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[RP] Quand la science rime avec ténèbres et funèbre

Bisac
[Nevers, Duché de Bourgogne]

La pluie venait frapper la vitre de la chambre. Elles s'éclataient dans un claquement sonore contre les carreaux avant de se laisser couler, de se laisser tomber, indéfectiblement soumises aux lois de la gravité, vers les pavés de la rue.
Quelques coups de tonnerre grondaient plus loin dans la vallée. Le brusque retour des chaleurs du mois de mai s'accompagnait de ces orages d'ordinaire ponctuant les étés.

Confortablement installé dans un fauteuil curule, le maistre de la demeure faisait grincer une plume sur un vélin. Une coupe d'étain, à portée de main, arborait fièrement son contenu, un délicat vin d’Italie gorgée du soleil de Calabre.

La porte de la chambre s'ouvra et une femme d'âge mûr entra.

Maistre !! Mais vous n'y voyez pratiquement rien dans cette pénombre.

Hum ... ah oui et bien allumez deux ou trois bougies supplémentaires voulez-vous.Lâcha l'homme sans daigner lever les yeux de son vélin.

Vous allez finir par vous tuer vos yeux ...

Et la domestique de sortir deux bougies de suif et de les disposer sur le bureau d'Aymé. A l'aide d'une chandelle déjà allumée elle embrasa la mèche des bougies.

Voila qui est de suite plus commode ! Autre chose maistre ?

L'homme quitta enfin son parchemin des yeux.

Merci bien Mariette, ce sera tout pour ce soir. Montez dans vostre chambre, passez une bonne nuitée.

La bonne nuit à vous aussi maistre.

La domestique claqua la porte et laissa le praticien à son oeuvre. L'homme en question était Aymeri Bisac, médecin royal et médecin chef du dispensaire de Bourgogne. Il vivait à Nevers, dans une cossue maison du centre-ville, entouré de ses deux domestiques, Mariette et Jean.
Sa vie de bourgeois aisé de province était douce et agréable, Bisac ne manquait de presque rien. Il aspirait bien à une petite évolution de classe sociale et se verrait bien octroyer un fief. Nul besoin d'estre pressé, tout vient à point de qui sait attendre.

Le praticien porta la coupe d'étain à ses lèvres et le vin ambré glissant le long de son oesophage lui procura un ténu sentiment de plaisir.
Il se concentra à nouveau à sa missive et après plusieurs longues minutes, un pigeon s'envola de la chambre du médicastre...


[A plusieurs centaines de lieues de Nevers, quelque part dans le domaine royal]

Le faible vent faisait vibrer les plumes du pigeon messager. Le volatile survolait de vastes plaines où quelques chaumières paysannes semblait estre le seul signe de vie. Soudain, l'oiseau remarqua une forteresse massive avec murs, tourelles, lourdes portes et pieux. Un claquement d'ailes et le pigeon s'approcha des jardins, les roucoulements de ses congénères l’appellent mais le volatile a une mission, délivrer son message. Il s'arreste à une fenestre, croit distinguer une dame de l'autre côté de la vitre et frappe de son bec quelques coups sur le carreau de verre.
A sa patte, une missive.



Citation:
A l'intention de dòna Eliane Piccolini, Directrice du Purgatoire,
De maistre Aymeri Bisac, médecin royal.

Dòna,

Sincères salutations,

Je me permets de vous escrire ce jour car j'ai eu vent de la création de cette prison, le Purgatoire.
Je me nomme Aymeri Bisac, médecin royal de profession.

Avant d'aller plus loin dans ma missive, il me parait intéressant de préciser que c'est sous le sceau du secret le plus absolu que je vous écris, aussi apprécierais-je grandement que le contenu de nos échanges épistolaires ne soit point délivré à la croupe populaire.

Je suis au fait que les prisons du royaumes ne sont point reconnues pour la longévité de leurs pensionnaires, ainsi j'aurai besoin de vos services.
Pour des raisons qui me sont propres il me faudrait des corps et surtout un endroit calme et peu fréquenté pour y "travailler" dessus. En conséquence de quoi vous me verrez fort satisfait de trouver en vous une personne apte à satisfaire mes demandes et peu regardante sur mes activités. Rassurez-vous dòna Piccolini, je n'ai que peu confiance en l'âme humaine, aussi je me propose de vous verser cinq-cent écus pour chaque utilisation de vos locaux.
Il s'agit là d'un marché fort honneste. Pour vous de l'argent sonnant et trébuchant pour moi de la "matière première"et une pièce isolée.

Je reste à vostre disposition pour convenir d'une rencontre.

A Nevers, le VII Mai MCDLX

En vous assurant de ma sympathie réelle.
Vostre dévoué.
Eliane_
Aménagement des lieux, constructions et réflexions. Le Purgatoire s’adapte à ses habitants et à cette perspective visant à soigner les prisonniers et à les maintenir en vie.
Eliane n’est pas vêtue de sa robe à la taille cintrée, bien au contraire, la tenue est celle de ses hommes, plus fonctionnelles que séduisantes. Les manches remontées jusqu’au coude, le Lys est avoué et les braies et sa chemise sont aussi tachées que celles de ces compagnons du dimanche. Ils s’improvisent bâtisseurs pour diviser la salle de réunion en deux et faire un local à Aethys, un local réservé à la médecine.

Lourdes pierres, liant et poussière, voici à quoi ressemble sa journée. Les doigts d’artistes sont abimés, le visage et la gorge s’enlisent dans la poussière, c’était le prix à payer pour faire de ce lieu, le berceau d’une fratrie. Loin d’elle l’image d’une Directrice qui ne se mouille pas et ordonne sans se salir, au contraire, la main est mise à la patte et les gouttes de sueurs perles sous le travail qui ne manque pas.
Le ménage, la disposition de l’établi, de la table centrale, des étagères, des vasques…Tout y passe pour que finalement, après une journée de travail intensive, tous réussirent à achever la pièce.

Finalement la salle se présente comme étant vaste et fonctionnelle. Le long du mur gauche, un établi de bois d’une longueur de quatre mètres, au centre une table pour y déposer le corps ou le prisonnier, sur le mur du fond entre deux chandeliers un bureau et une mobilier recouvert d’une large vasque. Et enfin, sur le mur de droit, deux larges étagères pour y déposer le savoir et les résultats de recherches avancées et interdites.

Pour le repos, tous savourent une bonne rasade d’alcool, Eliane comprise. Le plaisir est simple à cet instant. La bière venant nettoyer sa bouche et sa gorge des résidus, désaltérant son esprit et sa panse devant le travail qui fut effectué.
Quelques rires s’échangent, presque amicaux, presque taquins sans pour autant que chacun oublie sa place. Puis le plaisir se fait plus pressant, celui d’un bain, de pouvoir enfin reposer son fessier sur une chaise et souffler quelques minutes.

La Directrice rejoint donc son annexe et se fait oublier. Aucun ordre, sinon celui de lui foutre la paix une bonne heure et demie. Silence et eau chaude, une union qui devient parfaite, une fois accompagnée de sels pour décrasser la peau. Bulle de répit et d’air, où enfin l’on peut être fier de l’avancé des lieux.

Puis comme pour troubler cette béatitude, un bruit se fait entendre sur sa fenêtre. D’un relèvement de tête, elle voit alors le volatile qui s’agite et agresse le carreau de quelques coups de bec. Surprise étonnante qui la force à quitter l’enveloppe ruisselante et à opter pour le tissu. Elle ouvre et s’empare du volatile et de la missive accrochée à sa patte. La bête attend, le temps de la lecture et le visage d’Eliane s’éclaire d’un sourire. Voilà que cet homme la prend par les sentiments.

Le Purgatoire avait su alors parvenir jusqu’à son oreille, la reconnaissance du lieu se fait donc petit à petit. Sans parler qu’il lui offre une occasion en or, celle de pouvoir allier écus et plaisir malsain. Tout le monde allait être gagnant, c’était certain.
Elle allait pouvoir conserver quelques écus pour payer les hommes et améliorer les lieux. Aethys allait pouvoir s’instruire également, peut-être même qu’ils pourraient partager quelques connaissances. Mais outre cela, il lui offre sur un plateau d’argent, le Malin. Cacher cet homme et ses activités, faire avancer la recherche au détriment de la pensée Religieuse…Instruire au détriment de la profanation de l’âme…

Grande inspiration, air frais et d’autosatisfaction qui s’immisce en elle et voilà que la plume est prise, le vélin posé sur la table…L’Italienne est flattée et emballée. Qu’il vienne donc ce médecin Royal mais qu’il n’oublie pas qu’ici…aucune autorité autre que celle des Bourreaux n’est acceptée et tolérée.





À vous, Signore Aymeri Bisac,
Médecin Royal
    Soyez rassuré dans un premier temps que les mots posés et ceux qui furent reçus seront à jamais scellés par le silence.
    Je suis agréablement surprise par votre missive et encore plus par votre proposition.

    Il va de soi que pour vos activités, nous avons la matière première qui vous faut, et que celle-ci ne manque pas. Beaucoup arrivent dans un état déplorable et succombent avant même d’avoir l’exécution même de la sentence. Nos fosses sont donc régulièrement remplies et vidées. Vous aurez donc, de quoi faire.

    Je tiens à préciser que nous avons des locaux aménagés depuis peu pour notre barbier et que vous trouverez ainsi tout le confort nécessaire à vos recherches. Ce qui se produira entre ses murs ne regardera que vous et n’engagera que votre personne et cela tant que l’argent sera versé.
    Toutefois, je me dois de vous préciser une condition qui ne peut être exclue et refusée.

    Le Purgatoire est un établissement indépendant, où de ce fait, aucune autorité autre que celle des bourreaux et la mienne, sera tolérée.
    Ce lieu est Notre et sera mis à Votre disposition et vous en disposerez comme bon vous semble, selon la disponibilité même de la salle.

    Sachez également que je suis femme de parole et de poigne, signore Bisac et le secret sera conservé car il en va également de l’intérêt du Purgatoire et du Mien.

    Ceci étant dit, je vous propose donc de venir par vous-même, visiter les lieux et vérifier du sérieux de ces derniers.
    Je vous convie donc le X de ce même mois aux portes du Purgatoire.

    In attesa di una Vostra gentile risposta. * Dans l'attente de votre réponse





Le parchemin est séché puis attaché précautionneusement à la patte du volatile qui retrouve alors sa liberté et sa mission. Etrange satisfaction que celle qui est sienne à cet instant. Celle où enfin la satisfaction est là et s’accroche à son esprit.
Le Purgatoire avance….

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