Afficher le menu
Information and comments (0)
<<   1, 2   >   >>

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP] L'Encrier : Bouleverser, culbuter, édifier, rétablir.

Enzo
    […] This behaviour so unexplainable
    The days just slip and slide
    Like they always did
    The trouble is my head
    Won't let me forget […] »

    Why Do I Keep Counting - The Killers


Il est là. Assis dans sa chaise, les yeux verts un peu trop foncés, un peu trop particuliers, peut-être un peu énigmatique, dirigé vers le bureau. Son bureau. Poussière, vélins, encre, plumes, bouteilles d'Armagnac. Tous se côtoient sans rechigner dans l'attende d'être utilisé pour leurs fonctions premières. Et Enzo fixe. Le regard un peu vide. Absent. Le sang se son nez se coagule peu à peu. Il n’a pas daigné retirer sa chemise froissés et tâcher de sang, ni même essuyer ce sang qui a coulé et sèche doucement. Non. Il est là, devant le bureau, silencieux. La clé entre les mains, refusant la moindre compagnie. En ce moment même, Enzo se fiche de son état, de sa chemise, de ses braies sales et ses bottes boueuses. Oui, demain il y pensera peut-être un peu plus, quand il verra que sa Gabrielle ne les aura pas nettoyé. Qu’il retrouvera sa chemise en petit tas dans un coin de la chambre alors qu’il a l’habitude de plier et de déposer toujours, au même endroit pour que ça soit ramassé et nettoyé. L’angoisse lui reviendra quand il se rendra compte qu’il se sera endormi avec les braies qu’il portait la veille plutôt qu’une paire de neufs. Mais pour l’instant c’est un regard vert, vide et sans éclat qui fixe le bureau. Qui fixe cette lettre déposée devant lui. Cette écriture droite qu’il reconnaîtrait parmi plusieurs. Celle qu’il attendait, fût un temps. Cette façon de faire son E et son Z. Une écriture douce et appliqué, bien différente de la sienne qui est un véritable brouillon.

Il l’a lu, cette lettre. Puis relu. Et encore relu. Il n’avait pas encore dormi que le matin se levait sur Montpellier, et que les yeux fixaient toujours cette satané lettre. Un soupire vint briser le mutisme tandis que le jeune Seigneur de Falmignoul s’approcha légèrement glissant ses doigts, juste un instant, sur le vélin. Il cherchait tout. Son odeur, un cheveu, la trace d’une larme. Peu importe. Quelque chose d’elle. Pas juste une encre qui lui écrivait ce qu’il ne voulait pas lire. Et pourtant… C’était arrivé. Enzo prit alors la bouteille d’Armagnac, en prenant une bonne lapée avant de reposer cette dernière d’un geste brusque. Tout s’écroulait autour de lui, et le jeune homme n’arrivait plus à tenir. N’arrivait plus à calmer ses angoisses et ses colères. N’arrivait plus à gérer se trop de douleur, se trop d’information. La main gauche vint chiffonner le vélin, d’un geste impulsif. Le reste de la lettre n’avait aucune importance aux yeux du jeune homme. Il se sentait juste désarmé. Impuissant. Meurtri. Alors que le regard sonnait l’absence, son cœur palpitait, et Enzo était prit de sueur. Un malaise général s’étant installé à la suite de la lecture. Une angoisse latente qui venait s’installer en des symptômes plus ou moins fort. Il respirait mal, se sentait oppresser et l’estomac le travaillait, comme s’il allait vomir à chaque instant. Il était seul. Abandonné. Et alors que le cœur cognait dans sa poitrine à lui faire remonter dans quelques soubresaut le contenu de son estomac – qui par chance ne s’était pas encore déverser sur le sol – Enzo prit la plume qu’il trempa en tremblant dans de l’encre. S’il en oubliait à cet instant son automysophobie, le jeune homme vivait en plein dans son autophobie. Lourde et complexe, elle prenait part dans ses veines et venait dérégler son être à le rendre complètement instable. Et surtout gravement dépressif. La plume fut dirigée vers le premier vélin vide ou quelques mots commencèrent à être griffonné par le jeune homme.


Citation:
De nous, Enzo, Seigneur de Falmignoul
Rédigé le VIII Septembre de l'an grâce MCDL,


    Elle est partie.

    Comme tout les autres. Elle est partie et nous a laissé là. Avec cette lettre à lire. Cette lettre à relire. Cette lettre meurtrière. Cette lettre d’abandon. Cette petite mort. C’est une anesthésie qui nous laisse dans un état léthargique. Il ne reste plus que ce cœur qui se bat trop fort. Cette suffocation qui nous étreint. Cette oppression qui créer une douleur dans ma poitrine. C’est un délit. C’est un délit de quitter son mari. C’est un délit de nous faire souffrir. De nous laisser aigre et démunis. Elle ne devait pas. Elle n’avait pas le droit. Après tout, la passion semble réellement inspirer un sentiment d’amertume, un goût âcre et déverser qu’une lourde et absolution violence. Mais ça n’est pas une raison pour nous infliger tel sentiment. Bien pire que ce que nous avons pu lui faire.

    Gabrielle. Gabrielle. Gabrielle. Elle nous tabasse de l’intérieur. Elle détruit nos boucliers et effrite nostre raison. Notre déraison, nostre pavot à opium, nostre folie. Elle est tout alors que nous préférions qu’elle soit rien. Elle est là, alors que nous aimerions qu’elle disparaisse. Elle est nostre femme alors qu’on la voulait soumise et maitresse. Mon amour…Ma bachert*. Nous pourrions l’haïr pour sa fuite. Nous devrions. Et pourtant, nous n’y arrivons pas. Nous n’arrivons pas à lui en vouloir. À la détester. À l’insulter. Non. Rien. Que ce sentiment de vide. Cette sueur sur nostre front. Cette nausée dans nostre estomac. Elle n’est plus là, et nous souffrons. C’est ça. Nous l’écrivons. Nous avons mal. Crier, hurler, frapper. Ça ne donnerait rien. Ça ne comblerait rien. Elle a tout de nous par procuration. Le sait-elle ? Peut-être un peu. Peut-être pas assez.

    Ce que nous attendons d’un amour, d’un mariage n’est jamais vraiment ce que nous espérons, ce qu’on nous a raconté. Jamais. Nous espérons la stabilité. Nous aspirons à vivre tranquillement, à voir grandir nos descendances, à un peu d’espoir. Nous avions l’illusion du bonheur, mais sans trop d’attache. Nous voulions éviter toutes ses conneries d’attachements, ses conneries qui font mal. Ces conneries qui ne servent à rien. Ces conneries qui ne sont que des faiblesses inutiles. Pourquoi s’attacher quand ils partent tous. TOUS ! Si ça n’est pas volontaire c’est la mort. Ça part ça ne revient JAMAIS. Elle nous a écrit. Elle nous a dit qu’elle reviendrait, mais le fera t’elle vraiment ? Pouvons-nous y avoir confiance en cette femme que nous avons choisit ? À ce nous qui s’effrite avant même d’avoir commencé ? Ça n’aurait jamais dû arriver. Nous n’aurions jamais dû donner de nous. Tout comme nous n’aurions jamais dû lever la main sur elle. Oser dépasser la limite.

    Elle doit croire que nous la haïssons, que nous nous en foutons de ce départ. De sa fuite. De sa disparition. Nous aimerions bien. Ça serait plus facile. Tellement plus. Et non ! Cette foutu angoisse est là. Présente malgré nous. Qui nous empoisonne la vie et nous empêche de bien respirer ! Pourtant nous ne la haïssons pas. Non. Nous nous détestons de ne pas avoir été là. De ne pas avoir pu la retenir. Qu’elle soit partie. Satané vie ! Satané angoisse. Satané plume qui vient de nous casser entre les doigts et nous à obliger à en prendre une autre ! Où est-elle ? Où es-tu Gabrielle…Le problème n’a jamais été toi. Toujours nous. Elle est partie, et nous sommes las d’écrire. Elle est partie enceinte de ma progéniture, et nous nous sentons vide. Elle est partie…

    Et elle nous manque.

    Que Dieu nous la protège, faute de ne pouvoir le faire.
    De nous, comme de la vie.

    Faict à l’Oustau de Château-Thierry, Montpellier.

    Enzo, Seigneur de Falmignoul,
    Grand Escuyer du Prince de Dinant
    Homme d’Armes de l’OST Languedocien


De la cire et son sceau. Tapé avec violence, dans une respiration haletante alors que des gouttes de sueurs tombent pour embrouiller quelques mots sur le vélin. Où est-ce des larmes ? Rien n’est vraiment sur. De toute façon, il nierait. Même à lui-même. Et Enzo de repousser encrier, plumes et vélins dans un geste fatigué et rempli d’angoisse tout juste après avoir écrit quelques mots à Gabrielle.Une réponse courte. La bouteille d’Armagnac est prise d’un coup et lancé contre le mur suivit d’un râle de celui qui la possédait. Il se laisse glisser de sa chaise, secouer, et solitaire. Enfermé dans son bureau. Enfermé dans son malheur. Enfermé dans sa névrose. Les yeux se ferment un instant. Pour oublier. Pour calmer cette rage contre lui. Pour calmer ses tremblements. Ses suffocations.

Tu es partie.
Et je voudrais mourir.
Ça me rappelle des mauvais souvenirs.


Trad.Ce comportement si inexplicable
Les jours ne font que chuter et glisser
Comme ils le font toujours
Le problème est ma tête
Elle ne me laissera pas oublier

*Âme sœur, concept prit dans un bouquin de Marc Lévy

_________________

©JD Marin
Enzo
    « It started with a kiss and turned out something else.
    Blood courses through my veins I think of no one else.
    I never believed in much but I believe in this.
    Im incomplete without you, Id kill to taste your kiss.
    Im lost and lonely scared and hiding.
    Blind without you. […] »

    I wait for you –Atreyu


Le matin s’est réveillé avec le sommeil agité du jeune homme. Enfermé dans son bureau. Toujours. Il est couché sur le sol, la chemise toujours ouverte et tâché. Par terres les vélins envoyés trainent tâcher de l’encre renversée. Il ne reste que cette lettre qu’il a écrite avant de s’endormir nerveusement. À bout de souffle. Il n’a pas bougé. Il n’a pas entendu les coups à la porte, ni ce qui se trame dans l’Oustau. De toute manière, il en a rien à foutre. Qu’ils crèvent tous, il s’en fiche. Elle est partie et c’est tout ce qui importe. Et le brusque réveil. Enzo se redresse, les yeux rivés vers la fenêtre. Cette fenêtre donnant sur une partie de la cours. Cette fenêtre qui lui rappelle qu’elle n’est pas là. Cette fenêtre qui lui montre comme dehors tout continue. Que tous se réveillent, travaillent, parlent, boivent. Alors que lui, il voudrait tout arrêter. Que ce cœur qui bat trop vide et lui serre la poitrine s’arrête. Que le mot fin soit déposé à la fin de son histoire. Chaque respiration lui semble douloureuse, et la sensation de petite mort décuplée. Le jeune homme se lève avec difficulté, regardant sa chemise, son état. Le bordel. Un poing se serre puis d’un geste angoissé et violent il retire sa chemise et l’envoie valser loin dans la pièce. Se laver ! Retirer ses bottes sales, et ne plus les voir. Une horreur, et ce sang coagulé sous son nez ! Enzo secoue la tête, de nouveau pris d’angoisse. Elle est partie. Il est sale. Il sent peut-être même mauvais, même. Et pourtant il n’a aucune envie de gueuler pour qu’on ne lui prépare pas un bain. Il n’a aucune envie d’aller se frotter jusqu’à ce que sa peau rougisse pour le calmer. Juste cette chemise envoyer dans le fond et ses bottes retirer. Ça suffira. Pour l’instant. Debout, le jeune Seigneur de Falmignoul se disperse dans la pièce. Une respiration de trop. Un pas de trop. Un regard de trop. Tout le perturbe. Tout l’agresse. Tout l’énerve. Tout le tire vers le bas. Puis des coups à la porte. Il ne dit rien. Sauf que ça persiste, et c’est chiant.

- « Messire ? »
- « … »
- « Messire ?! »
- « … »
- « … Une lettre pour vous. »
- « Glissez-là sous la porte et foutez le camp ! »
- « Bien. »


Une lettre. Enzo l’observe être glissée et n’écoute pas les pas qui s’éloignent. Les lacs irlandais regardent juste, un instant, avant d’aller prendre la lettre et de retourner s’asseoir sur la même chaise que la veille. Cette même chaise sur laquelle il s’était mit à écrire, sans savoir réellement pourquoi. L’écriture. Celle de Gabrielle. Les mains tremblent un peu, tandis que le jeune homme tente de reprendre une respiration normale. Il l’ouvre. Il la lit. Il se crispe et va glisser ses mains dans sa chevelure folle. Il n’y a rien à dire. Il n’y a rien à faire. Elle ne sera pas là cette nuit. Il le sait. C’est une évidence. Une autre nuit sans elle. Une autre nuit à souffrir. Une autre nuit à angoissée. Oh, Gabrielle, si tu savais, peut-être reviendrais-tu rapidement, mais je ne te dirais rien. Je ne te dirais rien, parce que ça ne donnerait rien. Même si tu revenais. Ça ne serait pas le bon moment pour toi. Et peut-être que ça serait un mauvais moment pour nous. Alors, vaut mieux que je souffre dans ma solitude. Que je souffre de ne plus te voir. Que je souffre ne te plus te sentir. Il éloigne alors le vélin de Gabrielle pour prendre une plume, et trouver un encrier intact après son bordel de la veille.

Citation:
De nous, Enzo, Seigneur de Falmignoul
Rédigé le IX Septembre de l'an grâce MCDL


    Elle est à Nîmes.

    Nous sommes à Montpellier. Nous avons l’impression que nostre vie n’est plus que des beaux souvenirs. Des beaux souvenirs que l’on regrette. Des beaux souvenirs que l’on maltraite en leurs donnant plus d’importance que le présent. Des beaux souvenirs. Nous sommes des beaux souvenir. Alors que nous préférions être des bons moments. Des mots. Des temps de verbes. Tous définissent le passé, le présent et le futur. Nous nous demandons dans quelle partie nous figurerons vraiment pour Elle. Est-ce qu’elle nous écrit par besoin, ou pour nous mettre aux nouvelles ? Veux t-elle réellement savoir ce que nous ressentons ? Si nous allons bien ? Où veux-t-elle simplement déculpabilisé de son départ ? De nous avoir abandonné ? Non. Nous ne dirions rien. Ça ne changerait rien. Ça ne donnerait rien. Nous attendrons. Nous attendrons dans l’espoir qu’elle reviendra. Dans l’espoir que ça sera vite. Nous attendrons dans le silence et dans cette pièce.

    Tout va mal. Depuis. Face à l’étendu de cette mort. Face à l’étendu de ma souffrance. Face à l’étendu de l’homme que nous ne sommes pas. Face à l’étendu du fils que nous n’avons pas su être. Face à l’étendu du mari que nous ne sommes pas capable d’être. Face à l’étendu de mon enfance perdue. Face à l’étendu des vérités humaines à lequel nous n’avons jamais su faire face. Que nous mourrons ou pas à l’attendre. Nous l’attendrons. Parce qu’il n’y a rien d’autre à faire. Qu’il n’y a rien d’autre à dire. Qu’il n’y a que des mots à déposer. Des mots qui ne veulent rien dire. Des mots qui valent rien. Des mots de faiblesse. Des mots d’amertume. Des mots douloureux, sans doute. Mais ça n’a pas d’importance. Que des mots sur un vélin égaré.

    Maman. Nous vous aimions et vous nous avez quittez. Vous n’êtes que des beaux souvenirs. Que des beaux souvenirs qui meurtrissent. Vous nous avez abandonnez. Nous aimions vostre parfum. Vostre présence. Vostre amour. Nous aimions la douceur de vostre peau. Nous aimions la caresse de vos lèvres sur nostre joue. Hervald. Hélène. Père. Que des beaux souvenirs. Payons-nous pour tout ceux que nous avons abandonné par crainte de s’attacher ? Gabrielle. Nos verres de Calvados n’auront plus le même goût. Ils auront le goût de l’amertume. Du manque. Du sang. Du venin. Gabrielle. Nous vous aimons. Nous aimons vos sourires. Peut-être. Vos façons de n’être que véritable femme au lit. Vostre façon de boire comme un marin angloys. Quand vous râler parce quelque chose ne vous convient pas. Quand vous affichez cette petite moue parce que nous n’avons pas dit les mots qu’il fallait. Vostre voix, vostre odeur, vos cheveux. Et nous ne vous le disons jamais.

    Parce que ça ne sert à rien. Les mots vont et viennent. Les mots se disent et s’oublient. Les mots s’écrivent et s’effacent. Pourquoi perdre du temps à les écrire et les dires ? Vous êtes nostre souffrance. Vous êtes ce que nous détestons parce que nous avons peur. Nous angoissons de vous perdre. Il y en a nous la crainte de l’abandon. Le seul a être resté étant Audoin. Pourquoi, vous ne nous quitteriez pas pour de bon ? Pourquoi revenir vers un mari qui vous bat et vous viol ? Pourquoi revenir vers un mari infidèle qui ne vous aime pas comme il se doit ? Nous n’avons pas besoin de réponses à nos questions. Les courants et les jours continueront de glisser malgré nostre envie de hurler que ça s’arrête. Puisque nous perdons de nostre latin à comprendre ces questions d’amour, ne vaut-il pas mieux laisser tomber ? Ne vaut-il pas mieux oublier ? Et pourtant nous vous attendons. Dans nostre bureau. Il y a dans un coffre de cette pièce bon nombre de chose pour mettre en danger un homme. Puisque l’amour c’est de la violence. Pourquoi pas ?

    Nous sommes vide. Et il n’y a rien à faire.
    Nous sommes incomplet.
    Nous sommes angoissé.
    Et vous n’êtes plus là.
    À demain.

    Que le Très-haut nous pardonne nos pensées malhonnêtes.

    Faict à l’Oustau de Château-Thierry, Montpellier.

    Enzo, Seigneur de Falmignoul,
    Grand Escuyer du Prince de Dinant
    Homme d’Armes de l’OST Languedocien


La plume est déposée, et comme pour l’autre, le jeune homme ne plie pas le vélin. Il dépose seulement de la cire à la fin pour y enfoncer son sceau. Rien de plus. Rien de moins. Il l’a laisse là, cette lettre qui n’en ai pas une. Cette lettre qui vient simplement éjecter quelques sentiments. Rien de plus. Rien de moins. Pas de haine. Pas encore. Et il reste là, dans sa chaise, impuissant. Il ne sortira pas. Il y a assez de bouteille dans cette pièce pour qu’il ne meurt pas de soif ou pour qu’il décide que… Il n’a pas faim. Il ne veut pas de bain. Il veut juste qu’elle revienne. Qu’elle lui refasse l’amour, peut-être. Comme avant. Qu’elle glisse ses mains dans ses cheveux et vienne lui rouler une pelle passionnante, qu’elle se glisse sur lui. Simplement. Comme dans cette cave. Les yeux vont observer un instant ce coffre maudit. Puis en des mouvements lents, le jeune homme d'aller vers la fenêtre, prenant une bouteille de Calvados au passage.

Gabrielle.
Revenez-moi.
Redressons-nous.
Allons plus loin et plus haut.
Revenez même si je mérite vostre départ
Que l’on ne devienne pas que des beaux souvenirs…


Trad.Approx.Ça a commencé avec un baiser et s'est changé en quelque chose d'autre
Le sang parcourt mes veines, je ne pense à personne d'autre
Je n'ai jamais cru à grand chose mais je crois en ça
Je suis incomplet sans toi, je tuerai pour goûter ton baiser
Je suis perdu et solitaire, effrayé et me cachant
Aveugle sans toi

*RP écrit entre 4-5h du matin. Je vais relire demain. Pardon.

_________________

©JD Marin
Enzo


Il n’arrivait pas à dormir, alors il était redescendu dans son bureau, habillé de ses simples braies, frissonnant juste un peu au contact froid de la pierre sous ses pieds. Une main sur la lisse qui pianote un air mélancolique. Doucement. Les yeux vert du jeune homme n’ont plus l’éclat habituel, et tandis que la main s’attarde un instant sur la tête de départ de l’escalier, un soupire se glisse sur ses lèvres. Le sol est froid. Ce frisson qui le parcourt, ça lui donne l’impression d’exister encore un peu. Malgré tout. Puis quittant la dernière marche, Enzo va vers son bureau. Le sien. Ça le rassure sans doute un peu, parce qu’il n’y a rien d’elle dans cette pièce. Pas son odeur, pas un manque. Elle n’y vient jamais. Il n’a pas l’impression de la voir. N’a pas le cœur serrer de voir personne à ses côtés. Et la fenêtre donne sur une partie de la cours. Si elle revenait en pleine nuit, la verrait-il pénétrer dans la cours de l’Oustau de ses cheveux remonté grossièrement, dans ses vielles braies beaucoup moins douce que les siennes, dans cette chemise qui gratte sans doute. La verrai t-il avec ses bleus sombre revenir comme un vent du sud qui vient fouetter les visages des habitants. Aurait-il l’impression qu’on lui redonne une bouffée d’oxygène. ? Sentira t-il cette douleur dans la poitrine s’éclaircir pour laisser la place à un certain rayonnement ? Enzo entre dans son bureau et ferme la porte derrière lui. Encore une fois. Prenant soin de fermer à clé.

Il est sorti. Il est sorti, ayant des affaires à mener avec Liz, après une missive reçue. Et il était reparti, déprimé, ramenant deux, trois bouteilles de chez Mordric, planqué dans ce bureau, maintenant. Il avait laissé des écus avec son prénom, à une place ou il savait qu’on remarquerait, mais tout de même hors de la vue des voleurs. Puis, en soirée… une envie d’exil l’avait poussé à ressortir. Juste cette fois là. Parler quelques minutes avec Cebyss pour s’en retourner. Il espérait dormir. Il espérait oublier un peu. Il espérait que ça irait mieux. Elle lui avait dit, la Comtesse, que ça irait mieux après le sommeil et de ne pas s’inquiéter. Et pourtant, il était là, de nouveau dans cette chaise, dans son bureau, en pleine nuit, ne trouvant pas le sommeil. Audoin l’avait-il attendu se réveiller ? La mesnie savait-elle ce qui se passait ? Cillien et Isleen étaient-elle au courant de se départ de Gabrielle ? Il n’avait pas réellement besoin de s’occuper d’Ewen pour l’instant, ce petit bonhomme ayant assez de quoi à faire dans l’Oustau pour qu’Enzo ne lui colle pas aux basques. Kaëlig, était avec les Von Frayner, mais ayant vu Ludwig dans la journée, peut-être que le gamin était revenu à l’Oustau. Tant pis. Il irait peut-être protéger Gabrielle à Nîmes des vilains. Il soupira, glissant une main dans ses cheveux avant d’observer les vélins vident, l’encre et la plume. Écrire encore. Pourquoi pas ?


Citation:
De nous, Enzo, Seigneur de Falmignoul
Rédigé le X Septembre de l'an grâce MCDL


    Il fait nuit. Elle n'est pas revenu.

    Le sol de pierre est froid et nous n’arrivons pas à dormir. Qui aurait cru qu’un jour la non présence de Gabrielle dans nostre lit viendrait nous tourmenter. Nous qui n’aimons pas elle se blottit nu contre nous. En chemise. Elle est bien en chemise. C’est perturbant de la sentir nu contre moi, sans que ça soit dans l’union de nos corps. Nous n’avons jamais aimé cela, mais à force nous avons arrêté d’exiger la chemise. Peut-être parce que c’est elle, nous arrivons à garder le contrôle sur nostre peur. Tout du moins, cette dernière. Elle a tout chamboulé dans mon existence, pourquoi ne pourrait-elle pas réussir à me faire garder le contrôler de certaines de mes craintes irraisonnées. Elle se doute certainement de mon malaise, mais nous ne lui avons jamais dit l’effet, ni la terreur réelle. À quoi bon. Nous écouterait-elle réellement ? Comprendrait-elle l’étendu de nos angoisses ? Agirait-elle en conséquence ? Puis, il y a ce risque. Ça serait indécent de voir que les mariés ne dorment pas nu dans leur lit conjugal. Nous dormons avec des braies. Ça nous rassure et ainsi personne ne se doute.

    Mais peu importe. Ce soir, nous nous sommes souvenus. Tout ce que nous avons dit. Tout ce que nous avons fait. Tout ce que nous n’étions pas sur. À propos de cette fâcheuse nuit. Nous aimerions fuit ses souvenirs. Nous retourner, claquer les talons au sol et s’en aller, pour ne pas se souvenir. Toutefois, ils sont venus, percutant, angoissant, blessant, odieusement. Et nous n’arrivons plus à dormir. Nous vous avons plus à nos côtés pour tenter d’oublier. Pour tenter de recoller les morceau. Pour tenter de calmer cette peur insensé de moi-même. De nos actes, de nos dires, de nos violences. Nous ne sommes pas aller à l’OST depuis que vous êtes partie. Même l’armée ne nous intéresse plus. Nous n’avons pas travaillé sur cette petite école de page pour le Prince. Nous n’avons pas travaillé sur le projet indépendant pour le Languedoc. Nous n’avons pas mis le nez sur ses nombreux vélins à propos des machines de sièges que nous avons fait amené sur Falmignoul.

    Nous avons agis mal. Si mal que vous êtes parti. Audoin avait raison. Nous ne sommes pas un homme. L’avons-nous déjà été, après tout ? À dix-sept ans, pouvons nous réellement dire que nous sommes un homme ? Nous avons la maturité, mais c’est la vingtaine qui vient réellement dire que nous sommes un homme. Et nous allons être père. Et si elle perdait l’enfant avec toutes ses horreurs ? Nous en voudra t-elle malgré le fait qu’elle ne veux pas de cet héritier ? – Ou héritière, mais espérons que ça soit un mâle – Comme cet autre qu’elle a ou, qu’elle pensait avoir perdu. Nous ne sommes pas très sur de cette histoire. Mais peu importe, après tout, rien n’a plus d’importance. Et ça n’est pas des mots pour fuir. Ils sont réels. Pour une fois.

    Nous nous demandons si elle a ressenti ce même manque affreux qui tenaille le ventre et vide l’esprit lorsque nous sommes partie. Nous nous demandons comment elle a fait pour tenir. Il y a dans un coffre de cette pièce tout ce qu’il faudrait. Récolter et garder pour de façon à prolonger la durée de vie. Sauf que ça n’est pas des choses à faire, même si l’idée nous prend. C’est contre la volonté du Très-Haut ne serais-ce que d’y penser. Mais avec ce que nous avons fait sur nostre propre femme, combien de chance avons nous d’aller au ciel ? Elle nous manque, mais le sommeil semble venir. Un peu. Tandis que la matin arrive pour faire pénétrer un peu de lumière dans nostre bureau. Nous allons l’attendre ici. Ne plus en sortir. L’attendre simplement. Jusqu’à ce qu’elle revienne.

    Gabrielle, revenez vite.
    Le Calvados et le Whisky ne suffira pas à nous faire tenir bien longtemps.
    Si vous saviez, reviendrez-vous par inquiétude, par volonté, ou par amour ?

    Faict à l’Oustau de Château-Thierry, Montpellier.

    Enzo, Seigneur de Falmignoul,
    Grand Escuyer du Prince de Dinant
    Homme d’Armes de l’OST Languedocien


Et la tête fut déposé sur le bureau, et les yeux de se fermer tranquillement, tandis qu’à côté de lui, séchait l’encre de sa dernière lettre. Celle de Gabrielle, qu’il n’avait pas encore envoyé, et celle pour lui. Pour les mots écrient et jamais dit. Pour ne pas sombrer dans sa tête, complètement seul. Oui, dans le coffre ans le fond de la pièce il y avait tout. Jusquiame, baies de Belladone, de la mandragore, des fruits de morelle noire, des feuilles de scopolie de Carniole. Des trucs que l’on cache. Des trucs que l’on ne montre pas. Des trucs qui peuvent amener les gens sur des bûchers. Enzo en faisait l’expérience, parfois, sur des animaux. Une lubie plus ou moins morbide. Il avait aussi testé la Jusquiame sur lui, à petite dose et en tisane. Il avait vu des choses étranges. Tout était sereinement serrer pour être conserver un certains temps, et renouveler au besoin. Mais seul lui savait le contenu de ce coffre. Dans son bureau. Mais ça n’est pas une idée envisageable. Pas maintenant…

    « [...] I never meant to cause you trouble,
    And I never meant to do you wrong,
    And I, well if I ever caused you trouble,
    Oh no, I never meant to do you harm. [...] »


Reviens, reviens, reviens...

Trad.Oh non, je vois
Une toile d'araignée, je m'y suis emmêlé,
Et j'ai perdu la tête,
Le souvenir de toutes les choses stupides que j'ai dites,
Oh non qu'est-ce que cela ?
Une toile d'araignée, et je suis pris au milieu,
Je me suis retourné pour fuir,
Le souvenir de toutes les choses stupides que j'ai faites,

Je n'ai jamais voulu te faire du tort,
Et je n'ai jamais voulu te faire de mal,
Et si je t'ai causé du tort,
Oh non, je n'ai jamais voulu te blesser.

_________________

©JD Marin
Enzo
    « [...] Je savais bien bébé que c'était morose
    qu'on avait sous le pied comme une rose
    qu'on faisait moins c'est vrai la chose
    que j'avais tant laissé, des ecchymoses
    tu auras compris bébé que je m'en veux
    qu'en plus de tout gâcher, j'ai donné peu
    j'avais un pull rayé hedi slimane
    tu étais ma vie rêvée, ma première dame [...] »

    Jaloux de tout - Benjamin Biolay


Je savais bien que nous, c’était une mauvaise idée.

Et pourtant, j’espérais. J’espérais si fort. Je suis debout, le visage contre le mur et je pisse dans une bouteille vide. Je pisse parce que j’ai envie d’uriner. Je pisse parce que j’ai trop bu. Je pisse parce qu’il faut bien et que depuis une bonne demi-heure c’est assez douloureux. Alors je pisse dans cette bouteille de calvados vide. Mon odeur urinaire qui se mélange à celle de la pomme. Mais je m’en fiche. Je ne suis pas sortie du bureau de la journée, et j’ai bu. Deux ou trois bouteilles. Je ne sais pas bien. Je n’ai pas écouté ce qui se passait de l’autre côté de la porte de mon bureau. Je n’ai pas mangé. Je n’avais pas faim. Ça n’avait aucune importance de toute manière. Je bois, et ça me suffit. Et là je finis d’uriner et remonte mes braies dans un soupire. Je marche mollement vers le mur perpendiculaire pour m’y déposer, glissant le long pour laisser choir mon fessier contre le plancher froid. Il est quelle heure ? Je n’en sais rien et ça aussi je m’en fiche. Tard dans la nuit ou peut-être tôt.

Je n’ai pas dormi. Je suis resté dans cette pièce toute la journée. Que faite d’autre de toute façon. J’ai écrit quelques mots, J’ai dessiné, un peu. Ça m’a rappeler cette nuit en taverne ou tu avais prit sa main, et que j’avais fermé les yeux. Pour me laisser aller. Pour laisser aller la plume et dessiner avec la délicatesse d’une main caressante. Sauf que tu n’étais pas là cette fois. Alors c’est brut, carré, laid. Ça ressemble à bien, c’est brouillon et ça ne veut rien dire. Mais peu importe. Les yeux verts dirigés vers le bureau, je soupire. Il fait nuit, et n’a plus envie de boire. J’ai l’estomac qui retourne et une envie de gerber. Une envie violente d’étaler mon alcool, ma folie, mon amour, mes angoisses. De laisser mon visage s’endormir dans l’odeur dégueulasse. En avoir plein les cheveux, mais dormir. Oublier. Ne plus penser. Je me lève doucement, faisant quelques pas incertains, déversent finalement le contenue de mes estomacs devant mes pieds. Nus, puisque je descendu la veille, dans mon bureau, habillé de simple braies. Ça ne fait pas du bien, mais au moins j’ai l’estomac plus calme. Alors je continue de marché un peu, vers mon bureau avant de m’y étaler comme un moins que rien. J’ai fait tellement de connerie. Et pourtant je l’aime. C’est con, pareil. Ça me tourmente.

Où es-tu Gabrielle ? Sors-tu ? Bois-tu ? Souris-tu à d’autres hommes ? Vas-tu à la rencontre de marin pour te rappeler celui que tu as laissé dans ton autre pays là-bas ? Que fais-tu de tes nuits à Nîmes, si tu y es encore ? Discutes-tu avec tes catins, pour te rappeler ton passé ? Dors-tu dans ses auberges minables et puantes ? Portes tu tes cheveux attachés ? Caresses-tu d’autres cuisses en offrant le plus beau des sourires ? Oh, Gabrielle. Je ne sais pas ce que tu fais réellement. J’essaie de te faire confiance. Un peu. Je ne comprends pas bien pourquoi tu es partie. Juste un peu. Je n’aurais jamais cru que notre vie a deux t’aurais malmener autant. Reviendrais-tu si tu savais mes idées profondes ? Reviendrais-tu si tu savais que la mort me tente ? Reviendrais-tu si tu savais que je vis un peu, encore, parce que j’espérais que tu reviendrais aujourd’hui ?

Je suis jaloux.
Jaloux de ne rien savoir.
Jaloux parce que tu n’es pas là.
Jaloux parce que d’autres hommes te regardent.
Jaloux parce que je t’aime un peu trop. Oui, beaucoup trop.

Je savais bien que c’était une mauvaise idées nous deux. Je savais bien que je n’aurais jamais dû. Je savais bien que ça allait créer une déchéance. Je m’en veux Gabrielle. Je m’en veux tellement. Et pourtant je suis là, la tête contre le bureau, une plume entre les doigts. J’écrirais encore. J’écrirais pour t’attendre. J’écrirais pour me sentir moins seul. Pour m’endormir et calmer cette oppression consente depuis que tu es partie. Parce qu’il n’y a rien d’autre à faire.


Citation:
De nous, Enzo, Seigneur de Falmignoul
Rédigé le XI Septembre de l'an grâce MCDL


    Ça ne passe pas. Rien ne passe. Tout nous exaspère. Nous n’entendons pas les gens qui vont et viennent de l’autre côté de la porte. Nous n’entendons pas si ça cogne. Nous n’entendons pas si ça dit notre prénom derrière. Nous nous en foutons. Qu’elle revienne. Que ce cœur qui se serre, ses respirations saccadés, cet alcool qui nous brûle la gorge s’arrête. Qu’on oublie le monde quelques heures, les mains liées. Que nos regards se croisent et que mes mots viennent exprimer un pardon. Nous l’attendrons, dans cette pièce. Quand elle aura fini. Quand elle aura fini sans doute de boire. Quand elle aura fini de déverser sa colère contre cette fameuse nuit. Quand elle aura arrêté, peut-être, d’avoir peur de nous. Quand elle aura fini d’être triste. Peut-être. Nous ne savons pas bien. Nous ne voyons pas bien ce qui se passe. Elle ne nous comprend pas, mais nous, la comprenons-nous ? Sans doute pas. Sera t-elle a l’heure ? Pour une fois, serons-nous réunis au bon moment ? Nous savons que tout s’efface, que tout s’oublie. Mais nous restons là, et rien n’arrive. La douleur est là. Et elle n’est toujours pas là. Trois jours. Trois longs jours. Viendra t-elle nous chercher. Veux-telle vraiment pas nous perdre ?

    Nous en avons marre des vous. Qu’elle revienne. La différence, c’est que nous attentons, et qu’elle, elle se demande sans doute si elle revient ou pas. L’attente est bien plus douloureuse que de partir et prendre la décision de revenir. Nous voudrions presque qu’elle revienne nous embrasser et nous enlacer comme nous n’aimons pas. Qu’elle glisse sa main dans nos cheveux et nous disent qu’elle nous aime. Même si nous détestons. Juste la voir. Juste sentir son odeur. Voir son sourire, voir ses yeux bleu sombre. Nous dire secrètement que nous avons de la chance. La regarder avec une moue, mais se dire que nous l’aimons aussi. Soupirer et finir par l’enlacer quand même et déposer un baiser sur son front. Gabrielle. Elle doit revenir. Même si c’est pour nous faire croire que c’est comme avant. Elle doit revenir, parce que sinon, c’est nous qui allons partir. Pourquoi rester après-tout ? Nous faisions tout. Elle ne m’en voulait jamais. Et nous qui lui en voulons pour tout. Si elle lisait cela, elle nous dirait de faire attention, que sinon nous allons arriver un jour et lui faire une déclaration en lui offrant une rose.

    Nous aurions dit non. Que le calvados c’est mieux qu’une rose. Et qu’un placage et un roulage de pelle passionnel c’est mieux que des mots. Mais peu importe. Ces mots là ne seront jamais lus. Nous les écrivons sans savoir vraiment pourquoi. Ça nous apaise un peu, nous croyons. Tout du moins ça nous endors. Alors nous allons encore croire cette nuit qu’elle va nous revenir demain et oublier ce coffre trop tentant. Finir cette lettre inutile qui ne sera jamais lu. Nous endormir la bouche pâteuse alors que le petit matin ce pointe déjà. Sur le sol froid, en harmonie avec nostre être tout aussi froid, vide et distant depuis son départ. Mais peu importe. Peu importe tout ça maintenant. Allons dormir...

    Avec un peu de chance, nous n’aurons pas de prochain réveil.

    Faict à l’Oustau de Château-Thierry, Montpellier.

    Enzo, Seigneur de Falmignoul,
    Grand Escuyer du Prince de Dinant
    Homme d’Armes de l’OST Languedocien


Et de laisser la lettre là avant de se laisser glisser sur le sol, prenant une bouteille au passage. Étendu, les yeux vers le plafond. Espérant que le sommeil vienne vite.
_________________

©JD Marin
Audoin
    [Oh Gaby ! Gaby !
    Tu devrais pas l'laisser la nuit
    Peut pas dormir, y fait des conneries
    Oh Gaby ! Gaby !]

    [Bashung]


Des jours que ça dure.
Trop, en tous cas, pour Audoin.
Il l'entend marcher. Du verre tinter.
Et rien d'autre.

Audoin ?
Il veille.
Il tourne et vire.
C'est la nuit, qui l'inquiète, surtout.
Sa noirceur.
Sa douleur.

Alors cette fois, non.
Il en a marre.
Il est bien résolu, et Monsieur pourra dire ce qu'il veut.
Après tout, Audoin, c'est ça son travail.
Protéger Monsieur.
Et l'Enzo est en train de sombrer. Et depuis quelque temps, Audoin s'est habitué à la protéger de lui même.

Il est tard, le jour est levé. Le Maître n'est pas sorti de son bureau, et des petites mains de la maison lui ont assuré l'avoir vu entrer là avec de l'alcool. Beaucoup trop pour un seul homme.

Audoin frappe donc fortement à la porte.


Monsieur ! Ouvrez, Monsieur.

Pas de réponse. Ou plutôt si. Il se fait envoyer bouler.
La voix qu'il entend ne lui plait pas. Du tout.


Monsieur, ne me forcez pas à démonter la porte et venez m'ouvrir.

La voix de stentor résonne dans la demeure, nul doute que chaque serviteur sait la déchéance de son maître. Peu importe. Enzo l'envoie promener encore une fois.
Qu'à cela ne tienne.
Une porte, ça a des gonds. Et ça peut en sortir assez facilement sous la poigne d'un Audoin légèrement énervé. Ou une serrure qui craque.
Il s'en fout, Audoin, du mobilier.
Il s'appuie à la porte, donne un bon coup d'épaule. Et encore un ou deux autre derrière, et voilà la porte ouverte.

L'odeur le saisit à la gorge.
Mais il a connu pire, n'est-ce pas. Alors il serre les dents et fait un bref état des lieux.
Pas très glorieux.
Il ravale la bile qui ne demande qu'à rejoindre celle d'Enzo au sol et enjambe. En pestant.


Vous devriez avoir honte de vous, Monsieur.

Et de le saisir par le poignet, comme un enfant récalcitrant.

Venez.

Il le tire et le traîne au dehors, en criant des ordres. Il est haut placé dans la hiérarchie de la maisnie, il sera obéi au doigt et à l’œil, même s'il ne voit personne, il sait qu'il est entendu.

Qu'on fasse le bureau de Monseigneur, vite ! Et un bain dans sa chambre!

Et qu'Enzo essaie seulement de résister, pour voir. Audoin a une logorrhée de colère au bord des lèvres.
_________________
Enzo
Il voulait la paix. Il voulait la tranquillité. Il voulait oublier un peu qui il était, qu’il était attacher à elle. Qu’elle était partie et le laissait minable. Qu’elle ne le savait pas, et qu’il ne lui dirait pas. Il voulait dormir, rester les yeux clos, et au mieux ne jamais les rouvrir. Il voulait ne plus sentir cette oppression, cette douleur dans sa poitrine. Il ne voulait plus ressentir ce sentiment d’abandon, cette panique qui le prenait et qu’il arrivait à calmer qu’avec des mots inutiles sur un vélin abandonné et beaucoup d’alcool. Il chercher une échappatoire à son mal-être depuis qu’elle avait quitté l’Oustau. Qu’elle l’avait quitté. Et les coups ne servaient plus à rien. Alors il attendait, il patientait, tombait en déchéance. Sauf que ça cogne à sa porte. Ça cogne et ça parle. Ça réveil le Enzo endormi qui passe une main dans ses cheveux en ronchonnant. Un mal de crâne atroce. Il a trop bu et pas assez dormi. Alors il grogne des mots, envoie bouler celui qui ose le déranger dans sa déprime. Celui qui ose venir l’interrompre dans son sommeil raréfié depuis maintenant trois jours. Il l’envoie bouler parce qu’il n’a aucune envie de sortir de ce bureau, et parce qu’il veut qu’on le laisse tranquille. Que ça soit Audoin ou un autre, il s’en fiche. Tant qu’elle n’est pas revenue, il ne veut pas sortir. Tant que ça n’est pas sa voix à elle, tant que ça n’est pas son petit poings de femme qui cogne à sa porte, le jeune homme à l’intention de rester ici. Alors il s’en fiche bien des paroles de son garde, de la menace de démonter la porte ! C’est qui le Seigneur d’abord ! Alors Enzo envoie quelques injures ici et là, faute de n’arriver à dire autre chose. Une main plaquée contre son front, et une grimace qui apparait sur son visage. Ça tambourine dans la tête, alors il ferme les yeux pour ne pas s’éclater les yeux avec la lumière du jour qui intensifie son mal. Audoin insiste. Audoin donne des coups d’épaules dans la porte. Audoin est entré dans la pièce. Alors Enzo soupire. Il soupire et le regarde un instant avec des petits yeux. Avoir honte.

Oh si tu savais comme j’ai honte. Pas de l’état des lieux, non. J’ai honte de cette fameuse nuit. J’ai honte qu’elle soit partie. J’ai peut-être un peu honte aussi que vous me voyez dans cet état, mais ça, j’y penserais plus tard. J’ai honte d’être un mauvais mari. J’ai honte d’avoir été un mauvais fils. J’ai honte de plein de chose Audoin, mais ça n’a pas d’importance n’est-ce pas ? Alors peut-être devrais-je avoir honte d’avoir vomi. D’avoir trop bu, de m’avoir mit dans cet état désastreux. Sans doute même. Mais ça m’importe peu, parce que tout ce que je recherche c’est Elle. Vous pouvez bien me dire tout ce que vous voulez, ça n’y changera rien. Les femmes ne servent à rien. Qu’à créer une descendance, mais surtout amener des problèmes. Voyez bien dans quel état ça me met. Alors je peste aussi, pour la forme. Je peste parce qu’après l’angoisse et la déprime des derniers jours j’ai aussi un peu de colère en moi. Je crois. Je ne sais pas bien contre qui, je ne sais pas bien pourquoi, mais je peste. Vous ne devriez pas être là, vous ne devriez pas me regarder comme ça. Vous n’auriez pas dû démonter la porte. Non. Vous auriez dû me laisser tranquille. Mais on dirait bien que vous écouter que quand cela vous chante. Comme la plupart des gens dans cette mesnie d’ailleurs. Au lieu de venir me sortir de mon bureau, vous auriez peut-être dû aller la chercher elle ! Même si je ne veux pas.


- « Allez-vous faire voir Audoin. »

Sauf qu’on le tire, on lui ordonne de suivre en gros. Et la voix d’Audoin de venir taper dans ses tympans et le faire grimacer. On ne crie pas proche d’un homme qui a la gueule de bois. Le jeune homme se débat un peu, tentant de se dégager de la poigne de son garde. C’est qu’il croyait vraiment qu’il allait se laisser faire comme ça, le jeune homme ? Alors Enzo bouge dans le sens contraire ou tente de l’amener Audoin. Il ne suivra pas. Il va retourner dans se bureau, demander à ce que la serrure soit réparé qu’il puisse s’y enfermer de nouveau dedans.

- « Qu’est-ce que vous ne comprenez pas dans, laissez moi tranquille ! Ça n’est pas vous que je veux, alors lâchez-moi de suite, si vous ne voulez pas que je vous envoie un poings dans la figure ! »

Je veux Gabrielle. Je veux sa présence, je veux que tout s’arrête et que tous oublie que j’existe. Que vous me laissiez seul. Peut-être bien que j’ai vraiment envie de mourir, finalement et qu’attendre intensifie le mal. Je veux qu’elle revienne. Peut-être que je veux aussi que ça revienne comme avant. Dans mon état, nous savons tout les deux que mon poings n’irait pas bien loin, mais peu importe. Je ne demande pas grand chose. Je veux seulement être tranquille. Oublie le monde. Oublie la vie. L’oublier elle, mais si c’est impossible. Vous allez me faire quoi Audoin ? Me menacer de reprendre le dessus ? Me dire qu’elle ne vaut pas la peine ? Me dire que les femmes ça n’apporte que des problèmes ? Me dire qu’elle est une honte d’être partie alors qu’elle est enceinte de moi ? Ou bien peut-être allez-vous dire que je ne mérite, qu’avec ce que j’ai fait, c’était évident qu’elle allait partir. Que j’aurais dû être un homme avant qu’il ne soit trop tard. Peu¬¬t-être pensez-vous que j’ai tout ce que je mérite. Que j’étais un peu con d’espérer qu’elle ne partirait pas après tout ça ? Je ne sais bien ce que vous pensez, mais je m’en fiche. Je m’en fiche de ce que vous allez me dire. Je m’en fiche de ce que vous pensez. Il n’y a qu’elle qui m’importe. Elle et juste Elle. Même pas le bébé qu’elle porte. Je veux qu’elle revienne. Je veux qu’elle me regarde avec son sourire ravageur et me dise que je suis un sale type. Qu’elle me fasse la moue parce que je ne veux pas lui payer à boire. Qu’elle me fasse oublier quand je glisse une main sur sa cuisse qu’elle a l’intérieur d’elle un petit être et que ça ne se fait pas de coucher avec une femme enceinte. J’aimerais presque sentir sa poitrine nue venir se coller contre mon torse la nuit. Sentir sa respiration se synchronisé avec la mienne, sentir sa petite main contre moi lorsqu’elle bouge la nuit et semble chercher un repère. J’aimerais la regarder de nouveau dormir, lui embrasser le front et me coucher à ses côtés sans rien dire. J’aimerais revoir ses petites lettres laissées tout les matins sur l’oreiller me disant ou la trouver si je la cherche.

Alors Audoin, ne me dites pas de venir. Ne me dites pas que je devrais avoir honte. Ne m’obligez pas à vous suivre, parce que vous ne savez pas et comprenez pas ce qui se passe. J’angoisse et je me laisse aller. Mon autophobie prenant toute la place mettant mon autopmysophobie de côté, moi qui déteste tant être sale. Porter un vêtement salit et prend en moyenne deux bains par jour minimum et qui angoisse comme un con quand il n’y a que de la boue sur mes bottes. Alors je me débats. Je me débats par principe. Par envie qu’on me laisse tranquille. Parce que vous ne pouvez pas comprendre. Personne ne peut comprendre. Elle est partie, et je suis seul. Comme ma mère. Comme mon père. Comme Hélène. Comme Hervald. Comme mes copains d’enfance. Comme Asphodelle. Comme Ludwig. Comme eux, elle m’a abandonné. Et tout le monde s’en fiche de ce que je peux bien penser, de ce que je ressens. Tout le monde s’en fiche parce que je suis qu’un petit con prétentieux qui rejette tout le monde. Je pourrais mourir ici qu’on s’en foutrait bien !


- « Lâchez-moi Audoin, et foutez-moi la paix, Ventre-Dieu ! »
_________________

©JD Marin
Isleen
L’épaule contre le mur, les bras croisés, la rouquine à l’autre bout du couloir, observait Audoin devant la porte fermée. Il était grand le garde , musclé des exercices quotidien pratiqués pour se maintenir en forme et remplir correctement son rôle, plaisant à voir, si on ne monte pas jusqu’au visage ou sa mine fermée vous rendrait dépressif le plus joyeux des troubadours, sans compter qu’il ne lui semble pas être de nature volubile, une porte de prison. Mais une porte de prison qui agit !

L’irlandaise sourit, il fait bien d’agir ça lui évite de passer par la fenêtre pour le secouer le Grand, pas qu’elle arriverait à le secouer physiquement, mais psychiquement il a besoin d’un bon coup de pied au derrière. Il faut le secouer, comme un père aimant secourait son rejeton pour lui faire entendre raison. Mission du jour lui ôter toutes les bouteilles, lui faire prendre un bain, sans compter le ménage qu’il faut surement faire dans la pièce ! Pas besoin d’attendre que le garde défonce la porte, ce qu’il fait de manière consciencieuse, pour savoir qu’une tornade avinée à rendu le bureau tel un champ dévasté par un troupeau de Huns !

La porte cède, le garde entre, attention Boss, votre derrière va en prendre un coup. Elle sait comment elle agirait dans la situation d’Enzo, elle-même n’a-t-elle pas passé du temps seule à boire plus que de raison pour tenter d’oublier Phyl, sa mort, descendre pour mieux remonter, mais même sans être totalement objective avec elle-même, elle ne s’est pas mise dans un tel état, elle lui donnerait ses deux mains à couper. Et elle avait fini par se secouer, réagir, vivre avec la tristesse, pour remonter doucement vers la surface, respirer à nouveau l’air, sans avoir cette impression de se noyer de douleur. Le Grand, il lui semblait qu’il fallait aller le chercher pour le remonter et m’a foi Audoin semble faire ça très bien, puisque l’instant d’après, il sort, Enzo accroché à l’une de ses mains en hurlant de préparer un bain, de faire le bureau.

Ca bouge non loin d’elle dans le couloir, deux servantes son là, à jouer leurs commères, et bien voilà, elle seront de corvées, pense l’irlandaise. Mais ça hésite sur la marche à suivre, le patron réagit, n’est pas d’accord et le fait savoir, est ce qu’elles doivent préparer le bain, faire le bureau, alors que Monseigneur n’est pas d’accord. Mince elles doivent faire quoi ? Elles vont se mettre à dos Monseigneur si elles obéissent au garde. Isleen voit bien leur mains qui se tortillent, leur regards qui hésitent, elle les entend presque penser.


Vous avez en'tendu c’qu’il a dit !

Et oui je suis là moi aussi, et non Enzo, ce n’est pas pour qu’il te laisse que j’interviens , je prend ton parti, tout comme Audoin mais pas comme tu le souhaites. Crois tu qu’elle aimerait te voir là comme cela, de voir l’état dans lequel tu te mets ? Surement un peu, elle se dirait que tu l’aimes, même si tu ne lui dit pas, mais elle s’en voudrait d’être la cause de cela, et tu serais bien fichu de lui en vouloir de t’avoir rendu ainsi. Alors plus vite tu redeviens le Grand con arrogant et propre que tu es, moins tu lui en voudras, et peut être bien que la vie à la mesnie sera un peu plus calme, voilà ce qu’il te dit mon regard lorsqu’il te fixe. Je ne te juge pas, je peux comprendre le besoin d’oublier ce tu ressens, d'oublier tes actes, mais il n’est plus là le temps de l’oublie, il est temps de te ressaisir, et mets toi ça dans le crane, tu n'oublieras jamais, et c'est ça qui te permettra d'avancer si tu le veux vraiment.

Un bain pour Monseigneur ! Et le bur’eau ensuite ! Et on se dépêche.

Oui, elle n’a aucune qualité pour se faire obéir par le petit personnel, elle n’a pas le statut du garde, et alors ? Ca ne l’empêche pas d’appuyer ce qu’il dit, il faut oser, et si ça peut pousser les deux greluches à agir plus vite, ce n’est pas plus mal, dans tous les cas, ils peuvent tous rêver, ce n’est pas elle qui ferra le ménage ! Et puis, qu’il profite, elle lui donne rarement du Monseigneur, si elle en est rendu là, c’est que la situation l’exige. Il doit redevenir un Seigneur, et non un vulgaire alcoolique en mal de bouteilles !
_________________
Audoin
Un poing dans la figure ?
Le garde du corps éclata de rire.


Essayez, Monsieur, allez y ! Vous n'êtes même pas capable de me résister, et vous vous donnez en spectacle devant tous vos gens. Vous êtes pitoyable, et rien d'autre.

Oui, oui, j'avais prévenu pour la logorrhée !
Et il en a encore, mais il a remarqué la petite fouineuse, qui elle même a remarqué deux commères.
Il se retient. Il se retient de toutes ses forces, mais il leur lance un tel regard, à toutes, qu'elles ne peuvent qu'obéir.

Quelques minutes de lutte encore avec son patron, et la porte de la chambre claque derrière eux, les isolants du reste de la maisonnée au moins le temps que les premiers seaux d'eau bouillante arrivent.
Le garde allait pouvoir laisser libre court à sa colère quelques instants.


Regardez vous ! Cessez donc de faire l'enfant et comportez vous comme un homme ! Croyez vous qu'elle vous aimera plus si elle rentre et vous trouve dans cet état?

Il n'en était pas certain du tout, mais allez savoir. Les femmes sont si instables !
Il n'en démordait pas, un bordel un coup de gnôle et quelques écus, c'était tout de même bien plus apte à détendre un homme qu'une épouse. Et visiblement, ça marchait aussi pour les mariages d'amour. Comme quoi...

Il était prêt à laisser Enzo le rouer de coups, encore. Si ça pouvait le détendre...
Mais déjà, la porte était ouverte et le ballet des servantes et des seaux commençait. Bientôt le bain fut prêt.
Le mercenaire grimaça un sourire.


Est-ce que je dois vous ôter vos braies, monsieur, ou bien allez vous vous résoudre à le faire vous même et à entrer dans ce bain?

Il chassa les servantes. Même le valet de pied ne serait pas là pour aider le maître à son bain. Personne ne le verrait ainsi.
Le garde se radoucit.


Ne faites pas l'enfant, Monsieur. Baignez vous et apprêtez vous. Et soyez prêt à vous excuser si elle revient.

Il doutait fortement de cet éventualité. Mais sait-on jamais.
Et puis, il pourrait toujours aller la chercher. Avec la petite rousse fouineuse. Elle saurait trouver des informations. Lui saurait ramener Madame manu militari s'il le fallait.
Mais pour l'instant, c'était surtout Monsieur qui l'inquiétait.


Elle n'est pas tombée amoureuse d'une loque.

Mais plutôt d'un petit con arrogant...
Diantre, que les femmes pouvaient être stupides!

_________________
Enzo
Qu’elle idée d’avoir un garde aussi casse-couilles. Définitivement. Enzo regarde Audoin. Détaché, sans doute absent. Il le regard, parce qu’il n’a rien à dire à la provocation. Et surtout parce qu’il ne veux rien dire. Il n’a pas envie de se disputer, de se « colériser » comme dirait Luisa. À quoi bon de toute manière de se battre contre quelqu’un, quelque chose, alors que nous pensons qu’à une funeste éventualité. Alors il le regarde juste, et arrête de grouiller comme un petit garnement. Il remarque la rousse, et Enzo la déteste un peu en cet instant. Il la déteste, car elle n’est pas partie avec Gabrielle. Il la déteste puisqu’elle n’a pas cherché à la ramener. Elle la déteste, parce qu’il est presque sur qu’elle savait que sa femme partirait. Enzo ne sait pas qu’elle sait. Et c’est sans doute mieux ainsi. Pour eux deux. Reste néanmoins qu’il la déteste à cet instant. Faute de ne pouvoir détester vraiment Audoin. Faute de n’arriver qu’à mal se détester lui-même. Faute de ne pas détester Gabrielle. Il déteste la rousse

Il se donne en spectacle devant ses gens ? Le jeune homme, en d’autre circonstance, aurait rit. D’un rire rauque et méprisant. N’est-ce pas eux qui regardent et écoutent ce qu’ils ne devraient pas. N’est-ce pas vous, Audoin qui vient se mêler des affaires qui ne vous regarde pas. N’est-ce pas vous qui m’obligez à montrer mon état « pitoyable » comme vous dites ? Facile de parler, facile de lancer quelques phrases comme ça. Je ne sais pas ce que vous chercher à faire. Peut-être pensez-vous me réveiller, me ramener à la raison en créant de la colère en moi ? Je ne sais pas, et je m’en fiche. Ça n’a aucune importance. Je lutterais pour la forme. Puisqu’il n’y a rien d’autre à faire. Puisqu’elle n’est toujours pas là.

Il se laisse donc trainer de force dans sa chambre. La porte claque. Ça lui rappelle ses disputes avec Gabrielle. Les portes qui claquent, les chaises qui se cassent. Il manquerait plus que quelques jurons angloys que ça serait indéniablement pareil. Sauf qu’Audoin dit les mots de trop. Des mots qu’ils n’auraient pas du prononcé, des mots qui fait vibrer un instant les yeux du jeune Seigneur de Falmignoul. Des mots qui font crispés les poings et l’énerver, malgré la déprime, malgré le manque d’envie de se battre et se relever. Il toise son garde. Il est plus grand le Enzo. Sauf que depuis le temps, ça ne doit pas faire un grand effet sur le garde. Peu importe. Il le toise, mais ne bouge pas. Pas le temps de répliquer que l’eau arrive, et le baquet se rempli. Enzo jauge. Enzo reste silencieux. La respiration toujours trop rapide, cette douleur dans sa poitrine le faisant tout autant grimacer. Il regarde et attend que ça soit fini, que les servantes s’en aillent. Vous avez dit des mots traitres, Audoin. Des mots que vous n’auriez jamais du dire. À quoi bon me dire ça, quand je l’attends depuis trois jours. À quoi bon venir planter plus profond la lame qui me martyrise depuis son départ. Vous n’y comprenez rien, elle avait raison. Vous savez tout. Vous êtes toujours là, mais vous ne comprenez rien. Je suis presque sur que vous ne me comprenez même pas. Alors je me retourne et vais vers le bain, d’un geste rapide et frustré.


- « Tournez-vous ! »

Vous devriez le savoir ça, que je déteste qu’on me regarde nu. C’est arrivé, parfois. Par accident, sans doute que vous m’ayez vu. Après tout, on se côtoie depuis des années. Je n’aime pas la nudité. Ni la mienne, ni celle des autres. Ça créer une panique en moi. Vous n’êtes pas venu cette fois là, aux bains publics, avec Gabrielle, Mordric, Valériane et cet homme d’armes dont je me rappelle plus son nom. La peur que j’avais eu le moment de devoir baissé mes braies et montrer à tous mon anatomie. Valériane était venu m’aider à calmer les battements de mon cœur. Elle avait glissé le linge drap autour de mes hanches et avaient fait baissés mes braies sous. On n’y voyait donc rien. Je voyais celle des autres, mais au moins on ne voyait pas la mienne. C’est une catin. À croire que les catins sont douces. Mais ça n’a pas d’importance. Ça me rappelle juste elle. Alors ça me calme un peu. Juste un peu. Assez pour que j’écoute et retire mes braies pour pénétrer dans le bain.

- « Arrêtez de dire que je ne suis pas un homme. Vous n’êtes pas capable de prendre honnête femme pour créer vraie descendance qui ne soit pas bâtarde ! Je me demande bien qui est le moins hommes de nous deux ! »


Il se baigne. Seul. Ça lui manquerait presque de la voir débarqué à l’improviste et d’embarquer avec lui, sans demander, comme si c’était normal. Ça le surprenait à chaque fois. C’était Gabrielle. C’est peut-être un peu ça qu’il aimait chez elle, après tout. Elle était différente de toutes les autres qu’il avait pu fréquenter. Différente des jeunes filles nobles qu’il avait rencontrer. Et elle était loin des capricieuses qui réclament robes et objets d’apparats constamment. Oui, Gabrielle était un peu sa liberté. Son « non-noble ». Ce qu’il n’avait jamais vraiment connu à vivre comme un fils de Duc. À être élevé pour ce qu’on avait décidé de sa vie. Gabrielle était son choix. Son premier choix. Réel. Sans demander de permission. Sans passé par les « arrangements entre famille ». Un soupire, avant de regarder de nouveau Audoin, tout en se frottant avec un linge pour se laver entièrement.

- « Si. Si elle revient. Vous avez dit si. Audoin. Elle doit revenir. Je veux qu’elle revienne. Elle n’a pas le droit de ne pas revenir ! Vous avez compris ? Puis, vous n’avez pas à juger ce que je fais. Si j’ai envie de boire seul dans mon bureau, c’est mon problème. Pas le vostre ! Puis qu’est-ce que vous connaissez de l’amour, han Audoin ? Que connaissez-vous des sentiments de Gabrielle à mon égard ? Je parierais 100 écus que vous n’y comprenez rien. Mais ça n’a pas d’importance. Filez-moi ce linge, que je sorte de ce satané bain. Et puis partez. J’ai mal dormi et j’ai sommeil. Je vais bien mieux maintenant. »

Plus ou moins, mais il vaut toujours mieux faire croire qu’on a retrouver ses esprits quand on veux être seul. Enzo se relève donc de son baquet, pour enrouler sa taille dans le linge qu’il a réclamé à Audoin et finalement sortir de l’eau, ayant une odeur bien mieux. Et pour marquer le coup du « Je vais bien, maintenant tu peux partir », Enzo se sèche et enfile une nouvelle paire de braies en prononçant :

- « Vous avez raison. Elle reviendra quand elle voudra, et j’ai bien autre chose à faire que de l’attendre à ne rien faire…Je l'ai marié simplement parce qu'elle est un bon coup quoi... »

Ou comment dire un énorme mensonge qu’on ne croit même pas. Peu importe. Enzo envoie son regard vers la fenêtre non loin, et puis vers le lit. Vide. Il va s’y asseoir, le cœur un peu lourd, mais tentant de ne pas se montrer aussi « pitoyable » que l’a dit Audoin. Non, maintenant il se la fermera et gardera un air « correct » envers les autres. Faire semblant que tout va bien, pour avoir la paix. Mais reviens vite Gabrielle… je ne tiens plus.
_________________

©JD Marin
Audoin
Oui, Monsieur.

Il n'arrive pas à comprendre la pudeur d'Enzo. Il n'y arrivera jamais.
Il a grandi et été élevé pour être soldat. Un soldat, ça se rend aux étuves, et les étuves, c'est public. Il aurait donc du être à l'aise avec la nudité.

Audoin sourit en coin, et se tourne, donc, comme on le lui demande. Il l'écoute. Il ne peut faire que ça. Il soupire. Il ne peut pas vraiment faire plus.


Sauf votre respect, Monsieur, je n'ai pas besoin d'avoir d'enfant quand je vous ai, vous. Quand vous serez adulte, je songerais à l'éventualité de faire des enfants.

Il ne réagit même pas aux provocations. Si Gabrielle est un bon coup ? Certainement, vu la fréquence de leurs parties de jambes en l'air, et satisfaisantes, vu les airs qu'ils avaient après.
Peu importe au garde du corps.
Il n'est pas là pour se reproduire, pour aimer, ou pour jouir. Il est là pour mourir en protégeant Enzo. Rien d'autre. Si à coté, il a le temps de visiter un bordel de temps en temps, il ne dit pas non, les croupes des catins lui ont toujours parues plus accueillantes que celles des bourgeoises.

Et quand son maître le renvoie, il sort. A la recherche de la petite rouquine.
Ses pas le portent d'abord vers le bureau, il devine qu'elle sera restée surveiller les servantes.
Et puis le regard de Monsieur à son égard ne lui à pas échappé.

Quand finalement il la trouva, il la toisa.


Toi, tu sais où est Madame ?

Il aurait été malheureux qu'elle ne le sache pas.

Si tu sais où la trouver, va la chercher.

Parce qu'il en va de la vie de notre seigneur.
_________________
Gabrielle_montbray
« Je me sens bien, je reviens
J'ai touché le fond, lâché du lest, les morues
Les cafards et tout le reste, je me sens bien
Marcher dans les rues à pleins poumons, l'odeur des femmes
De leur giron, je me sens bien je reviens »
- Mano Solo -

- Dans la nuit de mercredi à jeudi… -

- Sur la route -


Non, Isleen ne savait pas où elle était. Seul Enzo le savait. Mais peu importe, Gabrielle avait décidé de rentrer, sans qu’on vienne la chercher et en ignorant tout de l’état déplorable dans lequel se trouvait Enzo.
Elle rentrait par envie, par besoin, mais certainement pas par pitié ni obligation. Et c’était bien mieux ainsi. Pour tous les deux.

Alors on chevauche, on s’ennuie ? Pire, on chevauche tranquillement alors qu’on a envie de galoper, de courir, de voler. La petite troupe n’avance pas. Pas assez vite pour Gabrielle du moins. Elle n’est pas d’humeur la brune. Des alertes au brigand sur la route entre Nîmes et Montpellier l’ont forcé à retarder son retour d’une journée. Une nuit de plus loin de Montpellier, loin de lui. Elle enrage. Elle trépigne. Et voilà qu’elle se retrouve à voyager en groupe. Plus sûr certes. Mais plus lent.
Alors elle prend son mal en patience. Elle n’est pas d’une compagnie bien joyeuse certainement. Silencieuse, songeuse, le corps vissé sur son cheval, mais l’esprit ailleurs.

Mais Gabrielle esquisse un petit sourire quand avec les premières lueurs du jour se dessinent aussi les remparts de la capitale. Pour la première fois depuis longtemps, la brune a ce sentiment de plénitude celui qu’on a lorsqu’on rentre chez soi. Oui, Gabrielle rentre chez elle, dans sa ville, dans sa maison, auprès de son mari. Un mari qu’elle n’aurait jamais du quitter. Ou pas comme ça. Peut-être qu’ils auraient du partir tous les deux. Ils devaient le faire et puis l’armée les a mobilisés. Gabrielle secoue la tête, ça n’a plus d’importance. Elle rentre. Elle va retrouver Enzo. Le reste ne compte pas, ou plus. Est-ce qu’il va bien ? Est-ce qu’il sera réveillé ? Est-qu’il l’attend ? Est-ce qu’il lui sourira ? La prendra dans ses bras ? La toisera de ses yeux verts qui savent être si glacials parfois ? Est-ce qu’il ne lui en veut vraiment pas ? Est-ce qu’il saura comprendre ce départ ? Est-ce qu’il lui posera des questions ? Ou fera comme si rien ne s’était passé ? Est-ce qu’il sera encore là ? Oui, il lui a écrit. Il sera là. Il le faut. Gabrielle est dans l’incertitude la plus totale. Mais elle rentre. Elle va retrouver Enzo. Et elle essaie de ne pas penser au reste.


- Montpellier -

Les remparts, les gardes, les portes de la ville qui s’ouvrent.
Gabrielle abandonne là son escorte.
Elle abandonne aussi son cheval. Elle n’avait pas pris son Shire, juste un cheval impersonnel et beaucoup moins voyant qu’elle laisse au relais où un garçon d’écurie endormi lui prend les rênes avec un air de reproche. Gabrielle lui jette un écu pour sa peine, elle aussi déteste qu’on la sorte du lit, surtout aux aurores.
Elle avance dans la ville endormie. L’heure bleue. Ce moment si particulier entre la nuit et l’aube. Ca lui rappelle un autre moment avec Lui, sur le toit d’une taverne, avant, quand leurs amours étaient clandestines et ne s’en portaient pas si mal.

Gabrielle avance à grandes enjambées, pressée et nerveuse. Puis elle ralentit, le claquement de ses bottes se fait plus calme sur les pavés de la cité languedocienne.
Et s’il lui en voulait ? Si malgré ce qu’il a écrit, il n’avait pas attendu ? Si elle le retrouvait assis dans ce fauteuil avec son regard sombre ? S’il était en colère ? S’il… Non, il ne recommencera pas. Pas aussi vite.
Gabrielle est incertaine oui. Elle devait partir. Elle n’avait pas eu le choix mais déjà elle regrettait parce qu’elle ne savait pas bien comment elle allait retrouver Enzo. Elle n’avait plus peur de lui, plus vraiment, elle avait juste peur qu’il n’ait pas attendu, qu’il soit parti, qu’il ne veuille plus d’elle.

Enzo, j’arrive… pas trop tard j’espère.

_________________
Enzo
    « Serait-elle à ma place plus forte qu'un homme
    Au bout de ces impasses où elle m'abandonne
    Vivre l'enfer, mourir au combat
    Faut-il pour lui plaire aller jusque là ?
    [...]
    Je veux bien tenter l'effort de regarder en face
    Mais le silence est mort et le tien me glace
    Mon âme sœur cherche l'erreur
    Plus mon sang se vide et plus tu as peur [...] »

    A Ma Place - Zazie et Axel Bauer


    - Dans la nuit du mercredi au jeudi


Et je suis là sur mon lit, assis. Je suis las. Combien de jours encore devrais-je attendre son retour ? Combien de jour à devoir sentir cette douleur qui m’éventre ? Combien de jours à devoir ressentir se manque insupportable ? L’amour tue. Elle me tue de l’intérieur, et me fait geindre dans l’agonie. J’ai si mal, mais personne ne semble me comprendre. Alors je suis là, sur mon lit, assis. Silencieux. Puis je me lève pour aller vers cette petite table que nous avons dans notre chambre. On m’a ramené de quoi écrire, dans la journée, alors ma main prend la plume délaissé mardi pour se tremper de nouveau dans l’encre. Cette encre noire qui glisses sur la pointe de la plume à la place de mes larmes. Gabrielle. Je te dédierais mes derniers mots. Tu es partie par ma faute. Tu es partie parce que je n’ai pas su être un homme. N’a pas su être ton mari. Et je ne serais jamais le père qu’il faut pour cet enfant qui grandit en toi. Alors je te donnerais mes derniers mots. Je te les offrirais. Un peu pour réparer ce que je n’ai jamais su te dire. Peut-être un peu pour me faire pardonner. Je ne sais pas bien. L’amour est une forme de combat que je ne maîtrise pas. Je ne serais qu’un autre compagnon d’armes qui est tombé au combat. Qu’un autre homme imbécile qui est allé trop loin. Trop d’abandons. Je ne peux pas tolérer le tien. Ça suffit.

Citation:
De nous, Enzo, Seigneur de Falmignoul
Rédigé le XIII Septembre de l'an grâce MCDL


    Il est à la porte.

    Il a prit soin de nous. Ne lui en veux pas. Isleen, à sa façon aussi, et de loin. Nous lui en voulons un peu à la rousse. Nous sommes certains qu’elle savait pour ton départ. Alors nous lui en voulons un peu, par principe. Parce qu’elle ta laissée t’éloigner, et parce qu’elle ne vient rien me dire. Peut-être sait-elle des choses que je ne sais pas. Mais peu importe. Ils ont été là. Et Audoin est de l’autre côté de la porte. Il surveille. Nous aurions préférés qu’il nous laisse tranquille. Nous aurions préféré qu’il nous laisse choir à trop boire dans le bureau, plutôt que de rester ici, seul, dans ce lit. Ce lit que nous rappelle trop vous. Ce lit bien trop vide depuis vostre départ. Ce lit qui nous rappelle nos nuits, nos ébats et nos moments de calme. Gabrielle. Nous n’attendons pas de toi que tu nous pardonne. Que tu passes outre cette nuit que vous avez subit, mais nous ne pouvons plus attendre. Nous croulons sous le temps qui passe. Nous croulons sous l’angoisse, sous son effet sur nostre corps et nostre esprit. Nous croulons sous le besoin de vous. De vous voir, de vous entendre, de vous sentir, de tout.

    Alors cette lettre sera la dernière.

    Nous descendrons au bureau. Nous irons prendre des baies de belladone. C’est la saison, le sais-tu ? Nous en trouvons plusieurs dans la Principauté de Dinant, notamment sur nostre Seigneurie. Peut-être qu’Hadrien vous la laissera, une fois mort. Peu importe. Il y en a quelques unes, sans doute assez pour m’amener vers la dérive, vers la fin. Faute de ne pas arriver à vous attendre, nous attendrons la faucheuse. Nous ne savons guère si c’est beau, comme manière de mourir. Nous ne savons guère si c’est une bonne idée, mais c’est la seule solution. La seule solution que nous avons trouvé pour tranquilliser ce cœur, calmer nostre douleur. Ça ne pourra être que mieux pour nous tous. Toi et lui. Ne l’oubliez pas, lui. Ça sera forcément un fils, n’est-ce pas ? Ne l’oubliez pas, parce que ça sera tout ce qu’il reste de nous, avec cette lettre que nous vous laissons.

    Pardonne-nous aussi de vous laisser un goût amer en bouche, et des larmes sans saveur sur les joues. Car nous avons la prétention de croire que malgré tout, tu ne vas pas être insensible à nostre fin. Nous ne savons pas ce que nous aurions du faire pour vous garder près de nous. Nous ne savons pas ce que vous chercher de nous. Nous ne savons pas bien les erreurs que nous avons commises. Mise à part cette fameuse nuit. Sache toutefois, Gabrielle que nous nous en voulons de tout ça. De ne pas être celui que vous préfériez peut-être. D’avoir prit ce que nous avions sans la force autrement. Nous espérons que vous n’allez pas garder seulement ce souvenir de nous. Quand il sera né, nous avons laissé des lettres dans notre bureau. Pour lui. Le petit tiroir à droite. Pour qu’il aille quelque chose de nous. Toi, tu trouveras bien tout ce que nous avons pu écrire durant ses longs jours. Nous vous laissons tout, de toute manière.

    Mais ça n’a pas d’importance ces choses là. Dites juste à Audoin que nous l’obligeons à rester auprès de toi Qu’il soit présent pour toi et nostre enfant. Maintenant nous allons finir cette lettre. Cette dernière. Elle n’est sans doute pas ce que tu espères. Elle ne dit certainement pas ce que tu cherches. Elle ne dit sans doute pas les mots que tu voudrais. Nous sommes désolé. Sache simplement que nous t’avons attendu, Gabrielle. Nous t’avons entendu ici. A l’Oustau. Comme écrit. Nous ne t’en voulons pas. Prends soin de toi, faute de ne pouvoir le faire nous même. Ne nous en veux pas. Rappelle-toi ce que tu nous as dit. Que quand nous sommes partie vous avez failli sauter en bas des remparts. Nous n’avons pas eu le courage d’attendre. Qu’aurais-tu fais, toi ? Aurais-tu pris ses baies ? Aurais-tu attendu ? T’aurais-tu laissé couler vivante ? Nous ne pouvons pas rester là, vivant à souffrir vostre absente. Nous préférons mettre fin à tout ça.

    Gabrielle.
    Si c’est la seule façon pour que vous me pardonniez
    Il paraît que la belladone a un goût sucré.À vous.
    Jusqu’à ce que la mort nous sépare.
    Te voilà libérez de nos chaînes.
    Nous t’aimons.
    Adieu.

    Faict à l’Oustau de Château-Thierry, Montpellier.

    Enzo, Seigneur de Falmignoul,
    Grand Escuyer du Prince de Dinant
    Homme d’Armes de l’OST Languedocien


Ma main tremblante dépose doucement la plume, alors que mes pas me dirigent vers la porte. Je sais qu’il est là. Je sais qu’il écoute. Je sais aussi qu’il sait sans doute que je suis réveillé. Mais il ne saura pas ce que je m’apprête à faire. Il me retrouvera étendu plus tard demain, avec cette lettre que je garderais à la main, mais pour l’instant je sors de la pièce et le regarde. Tenter d’avoir un visage qui n’aspire pas à être celui d’un suicidaire. Habillé de mes simples braies – encore – je le toise un instant. Il ne faut pas qu’il me suive.

- « Je vais pisser. »

Et de prendre le couloir pour me dirigé vers les escaliers. Escaliers que nous descendons, pénétrant dans le bureau ensuite. Ils ont nettoyés. Tout est rangés. Même les lettres que j’ai écrites dernièrement. Un petit paquet bien empilé. Je glisse mes doigts dessus, un instant, avant de me diriger vers le coffre que j’ouvre avec une clé caché sous le tapis. Tout ce que je cache. Tout ce qui peut être mortel. Tout ce qui est interdit. Mon choix est ces petites baies violacées. J’en prends quelques unes. Je ne sais pas bien combien. Suffisamment. Les fourguant dans les poches de mes braies avant de remonter dans ma chambre. Je regarde Audoin un instant. Il est là, et ne saura rien. Croit t-il vraiment que je suis aller uriner ? Je ne sais pas bien. Et peu importe. Je pénètre dans la chambre sans rien dire. Il vaut mieux. Puis, je m’assois dans ce fauteuil de la chambre. Le seul. Je déglutis, sortant la dizaine de baies de mes braies. Un soupire, un signe de croix, une main qui tremble et voilà. Je les mange. Tous. C’est vrai que ça a un goût sucré. Ça n’est pas mauvais en fait.

C’est imbécile comme geste. Je me croyais trop croyant pour faire genre un jour. Définitivement, tu m’as changé, Gabrielle, et pour vous je me laisse aller brûler en enfer, puisque de toute manière la vie ne me semble guère intéressante si vous êtes absente. Je prends la lettre entre mes mains, fermant les yeux. J’attends que cela vienne. J’attends que mon rythme cardiaque s’accélère. J’attends de succomber à la Belladone. Je ne sais pas bien ce qui va se passer. Si je vais avoir mal, ou que ça sera doux. Je ne sais pas combien de temps cela va prendre avant que mon existence se termine. Je ne sais pas si mon père cherchera à revoir ma dépouille, ou si ma famille tout court s’intéressera à moi, une fois mort. Je t’aime Gabrielle. Je t’aime et j’ai soif. Mes pupilles se dilatent, mais je ne le vois pas. Ça fait combien de temps que je suis assis dans ce fauteuil ? Peu importe. Le matin se lève, et moi je ne serais sans doute plus là pour le déjeuner. Gabrielle. Gabrielle. Gabrielle. Mon amour, ma folie, ma drogue, mon âme sœur. Je vous ai tout donné, je crois. Mais j’ai aussi tout pris. Je te rends ta monnaie. Je t’aime, Gabrielle. Comme un con. Comme un sale type. Je t’aime mal. Et pourtant je suis incapable de vivre sans toi.

    Adieu.
    Bonnie.
    Gabrielle.
    Ma femme.

_________________

©JD Marin
Gabrielle_montbray
« Sorry angel
Sorry so
C'est moi qui t'est suicidé
Mon amour
Je n'en valais pas la peine
Tu sais
Sans moi tu as décidé
Un beau jour
Décidé que tu t'en allais »

- Serge Gainsbourg -

- L’Oustau de Château- Thierry, nuit de mercredi à jeudi, au toutes premières heure du jour -

La rue. La porte. Un sourire avant de sortir la clé qu’Enzo lui avait donnée. Ca lui évitera de réveiller Nortimer ou elle ne sait qui. Elle se glisse dans la cour. Rien n’a changé. Evidemment que rien n’a changé, elle n’est partie que cinq jours. Qu’aurait-il bien pu se passer de grave en si peu de temps ? Rien bien sûr. Tout est calme et silencieux.
Gabrielle entre dans la maison endormie. Elle défait la ceinture qui porte son épée et elle l’abandonne là, près de l’escalier, elle enlève sa cape qui rejoint l’arme, sur le sol. Car autant Enzo est ordonné, méticuleux, maniaque même, autant Gabrielle pose les objets là où elle est, envoie voler ses vêtements quand elle se déshabille et sème un peu d’elle partout dans la demeure, des cailloux, des dessins griffonnés sur des vélins, une chemise, des chausses, une bouteille vide…

Elle jette un œil autour d’elle, il fait sombre dans la maison, le soleil pâle du petit matin n’éclaire pas vraiment, juste assez pour qu’elle voit où elle pose les pieds. Juste assez aussi pour qu’elle remarque une porte ouverte. Une porte qui n’est jamais ouverte pourtant. Jamais. Le bureau d’Enzo.
Elle s’approche, jette un œil dans la pièce déserte et bien rangée comme toujours. Elle sourit. C’est l’antre de son mari ce bureau. Personne n’y entre. Même pas elle. Une antre toujours fermée à clé. Les yeux de Gabrielle se pose sur la porte. La serrure . Défoncée, arrachée, cassée. Et à bien y regarder, la porte semble également avoir subit quelques dommages. La jeune femme hausse un sourcil. Des voleurs ? Pourtant, rien ne semble avoir vraiment bougé dans la pièce.

Un sentiment étrange la saisit. Une angoisse sourde et diffuse. Il s’est passé quelque chose en son absence. Enzo. Où est-il ? Va-t-il bien ? Gabrielle se dirige vers l’escalier, monte les marches à la hâte, faisant claquer ses bottes sur la pierre. Elle s’arrête devant la porte de la chambre. Sa chambre. Leur chambre. Elle soupire devant la porte close et s’en veut de s’affoler pour rien, sans raison. Elle va juste le réveiller à faire un raffut pareil, rien de plus. Elle ouvre la porte et se glisse dans la pièce plongée dans la pénombre. Elle laisse à ses yeux le temps de s’habituer et elle le cherche du regard sur le lit où il devrait être. Et où il n’est pas. Gabrielle laisse échapper un léger soupir de frustration. A quoi donc s’attendait-elle ? Il n’allait pas rester sagement à la maison, éploré, en attendant le retour de la femme prodigue. S’il est sorti, il ne devrait plus tarder, c’est son heure de retour habituel, quand le soleil se lève, Enzo se couche.

Et puis, elle le voit. Il dort. Assis dans le fauteuil. Torse nu, simplement vêtu d’une paire de braies. Il est sublime, comme toujours. Gabrielle sourit et s’approche, doucement, retenant son envie irrépressible de lui sauter au cou, de le réveiller, de l’embrasser, de lui parler, de le serrer contre elle. Elle aura bien le temps. Et Enzo est toujours d’une humeur massacrante quand on le réveille. Alors elle s’approche lentement et sans bruit. Elle s’apprête à glisser une main dans les cheveux bruns un peu trop longs quand du coin de l’œil, elle voit un parchemin noircit de lignes d’écriture au sol, aux pieds d’Enzo. Elle sourit, il a du s’endormir en lisant une lettre. Elle se penche donc pour ramasser le vélin, et s’apprête à aller le déposer sur le petit bureau quand ses sourcils se froncent légèrement. Il fait sombre dans la pièce mais elle reconnaitrait l’écriture d’Enzo entre mille. Ca n’est pas une lettre pour lui, c’est une lettre de lui. Les yeux bleus sombres se plissent pour tenter de lire quelques mots. Gabrielle approche la lettre de la flamme mourante de la bougie presqu’entièrement consumée qui se trouve sur le bureau, elle approche la lettre et elle lit. Les sourcils se froncent et la respiration de Gabrielle semble se suspendre quand son regard se pose sur ces simples et tragiques mots, « alors cette lettre sera la dernière ». Les yeux descendent d’une ligne et s’arrêtent sur « baies de belladone ». Ils ne vont pas plus loin, il refusent, et c'est inutile, elle a compris. La main de Gabrielle laisse tomber le vélin sur le bois de la table.

Un grand frisson glacé lui traverse le corps. You idiot* ! Elle prend le visage d’Enzo dans ses mains, tremblante, elle se penche vers lui, tentant de capter son souffle, il respire encore. Agir. Elle doit agir. Ne pas rester les bras ballants et inutiles comme lors de l’incendie de la cathédrale. Elle n’a pas le choix, elle doit le sauver. Alors elle regarde son imbécile de mari, elle le regarde et la colère qui l’avait quittée, la colère qu’elle avait laissé à Nîmes, la colère dont elle ne voulait plus, cette colère contre lui, la reprend. Elle aurait envie de le secouer. Elle aurait envie de le gifler. Elle a surtout envie qu'il ne meurt pas.

Enzo. Enzo. Enzo. N’as tu donc de cesse que de me torturer ? Tu me tueras un jour ! Ou c’est moi qui te tuerais pour tout ça. Et ça sera autrement plus douloureux que ton poison. Je te crèverais et tu mourras. En attendant, je t’interdis de me quitter. Tu ne peux pas. C’est trop tôt. Enzo, je t’interdis de mourir. J’ai besoin de toi. Petit con. Sale type. Je t’aime, j’ai besoin de toi comme mari, comme père pour notre enfant et toi, tu veux partir. Mais tu es vraiment un salaud!

Gabrielle force le passage des lèvres d’Enzo avec ses doigts, sans délicatesse aucune, et enfonce le majeur et l’index de sa main gauche au fond du gosier marital. Comme le faisait les marins anglois qui voulaient évacuer leur trop plein d’alcool. Elle enfonce ses doigts le plus loin qu’elle peut, qu’il s’étouffe avec, il le mériterait bien pour avoir fait une chose pareille.
Le résultat espéré ne se fait pas attendre. Enzo vomit. Un long jet visqueux et répugnant. Ca éclabousse le fauteuil, ça éclabousse le tapis, ça éclabousse les bottes de Gabrielle, ça se répand sur le sol en une mare malodorante. Mais Gabrielle s’en fout bien. Elle le laisse cracher ses tripes, vomir sa bile, son alcool et ses baies empoisonnées, seules choses solides qu’il semble avoir avalé ces dernières heures.

- Enzo ! How dared you… ? You bloody bastard ! Fu*cking idiot *!

Elle regarde le visage de son mari. Elle n’en revient pas qu’il ait fait ça. Pourquoi ? Parce qu’elle est partie ? Elle n’ose y penser. Ca ne peut pas être pour ça. Ca ne doit pas être pour ça. C'est dégueulasse si c'est ça. Gabrielle n'a pas lu la suite de la lettre. Elle imagine que la réponse est dedans. Mais elle sait déjà que c'est à cause d'elle. La culpabilité l'étreint, lui glace le coeur et le sang.

Il a voulu mourir et tout est de sa faute à elle.

Alors Gabrielle serre Enzo contre elle, lui plaque la tête contre sa poitrine, lui glisse une main dans les cheveux, les embrasse et murmure.


- I’m so sorry*… Je suis là… Ca va aller maintenant… Je suis tellement désolée… ne m’en veux pas…


Traduction de la citation :
Désolée mon ange
Tellement désolée

En anglois : Imbécile ! / Comment as-tu osé ? Salaud ! Crétin ! (en bien plus vulgaire mais aucun équivalent français ne me vient à l’esprit) / Je suis tellement désolée…

_________________
Isleen
[Dans la journée de mercredi puis dans la nuit]

De marbre.

Elle ne tremble pas, sous le regard du garde, elle laisse cela aux femmes de chambres. Cela lui fait ni chaud ni froid, même s’il le pense autrement, et pourtant il pourrait en faire trembler plus d’un ou une ce regard. Ne rend-t-il pas mort de trouille la plus part des donzelles travaillant ici ? C’est sans compter sur l’irlandaise qui fait exception à pas mal de règles. Un caractère de feu, tel sa chevelure qu’elle arbore annonçant la couleur, elle ne s’en laisse pas compter, ne se laisse pas faire, il devra bien le comprendre un jour. Alors son regard, il peut se le garder, elle n’en à cure, elle en a vu de pire, et elle n’est pas une vulgaire femme de chambre ou servante ! Qu’il emmène son Seigneur, dans sa chambre et s’en occupe, il est taillé pour la corvée et fait ça depuis si longtemps, qu’elle ne se voit pas prendre sa place. Elle hausse simplement les épaules avec un regard qui pourrait se traduire : « j’m’en fou de ton avis, j’suis pas là pour toi, mais pour lui ! J’étais là pour le sortir des flammes, toi non ! Alors gardes ton mépris des femmes pour les autres ! T’as perdu le monopole musclore ! J’ai tout autant le droit de m’inquiéter pour lui, pour Gabrielle, pour eux !»

De marbre.

Je ne fléchi déjà pas sous ton regard en tant ordinaire, alors crois-tu Enzo que je le détournerais maintenant ? Non. Même lorsque je devines que tu aimerais me le faire fermer toi même, pour laisser libre court ce qui te traverse, te renverse, te perd, à cette violence en toi. La rouquine en exutoire… Je sais ce dont tu es capable, pour autant j’aurais aimé ne pas savoir, pour autant, je suis là. Je m’inquiète pour toi, pour Gabrielle, pour vous. S’est-elle mise dans le même état que toi ? J’espère que non, elle semble plus forte à bien des égards que toi, mais se relèvera-t-elle de ce que tu lui as fait subir ?

Gabrielle. Dis quand reviendras-tu ?

La fourmilière s’active, les hommes disparaissent dans la chambre. Un instant, l’irlandaise reste là à regarder le ballet s’activer, tout lui semble indéfférent. C'est dan de tels instants, qu'elle se demande ou se trouve sa place. Un instant, un soupire désolé, elle les laisse tous, elle n’est d’aucune utilité maintenant, plus besoin de s’inquiéter pour lui, du moins pour le moment, l’hombre veille, le père de substitution est là.

Le reste de journée se passe, identique au précédent ou presque, plus longue que d'habitude, la lune est levée quand l'irlandaise revient, et une pensée avant de s'endormir: Gabrielle, nous t'attendons que ce soit pour le quitter définitivement ou revenir mais reviens ...

_________________
Enzo
    « [...] I will disappear in plain sight
    Heaven help me
    I need to make it right
    You are the revelation
    You are to get it right
    And it's a conversation
    I just can't have tonight [...] »

    No Light, No Light - Florence and the machine


Une conversation que je n’aurais jamais. J’ai fait tout bien. J’ai avalé ces baies et je vais mourir. Simplement. Bêtement, peut-être un peu. J’aurais pu me laisser tomber du haut des remparts. J’aurais pu faire pénétré en moi la plus froide des lames. J’aurais pu me pendre. Et pourtant j’ai fait le choix des baies. Peut-être bien parce que je ne veux pas mourir dans la violence. Peut-être parce que je veux pas mourir comme j’ai vécu. J’ai envie que ça soit paisible. Un peu. Même s’il paraît que la belladone rend un peu démoniaque. Comme une possession. C’est ce qu’il décrive dans mon livre. Peu importe. Je partirais comme je vous aime. Dans la passion, dans un dernier cri et un dernier souffle. C’est sans doute pour ça que j’ai choisit cette plante. J’aurais pu trouvé quelques chose qui tue instantanément ou presque. Mais je voulais quelque chose qui me rappelle un peu vous. Et ce goût sucré, ça me rappelle un peu votre peau que je visite peut souvent avec mes lèvres. Je n’aurais plus la chance d’y gouté. Adieu Gabrielle. J’ai les yeux fermé et je sens mon corps faiblir, une chaleur m’envahir et mon cœur battre trop fort. Est-ce de la sueur sur mon front ? Peut-être bien. Je ne sais pas bien. Mes doigts picotent. Un tremblement et la lettre tombe à mes pieds. Est-ce que le simple fait de toucher les baies rend un peu confus ? Ça aurait été une chose intéressante à noter. Une expérience enrichissante pour bien connaître l’effet des baies sur le corps et l’esprit. Sauf qu’écrire maintenant me semble bien difficile.

Je me sens un peu confus. Alors je me laisse tomber dans ce que j’ai l’impression être un sommeil agité. Est-ce la mort ? Je ne sais pas. J’entends des bruits, mais ça me semble lointain. J’espère que ça n’est pas Audoin. J’espère qu’il n’est pas rentré pour voir si j’allais bien. De toute façon, il ne sait pas lire. J’ai l’impression de respirer rapidement, comme si chaque respiration s’accélérait avant le freinage brusque. Je coule, ne soupçonnant même pas que tu es là. Je suis ailleurs. Et c’est sombre, cet ailleurs… Sauf que je sens des mains qui se glissent sur mon visage. Nerveux, peut-être. Défection ! Laissez-moi crever ! Je bouge un peu, mais quelque chose entre dans ma bouche. Mes yeux s’ouvrent un instant, je ne vois pas très bien. Qui sait ? Qu’est-ce qui se passe ? Les pupilles dilatés, la bouche sèches, le regard flou je sens juste ses doigts dans le fond de ma gorge et…

Je vomis. On vient de me faire vomir ! Agité, je ne sais toujours pas très bien ce qui se passe. Sur le sol, tout ce que j’ai bu et ce que je viens juste d’avalée se répand et viens m’arracher un toussotement. Puis cette voix. Cette voix que je reconnaitrais parmi tant d’autre. Je délire. C’est certainement ça. La belladone fait son effet et je délire. Je ne pourrais pas mourir en paix. Non, même ma mort vient me torturer l’esprit et me l’a faire apparaître. Comme cette fois là, où je suis resté dans un drôle d’état. Avant le mariage. Gabrielle. Gabrielle. Je veux mourir, et même dans ma mort tu viens me tourmenter. Je t’aime. Je t’aime. Le sais-tu ? Peut-être que c’était important finalement. Peut-être aurais-je du vous le dire, sincèrement, pour vrai. Une fois. Mes forêts dans tes océans. Il est trop tard maintenant. C’est fini. Je vais mourir en délirant. En pensant à vous, et surtout dans une marre de vomis. Très joli spectacle. Ça aurait peut-être dû être autrement.

Sauf que tu me regardes, et malgré ma vision floue je te regarde aussi. Un peu absent, beaucoup agité, en sueur. Gabrielle ! C’est… c’est toi. Pour vrai. Qu’ai-je fait ? Défection. Tu déposes ma tête contre ta poitrine et j’entends ton cœur battre. Je sais que c’est toi. Ça n’est pas un délire. C’est toi qui me tiens, c’est toi qui murmure et me serre. Je suis épuisé. Qu’ai-je fait Gabrielle. Tu m’as fait vomir. Tu as tenté de me sauver la vie. Est-ce que ça va fonctionner ? Je m’en veux maintenant. Tu es revenu et moi j’ai avalé ces satanés baies. Impulsivement je me cramponne un peu à toi. Frustré. Complètement défait de ses derniers jours, de mon geste qui devient ridicule n’a plus besoin d’exister. Je ne veux plus mourir. Je ne me rends même pas compte que des larmes coulent sur mes joues. Moi qui ne pleure jamais. Je ne veux plus mourir. Tu es revenue. Je suis un idiot. Non, non, non !


- « Gabrielle… »

Je sens la confusion m’habiter. Je ne sais plus très bien ce qui est vrai ou faux. Mais ce cœur que j’entends battre près de mon oreille ça n’est pas le mien. Je n’ai aucun doute la dessus. Je t’aime. Et défection. J’essaie de te regarder un peu, malgré ma vision embrouillée et mon visage rougit par l’effet de la belladone. J’ai vomis, mais je suis tout de même intoxiqué un peu. Vais-je mourir ? Je ne veux plus que ça se finisse comme ça. Alors je m’accroche à toi, comme pour refuser de partir. Je repousse des attaques invisibles, et je m’agite sans vous lâcher.

- « Non, non, non… »
- « T’es un idiot Enzo »
- « Non… ! »
- « Tu vas mourir comme un crétin. »
- « Je ne veux pas. Je ne veux plus »
- « Tu l’aimais pas tant que ça, Gabrielle en fait. »
- « Menteur ! »
- « Tu l’abandonne comme un vulgaire chien »

- « Ça n’est pas vrai, je l’aime »
- « Oui, c’est ce que tu te fais croire. Comme avec Elizabelle… »
- « Non ! »
- « Regarde-toi. Tu es moche. Tu pues et en plus tu crèves en pleurnichant comme une gonzesse. Tu es pitoyable. Il a bien fait ton père de te virer de la famille. Une honte ! »
- « Ferme-là ! »


Je frappe. Dans le vide. Pourtant il est là. Le Enzo qui me torture constamment. Mon double. Mon autre moi. Celui qui se cache et m’angoisse. Celui qui me torture. Celui qui existe pour panser les blessures internes. Celui dit me protéger mais me détruit plus qu’autre chose. Ma névrose. Je suis perdu. Je combat je ne sais pas bien quoi. Je ne sais pas trop ce que je dis, fais, vois.

- « Je ne veux plus mourir… tu es revenue…pardonne-moi. »


    « [...]No light, no light in your bright blue eyes
    I never knew daylight could be so violent
    A revelation in the light of day

    You can't choose what stays and what fades away
    And I'd do anything to make you stay [...] »*


Oui. Reste. Que je meurs ou pas cette nuit. Reste avec moi. C'est violent. C'est douloureux. Je t'aime. Je vais peut-être mourir, et je n'ai même pas le courage de te le dire...

Trad. Je vais disparaître bien en vue
Le ciel m'aide
J'ai besoin de le faire bien
Tu es la révélation
Tu fais bien les choses
Et c'est une conversation
Que je ne peux pas avoir ce soir

Pas de lumière, pas de lumière dans tes yeux bleus lumineux
Je ne savais pas que la lumière du jour pouvait être si violente
Une révélation à la lumière du jour

Tu ne peux pas choisir ce qui reste et ce qui s'efface
Et je ferais n'importe quoi pour te faire rester

* Parce qu'on m'a réclamé. ^^

_________________

©JD Marin
See the RP information <<   1, 2   >   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)