[RP] La dernière journée de l'emmerdeuse

Inba.

Inba se lève de bonne heure, et s’habille. Tout le monde dormait encore profondément, le soleil montrait seulement ses premiers rayons, et annonçait une belle chaleur. Elle décide donc d’aller chercher du pain frais et des croissants pour le petit déjeuner. Elle se balade donc dans les rues désertes de la ville traversée, à la recherche d’une boulangerie. La ville était assez petite, elle n’eu aucun mal à trouver. Une fois les achats effectués, elle rentre à la roulotte et prépare les bols de lait pour tout le monde. Elle prend des fruits qu’elle réduit en bouillie, pour sa petite dernière, Luna agée de quelques mois. Inba n’avait plus presque plus de lait à lui offrir, surement du à sa grossesse…

Ixia, agée de quatre ans se lève enfin et débarque dans la cuisine avec enthousiasme, c’était l’odeur des croissants chaud visiblement qui l’avait réveillé. Le câlin matinal fut long, ce qui était assez rare finalement, car la petite se levait toujours en même temps d’habitude. Moment de complicité qui faisait du bien, qui annonçait donc une très belle journée. Inba l’aide à s’habiller quand la petite l’appelle enfin. Inba la prend dans ses bras pour un gros câlin également, pas de jaloux.

Une fois tout le monde prêt, tout le monde à table. Le petit déjeuner était toujours un repas réjouissant, où tout le monde mangeait.. ce qui n’était pas le cas des autres… Inba ne savait pas faire à manger… Ixia tirait la gueule à chaque fois, et pestait…. C’était pas bon même si Inba disait le contraire depuis toujours, faut dire qu’elle était de mauvaise foi à ce sujet… Comme toujours…

Inba donne la bouillie à la petite, qui faisait des grimaces immondes, et rigolote. Tout le monde rigolait, et Ixia en rajoutait en faisant une jolie moustache de lait, et faisant des grimaces à sa sœur. Une vraie catastrophe. La petite crachait les fruit partout, Ixia du lait. La cuisine était devenue un champ de bataille, car les trois filles ne s’en était pas arrêter là, ca c’était finit en bataille de boulettes de pain. Ca faisait bien longtemps qu’elles n’avaient pas autant rigolé.

Pendant qu’Inba nettoyait tout le bazar, Ixia avait pris des parchemins, et essayait d’écrire à son père, ca faisait quelques jours qu’Inba lui apprenait. Elle arrivait à écrire son nom correctement, tandis que les je t’aime, restaient illisible.

Inba une fois finit, complète le parchemin, lui racontant le petit déjeuner, et lui indiquant la ville où elles se trouvent. Ixia était préssée d’aller se promener, alors Inba met le parchemin dans sa besace au lieu de l’envoyer directement elle n’avait pas tout à fait finit.
Et hop en route pour les champs, c’était la période de cueillir des morilles, et Inba adorait ça… Même si elle ne savait pas les faire…Elles découvrent une rivière magnifique, y’avait une dame qui pêchait. Elles discutent un petit peu, de choses banales, Ixia lui posait cent milles questions. La dame était charmante.

Luna c’était endormi dans les bras d’Inba, alors elle la dépose dans son panier qui devenait presque trop petit pour elle, et la met à l’ombre sous un arbre.

Elles décident alors de patauger dans la rivière pas profonde avec la dame.Ixia avait décidémment la bêtise aujourd’hui, car elle arrose les grands avec ses petits bras plongé dans l’eau.

Il faisait chaud, mais l’eau restait quand même un peu froide, alors tout le monde frissonnait sous les jets d’eau envoyé, et Inba réplique, la dame aussi, la bataille fut gigantesque, des jolis fou rires était de la partie, pendant un très long moment. Inba court dans l’eau pour éviter les éclaboussures, et malheureusement glisse sur un caillou, et tombe comme une masse sur d’autres cailloux. Inba a le reflexe de protéger sa tête, mais un caillou bien pointu avait transpercé sa chair au niveau du flanc. La dame accourt pour aider Inba à se relever, et la ramène sur la rive. Assise contre un arbre, Inba regarde la blessure, tout en ayant bien du mal à respirer, la douleur était violente, et le sang coulait abondamment. Ixia était assez retournée, et Inba la rassure en lui disant, mais non t’en fais pas, c’est pas grave, ça va aller, sauf qu’Inba était infirmière et avait bien compris que c’était grave.. Le foie avait été touché….Et elle était plus en état de se soigner elle-même, et n’avait rien dans sa besace pour se faire… Elle demande à Ixia d’aller chercher des fougères un peu plus loin pour l’aider,et la petite se mit à courir pour le faire.

Inba s’inquiétait surtout pour ses deux petites filles, plutôt que pour elle, qu’est ce qu’elle allaient devenir ? La dame lui dit que y’avait un orphelinat pas loin, qu’elle allait les conduire là bas, tout en allant chercher du secours pour Inba. La noirette demande tous les détails de cet orphelinat à la dame avant qu’Ixia ne revienne. Visiblement il avait l’air très bien, et de toute façon y’avait pas tellement le choix.. Inba accepte donc…Elle prend les fougères qu’Ixia lui ramène et les met sur la blessure correctement, oh cela ne ferait rien mis a part cacher la blessure à sa fille.
Elle lui fait un énorme câlin, et plein de bisous, tout en lui disant je t’aime fort Ixia pour toujours, oublie jamais ça, n’oublie jamais…. La dame lui ramene la petite afin qu’Inba puisse lui dire aurevoir de la même façon. Le cœur d’Inba se déchire, car elle savait que ça serait la dernière fois qu’elle les verrait, elle sentait bien cela dans tout son corps qui se vidait de son sang petit à petit.

Les filles partent en compagnie de la dame, et Inba chope sa besace, prend le parchemin écrit à leur père, et le complète en lui expliquant la situation. Elle lui indique l’endroit, avec tous les détails que la dame lui avait dit, où il pourrait trouver ses filles, ainsi que l’accident bien malheureux, et l’issue fatale... Qu’elle était en train de mourir…. Elle lui écrit également qu’elle l’aime toujours de tout son cœur, et qu’elle est désolée. Le parchemin était emplit de sang quand elle accroche à la patte d’un pigeon, et l’envoie.

Inba regarde le pigeon s’envoler, et se laisse aller, la douleur était trop importante, Et le plus important avait été fait. Elle ferme les yeux, et sombre dans un coma. Son âme quittait doucement son corps pour aller rejoindre les étoiles, enfin la faucheuse voulait bien lui montrer le chemin.

Arnautpantagon

Chateau de Najac en Rouergue, vers la mi-juin 1460

La fin de l'hiver et tout le printemps, Arnaut était resté reclus en son Castel, la plus longue période qu'il eut passé loin du monde, usé par celui-ci, par plusieurs mois de guerre contre le Ponant qui avait marqué son corps et plus souvent encore rougit sa lame, ceci expliquant en partie une santé capricieuse depuis. Il s'était enfermé dans une routine monotone, vivant bien plus de ses lectures que des victuailles de sa tablée, avec pour toute fréquentation et société les héros mythologiques et romanesques de ces œuvres littéraires, ne se préoccupant des humains qu'en rapport avec la gestion de son domaine. Les rares moments passés à l'air frais étaient voués à une certaine flânerie, sinon pour se consacrer à l'étude des plantes et s'enquérir de l'état de ses bêtes. Néanmoins comme chaque semaine, de mauvaise grâce il s'attelait à décacheter les lettres arrivées au Castel pour prendre connaissance des dernières nouvelles. Qu'y avait-il donc cette fois-ci, encore une nouvelle cérémonie d'allégeance ? les affaires publiques ne l'intéressaient plus, il y répondrait comme depuis des mois par une simple missive. Un cachet cependant retint son attention, aux armoiries de la seigneurie de Tyx. Quelles nouvelles donc de Linoa ? un sourire fendit son visage quand il comprit qu'il s'agissait d'une annonce de mariage. Mais ses yeux s'exhorbitèrent bien plus encore au nom du futur époux: le Duc-Pair Llyr di Maggio. C'était bien moins le rang du futur marié qui avait de l'importance, que la ténacité, sinon la pugnacité extraordinaire dont avait fait preuve Linoa pour en arriver là, elle si longtemps convaincue qu'il ne poserait même jamais un regard sur elle.

Le Comte n'était pas particulièrement d'humeur à sortir de sa torpeur permanente de châtelain de province, qui lui convenait si bien désormais. Mais pour son amie, celle qui aurait du être sa troisième et dernière vassale, il ne pouvait manquer l'évènement. Cela allait le conduire à sortir de son antre et déjà le tournait vers l'extérieur, et comme chaque fois que cela se produisait, à prendre nouvelles de ses amis, en premier lieu ceux qui de surcroit faisaient partie de la mesnie najacoise. Plumes et vélin à porter de main, il en profita immédiatement pour faire partir les missives vers ceux-ci, sauf pour Linoa à qui il voulait faire la surprise de sa venue

Même lieu, le surlendemain

Pigeons et messagers étaient pour la plupart tous rentrés au bercail. Les vieux grognards du Rouergue et d'ailleurs allaient bon an mal an mais allaient. Si Arnaut avait un bonheur dans la vie, c'étaient ses amis et vieux compagnons de route. En une époque troublée où il y avait mille et un motifs à périr jeune, où autour de lui tous déploraient les morts parfois par charrette entière, il avait toujours échappé à ce cortège de deuils, avec pour seule exception son amie Frederine. Lourde et triste perte, mais glissant désormais vers la quarantaine, il pouvait s'estimer chanceux que ce fût l'unique cas. Il faut dire que côté amour c'était un drame permanent, sans parler de son petit ange arraché à lui par le Ciel, c'était donc la moindre des compensations.
Les chevaucheurs lui avaient annoncé avoir vu les étendards flotter sur les châteaux d'Aster ou de Crys, que cette vieille tête de mule de Lord se portait comme un charme et cassait les pieds à qui de droit comme de coutume, que les vieux rouergats bientôt fossiles comme lui battaient la campagne ou vivaient reclus à sa façon, mais vivaient. On lui avait même rapporté l'écho de sa passion guyennoise, si loin maintenant, mais qui était toujours.
Un pli était déjà revenu de Mazerolles où Dragonne, écoeurée de la guerre automnale, coulait des jours tranquilles à l'image de son filleul-suzerain.

Mais une missive manquait sur le bureau comtal. Qu'est-ce que fichait Inba ? Ah sacrebleu, s'il y en avait une qui avait bien plus de promptitude aux bêtises qu'à le rassurer, c'était bien elle. Où était-elle donc fourrée encore, et avec qui, pour ne pas lui avoir encore répondu. Il se jura bien de lui coller quelques fessées pour lui rappeler ses devoirs, bien moins vassaliques qu'amicaux. Mais tout de même ... depuis tout ce temps, était-ce bien normal qu'il n'eût aucune nouvelle ?
Il se souvenait de leur dernière entrevue, cela remontait désormais à près de 6 mois. Après être une nouvelle fois passée par les abysses du désespoir à cause de la bêtise humaine, elle avait retrouvé cette force et cette énergie qui en réalité ne la quittait jamais. Ils avaient reparlé de sa vie et l'espoir qui était le sien désormais, incarné par un homme qui allait l'emmener loin, là-bas vers la Normandie, vers la promesse d'un avenir meilleur pour Ixia et elle. Arnaut n'en avait pas été rassuré pour autant mais que pouvait-il faire sinon de la laisser voler de ses propres ailes, tout juste rasséréné de savoir Indi du voyage également.

Au souvenir de cette dernière rencontre, une sensation de malaise le prit, une inquiétude sourde corroborée par le fait qu'aucun des amis qui lui avait écrit n'avait parlé d'Inba en des termes récents. Il voulut chasser cette angoisse qui montait et prit cette fois la plume à l'intention du vieux berger rouergat, qui n'était jamais loin d'elle
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Arnautpantagon

Najac, troisième semaine de juin 1460

Partout dans le Castel c'était l'effervescence. On avait ouvert les malles, on déballait, on rangeait, on lavait, on cousait, on étrillait, les ordres fusaient avec des accès d' urgence et de sévérité, les serviteurs montaient et dévalaient les escaliers comme s'ils avaient les loups aux trousses. Dans la grande pièce seigneuriale du donjon qui servait habituellement de bureau au maître des lieux, des petites mains s'affairaient autour du Comte pour essayer et ajuster les différentes tenues. Reprenant les couleurs de Najac, les tissus damassés, les soies d'azur et de vermeil s'assemblaient sous les fils d'argent et les broderies d'or. On avait même convaincu le Comte de prendre un bain. Non pas que son hygiène était de nature douteuse pour l'époque, mais l'époque était par nature à l’hygiène douteuse. Tout ce tintamarre aurait pu laisser croire que le mariage allait se dérouler ici. Mais chacun semblait ravi de cette activité, comme si le solstice d'été avait subitement éveillé tout le château.
Au dehors, le soleil étirait ses rayons sur la vallée de l'Aveyron, l'impétueuse rivière se rappelant plus agréablement encore à ses riverains en leur soufflant un air frais venu de ses gorges. Ce mélange de quiétude et d'exaltation fut interrompu par l'arrivée d'un messager. Avec son air d'avoir avalé un manche de balai auquel le Comte n'accorda pas d'attention, il lui tendit un pli.

Arnaut l'ouvrit et vit la signature d'Indifred. Il chassa gentiment les couturières et, vêtu de ce patchwork loqueteux de tissus précieux, s'assit pour lire la lettre. Visiblement Indi avait écrit un roman qui commençait par l'annonce de la naissance d'une petite Luna au début de l'année. Le visage qui s'illuminait de bienveillance et de joie, Arnaut se cala un peu négligemment pour continuer sa lecture. Mais progressivement son sourire se mua en rictus puis son visage se referma à mesure que la narration du voyage ne portait plus que sur des déconvenues. Des disputes et des séparations emplissaient le coeur de la lettre mais lorsqu'il parvint au mince paragraphe de conclusion, les sourcils se froncèrent comme s'il ne comprenait pas ce qui était écrit. Il reprit les dernières lignes puis s'enfonça totalement coi l'air hagard, laissant choir la lettre. Il planta ses coudes sur la table et plongea sa tête entre ses mains. Les yeux exorbités, le regard traversant l'épaisseur du chêne, il étirait le cuir de son crane en plantant dans sa chevelure ses doigts tremblants. Un sentiment de vide infini l'emplit, puis le paralysa; son esprit devenu absent, il resta inerte jusqu'à ce que la douleur des ongles déchirant sa chair le ramena.

Et la charge émotionnelle si vite accumulée explosa plus violemment encore. La table lourde et massive se retourna comme une crêpe lorsqu'il se leva, dans un concert de cris gutturaux qui semblaient sortir de son ventre plus que de sa gorge. Emplie d'effroi , la domesticité se plaqua en désordre contre le mur attenant à la porte, et tous se raidirent encore voyant le Comte aller droit vers sa longue épée. Le soleil de juin avait laissé sa place à une tempête, qui renversait les bibliothèques et étagères que le Comte avait pourtant passé des mois à ranger minutieusement; les parchemins et vélins qui s'y trouvaient volèrent comme de vulgaires fétus de paille pris dans la tornade, les livres s'écrasaient au sol comme des grêlons . Alors qu'un siège avait été le dernier à avoir fait les frais d'avoir eu bêtement le malheur de se trouver là, et gisait fendu, brisé plus surement que ne l'aurait fait une hache, le Comte se retrouva face à ses gens tremblants d'épouvante. Un instant ... un instant en suspend une autre bataille fit rage, savoir si cette fureur pouvait se transformer en autisme, et que la masse compacte de chair des servants maintenant agglutinés allait subir le même traitement que les objets. La vue de la peur, de la souffrance qui tordaient les visages face à lui ramena inconsciemment le Najacois à sa propre humanité; la folie redevint simplement colère, et le tranchant de l'épée s'abattit seulement pour que la pointe de la lame désigne la porte

Dehors ! sortez tous ! ou je vous passe par la fenêtre !!! sortez ! sortez ! sortez !!!

Le petit groupe ne se fit évidemment pas prier, se ruant dans l'escalier, le premier déjà à l'étage inférieur quand le dernier franchissait le pas de la porte sans prendre la peine de fermer celle-ci. Le flot de colère comtale n"avait lui pas fini de se déverser mais une force plus grande encore, un mal commença à emplir le Comte. Il le savait, il la connaissait, cette Chose apparue des années plus tôt alors qu'il contemplait le corps sans vie de sa fille. Cette flamme sombre ne demandait qu'à rejaillir, celle qui abolit les moeurs, la morale, les religions, celle-là même qui crée un néant aspirant la vie.
Lourdement l'épée tomba sur le sol en un bruit aigu, et ses pas le menèrent vers la fenêtre guère plus large qu'une meurtrière. Il fallait l'étouffer, la renvoyer d'où elle venait et rien dans sa volonté n'en était capable; il le savait. Il fallait se soumettre à une force plus grande encore, de celles qui dépassent, écrasent et dominent les hommes. Pour certains c'était l'immensité de la mer, pour d'autres la fascination du feu, lui avait sous ses yeux l'impétuosité de l'Aveyron. Noyant son esprit dans ses remous et bouillons, il tacha de reprendre le dessus à défaut de s'apaiser, de retrouver un peu de clairvoyance, de structurer sa pensée, fixant des repères mentaux pour ne pas sombrer dans une démence qui ne demanderait qu'à se marier à la violence. De longues minutes s'écoulèrent sans un bruit, le donjon et les cours du château s'étaient emplis d'un silence de mort, hommes et bêtes de la mesnie semblant vouloir à la fois ne pas troubler son mutisme et par le fait, y répondre craintivement par le leur.

Un souvenir brisa enfin cette errance et Arnaut se dirigea vers l'énorme coffre de bois et de fer au fond de la pièce. Là étaient rangés documents officiels ou précieux, ainsi que les objets qui lui tenait le plus à coeur. Après quelques instants de recherche, il en exhuma un parchemin ceint d'un léger ruban, datant de la fin de l'été précédent. Il le déroula pour vérifier les sceaux et signatures, s'assurant qu'il s'agissait bien de ce qu'il cherchait. Il le reposa temporairement où il l'avait pris puis revint vers le centre de la pièce récupérer la lettre d'Indifred qui flottait sur le fatras chaotique qui régnait au sol. Le Comte enfin retourna à la porte et s'adressa sèchement, les mâchoires serrées, au garde qui avait préféré rester quelques marches en contre-bas dans l'escalier

Va me chercher Anselme et Ogier.

Quelques instants plus tard, les deux sergents entrèrent dans la pièce du donjon où se trouvait Arnaut. Visiblement, s'ils ne l'avaient entendus eux-mêmes, on les avait avertit de la colère démesurée de leur maître, tant ils faisaient profil bas et semblaient avoir la gorge nouée. Ces petites mines n'étaient pas dans leurs habitudes, notamment chez Anselme qui était de ces sergents d'arme qui se prennent aisément pour hobereau, surtout auprès des paysannes, racontant à qui voulait l'entendre qu'il avait quelque sang noble dans les veines. Son allure fiérote et altière avait quitté ses traits, ses cheveux argentés semblaient s'être ternis sous l'ambiance et faisaient grise mine eux aussi. Ogier restait plus égal à sa nature, avec son air renfrogné de vieux soudard, craint par les homme de la Garde dont il avait la charge. Bien qu'il brillait souvent par son iniquité et sa rapacité, sa rouerie était la première des qualités face aux mauvais plans des malandrins ; il eut presque pu garder les terres de Najac et son Castel à lui-seul. Il avait toujours voué à son seigneur un respect et une loyauté sans faille pour des raisons qu'Arnaut ne s'était jamais vraiment expliquées, mais qui tenaient probablement plus à l'impressionnante cave du Comte qu'à son rang. Bref, par la distance de l'un et la mauvaise autorité de l'autre, ils dispensaient leur Comte de ces attitudes dont doit aussi faire preuve un seigneur de ce temps, permettant à Arnaut de coller plus aisément à l'idéal chevaleresque. Mais pour l'heure, celui-ci volait littéralement en éclat.
Le Comte de Najac était maintenant face à Anselme, lui collant la lettre d'Indifred sous le nez, comme s'il s'agissait de la preuve d'un crime qu'il aurait commis. Pointant de l'index le bas du vélin et le nom de la ville qui y était inscrit, c'est d'un ton sourd et vénéneux qu'il s'adressa à lui

Sur l'heure Anselme ! sur l'heure tu vas partir pour Troyes ! retrouve moi les enfants de la dame de Villevayre, et si cette lettre dit vrai, découvre où l'on a enseveli son corps. Tu prendras dix hommes et autant de montures avec toi. Harnachez vous comme en guerre. Géraud notre intendant va te bailler une forte somme d'argent. N'épargne ni le sang, ni l'or, ni la sueur et quoiqu'il advienne, retrouve-les moi ! Je te baille droit de vie ou de mort sur toutes les terres que tu traverseras, tu m'entends Anselme, de vie ou de mort partout où tu iras ! Qu'importe les conséquences tant que tu atteins ton but. Il n'y a plus dans cette quête ni Dieu, ni Roy, ni maîtres autres que ma haine. Retrouve-les moi !!!
Et trouve une nourrice dans les villages alentours que tu feras vous suivre avec mon habituel chariot de voyage que je mettrais à disposition.

Sa main qui avait entre temps empoigné le surcot du bellâtre se relâcha et le comte fit alors deux pas sur sa gauche pour coller au plus près du vieux sergent

Quant à toi Ogier, vois-tu cette lettre ? et bien ce n'est pas une lettre, non Ogier, c'est une liste, m'entends tu ?! parce qu'il y a là tout un tas de noms, de gens qui savent ce qu'il s'est passé, qui détiennent toujours au moins un fragment de la vérité, de comment Inba a pu se retrouver seule avec deux gamines au milieu de nulle part. Tu vas faire repartir les chevaucheurs et messagers, qu'ils couvrent le Berry, la Normandie, l'Artois ou toute province qu'elle a pu traverser. Qu'ils interrogent, soudoient, menacent mais qu'ils ne reviennent pas sans savoir où sont ces gens et avoir une idée du rôle qu'ils ont joué là-dedans.

Arnaut plaqua le morceau de vélin sur la poitrine d'Ogier qui s'en emparât tant bien que mal, tachant de garder son équilibre sous la pression de la main écrasante du Comte. Celui-ci fit demi-tour et repartant vers le centre de la pièce, les yeux rivés sur les dalles, donna ses dernières instructions.

De mon côté, je vais me rendre malgré tout au Lavardin pour le mariage de Linoa, il n'est pas dit que je serai l'obligé du seul malheur. Vous me ferez donc parvenir ce que vous aurez appris là-bas, et par le fait, je ne serai pas bien loin de toi Anselme, avec une autre escorte fortement armée. Tu m'attendras donc en terre de Champagne.
Hmmmm ... Ogier, en mon absence sait-on jamais ... fait mettre Najac, Villevayre et Mazerolles en défense.

Arnaut fit un geste de la main pour congédier les deux hommes d'arme. Ils allèrent franchir la porte quand il se retourna une dernière fois vers eux, les fixant d'un regard éperdu

Ogier ... Fais les mettre en deuil aussi ...
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Arnautpantagon

Anselme et Ogier dévalaient les marches du donjon d'où ils venaient d'être congédiés. L'un comme l'autre semblaient accuser le coup de cette scène dont ils avaient été les premiers concernés. Si dans un premier temps, ils avaient eu de quoi se réjouir de ne pas subir les foudres comtales comme la domesticité qui les avaient précédés, ils n'en semblaient pas moins accablés, peut-être même plus encore, par ces fardeaux qui leur avaient été confié. Ce qui avait de quoi les miner, c'était moins la rudesse de leurs tâches respectives que l'interdiction d'échouer. Ils le savaient, ce suzerain de nature débonnaire que d'aucun taxaient parfois de laxisme pouvait être dans ce genre de contexte le démon même. D'ailleurs, ne disait-on pas dans le pays que tous les curés s'en méfiaient ? paraissait même qu'il avait fait disparaître un évêque alors qu'il régnait sur la province. Ouï-dire alimentant les ragots mais finissant de forger des certitudes chez ceux qui avait pu être témoin de ses moments les plus sombres. Ces colères là, aucun des deux compères ne voulaient les vivre, et tout en cheminant, ils cherchaient chacun de leur côté comment ne pas les provoquer, mais au final de manière bien différente.

Arrivés au dehors, Anselme dont la cervelle était en pleine germination, attrapa Ogier par le bras

Fais voir la lettre que le Comte t'as remis

Ogier lui tendit d'un air goguenard

Qu'est-ce t'arrive le biau sire ? t'as d'jà oublié où tu devais te rendre ? mais Anselme ne répondit pas, louchant curieusement sur le haut de la lettre plus que sur le bas, puis reprit dans une esquive.

Me vlà parti à galoper et me crotter à travers tout le centre de la France sans savoir vraiment ce qui m'attend au bout.

Allons compain, m'dis pas qu'ça t' déplaise de chevaucher à la tête d'une petite armée comme un chevalier banneret. Pis ça t'changera d'amuser ton guilleri avec les champenoises qu'avec les filles du coin dont t'as bien du faire l'tour trois fois au moins

Tu parles, au milieu de ce chamaillis j'aurai même pas le temps de me ventrouiller avec une gouge locale. Cette fichue lettre n'en dit pas tant que ça et elle date déjà. Je vais me retrouver à fouiller presque seul une grande ville de foires, où les gens ne font qu'aller et venir. On est pas sorti de l'auberge.

Parle pour toi ! La tâche est bien moins rude pour moi

Faudrait déjà que t'arrive à lire les noms marqués là-dessus. D'ailleurs, ça arrangerait bien tout le monde que tu n'y arrives pas

J'lis p'têtre pas les lettres comme toi mon mignon, mais j'lis bien dans ta tête et y'a encore une idée tordue qui y traine ! Pis, t'as vu l'émeuvement du Comte, c'est pas le moment de lui déplaire. Sinon on en finira pas de sa colère.

Je te croyais plus intelligent que ça Ogier. C'est justement si tu le satisfais pleinement qu'on a pas fini de la supporter, sa colère.

Tout en tâchant de ne pas prendre ombrage de sa propre incompréhension, Ogier fixa le bellâtre d'un oeil suspicieux et circonspect

Qu'est-ce t'as en tête toi ?

Bah réfléchis. Si les chevaucheurs rapportent que des gens pourraient être fautifs de la mort de la Villevayre, qu'est-ce tu crois qu'il va se passer ? qu'il va tranquillement les laisser vivre leur vie ? Alors que si tout ça ne ressemble qu'à une banale mésaventure et quelques successions de malchance, l'affaire pourrait bien s'arrêter là.

Crénom ! t'espères rien qu'un instant qu' j'vais rentrer dans ce genre de combines ?

Mais réfléchis, crétin ! Ce coup-ci tu vas rester tranquillement ici à régler ce que t'as demandé le Comte, mais s'il faut se mettre à courir après des gens éparpillés dans plusieurs provinces, tu seras du voyage et ton cul n'aura pas fini de lustrer la selle.

Anselme savait que cet argument ferait mouche. Outre le fait qu'Ogier trouvait toute satisfaction dans sa vie sédentaire de sergent de la garde, il avait toujours abhorré le simple fait de monter sur un cheval. Il avait cette hostilité à l'égard de la race chevaline que développent ceux de la piétaille qui, durant leurs trop nombreuses campagnes militaires, regardent pavoiser les cavaliers alors qu'eux marchent dans la bouillasse des ornières. A défaut de pouvoir s'en prendre aux nobles ou riches hommes qui avaient ce privilège, leur haine glissait sur les montures. Ainsi il était de ceux qui mangent moins les vieilles rosses équarries pour le goût de la viande que pour se venger de ces années de frustration et d'amertume. Autant dire que l'idée d'être perché des semaines sur un canasson, à l'encontre de ses convictions, à la place de ceux sur qui il crachait dès qu'ils avaient le dos tourné était tout bonnement inconcevable.

Voilà bien méchante piperie. Si le Comte apprenait ça, ta belle chevelure irait luire sur une pique et il s'rait fichu de jeter ma caboche aux chiens.

A toi de voir Ogier, le cheval à coup sûr ou les chiens si tu t'y prends mal et que j'échoue dans ma propre mission. Car si je retrouve le corps, et mieux encore les enfants, il aura autre chose à faire que de jouer les va-t-en-guerre. Mais il est certain que si tu viens lui souffler au creux de l'oreille des noms sur lesquels se venger, ça sera comme souffler sur les braises d'un feu qui ne demande qu'à repartir.

Ogier grattait négligemment ses joues mal rasées pour mieux suspendre sa réponse et se laisser le temps de la réflexion. Il se disait que s'il faudrait être bien ballot pour avoir droit aux chiens, la moindre maladresse dans cette affaire pourrait cependant lui valoir une disgrâce voire sa déchéance. Et quand on a le passé d'un homme qui a consacré la majeure partie de sa vie à la guerre, certes à bien en profiter mais aussi à voir tous les visages de la misère, on sait ce qu'on a à perdre. Or, pour un être de sa condition, qui aurait bien pu finir routier, la place qu'il occupait à Najac équivalait à un trône. Il le savait. Et puis, s'il était du genre à emberlucoquer son monde, avec son seigneur, c'était une autre affaire. La menace du courroux comtal était déjà une chose, mais le vieux soldat roublard était loyal à ce seigneur qui avait trop connu lui aussi les affres de la vie. Sans jamais avoir prétendu être un égal de son maître, il lui vouait cet attachement qu'ont entre eux les compagnons de fortune et d'infortune, il ressentait ce lien que n'exprime pas voire ignore les hommes tannés par la vie, mais qu'ils partagent néanmoins.

Ouais, mais tôt ou tard, il pourrait bien rencontrer lui-même un de ceux-là. Et qu'est-ce qu'il se passera alors ?

Alors il réglera ses affaires directement avec l'intéressé et on pourra toujours dire que les chevaucheurs avaient eu des informations erronées.

T'as réponse à tout toi, mais ça me plait pas. Ca sent quand même le plan foireux, même si ça m'étonne pas de la part d'un cavalier.

T'inquiète, et puis, on est là pour le servir non ? et bah crois-moi, c'est lui rendre tout autant service à qu'à toi ou moi si on évite de le lancer dans je-ne-sais-quelle nouvelle croisade.

Ogier pensa qu'Anselme lui aurait tout fait, au point de se demander si ce dernier n'avait pas quelques raisons louches de vouloir rentrer en Rouergue au plus vite, indépendamment même de la parfaite hypocrisie qui avait égaillée tout son argumentaire, et dont il ne se cachait même pas. Le flair de vieux sergent cherchait instinctivement la piste. Mais il devait aussi admettre bon gré mal gré qu'il ployait désormais sous cette attaque de tout côté de sa conscience. D'un air renfrogné et vaincu, Ogier finit par céder.

Va chercher ton roncin et pars tranquille. Mais l' tout beau, dis-toi que si ça devait me valoir le chanvre ou quoique ce soit, sois sûr que t'y auras l'droit aussi.

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--Ixia

[ Dans l'orphelinat à Troyes, quelques jours après la mort d'Inba]

Ixia était dehors dans le jardin de l'orphelinat, toute seule, sa petite soeur étant avec les nonnes bien souvent. Elle était encore petite, et Ixia encore trop petite pour s'en occuper. Même si sa maman Inba la laisser faire des trucs avant... Elle pleurait en regardant une fleur, c'était une violette, la fleur préférée de maman.

Elle se demandait encore pourquoi elle revenait pas la chercher, elle n'avait pas compris, et personne n'avait eu le courage de lui dire. La dame qu'elle avaient rencontré à la rivière les avait déposé là, et c'était tout.

Y'avait plein d'enfants, Ixia jouaient plus ou moins avec eux, mais elle restait triste, elle voulait voir sa mère. Elle ne savait pas écrire, ou presque pas, elle ne savait pas quoi faire. Alors elle restait là à attendre, attendre.....
Les jours passaient, et les nonnes lui disaient absolument rien du tout concernant qui que ce soit de sa famille, sauf Luna, qu'elle embrassait tous les jours.

Le jardin était grand, avec plein d'arbre, Ixia aimait tellement la nature, sa mère lui avait tellement appris de choses sur celle ci... Que c'était son endroit préféré de cet établissement.

Les dortoirs étaient immense, il y avait au moins trente lit par chambre, mis les uns à côté des autres. C'était assez drôle pour Ixia d'entendre tous les sons de voix des endormis, les chuchotements des autres qui complotais des trucs contre d'autre gamins, pour gagner des courses, ou quelques billes.
Ixia avait appris a jouer aux billes d'ailleurs, et elle adoraient ça, seulement elle n'était pas douée du tout. Elle avait perdu moults desserts de la cantine, pour garder ses deux billes.

Seulement la nuit quand les chuchotis cessaient, et qu'elle ne se concentrait plus à écouter, c'était ses propres souvenirs qui remontait en surface, ainsi que ses larmes. Elle revoyait sans cesse sa mère bléssée, et restait apeurée. Elle voyait sans cesse sa famille qui avait été séparée de toute part, et elle avait bien compris pourquoi.
Ixia était une petite fille intelligente, elle comprenait parfois même mieux que les adultes eux même...
Seulement ce qu'elle comprenait pas du tout, c'est pourquoi elle était ici... Et pourquoi les nonnes lui disait absolument rien, parce que ça c'était pas possible, elles devaient savoir des choses, c'était sur!!!!

Bref ce jour là dans le jardin regardant sa violette, elle pleurait, et un petit garçon légèrement plus grand qu'elle vient s'assoir a côté d'elle, Ixia relève la tête, et le regarde avec ses grand yeux marrons, tout inondés, ses joues toute rougies de larmes.
Le petit garçon lui sourit et séchent ses larmes, puis lui dis qu'il ne faut pas pleurer, c'est un coup pour que les enfants méchants abusent d'elle et la tape en l'utilisant comme souffre douleur. Ixia était très petite en taille, et bien trop gentille. Le petit garçon l'avait déjà plus ou moins pris sous son aile depuis son arrivée, et il lui dis aussi que tous les enfants ici n'ont plus de parents, et que c'était comme ça! Que fallait pas se poser de questions.
Ixia avait fait oui de la tête, elle voulait pas le contrarier, mais elle savait au fond d'elle qu'elle ne resterait jamais ici, jamais!!!! On allait venir la chercher, ça c'était sur!!!!

Le petit garçon lui propose une partie de billes, Ixia le suit et joue avec lui, lui au moins il lui redonnait toujours ses deux billes sans rien lui demander, d'ailleurs c'était lui qui lui avait offert une bonne vintaine de billes au départ. Le reste elle les avait perdu bien vite, mais ces deux là, elle y tenait, elles étaient vertes, brillantes, et magnifique. Ixia voyait en ses deux billes les yeux de sa maman. Elle regrettait tant lui avoir dit pleins de choses méchantes a sa maman... Pourtant Inba n'était jamais vraiment fachée contre Ixia, jamais.

D'autre enfants arrivent et les jeux se poursuivent le long de l'apres midi. Le repas bien sonore, car tout le monde crie, se bat pour avoir plus que l'autre, tout le monde râle que c'était pas bon. Bah ils savaient pas à quel point ça l'était bon, ça se voit jamais de leur vie, ils avaient du enfourner des trucs que cuisinait maman!!! Parce que là, ils aurait dit que c'était franchement dégueulasse! Ixia mangeait donc bien selon elle, pourtant très peu finalement. Elle aimait beaucoup être avec des enfants, mais sa famille lui manquait bien trop pour qu'elle puisse s'amuser. Le rire de la fillette était inexistant, les sourires bien peu nombreux, et petits.

Et à nouveau la nuit arriva.. seule dans son lit, à imaginer des tas de choses, se remémorant des tas de souvenirs, et pleurait jusqu'au petit matin, serrant très fort son oreiller contre elle.

Anselme_cambafin

Troyes, début juillet 1460

Les hommes arrivèrent éreintés d'une pleine semaine de cavalcade. Anselme et son équipée avait traversé la vaste Auvergne, la très légaliste et bouillonnante Bourgogne, pour enfin pénétrer en Champagne et arriver aux portes de sa capitale. Il avait fallu être suffisamment discret et rapide pour ne pas subir les questions des autorités locales, à qui dans l'urgence on avait pas pris la peine de demander de laissez-passer. Et heureusement, car déjà le regard des gens croisés sur les chemins puait la peur ou sentait le souffre. Quant ils comprenaient qu'il ne s'agissait pas de brigands aux vues des blasons de Najac, ils semblaient se demander si ce n'était pas une troupe rebelle venue semer le chaos dans leur région, comme il y en avait tant en ces périodes troublées. Vraiment, il n'aurait pas été judicieux de s'arrêter pour s'expliquer, en plus du temps on aurait pu y perdre la vie.
Le groupe avait donc dû fuir les villes, camper dans des lieux isolés, parfois voyager un jour et une nuit entiers quand on était resté trop longtemps dans un même duché. Le seul soulagement était que les malandrins qui ornaient ces routes avaient semble-t-il été dissuadé par la puissance de l'escouade. Mais qu'en serait-il du chariot qui suivait à son rythme loin derrière ? On avait enlevé les armoiries afin que personne ne fasse le lien avec la troupe qui le précédait. Pour les mêmes raisons, il était sans escorte. Certes il n'y avait à l'intérieur qu'une nourrice pour tout butin mais une femme aux mamerons gorgés de lait était un trophée sur lequel les coupe-jarrets ne rechignaient pas à se rabattre les jours de vaches maigres. Et les autres jours aussi d'ailleurs ....

Mais pour l'heure, telle n'était pas la préoccupation d'Anselme. Impossible d'entrer en armure et en nombre dans la ville, encore moins tant que le Comte n'était pas arrivé. Aussi avait-il fait dresser le campement à quelques lieues de là, à l'écart de tout passage. Il choisit seulement deux hommes pour l'accompagner à Troyes, mécontentant les autres qui tous avaient en perspective de commencer les recherches par les tavernes. Non seulement ils avaient argumenté de mauvaise foi que c'est là que descendent les voyageurs, mais Anselme savait bien que ce n'était pas à la piste de la Dame de Villevayre, et si les informations étaient vraies celle de sa dépouille, qu'il fallait suivre. C'était assurément celle des enfants, car des orphelinats à Troyes, on pouvait espérer qu'il n'y en ai pas autant que des auberges, et surtout que bien moins de nouvelles têtes y apparaissaient quotidiennement.

Il ne fallut guère arpenter les rues de la cité champenoise pour qu'on lui indique le principal orphelinat, qui bien évidemment était tenu par des soeurs. Ce dernier aspect pouvait présenter des complications. Il serait difficile pour les trois hommes de pénétrer dans cette enceinte interdite à la gente masculine, d'autant que même désarmé, ceux-là n'avaient pas allure de jouvenceau. Quant au charme naturel d'Anselme, s'il y avait des femmes sur lequel il risquait d'être peu efficace, c'était bien les religieuses, encore plus généralement sur le bouledogue de soeur que les mères supérieures chargeaient sciemment de veiller sur la porte. D'ailleurs, n'ayant rien à attendre des religieuses de ce qu'il pouvait attendre des femmes en général, Anselme n'aurait su comment user de ses talents d'enjôleur. Lui resterait toujours sa finauderie

Arrivés devant l'orphelinat, Anselme asséna trois coups sur la lourde porte de chêne. Le judas bardé de sa petite grille en fer forgé laissa entrevoir le visage non point d'un bouledogue mais d'un véritable Cerbère. De sa voix presque aussi désagréable que ses traits, la nonne finit de décontenancer l'habitué des paysannes par sa sècheresse qui ne laisserait la place à aucune argutie

Que voulez- vous ?

Bonjour ma soeur. Je suis Anselme Cambafin et j'appartiens à la mesnie de Comté de Najac. Mon seigneur est la recherche des deux fillettes de sa vassale, Dame Inba de Villevayre, disparue dans le viron voici peu de semaines. Nous les espérons sauves et recueillies par vous. L'aînée est une petite fille de 4 ou 5 ans qui s'appelle Ixia. Quant à la cadette, c'est encore tout juste un bébé, prénommée Luna. Et ... euh ...

Devant le regard en rien attendri de la soeur malgré le ton doucereux dont il usait, Anselme ne prit pas le risque de trop s'enfoncer. Il se rendait bien compte qu' il ne parviendrait pas à faire ouvrir cette porte de lui-même et qu'il fallait annihiler la capacité de décision de cette bonne soeur qui, aussi bourrue qu'un vieux matelot, risquait à tout instant de lui claquer la trappe du judas sur le nez. De fait, il sortit la missive scellée que son maître lui avait remis et la présenta entre les barres de la grille.

Tout est expliqué dans ce pli par notre Comte à l'intention de la mère supérieure, si vous voulez bien lui remet.....

Anselme n'avait pas fini sa phrase que la vieille avait happé la lettre et claquer la trappe du judas sur ses doigts. Plus blessé dans son orgueil qu'autre chose, le bellâtre raidi s'en retourna vers ses deux soldats, que la scène avait visiblement amusé

Maudite peau de vache !! Bah mes bonshommes, si les gamines sont là-dedans, faut les tirer de là vite fait.
En attendant, cesser de vous marrer, on est bon à faire le pied de grue jusqu'à Dieu sait quand ....

Ixia

[ A l'intérieur de l'orphelinat]

Ixia se lève après une nuit encore ou elle avait bien peu dormi, ses cauchemars ne la quittait pas. Elle avait un teint assez pâle, et le regard sans vie. Sa pétillance reconnue, disparaissait peu à peu chaque jours...
Elle s'habille comme les nonnes lui avait dit, et part au réfectoire pour le petit déjeuner. Elle regardait son bol de lait, et ses tartines au pain quelque peu rassis.. L'envie n'y était pas du tout!
Son nouveau copain était à côté d'elle et lui disait de manger pour prendre des forces.. Mais elle n'en voyait même plus l'intérêt finalement.

En face d'elle des mioches qui faisait que de se moquer de sa petite taille, Ixia fermait ses petits poings très fort, la colère montant peu à peu en elle. Si elle était petite c'était parce que sa maman était très petite aussi d'abord!!! Mais elle ne disait pas un mot, juste des regards bien noirs de ses yeux marrons.

Elle entend une nonne dire la date du jour, et là elle tourne vivement la tête, une étrange lueur dans les yeux, aujourd'hui était un jour spécial!! Oh que oui alors!!!
Elle ne savait absolument pas comment faire, mais elle trouverait, oh que oui elle trouverait pour sur, elle ne laissera pas ce jour comme ça, oh que non!

Le petit déjeuner enfin finit, où elle n'avait rien mangé du tout, elle se lève et court dehors dans le jardin, et cueille des magnifiques fleurs du jardin. Pourtant les nonnes avaient bien spécifié qu'il ne fallait absolument pas y toucher. Mais Ixia s'en fichait royalement, elle les voulait ses fleurs. Elle lie le joli bouquet avec une petite ficelle, puis le cache dans son dos, et court jusqu'à sa chambre.

Elle voulait pas se faire coincer alors elle prend son baluchon, met les fleurs dedans. Puis regarde à droite à gauche.. Personne, une chance!! Elle se faufile donc dans les couloirs, les longeant, pour pas se faire repérer. Elle écoute à la porte du bureau d'une nonne, visiblement personne héhé, alors elle entre doucement, et pique de l'encre et des parchemins, qu'elle fourre dans son baluchon, et ressort en douce.

Elle se dirige dans le jardin, et voit son nouveau copain, et le tire par le col.

Viens par là toi, tu es plus grand que moi, j'ai besoin de toi!!!
Tu sais écrire???

Elle le regarde avec ses grands yeux marrons tout plein d'espoir, et il lui dit que presque pas, et là elle soupire profondément.

Bon tampis, est ce que tu crois pouvoir savoir écrire un nom, juste un nom? Stromboli, c'est difficile à écrire, moi j'y arrive pas, je sais pas, dis moi que tu peux m'écrire ça s'il te plaittttt!!!

Ixia avait les larmes aux yeux, et le regardait avec une espèce de pitié, d'espoir inconsidérable dans le regard, et il lui dit qu'il allait essayer.

Parfait!!

Elle le tire jusque derrière un arbre avec elle, puis s'assoit, et sort un parchemin qu'elle lui tend, et en prend un pour elle, où elle écrit le peu qu'elle avait écrit avec sa maman, un tout petit message super mal écrit.

Je teme papa!

C'était bien tout ce qu'elle pouvait faire, avec des petits coeurs partout sur le parchemin.
Elle accroche le parchemin au bouquet de fleurs qu'elle venait de cueillir, toute contente.

C'est l'anniversaire de mon papa aujourd'hui, et ça c'est son cadeau!! Il est loin mon papa....

Seulement lorsqu'elle explique ceci a son copain, les vilains mioches étaient malheureusement pas loin d'eux, et évidemment arrivent en face.

Mouahaha, t'envoies des fleurs à un homme toi??? t'es nulle!!!
Pis si ton papa t'aimait tu serais pas ici, il s'en fout de toi, il t'aime pas!!!
Pis ta mère t'as abandonnée, personne t'aime!!! T'es petite et tu sert a rien!

Ixia le regardait vraiment plus qu'énervée cette fois, choquée, la colère était à son maximum, elle pose son bouquet par terre, se lève d'un bond en criant et en sautant sur le plus grand d'entre eux, avec rage, et blessée au plus profond d'elle même car c'était pas le cas, mais elle avait si peur que personne viennent au fond d'elle même.

C'EST PAS VRAIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII? ILS M'AIMENTTTTTTTTTTTTT!!!!!!

Elle lui bondit dessus, et lui balance son poing dans la figure de toutes ses forces bien moindre faut dire, mais cela a pour effet de le faire tomber, et Ixia avec qui le mord, et qui tape de toutes ses forces sans s'arrêter. Les autres gamins lui tombe sur le poil et elle se prend de vilains coup partout. Son copain l'aide bien évidemment, et même d'autres mioches arrivent. La bagarre générale dure un moment, et Ixia saignait de la lèvre et avait un oeil bien fermé quand la nonne qui entendait les cris arrive en courant, pour mettre fin au massacre.

Ixia complétement sortie de ses gond, la haine dans le regard, la rage la faisant trembler, tapait aussi la nonne furieusement quand elle la chope par le col.

Lachezzzzzzzzzz moiiiiiiiiii, je vais tous les tuerrrrrrrrrrrrrrrrr!!!!!!!!!! c'est des menteursssssssssssssssssss!!!!!!!!!!

Elle finit donc dans la chambre d'isolement pour se calmer, toute seule, où elle casse tout, pas la moindre petite chose résiste à son passage, tant la colère était grande. La haine peux faire des miracles en matiere de force finalement. La nonne de dehors lui hurlait que si elle se clamait pas, la punition serait énorme, mais Ixia s'en tapait royalement, elle détestait cet endroit, et haïssait tout le monde. Elle voulait sa maman, elle voulait son papa, elle voulait retourner à Espalion avec son papy nono, son tonton relique, et tous les gens qu'elle aime. Elle comprenait pas pourquoi elle était ici toute seule avec sa soeur, qu'elle voyait presque pas!!!

Une fois tout cassé elle finit par s'assoir contre le mur, et se met à pleurer de toutes les larmes de son corps, en étant secoué d'énormes sanglots, elle était inconsolable, c'était une belle crise de nerfs en puissance, durant des heures! Tant et si bien, qu'elle en avait même loupé le repas de midi. Les nonnes l'avait laissé là enfermé, et elle était pas prête d'en ressortir vu les dégâts qu'elle avait provoqué. Et elle serait surement puni séverement, vu l'état des sales gosses, et les autres.. Des bras cassées, des poignets en vrac, des yeux au beurre noir comme le sien, des morsures jusqu'au sang, etc... Oh pour sur que l'infirmière avait du boulot pour des heures!

Pendant ce temps là, son copain qui avait pas été pris par les nonnes, avait récupéré le bouquet de fleurs, et avait essayé d'écrire le nom qu'Ixia avait dit pour la consoler, parce que ca avait l'air si important pour elle....
Il avait choper un pigeon et avait accroché le parchemin et l'avais envoyé, en espérant qu'il arrive à destination.

Anselme_cambafin

Anselme faisait le pied de grue depuis un certain temps devant les portes de l'orphelinat. Visiblement, il commençait à devenir nerveux. Mais moins que l'attente, ce qui générait chez lui cette tension, c'était l'arrivée, désormais potentiellement imminente, de son seigneur. Il lui avait fait envoyé une missive tout juste arrivé aux abords de Troyes, et celle-ci était revenue bien vite, le Comte ayant la veille quitté le Lavardin et déjà sur la route de la capitale champenoise. Et cela alors qu'Anselme n'était même pas sûr d'avoir localiser les enfants, et qu'il n'avait toujours aucune idée de ce qu'était devenu Inba. Il avait espéré gagner du temps en indiquant dans sa lettre l'emplacement du camp, priant que le Comte s'y rende avant de rejoindre la ville. Mais il se faisait peu d'illusions. Libéré des joyeusetés du mariage, auxquelles il avait surement peu gouté, le Comte serait vite revenu à son obsession première, qui comme toutes les obsessions, poussait à ne prendre aucun détour. Et puis contrairement aux aléas du voyage qu'il avait connu avec l'avant-garde conduite par lui, Anselme ne pouvait compter sur des tracas, notamment administratifs, pour retarder l'arrivée du seigneur de Najac. De par son rang et son appartenance à la Haute Noblesse du Royaume, on faisait bien moins d'histoires à ce genre de voyageur.

Quelle chance avait-il d'être réellement en avance sur son suzerain ? bien peu, voire par du tout. Il l'aurait envoyé devant juste pour lui ouvrir la porte que ça aurait été pareil. Lorsque ce constat se nourrit des menaces qui pesaient sur lui en cas d'échec, il commença à sombrer dans une certaine paranoïa. Etait-ce seulement de l'empressement de sa part ou le Comte aurait ainsi trouvé là un moyen de le coincer pour le punir pour autre chose. Même si sa finauderie lui évitait toujours de se faire prendre, il avait quelques casseroles aux fesses, c'était connu. Pire, le Comte aurait-il pressé son départ du Lavardin ayant eu vent de la discussion avec Ogier ? Quand on a un maître qui n'est pas du genre à dire qu'il va vous couper la tête mais tout à fait du genre à le faire, les idées même les plus saugrenues peuvent apparaître. Surtout en matière de peur, les questions ont souvent pour réponse l' incohérence voire l'irrationnel.

L'attention d 'Anselme était happée par ces interrogations absurdes mais aussi par ce qui se passait dans le viron de l'orphelinat, côté cité. Ses sens se firent tout à la fois plus aiguisés et plus confus. Les bruits, le tumulte de la rue étaient autant un immense brouhaha que de petites scénettes individuelles suivant leurs cours séparément. Il eut la sensation de perdre progressivement pied. Ici, les pleurs d'un enfant accentuèrent l'anxiété qui le gagnait. Là, quelques bec-jaunes insultaient et se moquaient d'un infirme et pourtant le bellâtre eut la sensation que c'est lui qui recevait les railleries. Subitement le hennissement d'un cheval se fit entendre et finit de l'alarmer. Cherchant furieusement des yeux d'où provenait celui-ci, il ne fût même pas apaisé de voir qu'il ne s'agissait pas du lourd frison noir de son maitre. Au contraire même, sa tension était telle que le sursaut qu'aurait provoqué l'apparition du Comte rouergat aurait été bien moins violent que la volte-face qu'il fit lorsque, juste derrière lui, la porte de l'orphelinat s'entrouvrit. Révélation de la toute-puissance de l'angoisse, capable de faire craindre à chacun ce qu'il désire le plus, capable de changer la perception des choses de tout en son contraire.
Et de fait le visage de bouledogue de la soeur portière eût soudain qualité d’icône

La Mère supérieure va vous recevoir. Suivez moi. Seul et sans arme.

Sans discuter, il s'exécuta. Alors qu'il cheminait à la suite de la religieuse à l'intérieur de l'orphelinat, ses drôles d'impression persistèrent. L'endroit qui peu avant lui semblait être un temple de la contrainte, parce que lieu de privation du plaisir et de la liberté, devint paradis de soulagement et de répit face aux tumultes et aux craintes du dehors. Il s'imprégnât du calme des couloirs pour recouvrer ses esprits, reprit des forces dans les rires des enfants qu'il percevait dans un faible écho, provenant d'autres recoins des bâtiments. La soeur s'arrêta, laissant apparaître derrière sa carrure de molosse, qui allait si bien avec sa tête, une porte de chêne massive et sans fioritures. La main lourde de la nonne lui intimait d'entrer plus qu'elle ne l'y invitait. La pièce était très vaste mais dénuée de tout ornement. Derrière un bureau simple mais imposant qui semblait être le jumeau horizontal de la porte, une petite bonne femme d'un âge avancé le fixait de ses petites pupilles noires. Elle tenait dans la main deux missives, dont celle du Comte. L'autorité qu'elle dégageait contrastait avec son physique maigrelet mais était soutenu par des lèvres fines et pincées, un nez quelque peu aquilin, la position fort droite de la stature. Une de ces cadettes de noblesse qui n'en avait pas la destinée mais le port altier.

Vous êtes donc à la recherche de deux enfants d'après ce message

Oui ma Mère, il s'agit d'une fillette et d'un bébé, qui ont du vous être amené il y a quelques temps de cela. Elles se prénomment Ixia et Luna et ....

La missive me l'indiquait déjà. Pour quels motifs votre suzerain souhaite-il retrouver ces enfants ?

Eh bien ... mon maître est aussi le suzerain de leur mère, dont les rares nouvelles que nous avons supposent la disparition.

Certes, la lettre le dit aussi. Mais si cela lui donne une certaine position les concernant, cela ne vaut pas autorité ni légitimité de ce seul état de fait.

Anselme en qui avait renaît l'espoir de savoir qu'il allait être reçu, sentit celui-ci fondre devant les complications. Il commença à comprendre que la partie n'était pas gagnée

C'est à dire que le père d'Ixia, l'aînée des deux filles, est décédé. Quand à la cadette, nous n'avons aucune certitude quant à l'identité du père, seulement des présomptions

Mais vous vous doutiez qu'elle a un père, non ? et vous ne l'avez pas recherché ?

C'est à dire ma Mère, que notre préoccupation première était le sort des enfants ...

En somme, concernant ce bébé, il y a un père et vous n'avez de votre propre côté, pour les deux enfants, aucun élément légal qui justifient ces recherches ?

Là Anselme sentit la terre commencer à doucement se dérober sous ses pieds. Enfin la terre ... plus précisément celle bien fraîche de sa tombe qui se creusait gentiment à chaque nouvelle réplique de la nonne en chef. Visiblement encore une fois, il n'avait pas usé de la bonne méthode avec une religieuse. Ici la timidité était giflée par l'autorité, les manières doucereuses par les arguments. La conversation lui échappait et il n'avait toujours aucune certitude quant à la présence des filles en ce lieu. Le répit trouvé en ces murs finit de disparaître quand lui revint l'idée que son suzerain se rapprochait à chaque minute

Eh bien ma Mère .... léger raclement de gorge, concernant des documents ..... comprenez qu'à l'heure où il apprit cette nouvelle, il était fort difficile d'opposer une quelconque question à mon maitre. Mais soyez assurée qu'il agit rarement sans raison, et toujours de bon droit. Etant donné sa position au sein de la noblesse de France, il ne se le permettrait pas ... un instant en suspend, espérant que cet aspect agisse sur la vieille bique
Quant au fait que la seconde fille ait un père, cela ne nous dispensait nullement de rechercher l'aînée, donc de facto les deux soeurs. Et je dois ajouter que si nous ne sommes pas sûrs de savoir qui est le père, nous sommes assurés qu'il s'agit d'une naissance hors mariage. Or vous connaissez l'adage juridique ma Mère: nul ne sait vraiment qui est son père. Par le fait, seul le mariage donne reconnaissance légale de la paternité d'un enfant. Nous avions d'autant moins de raison de nous en préoccuper, du moins en premier lieu. Et son visage se fendit d'un sourire aiguisé quand il crut bon d'ajouter ...
Néanmoins, je dois vous rassurer. Mon maître a donné des instructions très ... vives pour qu'on le retrouve.

La roublardise, le double-sens de cette dernière réplique finit de ragaillardir le sergent-cavalier. Et l'ensemble de l'argumentaire avait visiblement rééquilibré la partie, la mère supérieure restant un instant silencieuse.

Et pourquoi votre seigneur n'est-il point là en personne ?

Ouch ... pêché d'orgueil, pas désarmée la vieille. Aller lui dire de but en blanc que le maître de Najac s'était rendu à un mariage avant de venir risquait de discréditer tout son beau discours. Mais Anselme avait recouvré tous ses talents, et on était pas à un mensonge près.

Comprenez que nous avions peu d'informations, qu'il a fallu chercher dans toutes les directions. Aussi je le précède simplement, et de peu.

La mère qui s'était légèrement décalée sur le côté de son bureau revint s'assoir vers cette petite cathèdre qui lui tenait lieu de siège. Anselme profita qu'elle semblait réfléchir en même temps à sa prochaine intervention pour poser la question qui lui brûlait les lèvres.

Ma Mère, pardonnez moi mais ces recherches sont avant tout dans l'intérêt de ces enfants. Tant que nous ne les aurons pas localisées, nous sommes extrêmement inquiets qu'elles puissent être dans la nature

La mère s'enfonça un peu dans son fauteuil de bois, joignant la pointe de ses doigts avant de les croiser

Elles ne sont pas dans la nature. Elles sont ici.

Et savez vous ce qu'est devenue leur mère ? s'il est possible que nous la retrouvions ?

Une femme nous a amené les fillettes le mois dernier et nous a demandé de porter secours à la mère. Malheureusement, il n'y avait plus rien à faire. Dans la mesure où elle était inconnue dans la région, ne nous pouvions être assurés qu' elle était baptisée. De fait, elle n'a pas été enterrée dans une terre consacrée, et donc pas par nos soins. Il faudrait retrouver la femme qui nous a avertit de sa situation pour savoir où la mère des filles repose, mais je n'ai aucune idée de l'endroit où se trouve cette femme à présent.

Si Anselme gonfla d'une petite gloire d'avoir trouver les enfants, à la seconde réponse, celle-ci creva comme un outre d'eau qu'on viendrait subitement de larder de nombreux coups de couteau. Oui il avait trouvé les enfants, sa tête était donc assurément sauvée. Mais qui irait confirmer au Comte que sa vassale et amie était morte ? le messager d'une mauvaise lettre est souvent plus en danger que son auteur. Et en plus, il ne savait toujours pas où était le corps, la situation se dégradait encore. Mais il n'était pas question que ça retombe sur lui, il se le jura. Après tout, ce n'était pas sa faute si on avait perdu le corps. Enfin perdu .... pas voulu s'en occuper surtout. Ses yeux verts posés sur la vieille nonne, il se rappela que la meilleure façon de ne pas être jugé coupable d'une faute, ce n'est pas de dire pardon ou je suis innocent, c'est de trouver d'autres coupables. Une ombre perfide passa sur son regard, assurément le bouledogue, la bique et toutes les dindes du lieu feraient mieux que l'affaire pour nourrir et rassasier la colère de son anticlérical de suzerain.

Stromboli

Stromb avait quitté l'auberge et marchait droit devant lui, bousculant les badauds qui ne grondaient que rarement vu l'air menacant qu'il affichait. Il emprunta le chemin qui menait à l'orphelinat et se trouva bien vite devant la lourde porte d'entrée. Il toqua à la porte avec force. Le temps que quelqu'un vienne lui paru une éternité et son énervement monta d'un cran. Quand enfin le judas s'ouvrit, il reconnu l'air revêche de la nonne rencontrée la veille.

- Qu'est-ce que vous voulez ??

La voix sifflante comme un serpent, la nonne semblait impatiente d'envoyer paitre ce malotrus. Stromb ne se décontenanca pas et répliqua d'une voix grave.

- Je suis passé hier pour mes deux filles. Il brandit dans le même temps le parchemin souillé sous le nez de la soeur. J'aimerai voir la mère supérieure.

La nonne le détailla, encore une fois, l'air dédaigneux. Puis elle ajouta de son air revêche...

- Je me souviens de vous oui. Figurez-vous qu'un homme est déjà en entretien avec la mère supérieure à propos de ces deux gamines. Et il a un papier officiel, LUI.

Stromb senti son sang se glacer dans ses veines. Abasourdi par ce qu'il venait d'entendre, il chercha ses mots. Le pressentiment qu'il avait eu n'était pas si idiot que cela... Il tenta de reprendre ses esprits et de garder son sang froid. Quelqu'un était entre ces murs qui venait lui enlever ses filles... Il regarda la vieille bique qui ne semblait nullement s'émouvoir de l'état du rouergat et des conséquences que cela aurait. Il fit un effort surhumain pour se maitriser et parler d'une voix calme.

- Ma soeur... Je suis le père de ces enfants... du moins celui de la plus jeune. J'ai un document qui atteste de ma bonne foi. Il n'est pas officiel certes, mais il a été écrit et signé de la main de la mère. Laissez-moi entrer je vous prie.

En tant normal, il aurait littéralement explosé de colère, crevé les yeux de la soeur à travers la petite ouverture et défoncé la porte. Mais là... il fallait la jouer fine. Et puis c'était un orphelinat. Bref, le fait de s'être abaissé devant elle avait entamé sa fierté, mais il tacha de rester impassible. La nonne le regarda longuement, semblant peser le pour et le contre. Finalement elle referma le judas. Stromb ferma les yeux et attendit. Finalement, le lourd cliquetis des verrous et de la serrure se firent entendre. Un soupire de soulagement, il rouvrit les yeux et vit la porte s'ouvrir.

- Suivez-moi. Pas d'armes ici.

Comme il n'en avait pas, il attendit que la vieille femme referme la porte puis la suivit. Sa démarche claudicante de petite vieille tranchait avec la voix froide et les yeux de dragons. Il entendait des bruits d'enfants et regarda autour de lui. Il espérait voir au moins Ixia, mais rien. Une porte assez impressionante se dressa devant eux. Elle frappa, ouvra et poussa presque Stromb à l'intérieur. La porte se ferma dans un bruit mat dans son dos. Il avait l'impression d'être entré dans une arène. Il s'avanca vers le bureau et détailla les personnes présentes. Il y avait un homme qu'il n'avait jamais vu. Il le regarda des pieds à la tête. Un soldat ? Il portait un blason que Stromb reconnu vaguement mais sans se souvenir vraiment d'où il l'avait vu. Alors il se tourna vers la mère supérieure et se présenta.

- Mon nom est Stromboli. Je suis le père de Luna... et je fais office de père à sa demi-soeur, Ixia. Je suis ici depuis 3 jours et j'attendais de pouvoir vous voir pour les récupérer.

Il avait parlé d'une voix calme, même s'il bouillait de l'intérieur. Il lui tendit le parchemin souillé.

- Cette lettre m'a été adressée par Inba, dame de Villevayre, leur mère, avant sa mort.

La lettre, qui avait commencé avec entrain sur le récit de la journée des trois filles, avait brusquement tourné à la lettre d'adieu. L'écriture se faisait plus aléatoire au fil des lignes jusqu'à mourir dans la signature à peine lisible de son nom à la fin. Elle parlait d'accident, de sang, de fin toute proche. Un dernier mot tendre malgré leur séparation, et Inba avait signé son nom dans l'agonie. L'en-tête de la lettre était daté et indiquait le lieu d'envoi : "Troyes, le 9 juin 1460". Il s'était servi de cette précieuse indication pour se guider. Il avait mis certaines personnes au courant de la mort d'Inba et espérait qu'elles fassent passer le message. En attendant le retour en Rouergue, il avait fait de la récupération des fillettes sa priorité.

Il observait la mère supérieure en pleine lecture et ne dit mot, restant impassible. Enfin, elle leva la tête.

- Messire Stromboli... Comme l'a indiqué l'homme qui se trouve à vos côtés, vous n'étiez pas marié avec la mère de ces enfants. De plus... le père de l'ainée est semble-t-il décédé.

Le brun avala sa salive un peu difficilement. Il n'avait strictement rien pour prouver qui il était et les liens qu'il partageait avec les enfants. Et de toute évidence, il aurait beaucoup de mal pour Ixia. Il se demandait encore quel était l'homme à côté de lui et quels liens il pouvait avoir avec les gamines...

- Oui... oui... en effet, le père d'Ixia est décédé il y a plusieurs mois de cela. Quand j'ai rencontré sa mère j'ai prit le relais.

La religieuse le fixa du regard, cherchant manifestement quelque chose. Il le soutint, et elle finit par s'adresser à nouveau à lui d'une voix calme.

- Avez-vous une preuve qui atteste de votre paternité envers la cadette ?

Stromb se retint de l'étrangler avec difficulté. Mais bordel, en se donnant à Dieu, ces bougresses de bonnes femmes donnaient-elles également leur cervelle ?? Un sourire forcé s'étira sur son visage.

- Non, je n'ai rien. Si ce n'est ma ressemblance avec elle. Ainsi que cette lettre, même si Inba avant de mourrir à oublier d'ajouter "PS : au fait Stromboli est le père de Luna, navrée du désagrément" !

Il se rendit compte un peu tard qu'il avait craqué. Sa voix s'était faite ironique et il avait haussé d'un ton sans même s'en rendre compte. Il regarda la nonne et se dit que cette fois, il allait avoir beaucoup de mal... Il prit une grande goulée d'air et enchaina.

- Veuillez m'excuser... ma mère... votre seigneurerie... enfin je ne sais pas comment je dois vous appeller. Bref, comme vous pouvez le constater je suis un peu... nerveux. Cela fait un mois que j'essaie de me remettre de la mort de leur mère, même si nous ne formions plus un couple. J'ai promis de prendre soin de ces enfants et je le ferai jusqu'à sacrifier ma vie s'il le faut. Ca fait trois jours que j'attend dans cette ville. Je n'ai pas le moindre document officiel, ni rien qui soit "recevable" et me crédite de bonne foi. Je ne suis pas noble, je n'ai pas d'amis haut placés... j'ai les mains liées. Je ne sais pas qui est ce messire, mais vu le blason qu'il porte j'imagine que le rang de son maitre est placé trés haut dans la chaine alimentaire... euh... l'hérauderie pardon. Comprenez donc mon inquiétude vis-à-vis de la suite de l'histoire.

Il se tut, ayant posé cartes sur table désormais.

Anselme_cambafin

Lorsque la porte se fit entendre derrière lui, Anselme émergea aussi subitement qu'anxieusement de ses réflexions. En terme de probabilité, qu'une personne pénètre dans cette pièce en n'étant ni vêtue en nonne ni même en étant une femme, il y avait toutes les chances que ce fût le Comte. Mais non. Soulagement bien furtif tant il fut vite repris par une forte inquiétude quand il comprit que l'homme qui se présentait, venait lui aussi pour les deux enfants. Il crut un instant revivre la scène de la rue, où le soulagement laisse la place à de la stupeur. Cette stupeur le maintint d'autant plus muet que l'homme avançait des arguments, en premier lieu qu'il était le père de Luna. Ainsi donc c'était lui. Voilà qui compliquait encore la tâche d'Anselme. Il ne put s'empêcher de ruminer intérieurement que celle d'Ogier s'en trouvait par conséquent grandement simplifiée. Failli soudard qui s'en tirait toujours à bon compte. Et par le fait, il ne serait décidément vraiment en avance sur personne. Non, le Comte ne serait vraiment pas content.

Anselme finit par pâlir quand Stromboli annonça qu'il avait une lettre d'Inba, écrite peu avant sa mort. Si elle contenait ses dernières volontés, tout cela risquait de tourner à la catastrophe. Heureusement, la lettre ne semblait contenir aucune instruction et la religieuse sembla encore moins sensible aux arguments du père de Luna qu'à ceux qu'il avait lui-même avancés. La situation était tout de même cocasse: cette nonne habituée à sauver des enfants dont plus personne ne voulait, se retrouvait subitement avec un déferlement presque théâtral de prétendants pour ces deux enfants-là. Elle qui devait se réjouir en temps normal lorsque quelqu'un se proposait à l'adoption, devait faire preuve de méfiance et user de toutes les précautions dans le cas présent. Encore un de ces paradoxes dont la vie a le secret pour nous extirper de sa monotonie.

Devant la sorte d'aveu d'impuissance sur lequel conclut le dénommé Stromboli, Anselme sentit renaître un sentiment de victoire, en tout cas de plus en plus probable. Oui mais, pour son maître, pas pour lui. Etudiant, calculant même, rapidement la situation, tout cela gardait les aspects d'un beau guêpier dont indubitablement tous les acteurs ne se sortiraient pas à bon compte. Et le sien propre n'évoluait guère qu'en négatif: toujours une mort à annoncer, toujours un corps à localiser, et à cela s'ajoutait maintenant qu'il ne pouvait plus prétendre être le seul à avoir retrouvé les enfants. C'est ici et ainsi que sa nature reprit ses droits. La loyauté était une chose, mais son intérêt personnel passait avant tout. Et la finauderie restait sa meilleure arme, d'autant que la déférence comme les regrets ne seraient d'aucune utilité avec le Comte. Aussi il donna à la conversation une toute autre tournure que celle qu'elle aurait du prendre. Bien au contraire que d’arborer son sempiternel air hautain et distant, il intervint sur un ton d'apparence sincère et presque amical, comme tout bon roublard qui monte son complot.

Senher Stromboli, il n'est pas utile de me donner du seigneur, ou du Senhor dans notre patois occitan, je n'en suis pas. Par contre, mon maître oui. Mais soyez assuré que tout ce qui pourrait se passer ici tiendrait moins de son rang que de son immense tristesse et de la colère qui en découle. Le blason que je porte vous devriez le connaître: c'est celui de la mesnie de Najac dont feue Inba de Villevayre faisait partie, étant vassale et surtout amie de sa Grandeur Arnaut Pantagon. Vous comprenez maintenant je l'imagine plus aisément les raisons de ma présence ici, et bientôt celle du Comte.
Pour tout vous dire, bien que je ne devrai pas, je me moque assez de savoir qui est le plus légitime à prendre ces enfants. Moi je ne suis que le chargé des recherches. Mon seul soucis à l'instant présent est l'impression que ce capharnaüm aura sur le Comte. Vous vous inquiétez de la suite que tout ça pourrait avoir ? connaissant mon suzerain, je m'inquiète avant tout qu'elle ait au moins une suite pour nous trois. Il serait bon de nous accorder et de lui donner du grain à moudre.

La nonne fut légitiment stupéfaite à ces propos. Il y avait de quoi, mais Anselme n'avait pas dit les choses au hasard. Voyant combien la situation évoluait peu quand elle était juge de tout cela, il voulait la pousser à être partie prenante, ce qui ne manqua pas d'offusquer la supérieure de l'orphelinat

Que dites vous ? tous les trois ? mais je n'ai absolument rien à voir dans ces histoires et je doute sérieusement que votre suzerain l'entende autrement. D'ailleurs, dans cette affaire, il ne serait pas dans son intérêt de s'opposer à moi ou même de me contrarier !

J'entends bien ma Mère. Du moins dans l'absolu. Mais voyez vous, le problème des enfants se compliquant à chaque instant, le seul élément pondérateur qui nous reste, ce que j'appelais à l'instant le grain à moudre, c'est d'accéder à l'autre volonté du Comte, à savoir retrouver le corps de la dame de Villevayre. Or soyez bien assurée que lorsqu'il apprendra que ce corps, désormais on ne sait où, a été entre vos mains et que vous ne vous en êtes pas préoccupé, je gage que votre situation ne sera pas meilleure que la mienne ou celle du senher Stromboli. En bon aristotélicien, je ne conteste en rien les raisons qui vous ont poussé à vous décharger de l'enterrement, vous avez suivi la règle. Mais aux yeux du Comte de Najac, ça ne sera rien d'autres que d'avoir abandonné dans l'indignité la dépouille de son amie, et ce sans aucune charité.
Alors ma Mère, j'insiste ... vraiment. Il faut savoir ce qu'est devenue la femme qui vous avait amené les enfants. C'est aussi impératif qu'urgent.

La nonne resta statique et visiblement quelque peu abasourdie. Anselme garda intensément ses yeux rivés sur la religieuse, autant pour qu'elle comprenne (et espérait-il accepte) son point de vue, que dans l'attente d'une suggestion de sa part, d'une idée où débuter les recherches.

Stromboli

Il en été resté à guetter une réflexion de la soeur qui le regardait comme un voleur de poule. Il s'attendait au pire désormais, mais avait joué la carte de la sincérité, de la mise à nue. Il avait espéré qu'elle soit un temps soit peu sensible à ce mini cri du coeur. Mais en scrutant son visage et ses yeux, il comprit que c'était peine perdu. Il avait abattu son dernier atout. Il ne voyait pas comment s'y prendre autrement désormais.

Mais à peine le temps de monter un plan d'attaque qu'il se rendit compte que l'homme qui se tenait à ses côtés lui parlait. Il le détailla du regard tout en l'écoutant. Lorsqu'il parla de la mesnie de Najac, Stromb s'étrangla et comprit tout d'un coup où il avait vu ce blason. Il comprenait maintenant ce que cet homme faisait en ce lieu. Inba appartenait au Comte. Mais alors les enfants de celle-ci également ? Lequel des deux alors avait le plus de légitimité ? Ou alors... l'idée d'un testament lui effleura l'esprit. Mais oui... c'était peut-être cela. Il connaissait Arnaut et savait qu'Inba le considérait comme un père. Il lui paru tout à fait logique qu'en cas de décés, elle veuille confier ses enfants, la chaire de sa chaire, à une personne de confiance... Et qui pour cela est mieux placé qu'un père ? Le testament alors devait dater alors. Car il le savait, si elle l'avait fait plus récemment, la question de savoir qui aprés son décès aurait la charge des fillettes ne se serait même pas posée.

Il soupira. L'homme avait parlé d'un ton bizarre, presque amical. Stromb connaissait que trop bien les techniques pour avoir ce que l'on veut, et il avait aussi bien connu nombre de gens qui avaient affiché grand sourire par devant et coups de poignard dans le dos. Cet homme, quoi qu'il arrive, il s'en méfiait. Il avait inclu la soeur dans le groupe. Drôle de manoeuvre. Il écouta la bonne soeur se révolter d'une voix plus aiguë, trahissant sa colère et une pointe d'inquiétude.

Puis ce fut à l'homme de répondre. Stromb avait presque décroché, perdant espoir. Il écoutait vaguement, s'attendant à une rixe verbale des plus puérile et indigeste. Mais la conversation tourna alors à son avantage. Son coeur fit un bon lorsqu'il comprit que tout ce qu'Arnaut voulait, c'était retrouver le corps de sa défunte vassale. Ses yeux se posèrent sur l'homme. De toute évidence, il craignait la colère de son maitre. Lui n'en avait cure. Son esprit réfléchit à toute allure. Son coeur se mit à battre plus fort... Enfin, il avait un atout de poids dans sa main. Arnaut possédait ce que Stromb voulait, et le brun possédait également ce que le Comte voulait.

Lorsqu'il eu finit de parler, il entama la conversation sur un ton franc.

- Messire...? C'est quoi votre nom ? Il se trouve que nous pouvons nous arranger...

Il regarda la soeur toujours abasourdie. Aux quelques mots qu'il avait prononcé, elle avait relevé la tête, subitement interessée par cet empêcheur de tourner en rond. La roue tourne on dirait. C'était elle qui se sentait impuissante désormais. Il afficha un grand sourire de satisfaction à cette pensée. Vieille bique déplumée... Il finit par reporter son attention sur l'homme.

- Je sais où se trouve le corps de la Dame de Villevayre. C'est moi qui ai donné ordre de la faire inhumer. J'avais envoyé un courrier à l'orphelinat pour savoir comment les filles étaient arrivé ici et si elles allaient bien. On m'a répondu que c'était une dame qui les y avait amenées. On m'a donné son nom. Je lui ai écrit et envoyé suffisement d'argent pour qu'elle fasse enterrer le corps et dire une messe par un prêtre, ainsi qu'un pécule pour la remercier. Je tenais beaucoup à ce que le corps d'Inba ne reste pas en proie à la météo et aux bêtes...

Il secoua la tête pour chasser cette pensée avant de reprendre.

Hier alors qu'une fois de plus on m'avait refusé l'accés à l'orphelinat... regard noir à la nonne ... je me rendu dans la forêt. Au hasard de ma marche, je suis tombé sur la roulotte qui faisait office de maison à Inba et ses filles. Cette roulotte est en sécurité, dans un endroit que moi seul connait. Sur le chemin du retour, j'ai trouvé sa pierre tombale. Je connais l'emplacement exact de l'endroit où est enterrée Inba.

Il fit une pause et fixa l'homme d'un air déterminé.

- Je pense donc qu'il y a un moyen de contenter toutes les parties. Vous savez ce que je veux...

Anselme_cambafin

Anselme cherchant le début de ce fichu fil d'Ariane faisait face à la Mère supérieure. Aussi, aux premiers mots de Stromboli, il se contenta de tourner la tête dans sa direction, le regard suspicieux, voire un peu biaiseux. Mais quand Stromb expliqua de manière détaillée qu'il s'avait où se trouvait la dépouille d'Inba, c'est le corps entier d'Anselme qui suivit le mouvement de sa tête, les yeux grands ouverts. Il avait du mal à y croire. Et lui, si stoïque par nature, ne put cacher sa joie. Sur ce coup, s'il avait été bougre, c'est sûr, il l'aurait embrassé ! Mais heureusement pour Stromb, sa nature était totalement versée dans l'excès inverse. Et puis, comme beaucoup d' hommes approchant la quarantaine, la sagesse et la prudence eurent tôt fait de dompter les élans naturels. Et si malgré la précision de son histoire, tout ça n'était que fadaises ? Il le scrutait, restant un moment silencieux, tâchant de sonder son interlocuteur. Mais son hésitation ne dura guère, le père de Luna n'avait rien à gagner s'il mentait, bien au contraire, plutôt à perdre tout ce qu'il espérait voire tout ce qui lui restait. Et de toutes façons, la circonspection d'Anselme ne lui donnerait elle aucune autre solution à son problème. Et puis, difficile de mieux illustrer quand l'occasion fait le larron, et Anselme était un parangon d'opportunisme. Il n'en fallu donc pas plus et si peu pour qu'il prenne la balle au bond.

Je me nomme Anselme Cambafin, senher. Vous savez donc vraiment où elle git ? Vous n'avez pas idée de l'épine que vous m'ôtez du pied ! Comprenez par contre que si je vois parfaitement ce que vous voulez en échange, je ne peux vous le donner moi-même. Mais je vous fais le serment que je ferai tout ce que je peux pour que vous l'obteniez.

La Nonne qui suivait tout cela semblait tout bonnement estomaquée. Non contente d'avoir totalement perdu la maitrise de la conversation, elle n'était carrément plus maitresse de la situation et de surcroit dans son propre bureau. C'est violette d'apoplexie, mélange du rouge de la colère et du bleu que son sang de noble incitait à la retenue, qu'elle intervint dans le dialogue entre les deux hommes.

Non mais où vous croyez vous ? sur un champ de foire ? que vous pouvez régler vos petites affaires comme s'il s'agissait de vulgaires marchandises ? Je ne vous permets p....

Oh vous, allez au diable ! vous feriez mieux de vous mêler de votre cas ! Je vous rappelle encore une fois que vous avez aussi beaucoup à perdre dans cette histoire

La Mère, outrée, resta figée, semblant peser le pour et le contre, sonner le tocsin de la révolte ou céder à la menace. Mais elle n'eut pas le temps de trancher que la porte s'ouvrait à nouveau ...

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La dernière journée de l'emmerdeuse

Anselme_cambafin

--Ixia

Arnautpantagon

Inba.

Ixia

Anselme_cambafin

Stromboli

Anselme_cambafin

Stromboli

Anselme_cambafin

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[RP] La dernière journée de l'emmerdeuse