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[RP] Kimiad, bihanig-me *

Anaon
[ Attention, le thème de ce RP peut heurter la sensibilité de certain joueur ]
    On entend que le silence trompeur des nuits sauvages. L'audace d'une brindille qui craque, la complainte du vent qui s'apitoie dans les branches. Ce ne sont que de frêles brèches qui viennent entaillées le cocon muet dans lequel elles se sont lovées. La nuit est claire, la lune féconde, exhibant sa panse ronde et laiteuse dans le ciel parsemé de gemme blanche. Et plus bas sur terre, à l'écart du chemin, là où un ancien sentier de traverse se perd sur une nappe herbeuse surmontée d'une éminence boisée, un maigre feu dispense sa lueur chaleureuse.

    La clarté accroche les arrêtes du visage qui baignent dans le halo des flammes. Les mains lumineuses sculptent ses courbes, creusent ses vallons redonnant aux traits marmoréens une aura sibylline. Les mains croisées font un appui au menton et les coudes reposent sur ses genoux nonchalamment repliés. Les azurites se perdent dans le ballet envoutant des langues de feu qui étirent leur ombres dansantes jusqu'aux silhouettes assoupies de ses compagnes de voyages. Le calme qui les étreint est enivrant, délicieusement reposant. Doux silence, meublé du crépitement furtif des branches calcinées et de quelque murmures disséminés dans les bois. Un soupir dans un sommeil et le regard de la balafrée se pose sur les corps endormis.

    Les deux femmes reposent sur leurs paillasses végétales, lovées dans un sommeil plus ou moins profond. La balafrée, elle, rentabilise ses insomnies. Sommeil et Anaon ne font pas souvent bon ménage, il est alors tout naturel que l'aînée veille sur ses comparses. Elle est loin des semaines blanches qui bordaient ses yeux d'auréoles sombres, mais elle est toute aussi loin des soirées reposantes qu'elle savourait quand elle se drapait dans les voiles de Petit Bolchen. Et ce soir comme souvent, l'esprit se tracasse.

    Les regard s'appesantit sur les courbes du Chardon. Si la mercenaire ne connait rien de la seconde femme qui partage leur route, elle commence peu à peu à entrevoir l'essence de la provençale. Et si entre Anaon et Judas c'est l'histoire tortueuse d'un "je t'hai-me", avec cette femme, elle n'est plus très loin du compte. Cerdanne. Elle devient peu à peu la bonne copine qu'on rêverait un jour de pouvoir étrangler. Cette nuit pourtant, c'est sans doute l' Anaon qui portera les doigts de la provençale en parure organique.

    Dans le silence, la silhouette se délie, abandonnant flammes et veille, et à pas feutrés elle se rapproche des montures. Une main se tend, attend et un nez cajoleur vient fureter sur la peau de lys qui s'offre à ses caresses. Les doigts se referment affectueusement sur les naseaux frémissant avant de remonter le long des veines et cicatrices qui tavèlent le poil doré. Les mains s'activent alors à seller l'ibérique dans la plus grande discrétion puis les doigts se referment sur les rênes du filet.

    La mercenaire ne se vante plus depuis bien longtemps d'être femme de confiance. Le Chardon lui en voudra très certainement d'avoir abandonné sa veille. Pour peu qu'elle s'en rende compte. Le feu se sera sans doute fait cendre quand la balafrée reviendra au petit campement. Qu'importe, à cette heure ses pas s'enfoncent dans l'obscurité.

    Le séant ne trouve le confort de la selle qu'après s'être éloigné suffisamment de leur point de chute,et quand la distance lui semble raisonnable, la balafrée envoie sa monture au trot. La nuit est claire, lune et étoiles scintillent, assez pour que les azurites de la femme s'y retrouvent. La main reste néanmoins légère sur le mords. Bien que sa monture se fait souvent jocrisse, l'Anaon fait pleinement confiance à ses sens pour éviter les embûches de la route qu'elle ne peut pas voir. Bien vite pourtant, la balafrée quitte le confort du chemin pour couper à travers bois.

    Elle avancera pendant bien une heure avant d'arrêter l'étalon au milieu d'une minuscule clairière. Le regard se perd dans les astres qu'elle analyse avec sérieux puis lentement elle met pied à terre. Une main guide Visgrade qu'elle attache près d'un arbre puis les doigts délacent de la selle la petit sacoche qui s'échoue dans l'herbe. Elle en extrait de quoi s'acharner à allumer une torche qu'elle plante au cœur de la petite étendue. Et sans plus attendre, l'Anaon s'affairent à rassembler branches et brindilles qu'elle dispose près de la torche en un minuscule autel de bois.

    Les mouvements assurés de la mercenaire s'arrêtent net de temps à autre pour tendre l'ouïe aux bruits suspects qui s'échappent de la forêt. Et quand son étrange besogne est achevée, la Roide allume à l'aide de la première une autre petite torche. Elle se relève alors et d'une claque amicale sur l'encolure, la cavalière rassure sa monture bien vite abandonnée.

    Si son sens de l'orientation s'avère toujours aussi excellent, la mercenaire devrait très vite tomber sur le petit relais visité il a bien des lunes de cela. Et en effet après quelque minutes de marche, une battisse se découpe à la faveur de la lune. Une lueur carmine filtre des fenêtres caressées par la lueur d'un âtre qu'elle devine. La femme se fige, tentant de voiler le halo de son flambeau derrière le bois d'un arbre. Les azurites cheminent sur le jardin obscure qui s'épanouit en contre bas. Si elle se fie aux dires de Nyam... L'azur se scelle sur une masse sombre. Avec précaution, la balafrée entame sa descente et se rapproche de l'objet de son intérêt. Et les talons se plante net dans la terre.

    Une pierre sombre repose aux côtés d'un minuscule monticule de terre cerclé de pierre, sans doute blanche sous la lumière du soleil. Immobile, l'Anaon demeure contemplative. Étrange sensation qui l'éteint. Indescriptible. Émotion sur laquelle elle ne peut poser aucune nom. A moins que ce ne soit justement qu'un manque de ressentit, et c'est ce qui lui paraît tellement étrange. Le corps s'ébranle avec une infime précaution. Sans plus se soucier des regards lointain qui pourrait l'apercevoir, la mercenaire s'agenouille devant le tertre minuscule. Le flambeau est planté à même sol, et les mains viennent reposer sur le plat de ses cuisses.

    Instant de vide contemplation. La pulpe des doigts vient frôler les pierres d'une caresse presque hésitante puis se perd dans la chevelure herbeuse qui recouvre l'amas de terre. Profonde inspiration. Et les doigts s'enfoncent avec lenteur dans l'épaisseur de glèbe. La main trace ses longs sillons indolent dans la terre de son souvenir. Sous l'œil inquisiteur de la lune, la terre est patiemment dégagée.

    Méthodique scandale.


* Breton: Adieu, mon tout petit

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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III - [Clik]
Cerdanne
Elle ne dort pas la Provençale.
Recroquevillée tel un chat, elle offre son dos à la chaleur des flammes, les yeux mi-clos, elle veille.
Tranquillisé par tous les menus bruits de la nuit, elle s’étire un peu, et laisse échapper un léger soupir de bien être.
Pour mieux reprendre sa veille, entre deux assoupissements.
Elle sait Anaon attentive à la garde du camp, mais elle aime à laisser cheminer son esprit entre les rêves et la voute étoilée.

La roide a beau être discrète, elle l’entend quand même s’éloigner des flammes.
Immobile, elle écoute le moindre de ses mouvements, mettant un nom sur chacun de ces gestes.
Les yeux fermés, elle devine, elle projette et se prépare à faire la même chose qu’elle.

Lui laisser prendre un peu de distance, elle peut se le permettre.
La lune, ce soir est de son coté.
Sans plus de bruit que celui d’un dormeur qui s’agite, elle s’éloigne tout comme la Roide de la chaleur du foyer.
Un regard appuyé sur la forme étendue de Bertrade, une main qui pose sur le feu de quoi entretenir les flammes un peu plus longtemps sans personne et son ombre discrète rejoint les chevaux attachés un peu plus loin.

Elle ne prend même pas le temps de seller sa monture.
Par chance, Cerdanne a su trouver un terrain d’entente avec cet étalon au caractère ombrageux.
Question de confiance surement.
Le détacher, le rassurer d’un murmure, d’une caresse, avant de mêler ses doigts à sa crinière et la brune, d’un bond se hisse sur son dos .

Couchée contre l’animal, elle suivait de loin en loin la silhouette qui se détachait sous la lune.
Celle-ci ronde et blafarde les suivait de sa mine rebondie et vu du ciel leurs deux silhouettes devaient prêter a sourire.
L’une derrière l’autre, s’arrêtant de concert. Repartant de même.

Jusqu'à cet arrêt après une longue course.
Dissimulée par l’épaisseur de la foret, elle l’ observe intriguée.
La roide, doit se sentir suffisamment loin du camp pour se munir de torche qui la laisse visible. Pour même y installer un camp improvisé pour sa monture.

Les mains de la Provençale, rassure, cajole à nouveau son étalon qui s’impatiente et lorsque la luciole que tient Anaon devient point minuscule, elle s’approche à son tour de la clairière.
Les deux chevaux se retrouvent, attachés comme à l’ordinaire cote a cote et bien vite laissé là par la brune.

Le regard marine, fixé sur le point de lumière qui danse, elle parvient enfin à se rapprocher d’elle.
La maison, elle prend le temps d’en faire le tour avant de lentement, retrouver la mercenaire et se couler derrière elle.

Aplatit sur le sol, elle cherche à comprendre ce que la bretonne peut bien chercher là…
Quoique ce soit, elle s’en fout la Provençale.
Elle n’est pas là pour réclamer la part d’un butin éventuel.
Elle est là parce que cette femme là est sa meilleure ennemie.
Pas question de la laisser se salir les mains sans elle.

La roide est tellement occupé à gratter son lopin de terre que Cerdanne aurait tout aussi bien pu arriver en sifflotant.
Elle choisit pourtant de se couler à ses cotés.
Assez loin pour éviter une réaction de défense brutale et s’agenouille tout comme elle.
Penchant son visage vers la lumière pour être reconnue et acceptée.
Son regard bleu,lui, étrangement fixe et posé sur le visage blafard de la roide, proposait son aide.


Anaon
    *

    Elle éventre sans remord les entrailles de la terre, le visage immobile, grave d'une concentration toute professionnelle. Les doigts labourent, retournent et dégagent, la précaution laisse peu à peu place à une détermination méticuleuse. Ongles maculés de terre, elle s'en saignerait les doigts. La fosse se creuse sous les mains vandales qui se crispent à chaque enfoncée d'une appréhension palpable. Non, l'Anaon n'entend ni ne voit ce qui se joue autour d'elle, l'esprit accaparé par sa fouille macabre.

    Il lui faut un instant avant que les gestes ne se figent. Et son regard demeure résolument planté dans le creux de la glèbe. Douche froide qui lui tire un frisson subreptice. Quelques respirations coupables s'écoulent et les azurites se tournent vers le visage qui se révèle à la lueur du flambeau. Les azurs s'arriment dans le bleu-outremer des perles provençales. Les traits de la Roide sont figés, pareils à l'expression inquiète d'une biche prise aux abois. Long échange silencieux de regard qui parlent et de bouche qui se taisent.

    Le visage stigmatisé se détourne alors, retournant à la terre, sans chasser l'être qui la rejoint. Témoin silencieux de l'acceptation à la confidence. Les mains quand à elles s'activent de nouveau avec une ferveur claire qui exprime tout leur désir de continuer seules leurs offices. Et aux doigts de remuer encore les tripailles de la Grande Mère sous l'œil gênant de la Provençale.

    Nyam ce jour-là lui a parfaitement bien désobéit. La Frêle semble avoir sut creuser une fosse profonde et la balafrée craint de ne jamais en voir la fin... à moins que le cercueil de terre n'ai plus rien à contenir en son sein. Dans le fond, l'Anaon n'est pas mauvaise femme, ce n'est qu'un être à l'esprit gravé de plus de superstition que tous les grimoires de France ne pourraient en contenir. Pour elles, Korrigans, Grand'Goule, Galipotte et autre sont aussi réels que le corps de Cerdanne agenouillé à coté d'elle. Ce que la balafrée craint aujourd'hui, ce sont les revenants et les mâcheurs de suaire... et il n'y a qu'un seul moyen pour éviter les possessions du corps. La parturiente n'avait eu qu'une seule prière... Nyam le lui avait refusé.

    Les doigts s'arrêtent subitement quand le vivant rencontre le grouillant. Frisson d'effroi. Le corps se glace. Le souffle tremble. Il est là. Immobile, la balafrée semble hésiter, incapable même de retirer ses mains du contact qui la répugne. Qu'est ce qui la retient, elle, l'Ignominieuse? Elle, qui a foulé du pied mille et un cadavres, baladant ses mains blasphématrices sur les chairs putrides et les corps désarticulés du cimetière des miracles? Aujourd'hui, la scandaleuse semble pourtant faire preuve de bien moins d'indifférence.

    Instant de doute. Puis d'une lenteur presque religieuse, la femme dégage les dernières poignées de terre. Elle sent çà et là quelque corps grouillant entre ses doigts et elle est soudain prise d'un inhabituel haut-le-cœur. Les traits se crispent, la gorge se noue et les doigts perdent un instant en détermination. Dire qu'elle a connut bien pire serait un euphémisme, mais aujourd'hui l'Anaon à les tripes fragiles. L'immonde qui se révèle libère quelques maigres exhalaisons pourtant suffisantes pour lui attaquer le nez. Et les doigts se suspendent alors au dessus de la minuscule charogne au linceul travaillé par le vers.

    Prise de conscience. La paquet est minuscule. Elle pourrait le lover dans le creux de ses deux paumes. Petit être mort avant d'avoir vécu, son linceul vivant miroite sans pudeur sous le regard chevrotant d'un flambeau qui s'amenuise. Il avait passé cinq mois dans les entrailles fécondes d'une mère indigne avant de trouver brutalement la chaleur humide du corps de la terre. Cinq autre mois se sont écouler depuis ce sinistre jour. Et dans son calcul funeste, l'Anaon réalise qu'il aurait dû pousser son premier soupir il y a à peine une lune. Cette pensée l'étreint d'une sensation étrange et la femme préfère mettre fin aux images qui s'immiscent dans son esprit d'un clignement de paupière.

    La mercenaire se détourne un instant, sortant prestement de son manteau une large étoffe qu'elle étale sur la pierre sombre qui jouxte la petite fosse. L'attention se reporte de nouveau sur le cadavre emmailloté. Prenant une profonde inspiration, les mains plongent sans attendre dans la tombe et se referment autour du linceul rongé qu'elle arrache à sa dernière demeure. La balafrée se pare d'un sang-froid inhumain pour ne pas lâcher brutalement le paquet sur la pierre et elle le dépose alors avec une douceur empressée. Les doigts s'en séparent d'un geste vif, comme si elle frôlait la peste même. Le regard s'appesantit sur les formes grouillantes qui vont frémir l'étoffe miteuse. D'un geste rageur elle dégage le contingent de vermine qui souille le petit corps voilé et d'une main tremblante elle le couvre dans étoffe immaculée.

    L'Anaon entame alors le travail inverse, rebouchant rapidement la tombe éventrée et s'évertuant à la faire croire aussi inviolé qu'elle ne l'avait été avant son arrivé. Si elle le fait, ce n'est que pour Nyam, la seule qui pourrait vouloir un jour venir s'agenouiller près de la tombe de fortune. Elle avait compris qu'aussi étrange que cela puisse paraître, la jeune blonde s'était énormément attaché à cette esquisse de vie, se forgeant de lui l'image d'un petit frère qu'elle n'aura plus. Alors pour elle, elle jouera le mensonge et jamais elle ne lui parlera du sacrilège auquel elle se livre.

    Les mains souillées de terre, elle contemple le petit monticule. Puis elle se relève lentement et vient fixer dans un instant d'immobilité le petit paquet enveloppé sur la pierre. D'un geste d'une tendresse surprenante, les doigts viennent s'en saisir pour le porter tout contre sa poitrine. Le corps s'ébranle de quelque pas et dans un mutisme profond le visage de l'ainée se tourne vers Cerdanne. Un regard à la torche et une invitation discrète lancé au Chardon de suivre son sillage.

    Calmement, la mercenaire reprend sa lente ascension.

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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III - [Clik]
Cerdanne
Agenouillée, elle ne regarde que les mains fébriles qui s’enfoncent et s’acharnent à creuser toujours plus profond la terre nourricière.
Le regard hypnotique de la Roide égrènent les mots.
Epèle les maux…

Ma sœur…Je suis là..
Oui, je suis là et je t’aide.
Creuse, Ma sœur, creuse.
Mon âme t’accompagne.


La Provençale, penchée sur la terre froide et noire, veille.
Statue vigilante, elle recueille les douleurs qui remonte peu à peu dans les gestes mécaniques d’Anaon.
Glacée, figée, elle respire par petites bouffés.
Et l’air qui lui arrive insuffle autant de vie qu’il en déterre.

Elle sait maintenant que le trésor convoité est un de ceux qu’on ne partage pas.
Alors, elle reste là, immobile et laisse s’accomplir le rite.
Un instant, elle ferme les yeux.
Pour retrouver celui qu’elle a laissé le long d’une plage d’or.
Chaque geste accomplit par la Roide lui arrache le cœur.

Aura-t-elle un jour le droit, la possibilité de repartir sur ces terres lointaines ou repose celui qui ne sera jamais…
Les tremblements qui l’assaillent, alors qu’elle revoit son marin penchée sur elle, cherchant à sauver la mère et l’enfant ne cessent qu’à force de maitrise.
Les cuisses de la Provençale enserrées dans les doigts fins se tétanisent jusqu’à ce qu’elle accepte de rouvrir les yeux.

Cette nuit est la tienne...La mienne un peu...La notre…

Elle se penche un peu plus vers la terre qui a enfin délivré son secret, crispant ses doigts devant ce qu’elle leurs offre.
Et comme pour rendre hommage à cette petite chose qui retrouve la chaleur humaine d’une main, elle se laisse aller sur ses talons, basculant tout le poids de son amertume vers l’arrière, évitant ainsi la lumière de la faible torche.
Ombre docile qui accompagne et referme sans bruit le secret.
Enfouir, dissimuler l’acte sacré et s’enfuir vers un renouveau, ensemble.
Sans plus de bruit, sans un seul mot, le regard perdu vers sa mémoire enfouie, elle se lève et scelle leur passage d’un pas rapide.

Ensemble, remontons la pente…


Bertrade
Pendant c'temps là

Ce fût le froid qui l'éveilla. L'instinct primaire de se blottir contre sa plus proche voisine, une absence. Un grognement léger, une main ensommeillée qui se tend pour frôler une couche tiède encore. Mais vide.

Bert ouvrit les yeux à demi, regard fixé sur le néant. D'un mouvement brusque elle se redressa, couverture abandonnée sur son giron. Le feu seul crépitait, indifférence paresseuse. Les donzelles s'étaient tirées.
La jeune femme se mit debout, visage perplexe. Sans doute s'étaient-elles éloignées, actrices d'un conciliabule qui lui échapperait toujours.

Elle ne connaissait de l'une que le présent, de l'autre rien, mais la tension qui les liait était une vérité qui ne lui avait échappé.

Regard rapide aux alentours. Leurs maigres effets bordaient encore la couche moussue. Elle tendit l'oreille, tentant de percevoir leurs échos s'égrainer dans les bruissements nocturnes. Elle n'entendit qu'au loin les claquements de sabots qui s'éloignaient.

Les traits figés, elle gagna d'un pas vif l'endroit où elles avaient laissé leurs montures le temps d'une halte. Ne traînait plus là que la vieille carne qu'elle s'était dégoté pour ne pas ajouter à leur périple la lenteur d'une traîne-savate. Bert jura entre ses dents, n'obtenant en retour que le regard morne de la fringante rosse.

M'aviez dit qu'on irait ensemble.

Inspiration profonde, expiration lente, réflexion.
Cerdanne n'avait rien promis. Mais de cette absence de promesse, Bert se faisait une certitude. Une parole sans mensonge... Elle n'était pas partie... ou bien elle reviendrait. Leurs frusques étaient là encore. Un duel à la fraîche? L'idée lui paraissait un tantinet ridicule, à moins de trouver une lice égarée et de vouloir s'écharper au clair de lune. Quitte à déclamer des vers au premier sang versé.

La troisième hypothèse... La brune plissa les yeux puis haussa les épaules. Autant rejoindre les deux silencieuses, son hermétisme aux drames en général et à la folie en particulier leur serait peut-être utile. Et puis, tant qu'à avoir pris de l'avance sur leur route du lendemain, autant ne pas les forcer à revenir sur leurs pas.

La jeune femme alla donc serrer les effets délaissés, et couvrir le feu d'une épaisse couche de terre. Sa monture se laissa seller sans trop rechigner de la charge supplémentaire.
Si Bert n'était ni mercenaire, ni voyageuse au long cours, sa vie à la ferme lui avait appris deux choses: se déplacer sous la clarté lunaire, et suivre la trace des voleurs de bétail. Elle remercia le sort que les deux femmes n'aient pas eu la présence d'esprit de couvrir les sabots de leurs destriers d'un linge protecteur. Après quelques cercles concentriques, elle décida la direction qu'elles avaient prises, se hissa sur son cheval et se lança à leur suite.

La nuit était claire, les reliefs adoucis, la lumière argentée propice à la plus fertile des imaginations, berceau des contes aux développements les plus merveilleux.
Penchée sur l'encolure de sa monture, Bert suivait la trace. Celle quittait la route et s'éloignait sous les futaîes, chemin de brindilles cassées, de feuilles écartées, sabots imprimés dans les mousses tendres. A l'approche d'une clairière, elle tira sur les mors, ralentit, s'arrêta. Lueur tremblante qui dessine la silhouette d'un enchevêtrement étrange de brindilles.

Personne. Mais deux chevaux silencieux, paisibles.

Bert décida donc de mettre pied à terre. Tirant sa monture par la bride, elle alla l'attacher près de ses comparses.

Elle contempla la torche un instant, les entendit tout près, mais invisibles encore. Elle ne savait ce qui se déroulait, et à son habitude ne demanderait rien. Le passé se livrait au hasard du présent. Elle ne les troublerait pas. Elle alla s'adosser à un arbre, le choisissant car les ombres portées par les lueurs dansaient sur son tronc. De là elles la verraient.

Silencieuse, elle attendit.

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Anaon
    Marche blanche sous la nuit noire. Le corps calme les élans de vertige de son cœur, jusqu'à ce qu'il ne batte plus que de sa pulsation mécanique. Carcasse féminine pareille à une armure de givre, cercueil organique qui ne recèle que les échos des émotions perdues. Murmures fantomatiques ou embrun de réminiscence. La mercenaire a scellé depuis longtemps les vannes des effusions sentimentales, au point de n'être bien souvent qu'un amas de vide habitée par quelques spectres du passé qui dictent toute sa ligne de conduite. Seul s'épanche dans ses veines le pudique Incontrôlable, ce sentiment qui saigne des entailles laissées par les doigts amoureux qui se sont acharnés à percer le cœur de roc.

    Dans le silence qui leur fait escorte, l'Anaon se fait néant. Sans pensée, sans ressentit, elle avance, portant au sein de ses bras ce poids plume, lourd du seul souvenir qu'il représente. La mercenaire remonte la pente, accompagnée dans son sillage par le pas silencieux de son homologue. Et à la clarté de la lune, la petite clairière se révèle de nouveaux et en son cœur, la torche qui gratifie la nuit de son point de lumière. Le regard de la balafrée se pose un bref instant sur les deux montures attachée l'une contre l'autre, avant de se reporter sur le noyau de son étrange rituel.

    Devant le minuscule autel de bois, la mercenaire plie le genoux. Les mains déposent sur son couffin mortuaire l'amas d'étoffe qui protège ce petit trésor. Un trésor que la Roide n'a jamais daigné vouloir. Une main se recule, mais l'autre demeure au contact du linceul.

    Il n'y a pas de mot pour expliquer l'inexplicable. Ineffable. L'Anaon elle-même ne sait ce qui se passe dans sa tête en cet instant où elle fige son geste. Les sourcils se froncent imperceptiblement. Où sont les larmes, ce déchirement dans sa poitrine? Où sont les cris et ces bribes de folie qui lui vrillerait l'âme par trop de douleur? Absent surement. Là, peut être. Quelque part, étouffés sans doute par trop de contenance, par ce sang-froid exacerbé qui a crevé la moindre parcelle de sentiment. Le regard ne lâche pas cette main posée sur le suaire. Et a cet instant, l'Anaon se forcerait presque à s'émouvoir... Et alors que rien ne vient, elle se sent monstre...

    N'est t-elle rien d'autre pourtant que l'ignominie incarnée? Cet enfant, elle l'a haï dès le premier jours où elle la sut dans sa panse, tout autant qu'elle a put se haïr elle-même. Non, elle ne le voulait pas et par déni elle l'a tué, un beau jour, ou par inconscience elle sait obstiner à monter son étalon capricieux qui les a envoyer tout droit dans le ravin. Au final, l'Indigne n'a eu que ce qu'elle désirait ardemment. A t-elle donc le droit de le pleurer?

    C'est bien ce qu'elle se demande l'Anaon, mais les sentiments humain sont tellement inconstants. Pourtant, ce drame ne la pas laissé insensible. Sinon elle n'aurait pas fuit vers Paris pour oublier. Sinon elle n'aurait pas éprouvé le désir de revenir ici. Et si ce fils avait réellement vu le jour, qu'aurait-elle fait? Peut être aurait-il été la clef qui aurait déverrouillé tous les cadenas de son cœur. Peut être aurait-il été le souffle nouveau qui aurait fait frémir sa poitrine. Oui, s'il était né, il aurait été Changement. Et c'est cela qui l'a terrorisait.

    Il y a ceux qui s'obstinent à remplacer les douleurs. A oublier les peines, en recommençant la même histoire qui les a pourtant fait souffrir, un jour. Ils rebattissent des cathédrale sur des ruines. Ils oublient les ratures d'un livre et se contente de tourner la page. Ils vivent. Et il y a ceux qui en sont incapable. Incapable de se départir de cette douleur dans laquelle ils se drapent. Incapable de remplacer irremplaçable. Comme si faire un pas dans le futur revenant à oublier le passé. Comme si enfanter de nouveau viendrait insulter la mémoires des Premiers. Et on ne veut jamais oublier...

    Avoir une autre progéniture... Plus tard? Encore? Oui... Peut être. Quand il n'y aura plus de peine. Quand elle pourra de nouveau se sentir mère...

    Un soupire des plus discrets s'échappe dans la nuit au moment ou la main se retire, presque hésitante. L'ultime contact se brise. Les doigts viennent chercher calmement une flasque pendue contre sa hanche. Le regard se perd un instant sur les galbes de métal avant qu'elle ne libère avec parcimonie son contenu huileux sur le petit autel végétal.

    La torche est saisit, le geste se fige.

    Ô ma soeur, si tu es là, aide-moi...

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Cerdanne
An diaoul zo eun dèn honest : na c’houll man evit man
( Le diable est un honnête homme : il ne demande rien pour rien )


Un pas après l’autre.
Lourd mais silencieux. Chacun d’eux l’enfonce dans ces propres souvenirs.

Un pas après l’autre.
Chacun d’eux soulève l’écume sanglante qu’elle avait su réduire en une simple mare taiseuse, croupie.

D’un pas à un autre.
Tout au bout du chemin, elles retrouvent un peu de vie. Leurs montures, paisibles, attendent.

Un pas pour un autre.
L’autel est là, lueur tremblotante qui les appelle.

Ombre blanche, elle s’agenouille, tout près, légèrement en retrait.
Prête à souffler un bout de son âme pour aider celle qui sous la lune accomplit enfin le geste essentiel.

Les mèches brunes pour tout ornement, elle se penche et se tend vers l’autel.
Ses lèvres mordues au sang dans une prière muette pour celui qui demeure sous d’autres étoiles et qui attend son heure.
Elle se souvient de l’amer des vagues et du sel qui déchirait ses plaies.
Elle se souvient d’une voix qui l’aidait, qui l’encourageait à se délivrer de cette chair morte qui refusait de quitter son corps meurtri.
Elle pourrait presque sentir les embruns venant de la mer démontée. Le sable humide ronge encore ses reins, son dos déchiré.

Une main contre l’autre.
Elle pourrait presque toucher la flamme énorme de la torche qui fouille son visage et son corps dévasté.
Elle sent la chaleur, là…qui la caresse avant de s’éloigner, emportant un suaire sanglant vers une fosse creusée à la hâte.
Elle revoit le bâton de bois blanc, tortueux, torturé, pétrifié dans sa mort se dresser, pour tout repaire au dessus de son fil jamais né.
La respiration n’est plus qu’un filet qui s’obstine à la garder en vie.
La provençale n’a jamais été aussi près de caresser « l’Anaon ».
Le cœur, lui s’obstine et martèle violemment les tempes de la brune.
Tu porteras ton deuil encore et encore et encore et encore…et encore. martèle encore et cogne si fort qu’elle laisse s’échapper un soupir douloureux.

Une main vers l’autre.
Il est temps de clore ici ce qu’elle ne pourra peut être jamais réparé la bas.

Une main devient l’autre.
La flamme ici sera salvatrice. La flamme ici sera libératrice.


Je suis là, ma sœur. Mon Anaon…

Une main chaude et fine enveloppe une main chaude et fine.
L’union pèse sur la torche qui vacille et lentement se courbe vers le suaire
….


Anaon
    Une main sur la sienne et la torche qui s'abaisse. Les flammes lèchent mollement leurs offrandes de bois, mais bien vite, le baiser se répand par le fluide déversé. Bientôt l'obscurité se déchire d'oriflamme sanglants qui balayent de leurs ombres dansantes les visages des deux meyres. L'Anaon contemple de cet air ineffable plaqué sur la face, son erreur qui se consume. Erreur qui aurait put devenir un petit être. Tout comme le jour de son accouchement, une question banale lui vient à l'esprit. Aurait-il eu le yeux bleus ou les perles brunes de son père? Peut être encore les prunelles grises de sa propre meyre. Elle ne le saura jamais.

    La torche est abandonnée. Une main s'immisce doucement sous le rempart de son serre-taille pour en extraire par la chaînette une petite croix-druidique en argent qui ne voit jamais la lueur du jour. Le regard se ferme et les lèvres viennent embrasser le métal pour lui souffler quelque prières. Les oraisons druidiques s'épanchent en murmures inaudibles jusqu'à que les azurites se révèlent de nouveau.

    _ Puisse-tu trouver une meyre capable de t'aimer...

    Avait-il déjà reçut une âme dans l'écrin de son petit corps? A t-il déjà trouver le chemin du monde des Incarnés? Peut être que son âme attend son heure dans le Monde Blanc. L'heure d'offrir une seconde chance à celle qui l'a renié. Les mains de la balafrée retombent lourdement sur ses cuisses, accompagné par un soupir tendu.

    Le feu est vorace. Il ne lui faut pas long pour s'attaquer sérieusement aux étoffes qui emmaillote le petit corps. Sans doute ne lui faudra-t-il que peu de temps pour réduire son souvenir en cendre. Le regard se perd dans le spectacle macabre des étoffes qui se recroquevillent et se consument . Si esprit il y a eut, il n'aura plus d'entrave. Plus de corps, l'âme du mort-né pourra œuvrer en toute quiétude pour recommencer une nouvelle existence. La vie est éternelle. Ce n'est que la succession de mainte réincarnation. Anaon, fille de Bretagne et enfant de Druide. Comment pourrait-elle Croire autrement?

    Le visage sans expression de la mercenaire se tourne vers Cerdanne. Et l'Azur accroche l'Azur. La lueur du brasier sculpte les traits tourmenter du visage de l'amie. Que cache-tu, Provençale, derrière tant de douceur? Ce soir je te dévoile un peu de mon mal-être. Un peu de moi.

    Sans doute ne serons-nous jamais aussi proche que dans nos douleurs...

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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III - [Clik]
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