu’il se dressa face à la Saint Just. Le regard fixe, il sonda à nouveau sa détermination avant de s’échapper sur le côté.


- « Comme il plaira à Son Altesse. », poursuivit-il.

Nulle provocation ne perlait de ses mots. Toute insolence s’était évaporée de son attitude. La carafe en main, il remplit consciencieusement deux godets.

- « Provient-il de la même cuvée que celui que l’on trouvait en contrebande, fut un temps, à Montauban ? », palabra-t-il, lui soumettant un profil absent.

Son regard se heurta à nouveau aux iris de marbre alors qu’il déposait devant elle le godet qui lui était destiné. Une attention qu’elle était libre comme bon lui semblait. A présent de retour face à la Saint Just, l’Irlandais préleva sa part d’ivresse en s’enquillant la moitié du contenant. Encore une chose qu’elle était libre d’interpréter comme il lui siérait.

Enhardi, il s’attela alors à la reconquête des terres perdues en assiégeant le rempart qui se dressait, impénétrable, entre eux.


- « Ce n’est pas tellement pourquoi, mais plutôt pour qui. », reprit-il, absorbé par la valse du breuvage carmin dans son godet. « Inutile de se mentir, tu es au fait de mes activités parallèles. Pour la Champagne aussi, je présume. » Un regard cherchant affirmation se porta à la rencontre du sien. « Cette Béatrice Ière… Nous avions touché à sa réserve pécuniaire. Elle crut de bon ton de proclamer un édit dont je ne me rappelle plus la teneur, si ce n’est qu’il nous mettait en péril. Alors on a dû répliquer, et durement. » Le sourcil se fronça sous la difficulté de l’exercice. « Mon Roy, qui manie les mots avec conviction, a demandé sa tête. Je me suis simplement porté volontaire afin d’exaucer son vœu. C’est un homme d’une grande perspicacité, tu sais. Et très pieux. Il a su voir la corruption qui gangrène l’âme de notre élite et qui ronge les fondations de notre système » Finn ingurgita péniblement une nouvelle gorgée. « Je le crois profondément bon. Bon et juste. Le sacrifice qu’il réclamait était bien peu de choses face à l’équilibre et la félicité qui pourraient en découler. N’est-ce pas ? », l’interpella-t-il sans espoir de réponse.

« Tu dois comprendre que jusqu’au bout, mes seules préoccupations n’ont été que l’intérêt de mes camarades et la cause qui me lie à eux. » A mesure qu’il parlait, le semis de confidences, ne se faisant pas sans heurt, semblait l’atteindre davantage. « Je n’ai d’ailleurs pas souhaité les mêler à tout ça. Peut-être d’abord par orgueil ou zèle, mais aussi et surtout par amour. » Ses traits commencèrent à implorer la miséricorde de sa vis-à-vis. « J’ai entendu l’appel de Dieu… Lui aussi réclamait sa tête ..! Tu dois me croire, Agnès. » Le regard suppliant de L’Irlandais se planta, indéfectible, dans celui de la jeune femme. « Elle avait péché, bafoué Sa volonté, usurpé Son autorité ! » Deux poings vinrent brutalement s’abattre sur le bois du bureau.

« Comment aurait-il pu en être autrement ?.. »

La question se perdit dans le silence qui lui succéda. De l’arrogance de l’Irlandais, il ne restait plus rien. Le visage blême et les yeux fous se réfugièrent dans l'écrin réconfortant de traits familiers.

De l’Irlandais, il ne restait qu’un homme en proie au doute.

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Gnia
Elle s'était attendue à ce qu'il s'enfuie, qu'il profite de la sortie qu'elle lui offrait, répondant comme à l'accoutumée par l'ignorance aux colères de sa maîtresse. Tout le laissait croire lorsqu'il reprit la parole, comme si rien dans l'attitude de la Saint Just ne l'atteignait.
Elle en fut vivement piquée, une poigne de fer comprimant sa poitrine à l'étouffer. Combien de temps allait-il encore la torturer avant d'enfin quitter la pièce ?

Il n'en fit rien, servant, comme si de rien n'était, le vin pour eux deux, ainsi qu'ils en avaient pris l'habitude à chacune de leurs soirées dérobées, qu'elles se tiennent à l'abri des murs de l'Alabrena ou du tripot de l'Irlandais à Montauban, qu'elles s'étiolent sur les routes de Champagne ou les auberges de Flandres.
Ou comment répondre au dédain par une autre forme d'ignorance.

Elle croisa ostensiblement les bras sur la poitrine, butée, dédaignant l'offrande faite, la corruption tentée, l'utilisation du principal vice de la Saint Just pour, qui sait, la faire capituler. Alors son regard ne cilla point, tâchant d'entrainer en un mouvement de coercition, l'âme et le coeur.

Et puis, enfin, il parla.
Il répondait à la seule question à laquelle Agnès souhaitait réponse, même si aucune ne pourrait laver l'Irlandais de son crime.
Elle voulait savoir pourquoi.
Ne sachant pas elle même pourquoi elle voulait savoir.
C'était simplement la seule question qui s'était imposée avec une logique implacable.

Du regard, elle assistait à la transformation des traits sur le visage pourtant si inexpressif de Finn à mesure que le flot de la confidence se faisait crue, s'agaçant presque du pardon qu'il semblait implorer, de la compréhension qu'il semblait chercher, de son regard qui suppliait le sien de ne pas l'ignorer.

Il lui semblait que son corps, son coeur, son âme, sa raison se livraient guerre acharnée, le champ de bataille tenant lieu dans sa cage thoracique, enfonçant leurs lames acérés dans sa chair, meurtrissant son âme, faisant fi de leur hôte, absorbés par leur duel à mort.
Une main nerveuse vint alors se saisir du godet qui lui avait été offert. Il était temps de les faire taire. Elle but lentement une gorgée de vin, le laissant glisser dans sa bouche et sa gorge avec un soulagement certain, le regard concentré à présent sur cette mouvante planche de salut.

Enfin elle releva les yeux sur l'Irlandais, la houle à présent éloignée mais point domptée. La lueur qui y brillait n'avait rien de rassurant ou de miséricordieux, reflétant uniquement une extrême dureté.


Ce... Roy...

La lippe se retroussa de mépris.

Celui que tu appelles Ton Roy, s'il demande ma tête, m'offriras-tu également une parure de cou teintée de carmin ?
Finalement qui est ton maître, Finn ?
Dieu a qui tu prêtes des ordres dignes du Sans Nom et auprès de qui tu cherches une absolution à laquelle tu ne crois même pas ?
Ce Roy ?
Ton orgueil et tes faiblesses ?
Ton... amour... des tiens ?


La statue de marbre sembla enfin s'animer, le visage laissant sourdre la passion qu'elle avait retenue jusqu'alors, ponctuant ses propos d'infimes crispations du visage, l'oeil se faisant miroir de ses interrogations et de ses doutes.

Quelle place m'offres-tu dans tout cela ?

Et quelle question plus saugrenue aurait-elle pu poser en cet instant ?
Ce fut pourtant encore une fois la seule qui s'imposa à son esprit, le coeur devançant cette fois la raison.

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Finn
Cette confession venait de lui arracher la carapace qu’il avait méticuleusement forgée d’une imparable austérité. Ses doutes s’affichaient sans pudeur au vu et au su de l’infortunée confidente. A son grand regret, les faiblesses qu’il témoignait sans retenu ne trouvèrent aucune prise chez cette dernière. Finn dénicha bien chez elle une ou deux failles dans la sévérité de sa position. Mais rien qui ne put apaiser l’émoi dans lequel il se vautrait amèrement.

A ses mots, il tressaillit même.

Il fixa alors sa gorge si souvent parée de ses lèvres. Malgré tous les vices qui pesaient sur son âme, la corrodant d’une culpabilité allant croissante avec l’âge, son sens de la loyauté était chose dont il n’envisageait pas la remise en cause. Une vertu qui ne profitait qu’à de rares élus. Et pourtant, sa diatribe le plaça face à la trop grande charité avec laquelle il prêtait allégeance. S’il n’avait encore jamais songé revoir son dévouement à son Roy, ce principe semblait révolu.

L’ultime question le prit sans vert. Ne se laissant pas le temps de la réflexion, il décida qu’elle en méritait une autre.


- « Ne suis-je pas là, à tes côtés ? Ou bien mon esprit me joue-t-il des tours ?.. », souligna-t-il d’une voix qui réclamait justice. Répondre avec clarté à ces interrogations dont il ne doutait de la légitimité n’était guère aisé. « Tout s’est passé si vite… Crois-tu que j’en sache plus que toi ? Il n’en est rien. Je me trouve constamment tiraillé entre ceux qui m’ont recueilli et reconnu parmi les leurs, qui ont fait ma fortune et celle dont je loue chaque jour la Gâce, celle à qui j’ai lié mon âme… » Lentement, mais surement, il s’approcha, faisant le tour de la table.

« Je n’ai de maître que Dieu.
Mais pour toi seule, je me damnerais.
S’Il ne m’en a pas laissé le choix, toi non plus.
Tu t’es creusée une place de choix, la meilleure que j’avais à offrir, et l’as annexée sans égard pour les passées comme les futures.
Je suis tiens, Agnès, et pour toujours.
N’en doute jamais. »


Il recueillit alors sa joue barrée au creux de sa paume. L’espace d’un regard, l’Irlandais sembla avoir ravivé l’ardeur qu’il dardait sur elle.
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Gnia
Lorsqu'elle réalisa ce que son esprit avait pioché de plus important dans la nasse d'horreurs que lui avait confié son amant, la Saint Just détourna le regard, sentant qu'elle piquait un fard, gênée par son propre aveu.

Et à mesure qu'il parlait, elle se morigénait d'avoir ouvert la brèche par laquelle il s'engouffrait, d'avoir forcé de nouvelles confidences qu'elle n'était pas sûre de vouloir entendre.
Maudit orgueil qui se complaisait à être rassuré quand la pudeur se refusait à entendre la franchise du propos. Le coeur s'enflammait alors que la raison déversait sur lui des flots d'eau glacée, défense bien inefficace à éteindre le brasier.
S'il y avait bien un point sur lequel la Saint Just savait être femme, c'était sur celui de la multitude des contrariétés dont on qualifiait son genre.

Elle avala péniblement sa salive lorsqu'elle avisa Finn rompre la distance qu'elle avait placé sciemment entre eux, s'approchant d'elle, lui confiant son âme. Les yeux baissés, paupières closes à l'instant où il portait de ses mots le coup de grâce, elle tressaillit imperceptiblement au contact de sa main sur sa paume, sans pour autant le fuir.
Un profond soupir souleva sa poitrine puis elle releva enfin son regard qui ne cherchait pourtant qu'à s'esquiver sur lui. Une moue boudeuse, aux relents nostalgiques d'enfance, tordit un instant ses lèvres avant qu'avec un sourire contrit, elle ne choisisse finalement qu'une autre façon de se dérober.


Ne t'avais-je pas promis, lors de notre première rencontre, que je te guiderai sur les chemin de l'hérésie ?
Visiblement tu es arrivé à bon port et ne souhaites pas t'en repentir.


Les azurs sombres se firent plus hardis, se teintant d'une lueur espiègle qui annonçait, si ce n'était la capitulation, au moins une trêve.
Trêve qui, à l'ardeur qui brillait dans le regard de l'Irlandais, serait probablement mise à profit pour engager un traité de paix signé sur l'oreiller.
Ou ailleurs.

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Finn
- « Tu m’avais aussi rebaptisé Pain d’épice et je m’en suis pourtant remis. », ironisa-t-il, rendant la malice qu’il croyait lire dans l’azur reptilien.

Les mots enflammés énoncés plus tôt semblaient avoir atteint leur cible. Comme si la pellicule de givre qui avait enveloppé l’âme de la Saint Just, à présent, fondait sous la fièvre de sa caresse. Un élan fugitif vînt néanmoins teinter d’incertitude le regard de l’Irlandais lorsqu’une question à la légitimité toute aussi contrastée que la sienne alla le tourmenter : quelle place lui offrait-elle face à son propre Roy ?

Mais comme bien souvent, les lèvres restèrent scellées sur ce point. Finn préféra destiner sa verve à un autre usage, celui de la reconquête. Là se trouvait sans doute le prix de l’amour d’une comtesse.

- « Il sera bien temps de solliciter la miséricorde qu’on Lui vante lorsque nos corps se seront à nouveau égarés vers des horizons divergents. Pour l’heure, contentons-nous de leur accorder le répit qu’ils méritent... », lui susurra-t-il à l’oreille, décrétant l’annexion de ses hanches d’une poigne pressante.

L’espace d’un baiser qu’il alla cueillir sur ses lèvres charnues, les tourments passés s’éclipsèrent pour laisser place au frisson de sa chair, à l’expression de son désir jusque là mis en berne.
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Gnia
Un large sourire vint éclore sur son visage lorsqu'il mentionna le surnom saugrenu qu'avec la Baronne de Luzech elles lui avaient donné au cours d'une longue après-midi de beuverie.

Elle s'abandonna contre le corps sec de l'Irlandais, le laissant redécouvrir le fief qu'il avait été à quelques mots de perdre, frémissant sous la caresse qui préludait à d'autres plus suaves encore, laissant libre court à la propension incontrôlable qu'avaient leurs deux corps de se chercher mutuellement, avec une fébrilité de fin du monde, nonobstant la raison déjà bien écaillée de leurs propriétaires.

Et lorsque leurs lèvres consentirent à se libérer, Agnès, en écho au murmure de Finn, chuchota à son oreille valide, la langueur de son attitude tranchant avec la dureté de son propos.


Il faudra pourtant que tu te repentes du reste.
Cela aussi je te l'ai promis.


Ses lèvres vinrent frôler la jugulaire palpitante le long de son cou, avant de laisser filer dans un souffle

Il sera bien assez tôt pour que tu me haïsses des châtiments que j'ai prévu de t'infliger pour ton crime, alors pour l'heure...

Elle quitta la chaleur de son cou pour ancrer un regard trouble, à la lueur indéfinissable, dans le sien, agaçant de ses lèvres les siennes.

Aimes-moi...
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