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[RP ouvert] Acte 1

Labda
Rp initialement écrit pour et posté en gargote Berrichonne

« Je me souviens, non pas des mots, mais de la paume de ta main »
    Bb & Sj


    Chimère parmi les ombres, Labda s'avance, androgyne pour un soir, tête baissée et yeux fermés. Son pas est déterminé, ses poings sont serrés. Ses cheveux ont été négligemment tirés en arrière et une grande pèlerine la recouvre toute entière. Vivre pour mieux souffrir ; survivre donc. La nuit noire la dévorera.

    Elle a poussé la porte d'un palais malfamé, refuge insoupçonné où elle aime s'oublier. Certains murmurent qu’il serait l'asile de tous les excès. Elle y est, là-bas, connue - méconnue en vérité - sous le nom de Lindor. Mi-homme mi-femme. Plus vraiment quelqu’un ni encore personne. Petit oisillon venu oublier la souffrance et l'isolement. Les mensonges et l’égarement. L'absurdité même de sa naissance.

    Et le sang gicle sur ses mains sales, tâche son costume et ternit son antique candeur. Elle n'est, pourtant, encore qu'une enfant, une toute petite enfant. Captive de la nuit, elle sera ce soir le jouet des hommes et du vin. C’est le triste naufrage d'une désespérée. L'enfant qui pleure craint pour sa vie, ce sont ses traits qui le murmurent : la peur a creusé son sillage sur son visage.

    En s'y attardant de plus près, on remarque que personne ne la voit vraiment ni ne semble prêter oreille à ses divagations. Il y a fort à parier d’ailleurs qu’elle vous regarde sans même vous voir : le rhum pour ultime compagnon de rédemption, son exil aura sa peau. L'alcool coule le long de son menton tremblant et imprègne son odeur âcre sur ce visage d'ivrogne. C’est la lugubre domination de la boisson : l'hystérie domine la bataille et toute raison, fragile raison, semble avoir déserté le navire. C'est, ce soir, aux Enfers qu'elle se perd.

    Le jour ne s'est pas encore levé qu'elle est sortie pour mieux régurgiter sa haine. Ténèbres éternelles.


Edit : mise en page
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Judas
Et Judas de s'écarter vivement, surpris autant qu'exaspéré par le flot mi-bile mi-vin qui manqua de tâcher la pointe de ses bottes cirées tout juste au matin par les petites mains de la Frêle. Tic d'agacement, les prunelles noires scrutèrent la jeune femme qui rendait son amertume avec pertes et fracas, là bien trop près de lui. Il ne la reconnut pas. Peut-être qu'aux lueurs des gêoles Berrichones comme il l'aperçut la première fois lorsqu'il recherchait Roide, aurait-il remit son visage. Mais ce soir, cette nuit, Judas ne mit aucun visage sur le nom qu'un habitué murmura en ricanant dans le dos courbé de Lindor.

"Lindor". Sobriquet monotone qui dépareillait avec son crin roussard, attitude-déchéance qui dépareillait avec le potentiel-classieux de la donzelle. Le ton du bavard en disait long sur la réputation qu'elle trainait, sans doute qu'elle ne faisait pas que trainer. Ce soir Lindor est Tripot-euse, et Judas a lâché son jeu de cartes le temps d'aller se soulager derrière la maison de jeu. Le temps d'assister à la mort de la bienséance, entre deux murmures étranglés dans la gorge d'une femme qui a laissé l'alcool gagner. La senestre baguée avait appréhendé, furieuse, l'éclaboussure malheureuse. Jusqu'à repousser l'impudente, là bas, plus vers le pavé. Le contact se cassa lorsqu'enfin l'homme remit l'ivresse dans le droit chemin, loin de ses étoffes brodées.


Voilà Lindor. Maintenant tu peux rendre en paix...

Et loin de lui l'idée se mander pourquoi le taulier l'a servie jusqu'à l'ivresse, chaque soir offre son spectacle, chaque partie de cartes offre son lot de perdants. Judas n'est pas altruiste, juste un peu maniaque. S'il ne traine pas dans les bas-fonds des Miracles, ce n'est pas pour se faire souiller par le premier ventre-pue qui vient régurgiter ses déboires lors de ses nuits de jeux... Prunelle corbeau fit le tour du décor, il était fort bien placé pour savoir ce qu'il arrivait aux avinées des venelles abandonnées... Le seigneur avait laissé ses gants près de sa coupe a demi remplie, lesquels étaient aussi précieux que la vie d'une presque inconnue. Moment d'hésitation.

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Labda
    L’animosité est répandue, imprégnant les alentours et s’accrochant à quelques infortunés dont le tour, sans doute, viendra. C’est du moins ce qu’en penserait Labda, l’arrogante, la jalouse, si ses préoccupations avaient été autres ; la gorge est en feu et les doigts sont sals : l’alcool, à ce soir, gagné encore, et aux cheveux, épars, de quitter le réconfort de la pèlerine pour sombrer dans l‘inconnu et la bile. Ce qui n’empêcha pas l’acerbe enfant de sentir la main qui la bouscula et, de par le chaos environnant, lui fit presque penser à une étreinte.

    Voilà Lindor, claqua la voix.

    Un moment passa durant lequel l'afflux prit fin. A l’éthylique de relever le menton crasseux, qui fut un jour, à n'en point douter, une parcelle de chair agréable à contempler. Le fard de ses joues avait lui coulé, et s’était dissipé, aux creux des sillons nouveaux. Ses paupières, elles, s’ouvrirent péniblement. Les coques douloureuses firent le tour de la scène et s’arrêtèrent sur le majestueux. Le regard était obscur et les mains étaient nues, la silhouette anodine mais les traits étaient froids. Un joueur sans doute, que pour la première fois de la nuit, elle aperçut. Un visage cependant gardé au creux d'une boîte à réminiscences dont l'adolescente égara les clefs, de par, notamment, de moeurs dévastatrices. On pourrait donc sans mal qualifier l'altercation de rencontre originelle. Ou, quelque chose comme ça.

    Lindor s'adossa au mur, repue quoi que toujours grise, car il lui était presque impossible de ne pas l'être, et, les encerclant, elle ramena ses cuisses à son ventre infidèle. Le regard vide avait quitté l'homme, quoi qu'elle sentait toujours sa présence non loin. Allait-elle retrouver son poste et sombrer encore ? S‘enfuir lâchement et regagner terre ? Et lui ? Jouer ? M'avez-vous vraiment vue ? La question trotte et les maux cognent dans son crâne. Et le jour, salvateur, chèrement espéré, se lèvera bientôt sans pour autant emporter avec lui le brouillard et les malheurs d’une nuit.

    Elle a presque alors envie de lui donner son nom, mais se retient, folle qu’à demi.

    Vous connaissez mon nom, mentit l'inconsciente d'une voix insipide, offrez donc le votre, ordonna-t-elle, certaine de l'oublier avant même la fin de la nuit.

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Judas
Judas, et qu'en feras-tu ? A cette heure, rien j'en gage.

A cette heure. Courtois Judas, de substituer l'état de la donzelle par l'instant. Senestre réhausse d'un doigt le chef de sa pèlerine, comme pour signifier qu'elle est sauve, elle. Mais le reste ne l'est pas, et le seigneur n'est pas homme de demi mesures. Sans nuances il courbe ses lèvres minces en une moue de contrariété, comme il tirerait l'un de ses sacro-saints lévriers par le collier qu'il aurait sale après une journée de chasse. L'hésitation n'est pas le propre du Frayner, aussi ne reste-il pas longtemps passif face au spectacle.


Viens.

Le geste est plus un conseil qu'un ordre, bien que souvent l'homme ne sait pas donner dans le tendre d'une recommandation et passe pour exigeant. D'ailleurs exigeant il l'est, despote autant, cette gamine est désolante de saleté. Le mouvement se veut entrainant, là dans son giron, un petit groupe d'homme s'est regroupé et parle fort là juste à coté d'eux. Seconde vague de perdants...

Sans doute en d'autres temps et en autre état Lindor l'aurait repris de volée, aurait ouvert sa bouche de tendron pour vomir des insanités en parole plus qu'en matière. Mais ses mèches brunes étaient bien moins scellées de saletés que l'ourlet de ses lèvres, marbrées de poisse. Et comme la première fois qu'il la découvrit, il la prit pour la Roide. Etait-ce à cela qu'elle ressemblait dans sa prime jeunesse? Avant les balafres, avant les morts-nés , les rixes et l'errance? Et si Roide n'était pas en geôles ce jour-ci à l'instar de Lindor, Lindor elle, était ivre comme le pouvait-être son amante. Addictive, c'était cette ressemblance en ce qu'il trouvait de plus désagréable chez elle qui le poussa à mettre icelle en retrait, quelque part sous sa condescendance. Ou dans une chambrine à l'étage payée à l'improviste de quelques murmures inaudibles.

Les gants attendront un peu que le corps recroquevillé de la rousse daigne bien se déployer, ou pas.

Allez viens Lindor, saisis l'occasion de t'apaiser au frais de ma fugace générosité. Je ne suis pas bon, ni même bien intentionné, tu as juste l'ineffable d'elle qui pique ma lubie tardive. Allez viens, ne te fais pas prier, mes genoux ni les tiens n'en ont l'habitude. Ta rencontre si cavalière soit-elle est bien tout ce que j'aime, peut-être apprendras tu bien vite qu'en matière de femmes il est peu de choses qui m'ébranlent. D'ailleurs de femme, je ne vois que ton ivresse, n'es tu pas encore fille? Viens! Regarde comme déjà ils te déshabillent. Aux jeux parfois, on échappe à la chance. Et si tu bois ta lassitude, moi je la dépense.

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Labda
    Judas. Soit. Ça en jette, comme prénom, au fond. Judas ? Ah mais tiens, elle le connaît ! Enfin, au moins de réputation. Labda se tâte, réfléchit et finalement, se souvient et tout s'enchaîne : Bourges, le tripot, la timide ! Suzanne. Puis, un visage sur ce nom, des paroles de sa bouche. Suzanne et les Autres, meurtries. Abandonnées ? Elle ne se souvient pas - mais de quoi est-elle encore seulement certaine ? - de l'avoir jamais croisé. Est-il ami avec l'ingénue ? Elle n'avait pourtant, rien de la baronne. Mais est-il aussi important qu'il semble vouloir le paraître ? Était-il lui aussi diminué ? Elle n'en sait rien et elle s'en moque, car demain sera un autre jour. Salut. Salut Judas. Moi, c'est Labda.

    L'éthylique reprend du poil de la bête. Le monde est petit et ça lui plaît.

    Et si ce soir, elle doit être à quelqu'un, ce sera à lui, et son rôle, l'espace d'une nuit, sera alors celui de coquetterie. Car il n'a l'air ni gris ni cancanier, pas trop pipelet ni trop embarrassé. Juste fou. Fou à lier. Ainsi décide-t-elle de son avenir ravageur. La pièce est écrite.

    Et tout son corps la fait souffrir, encore et encore, mais ce n'est qu'un début car l‘enfant est jeune et brave. Et elle se noie, inexorablement, mais, elle préfère, tant qu'à faire, dans la luxure et la débauche ; on devine la fin prématurée. Celle-ci sera brutale, à n’en point douter. Saleté de traînée, saleté de timbrée. Crève.

    Lindor se lève, droite. Regarde, je suis là. Ici, juste là, à tes pieds. L’actrice est prête.

    La souillure et les impuretés du visage sont essuyées d'une main hautaine, les mèches rouilles, placées derrière l'oreille et priées d'y rester, et les yeux, voulus timorés sans trop l'être, toisent le visage voisin. Puisque le monde entier est un théâtre*, autant jouer.

    Je viens.

    C'est parti. Buvons et ensuite, nous aviserons.


* Merki Shakespeare
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Judas
Replongeant dans la moiteur et l'exigu de la fréquentation du tripot, Judas accueillit son air vicié avec détachement. Il y avait quelque chose de plaisant dans la crasse d'un endroit de perdition. Car le jeu en était une assurément, et au petit matin, quand il faisait sa prière quotidienne à Petit Bolchen, il omettait sciemment de se souvenir qu'il l'embrassait souvent. Aimer sortir aux heures où c'est inconvenant, c'est aimer tout l'inconvenant que cela implique. Un peu à l'image d'une étreinte bestiale dont on savoure l'odeur de sueur, le tripot et ses déboires avaient un charme certain.

Il bouscula selon l'usage et les codes des maisons de jeu bondées une bonne demi douzaine d'hommes se trouvant sur le chemin de l'escalier menant aux chambres que louait parfois le taulier pour arrondir ses revenus, sans s'excuser , point sans maugréer. A leur passage forcé près du comptoir de bois, Frayner s'appropria une bouteille. Il n'avait pourtant pas décidé de continuer à faire boire Lindor, non. Détour vers sa table désertée, pas bien longtemps au vu des deux énergumènes qui s'étaient octroyés sa place. Les gants. Par miracle ils étaient encore là sur un dossier de siège, nul doute qu'ils n'avaient pas été remarqués. Frayner apprécia sa chance.

Et lorsqu'enfin il la tira de la mouvance humaine, des début de rixes et du gloussement des catins, il détourna son regard de leur ascension pour mieux la dévisager. S'assurer que Lindor était toujours là, bien qu'il la tenait encore, s'assurer qu'elle n'avait pas décidé de rebrousser chemin. Mais que lit-on qui ne soit illusoire au travers de prunelles vitreuses?

La chambrine s'offrit à leur intrusion, bientôt le reste du monde d'en bas ne fut qu'une vague rumeur. La porte fut refermée dès lors que la rousse fut rendue à sa liberté. Voilà, ici Lindor pouvait cuver sa nuit sans trop se préoccuper de la loi du plus sobre. Les gants accusèrent la relative tendreté d'une paillasse, et le mantel se plia à la maniaquerie de son propriétaire. Il se tourna de nouveau vers elle comme s'il savait déjà à quelle sauce il allait la manger. Quelque part, il y avait là un fond de vérité. Mais pas forcément celui que l'on devinait. L'hôte était plus sale que l'envers de ses bottes, Judas détestait que l'on gâche ainsi de jolies choses. Il l'attira à lui et la fit s'asseoir sur le rebord de la couche en la repoussant un peu. Les joues marbrées de fards avaient bavé jusqu'au menton, et la consistance a moitié sèche de ses cheveux souillés le rebutait férocement. Sourcils légèrement froncés il murmura avec simplicité d'une voix fortement cassée:


Voyons. A quoi ressembles-tu sous tout cela...

Le gaucher creusa sa paume, laissant s'y déverser le contenu ambré de la bouteilles qui n'était certainement pas de l'eau. A-ton seulement vu de l'eau se balader sur les comptoirs des assoiffés? Lindor vous assurera que non.
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Labda
« - Quel est ton nom ? - William Blake - Mais alors tu es un homme mort ! »
    Dead Man - Jim Jarmush


    Lindor traversa la canaille gargote d'un pas assuré, la connaissant par cœur, rien qu'à l'odeur vous aurait-elle dit ; c'est chaque soir les mêmes putains, chaque soir les mêmes soiffards. Le rendez-vous préféré des taulards et de la misère. C'est ici, à l'abris des regards et des fidèles quoi que misérables soudards, que se concluent les plus louches affaires. C'est en somme, pour bon nombre de crasseux, un alléchant exutoire, et on y prend plaisir à s’y voir. Quoi que. Mais alors que fais-tu là Judas ? Pourquoi venir t'y perdre ? Allez, peu importe, emmène-moi. Lindor traversa la gargote d'un pas assuré, car elle était fière de celui qu'elle suivait. Et le menton relevé et le regard grave, elle tituba jusqu'aux escaliers. Les marches furent escaladées et l'enfant prit place.

    Lindor remarqua la bonbonne de Judas, ses sens étant finement exercés à ce genre de chasse, et, satisfaite, émit un petit rire joyeux. Quelle bonne idée ! Que faire de plus, ici, à part se soûler ?! L'âcre saveur des vinasses servies n'empêchait pas Labda de boire un peu plus chaque fois. Si elle travaillait dur en journée, représentant toutes les farces, mystères et miracles de son répertoire, chipant toutes les bourses qu’elle pouvait apercevoir, c'était bien dans l'idée d'étancher sa soif le moment venu. A quoi bon, sinon ? Epuisant rituel en réalité, mais puisque l'enfant joue, la routine est éthérée. Et que risque-t-on dans un jeu affranchi de toute règle et de toute bienséance ? A défaut de s'y perdre, pas grand chose.

    Voyons. A quoi ressembles-tu sous tout cela...

    Et bien quoi, on ne boit pas ? Labda se pencha au-dessus de la coupe de fortune. Son visage aurait pu s'y refléter, mais à quoi bon ? Il était de la même teinte que la boisson. Elle supposa qu'il était temps de se débarbouiller. Il faut croire qu'il y a dans ces soirées-là un moment pour tout. Pourtant, d'ordinaire, on ne lui en veut pas. On s'en moque ; ils font avec. Bon. Pas cette fois donc. L'adolescente plongea ses doigts dans l'alcool, allait les mettre dans sa bouche, mais ils glissèrent finalement sur ses joues marbrées. En voilà, une chose folle ! Trop raisonnable à son goût : elle trouva ça presque outrageant, mais n'en dit mot. Et qui ne dit mot, consent. Elle ferma un instant les yeux, humant à plein poumons les effluves méphitiques. Elles les trouva somptueuses.

    Labda passa sa manche sur son visage et regarda le sombre Judas. Qu'allait-elle faire de lui ?

    S'il te plaît, racontez-moi une histoire.

    Elle en était, en effet, friande.

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Judas
La bouteille s'allège d'une nouvelle salve s'écrasant contre les reliefs réguliers de la paume Judéenne. Passant ce bénitier de fortune par delà les mèches rousses Judas la baptise, la purifie. De geste en geste, les cheveux s'épurent de cette souillure âcre, Lindor devient quelqu'un d'autre. Oui... Mais qui? Sans doute ne le lui révèlera-t-elle pas. Ce n'est pas grave, se garder des autres implique une réciproque, respecter leurs masques. La tête juvénile s'est laissée pencher en arrière, bientôt les doigts d'homme enserrent la nuque. Il la regarde. Là dessous donc, une inconnue. Amen.

Raconter des histoires c'est encore ce que Judas sait faire de mieux. Mais peut-être pas le genre de légende Bolchénienne qu'elle aimerait entendre. Non pas celle du Malesoir, pas celle de la Mère. Frayner est maistre de boniment; Lindor est ivre. Inutile d'exercer des talents qui resterons vains, senestre lâche la petite nuque et reprend son assise, passant un index liquoré sur ses gencives. Il réfléchit, sans vraiment la lâcher du regard. La nuit est courte, elle se termine déjà, les murmures avinés de l'enfer des pauvres se sont tus tout en bas.


Il existe près d'un bois Bourguignon un castel.

Judas se remet à jouer à la poupée, d'un naturel désarmant il ramène la rouille humide en arrière afin de la discipliner.

Dans ce castel il y a une pièce exigüe qui ne voit jamais d'autre lumière que celle d'un vieux candélabre.


Les doigts passent sur les clavicules et sous la première épaisseur d'étoffe dont la jeune femme s'est parée. Maitresse de superpositions, l'art de s'androgyniser à guise. Le rempart chamarré est chassé jusqu'à choir sur la couche.

Dans cette pièce, il y a des fioles. Une multitude de fioles. Des petites, des grandes, des fragiles, des vides, des pleines...


Le geste assaillant défait ce que Lindor a fait, une seconde percée met à jour une parcelle de peau laiteuse.

Dans ces fioles, poudres et essences, volatiles effervescences endormies. L'on a mit la gloire en bouteille, distillé la grandeur, et même enfermé la mort en le joug d'innocents flacons.


Puisqu'elle voulait écouter une histoire, Judas raconte. Si elle ne s'endort pas entre temps, demain l'infante ne s'en souviendra pas, on cuve le vin on cuve les rêves. Alors pour cet instant qui n'appartiendra finalement qu'à lui, il peut bien se permettre d'offrir pour une fois une part de vérité. Lindor est repoussée, priée de se déplier, de s'allonger. De s'abandonner.

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Labda
    Lindor répondit par un rire léger, celui de la pucelle amusée, de la jouvencelle mortifiée, celui qui plaît aux imbéciles. Elle sentit pourtant les bénédictions glisser le long de sa nuque comme elle entendit l’histoire ; peut-être était-elle moins niaise qu‘il n‘y paraissait, probablement moins soûle qu’on ne pouvait le croire. Et à la perfide de s’abandonner toute entière aux avances du Von Frayner : elle s’affala entre les draps amoindris par le temps passé, et, laissant apparaître sa gorge d’éphèbe, attira l’homme au creux du linceul. Elle craignait son âpreté apparente, mais se convainquit de son ingénuité. Comment mieux se détendre si ce n’est en fermant les yeux ? Le nuit n'en avait plus encore pour très longtemps.


    Si le pondéré lui plaisait, cela ne l’empêcha pas de réfléchir au vol qu’elle commettrait. Après tout, ce ne serait que justice face à la grivèlerie qu’il lui faisait subir. Peut-être ses gants qu’elle avait trouvé fort soyeux rien qu‘au regard, et qui, elle en était sûre, siéraient parfaitement avec l’un de ses costumes. Qu'elle aurait fière allure, avec !

    Prisonnière des mains augustes, la soumise semblait capituler.

    N‘avait-il pas sur lui quelque royal bijou ou breloque imposante ? Quelque chose qui brille et qui ne soit pas du toc ? N'était-il pas de bon ton chez les nobliaux de se parer de superflu et d'agrément ? Lindor retenu un ricanement à cette pensée, elle-même étant couverte d‘ornements.

    L’enfant prenait soin de tâter Judas, grimant l‘inspection en de caresses innocentes.

    Et parce qu'elle le jugea pervers et empli de mystères, elle eut subitement l'envie de le tuer, de serrer ses petites mains autour de son cou et de l’entendre articuler de vaines supplications. Qu'il était fier, comparé aux autres hommes qu'elle avait connu. Elle frémit rien qu’à l’idée d’embrasser salive s’enfuyant des lèvres inertes. Traversée par de fantasmes tout aussi morbides, Lindor fit passer son mutisme pour un manque de caractère. Qu‘il la prenne pour une ignorante, voilà bien tout ce qu‘elle souhaitait. Ses yeux seuls trahissaient l’ampleur de sa démence.

    Et Labda se tut et quitta sa robe pour ne plus qu'épouser les draps et ses bras.

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Judas
Oui mais voilà qu'il la déshabillait comme on couche une enfant, et le désir ne pointe pas sous l'égo, juste la seule autorité de celui qui a décidé que la nuit commençait ici, là ou cessait les déboires. Lindor fut ainsi lavée, et les bras de Judas l'emmailloteraient presque s'ils n'étaient pas si peu tendres. Lorsqu'elle s'abandonne et se déleste de sa robe, c'est l'apogée. l'Inconnue sous le masque est disciplinée, mais qui a cru que Judas la voulait? Si ce n'était pas lui, c'était eux, les soudards qui trompent l'ennui en violant les petites Lindor... Alors...

Ce n'était qu'une histoire d'étage, et elle avait saisi "l'occasion de s'apaiser au frais de sa fugace générosité". Une chambre pour la nuit, un bain quoi qu'on en dise, et le repos sobre, bientôt. Car si Lindor se méprend sur la finalité de l'entreprise, Judas se méprend aussi sur l'état bientôt dégrisé de la petite. Il la croit saoule, elle ne perd pas le nord. Accoudé contre l'alanguie il ne rechigne pas à lui rendre ce qu'elle donne tout de même, continuant son pamphlet sans prêter garde aux caresses chafouines.

La breloque des Von Frayner serpente autour du cou de l'homme, sous la chemise, sous les cheveux, elle roule sur ses gemmes et sur l'écu de la famille. L'atour vaut son pesant d'or, sans doute parce qu'à Paris il fut déjà dérobé. Bijoux à la valeur plus que sentimentale. Les bagues aussi sont fidèles lorsqu'elles glissent dans les ronces de feu, monnaies d'échanges courants, Judas est joueur. L'une d'elle manque, troquée contre un trèfle à quatre-feuille-demi lors d'une entrevue Irlandaise. Mais ce n'est rien, toute ostensible richesse n'est utile que pour s'attirer la cour des brigands. Lindor ne ressemble pas a l'un deux, Frayner est incrédule, Frayner baisse sa garde.


Mille mains sont venues réclamer ces fioles. Des mains de duchesses, des mains de marquises, des mains de mercenaires et de putains. Des mains adolescentes, qui n'ont pas su les tenir. Un jour l'une d'elle s'est brisée, et sur le carreau a chut un homme. Ce n'était pas le premier mort du château, pourtant il réussit à jeter un vilain aura sur la piecette qui ne revit pas la lueur d'une chandelle durant... Très longtemps.


Il décida de ne plus trop la regarder, lui trouvant des yeux que l'acool certainement rendaient dérangeants. Comme les yeux de Roide. Mais sur le moment il ne comprit pas qu'elles n'avaient pas que la boisson comme point commun... Dieu que les hommes sont unilatéraux. Le satrape espéra qu'elle finisse pas s'endormir, lassée de son histoire afin qu'il puisse sortir de sa nuit comme il y était entré, la laissant trouver un semblant de ... De quoi d'abord? A moins que ... Ce ne soit lui qui s'assoupisse au contact plutôt plaisant d'une peau chaleureusement nue.

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