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[RP] Quand prend la béarnaise.

Morelius
[Suite du rp en gargote du Comminges, suite du rp... etc...]

Deux nuits et un jour durant, par des chemins d’embûches, les monts suivant les vaux, Theolenn et Morelius ont gravi les collines du Comminges et descendu les escarpes du Béarn, longé des ravins baillant sur d’obscures profondeurs, traversé des forêts inhospitalières, si rudes qu’il fallut tirer le cheval exténué, plongé vers des combes si pentues qu’il fallut cette fois le retenir. Cieux d’ébène et d’orage, éclats de foudre et trombes de grêle, vols d’aigles et de gerfauts qui montent dans le vent froid, échos qui se lamentent au cri surnaturel de quelques meutes chagrines, lacs immobiles et sombres où viennent boire les bêtes fauves et les noirs sangliers. Vague après vague, la montagne Pyrénée à leur senestre toujours semblait se prolonger dans l’éternel murmure de ses gorges de granit et les grands cris de ses massifs glacés.

Deux nuits et un jour durant, les reins transis et perclus de fatigue, dormant dans des bivouacs de fortune, ils se sont avancés de l’aube vers le couchant, vite sales et crottés de poussière et de boue, mangeant leurs rations de voyage ou le gibier chassé.


(Pyrénées depuis la plaine de Tarbes - François Lataste - XIXe)

Juin maussade et triste. Un vrai juin de guerre. La chaleur les étouffe sous un soleil de plomb, et chaque averse les détrempe à s'en sentir plus lourd. Pourtant, malgré ces désagréments, cette longue chevauchée leur a semblé plus fastidieuse que difficile. Mille périls menaçaient, aucun ne s’était manifesté, mais l’attente du danger est plus oppressante que le danger lui-même.

Les deux cavaliers, partageant tour à tour l'unique cheval, cheminaient maintenant ensemble montés, doucement, le long d'un sentier qui suivait le cours calme d'un ruisseau. A main destre, il débouchait sur une vaste plaine soigneusement cultivée. Sur une colline le “castellum” de Tarbes dont les solides fortifications témoignaient de l'insécurité des temps. Maîtres et bête rivalisaient de saleté.


- Alors... il te "Tarbes" toujours d'y estre ?
_________________
Theolenn
Theolenn ne put réprimer un sourire dont la blancheur trancha avec le reste de sa mise. La voyageuse, tout comme son compagnon, était sale, certes, mais radieuse.
Le chemin entre Saint-Bertrand et Tarbes avait tenu toutes ses promesses.
Quoi de plus efficace pour dépenser un trop-plein d'énergie accumulée par inertie, que de devoir résister aux éléments qui s'étaient ingéniés à satisfaire ses désirs?

Ils avaient surmonté tous les obstacles, un à un, mais ensemble. Aucune dispute, aucun malaise et aucune ombre n'était venu troubler cette harmonie devant l'adversité. C'était plus que ce que quiconque pouvait attendre de la vie. Enfin, pour Theolenn c'était totalement nouveau et son cœur s'en réjouissait chaque jour davantage.

Le ruisseau qu'ils longeaient à présent lui murmura aux oreilles un petit air connu…


"A la claire rivière
Il faut vous décrotter
Mon eau y est si claire
Qu'il faut en profiter

Il y a longtemps que t'y penses
Pourquoi ne pas m'essayer?"


Finalement, elle avait peut-être exagéré sur l'effort… ?!?
L'effet persista malgré sa volonté de l'ignorer.


"Comme deux corps que l'on lave
Dans l'eau vive d´un ruisseau
Et qui laissent dans leur sillage
Des traînées de boue dans l´eau

Comme un manège de bulles
Mu par des carrés de toile
L'eau se presse et y allume
Cette lueur animale…"


Ah, ça c'était un argument convainquant!
Theolenn se tourne vers Morelius, le dévisage avec amusement, d'un doigt humecté de salive dessine sur ses joues un camouflage d'indien, en négatif, et déclare:


- Le meilleur déguisement d'un sauvage dans ton genre, c'est encore la propreté.
Viens-tu, mon ... barbouillé?

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Morelius
Un grand plouf et quelques jurons plus loin, le sauvage aux cheveux sales qui ne s'attendait pas à retrouver si vite le domaine aquatique ourdit déjà quelque humide vengeance envers celle qui s'est aussi inconsidérément joué de lui, éclaboussant la lessive qu'il avait mis tant d'application à essorer...

Mais, ô surprise, ô merveille, quand il réalise que de grâce, de douceur et de beauté naviguent de concert avec lui ! Et s'il veut bien accepter le rôle du sauvage, que Theolenn soit alors Aphrodite de son état, trônant entre ses bras comme la perle dans son huître, ainsi qu'il sied à une dame de haute lice.

Cheveux arachnéens flottant au moindre souffle, yeux tour à tour pétillants et langoureux qu'une touche de ciel bleu myosotis rehaussent ; teint frais comme la rose entrouverte du matin, bouche vermeille et bien dessinée, taille svelte, chute de reins en arceau, hanches de violon; harmonie des courbes en arabesques déliées et souplesse des mouvements. C'est à ces détails ténus soyez-en sûrs, que l'on sait reconnaitre une fille de l'onde, même revêtue d'un humble sac de toile écrue échancré tout à loisir par le ressac inclément d'une rivière troublée.

Un enchantement magique laisse Morelius pantois. Les alvéoles de sa mémoire se vident de la moindre parcelle de souvenir, ainsi que s'évapore des ruches le miel dont Martin l'Ours remplit son grassouillet bedon. Ses facultés de jugement s'engourdissent. Tant le subjugue la belle, que sa cervelle coule comme un fromage de bique trop crémeux. Adieu, la vengeance, oubliée, envolée ! Car l'Ondine dégage une présence qui n'a rien d'un rêve et qui fleure bon la vanille, l'anis, et la violette. Son cœur à lui bat la chamade, l'air lui serre la poitrine; ses paupières papillonnent, la sueur lui picote les tempes, et sa gorge déglutit à tout bout de champ.

Est-ce donc cela, être en amour ? Paralysé tel un végétal transi, un légume, une... algue ?

_________________
Theolenn
Mer d'huile ou démontée par Éole en personne, lac tempéré de plaine ou petit lac glacé de montagne, fleuve majestueux à la force tranquille, rivière dormante, torrent impétueux ou simple bassin naturel creusé dans le rocher, pourvu qu'il y ait de l'eau. Theolenn est dans son élément, elle nage, plonge, les yeux ouverts elle inspecte le fond clair, détaille les pierres et les quelques végétaux qui poussent courageusement malgré le flux continu. Mais c'est plus fort qu'elle, c'est irrésistible, chaque fois, quoi qu'elle fasse, quelles que soient ses pensées, tout la ramène vers lui. Sous l'eau elle l'observe en secret, à loisir, elle connaît par cœur, oui, par cœur, ce corps viril marqué par les aléas d'une vie agitée, d'un passé trouble et fragmenté en bribes de récits pour lesquels elle se passionne. Le courant l'éloigne, elle le remonte avec aisance et revient à la hauteur de l'amant, clapote en souriant, l'éclabousse en riant, joue avec les molécules du fluide espiègle qui baigne leurs corps.
La fatigue n'existe plus, les frôlements aléatoires des jeux du bain ont réveillé de folles envies.

Des saponaires ornent la rive. Les saponaires sont toujours au bon endroit quand on en a besoin, c'est une élégante attention, non ?
Elle se servira avec parcimonie. Elle ne vole jamais la nature, au contraire, elle l'emprunte avec reconnaissance. Encore un des innombrables enseignements de son père.

Morelius la regarde sans mot dire. Elle décide que par ce mutisme il consent et retourne roder de son coté, câline, le geste ondulant, tournoyant autour de lui comme une sirène ou une vouivre mais qui, malgré un regard énigmatique mi-tendre et mi-mutin, serait dépourvue de toute mauvaise intention à son égard.


- Laisse-toi couler un instant avec moi… murmure la divinité des eaux à l'oreille du rebelle attendri.

_________________
Morelius
Et au milieu coule une rivière...

C’est que la dame n’en avait pas fini d’aller de sensuelles découvertes en voluptueux étonnements ; c’est que Morelius tombait en amour avec une démesure qui croissait à chaque baiser, une émotion qui embellissait à chaque effleurement, une passion qui décuplait à chaque enlacement.

Le seul contact de son épiderme raffermi par l'eau froide de la rivière lui était un émerveillement. Dès la seconde où les mains de Theolenn l'avaient effleuré, il avait ressenti l’indomptable suavité de cet attouchement. Une onde dévorante l'avait embrasé de son feu. De toute éternité, ces deux peaux amoureuses étaient faites l’une pour l’autre, un même grain pour de mêmes sensations, une même texture pour de mêmes étreintes. Pareillement, il lui semblait que leurs effluves mêlés faisaient un parfum capiteux qui surpassait en force et en richesse, la plus folle des drogues orientales. Aussi, leurs corps à peine enlacés n’avaient-ils de cesse de se frotter l’un contre l’autre pour se saouler de leurs fragrances amoureuses.

Et toujours le miracle de sa lumineuse féminité dans les reflets de l'eau. Bien vite il l'accompagne dans ce ballet de baisers insatiables, de morsures délicates, de griffures frémissantes, de chatteries gourmandes. Un jeu plein d’innocence et de désirs. Un voyage aquatique dans l’extase ! Ces affèteries puériles et polissonnes le jettent dans une transe langoureuse, bien plus vite que prévu. Cette langueur retenue fait alors place à une concupiscence plus franche. A demi-aquatique et à demi-aérien, Morelius ferre sans crier gare le plus beau poisson de la rivière. La bataille commence... le voici plus agressif et plus vigoureux. Il a l’impression que sa ligne trop tendue se casse en vibrant comme casse la corde d’un luth...

Et toujours le miracle sans borne de leurs peaux communiantes, de leurs odeurs parfaitement mêlées et de leurs corps connivents. Même chair et même corps, si harmonieusement mariés qu’ils ne font plus qu’un. Morelius voudrait tout entier envahir ce corps de femme, superbe et provocante ; bassin, torse et tête, bras et jambes compris. Enfin, le gouffre gigantesque où ils plongent se referme, les engloutissant tous deux dans une géhenne de feu. Le ventre béant jusqu’au cœur, puis refermé comme un poing vigoureusement resserré, Theolenn hallucine une fois encore pendant que Morelius lui avoue en longs épanchements, tout son amour et toute sa reconnaissance.

La trompette de l’ange d'Aristote sonne la fin des temps et l’un avec l’autre, l’un dans l’autre, emmêlés et agrippés, embrochés, embouchés, avec une sorte de désespoir terrible, ils se noient, ravis, dans leur petite mort.

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Theolenn
Le rêve se prolonge au-delà de l'onde, c'est un rêve éveillé. Il ne demande aucune trêve, juste quelques rares temps de repos. Celui de retrouver l'énergie nécessaire pour recommencer infiniment les ajustements précieux ou divinement sauvages qui leur ouvrent ces horizons vertigineux. Encore et encore. Et quand ils pensent que le sommet est atteint, ils découvrent éberlués qu'ils n'en sont qu'au début de l'ascension et que tout peut encore s'amplifier. Sans être à même de l'imaginer. Dans un flou délicieux qui ne demande rien. Qui donne. Qui transforme leurs âmes et les accouple, leur restituant dans ces instants d'éternité, l'idée du binôme dans lequel elles ont été créées. Autrefois. Quand un enfant dieu jouait avec des moules bipartites et s'inventait un jeu de pièces doubles, puis riait en les séparant, les éparpillant à travers l'univers et le temps. Se doutait-il du plaisir de ceux qui se retrouveraient malgré les obstacles, dans cette infime probabilité? Sans doute eut-il été jaloux de ne pas connaître cette incroyable expérience. Ce plaisir presqu'insupportable de se compléter si parfaitement dans une union sacrée.

Theolenn aussi connaît ce désir intime de n'être qu'une partie d'un seul être fait d'eux.
D'être une sangs-mêlés, avec un cœur double et une peau commune. Quand dans l'euphorie de leurs corps joints, il la complète avec tant de bonheur, quand elle l'accueille dans son ventre gourmand de sa présence virile, Theolenn alors est oiseau. Elle vole, réchauffe ses plumes au soleil icarien. Puis elle plonge et devient poisson-lune, poisson-chat, dauphin ou requin suivant que son Autre est d'humeur taquine ou carnassière. La mer n'est qu'un ciel à l'envers.

Ensemble ils se font Eau. Rivière ou torrent fluctuant à l'unisson. Ils déferlent de canaux en goulets, étroitement unis dans une même mouvance. Le gouffre, la géhenne de Feu, le centre de la matière, ils se "Lave-nt" en miroirs, flammes qui se réfléchissent dans un infini de facettes parallèles qui pourtant se croisent en permanence. Et elle devient Terre, et il l'ensemence. Plus légers, ils repartent dans le Vent, planant sur d'autres courants, ascendants…

Suit le repos des guerriers qui reviennent de loin. L' île secrète qui les abrite est unique, cachée en eux, profondément enracinée dans la toile des songes qu'ils partagent à deux. Ils en reviennent intacts et différents, plus forts et plus unis devant les obstacles du monde qu'ils parcourent. L'histoire leur tisse une trame dont chaque fil est issu du croisement de leurs fibres. A eux de se la conter…

L'air s'agite.

L'après-midi est déjà bien entamé quand Theolenn récupère les vêtements propres qui claquent en séchant. Morelius la regarde l'air heureux. L'insistance de son regard la fait rougir. Tiens, c'est nouveau ça?

Mais le temps est à l'orage, l'atmosphère se rafraîchit et Tarbes les attend…

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Morelius
[L’énigme de Tarbes]

Comme implantée depuis l'aube du Monde sur un îlot sableux un peu à l'écart de la rivière Adour, la double cité de Tarbes semblait attendre nos voyageurs depuis des lustres. D'ailleurs ces moulins qui le long des nombreux canaux de la plaine agitaient leur grande roue au gré du courant ne leur souhaitaient-ils pas la bienvenue ?

Si la cité semblait double, c'était que le bourg de l’Évêque et celui de l'ancien comte de Bigorre étaient là physiquement séparés, tous deux ceints de murailles et de canaux. La séparation des pouvoirs terrestre et spirituel était ici bien palpable, ce qui ne manqua pas de faire sourire Morelius.

Il en fit la remarque à Theolenn, lui demandant à la vue des deux murailles qui selon elle des Évêques ou des Comtes détenait le plus de pouvoir. Et de fil en aiguille de leur discussion, lui posa même cette énigme qu'il aimait tant:


Dans une pièce sont assis les trois plus puissants hommes de la région: le comte de Bigorre, l’Évêque de Tarbes et le plus riche bourgeois de la cité. Entre eux se tient un spadassin dans mon genre, homme de rien, de basse extraction, et sans couronne ni onction divine, ni richesse autre que l'épée qu'il tient entre les mains.

Chacun des grands hommes lui demande alors d'occire les deux autres.

Tue-les, dit le Comte, car je suis le souverain légitime de ces lieux.
Tue-les, dit l’Évêque, car je te le demande au nom du Très-Haut.
Tue-les, dit le bourgeois, et toutes mes richesses seront tiennes.

Alors dis-moi, Theolenn, ma mie, qui détient le pouvoir ? Qui des trois mourra, et qui restera en vie ?

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Theolenn
Theolenn écouta l'énigme avec attention. Elle la passa même plusieurs fois dans la machine à neurones qui lui garnissait le haut du cou. Pas simple pour quelqu'un que la puissance indifférait complètement!

*Ne pourrait-ce pas être la même personne?* se dit-elle un instant en regardant un Morelius qui semblait si fier de son astucieuse question? Elle émit ses doutes à haute voix.

- Sont-ils vraiment trois?
Un comte est au moins un bourgeois, souvent le plus riche du comté. Peut-il aussi être évêque? Un évêque peut être riche… comme un bourgeois.
Dans ce cas, le spadassin les tue tous les deux.
En plus tu dis "entr'eux"… on ne peut pas être entre trois personnes…


Elle réfléchit encore.

- Admettons qu'ils soient vraiment trois. Que ferais-je?
Si je ne tue personne, ils m'en voudront tous les trois.
Si je tue le bourgeois, le comte ou l'évêque pourra revendiquer ses biens.
Si je tue les deux autres, je récupère les biens du bourgeois qui reste en vie mais qui devient pauvre. Donc je risque le moins.
A part Dieu… mais existe-t-il?
Et puis un spadassin se vend au plus offrant… donc…


Ce n'était pas clair, pas assez du moins, elle se doutait qu'un piège devait être caché dans ses mots et ça l'énervait un brin de stagner sur l'affaire. Par dépit ou par bravade , elle finit par trancher à sa manière:

- Celui qui détient le pouvoir, c'est toi. Puisque qu'on te donne un droit de vie et de mort et que tu as le choix… et l'épée.

- C'est mon dernier mot!


Et Theolenn, satisfaite de sa ruse, put cesser de froncer les sourcils afin de retrouver un sourire aussi radieux que le soleil qui à cette heure inondait le ciel du Béarn de ses rayons généreux …

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Morelius
Une lueur de fierté et d'admiration traversa le regard de Morelius à la réponse de Theolenn. Comme les lois de l'alternance voulaient qu'à cet instant ce fut elle qui montait et lui qui piétaillait, il s'empara de la main senestre de la cavalière et l'effleura de ses lèvres. Hommage à sa perspicacité et à son intelligence.

Bonne réponse... tout dépend de l'homme a l'épée. Qui est libre de son choix détient le pouvoir.

Il lui offrit un sourire complice, puis recommença à avancer en tirant le cheval par la bride pour avaler les quelques arpents qu'ils leur restaient à franchir avant de rejoindre la porte de la cité bigourdane.

D'aulcuns te diront que le pouvoir est à la noblesse, mais quel pouvoir aurait-elle vraiment si elle n'avait plus celui de pouvoir contrôler des dizaines d'hommes armés d'épées ?

D'autres que le pouvoir est dans la volonté de Dieu, ou dans les lois des hommes... mais quel pouvoir a Dieu ou la loi quand il s'agit d'arrêter la folie meurtrière d'une compagnie d'épéistes à la guerre ?

Qui est le véritable meurtrier ? L'homme qui ordonne le meurtre ? Celui qui l'exécute ? Celui qui a forgé l'arme ? Ou celui qui a fait en sorte qu'on en veuille à sa vie ? La vérité, ma doulce renarde, c'est que le pouvoir réside là où l'homme pense qu'il réside. Ni plus, ni moins...

Le pouvoir n'est qu'une ombre sur un mur... mais une ombre qui tue.


Ils étaient arrivés à l'embranchement qui permettait de choisir d'entrer dans la Tarbes épiscopale ou la Tarbes comtale.
Morelius arrêta le cheval et demanda:


Ce jour le choix est tien, ô mon capitaine.
Corps... ou âme ?

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Theolenn
Elle soupirait d'aise sans en rien laisser paraître, la donzelle sur le cheval. Mine de rien, décevoir Morelius lui aurait été source de peine. Ou bien blessure d'orgueil…
Elle reçut son hommage labial comme un véritable trophée et sentit s'insinuer à travers tout son corps la petite onde de joie pure qui précède le sentiment de fierté.

Son sourire énigmatique aux paroles qui suivirent fut en rapport avec son passé. Celui qu'elle ne pouvait pas lui raconter, pas encore…
Sa seule intrusion dans le monde de la politique avait été un fiasco total. Il faut bien avouer qu'accepter un poste de bailli et de commissaire aux mines dans le seul but de faire changer une loi sous le coup du chantage, ça avait de la gueule mais pas beaucoup de sens. Quand on se méfie de la politique par intuition, il ne faut pas grand chose pour se rendre compte qu'il eut été préférable de s'abstenir. Néanmoins, l'expérience n'avait pas été totalement inutile. D'abord elle s'était rendu compte de son aptitude à s'intéresser à la gérance d'un comté, mais elle avait aussi appris à calculer des rendements miniers, des rations d'élevages optimum et à remettre un peu de justice dans la vente des points d'état. Bref, elle s'y était investie corps et âme et avait même, bonus suprême, bénéficié d'un effet oubli personnel qui tombait à point nommé. Par contre, pas de surprise au niveau relationnel entre membres du conseil, nobles pour la plupart, que du mépris et des querelles de bas étage, du favoritisme amical, des intérêts familiaux. Une belle image coté coulisse du pouvoir, de quoi la dégoûter au point de refuser par deux fois des propositions d'anoblissement suivies peu de temps après par sa démission fracassante. Six semaines d'efforts avaient eu raison de sa détermination. Mais pour quelle délivrance !

La jeune femme souriait donc, la petitesse de la noblesse, elle savait…
A côté de ça, mais aussi dans l'absolu, voyager avec, en, et à travers Morelius, ce spadassin aux valeurs si proches des siennes, c'était le paradis à portée de main.

Par contre, Theolenn avait une sainte horreur des choix. Quand on lui proposait deux options, il était plus que probable qu'elle en énonçât une troisième. Aussi, regardant Morelius droit dans les yeux, elle illustra parfaitement sa propre légende:


- Cœur!

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Morelius
Morelius se mordit les lèvres d’avoir laissé le choix à sa compagne de route et se tut pour que s’éteigne de lui-même un discours qui sinon se serait déroulé sur des heures. Levant les yeux vers Theolenn, il l'observa en levant un sourcil dubitatif. Cœur... Elle semblait ne plus se préoccuper des affaires qui lui embruinaient tant l’âme quelques semaines plus tôt. Il la contemplait maintenant, l’oeil en ritournelle, avec un bête sourire... comme le bambin regarde le papillon.

Il se hissa un peu jusqu'à la tête du grand cheval et lui glissa à l’oreille :


- Quelle grâce ces dames ! Même le cul posé sur une haridelle branlante dans ton genre, ça garde le front altier et la réponse cinglante.

Le cheval remua doucement la tête, puis laissa échapper par son extrémité arrière une de ces odeurs dont seuls les ruminants on le secret. Il était temps de bouger, choix ou pas, alors c'est à la gagnante du jour que Morelius s'adressa:

– J'avoue de bonne grâce ma défaite, ma dame. Mais avec tous les vents dont ton cheval me gratifie, ce n’est pas le front que je garderai haut mais bien le nez. Il pète à ce point dru ton cheval qu’il avance sans même bouger les pattes. Regarde bien la route ; on n’y voit pas l’empreinte de sabots mais deux profondes ornières. Nous pourrions le louer à prix d’or aux laboureurs du coin.

Morelius musa les yeux au ciel et un sourire lui point aux lèvres avant qu’il continue :

- Si j'avais eu une torche, j'aurais trouvé sûrement moyen de le voir galoper et choisir la direction à notre place, ce cheval... Ça aurait fait comme une bombarde, mais à l’envers... enfin bref... entrons donc dans la cité comtale, car j'ai le temporel qui me démange...
_________________
Theolenn
- J'ai le temporel qui me démange… mais que diable voulait-il dire par là?
Mille images plus folles les unes que les autres traversèrent l'esprit "parfois" tordu de Theolenn qui, chemin faisant, et par intermittence, se mit à sourire à la vision imaginée de quelque situation cocasse.

Comme Pet-gaz le leur avait "inspiré", ils se dirigèrent donc vers le Bourg Vieux, au centre, le bourg du comte, fortifié et flanqué à l’orient de son château. La bourgade possédait un réseau de canaux à ciel ouvert destinés à assurer son ravitaillement en eau mais aussi à fournir l'énergie de ses moulins. Theolenn vit cette heureuse initiative comme un signe de bonne augure. Et puis elle aimait ce type de moulin dont la rotation des roues entraînait un bruit de cascade et offrait à son esprit une sorte de sérénité bienveillante. C'était probablement la seule représentation symbolique de l'idée de routine apte à lui plaire.

A l'entrée en ville, les choses se compliquèrent: ils firent connaissance avec le "Trobas", ensemble de 110 règlements, pas un de plus, pas un de moins!
C'était déjà laborieux de se farcir les lois fluctuantes des nombreuses villes que traversent les voyageurs sans s'emmêler les pinceaux et risquer la prison pour des broutilles ou un manque de logique commune, mais là… Certains articles firent pourtant sourire Theolenn:


Dans le Trobas, il y a écrit:
ART. 23. Il est aussi défendu à toutes personnes de jeter dans le Ruisseau ou les
fossés des bourgs, des chiens, des chats morts, ou autres immondices.

ART. 46. Il est défendu à toutes personnes de mettre des fumiers dans la Place
Saint Jean, ni près des Portes des Bourgs comme aussi d’y faire des tueries.

ART. 63. Il est défendu de faire la lessive dans la rue depuis la rue droite du Carme
jusqu’à l’ormeau du Solé.


S'ensuivaient les peines encourues ainsi que la liste de leurs destinataires.

A la tête que faisait Morelius au vu de la longueur de l'édit, Theolenn fit la seule chose à faire dans pareille circonstance, elle lui offrit la pitance afin qu'ils puissent s'entretenir du gîte qui leur conviendrait à tous deux.


- Chère âme, si le cœur t'en dit, allons requinquer nos corps affamés !

Elle espérait simplement que, ne sachant quoi faire des cadavres d'animaux de compagnie, les taverniers ne les accommodent point en ragoût…

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Morelius
Chère âme... Morelius fut plus affecté qu’il ne voulut le reconnaître et plus encore laisser paraître par cette nouvelle appellation, qui le renvoya face à sa relation avec celle qui au départ n'avait été qu'une cliente comme les autres, juste un peu plus agréable à côtoyer. Une avalanche de questions plus ou moins sensées déferla dans sa tête, de quoi était-il sûr, que savait-il d'elle, de ses souhaits, de ses sentiments... D’un revers de main imaginaire il chassa toutes ces idées de sa tête.

Depuis leur départ de Savoie il avait pris l’habitude de vivre au jour le jour, profitant de toute bonne chose qui s’offrait à lui. Elle était là, présente à ses côtés depuis plusieurs mois maintenant, attentive, à l’écoute, leur complicité croissant. Une partie de son passé désormais connue pouvait expliquer des choses, et l’idée insupportable de pouvoir la perdre lui traversant l’esprit, il serra davantage l’étreinte de sa main sur celle de la dame de Montmélian.

La cité au pied des montagnes était désormais leur, et après la traversée des solitudes désertes du Comminges ce regain de vie lui plaisait fort. Quelques boniments d'un rabatteur de taverne se firent entendre, le mercenaire adressa un sourire bienveillant à sa dame.


- Merci d’avoir pensé à mon gaster, ma Fouine. Je ne peux qu’imaginer, et encore c’est beaucoup dire, ce que j'aurai été capable d'avaler si nous étions resté plus longtemps dans… gloub gloub gloub...

Son regard s'abaissant sur son ventre finit sa phrase. Il n’était nullement nécessaire de revenir sur ces maux. Prenant appui sur ses cuisses, il l'aida à descendre de cheval, puis se frotta doucement les mains sur le ventre.

- Hmmm je crois que nous allons pouvoir dîner ! J'ai grand faim...
_________________
Theolenn
La taverne dont les spécialités culinaires avaient été vantées quelques mètres plus avant, avait un point de vue des plus agréables sur l'Adour. Theolenn décida de dîner non pas en face de Morelius mais à ses côtés afin de profiter du même panorama que lui.

Une agréable odeur flottait dans l'air. Un mélange d'ail, de choux, de carottes et de cochonnaille qui mijotait doucement sur le feu. La gourmande en eut l'eau à la bouche et sur un signe de tête éloquent appela le tavernier. Un gros bonhomme, les joues rouges et la peau luisante d'être resté trop longtemps près de son fourneau, vint les accueillir, l'accent chantant tandis qu'un sourire fendait sa bobine joviale d'une oreille à l'autre.


- Qu'est-ce que je peux pour ces messieurs dames ?

Nul n'eut le temps d'ouvrir la bouche que déjà il poursuivait allègrement.

- Je vous sers deux garbures mes petits anges, c'est tout ce qu'il me reste avant ce soir!
Mais vous ne serez pas déçu, c'est du tout bon, foi de moi, vous m'en direz des nouvelles! Tout vient de mon potager personnel, y compris le canard Saturnin, le pôvre !!!
...et son rire gargantuesque se répandit dans toute la ruelle, semant par-ci par- là des îlots d'hilarité contagieuse.

Morelius opina du chef, Theolenn en fit autant et l'ogre disparut dans son antre aux parfums de garrigue.
La cuisine promettait d'être à l'image de son créateur, généreuse et opulente.

Et le vin? C'est qu'elle avait soif la Theolenn! Et connaissant quelque peu son voisin de table, il y avait fort à parier que Morelius rêve d'être servi par Bacchus en personne!

- Je reviens… annonça-t-elle en se levant précipitamment. Il a oublié la boisson!

Deux enjambées lui semblèrent soudain le bout du monde. C'était quoi cette bouffée soudaine qui lui étreignait la poitrine à l'idée de s'éloigner de lui? Avant que quoi que ce soit puisse être imaginé, fait, dit, supputé, demandé, ou même pensé, Theolenn revint vers Morelius, noua ses bras autour de son cou, et sans l'ombre d'une hésitation, lui ravit la bouche d'un baiser sauvage et doux à la fois. Un baiser sans raison, par pur plaisir, un partage furtif sans préméditation, une pulsion irrépressible.

- Tu… tu veux que je ramène du pain?

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Morelius
Où qu'on aille, on se retrouve aussitôt face à face.
La terre est ronde pour ceux qui s'aiment.


Le spadassin gouta un instant au Paradis Solaire après ce baiser inattendu.
Sa Dulcinée lui faisait toujours autant d'effet.
Il avait l'impression que tous les poils de sa barbe naissante se mettaient à friser.

Mais quand elle lui demanda s'il voulait du pain, ce sont ses sourcils qu'il fronça:


Du pain ? Mouiii... pourquoi pas une bonne miche ou deux ?
Un mercenaire ça peut tout se permettre, en service ou pas... c'est même à ça qu'on le reconnait.


Se rajustant sur son banc, il l'observa alors repartir.
Parfois, il lui prenait plaisir de respirer l’air et l’odeur de la nourriture avant de se mettre à table, de laisser ses lèvres fraîchir au froid de la nuit avant de les chauffer au goulot, d'observer sa belle s'éloigner avant de s'en rapprocher.
Savourer avant de savourer, qu'il appelait ça.
Et sans vergogne aucune il lui cria:


Mais ramènes-moi surtout le vin de tes douceurs capiteuses, ma mignonne, et nous irons voir s'il arrose, qui ce matin avait tes clauses... tu connais le poème...
_________________
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