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[RP] "J'aurais voulu vous dire..."

Larouchka
Assise la tête dans mes mains, je réfléchissais. C'était devenu une habitude depuis que l'armée impériale m'avait réduite en morceau ainsi que mon mari. Grâce au Très-Haut, j'en étais certaine, mon mari bien que blessé avait réussi à faire un rempart de son corps à notre nouveau-né, la petite Elisette qui n'avait que quelques jours.

Finalement, nous étions bloqué à Dole. Je voyais peu Gabriel qui avait encore dû rester alité à l'Hostel Dieu et je m'étais installée à l'auberge avec Eli. Pourtant, la plupart de mes nuits, je les passais entre les bras de mon amant, la passion qui nous unissait était très violente et j'aurais voulu m'y soustraire, m'enfuir. Mais à cause de cette fichue armée, je n'avais pu.

Eli dormait comme un ange et j'avais fini par m'installer à mon petit écritoire. La lettre que je m'apprêtais à écrire me remplissait de joie mais me troublait aussi profondément. Je m'y attelais pourtant, avec le plus grand soin.




Ma très chère marraine,

Me voici bien tranquille dans la chambre que je loue avec Eli et je peux enfin rédiger une missive à votre intention. Ainsi ma fille est née voyez-vous. Une charmante petite Elisette, que j'ai nommée ainsi en mémoire de la défunte épouse d'Ersinn. Elle est ravissante, a la frimousse d'un ange et la rousse chevelure de ma mère. J'en suis très heureuse.

Alors que nous quittions Dole pour retourner à Dunkerque, nous avons malheureusement été fauchés par l'armée impériale. Au grand dam de la Franc-Comtesse, qui s'est confondue en excuses. Cependant, Gabriel est encore alité et moi, je vais un peu mieux. Je prends soin d'Eli qui, heureusement, n'a rien.

Ellya, croyez-vous que ce soit une épreuve que le Très-Haut m'envoit? Vous qui êtes si pieuse, vous qui êtes la fille du Très-Haut, aidez-moi à trouver la voie! Je vous avais parlé de Lui, de cet homme qui m'a volé mon coeur, mon corps et à qui je ne puis résister tant la passion qui nous unit est violente. Je voulais m'y soustraire vous savez! J'avais même promis à Gabriel de ne plus le revoir. Mais voilà... bloquée dans cette ville... ça m'est impossible.

Pensez-vous qu'il est possible d'aimer deux hommes? Priez pour moi ma chère ma marraine, je prie pour vous, d'ailleurs vous êtes la seule pour qui je le fais aussi consciencieusement! Je récite vos prières, même si je ne comprends pas toujours tout.

Parlez moi de vous? Partez vous en voyage comme prévu? Comment va votre fils? Et votre orfèvre de mari? Vous me manquez tant, ma nonnette... J'aimerais tant vivre auprès de vous, dans la sérénité et la paix.

Je vous embrasse comme je vous aime.

Affectueusement.

L.


Je soupirais, lançant un petit regard à ma fille qui n'avait sourcillé, et après avoir fait envoyer la missive par le pigeon le plus véloce, je finis par m'assoupir, épuisée.
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Ellya
J'aurais voulu vous dire mon envie de vivre.


La chandelle vacillait à l'ombre de l'exemplaire religieuse. N'était-elle pas une épouse parfaite depuis qu'elle avait offert une descendance à son estimé Maistre? Droite, bien mise, le visage gracieux, la chevelure soignée, elle s'était attardée à la lecture de La Fin Des Temps tant et tant que l'aube avait éclos. Elle dormirait la nuit suivante, ne manifestant rien de sa fatigue toute la journée durant.
Ainsi était-elle.
Elle offrirait de nombreux sourires, pains et prières sans sourciller; elle n'aurait que des pensées positives pour les voleurs et les mendiants, les opulents et les véreux. Sans qu'ils le demandent, elle pardonnerait. Ses seuls moments d'égarement, elle les réserverait à son fils. Ses seuls baisers aussi.

Mais voilà. Cela faisait plus d'une heure qu'elle aurait pu s'abandonner au sommeil. Plus d'une heure que le volume était achevé. Et pourtant... Elle demeurait droite, grande de délicatesse et de foy, sur ce fauteuil silencieux de tous grincements.
Et son regard nuageux suffisait à démentir sa posture. Elle brûlait de quelque chose qu'elle ne comprenait pas et cela l'empêchait de saisir cette foutue plume qui la narguait depuis une heure pour coucher sur papier les mots de politesse.
Sa main se crispa.
Elle retint son inspiration.
Expira sa souffrance.

Qu'avouer à sa filleule quand l'on est censé s'oublier pour elle?

La réponse ne vint pas. Tiens. Lara devait penser cela aussi: "la réponse ne vient pas". Plusieurs jours, pourtant, que la mordorée Duranxie avait décacheté cette lettre.
Elle finit par saisir entre deux doigts perplexes celle qui la toisait.




Douce filleule,

"Si vous oubliez à nouveau l’amour que J’ai pour vous et que vous ne m’aimiez plus à nouveau, cela sera vérité. Si Ma parole, révélée par Aristote et Christos n’est plus écoutée, Je détruirai le monde et la vie, car l’amour n’en sera plus le sens. Alors, prends garde à ne pas laisser Ma parole se perdre dans les gouffres de l’oubli."
Que pourrais-je vous répondre quand l'Eternel lui-même a d'ores et déjà livré la réponse? Puisque l'amour rythme la vie, il n'existe pas de limite. Je vous entends déjà, Lara: "Mais ce n'était pas ma question!". J'en suis navrée. Il faudra vous en contenter.
Toutefois, nulle promesse ne devrait être bafouée. En cela, j'estime que votre comportement n'est qu'une épreuve que vous vous soumettez vous-même. Et tel est le chemin de la foy. Il vous faut résister. Il vous faut garder la tête froide. Qu'importe la passion, ma Joie! Cette passion pourra vous faire sombrer plus que de mesure et perdre tant qu'elle ne vaut probablement pas le coup. Mais vous saviez déjà que mes propos iraient dans ce sens. Aussi, pourquoi, Lara? Pourquoi vouloir lire ce que vous ne faites finalement pas de vous-même?

Oh, je prie pour vous. Et j'ai prié pour votre enfant chaque jour depuis réception de votre lettre. Ainsi que pour Gabriel. Je souhaite plus que tout que vous vous rétablissiez au plus vite. Vous m'êtes si chers. Cessez donc de courir les chemins, chère filleule. Ce sera le premier arrêt vers la paix.

Georges est comblé. Notre Sang vit. Nous ne l’emmènerons évidemment pas lors du pèlerinage, il est trop petit. Mais mon époux vient, lui, et cela suffit à mon propre bonheur.

Que Sainte Illinda vous protège tous, mes tendres.
Soyez heureuse, Lara, car cela seul importe.
De tout mon cœur,

Ellya.

_________________
Larouchka
[Auberge "La lune et le satyre". Dôle. J-20]

J'aurais voulu vous dire... combien la vie n'est pas facile et que l'amour ne l'est pas plus...

Allitée, les joues creuses et le teint pâle, j'avais fait venir un scribe pour qu'il puisse rédiger la lettre que je souhaitais envoyer à ma nonnette. J'étais bien trop faible pour pouvoir lui écrire moi-même. Et si je dépérissais, ce qui m'inquiétais le plus, c'était qu'Elisette aussi maigrissait à vue d'oeil.

L'inquiétude rajoutait à mon anxiété. Les yeux rivés sur l'adorable tête rousse qui dormait entre mes bras. Je me mis à dicter d'une voix monocorde.




Ma chère Soeurette,

Merci sincèrement pour votre lettre. Même si votre réponse n'en était pas une, cela m'a fait plaisir de vous lire. J'espère que vous vous portez bien, ainsi que votre petit Juste Parfait. Nos enfants ne sont-ils pas notre plus grand joie?

Je ne devrais pas vous dire la vérité, j'ai peur de vous tracasser, ma santé ne s'améliore guère et de ce fait, Elisette dépérit. Je n'arrive plus à la nourrir correctement. Le médicastre a dit que du fait de mon moral, je n'arrivais pas à reprendre le dessus. J'ai surtout peur pour Elisette, et je n'ose en parler à Gabriel, je le vois si peu, il passe le plus clair de son temps entre diverses activités et les moines et lui aussi doit se rétablir.

Celui dont je ne dois pas parler est parti s'occuper d'une des mines du Comté, avec sa fiancée. Nous nous écrivons et je me languis, mais je sais que c'est mieux ainsi, n'est-ce pas? Nulle promesse ne devrait être bafouée, comme vous l'avez dit. Je me résigne, fataliste. Bientôt je quitterai Dôle et toute tentation pour moi, pour lui... Vous parlez de passion, de sombrer... de valoir le coup. Je ne sais si vous avez raison, en fait je crois que peu m'importe où est la vérité. Bientôt, je partirai, le coeur vide et l'âme froide. Je m'occuperai de celui qui est mon époux et de ma fille. Ainsi je serai une bonne épouse, non. C'est bien ça? Remplir son devoir. Vous avez raison, la passion ne vaut rien. Je la mets au rebut, de suite, voyez, c'est déjà fini, oublié.

Je suis heureuse que vous alliez bien, que votre enfant se porte au mieux et que votre époux soit comblé. C'est votre bonheur, n'est-ce pas? Soyez prudente lors de ce pèlerinage que vous allez entreprendre, les routes sont peu sûres et je ne voudrais pas qu'il vous arrive malheur.

Je vous embrasse comme je vous aime.

Lara


Le scribe relut patiemment la missive et je hochais la tête, en guise d'appréciation. D'une main, je lui montrais la bourse sur la table, qu'il se serve et qu'il poste le parchemin. J'étais au bout de mes forces. Beren me manquait, je lui en voulais d'être parti ainsi et Gabriel laissait par son absence un douloureux vide. Je fermais les yeux, caressant doucement le visage de ma fille, et tentant de trouver sommeil et repos.
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Larouchka
[Luxeuil. Amoureuse. Confession.]

Les draps étaient encore froissés de notre délicieuse nuit. Le regard perdu sur la couche délaissée, je réfléchissait à comment tourner mes mots. Ma marraine était la plus vertueuse des femmes, nombre de fois je l'avais choquée, outrée, mais là, j'avais beaucoup à lui dire et je savais qu'elle en serait très peinée. Mais comment reculer. J'aimais celui qui était devenu officieusement mon époux. Ma marraine ne verrait certainement pas les choses de la même façon. Il fallait pourtant que je crache le morceau.

Un pli sur le front, tournicotant ma langue dans ma bouche. Je m'attelais à la tâche.




Ma très chère nonnette, ma marraine chérie.

Alors que je fais un petit voyage en Empire, l'envie me vient de vous écrire. Comment vous portez vous? Je sais que bientôt vous voyagerez avec Sylphaël, surtout gardez-le à l'oeil. C'est encore un enfant pour beaucoup de choses et il a besoin d'être encadré, guidé. Seule, j'ai bien du mal à y faire face, je suis sûre qu'être avec vous lui fera du bien.

J'espère que votre époux et votre fils vont bien. Je pense à vous et à votre famille souvent, je prie pour vous aussi, récitant les prières que vous m'aviez confiées.

Ellya, cette lettre n'est pas anodine, ce que je vais vous écrire va sans doute vous contrarier grandement et même vous peiner. Mais n'oubliez pas que je ne suis pas comme vous et que bien que je fasse de mon mieux... je suis loin d'être aussi vertueuse que vous.

Je vous avais parlé de cet homme dont j'étais éperdument amoureuse? Ce parfumeur, jeune et tellement merveilleux. Nous nous sommes mariés officieusement au début de ce mois. Je sais que pour l'Eglise ça n'a aucune valeur, mais plus tard, nous comptons officialiser la chose.

Et Gabriel me direz-vous. Je l'aime toujours, avec une grande tendresse et il m'aime aussi. Il se sacrifie, pour mon bonheur. C'est affreux, je sais et vous allez sans doute me dire que l'enfer lunaire m'attend, mais je suis telle que je suis et ma passion pour mon amour, je ne pouvais pas survivre en la vivotant, il faut que je la vive pleinement, d'autant plus que je porte son enfant.

Je vous conjure de ne pas me tourner le dos, j'ai besoin de vous, de votre foi, de votre vertu. Avec Gabriel, vous êtes les deux qui m'ayez sauvée d'une vie de débauche ou je me serais perdue. Et pour celui que mon coeur aime, je serai fidèle.

Pardonnez-moi. J'espère pouvoir vous présenter mon amour lorsque nous nous verrons. Je suis sûre que vous l'apprécierez et que vous comprendrez.

Toute mon affection.

Lara


Je soupirai et fini de poudrer et de cacheter le vélin. Peu à peu je maîtrisais de mieux en mieux l'écriture, j'espérais avoir su manier les bons mots pour que ma soeurette ne fasse pas grise mine.
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Ellya
J'aurais voulu vous dire que j'étais heureuse pour vous.
J'aurais voulu vous dire de continuer ainsi.
    Mais déception et amertume ne permettent pas de dire tout cela.



Courrier du jour, ma sœur!

La désignée releva la tête de sa bouillie infâme tenant place de petit déjeuner pour attraper les deux lettres que le Veilleur lui tendait. Elle lui souhaita bon départ, lui promit de prier pour qu'il ne lui arrive rien tandis qu'il retournait sur ses pas pour aller chercher la filleule abandonnée. Que serait un pèlerinage sans couac? Pour le coup, ils les accumulaient. Mais ils avaient la foy, alors rien ne les aurait arrêté.


La nonnette prit une nouvelle bouchée, habituée maintenant à cette mixture pâteuse, tout en décachetant la première lettre. Rien d'excitant mais la lecture suffit à lui arracher un sourire tandis qu'elle prenait une gorgée de bière. Elle posa le message près d'elle et entreprit la lecture du second. "Blablabla envie me vient Blablabla guidé Blablabla *une gorgée de bière* être avec vous Blablabla fils vont bien *une cuillèrée de bouillie* Blablabla vertueuse que vous *une gorgée de bière* mariés."

Le mot lui fit l'effet d'un coup de poing dans le bas ventre; elle recracha le blond liquide sur Zigouilli, le cochon de secours, qui passait près d'elle. Après avoir toussé, recraché, retoussé, les joues rouges et les yeux larmoyants, elle s'efforça de lire de nouveau la lettre. Était-ce "MARIES" ou "OFFICIEUSEMENT" qui lui brûlait le plus les yeux? Difficile à dire. Après s'être assurée qu'elle ne se trompait pas sur le sens des mots (car elle avait du mal à lire ce qu'elle comprenait, ces temps ci), elle se fit violence pour parvenir à s'en détacher pour arriver à la fin de l'annonce.

Le "pardonnez-moi" lui fit l'effet d'une claque. Devait-elle pardonner? Vraiment? Alors qu'il n'y avait là qu'un échec de plus?



...Tu vois Zigouilli, c'est bien le plus malheureux. Les hommes sont incapables de se contenter du peu de bonheur qu'ils ont. La nouveauté leur fait toujours défaut. Dès qu'ils le peuvent, ils courent s'y vautrer. Fols.
Que ne suis-je restée près d'elle...


Le rachitique cochon grogna son assentiment tout en se frottant le museau au sol.

Certes, elle était sa marraine. Mais n'était-elle pas témoin de son officiel mariage avant tout? Ou après? Et dire qu'avoir une filleule putain lui aurait permis d'avoir la satisfaction de ramener sur le chemin de la vertu la pire engeance qu'il soit! Car il fallait l'avouer. Si elle mettait volontiers de côté cet aspect là de sa si jolie Lara, la lettre n'avait fait que le lui rappeler à la mémoire. Vivement. Un homme au lieu de plusieurs autres, certes. Mais pour en abandonner un meilleur! L'idiote.
Alors les mots se mélangèrent à ceux qui lui avaient tenu son vil orfèvre, quelques mois plus tôt. Fallait-il que les catins empiètent toujours sur la bonne volonté des gens?

La douce religieuse en proie au dépit se saisit d'une plume et gratta sa désillusion à grands gestes.





Filleule,

Que diable savez-vous de la fidélité?
Vous êtes incapable d'être fidèle au moindre de vos engagements et, évidemment, je ne mentionne ici que ceux dignes du chemin de la vertu. Les autres, oui, sûrement, vous vous y tenez vaille que vaille. Un mariage hérétique? Car il faut qu'il le soit pour ne pas être officiel. Un bâtard? Et tout cela à la vue de votre légitime époux. Avez-vous perdu la raison?

Le pardon n'est pas ardu à vous offrir. Mais retrouverez-vous l'estime?

La passion vous perdra.

Je vais prier pour votre salut. Prier pour cette porte que je vous avais ouverte et que vous avez claquée. J'ai échoué et la faute est mienne.
Je n'oublie pas ce que vous êtes pour moi. Je m'en tiendrai à mes promesses. Votre fils sera bien entouré le temps du pèlerinage. Nous nous reverrons peut-être dans les mois à venir. Si ce n'est le cas, je vous écrirai un jour.

Votre marraine.

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Larouchka
C'est prise par un certain malaise que j'écrivis cette lettre à ma soeurette. Sa réponse à mes aveux m'avait plongé dans un profond trouble et, même si la présence de Beren et la joie du quotidien à ses côtés me comblait, souvent je fixais un point et songeait à celle qui était ma marraine. Mal.



Ellya,

J'aurais voulu vous dire que malgré la froideur qui vous habite à mon égard, mon coeur n'en est pas moins rempli de vous, de votre souvenir.

J'aurais voulu vous dire que, même si je ne suis pas parfaite, même si la vie a fait de moi ce que vous pensez être une débauchée, je n'en suis pas moins sincère.

J'aurais voulu vous dire que, pour toujours, je serai votre amie.

Toute mon amitié.

L

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Ellya
J'aurais voulu vous dire que, l'espace d'un instant, j'ai cru que ce serait possible.
J'aurais voulu.



Une ènième journée débutait, par les cris du cochon domestiqué et de ceux du Veilleur sauvage. L'un grognait qu'il n'y avait pas assez à manger; l'autre se plaignait de l'inconfort des cailloux qui l'avaient empêché de dormir. La blonde Duranxie, debout et alerte depuis que le soleil avait frôlé l'horizon, dardait son regard sur la route qui menait de Sarlat à Saintes.
A son cœur, un battement irrégulier et maussade.
A son cou, une chaîne de mensonges.
A sa main, une lettre intacte.

Le barbu de Kro la lui avait donnée la veille, sans même la lire au préalable, probablement préoccupé par la composition du pâté saintais. Du moins ne pouvait-elle imaginer que cette raison-ci, pour le mettre dans un tel état.

Elle avait reconnu l'écriture encore un peu maladroite de sa Joie de filleule. Alors elle avait hésité, puis reporté. Fallait-il vraiment qu'elle l'a lise? Lui cracherait-elle à son tour un "pourquoi vous ai-je seulement aimé un jour?". Son regard nuageux se posa sur la lettre si menaçante. Et si c'était le cas? Supporterait-elle la réalité crument énoncée? Par tous les Saints, pourquoi faut-il que mon si cher pèlerinage soit si ardu?

Elle s'apprêtait à affronter les mots de Lara quand se dessina à l'horizon l'aspect courbé d'un homme essoufflé, s'appuyant sur sa canne plus que de mesure.
Boum. Boum. Boum.
La nonnette déglutit péniblement, les mains moites et les yeux honteusement baissés. Non, en vérité, elle n'était pas prête à lire de nouveaux aveux, quels qu'ils soient. Mauvais et violents, imaginait-elle. Alors elle se glissa près de la besace de son frère Cistercien et y glissa la lettre au sceau intact, avant de se retourner pour mieux accueillir l'origine de ses maux.


Bonjorn, Georges.
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Ellya
J'aurais voulu vous dire de venir pleurer sur mon épaule. Mais pleurerez-vous, seulement?







A vous, dauna Larouchka Woodland, épouse de Gabriel Woodland et mère de ses enfants

De nous, Soeur Ellya Watelse de la Duranxie, Sacristine de Marmande, Prieuse du Prieuré Sainte Illinda du Rivet, Aumônière de l'Ordre Equestre du Saint Sépulcre en la Chapelle Saint Francois, Ambassadrice apostolique en la Province de Guyenne

Ce jour du 28 juin de l’an de Grasce 1460, l'âme de votre époux a rejoint les bras de l'Éternel pour y mener sa seconde existence.
Sa vie lui fut ôtée par des brigands sur la route menant de Genève à Saint-Claude.

Son décès nous ayant été confirmé de source sûre, affirmons par la présente la mort de Gabriel Woodland, baptisé le 22 octobre de l'an de Grasce 1458 par Monseigneur Beeky Maledent de Feytiat en l'église Notre Dame des Dunes.

Il vous revient de prendre la plume pour contacter ses huit frères, sa soeur, et toute personne que vous jugerez digne de savoir, afin de leur apprendre la date de son enterrement aristotélicien. Date qu'il vous conviendra de choisir, le plus tôt possible étant le mieux.

Que Sainte Illinda veille sur vous.

Fait sur les routes, le 3 juillet de l'an de Grasce 1460.

Soeur Ellya.



Aucune note personnelle ne fut ajoutée à la patte du pigeon. Sa tendre, douce, joyeuse filleule avait tué son époux pour la sotte Passion. Et la nonnette ne comprenait pas.
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Larouchka
"J'aurais voulu vous dire... qu'il n'est pas trop tard."

Ce sont des mots rageurs que je jetais sur le papier en cette sombre nuit. Printemps 1461. Pourtant, ce n'était pas le printemps dans mon coeur. L'orage grondait et cette souffrance, tenace, douloureuse. Je priais de toute mon âme pour que quelqu'un m'accorde la mort. Pitié, abrégez mes souffrances. Plaie béante et vivante, je n'étais plus moi-même. Beren n'était plus lui-même non plus.

Où était-il celui que j'avais tant chéri. Où était-il le doux, le tendre, l'attentionné, le jeune homme délicat et maladroit que j'avais rencontré, l'amant passionné et fougueux qui ne voyait que moi, qui n'aimait que moi? Dans d'autres bras, sûrement... et moi, j'étais vide de lui, de son absence, de ses mensonges. J'avais envie de mourir, mais pourtant, je ne pouvais m'y résoudre. Et mes enfants? pouvais-je les abandonner alors qu'il n'y avait plus qu'eux? Elisette... fille de Gabriel... Gabriel.. Gabriel.. penser à lui réveillait ma culpabilité et une souffrance de plus.

Je n'avais plus personne pour me confier, plus d'amis, plus d'amies, de près, de loin, je me méfiais de tous et de chacun alors j'avais pris ma plume pour écrire à la seule, la seule que je n'oubliais jamais.




Ellya...

Vous aviez raison... je suis une infidèle, une hérétique, l'estime de moi, je l'ai perdue. Je n'ai plus rien, je ne suis plus rien. Je suis maudite, perdue, par cette maudite passion. Vous aviez raison, mais ce n'est pas vous qui avez échoué, c'est moi, moi qui ne suis qu'une putain.

Vous ne m'avez plus écrit... depuis longtemps, je présume que vous m'avez rayé de votre coeur, comme vous l'avez fait de votre vie. Vous avez eu raison de le faire. Une sainte femme comme vous n'a rien à faire avec la fille du Sans Nom.

Je ne sais même pas pourquoi je vous écris. J'attends la mort et elle ne vient pas. Personne n'a pitié de moi et je n'ai pas le courage de m'ôter la vie... Lâche, jusqu'au bout.

Adieu, je retourne à mes péchés, à la luxure, l'orgueil, l'égoïsme, au mensonge. Le soleil ne brillera plus jamais pour moi, merci de ce que vous avez fait.

L.


Froidement, stoïquement, le vélin fut plié, confié à Jean, le jeune valet que je m'étais choisi. Je lui lançais un regard vide et lui dis d'une voix blanche.

Envoie ça et fais vite.

Une fois le garçon parti, je retournais près du feu. Pourquoi avais-je toujours froid, pourquoi Beren me manquait-il tant... Celui que j'ai aimé était mort et je devais faire mon deuil. Mon avenir se construirait sans lui et je devais encore me battre, pour mes enfants.

_________________
Ellya
J'aurais voulu vous dire de me pardonner. Et de m'aimer encore un peu.

Seule dans sa couche bien douillette, trop douillette, la religieuse se repassait en mémoire les événements de la veille. Son cher Théo était arrivé. Aussitôt, elle lui avait avoué à demi-mot ce qu'elle ourdissait contre son vil époux. Mais sa jubilation avait rapidement tourné en désarroi quand il lui avait lui-même annoncé partir embrasser la mort. Pour un combat. Pour l'amour. Son cœur avait balancé entre les rires et les larmes. Quelle tragédie de se sacrifier pour ce sentiment qu'elle prêchait chaque jour mais auquel elle avait renoncé. Elle comprenait, un peu. Trop peu.
Mais ce soir dans son lit trop grand et trop froid, elle regretta.
Sacrifierait-elle tout par amour, aussi? Sa raison trancha. Non. Le seul sacrifice serait le vieillard. Ou son nom, du moins.

Toc Toc Toc

La Duranxie pressa ses mains fragiles contre ces oreilles. Foutus volatiles. Un message du maire encore, probablement. Ou d'un de ces partis politiques qui foisonnaient. Ils arrivaient à toute heure du jour... Et de la nuit aussi, apparemment.

Toc Toc Rrrouuuu Rrouuuuuu


Peste soit de mon sommeil! S'il pouvait être assommant...

Luttant pour ouvrir ses paupières trop lourdes, elle agrippa le premier châle à portée de main pour recouvrir sa chainse de nuit avant d'aller ouvrir à l'oiseau grisâtre.
Après avoir récupéré la petite lettre, elle alluma une chandelle à moitié fondue. Ce serait une corvée de moins au réveil.


Quelques minutes plus tard, elle était penchée au-dessus de son écritoire. Pressée.




Ma douce filleule.

Qui suis-je pour vous juger? Je ne déments pas l'avoir fait. Non. Mais ce n'était guère raison suffisante pour vous abandonner. Car mon silence ne fut rien d'autre qu'un impardonnable abandon.


Elle releva sa plume, le cœur battant. Elle se rappelait vaguement d'un courrier emprunt de courroux qu'elle lui avait adressé. Lara s'était mariée sous des lois qui n'avaient rien d'aristotéliciennes et la religieuse lui avait jeté le blâme. Mais n'était-elle pas elle-même liée à un hérétique?
Elle se souvint alors d'une réponse qui lui était parvenue et qu'elle n'avait jamais lue. Où était-elle à présent?




Vous n'étiez qu'Amour et je vous ai nommée Passion. Et vous voilà à présent Tristesse alors que tout votre être n'aspire qu'à la Joie. J'ai pitié de votre souffrance et j'ose espérer que vous avez pitié de mes remords.
J'ai échoué doublement. Mais cela ne sera plus le cas. Je vous le promets.

Attendez-moi comme j'attends d'être auprès de vous.
Tout s'arrangera.

Que Sainte Illinda vous garde,
Ellya.

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