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[RP] A l'ombre de la déraison...

Theos
[Foix - Un soir d'infortune]

C’est l’un de ces soirs où la morosité écrase l’espoir, où l’amertume décime les âmes les plus fringantes. La fureur de vie de d’Arenthon s’est éteinte, ne laissant plus qu’un silence pesant s’introduire dans la pièce dans laquelle il est en train de sombrer, allongé sur des draps rêches et froids. Il est las, il est épuisé par ces dernières semaines pleines d’infortunes, d’incertitudes et de tourments. Ses paupières sont closes, pour mieux dissimuler un regard qui a perdu tout son éclat, un regard mort de toute frénésie. Un léger souffle s’échappe entre ses lèvres, un soupire qui trahit la douleur qu’il éprouve et qui le transcende avec fureur.

Car son épaule est mutilée, une lame étant venue arracher sa chaire et visiter son corps au cœur de la nuit. Le cruel saltimbanque responsable de ce geste s’en est allé, abandonnant au creux d’un fossé les voyageurs qui ont eu la prétention de défier la prudence. Theos, fort d’un incomparable orgueil s’était efforcé, tout au long de la journée, de taire la gravité de sa blessure, n’indiquant qu’il ne s’agissait que d’une légère plaie. Mais plus les heures avaient avancé, plus son état s’était dégradé. La fièvre le tenait alité et le transportait dans des délires insidieux.

Deux voix vicieuses pénètrent son esprit et écartèlent sa raison.


- Sa jalousie te tue ! Elle ne te fait pas confiance, elle doute de toi, de tes sentiments, de la déférence que tu nourris pour elle !

- Ton comportement est aussi indigne qu’honteux ! A force de jouer avec le feu, tu te bruleras les ailes et finiras par te consumer dans les Enfers ! Ce que tu mérites incontestablement ! On finira par cracher sur ton nom, sur ton honneur !

- Elle voudrait que tu changes, que tu cesses de plaire, que tu deviennes l’un de ces hommes médiocres qui vivent comme des loques, dépouillés de leurs rêves et de leur virilité. Un minable bonhomme sans audace, sans insolence, sans ce charisme qui te caractérise tant.

- N’as-tu pas éprouvé de l’attirance pour une autre qu’elle ? Tes sentiments ne t’ont-il pas trompé pour te faire flirter avec l’impensable ? As-tu conscience d’avoir franchi les limites de la loyauté ? Tu deviens lubrique, animé par des désirs malsains ! Parviendras-tu à te maîtriser encore longtemps ? Ne finiras-tu pas par céder à ce que tu t’interdits depuis longtemps ?


La folie et la peur se déchainent dans sa tête, la terrible conversation se poursuit. Il se découvre vulnérable, il n’oublie pas d’être infaillible. La nuit sera longue.
Theos
[Castelnaudary – Oubli…]

Castelnaudary. D’Arenthon franchit les remparts cette ville où des myriades de souvenirs sont venues entacher sa mémoire. L’endroit marque les prémices de son apprentissage, de son voyage, de sa vie. C’est en ce lieu qu’il a décidé d’abandonner un avenir qui promettait d’être sage et dénué de toute inquiétude. Mais plutôt que de s’enfoncer dans un quotidien insipide qui ne lui aurait donné qu’une lointaine illusion de bonheur, il avait choisi l’aventure et la découverte, le palpitant et l’incertain.

Quelques pensées et sentiments avaient oublié de suivre et s’étaient échoués en Armagnac. Vers Elle. Celle qui avait perturbé sa raison et ses sens. Sans doute devait-il s’abstenir de tout regret. Elle n’avait pas même daigné répondre à la dernière missive qu’il lui avait fait parvenir, à ces mots teintés de confession qu'il lui avait écrits. Il commençait à douter de sa sincérité et de tout ce qu’elle avait prétendu éprouver pour lui. Et peut-être avait-elle déjà trouvé d’autres bras pour la réconforter, d’autres sourires pour lui faire oublier leur rencontre.

Il ne pouvait éprouver qu'un malaise face à ce qui était venu le bouleverser et la façon dont il s’était comporté. Il n’avait bien entendu pas sombré dans l’indécence et dans l’infidélité mais il avait conscience d’avoir joué avec le feu. Il s’efforçait à présent d’oublier cette connivence éphémère qui était née clandestinement et qui devait mourir silencieusement. Il s’imposait l’oubli à défaut de pouvoir nourrir de l’indifférence. Pour le moment en tout cas. Car il savait que le voyage qu’il avait entrepris aux côtés de son Autre l'éloignerait de ces détestables tracas.

A l’entrée de la ville, il accorda un regard reconnaissant à sa compagne. Elle demeurait fière, ses gestes transportaient l’élégance et la confiance. Mais il devinait la tempête qui faisait trembler tout son être de l’intérieur. Femme intègre, elle s’était pourtant retenue de lui cracher le mépris et le dégoût qu’elle aurait pu éprouver pour ce qui s’était produit en Armagnac. Elle avait agi avec discernement, étouffant la jalousie maladive qui brisait souvent sa sérénité et qui, si elle avait éclaté, aurait marqué la fin de leur couple. Jalousie qu’il apprenait à connaître et à apprivoiser. Il était temps pour lui d’essayer de changer et d’assumer les responsabilités qu’un futur marié doit satisfaire. Et aussi de rassurer son Autre sur ses envies et la façon dont il imaginait leur avenir.

Il tenait d’une main ferme les rênes de sa monture, marchant à ses côtés, son bras blessé collé contre son torse. Il espérait retrouver en cette ville la même exaltation qui s’échappait autrefois des tavernes.
Odenaiss
    { Le rêve d’Icare, ou le désir de l’homme de toujours vouloir aller plus loin… }


Il n'était pas mot de trop qui s'échappaient du sortir de la bouche de la Brune. Plus depuis qu'ils avaient quitté l'Armagnac, terres qui avaient vu naître bien des tensions au sein d'un couple qui paraissait pourtant si solide. Un couple... ? Son couple. Celui qu'elle formait avec son Ténébreux... Celui qui dès lors qu'elle le quittait un peu, s'en éloignant pour quelques raison justifiées, ne trouvait pas mieux que de faire le Paon auprès de donzelles insipides à souhait. De ces femmes, que d'un revers, elle aurait envoyé valser si besoin s'en fut fait.

Jalousie dirait-on ? Jalousie pensait-il ? Peut-être bien. Un sentiment que certains jugeraient malsain, mais qui pour elle n'était qu'une émotion venue se ranger au même titre que n'importe quelle autre. Occasion de laisser là, passer en son travers, l'expression d'un violent ressenti : celui de craindre perdre l'être chéri. Un besoin de prévenir aussi plutôt que d'avoir à guérir des blessures qu'elle savait difficile à refermer.
Et l'amour ? Se pouvait-il de toute façon d'exister sans ?
A elle de vous répondre que non. Qu'amour et jalousie était deux sentiments indissociables.

Ses lèvres scellées, c'est peine si elle accordait un regard à Theos, comme si de le regarder ne ferait qu'accentuer le mal-être. Comme si elle pouvait revoir au travers de ce regard qu'il posait sur elle, ce que peut-être il aurait pu ressentir pour une autre. Cette autre dont elle tairait le nom, car seul son envie était de le cracher.
Haineuse la Brune, il lui arrivait de l'être, surtout lorsqu'on cherchait lui enlever ce qui comptait le plus pour elle.
Et cette haine, elle fut à deux doigts de la lui faire avaler... A Lui venu la piquer en son âme. A deux doigts de laisser ses paroles aller bien au-delà de ses pensées.

Elle s'en était retenue, préférant rentrer dans une profonde introspection. Longuement, elle avait réfléchi sur le comportement qu'elle se devait d'adopter.
Continuer de sortir les griffes ou bien les ranger ?
Poursuivre aurait pu être néfaste à leur relation, elle le savait. Et pour ne pas risquer d'aggraver la situation, elle s'était montré clémente, ravalant sa colère, optant pour plus de sérénité.
Faire passer le message en douceur sans qu'il ne se sente agressé par ses propos.
A cela avait eu lieu un rapprochement en taverne qui lui avait valut de lui faire part de son ressenti.

"Ô jalousie, expérience précieuse, ni bonne, ni mauvaise... Destructrice autant que bénéfique. "

Oui, elle avait jalousé cette autre brune qui avait eu l'audace sans doute de croire pouvoir prendre sa place.
Oui, elle s'en était senti mal, désabusée.

Son but à présent : le faire savoir à son Autre, tout comme de lui faire prendre conscience qu'à force de vouloir jouer avec les limites, les repoussant plus encore à chaque fois, la barrière finirait par être franchie. Et à quel prix ? Prendrait-il le risque de la perdre "Elle" pour une donzelle du genre ?
Les mots étaient tombés uns à uns, la jalousie amoureuse qui, exprimée de la meilleure des façons, tout en douceur, était là de rabibocher les coeurs et de faire renaître les sentiments au fur et à mesure des confidences.

Qu'il change ? Ce n'était pas ce qu'elle voulait. Simplement qu'il veille à ne pas se lancer dans une bataille au cours de laquelle il ne saurait sortir vainqueur, car le désir de l'homme, de toujours vouloir aller plus loin dans sa quête, avait cela que de risquer devoir se retrouver face à face avec sa condition de simple homme.
Nul n'était infaillible. Il était parfois bon de se le faire rappeler.


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