Afficher le menu
Information and comments (0)
<<   1, 2, 3   >   >>

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP] Qui cache son secret est maître de sa route...

Morelius
(Suite du rp en gargote Toulousaine, lui-même suite du rp en gargote Languedocienne, lui-même suite... etc...)

A la faveur d'une pause sur la route du Comminges, Morelius contemplait l'épée et le bouclier que Theolenn avait achetés en quittant le comté de Toulouse.
Selon ses propres dires, elle ne les avait point acquis pour se battre, mais comme une sorte de placement.
Et c'était fort heureux, car l'épée semblait de médiocre facture, trop lourde et pas assez équilibrée.
Ses airs de guerrière et la lueur farouche brillant dans ses yeux de biche lui allaient si bien...
Voyant qu'elle l'observait l'observer, il lui lança un sourire provocateur.


- Ma mie j'escorterai tous les damnés de la Terre au jour du jugement dernier, voir le Sans-Nom en personne, si c'était pour avoir l'opportunité de revoir en tes yeux ce que j'y vois maintenant.

Mais franchement, ton épée... c'est une arme, ça ?

Hmpppffff... Elle te sera certainement utile si tu surprends ton adversaire et ne lui laisse aucune chance de riposte, si sa dépouille git à tes pieds avant que son âme sache qu’elle n’y gîte plus. Mais en cas de véritable combat, je ne donne pas cher de ta peau, armée d'un tel soc de charrue.


Le mercenaire s'étira, bailla bruyamment, puis sortit lentement son long glaive de son étui.
Il se mit en garde en souriant.


- Avec une bonne épée, on défend sa vie. Avec une mauvaise, on la livre...
En garde, dame de Montmélian, il est grand temps de vous donner une petite leçon, si vous voulez vraiment jouer avec ces engins là...

_________________
Theolenn
1- Caresser son adversaire dans le sens du poil.

Elle était fière, la Theolenn, d’avoir réussi sa première mission. Tout s’était déroulé exactement comme elle l’avait imaginé. Une fois Morelius disparu dans les hautes herbes du verger, elle avait commencé par aller se vider la vessie à l’abri de regards indiscrets. Rien de tel pour évacuer la peur que par braverie elle s’était ingéniée à lui cacher. A voir à quelle profondeur le carreau d'arbalète s’était enfoncé dans l’arbre, on pouvait imaginer le mal de chien que ça devait faire de l’avoir dans le corps. Il valait mieux avoir eu le cœur ou la tête pour cible afin de recevoir, en dernière offrande, une mort quasi instantanée. Le frisson glacé qui lui avait roulé dans le dos ne l’avait pas quitté pendant un bon moment, en réalité jusqu’à ce qu’ils se retrouvent à la nuit tombée. Leur hôtesse, décidément bien aimable, avait même insisté pour qu’elle accepte du pain, du fromage et du vin pour leur voyage. En bonne comédienne, la belle s’était dit que refuser n’aurait eu aucun sens.

Néanmoins, pendant tout le temps qu’avait duré leur séparation forcée, une détermination farouche n’avait cessé de grandir en Theolenn. Au point que d’une nature peu violente habituellement, elle en était venue à se dire que si quelqu’un osait lever ne fut-ce que la main sur sa moitié de cerise, elle serait capable de l’occire avec les dents sans aucun état d’âme. Le baiser sauvage dont elle l’avait gratifié à la porte Sud de Foix, preuve de son soulagement à le voir vivant, aurait dû mettre la puce à l’oreille de Morelius.

Ainsi, il la provoquait à l’épée… elle retint à grand peine le sourire moqueur qui essayait de poindre sur ses lèvres pour ne laisser apparaître que douceur et humilité
.

- Tu as totalement raison, mercenaire de mon cœur, j’ai bien besoin des conseils d’un Maître es Lame, et peut-être aussi de tout l’art d’un forgeron chevronné…

2 - L’obliger à vous sous-estimer.

Retirant avec une grande difficulté apparente cette épée d’homme qui ne payait, il est vrai, pas de mine, la jeune femme fit semblant d’être déstabilisée par l’engin puis, l’équilibre encore précaire, prit une pose pour le moins ridicule tant elle était stéréotypée. Le bras gauche en demi cercle montant arrière, la main droite tenant le pommeau de l’arme dont le poids lui faisait trembler le bras, elle avertit son adversaire que l’apprentissage pouvait commencer.

- En garde, Morelius-le-blanc, la dame de Montmélian t’attend ! Tatatammm…

3 - Et surtout, ne suivre aucune règle.

...

_________________
Morelius
Le combat s'engagea et les fers se heurtèrent longtemps. Les forces étaient quasiment égales. Theolenn maîtrisait bien mieux son corps svelte qu'il n'aurait jamais pu le faire avec le sien. Elle était souple, rapide et combattait avec une intelligence redoutable. Cela coûtait à Morelius de le reconnaître mais il n'avait pas eu d'adversaire aussi coriace depuis des années. D'autant que dans ce duel d'exercice, elle montrait opiniâtreté hors du commun. Ils transpiraient tous deux à grosses gouttes tant le combat était intense. Avec sa respiration sifflante, son visage tendu par l'effort et les mèches de ses longs cheveux que la sueur avait collées sur son front, Theolenn n'avait plus rien d'un objet de désir, pourtant ses gestes félins étaient empreints d'une grâce si singulière que d'étranges pensées assaillaient le spadassin.

Il ne devait pas se laisser déconcentrer ! Il ne s'inclinerait pas face à cette femme ! Il y allait de son honneur viril et rien de moins ! Jamais il ne pourrait soutenir le regard de ses pairs s'il était vaincu par celle qu'il était censé protéger et que cela s'apprenait. Fort heureusement, il disposait d'un avantage non négligeable. Il connaissait le corps de la duelliste et ses faiblesses. Il savait qu'en dépit de toute sa volonté, ce combat l'épuisait. Elle n'en laissait rien paraître mais son épée trop épaisse pesait lourdement dans sa main fine. Un léger sourire étira ses lèvres, il avait trouvé la faille.

Sur une attaque plus audacieuse, il l’obligea à une parade où toute sa force se concentrait dans son poignet. Son habileté ne pouvait plus la sauver. Face à la puissance musculaire de Morelius, elle n’eut d’autre choix que de lâcher son arme.

Le glaive du mercenaire effleura le cou de la Dame et la fit reculer jusqu’à un arbre. Même acculée contre le tronc, elle le toisait avec fierté… Cette femme était stupéfiante ! On aurait dit une louve farouche et indomptable qui même écrasée par le chasseur continuait de montrer les dents.


- Vous avez perdu, ma dame.

La lame glissa lentement sur son col. Puis il trancha d’un coup vif la cotonnade grise. Avec minutie, il écarta les tissus pour dévoiler le buste et les épaules de la jeune femme. Les joues empourprées, les prunelles enflammées, elle réalisait sans doute qu’elle venait de passer d'adversaire à trophée.

Morelius planta aussitôt son arme dans le sol et emprisonna les poignets de Theolenn dans une poigne de fer avant de baiser fiévreusement cette douce poitrine. Il n'avait pas anticipé que cet entrainement prît une telle tournure mais quand ses lèvres se posèrent sur cette peau blanche et satinée, il sut qu'il avait désiré cela dès la minute où il avait aperçu ces adorables rondeurs au réveil. Il voulait cette femme avec une fureur telle qu'il n'en avait jamais ressentie pour aucune autre. Il avait suffi de la voir désarmée et à sa merci pour que le flot de sa passion se déversât de nouveau.


- Merci... tu parles... demandes-tu merci ou puis-je t'achever ?
_________________
Theolenn
Elle haussa les épaules, touchée dans son orgueil de sauvageonne que jamais rien ni personne n’avait réussi à dompter jusqu’à cette nuit de printemps.
Et puisqu’un autre type de duel s’annonçait, entre rage et adoration, elle choisit la mise « amor ».
Quelle plus belle fin que de se transformer en fourreau brûlant pour l’épée de chair d’un adversaire qui la faisait sienne dans de si délicieux tourments?


- De toute façon, je préfère l’arc, c’est moins bruyant!
Jolie démonstration de mauvaise foi Dame de Montmélian, mais on vous pardonne, vous n’avez pas encore l’habitude de ce genre de défaite…

Theolenn, encore irrésolue à se considérer vaincue, pour ne pas détourner le regard, ferma les yeux.
Mais comment s’abstraire d’une situation quand, au moindre attouchement libidineux, c’est tout votre corps qui vous trahit?


- La charrue n’avait pas le bon soc, j’admets…. mais ce n’était que la première leçon.
A la prochaine, c’est moi qui labourerai et qui récolterai mon dû… mon Maître!


De toute la force de son désir, autant prisonnière de l’emprise de son cœur que de celle de ses mains, elle céda et s’arqua contre lui, prouvant par là ses dires quant à ses préférences dans le choix des armes.
- Maintenant lâche-moi… si tu veux que je te donne ta récompense comme il se doit…

Même si la farouche s’avouait finalement temporairement vaincue, même si elle n’avait absolument pas besoin de l’admirer pour l’aimer, quelque part, dans les confins de son inconscient de femme, Morelius franchit un cran de plus dans l’estime qu’elle avait de lui et qui pourtant dépassait déjà le sommet de son échelle personnelle.

_________________
Morelius
C'est le moment où il faut laisser la fureur envahir le guerrier sans qu'il perde la raison. L'homme s'efface devant la bête qui est en lui mais il doit garder le contrôle de son double pour que celui-ci ne l'aveugle point. Combien d'hommes ont perdu leur vie faute d'intelligence, combien ont perdu leur âme, faute de redevenir humains, le combat achevé.

Heureusement, en ce moment exact Theolenn est voluptueusement féminine. Parfaitement et subtilement féminine. Tout en elle se nimbe de ce mystère qui fait la séduction des femmes. Ses yeux, limpides et calmes comme un ciel qui se mire dans un lac de montagne, laissent briller au fond de la prunelle une flamme qui dément ces apparences. On y devine et la passion et la rouerie. Et ce léger sourire, tendrement carnassier, qu'elle lui accorde, traduit-il l'amour ou les avidités d'une chair en chaleur ?

Vaincue selon les apparences, c'est pourtant toujours elle qui mène le jeu. Morelius passe à l'action. Les anciens dieux de l’Olympe interrompent leur banquet pour contempler ce séisme digne des premiers âges, quand ils combattaient les Titans pour mettre de l’ordre dans l’univers.

Allégresse ! Le corps, le cœur et l’âme de Morelius exultent. Aucun vin ne peut donner cette ivresse. C’est de nouveau le premier jour de sa vie. Pour lui, à chaque fusion avec elle, c’est l’aube du monde. Tout n’était que silence et ténèbres avant cette aurore. A chaque fois il renaît en elle et découvre son premier jour. Tout a un goût nouveau et grisant. Le moindre son a des airs de musique enchanteresse. C’est le matin des magiciens dont les sortilèges font renaître la nature. Seule leur respiration a su faire se lever le soleil, seul leur émoi donne vie à l’univers. Toute la mécanique céleste repose sur leur bonheur.

"Les nuages dessinent ton visage. Il emplit les cieux et pénètre mon âme de son ardente douceur, oh ! mon amante. La terre a ton odeur, le vent, le goût de tes baisers et le trot du cheval répète sans cesse ton nom", ressasse tendrement chaque battement du cœur de Morelius.

_________________
Theolenn
- Et à aucun moment tu ne t’es sentie coupable de ne pas être celle que tu déclarais être?

- J’étais sienne, quelle autre identité aurais-je dû déclarer? Quel nom aurait pu être plus exactement le mien que celui-là?

L’homme à la longue barbe blanche, regardant son collègue, celui à la grande clé rouillée qui lui pendait en breloque, et tout aussi vieux que lui, hocha la tête d’un air entendu. Et tous les autres, en apôtres fidèles, firent de même. On aurait dit un ballet de ces chiens de bakélite qui à l’arrière des voitures dodelinent stupidement du chef. Theolenn éclata de rire sans retenue, c’était une mascarade, une pantomime lamentable, une mauvaise pièce de théâtre, où les pauvres acteurs n’avaient de rôle que celui qu’ils répétaient depuis la nuit des temps. Un greffier tout aussi fantoche vint poser un parchemin incandescent devant le chef de bande de ces millénaires aigres et pétris de convenance.


- Oh oh… mais je vois là que ton complice n’a rien d’un enfant de cœur, lui non plus!

- Je vous interdis de le juger! Aucun de vos sujets ne vous a jamais aimé avec la même pureté…avec la même intensité…ni avec la même sincérité que celle de Morelius envers moi. Si vous vous sentez lésé, dépassé par vos créatures, vous devriez vous réjouir! N’est-ce pas l’essence même d’un bon parent que de souhaiter mieux pour ses enfants que pour lui-même?

Si vous nous punissez pour la force de notre amour, demandez vous aussi quelle sera votre peine à vous pour la jalousie dont vous faites démonstration ce jour…


Dieu avait un dé qu’il triturait de ses vieux doigts devenus aussi usés qu’inutiles. Il soupira, ce qui provoqua instantanément sur le Chili un tremblement terrestre de magnitude 9 sur l’échelle de Richter.

- Un chiffre pair: le paradis, un chiffre impair et c’est l’enfer. C’est la règle.

Il le lança devant lui dans un roulement de tonnerre, des éclairs de feu illuminant toute l’atmosphère, ponctués par des grondements capables d’inquiéter le diable en personne.
De colère, Theolenn en arrêta la course et confisqua le sinistre jouet avant de hurler un « Je n’avais pas fini ! » qui rebondit en échos multiples aux oreilles des divins grabataires ulcérés par tant d’audace.


- Si vous avez l’outrecuidance d’envoyer croupir mon Amour en enfer, j’exige qu’y soit érigée ma nouvelle demeure… et je la chérirai comme le plus beau palais de l’univers puisque je pourrai l’y aimer encore et encore. Et soyez sûr, juge aux mains sales, que même les flammes les plus terrifiantes seront complexées devant celles qu’il allume en moi rien qu‘en me regardant!

...

C’était l’aube du premier jour du reste de leur vie et Theolenn se découvrit en tenue d’Eve allongée sur Morelius, lui-même vêtu d’un costume charnel qui s’accordait en tout point avec le sien. Il parcourait du doigt, pour l’éveiller en douceur, les vallées et les monts que dans la nuit il avait honoré avec ferveur.

Elle n’eut aucun souvenir de la brève rencontre au sommet qu’un habile et servile hacker de songes avait organisé pour l’effrayer. Mais elle eut une intuition étrange qui ne fit que renforcer sa conviction première: la seule valeur de ce monde chaotique, création désespérée d’un dieu qui s’ennuie, c’est l’amour.

Theolenn offrit à l’objet du sien un baiser d’une insupportable douceur
.
- Mon inespéré, je croyais tout savoir de l’amour… avant toi.

_________________
Morelius
Il y avait des matins où l'envie saugrenue de s'enduire de miel et de se jeter dans une termitière lui prenait.
Et ce matin là en était un. On venait de piller la mairie de Saint-Lizier quasiment sous ses yeux, alors qu'il était sensé en assurer la milice, et il n'avait rien vu... même pas une ombre.
Heureusement, Theolenn ne tarda pas à se réveiller sous la pression de son doigt baladeur, et avec sa légèreté si agréable, à lui faire des propositions plus ou moins honnêtes selon qu'on voulait bien ou non en conclure ce qu'il y avait à en conclure... ou pas.

Le silence s'installa.


- Faut qu'on reparte... dit-il enfin.

L'espace d'une seconde, il s'autorisa à se demander ce qui lui serait arrivé, s'il n'avait jamais rencontré la dame en question. Puis il écrabouilla férocement cette pensée. C'était le genre de trucs qui pouvait rendre un homme fou, ça.
Peut-être avait-il un peu honte, aussi. À son sens, il avait un peu trop besoin d'elle. C'était mauvais pour son boulot, la preuve, on pouvait maintenant piller des villes sous son nez...

Du moins, c'était ce qu'il pensait.


- On a pillé la mairie... tu sais comme sont les braves gens. Les étrangers et les voyageurs sont toujours les premiers suspectés. Changeons d'air au plus vite.
_________________
Theolenn
Ce n’était pas un silence ordinaire.
Elle sentit confusément un malaise s’installer et s‘en voulut presque immédiatement.
Ca ne pouvait quand même pas être cette prise de mairie qui lui affectait l‘humeur à ce point, il était nouveau dans l’équipe, comment aurait-on pu lui reprocher de ne pas faire la différence entre des assaillants étrangers et des habitants du coin? Les gens avaient la peau mate et les cheveux noirs par ici aussi, dès lors comment les distinguer de tout autre méditerranéen?
Peut-être était-ce tous ses gages en retard qu’elle faisait semblant d’oublier?
Mais quelle idiote! C’était ce matin...
Pourquoi avait-il fallu qu’elle se laisse aller à palabrer et particulièrement quant il y avait tout lieu de se taire!
Elle regretta son stupide aveu mais trop tard, le mal était fait.

Il voulait changer d’air…

Theolenn en prit plein ses poumons et debout à la vitesse de l’éclair, elle s’habilla, fouilla son sac, lui tendit le pain qu’il restait et la bouteille de vin bien entamée.

- Je parie que t’as faim… mais son sourire, bien que volontaire, n’était pas clair.

- Prends ton temps, je pars en éclaireuse, on se méfie rarement des femmes seules sur les chemins. Je te laisse le cheval, rejoins-moi quand … tu seras prêt. J’ai besoin de marcher… pour améliorer ma résistance si je veux un jour te battre à l‘épée!

Elle mit dans cette dernière phrase toute la conviction et l’entrain qu’elle pouvait, croisant les doigts pour qu’il n’ait rien remarqué de sa tristesse passagère. Marcher chasserait les idées noires et les vieux démons qui parfois, malgré sa vigilance, la rattrapaient.

_________________
Morelius
Une fois repu et sur le cheval, Morelius a tôt fait de remonter le chemin à hauteur de Theolenn. Il lui tend un bras, l'invitant à monter devant lui.

- Hors de question mon éclaireuse... tu oublies que nous avons un contrat m'engageant à protéger ton corps. Et l'endroit le plus sûr est encore au plus près du mien. Monte avec moi, je t'en prie, et prépare-toi à une course folle à travers la campagne. C’est un autre jeu de guerriers que je veux partager avec toi. Viril, didactique, rude et barbare.

Il l'aide à s'installer devant lui, contre lui. Du haut de la monture son regard se dirige vers l’horizon que recouvre la brume matinale. Loup affamé, aigle assoiffé d’azur, il n'est plus qu'un souffle féroce. Ce pays est de douceur, son âme est de feu. Ils se frôlent, assis sur le cheval avec assurance, témérité, arrogance, l’oeil farouche, le poing agrippé aux rênes, quelques mèches de cheveux flottant dans le vent...

Une odeur musquée se dégage de leurs vêtements. Le cheval sent la tension qui joint ses cavaliers. Lui aussi s'emplit de fièvre et de sang, flèche vivante sur le point de se détendre. Fatal, le coup d’éperon le jettera bientôt dans le vert infini.

Morelius caresse l’échine du cheval. Il renâcle. Ses muscles tressaillent, son sang fait battre ses tempes. La tension est au paroxysme, animal et humains sont fébriles.

Face à eux, la campagne du Comminges. Verte, vaste, ensoleillée, flamboyante. Le vent descendu des Pyrénées caresse âprement leurs visages. Il joue avec les mèches de Theolenn, et quand se resserrent les lèvres de Morelius un air sauvage fait briller ses prunelles. Bête et hommes sont prêts pour la course.

Son talon frappe les côtes de la bête, et le noble animal laisse aussitôt parler sa fougue dans une clameur de rires rauques !

Le cheval s’emballe, le bruit étouffé de ses sabots dans l'herbe se mêle avec harmonie à leur souffle bref et sonore. La cadence de ce double galop s’accorde parfaitement au rythme de leurs cœurs. Il ne font plus qu’un avec le grand cheval, enchaînés à son pas de course.

Ils filent collés l'un contre l'autre vers la prochaine étape à une allure magistrale, emportés par le coursier qui fend l’air avec fureur. Indociles, excités, admirables. Le vent bourdonne à leurs oreilles et à travers la poussière de terre tourbillonnant autour d'eux on distingue les traits du visage de Morelius, tendus sous l’euphorie.

L'air intrépide de Theolenn, ses cheveux fous, sa main agrippée à la crinière onduleuse du cheval, les rênes trop longues qui tournoient dans l’air et viennent s’enrouler autour de leurs mains, les liant comme des bracelets de cuir éphémères, l’écume de l’animal qui s’abat en pluie contre leur face et fait plisser leurs yeux, le tout baigné dans le bruit sourd de la cavalcade, tout cela donne à ce tableau fugace et fulgurant une grâce suprême, une expression de noblesse profonde, un sentiment de grandeur ineffable. Vertigineux.

Dans l’ivresse de l'élan, dans cette étourdissante chevauchée, tout devient féerique : l’instant se fige, se transformant en une sorte de songe.

Radieux de nouveau, le visage de Morelius se tourne vers celui de Theolenn, transfiguré. Le cheval devient Pégase, il sent presque ses ailes blanches qui frôlent sa main... Morelius rit et lève les yeux vers le ciel : ils sont en route pour l’infini.

_________________
Theolenn
C’est une sensation inouïe que celle de faire partie de quelque chose qui dépasse votre entendement. C’est exaltant. Un peu comme de découvrir par inadvertance l’origine d’une civilisation ou l’existence d’un nouveau monde dont personne n’a même jamais entendu parler. Le mariage de l’inattendu et de l’insolence qui engendrerait la chance.
C’est dans cet esprit que Theolenn, peu à peu, découvre l’univers de Morelius, ses peurs, ses joies, ses jeux, ses moments d’éternité.
Et elle aime. Oh oui elle aime, même si les doutes de l’un ou de l’autre parasitent parfois une certaine sérénité.
Le duel l’a obligée à capituler, une victoire sur l‘orgueil et un point pour l‘humilité.
La chevauchée lui rend ses armes, embellies et fortifiées.

Peut-être Morelius connait-il le pouvoir de l’ivresse qu’en partage il lui propose. Sa force dans le combat contre les noirceurs de l’âme et ses dérives involontaires. Sûrement.
Sous les airs de brute qu‘il affiche parfois, elle soupçonne que se cache une sensibilité aux normes de la sienne, avec ce que la version mâle comporte comme règles à respecter, comme sacrifices à accepter, comme parades pour se sentir appartenir à un clan, celui impitoyable des hommes. Elle comprend sans comprendre mais elle l’aime comme il est, exactement comme il est. Comme maintenant… quand il brise les contraintes et tisse pour eux seuls des liens ludiques et vivants.

Pour l’heure elle sent la chair de l’équidé vibrer sous ses cuisses, elle sent le cœur de son compagnon battre en parallèle, à travers les étoffes, à quelques centimètres du sien. L’imagine-t-elle? Ce monologue à deux, muet et érotique, qui ferait s’incliner Vénus et Aphrodite.

Le vent lui fouette le visage, la brume se mêle à sa sueur, ils ont le feu pour ligne d’horizon et la terre entière comme terrain de jeu.
Le cœur revenu à marée haute, Theolenn fait l’amour aux éléments avec Morelius pour seul et unique guide.
Plusieurs fois elle connaîtra la jouissance phénoménale du lâcher-prise sur la peur, jets de pure adrénaline au creux des reins.

Et quand Morelius, cavalier de Pégase et passager d'Eole, se tournera vers elle avec ce regard de fou, elle rêvera de viol...



En attendant de rejoindre l’infini qu‘ils se sont tacitement promis, ils font étape dans un joli village qui porte le nom de …


[Saint-Bertrand de Comminges]

_________________
Morelius
Calme et tranquillité, ou ruines et désolation ?
Saint Bertrand de Comminges observait les nouveaux arrivants, de ses yeux de pierre, les guettait, et Morelius n'aimait pas ça.

Les nuages gras à ventre, qui avaient si bien vomi toute la journée sur la terre des Hommes leur indigestion de pluie, paressaient encore, là-haut. Boursouflés comme ils l'étaient, il devait bien leur en rester, de cette bile douceâtre. Ils ne tarderaient pas à s'en délester un peu plus.

Pas grande âme qui vive aux abords de la petite cité du Comminges. Pas un son autre que celui de la marche de leur cheval sur les pavés couverts de mousse de la route. Et pas un mouvement non plus, si ce n'était la course molle des nuages, à croire que le temps aussi voulait s'arrêter en cette ville.

Morelius sursauta, quand un corbeau s'envola en croassant sa manière d'indignation vers le ciel encombré. De voir cette virgule de noirceur ponctuer l'air immobile de son vol, le mercenaire en conçut presque du soulagement. Après tout, un peu de compagnie locale, même plantée d'un bec crochu, et à la voix aussi mélodieuse que le grincement d'une porte rouillée, était préférable au silence.

Il avancèrent jusqu'au mur d'enceinte de Saint Bertrand, où se serraient quelques pauvres chaumines abandonnées. Elles faisaient peine à voir, ces bicoques, murs de pierre grossiers et toits de chaume ébouriffés par le vent que l'ombre du rempart avalait déjà.

Morelius comprenait, maintenant, la mise en garde des gens de Toulouse. Il flottait quelque chose de malsain en ces lieux perdus. Guère plus rassuré, mais la détermination intacte, il proposa à Theolenn de passer la nuit dans l'une des masures abandonnées.

Bientôt un timide panache de fumée monta du toit qu'on aurait dit plus poussé que construit.

Un long hurlement, poussé à pleine gorge par quelque diablerie invisible, lui rigidifia les membres. Il faut dire qu'il avait de quoi vous arrêter quelques cœurs bien pendus, ce détestable son: pas humain, mais pas vraiment animal non plus... Il y avait du loup, là-dedans, pensa Morelius, mais pas seulement, et ce genre de loup, même ses frères velus l'auraient évité comme la peste. Il fallait être créature damnée pour lancer au silence des lieux ce hululement gloussant, détestable, gonflé de démence et de joie mauvaise... celle d'avoir reniflé sa proie ? Dans l'imagination féconde de Morelius toutes les vieilles légendes déferlaient comme une armée de diablotins pris de colique: garou, biclarel, melion, lycan...


- Theolenn ? Est-ce que tu crois aux... Bahhh... ce ne sont que vieilles histoires à conchier les enfants... le seul monstre en ces lieux, c'est moi, n'est-ce pas ?

Et Morelius de lui lancer un sourire équivoque en citant la vieille comptine:

Implacable nature et solitude sauvage,
Qui fait de l’homme un loup, plein de haine et de rage,
Qui permet à la bête enfin de s’exprimer,
Déchirer de ses crocs la bergère attardée...

_________________
Theolenn
Theolenn s’escrimait à essayer tant bien que mal de fermer le seul volet de la maisonnette qui semblait avoir résisté au temps quand Morelius, qui attisait le feu naissant dans l’âtre, lui posa cette question pour le moins suspecte. Elle faillit en lâcher le montant récalcitrant dont le bois gonflé d’humidité empêchait le panneau de s’imbriquer plus ou moins efficacement dans l‘encadrement.

- Theolenn ? Est-ce que tu crois aux... Bahhh... ce ne sont que vieilles histoires à conchier les enfants... le seul monstre en ces lieux, c'est moi, n'est-ce pas ?

Dans la position où elle était, de dos et tirant de tout son poids aidé par la force de ses jambes pour forcer la fermeture, il ne risquait pas de découvrir son expression mi-stupéfaite mi-amusée.

CRAC ...Hahaaaa… je l’ai eu ! …claironna la championne catégorie « Bois Vermoulu ».

Le feu crépitait à présent dans l’âtre, Morelius l’avait réamorcé avec les restes d’un tabouret estropié et ça semblait fonctionner à merveille. Suivraient quelques tonneaux percés et une échelle déjà partiellement dépecée par les squatteurs précédents.

Un autre craquement, plus sonore, plus sec et plus long car morcelé, annonça l’orage qui menaçait depuis un moment. La nature s’était tue juste avant leur arrivée puis le vent s’était soudain levé. Les bêtes, inquiètes, sentaient arriver ce genre de phénomène bien avant les hommes, leur cheval comme les loups qui devaient pulluler dans la contrée.
Fort heureusement, Morelius avait eu la sagesse de choisir la seule masure ayant une dépendance qui avait jadis dû servir d’étable à l’unique vache de la maisonnée. Pégase aussi serait au sec pour la nuit. Les ailes n’aiment pas trop la pluie.


- Oui je crois aux …maléfiques. J’en ai connu un, le plus terrible de tous, un mélange de cynisme, d’avarice, de cupidité, le tout camouflé sous une gueule d’ange. Des dents longues et aiguisées capables de rayer une dalle de marbre pour y graver son nom à répétition tant l’espèce est égocentrique. Ce type de pervers vendrait père et mère pour gagner un bout de jambon pourvu que celui-ci lui rapporte de l’avancement. Prompte à retourner sa veste, à trucider les quelques courageux qui se voulaient ses amis, pauvres aveugles… Et comme si ça ne suffisait pas, d’une lâcheté hors du commun.

Theolenn, au bout de sa tirade, se retrouva toute étonnée, comme si le déclic s’était fait à son insu. Tout cela ne la touchait plus. Elle découvrait, ravie, que ce passé trouble qui d’un coup venait de lui revenir à la mémoire, lui était devenu totalement indifférent. Elle en sourit d’aise.

- J’ai toujours eu un faible pour les mélanges: le minotaure, les centaures, les silènes, les sombrals, les hippogriffes, les… satyres.

Elle finit par dénicher une lampe dans le gourbi poussiéreux de l’unique armoire dépourvue de planche et de plafonnier. Evidemment sans huile…

- … et particulièrement pour une créature mi homme mi démon qui m’apparait surtout la nuit. C’est un être à longue crinière blanche, des dents de loup et un regard d’aigle.

Hourra ! Le tiroir était rempli de bougies! Theolenn se retourna d’un coup pour annoncer sa trouvaille et poussa un cri d’effroi …

- HAAAAAaaaaaaa……

A quelques millimètres d’elle, le Monstrius la dévorait des yeux!

_________________
Morelius
Mais le Monstrius n'a visiblement pas l'intention de boulotter sa belle, du moins, pas tout de suite. Sans doute préfère-t'il garder ce mets de choix pour plus grande occasion, et se contenter pour l'heure de nourriture plus triviale.

Il se met à chercher dans les ruines de la vieille chaumine de quoi agrémenter le lapin qui rôtit sur la broche, maigre butin de leur journée dans les bois. Mais rien dans la vieille armoire vermoulue, pas un brin de laurier ni de romarin desséché par le temps, juste poussière en pagaille, et tisseries de dame araignée.

Et puis de dépit, il éventre un vieux sac de sa dague, et là, par la blessure béante dans la toile de jute, s'écoulent... des gousses d'ail. Quantité de gousses d'ail.


- Hmmm... ça sent le vent pire...

Le garde du Corps est éberlué devant tant d'ail. De subites envies de cuisses de grenouilles, d'escargots ou de saucissons s'emparent de son gaster, qu'il réprouve à grande peine. Il avance un peu, écrasant quelques gousses humides qui giclent sous ses pas, amplifiant encore l'odeur prenante.

- Et voilà le retour du jet d'ail...

Pourquoi donc conserver tant d'ail ? Chacun sait que l'ail ne s'utilise en cuisine qu'à petites doses, pas par sacs entiers. A moins que... de l'alcool d'ail... oui, voilà une idée à explorer. Alors Morelius continue à chercher en piétinant les aulx.

- Sans doute la réserve personnelle de la vieille qui vivait là... les croutons, ça aime l'ail.
_________________
Theolenn
Depuis quelques minutes Theolenn est pensive. Une si grande quantité d’ail lui laisse espérer que peut-être…
Profitant de ce que Morelius s’absorbe dans ses fouilles, elle se glisse au dehors.


- Je vais voir si notre noble monture se porte bien, l’orage risque de l’avoir énervé…

Inutile d’emmener une bougie, le vent souffle à présent en bourrasques et la lune pleine commence à se débarrasser de ses filtres nuageux. Quelques éclairs zèbrent encore le ciel par moment mais ça s’espace et les grondements se font moins violents et plus lointains. On y voit bien suffisamment pour ne pas trébucher sur les ronces qui par-ci par-là décorent les abords de la bâtisse.

L’étable est petite mais elle possède un étage. Une sorte de grenier qui se prolonge sur la partie habitable et accessible par un gros rondin taillé en crans grossiers. C’est rudimentaire mais très solide et ça prend très peu de place. Les gens simples sont souvent astucieux. Le cheval ne semble pas inquiet pour un sou. Il mâchonne avec régularité une paille certes sèche mais assurément très poussiéreuse. Demain il faudra l’économiser, il y a des risques qu’il tousse une partie de la journée. Theolenn lui remet de l’eau dans le seau qui fuit un peu. C’est déjà miracle d’en avoir trouvé un encore utilisable.

L’exploratrice sent l’excitation monter. Elle s’assure d’avoir correctement ajusté « l’échelle » dans l’ encoche prévue dans la poutre et gravit prudemment les degrés, le cœur battant. La lumière de la lune s’invite et illumine la scène par deux petites ouvertures taillées dans le chaume. C’est ingénieux. Ça permet une excellente ventilation des lieux tout en protégeant en cas de pluie ce qui s’y entrepose.

Une fois passé la zone des vieux ballots, elle trouve une série de cageots de toutes tailles, rangés pêle-mêle et en grande partie fort abîmés, mais elle progresse quand même, rien n’échappera à sa curiosité surtout qu’elle commence à avoir très faim elle aussi, motivation souveraine s’il en est qu’un estomac qui s’affame.

*S’il y a des cageots, il doit y avoir un potager ou quelque chose du genre, au moins un jardin de simples! Cet ail ne vient pas d’un marché… ceux qui vivaient ici n’étaient pas riches, ils devaient produire… et non acheter.*

Au milieu du grenier, une planche disjointe attire son attention de fouine. Elle avance, intriguée et impatiente, mais soudain le plancher s’enfonce d’une manière inquiétante! Elle recule, juste à temps, petite suée froide et peau qui se hérisse, pourtant il n’est pas question de renoncer! Pour mieux répartir le poids de son corps elle se fait salamandre, s’aplatit sur le sol et se met à ramper avec lenteur et prudence. Le procédé semble efficace, elle atteint finalement assez rapidement la planche et le trésor qu’en bonne chercheuse elle y espère.

La cache, parce que c’en est bien une, est à la hauteur de ce qu’elle avait imaginé.
Dans une large boite en fer peu épaisse que la rouille n‘a pas touchée, on trouve rangés par utilité, une serpette, des lames fines emmanchées sur du bois dur et foncé, une petite râpe, des aiguilles diverses et variées, certaines courbes, et du fil de lin non poissé reconnaissable à son odeur. Tout à côté, quelques fioles sont couchées sur un lit de paille fine, comme dormant en attendant que leur propriétaire les ranime.

Theolenn est aux anges. L’ail l’avait mise sur la bonne piste, c’est la maison d’un rebouteux. Pour savourer le moment et examiner plus commodément la finesse des gravures sur le manche de la serpette, elle se laisse rouler sur le dos et s’extasie de plus belle: de la poutre faitière pendent des bouquets d’herbes séchées depuis bien longtemps, intacts, mais que la moindre manipulation pourrait bien réduire illico en poussière. Elle n’y touchera pas mais elle reconnait la menthe, la sauge sclarée, le thym, le serpolet, le romarin, le laurier et bien d’autres encore dont elle sait l'usage mais dont elle a oublié le nom à force de ne plus pratiquer.

Un doute l’assaille. A-t-elle le droit d’emmener la caissette d’instruments qui lui plait tant? L’envie la tenaille. La maison est bel et bien abandonnée, ça ne sert plus à personne, pourquoi laisser se perdre un matériel dont elle ferait bon usage?
La décision est évidente.

Retour à l’étage du bas. Pégase est couché et se permet même une « petite » ronflette.
C’est émouvant ces gros animaux surpris enfoncés dans un sommeil confiant.

L’orage a disparu, à peine roule-t-il vaguement au loin. La lune s’en donne à cœur joie, contrastant le paysage nocturne qui prend un aspect de gravure sur métal.
De la terre humide qui jouxte l’écurie improvisée s’exhalent des odeurs qu’elle connait bien et que son nez recherche à présent avec précision. Thym, sauge et romarin sont bien là, cachés dans les herbes hautes et avec en bonus, de la carotte sauvage et fourchue à souhait qui se mariera particulièrement bien avec le lapin capturé par Morelius et cuisiné à la broche. Le menu est tout trouvé:

"Cavaleur des bois à la sauge sclarée.
Main du diable rôtie à l’ail, au miel de Narbonne et au thym de sorcier."


Mais avec ça, toujours rien à boire… sauf de l’eau de pluie.

_________________
Morelius
Pendant que Theolenn s'occupe de la noble monture, Morelius en profite, tout en surveillant le conin rôtissant d'un œil, pour repousser quelques vieux meubles afin de préparer douce couche pour la nuit.

- Kof ! Kof ! Kof !

La poussière retombe, et le spadassin se gratte le menton en roulant des mirettes devant l'étrange chose qui trône là dans le coin sombre de la pièce. C'est une étrange machine, composée de deux grosses bonbonnes de cuivre, reliées entre elles par des tas de tuyaux tire-bouchonnant en cuivre eux aussi. Les bonbonnes sont équipées de hublots en verre, mais l'obscurité de la masure empêche de voir ce qu'elles contiennent.

- Foutremarie de cul de saint ! Voilà bien estrange découverte... Theolenn.. tu crois que c'est un alambic ?

Autour de la machine s'éparpillent au sol dans le plus insolent désordre, cauchemar vivant pour bibliothécaires, tout un pandémonium de grimoires moisis aux pages fatiguées et à la couverture en peau de mouton bouffée par des générations de mites trop curieuses.

Morelius en prend un au hasard et commence à lire:




Considère, mon fils, l'authentique puissance de nostre feu secret, nostre bel oiseau d'Hermès, nostre Eau qui ne mouille point les mains, nostre eau pontique se congelant dans le Soleil et la Lune et néanmoins engendrée par eux. Or donc, sachant cela, commence par placer premièrement dans ton matras que tu boucheras avec de la carte la chose susdite, avec ce qu'il faut de Terre dans le fond. Car nostre Terre élémentale, en vertu du Sel nitre qu'elle contient attire à soi comme l'aimant toute la Rosée du Ciel, et l'Eau terrestre gagne au haut par le truchement de son principe igné moteur, son Feu intrinsèque, raison pourquoi on la nomme Eau de Feu. Alors ta saturnie végétable s'épanouira comme germe la graine dans son pot à l'Équinoxe d'Aries. Ainsi parle à ceux qui ont des oreilles pour entendre le Mutus Liber de Nature. Aristote t'assiste dans tes travaux, mon fils, et toujours applique-toi à le glorifier.

Laissant retomber le livre dans un nuage de poussière, il regarde Theolenn, l'air perplexe.

- C'est diantre trop compliqué pour une recette locale de tord-boyaux... ce doit être autre chose... Mais ce qui est certain...

Il passe le bout d'un doigt sous le ventre de ces grosses bonbonnes, puis en touche le bout du nez de Theolenn qui en devient aussitôt noir comme la nuit.

... c'est que ces choses là vont sur le feu. Sans doute pour y cuire ou y bouillir quelque chose.

Il remue alors l'installation, mais aucun bruit n'en sort.

C'est vide...
A moins que ce ne soit plein... de vide.
Crois-tu que c'est une machine à fabriquer du vide ? Un bouilleur de vide ?


Retournant la chose dans ses bras, qui sont maintenant couverts de suie, il se met à sourire.

- Au pire, si l'on ne trouve rien à boire, je suis sûr qu'il y a quand même moyen de distiller de l'alcool dans ce machin là.
_________________
See the RP information <<   1, 2, 3   >   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)