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[RP] Notre besoin de consolation est impossible à rassasier

Gabrielle_blackney
Ce RP fait suite aux évènements qui se sont passés à l'oustau
et il est le parallèle de ce qui est écrit ici


« C'est douloureux dedans
C'est délicieux pourtant
Je manque un peu de cran
C'est douloureux dedans
J'ai les yeux pleins de sang
C'est contagieux, le temps
C'est contagieux, l'attente»

- Benjamin Biolay -

Fuir. N’importe où, n’importe comment, mais fuir. Alors Gabrielle est partie. Sans trop réfléchir. Si on pense trop, on n’agit pas. Ludwig lui avait dit « vous n’avez pas de couilles », pourtant cette nuit, elle avait l’impression de ne pas en manquer. Elle était partie sans se retourner. Elle avait écrit un mot, elle avait un peu hésité pourtant, elle aurait presque voulu ne rien lui dire, qu’il crève d’angoisse et de trouille comme elle l’avait quand il avait disparu sans donner signe de vie durant de longues semaines. Elle avait hésité et puis elle avait laissé un mot sur l’oreiller. Une lettre. Elle reviendrait. Elle le savait. Et elle ne voulait pas qu’il souffre. Mais elle devait fuir.

Nîmes, le 8 septembre 1460

Elle avait chevauché jusqu’à la ville suivante, en pleine nuit, contre toute prudence. Elle n’avait rien emmené, quelques écus, une miche de pain, presque rien. Elle verrait bien sur place. Elle avait pris une chambre dans une auberge minable. Habillée en gueuse un peu garçonne - braies, chemises, corset, bottes, son épée, ses dagues -, les cheveux en pagaille.

Elle n’avait pas donné sa véritable identité. Pas par envie de se cacher non, juste par besoin d’être une autre. Oublier un peu Gabrielle, la noble à particule et redevenir Bonnie Watson, cette fille de rien qu’elle avait été quelques années. Après la mort de sa mère, quand elle vivait au dessus d’un pub à catins dans un port anglois. Elle avait oublié qui elle était, oublié ses bonnes manières, oublié l’éducation sévère, oublié son pays, oublié sa langue même. Elle était devenue cette gamine délurée qui roulait des pelles à son beau marin en se persuadant que c’était de l’amour, qui apprenait à devenir une femme en fréquentant les putains du port, ses seules confidentes et amies. Elle avait perdu de sa superbe certainement, et sa mère aurait eu honte d’elle, mais sa vie était si légère à cette époque. Elle se noyait chaque nuit dans des vapeurs d’alcool, dormait tout le matin et se levait à midi, en se foutant bien de la morale et du reste. Elle se foutait de tout d’ailleurs en ce temps là, rien n’avait vraiment d’importance et sa vie se dissolvait dans des éclats de rire trop bruyants qui dissimulaient les pensées plus sombres qui l’assaillaient parfois.

Et puis… Bonnie la gamine a grandit et l’ennui s’est pointé. Une envie d’ailleurs. Une envie de revenir chez elle, de retrouver ses racines, de renouer avec son éducation. Une envie de revoir les pommiers normands, d’entendre cette langue qui fut la sienne si longtemps, de se la réapproprier. Alors aussi rapidement qu’elle avait fuit Montpellier cette nuit, elle était partie. D’abord à Londres, pour gagner quelque argent. Puis enfin, elle avait embarqué sur un bateau, un peu au hasard, sans savoir que la guerre faisait rage, le capitaine l’avait embarquée vers l’Espagne, elle qui voulait revoir sa Normandie. Et après moultes tractations, il avait accepté de la débarquer dans le Sud de la France.
Bonnie avait marché, profité des charettes des paysans généreux, dormi dans des granges, puis un jour, à sec et fatiguée, elle avait cessé d’avancer.

Gabrielle sourit en repensant à tout ça. Ca ne faisait que quelques mois, mais elle avait l’impression que c’était il y a une éternité déjà.

Oui, elle avait cessé de marcher, s’était installée dans cette ville dont elle ignorait alors le nom avec le ferme intention d’en repartir le plus tôt possible.
Et puis, elle l’avait croisé lui. Beau. Très beau. Odieux. Arrogant. Inssuportable de prétention. Désagréable. Mais elle l’avait voulu oui. Par jeu, par orgueil, par désir pur. Encore aujourd’hui, elle ne savait pas bien. Et puis il lui avait murmuré quelques phrases indécentes. Et elle avait répondu. A moins que ce ne soit l’inverse.
Et puis il y avait eu cette nuit… Et Gabrielle…


- Pas Gabrielle ! Bonnie ! Je le sais, j’y étais moi… Oui, j’y étais. Tu n’étais pas encore Gabrielle. Enfin si, toi et moi, c’est presque pareil. Mais Gabrielle je l’avais étouffée, reniée, planquée. Elle m’emmerdait Gabrielle. Elle m’emmerde toujours un peu. Je lui ai laissé la place parce que tu en as décidé ainsi et que toi et moi, nous ne faisons qu’une.

- Nous ne sommes qu’une, Bonnie. Tu es juste mon moi d’avant, mon moi léger, mon moi qui a fini par s’ennuyer.

- Shut up ! Je termine ton histoire, moi Bonnie je l’avais repéré le Grand. Il était beau gosse faut le reconnaître. Un sale petit con. Mais beau gosse. Toi Gabrielle, tu aimes les belles histoires et les beaux sentiments. Moi Bonnie, je voulais juste le mettre dans mon lit, histoire de m’amuser un peu, quelques heures distrayantes. Lui rabattre son caquet aussi un peu. Qu’il arrête de me regarder avec son agaçant petit sourire.

- Je n’aime pas les belles histoires et les beaux sentiments, j’aime m’amuser aussi. Et tu peux faire la fière mais à part ton marin anglois, tu n’en a pas ramené plus que ça dans ta couche.

- Je ne l’aimais pas mon marin. Enfin le nôtre.


- Oui. Je sais. Mais tu y croyais. Gamine.

- Tu sais, quand je vois ta vie maintenant, je crois que je préfèrais avant. Bonnie n’aurait pas accepté tout ça. Elle aurait descendu une bouteille de whisky, se serait endormie sur une table de taverne collante, se serait réveillée avec la gueule de bois et l’aurait plantée ton Enzo.

- Je ne crois pas non. Bonnie aurait fait ce que tu as fait. Elle aurait laissé la place à Gabrielle. Et moi, Gabrielle, je n’ai pas le choix parce qu’il…

- Yep ! Il est beau quand même.


- Oui. Très. Mais j’ai grandi tu sais. Ca n’est plus vraiment ce qui m’intéresse. Moi je ne crois pas comme toi avec ton marin, moi je sais. Il est…

- Oui, je sais ce qu’il est. Je le connais aussi bien que toi. Après tout, je suis là depuis le début, j'ai toujours été là.


Et Gabrielle s’agite dans son sommeil et finit par se réveiller.
Seule.
Un soupir.
Une pensée vers lui, qu’elle a abandonné.
Elle aurait bien envie d’enterrer Gabrielle et de faire revivre Bonnie. Elle aurait bien envie d’aller boire plus que de raison. Elle a dormi. Elle ne sait pas quelle heure il est, mais la lumière décline déjà. Une nouvelle nuit va commencer. Et Bonnie va faire un éphémère retour, juste le temps d’oublier un peu. Mais en attendant, Gabrielle a des choses à dire à quelqu’un.
Un vélin. Une plume. Et de son écriture droite, douce et appliquée, elle couche les mots qu’elle lui enverra. Il a un joli prénom et elle aime l’écrire avec son E tout en arabesque et son Z qu’elle fait à l’angloise.
De la cire, un sceau, un coursier.

Bonne nuit Enzo. Je pense à toi tu sais. Mais je vais aller m'oublier un peu avec une bouteille d’alcool fort autour d’une table de ramponneau.
Demain est un autre jour.
Tu me manques sale type.


Titre : Honteusement volé au magnifique essai de Stig Dagerman
En anglois : Tais toi / Ouais.
Description de l’écriture de Gab : JD Enzo.

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Gabrielle_blackney
« Whiskey River take my mind
Don't let his mem're torture me
Whiskey River don't run dry
You're all I've got, take care of me »

- Willie Nelson -

Minable. Elle avait dit « je vais me mettre minable ». Et ma foi, force est d’avouer qu’elle avait fort bien réussi.Toutes les villes ont leur rue de Traverse, Nîmes ne faisait pas exception. Gabrielle était de retour au petit matin, la mine défaite, les yeux bouffis, puant l’alcool, la sueur et le vomi. Collante, poisseuse, dégueulasse. Un ange défraichi, une princesse au teint brouillé, une noble partie s’encanailler dans les bas quartiers. Bonnie avait fait son retour. Un retour modeste. Un retour forcé, mais un retour obligatoire.

Cracher sa colère en tapant du poing sur la table de jeu.
Noyer sa peine dans du mauvais alcool.
Oublier sa douleur en balançant des chopes contre les murs.

Enzo, pourquoi a-t-il fallu que tu viennes prendre de force ce que je t’aurais volontiers donné ? Pourquoi a-t-il fallu que ta bouche vienne vomir ces mots atroces ? Pourquoi faut-il que tu ailles calmer tes angoisses entre les cuisses d’une autre ? Enzo, pourquoi ne peux-tu pas m’aimer, tout simplement ?

Et Gabrielle avait subi. Elle avait pardonné. Mais la colère restait là. Une envie de défoncer les murs, une envie de crier, une envie de frapper, une envie de détruire, Lui, Elle, Eux. Alors elle était partie pour cette raison. Pour évacuer sa colère. Si elle avait eu un garde sous la main, elle l’aurait frappé jusqu’à en pleurer. Elle aurait tout évacué dans la violence physique. Mais elle n’avait personne à l’Oustau qui pouvait la supporter en un moment pareil. Elle était donc partie.

Etonnamment, sa nuit agitée, à boire et jouer au milieu de type pas bien recommandables, lui avait fait du bien. Certes sa tête cognait, ses poings étaient douloureux et écorchés, son estomac vrillait et menaçait à chaque pas de rejeter son contenu. Mais son esprit lui, se sentait plus apaisé. Quand elle pensait à son mari, elle n’avait plus cette envie de révolte, cette envie de lui faire mal. Non, quand elle pensait à lui, elle avait juste envie de refaire le chemin en sens inverse, de monter les escaliers qui menaient à leur chambre et d’aller se caler dans ses bras pour dormir. Mais il était encore trop tôt. Elle reviendrait oui. Mais pas encore tout de suite. Bientôt. Et elle priait pour qu’il l’attende.

Une lettre l’attendait à l’auberge. Une écriture qu’elle reconnaitrait entre mille. Cette écriture penchée et maladroite, toujours un peu trop pressée. Un sourire. Un peu d’impatience aussi. Une envie de le lire, d’entendre dans sa tête sa voix rauque à l’accent gascon qui lui dira que…


Citation:
À vous,
De nous,

Vous êtes partie. Prenez le temps qu'il vous faut. Nous ne vous en voulons pas. Revenez juste.
Prenez soin de vous, nous le prendrions mal si vous mourriez sur les chemins.

Que le très-haut vous garde,

Vostre mari.


Simple, efficace, essentiel. Pas un mot inutile. Pas une fioriture.
Les yeux bleus sombres relisent les quelques lignes. Il veut qu’elle revienne. Quand elle veut. Il ne lui en veut pas.
Des mots. Rien que des mots. Les mots ne servent à rien. Il lui dit souvent qu’ils sont inutiles.
Gabrielle a l’esprit embrumé avec l’alcool et le reste.
Est-ce qu’il veut qu’elle revienne vraiment ? Est-ce qu’il tient à elle ? Est-ce qu’il veut sauver les apparences ? Est-ce qu’il veut juste son héritier ? Gabrielle n’en sait rien. La lettre est froide, neutre, impersonnelle.
Les mots ne servent à rien mais ils sont parfois tout ce qu’on a.
La brune soupire et pose le vélin sur le lit.
Et elle maudit les auberges minables dans lesquelles on ne peut pas prendre de bain.
Tant pis. Elle dormira dans la fange de sa nuit. Il sera temps d’aller faire un tour aux bains publics dans quelques heures.
Il l’a trahie, salie, alors après tout c’est peut-être bien tout ce qu’elle mérite.

Tu sais quoi, Enzo, je n’en veux pas du Trés Haut. C’est toi que je voulais comme gardien et protecteur.
Dis-moi que je te manque, dis-moi que tu souffres, dis-moi que tu me veux.
Je t’emmerde Enzo. Je t’aime, mais je t’emmerde.

Et Gabrielle s’endort, d’un sommeil lourd et sans rêve, le vélin froissé entre les doigts.


Traduction :
La rivière de whisky a pris mon esprit
Ne laisse pas son souvenir me torturer
La rivière de whisky ne s’assèche pas
Tu es tout ce que j’ai, prends soin de moi

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Gabrielle_blackney
« Se met-il à ma place quelques fois
Quand mes ailes se froissent et mes îles se noient
Je plie sous le poids, plie sous le poids
De cette moitié de femme qu'il veut que je sois
Je veux bien faire la belle, mais pas dormir au bois
Je veux bien être reine, mais pas l'ombre du roi
Faut-il que je cède
Faut-il que je saigne
Pour qu'il m'aime aussi
Pour ce que je suis »

- Zazie et Axel Bauer -

Des cartes qui s’abattent, une main crasseuse qui vient ramasser les écus, un verre qui se vide, un qui se remplit, un regard borgne qui la fixe, de nouvelles cartes, une nouvelle partie, de nouveaux écus qui viennent tinter sur la table en bois.
Gabrielle fixe ses adversaires. Des hommes. Tous. Mais elle a choisit cette taverne sombre parce qu’elle est remplie de catins et que cette présence féminine la rassure. Et puis elle a remarqué un type qui dégainerait son épée pour elle si besoin est. Il y en a toujours un. Il suffit de le repérer. Un qui ne veut pas lui retrousser les jupons, ou en l’occurrence lui baisser les braies, un qui ne veut pas la voler, ni l’enlever ou ce genre de chose. Non, juste un qui a bien compris ce qu’elle était. un qui s’amuse de voir les nobles tenter de jouer les gueuses. Un qui se dit que la petite dame va avoir des ennuis. Un qui se dit que son mari, son père, son oncle ne serait pas content de la savoir ici. Un qui se dit qu’il va la surveiller du coin de l’œil parce qu’on ne sait jamais. Gabrielle l’a répéré. Elle ne le regarde pas, ne lui adresse pas un sourire, mais il est son garde du corps de la nuit et elle le sait. Et ça lui suffit bien.

La jeune femme regarde son jeu. Un jeu pourri. Elle retient un soupir. Elle a perdu la main au ramponneau. Elle jouait bien à une époque. Bonnie jouait bien, pas elle. Gabrielle, elle, se concentre mal, elle regarde les autres, elle regarde ces filles alanguies et souriantes qui laissent des mains grasses et rugueuses se balader sur leurs corps. Elle regarde son gardien de la nuit finalement. Il est jeune. Moins qu’elle. Mais jeune. Un blond aux yeux clairs pour autant qu’elle puisse en juger à la lueur des bougies. Beau ? Elle n’en sait rien. Le seul qu’elle trouve beau, c’est son mari, les autres lui importent peu.
Mais elle le regarde quand-même et lui sourit. Pas un sourire charmant et ravageur, juste un sourire de circonstance. Un sourire qui dit «je t’ai remarqué ».
Elle le regarde au dessus de ses cartes. Elle va perdre cette partie là aussi, mais après tout qu’importe. Elle joue avec du gueux désargenté ou du malfrat de petite envergure, elle peut bien perdre quinze ou vingt écus, ça n’a aucune espèce d’importance. Elle va perdre alors elle regarde le blond.

Elle pense à l’homme qu’elle a laissé .Elle se demande ce qu’il fait, à quoi il pense, s’il va bien, si elle lui manque.
Enzo est un salaud. C’est bien pour ça qu’elle est partie, non ? Alors elle regarde le type et elle se demande ce que ça ferait de s’approcher de lui, de l’embrasser, de lui toucher les cheveux, de sentir son odeur, de passer ses mains sur sa peau, elle se demande s’il serait plus expérimenté qu’Enzo, plus patient, moins pressé, s’il saurait défaire tous les petits lacets de son corset sans s’agacer.
La loi du talion. Œil pour œil, dent pour dent. Un petit sourire narquois se dessine au coin des lèvres de Gabrielle.

Et si je prenais un amant, Enzo ? Juste pour que tu souffres. Juste pour que tu saches ce que ça me fait. Pour que tu sentes la trahison. Pour que tu m’imagines soupirante et gémissante dans les bras d’un autre. Pour voir ton regard quand je te dirais que j’en avais besoin, que j’en avais envie. Bien sûr, je te dirais qu’il n’a aucune importance, qu’il n’est rien. Mais je sais que tu ne supporterais pas. Saurais-tu accepter et pardonner comme je le fais ? Parce que j’ai de la colère en moi. Mais j’accepte et je pardonne. Je fais même semblant de te croire quand tu me dis que ça n’a pas d’importance.
Tu es un salaud, Enzo. J’aurais envie de te gifler pour ça. De te faire ravaler tes mots. J’aurais envie de la tuer, elle. Ta putain. Tu n’as même pas été capable de me mentir et de me promettre que c’était fini. Tu as juste dit « je vais essayer de ne plus la voir ». Sale con.

Et Gabrielle d’abattre rageusement ses cartes, de vider son gobelet d’un trait et de se lever de la table, faisant tomber sa chaise au passage.
La jeune femme quitte la taverne à la hâte, sans jeter un regard à personne, ni même à cet inconnu blond qu’elle a déjà oublié. Evidemment qu’elle ne prendra pas d’amant, ni cet homme, ni un autre. Mais elle en veut encore à Enzo. Moins que quand elle est partie, moins qu’hier, mais encore un peu trop pour rentrer.
Gabrielle fait quelques pas dans la nuit, les rires et les voix sortant de la taverne s’estompent, l’air frais lui fait du bien. Ca va aller, elle va rentrer, elle va dormir, et ça va aller. Mais son estomac en décide autrement, se révolte et vient cracher son contenu à ses pieds. Gabrielle grimace, elle déteste vomir. Ca lui arrive rarement, fort heureusement, sauf au mois de mai, elle vomissait tout le temps et ne pouvait plus rien avaler. Mais ça n’est pas le moment de penser à… ça. Ca aussi elle veut l’oublier, elle n’y pense pas, le moins possible, son ventre reste plat, peut-être bien qu’il a compris qu’il n’était pas le bienvenue ou que sa génitrice avait d’autres préoccupations.
Gabrielle regarde la flaque à ses pieds, une flaque répugnante d’alcool acide qui lui a éclaboussé les bottes. Et m*erde !

Enzo, je crois que j’ai encore des choses à évacuer. Je ne peux pas encore revenir, pas cette nuit. Bientôt j’espère.
Que ta nuit soit plus douce que la mienne.

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Lacoquelicot


    [La veille, au matin…]

    Alors que le château s’éveille gentiment, un pli fut glissé sous la porte de la jeune rouquine et eut pour effet immédiat de se faire lever la môme. Une petite moue déçue s’affiche en l’absence de sceaux de cire. Il faut dire qu’Ella adorait ça, et prenait un malin plaisir à les abimé le moins possible en ouvrant son courrier. Sur le vélin encore fermé le mot « pardon » s’étale en un écriture fine. Cela sent d’avance la mauvaise nouvelle et les doigts maigres de la demoiselle s’agite pour en découvrir le contenu.


Citation:


    Ella,

    Je suis partie. Alors que j'avais dit que non. Je ne suis pas loin et je vais revenir trés vite. Mais tu me l'as dit et tu as raison, je vais arrêter d'essayer de le rendre heureux et essayer de me rendre heureuse moi. J'ai besoin de respirer, d'oublier la noblesse, l'armée, le mariage. J'ai besoin de penser un peu à moi. A toi, je le dis, je ne vais partir que quelques jours, je serai sûrement de retour en milieu de semaine prochaine... Mais tu es la seule à le savoir. Tu peux le dire à Isleen aussi. Pas à Enzo... de toute façon, je crois qu'il s'en ficherait un peu. C'est triste quand on y pense, mais c'est ainsi. Moi je ne suis pas vraiment triste, je me sens juste seule et un peu perdue, mais ça ne fait rien, ça passera.

    Je t'embrasse, fais attention à toi,

    Gab.

    PS : comme je n'arrive pas à dormir, je t'ai fait un dessin de grenouille de l'autre côté du parchemin.


    Le corps tomba lourdement sur le rebord du lit, les yeux posés sur la grenouille,
    et ce n’est que le lendemain soir qu’une réponse fut écrite.


Citation:




    Ma Gabrielle,

    Je suis un peu triste de te savoir loin, car maintenant en taverne c’est nul. Y a même pas Arthur et Lorenz alors c’est carrément moins bien. Du coup je n’y vais plus, je préfère allez à la petite rivière pour voir les grenouilles, c’est plus sympa. J’espère que tu vas bien, et que la colère elle est parti de ton cœur. Tu m’aurais prévenu avant je t’aurai prêté mon lance-cailloux pour t’aider un peu à plus être fâchée et je t’aurai fait un câlin pour remplacer ceux qu’Enzo il ne fait pas. Sinon, moi je sais super bien vivre sans la noblesse, l’armée et le mariage, si tu veux je pourrais t’apprendre à ton retour. J’ai hâte que tu reviennes parce que tu me manques beaucoup beaucoup beaucoup beaucoup beaucoup beaucoup beaucoup beaucoup beaucoup beaucoup beaucoup beaucoup !!! Et plus encore, mais j’ai mal dans le pouce quand j’ecris trop, alors je vais devoir te laisser.

    Je te fais un fort bisou.
    Et fais attention aux brigands sur les routes, hein.





    PS : J'ai pas trop trop le droit de mettre un sceau et des enluminures mais je trouve ça plus jolies alors le dit a personne, d'accord? Surtout pas à Montjoie ou Seigneurie Actarius.


_________________
Gabrielle_blackney
« Une nuit que j'étais
A me morfondre
Dans quelque pub anglais
Du cœur de Londres
Parcourant l'Amour Mon-
Stre de Pauwels
Me vint une vision
Dans l'eau de Seltz »

- Serge Gainsbourg -

Si Gabrielle se morfond, c’est dans une quelconque taverne de Nîmes, Pauwels n’est pas encore né et sa vision se dessine dans le fond d’un gobelet en étain rempli d’alcool bon marché.
Mais en cette troisième nuit de fuite, Gabrielle ne joue plus au ramponneau, elle ne s’enivre pas, elle ne s’enfonce pas dans les ruelles sombres en prétendant être une autre. Non, en cette troisième nuit, Gabrielle est seule dans la salle de l’auberge minable où elle dort, les yeux fixés sur un liquide fort et douteux. Elle ne le boira pas ce verre. Elle réfléchit. Elle pense à sa vie, elle pense à lui.

Le coursier vient de lui amener deux lettres, fort différentes. Deux lettres de personnes qui comptent dans sa vie. Elles sont là, étalées devant elle et les yeux de Gabrielle relisent les mots.
Pourquoi faut-il que ce soit une gamine de même pas 13 ans qui lui écrive ce qu’il ne lui dira jamais ?
Pourquoi faut-il qu’une gamine de même pas 13 ans la comprenne mieux que lui ?
Pourquoi est-il incapable de lui dire « reviens, tu me manques » ?


Citation:
À vous, Gabrielle, nostre femme.
De nous, Enzo, vostre supposé époux.

Gabrielle,

Nous vous attendons. Nous ne savons pas quand. Nous ne savons pas si tout ira mieux à vostre retour, mais nous vous attendons quand même. Ici, c'est calme. Nous ne pouvons pas être quelqu'un d'autre comme vous tentez de faire. Alors nous attendons juste. Certains se demandent ce qui se passe, ce qui c'est passé. Nous ne disons rien. Ça ne donne rien. Nous disons juste qu'on vous attend et que vous nous avez écrit que le retour était envisageable. Tout est ralenti ici. À croire que vous êtes partie avec tout. Nous voudrions nous aussi plein de choses que nous n'allons pas nommer ici.

Prenez soin de vous, Gabrielle.
Puisqu'il n'y a pas autre chose à dire.
Nous serons là où vous nous avez abandonné.
À l'Oustau. À Nîmes vous ne devez pas avoir de Calvados, ni Whisky écossais.
C'est peut-être une bonne raison pour revenir, non ? Nous n’en savons rien...

À demain.

Vostre époux.


Elle relit l’écriture brouillon et sourit un peu. Enzo et ses lettres cryptées. Il en dit des choses dans ces mots griffonnés un peu de travers. Il faut juste savoir les comprendre. Gabrielle rêve parfois qu’il ose de la naïveté et de la simplicité enfantine. Comme Ella. Mais naïf et simple, ça n’est pas Enzo. Enzo est tortueux et complexe. Et ses lettres aussi. Même les plus simples. Alors Gabrielle relit les quelques lignes. Elle les trouve tranquilles ces lignes, pleines d’une acceptation qui ne ressemble pas vraiment à son mari, pleines de résignation peut-être même. Un calme peu commun. Un calme douteux. Un calme inquiétant.
Alors elle tente de comprendre ce qu’il ne lui dit pas. De lire entre les lignes ce qu’il n’a pas écrit.

Est-ce que tu vas bien Enzo ? Est-ce que tu dors la nuit ? Est-ce que tu rêves de moi ? Est-ce qu’Audoin et Isleen prennent soin de toi comme je leur ai demandé ? Je me demande à quoi tu penses en ce moment. Comment tu es habillé. Si tu relèves tes mêches trop longues de ton mouvement machinal de la main. Je me demande ce que regarde tes yeux verts. Si tu es assis dans ce fauteuil près de la cheminée. Si tu bois. Si tu discutes avec ceux de la mesnie. Si tu souris aux gens en taverne.
Je sens à travers ta lettre que tu t’ennuies, alors je me demande si je te manque vraiment ou si c’est juste la distraction que je t’offre. Tu te sens abandonné. Tu n’as jamais supporté de ne pas être au centre de mes attentions. Même au tout début. Tu étais jaloux de tout ce que j’offrais aux autres. Tu étais bien idiot de ne pas voir que tu étais déjà plus que les autres. Je lis ta lettre et je souris devant tes mots imbéciles. Tu crois vraiment que je reviendrais pour une bouteille de Calva ? Enzo, je n’ose croire que tu n’as pas compris que si je reviens c’est pour toi.

Tu me manques. Je crois que je vais songer au retour. Ta lettre sonne triste et sombre et je n’aime pas ça. Je crois bien avoir l’esprit plus clair et l’âme plus légère. Je crois que j’ai oublié, que j’ai mis ces… choses derrière. Alors oui, je peux rentrer. Bientôt...

Sois patient, je suis presque là.

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Isleen
Ha l’irlandaise en avait rallé de ne pas bien savoir le lire le français, du moins de savoir en lire que des bouts, surtout lorsque ayant reconnu le prénom au bas de la lettre reçue, elle n’avait pas jeté au feu le courrier. Une esquisse de sourire avait un instant apparu sur le visage de la rouquine en pensant aux lettres reçues des candidats à la mairie, aux candidats à l’élection comtale, aux informations du maire, tant de courriers qu’elle ne prenait pas la peine de lire, servant à alimenter l’âtre.
La lettre reçue, elle avait dans un coin calme de taverne tentée de prononcer, lire, déchiffrer les mots posés, elle avait été seule pour le faire, sinon l’orgueil en aurait prit un coup, et elle aurait surement demandé de l’aide pour la lire. Il lui avait fallu trois pichets et un bon mal de crane pour en venir à bout, et la lettre était pas bien longue pourtant, les mots simples, Gabrielle avait fait, court en allant à l’essentiel, petite attention que l’irlandaise appréciait. Mais mon Dieu que ça avait été rude, elle ne se souvenait pas avoir tant eu de misère à apprendre sa propre langue, à l’écrire, mais les sonorités étaient tellement différentes parfois que ça lui en compliquait grandement la compréhension.

Le lendemain, le mal de crane toujours présent, fort de la compréhension dans l’ensemble du courrier, l’irlandaise avait commencé sur un coin de table une lettre à destination de son amie. La matinée passée, à force de rature dans un sens et dans un autre, et de mots en gaélique couchés sur du papier au lieu de mots français, l’irlandaise s’était résolu à faire appel a un écrivain public, sa première lettre en français seule, ne serait pas pour tout de suite.

Elle avait choisi ses mots, les avait dicté avec soin, pour qu’ils soient précis, mais ne dévoilent rien à l’écrivain sur la vie à la Mesnie, elle avait signé et la lettre maintenant s’envolait vers sa destinatrice.


Citation:
Gabrielle,
Tu es partie, je comprend pourquoi.
Ne t’inquiète pas, nous veillons sur lui, plus lui que moi d’ailleurs, il est plus de taille.
Prend soin de toi.
Isleen


Court et précis, la brune comprendra bien entre les lignes, elle comprendra qu’Audoin veille sur Enzo, l’empêchera de faire l’irréparable, qu’elle le fait plus de loin, que ferrait-elle d’ailleurs contre un Grand en colère, hein ? Vu sa taille pas grand-chose, quoiqu’elle avait réussi à en mettre quelques uns à terre de grands, un bon coup bien placé et hop, les voilà au sol à crier en appelant maman. Là, il fallait reconnaître que sur ce coup, Audoin assurait bien son rôle, s’il n’avait été là pour sortir Enzo des flammes, il était au moins présent en ce moment. Tout bien considéré, elle avait fait la meilleur part du boulot, parce que vu l’état ou il se mettait en ce moment, il valait mieux l’hombre, que la cleptomane.
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Gabrielle_blackney
Avant la fuite, un mot posé sur l'oreiller.

Citation:
Enzo,

Je ne sais trop quand vous trouverez ce mot.
A votre réveil sûrement, avant peut-être.

Je suis partie.

J’aurais pu ne rien vous dire, faire comme vous, disparaître, vous laisser sans nouvelles, dans l’attente… ou pas. Allez-vous m’attendre, je n’en rien après tout.
Mais moi, je sais que je vais revenir. Bientôt sans doute. Vous allez me manquer très vite. Vous me manquez déjà d’ailleurs.
J’espère que vous comprendrez bien que je ne vous fuis pas. Vous êtes même probablement le seul que j’aimerais vraiment voir.

J’ai juste besoin de calme. Je fuis la violence qui m’entoure. Pas vous. Vous ne le savez pas - je n’ai pas osé aller vous déranger quand j’ai su que vous étiez seul dans la taverne pas bien loin de moi – mais j'ai eu une violente dispute avec Actarius. Il semble qu’il soit à la fois furieux et très touché de ce que je lui ai dit. Je ne vous ai d’ailleurs pas remercié pour votre soutien à la caserne. Mais merci. Vraiment. Ca m’a touché plus que vous ne l’imaginez probablement.

Mais je ne peux plus. Je ne veux plus de disputes, plus de mots acides, plus de regards chargés de reproches. Je pensais que je vous avais pardonné cette fameuse nuit. Je l’ai fait, oui, mais il me restait la colère. Alors je vous l’ai crachée au visage ce soir en taverne, je vous ai vomi mes mots et ma rancœur. Et je le regrette sincèrement.

Cette nuit, je voulais rentrer à l’Oustau, je voulais m’allonger à vos côtés, je voulais tout oublier, mais je savais que je n’y arriverais pas.

Alors je suis partie.

Je ne sais pas si vous m’en voudrez. Un peu ou beaucoup. Je ne sais même pas si vous voudrez bien de moi à mon retour. Je ne sais même pas si vous le savez vous même.
Quand je reviendrai, c’est que j’aurai tout vidé, vidé la colère, vidé ma haine, vidé ma tristesse, vidé ma douleur, vidé ma mesquinerie.

Quand je reviendrai, je serais prête à essayer de vous rendre heureux. Là, je n’y arrive plus et je me sens tellement coupable quand je vous regarde si vous saviez.

S
aurez-vous me pardonner mon départ?

May God keep you safe,

Forever yours,


Gabrielle.



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Gabrielle_blackney
La nuit suivante, pendant la fuite, écrit au fond d'une taverne.

Citation:
Enzo,

Je savais que vous me manqueriez, mais pas aussi vite.
Vous m’agacez, même si vous n’y êtes pour rien, vivre avec vous est souvent compliqué mais vivre sans vous est une torture.

Une faiblesse disiez vous.

Peu importe… Vous me manquez.
J’ai choisi de partir pourtant, et je ne le regrette pas vraiment.
Ici, je peux boire trop, jurer en anglois, mettre les pieds sur les tables. Je peux essayer du moins… Je crois que j’aimerais faire renaitre Bonnie et oublier un peu Gabrielle. J’ai tenté mais je n’y arrive pas vraiment. Je ne suis plus celle d’avant . J’ai changé et ma jeunesse insouciante me semble loin. J’ai l’impression d’avoir trop vécu déjà, d’avoir trop vu.
Je voudrais perdre ce masque sérieux et triste, je voudrais de nouveau rire le soir au fond des tavernes, je voudrais bien oublier un peu le monde de nouveau.

Nîmes est morte. On n’y voit personne. Les gens se terrent et se cachent semble-t-il. J’ai rencontré le maire de la ville, Serpentis, il m’a parlé de vous. J’ai beau m’enfuir, vous ne me quittez pas. Il paraît qu’il est le Sénéchal de votre caserne ou quelque chose de ce genre. Je vous ai revu dans cet uniforme qui vous va si bien.
Je m’enfuis mais votre image me poursuit. Toujours.

J’espère que tout va bien pour vous. Audoin veille sur vous je le sais. Mais je m’inquiète tout de même.
Je sais que vous n’êtes pas bien heureux, Enzo. J’étais bien avec vous pourtant. Et puis il y a eu… ça. Je vais oublier, je vous le promets, je vais reprendre confiance en vous, je vais vous regarder sans plus avoir peur, sans être en colère, sans être triste.
Je voudrais nous retrouver comme avant. Je sais que c’est possible, comme ces deux fois à la caserne.
Je voudrais entendre votre rire, je voudrais que vous m’embrassiez contre les murs, je voudrais que vous me trouviez jolie, que vous me regardiez avec votre petit sourire narquois insupportable, je voudrais que vous rougissiez quand je vous dis « viens », je voudrais que nous grimpions sur les toits, dans les arbres, je voudrais vous entendre râler parce que je vous sers trop fort, je voudrais que vous buviez du calvados et en sentir le goût sur votre langue, je voudrais que vous posiez votre tête sur mes genoux dans le fond d’une taverne et faire des nœuds avec vos cheveux, je voudrais que notre vie soit belle.

Enzo, vous me manquez.

May God keep you safe,

Forever yours,

Gabrielle
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