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[RP] - L'enfance a pleuré ses larmes de sang

Yolanda_isabel
Gérer un domaine est une tâche bien ardue pour une jeune fille.

Bien ardue, oui, puisqu’elle avait du la veille régler une affaire des plus étonnantes, quoique courantes d’après la cuisinière qui en avait déjà vu des vertes et des pas mûres. Un serf était venu demander audience pour porter sa doléance, sa fille avait été forcée par un gars du coin, somme toute, la barbarie du geste mise à part, cela n’avait pas choqué l’auditoire, Yolanda si. Il avait fallu trouver un terrain d’entente, et la garcette avait été fiancée en urgence, et serait mariée à son violeur sous quinze jours, cela n’avait pas choqué l’auditoire, Yolanda si. Yolanda qui de toute façon, aurait refusé de faire exécuter l’homme tant elle rechignait à la violence mais quand même.. Un viol ? Marier une jeune fille qui a souffert à son tourmenteur ? Yolanda en avait été choqué bien qu’on lui ait répété que c’était la chose à faire pour éviter le déshonneur pour cette famille, et la crainte d’un bâtard pour la désormais femme. La Lune s’était mise au lit avec l’impression désagréable que grandir n’avait que des inconvénients, et qu’être femme plus encore, toutefois rassérénée par la présence dans les murs d’Anaon, elle s’était couchée avec la conviction que personne ne pourrait la violer.

C’était la veille dans l’après-midi, et là, dans ses draps, Yolanda rêve d’un songe agité qui lui fait tourner et retourner sous les draps de lin, d’un songe où la jeune serve s’approche d’elle en criant vengeance en échange d’une justice bien bancale et qui ne lui convient pas à elle. Elle s’agite, les mots ne passent pas les lèvres, elle voudrait hurler, appeler Anaon pour qu’elle la sauve, que fait Anaon du reste quand on la menace ? La paysanne s’approche d’elle, sa robe de bure sanglante, coutelas à la main, mais Yolanda ne peut rien faire, ses jambes sont prises dans un étau qui l’empêche de reculer, de courir. Le sourire est déformé en une grimace, et sur le visage de la paysanne coule les mêmes larmes que sur celui de Yolanda. C’est sa faiblesse dit-elle qui l’a mariée de force à un homme qui l’a blessée, sa faiblesse de maîtresse, et il lui faut payer le prix du sang pour le sang qui a été versé sans être puni. La lame s’enfonce dans le ventre de Yolanda, et la douleur est vive, enfin les lèvres se descellent en un hurlement aigü.

Eperdue de terreur, elle se réveille, la peur a collé de transpiration sa chainse sur ce corps qui tend à devenir plus féminin, elle épouse les rondeurs, le sein qui se galbe, le ventre qui se pâme de prendre son essor, et ces cuisses qui grandissent, s’allongent, mais se rejoignent tout de même près d’une féminité qui veut se couvrir d’un duvet pour se dissimuler. Et la douleur est là dans son bas ventre, là où la lame s’est enfoncée, elle retire le drap en un mouvement de répulsion, elle voudrait se lever mais la douleur l’en empêche et en haut de ces cuisses, de ces jolies dodues.. L’écarlate, le sang qu’elle vomit, qu’elle exècre. Ce n’est pas un rêve, on est venu la tuer. Alors les cris reprennent plus intelligibles cette fois. Elle hurle, elle appelle cet être en qui elle a placé sa confiance en même temps que sa vie.


-« ANAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAOOOOOOOOOOOOON ! A MOIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII ! »

Les draps sont resserrés contre elle, puis rejetés à la vue du sang dont ils sont imbibés, elle ne sait plus, elle perd pied et toutes ses couleurs. Exsangue comme si tout le sang de son visage se retirait pour ne rejoindre qu’une destination : le bas. Et les cris reprennent entrecoupés de sanglots, jusqu’à devenir des gémissements de terreur auxquels se mêlent les jappements du grand dogue dans la chambre, réveillé en sursaut sans bien savoir pourquoi. Le sang est sur elle, qui la touche, qui la souille. Ses mains voudraient enserrer ses jambes, mais l’idée même d’effleurer le sang lui donne la nausée, et c’est autour de l’encolure du grand chien noir qu’elles viennent se resserrer, secouées de tremblements à n’en plus finir, le nez recouvert des poils de chien épars, les joues humides de ses larmes et de la bave du pauvre animal qui n’y comprend rien.

Oui, elle est morte. L’enfant qu’elle était, est morte mais comment pourrait-elle le savoir ? Qui lui a dit ? Pas sa mère qui prie, pas son frère ou son père qui sont hommes, et pas Clémence, elles ne sont pas encore assez proches. Les servantes s’en sont bien gardées aussi. Elle ne sait pas, elle sait juste que cela peut être douloureux d’être une femme, Marraine lui avait dit. Mais Marraine n’est pas là non plus, et les larmes reprennent de plus belle.

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Puisqu'on distribue des titres-bon points à tout le monde, j'en veux aussi ! J'ai été sage !
Anaon
" La douleur est l'auxiliaire de la création. "
    - Léon Bloy -


    Silence. La femme se repait de l'air frais qui file dans le couloir. Le ciel a déversé la veille quelque larme de pluie à la fraicheur salvatrice bien vite emmurée dans les pierres du château. Une crevée céleste pour contredire la lourdeur estivale, mais une bénédiction pour la mercenaire au supplice dans les affres de l'été. Un livre entre les mains, assisse jambes croisées sur un banc, la tête repose, très sérieuse, sur le trépied de ses doigts. Attention toute captivée par les mots qui défilent, l'Anaon s'est plongée dans sa lecture depuis un bon moment. Gouffre de savoir jamais rassasié, c'est aujourd'hui toute la généalogie des Penthièvres qu'elle s'applique à assimiler. Primordiale de connaître le sang qu'elle sert. Et puisqu'elle ne devait pas s'éloigner de la chambre qui renferme sa protégée, elle avait su trouvé comment s'occuper avec efficacité.
    Anaon, parfait petit chien de garde.

    Les sourcils se froncent d'attention. Retenir chaque être, chaque date. Et ces noms qui s'accumulent, Kilia, Albéric, Beucheumeu... Ah! Que de résonance qui ne sont pas pour la rajeunir, bien loin de là! La phobique de l'oubli dévore chaque histoire, imprime sa tête du moindre de détail et...

    Hurlement.

    La concentration éclate quand l'immobilité se fend dans un sursaut. La tête se redresse brusquement, les yeux accrochent la porte un peu plus loin. Arrêt. Et quand le silence se déchire de nouveau sous les cris infantiles, la balafrée s'élance sans plus attendre.

    Claque d'adrénaline. En quelques foulée la chambre est rejointe, d'un geste violent la porte est dégagée. La bourrasque s'engouffre, le regard s'affole, cherche la petite, la trouve sur son lit, cherche la menace...Cherche la menace... Le chien! Le chien? Mais non!

    La dague est au clair dans la dextre, les azurites dissèquent la moindre parcelle de la pièce sans trouver ce qu'elle cherche. Incrédule, le visage balafré refait face à la jeune noble en pleurs.

    _ Yolanda! Que vous arrive-t-il?

    Regard soucieux. Le cœur se calme doucement. C'est un simple cauchemar qui vient d'ébranler tout Château-Gontier? La lame s'abaisse alors que l'Anaon s'approche du lit, main tendue, prête à couvrir la chevelure blonde d'une paume rassurante. Mais le geste se fige. Les azurites s'arriment aux draps de lin... et à l'immaculé qui ne l'est plus. Les prunelles suivent le chemin des jambes et s'arrête sur la chainse souillée de carmin. Ah...

    La réflexion fait son chemin dans la caboche de l'ainée. Le chaperon s'ébranle de nouveau. La dague retrouve sa place contre sa cuisse et une main se pose sur le dogue pommé qui ne sait plus ou donner de la tête. L'autre effleure avec déférence les filins dorés.

    _ Yolanda...

    A l'ainée de s'accroupir.

    _Regardez-moi. Tout va bien...

    Les prunelles céruléennes attendent l'éclat de leurs homologues. Aujourd'hui, la nature a volé à l'enfant la première part de candeur. Il semblerait que la petite accuse une première vérité: une femme se façonne toujours dans la douleur.
Yolanda_isabel
La porte qui s’ouvre, elle ne la voit pas, pas plus qu’elle ne voit Anaon entrer dans la chambre, ce qu’elle voit, c’est ce sang, ce sang qui envahit son esprit, embrouille ses pensées, le sang qui lui met le cœur au bord des lèvres. Les doigts s’enfoncent à qui mieux mieux dans la fourrure de jais du dogue. Désespérée, voilà ce qu’elle est. Se préserver de la violence, s’entourer d’une femme forte pour ne plus y être confrontée, et se retrouver dans sa couche, trempant dans son propre sang. A peine sent-elle le mouvement d’Ankou à l’approche de la mercenaire, pourtant la voix qui se veut douce à son encontre, cette main qui se pose sur ses cheveux, elle les perçoit.

Le regard débordant d’eau qui se pose sur Anaon exprime-t-il plus de peur que de reproche ? Qui pourrait le savoir hormis sa vis-à-vis. Oui, du reproche, car si Anaon avait été là, elle n’aurait pas souffert, elle tente de s’en convaincre, pourtant, il y a quelque chose chez la balafrée qui l’empêche de lui intimer l’ordre de coucher sur une paillasse à même le sol de sa chambre comme on le commanderait à une servante. Du reproche, oui, de ce reproche qu’aurait pu faire naître n’importe laquelle des femmes de son entourage. Car, c’est cela en plus de la douleur et du sang qui la brise, personne ne lui a rien dit, elles s’en sont toutes gardées. Aurait-elle mieux vécu la chose si on l’avait prévenue que son sang s’en irait, que celui-ci la souillerait de cette façon si désagréable ? Certainement, oui, du moins tente-t-elle de s’en convaincre.. Car la Lune n’est pas si bête qu’on veut le croire, elle a compris.. Le cauchemar n’est pas terminé, il ne fait que commencer, et lui viennent à l’esprit les remarques chuchotées par les servantes sur unetelle qui aurait succombé à ses couches, une autre qui aurait perdu trop de sang, une autre et une autre .. Ce sang féminin, si personne ne lui en a parlé, elle sait bien qu’il existe pour en avoir entendu parler par la domesticité.

Le sang.. Avec un gémissement qui s’étouffe dans la gorge, du cou du chien, c’est à celui qu’Anaon que passent les bras de la pucelle, pour s’agripper avec force à sa chemise. Tout ne va pas bien, avec le temps va, tout va .. Mal.


-« Non.. Je ne veux pas mourir.. Je saigne ! »

Et sans le voir, elle le sent, tiède, gluant sur ses cuisses, il lui semble même sentir cette odeur propre au fluide vital, il s’insinue dans ses narines au fur et à mesure qu’il s’échappe de son corps. Et de nouveau, les reproches dans la voix qui viennent mourir dans la poitrine de la mercenaire où le visage s’est refugié comme pour y étouffer la douleur. En vain.

Vous ne m’avez rien dit.. J’ai mal. Faites le partir .. »

Si c’était si simple, Yolanda.. Pourtant dans le regard qu'elle pose sur Anaon, il y a de l'espoir derrière la panique. Il y a l'espoir qu'on retirera d'elle à tout jamais ce sang qui la terrifie.
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Puisqu'on distribue des titres-bon points à tout le monde, j'en veux aussi ! J'ai été sage !
Anaon
    Les azurites trouvent enfin une réponse chargée d'humide et de tumulte. L'Anaon reste silencieuse face au regard, tentant au mieux de se montrer rassurante, d'une main qui se veut tendre, d'un regard qui se veut doux. Mais bien vite la gamine passe au cou de l'Anaon qui reçoit l'étau dans un sursaut. Crispation. Qui connait la balafrée connait sa susceptibilité au contact. La femme se fige quelques secondes de réflexe et de surprise, hésitante quant à la conduite à tenir. L'enfant est de haute noblesse, et elle, pour l'heure, n'est qu'un chaperon, un bras et une arme. Une différence qui incite à la décence. Une limite, que l'Anaon voit bafouée. Mais Yolanda n'a que douze ans. L'aurait-elle oublié?

    Alors les bras de la mercenaire se referment sur le corps de la jeune noble, dans une retenue qui se veut des plus respectueuses. Et le timbre se ferait presque murmure.

    _ Vous n'allez pas mourir Yolanda. Ecoutez-moi...

    Vient le reproche. La mercenaire n'est là que depuis quelques jours, mais elle accepte d'endosser toute responsabilité sans rechigné et de faire siennes toutes les fautes des autres. Deux doigts viennent pincer une mèche de blé de la petite alors que l'Anaon reprend dans le même calme:

    _ Pardonnez-moi. Il partira de lui même dans quelque jours. Mais il reviendra tous les mois à peu près. C'est tout à fait normal, Demoiselle. C'est votre corps qui mûrit. Il saigne pour se purifier et être prêt à accueillir un enfant en son sein. Vous êtes Femme désormais...

    Femme. Un mot chargé d'anathème. Paradoxe. La Femme est haine, la Femme est amour. Elle est adulé, elle est détesté. Elle est pureté, elle est souillure. Femme. Un réceptacle pour tous les tords que l'homme ne veut pas assumer.

    L'Anaon tente de se redresser, quitte à porter la gamine en collier et l'inciter à se lever.

    _ Allons vous laver. Je vais vous faire préparer un bain et de quoi passer ces jours le plus agréablement du monde... L'eau arrive parfois à stopper les saignements pour un peu de répit.

    Presque sur ses deux pieds, le visage de l'ainée s'abaisse pour aller frôler le crâne de la petite du bout du nez. Une frêle courbe s'esquisse sur son visage et dans la voix qui se veut convaincante s'entend le sourire rassurant que la Josselinère ne peut pas voir.

    _ Allons Yolanda Isabel, cessez vos pleurs. Je sais que vous êtes femme de courage.

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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III - [Clik]
Yolanda_isabel
Là, tout contre le cœur de l’Anaon, elle écoute, puisqu’on lui a demandé. Puisqu’Anaon lui a demandé, et il faut lui faire confiance, elle l’a décrété dès le premier jour, dès le premier instant. Elle écoute, et pourtant la chose lui est insupportable. Sait-elle la Balafrée que les mots qu’elle prononce sont aussi douloureux que ces spasmes qui lui labourent le bas ventre ?

Elle frémit la grande enfant, la petite femme, à l’idée que le sang revienne chaque mois, que chaque mois sa couche et ses linges soient souillés, ce n’est pas la douleur qui l’inquiète, la douleur, elle la connaît pour l’endurer chaque jour pluvieux ou trop chaud, la douleur est amie de longue date, mais le sang.. Dût-il accompagné la promesse d’être féconde, elle ne l’en aimera pas plus, et quand bien même dit-il cela ce sang, que lui importe à elle de porter des enfants, et les mots meurent quand les lèvres s’appuient contre le corps d’Anaon pour les tuer.


-« Mais je ne suis qu’une enfant.. »

Une enfant peut-elle enfanter ? Est-elle si enfant que cela celle qui a compris avant qu’Anaon le dise ? Celle qui sait que ce sang est celui qui fait une femme et donne des enfants ? Que si il coule, c’est qu’un jour où elle aura un époux, elle saura lui donner un héritier. Elle l’a dit, Anaon l’a dit : Femme, non plus enfant. Et son corps se redresse à son insu, à l’initiative de son garde, car c’est ce qu’elle est, n’est-ce pas ? Son garde du corps, et ce qu’elle lui propose n’a pour but que de protéger son corps sinon son cœur.

Au fur et à mesure que les mots sont enregistrés, les bras se détachent d’eux-même, et le regard se plante dans celui d’Anaon pour ne pas voir le sang. Un hochement de tête qui voudrait effacer le déglutissement. Là, derrière la peur et la répulsion, il y a la fierté et le devoir. Là, derrière la nouvelle femme qui tremble, il y a la fille d’une femme courageuse. Et Yolanda se veut être le reflet de sa mère, alors sans la quitter des yeux, elle tourne le regard vers la porte, cette porte restée entrouverte et dans cette embrasure, des têtes connues.

Soupir résigné.

-« Faites comme elle a dit. Et qu’on fasse venir .. Ma tante, la baronne Alatariel. Dites-lui .. Ce que vous voulez. »

Un regard en coin à Anaon, un regard las. Tu vois, être femme et noble, c’est n’avoir pas de vie à soi. Et enfin, elle daigne descendre de ce lit, octroyant à Ankou, une caresse réconfortante au passage.

Réconfortante .. Pour qui ? Pour lui ou elle ?

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Anaon
    Ce murmure qui s'étouffe contre sa poitrine, cette douloureuse vérité lui fait pincer les lèvres. Oui, Yolanda n'est qu'une enfant. Une enfant dans un corps qui se fait femme. L'Anaon aurait pu se taire, tisser à la jeune fille un cocon rassurant en filant du mensonge. Mais à quoi bon s'écorcher en boniment? Pour la voir s'effrayer une nouvelle fois à chaque mois? Jusqu'à ce que les menteries ne prennent plus et que Yolanda ne lui accorde plus aucune confiance? Oui, à l'abrupte d'une vérité on préfère toujours la douceur d'un mensonge. Mais tandis que la vérité est coup de hache, le mensonge est poison, et si l'une achève d'un trait, le second tue lentement. Et au final, la vérité vient toujours ressurgir. Alors pourquoi s'imposer une désillusion plus douloureuse encore?

    Je ne vous mentirais pas, je vous l'ai dis, dès le premier jour ou vous m'avez confié votre vie.

    L'Anaon garde lèvres closes quand les bras se défont, car elle aurait bien peu à dire. Que répondre à ce regard? Rien, si ce n'est le silence d'un sourire qui se veut être soutien. C'est la nature qui fait ainsi, moi je n'ai rien choisit. Le visage de la mercenaire se tourne de concert à la voix qui s'élève. D'abord la surprise s'affiche à la vue de ces visages de commère puis le regard se fait des plus sévère devant cette curiosité qui lui paraît des plus malvenus. Indiscrétion insolente presque, mais la mercenaire se garde de rabrouer ces petites gens trop indiscrètes.

    Quand les faciès ont disparu de l'embrasure, l'attention de la balafrée revient sur la jeune Josselinière qui à déjà quitté son lit. Le regard se pose un instant sur l'auréole carmine qui baigne les draps blancs. Les domestiques s'en chargeront et à défaut le chaperon s'en occupera elle même. Superstitieuse l'Anaon oui, mais souillée jusqu'à la moelle et mettre les mains dans l'impur sera pour elle comme une coutume. Les azurites reviennent sur la silhouette auréolée de blond. Le pied de la mercenaire descend l'estrade qui élève le lit et la main se tend, prête à plonger une fois de plus dans les filins de blé avant de se raviser aussitôt. Elle n'est que chaperon. "Ainsi Anaon serait femme à faire un baise main à un homme". Elle serait aussi femme à couver les enfants des autres. Alors elle préfère réfréner trop d'élan de tendresse qui pourrait lui être reprocher. Elle n'est que le chaperon. La chair à canon. Le chien et le bouclier. Pourtant...

    L'ainée s'approche jusqu'à s'incliner doucement vers la jeune fille.

    _ Permettez-moi...

    Et de ne pas attendre son reste. Un bras passe sous le séant de la blonde tandis que l'autre trouve son dos. Et faisant fi de ses rouillures et de sa force qui n'égale pas celle d'un homme, la balafrée élève dans ses bras la Josslinière pour la porter jusqu'à son bain, et lui épargner l'inconfort de sentir cet ichor impure qui s'écoule sans frontière le long de ses jambes.

    Qu'elle bronche la carcasse, cette cuisse qui boite et cette épaule bancale! Qu'elles ronchonnent encore, elle ne lâchera pas Yolanda pour autant.

    Mais quelle râle encore cette vieille mécanique de chair. Tant qu'elle râle c'est qu'elle est en vie...


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Yolanda_isabel
A quoi bon mentir en effet, on lui a tant et tant menti que cette promesse d’Anaon d’offrir la vérité lui avait laissé un goût de doute dans le cœur. Mais la Balafrée ne ment pas et Yolanda n’est plus fillette à gober les inepties. Et pourquoi mentir, pourquoi cacher la vérité, et au fur et à mesure que la vérité se fait implacable, elle faiblit un instant, se demandant s’il ne serait pas plus simple de mourir maintenant plutôt que de souffrir à chaque retour du sang. Un frisson long la parcourt à cette pensée vite chassée, la mort n’est pas pour elle, puisqu’elle l’effraie plus que le sang encore. Laissons la mort aux vieillards et aux malades, et puisque l’Ankou la protège, la préserve, la Mort ne saurait venir, il faudra faire avec le sang qui la terrifie. Mais pas seule. Aux mots d’Anaon, elle opine sans savoir à quoi, et la voilà qui décolle et se retrouve contre le sein de la mercenaire.

Est-ce le manque de tendresse, est-ce l’habitude d’être ainsi portée par son aîné, les bras se referment d’eux même autour du cou, assurant une prise rendue difficile par son poids et sa taille. Nichée dans la chevelure d’Anaon, elle ne voit pas la célérité de la domesticité qui s’est empressée de porter le baquet revêtu d’un drap, de remplir les seaux d’une eau chaude destinée à un autre usage sûrement mais qui aura trouvé ce jour une utilité, d’aller chercher les simples pour aromatiser ce bain par trop matinal. Et alors que le corps se retrouve immergé jusqu’aux genoux, que la chemise est arrachée plus qu’ôtée pour être jetée loin d’elle, il lui semble qu’il y a une dette qui devra être payée.

Droite et nue, la vierge n’a plus rien de pur. Il y a ce sang qui s’écoule de son être, qui dessine des rigoles de souillure sur l’immaculé de sa chair, mais l’azur ne s’y arrête pas, trop occupé à faire taire les dernières larmes. La tête se redresse, rejetant l’opulente chevelure d’or en arrière, idole impure, courbes et creux, impudeur et innocence, la femme, tentatrice dissimulée derrière un masque de respectabilité. Pourtant, les mains viennent se saisir des bords du baquet pour s’y engouffrer, se laisser engloutir par l’eau, sans attendre qui voudrait nettoyer l’impureté, car malgré le regain de volonté, l’angoisse est là, et sous les remous de l’eau qui se teinte, il y a les mains qui frottent, angoissées pour ôter d’elle le sang. Le regard ne quitte pas la mercenaire, ne se posera pas sur l’eau, car elle sait alors ce qu’elle verra. Un bain de sang.

La voix, pour être fluette, n’en est pas moins tenue quand les mots s’échappent.


-« Ne peut-on faire taire la douleur au moins ? »

Quitte à avoir le sang, autant s’épargner la douleur associée. L’un ou l’autre, mais pas les deux à la fois. Une grimace réprimée, car dans sa hâte, un ongle a éraflé la peau tendre des cuisses, mais du moins cette douleur-là ne lui est-elle pas étrangère, alors que celle dans son ventre l'inquiète plus qu'elle le voudrait.
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Alatariel
L’Hôtel de la baronne de Chemillé qui se trouvait à Saumur ressemblait plus ou prou à la chose suivante.
Une large façade à colombage ouvragé que continuait un mur de pierre percé d’une porte en chêne massif. Cette porte s’ouvre sur une cours rectangulaire et un peu étriquée : une écurie côté rue. Sur la gauche se trouvait une galerie protégée qui abritait les entrepôts de draps, de viandes et de raisin et l’escalier qui menait aux appartements privées.
Au milieu de cette cours, une fontaine, dans un coin un tilleul et un banc de pierre.
Tout montre que la fortune avait souri à la propriétaire des lieux, Couturière des Rois devant les hommes. Tout sauf le calme incroyable qui règne dans le lieu. Alors que marchands et acheteurs, auraient dû aller et venir, dans un brouaha joyeux et vivant… On pouvait entendre le doux son de la fontaine et trouver la baronne, seule, sous le tilleul entrain de broder un mantel de gaze de soie, futur présent du roi de France pour l’Impératrice du Saint Empire.
Seules les quintes de toux de la baronne venaient troubler la quiétude des lieux… Mais quand le soleil commença à être au zénith un homme accouru, attifé aux couleurs de château Gontier. L’homme a l’air affolé.



- Madame, on vous demande auprès de ma maîtresse votre nièce de toute urgence. Elle se meure depuis l’aube.



Une nièce mourante ? De ses nièces directes il n’y a que Fitzounette qui soit encore en vie… et la pauvre enfant a pris congé des vivants pour trouver la paix dans un couvent il y a des années. Et l’homme porte la livrée de Château Gontier. Que pourrait-elle croire si ce n’est que la Petite reine d’Anjou était en train de rejoindre le très haut et le reste de la famille elle aussi ?
Qu’elle crime avait-elle bien pu commettre pour que le Très Haut l’oblige ainsi à survivre à ses enfants, les neveux et tous ceux qu’elle avait chéris ?
Alatariel se leva lentement et se dirigea à pas mesuré vers l’escalier préparé sa sortie et surtout mettre à l’abri son précieux ouvrage.



- Hildegarde ! Faites donc préparer la carriole, nous partons pour…


Alatariel toussa puis se retourna vers le messager.


- Dans quel couvent se trouve donc ma nièce ?
- Votre nièce est à Château Gontier depuis quelques temps déjà.
- Château Gontier.


Soupirs. Château Gontier c’est loin. C’est à côté de Craon… il faut d’abord traverser Angers et les lions d’Angers. Soit deux jours de voyage en cariolles si les routes ne sont pas boueuse et si l’on ne se fait pas attaquer en cours de route.



- Préparer de quoi voyager pour une semaine au moins… et surtout prenez mes simples.

[Chateau Gontier ]

Un trajet en carriole c'est le moment où l'on comprends ce que c'est que d'être une prune dans un panier de prunes. C'est long c'est fatiguant, on se ratatine à cause de la chaleur.
La baronne dont l'humeur était déjà massacrante à l'idée de dire ses adieux à la petite reine d'Anjou, aurait volontier tué un montmorency pour se calmer.

Lorsqu'elle arriva tout le monde l'attend. C'était Chateau gontier, une belle place fort, avec des serviteurs assez nombreux, bien éduqués.


- Ma nièce m'a fait demander, conduisez moi à elle.

La baronne suit le valet, le visage impassible de celle qui a côtoyé la mort de trop près et qui s 'attend à la revoir au détour du prochain couloir.
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Anaon
    Elle attend l'Anaon que les petites gents s'affairent avec hâte. Elle s'exécute, déposant la jeune fille lovée dans son cou, déshabillant sans pudeur le corps encore chaste. Bien vite un geste de main chasse les suivantes trop curieuses et les dernières s'appliquent à retirer les draps souillés avant de refermer la porte sur le silence de la chambre.

    Les doigts fins s'immiscent dans les boucles blondes, torsadant avec soin la masse soyeuse tout en accompagnant Yolanda dans sa descente. Et par quelque gestes les voilà ramassés en épais chignon sur le haut de son crâne. On a souillé déjà la peau de lys. N'allons pas non plus entacher l'or. Les azurites se posent sur les remous faiblards du bac, espérant intensément que la jeune Josselinière fera partit de ses femmes au corps conciliant, de ceux qui arrête leur épanchement quand il se trouve drapé dans l'eau. Inexplicable, mais bien réelle, certaine ont la féminité moins contraignante.

    La mercenaire s'agenouille lentement, posant ses bras sur les hauts rebords du baquet. Et les prunelles rassurantes ne quittent pas le visage de sa protégée.

    _ La sauge en breuvage aidera votre corps à régulariser ses épanchements. C'est aussi une plante spirituelle qui vous aidera à vous assumer et vous sentir bien en tant que Femme. La saule reste aussi un excellent remède contre les douleurs. L'eau chaude, les massages vous aideront d'avantage. Je vous ferais préparer tout cela à la sortie de votre bain.

    Et de se taire. Les jours qui suivront lui paraitront sans doute des plus longs et des plus insupportables, et même si les maux du corps s'endorment il reste encore les tracas de l'âme. L'Anaon s'appliquera à enseigner à la jeune fille tout ce qu'elle a pu apprendre sur la condition de femme. Des gestes, des astuces, des chose à faire d'autre à proscrire. Lui parler des tabous et des malédictions. Non, une femme qui perd son sang ne peut pas approcher ni viande, ni fer, ni fruit, ni abeille. Elle ne peut pas se rendre à l'Église, ni se rendre nul part ailleurs. La femme qui saigne est condamnée à rester cloitrer chez elle, puisque que l'homme a décrété que la femme est démon. Mais parmi ces pavés de superstition déversées dans l'esprit de la jeune fille d'une manière tout aussi clinique que sceptique, l'Anaon tempère. Au milieu de ce récital de leçon creuse apprise par cœur, elle glisse quelque une de ses vérités. Elle dédramatise ce que l'Eglise scandalise.

    Fille de druide, nous ne le dirons jamais assez, et si la Balafrée n'a jamais fait état de son fervent paganisme à Yolanda, sans doute le devinera t-elle au fil de ses paroles. Être femme n'est pas une punition, c'est un épreuve, peut être, un don surement. Être femme, c'est être homme, mais avec des devoir différent. Celui d'une femme est de donner la vie. Saigner n'est pas un drame, c'est une normalité, malgré ses contraintes et ses désagréments. Il fut un temps ou l'on célébrait cette adéquation avec la cycle de la Lune, puisque que la femme est comme elle et que Lune est femme. Et la Lune, Yolanda, je sais que tu y tiens tant...


[ Trois jours plus tard ]

    Il faut croire qu'en affaire de famille les Penthièvre ne trainent pas. Autant dire que l'Anaon a connu bien pire. Si un valet se charge de conduire les pas de la baronne jusqu'à sa nièce, un autre s'est empressé de gagner discrètement la chambre à grandes enjambées pour annoncer l'arrivée imminente de l'espérée.

    La porte est refermée au départ du jeune domestique et le chaperon se tourne vers la silhouette assise de la Josselinière. Vêtue d'une seule chainse, on aurait put la drapé dans un linceul qu'elle aurait sans doute tiré la même tête. Soupire à peine réfréner.

    _ Habillons-vous un peu. Vous n'allez pas apparaître à votre tante dans cette tenue...

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Yolanda_isabel
Et comme elle sait bien les choses la Balafrée. La sauge et la saule, si elles ne lui sont pas inconnues, n’ont pour elle aucune résonnance dans l’art de tempérer ces douleurs-ci. Mais Anaon le dit, ce doit être vrai, la mercenaire étant la seule personne en qui elle a trouvé un maître en la matière. Elle écoute, et quand enfin, Anaon se tait, elle baisse les yeux sur l’eau pour constater que si la douleur est toujours présente, le sang a reflué vers l’intérieur et ne s’écoule plus. Lueur d’espoir dans le regard qui n’aura de cesse de s’allumer et de s’éteindre pendant les jours suivants au fur et à mesure des révélations, non pas que l’idée de ne pas assister à la messe la dérange, en cela, elle voit confirmer ses idées sur la bêtise de cette église qu’ils s’obstinent tous à servir.

Mais la révélation la plus percutante est sans conteste celle concernant le cycle lunaire et le sang, le regard sur Anaon change. Est-elle ce qu’elle prétend être ? A-t-elle jamais prétendu quoique ce soit du reste ? Dans les méandres de la douleur, il y a un sourire qui perce à cette révélation-ci. Si la Lune l’a voulu, elle sera Femme.


-« Je suis la Lune. »

Et le sang viendra parce que c’est ainsi même si ça me terrifie.

[Les jours passent]

Elle va mourir, c’est la certitude du jour, et le valet envoyé à la recherche de sa grande-tante n’aurait su mieux résumer la chose. Elle va mourir, c’est d’ailleurs la certitude des derniers jours puisqu’elle n’a eu de cesse de le répéter. Il y a eu des bains, des massages, de la sauge, de la saule et quantité de linges chauds sur son ventre pour tempérer la douleur, mais si le corps de Yolanda reconnaît l’eau chaude comme étant son maître, la douleur s’inscrit en elle, comme un vieil ami qu’on ne peut déloger, du moins se tait-elle cette douleur l’espace de quelques instants lorsque les tisanes font leur effet avant de reprendre de plus belle.

Elle va mourir, et refuse d’en démordre, du reste, elle refuse tout en bloc. Et l’annonce de l’arrivée de sa tante n’est pas pour faciliter la chose. Cette tante fière mais âgée, cette tante autoritaire mais malade, cette tante, c’est sa famille, et Anaon a raison au moins sur un point, il faudrait qu’elle s’habille.. Mais elle refuse vous a-t-on dit. Et les quelques minutes qui suivent sont passées à croiser les verbes pour savoir qui aura le dernier mot, à coups d’arguments logiques et raisonnables de la part de la Mercenaire et de refus catégoriques appuyés par des inepties bornées de la part de la pucelle. Pourtant, ô pourtant, elle remporte la manche, plus ou moins, puisqu’au moment où une servante annonce en passant la tête que la baronne de Chemillé arrive dans le couloir, la jeune fille a revêtu un mantel d’intérieur par-dessus une simple cotte, non sans maugréer.


De toute façon, elle m’a vue nue, elle a accouché ma mère.. Humpf.. Je vais mourir.. »

Si, c’est vrai.
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