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[RP privé] Vers Fécamp, le chemin du remords

Beldurian
C'est le coeur lourd que le jeune homme prit le chemin de Fécamp en plein milieu de la nuit, qu'il s'aventura dans ce premier voyage qui méritait d'offrir bien plus de surprises qu'il ne le pensait. Lui qui avait tant attendu le départ, qui avait tant espéré, qui imaginait ce qui pouvait bien se trouver au dehors de sa ville avec émerveillement, et qui s'attendait à faire de nombreuses rencontres, se trouvait en réalité bien seule au milieu de la forêt.

Seul, il ne l'était pas en réalité, voyageant auprès d'un compagnon qui le rassurait par l'expérience qu'il semblait avoir des chemins et des combats. Mais seul il l'était dans son coeur, celui-ci se serrant plus à chaque pas qu'il faisait pour s'éloigner de la ville qu'il aimait tant, de ceux qui l'avaient accueillis, et surtout de celle qui avait bien voulu lui offrir son coeur.

La forêt était sombre et la route était quelque peu rude pour un jeune voyageur inexpérimenté. Des craquements se faisaient entendre ici et là, présageant la présence de bêtes qui se transformaient, dans l'esprit du jeune homme, en quelques monstres venant s'emparer de son âme et...le libérer du lourd fardeau sous lequel il marchait.

Il n'était muni que d'un petit sac dans lequel se trouvaient quelques miches de pains, un peu d'écus et...une bouteille de Calva, qui était tout son réconfort. Pourtant, c'est courbé que le jeune homme marchait, la tête baissé, comme si son coeur et son esprit grossissaient de plus en plus à chaque pas, et que d'inlassables souvenirs de cette dernière soirée en taverne le prenaient et le tiraillaient.

Il savait qu'il avait fait un faux pas dans son existence, et que le gouffre n'était pas loin de le prendre. Faire pleurer la femme qui était dans son coeur, juste avant son départ, sans pouvoir la revoir et s'expliquer pendant plusieurs jours ! Voilà qui le torturait, lui qui pensait partir fièrement sur les routes et rencontrer quelques aventures. Une seule parole de celle qui faisait son boneur, une seule parole à laquelle il avait donné une fin de non-recevoir, fuyant devant une responsabilité qu'il aurait mieux fait d'assumer, il s'en rendait compte maintenant.

Profitant d'une halte avec son compagnon, le jeune homme s'empara de la bouteille de Calva qui était dans son sac, peinant à l'ouvrir avec sa main droite, ensanglantée, douloureux souvenir de la fureur qui l'avait pris en taverne et d'une table qu'il avait probablement fracturée avec son poing. La douce chaleur qui envahissait sa gorge tandis qu'il buvait semblait le ramener quelque peu à l'existence, ses membres se détendant quelque peu et ses yeux cessant de se lamenter. Le regard fixé sur la bouteille, qu'il devait encore économiser un peu pour en garder, il se mit à penser à celle qui lui avait confié pour son départ, Mabelle, une jeune femme assurément adorable et qui mériterait d'être à ses côtés pour lui prodiguer quelques conseils. Il la sentait près d'elle, avec cette bouteille, et se sentait moins seul, tandis qu'il laissait néanmoins quelques larmes se glisser subrepticement sur ses joues.

Mabelle...Mabelle...heureusement que cette bouteille l'aidait à se sentir accompagné d'une présence douce et rassurante ! Profitant des quelques minutes qui lui restaient avant de reprendre le chemin, il s'empare d'une feuille pour y écrire quelques mots, essayant en vain de retenir les larmes qui venaient malencontreusement parsemer la lettre. C'est avec un léger sourire que le jeune homme finit cette lettre, la laissant à son pigeon pour qu'il puisse la porter à la personne souhaitée. Ecrire...écrire...voilà qui le pousserait à exorciser quelque peu son âme, et à se sentir plus proche du lieu qu'il quittait, maintenant à regret.


File, dit-il à l'oiseau qui s'apprêtait à prendre son envol, file, porte ceci à Mabelle et apaise mon coeur.
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Beldurian
Le jeune homme était arrivé à Fécamp aujourd'hui, sans avoir été attaqué, Dieu merci ! Finalement, ce voyage semblait se passer plutôt bien...

L'angoisse qui tenaillait son coeur s'était petit à petit apaisé tout au long de la nuit, pendant cette marche interminable, pour ne faire place qu'à quelques souvenirs qu'il se résigna bien vite à ne plus jamais revivre. Le désespoir avait donc déjà cédé à la fatalité.

C'est en soupirant qu'il arrive à Fécamp, aperçevant au loin le village qui semblait déjà être animé. Il tenait à la main la bouteille de Calva que lui avait offert Mabelle, heureux d'en avoir gardé un peu, pour le retour. Il la rangea dans son sac doucement, ne préférant pas montrer aux habitants sa bonne disposition pour la boisson.

Il appréhendait quelque peu la rencontre avec les habitants, ne sachant s'il trouverait la force de parler normalement, de simuler le bonheur et de ne pas paraître l'homme le plus ennuyeux du monde...et peut-être le plus désespérant. Il avait néanmoins dans le coeur de rencontrer quelques personnes qu'on lui avait signalé et de les saluer, afin de faire plaisir aux Rouennais dont il était maintenant si éloigné. C'est avec cette décision en tête qu'il prit hardiment le chemin de Fécamp et qu'il fit les derniers pas avant d'arriver, bien décidé à faire de belles rencontres...quelle que soit sa situation actuelle.

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Beldurian
[Première nuit à Fécamp]

Le jeune homme se sentait las de sa journée passée à Fécamp, épuisé comme s'il avait travaillé dix fois plus qu'à l'habitude. Quelle vie, à Fécamp ! Il avait pu creuser à la mine d'or, une mine immense, qui pouvait sans doute compter une centaine d'hommes en son sein, et qui ne ménageait pas ceux qui y travaillaient. On y ressortait noir, épuisé, las et prêt à sombrer dans un paisible sommeil réparateur.

Mais c'était sans compter la chaleur et le dynamisme de Fécamp. Les tavernes y étaient pleines, et le jeune homme se laissa porter à les fréquenter. Il y fit de nombreuses rencontres, certaines qu'il n'était pas prêt d'oublier, notant tout ce qu'il y avait à savoir pour éviter les dangers qu'il y avait à fréquenter...certains personnages inquiétants et extraordinaires qui peuplaient cette ville !

Il n'avait pas autant bu qu'à son habitude, souhaitant garder les idées claires afin de profiter pleinement de la soirée. Il se rendait compte à quel point le monde pouvait être différent, à quelques pas seulement de Rouen, et comment son origine avait été moquée gentiment tout au long de la soirée. Comment ? On pouvait donc être sur cette terre et ne pas apprécier à leur juste valeur les Rouennais ? Voilà qui était étonnant ! Il s'était à maintes reprises reproché d'avoir mentionné d'où il venait, mais s'était finalement pris au jeu, quoi qu'il n'avait pas été converti au Calva de Fécamp pour autant. Un Dieppois avait même tenté de le persuader du bienfait de son Calva ! Les mêmes débats qu'il y avait déjà à Rouen se répétaient, ce qui le fit penser à Mabelle, mais également au fait que tout n'était peut-être pas si différent au final.

Il avait pu trouver un logement grâce à la générosité d'un homme fort amical, Numenor, tout Fécampois qu'il était ! C'est en sa demeure qu'il put également partager un bon repas, puis trouver un lit pour se reposer avant de travailler de nouveau à la mine le lendemain.

Le jeune homme, dans son lit, se sentait quelque peu tendu. Il repensait à sa journée bien remplie : il avait échappé à la malice de Laveternate, une femme médecin qui sans doute ne lui aurait pas permis de revenir vivant à Rouen, et cela grâce aux précieux conseils qu'on lui avait fourni avant son départ pour Fécamp. Il s'était également retrouvé malgré lui promis à une jeune fille qu'il n'avait d'ailleurs qu'à peine aperçu et dont il ignorait tout, si ce n'est qu'il n'accepterait pas cette main qu'on lui promettait pourtant assez douteusement. Il avait su résister aux différentes attaques qu'on avait pu faire sur Rouen sans en prendre ombrage, et avait échappé à la perversion du libertinage qui semblait s'offrir à lui en tout lieu. Fécamp, une ville de débauches et de surprises, assurément !

Mais ses pensées étaient tout particulièrement portées sur Rouen ce soir-là, encore une fois. Il n'avait cessé d'être qualifié de Rouennais, ce qui le renvoyait sans cesse à la ville dont il était parti, et dont il avait la facheuse impression qu'il l'avait fuit. C'est en débouchant la bouteille de Calva dieppois qu'il avait emporté qu'il se mit à relire une lettre qu'il avait reçu l'après-midi et qui lui avait donné des nouvelles de Rouen et de son potager. Ses yeux se brouillèrent à force de lire la lettre, sous l'effet de la fatigue autant que de l'alcool, et ses pensées tendaient à se substituer aux images qu'il avait face à lui.

Le remords ne le quittait décidément pas, quoi qu'il était parvenu à le cacher tout au long de cette journée et qu'il avait fait face, sachant rire et sourire afin de ne pas se montrer trop ridicule. Une journée de passée déjà, et le jeune homme attendait avec impatience de pouvoir repartir afin de revoir celle qu'il avait blessé en partant et de qui il voulait obtenir le pardon. Mais l'accordera t'elle ? L'incertitude nourrissait le remords tout autant qu'elle empêchait toute pensée rationnelle, le jeune homme se représentant la plus horrible des situations sans parvenir à calmer son esprit.

Du remords au pardon, sans doute la route serait-elle longue, et peut-être même bien plus longue encore qu'il ne le pensait, si cela était possible. Son voyage ne faisait que commencer.

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Beldurian
[Deuxième nuit à Fécamp : blessures de l'âme, blessures du corps]

Une deuxième journée à Fécamp se terminait pour Jean Beldurian, et le jeune homme commençait à se demander s'il pourrait supporter ce rythme encore trois jours. La ville était assurément dénuée de toute modération et tout y semblait excessif, tumultueux et sans aucune prédilection pour la lenteur. Les journées y étaient pourtant denses, chaque heure comportant son lot de nouveautés et d'imprévus qui transformaient en permanence le regard que le jeune homme pouvait porter sur ce qui l'entourait. Sans doute était-ce là l'effet du voyage qui demandait un état d'esprit nouveau ainsi qu'une autre manière d'asimiler les choses. L'exotisme et la nouveauté habituels aux voyages comme auxvoyageurs semblaient toutefois ici se teinter d'une coloration plus vigoureuse.

Comme à son habitude, le jeune homme en appella à sa mémoire pour renouer le fil de ce qu'il avait vécu dans la journée et ainsi porter un regard rétrospectif sur ce qui l'entourait, lui permettant d'apprendre bien plus encore que ce qu'il avait simplement perçu au premier abord. Il était heureux d'avoir pu répondre à une entrevue du journal de Fécamp et ainsi dissiper les malentendus comme les rumeurs qui semblaient se propager à une vitesse folle dans la ville et, craignait-il, pourraient peut-être même parvenir aux oreilles des Rouennais. Il attendait beaucoup de la publication de cette entrevue, sachant néanmoins que le journal pourrait bien déformer ses propos comme il l'avait fait peu de temps auparavant tandis que le jeune homme avait essayé d'y publier des annonces. Encore une fois, il était bien difficile d'être Rouennais en territoire Fécampois, quoiqu'il pensait conquérir petit à petit les coeurs de ces habitants tout aussi charmants qu'excentriques.

C'est en souriant doucement à ces réflexions que le jeune homme décida de retirer les bandages qui couvraient ses poignets. Voilà un bien étrange phénomène que les blessures, traces matériels profondément ancrés dans la peau et qui ravivaient assurément des souvenirs tantôt douloureux, tantôt plaisants. Chacune des douleurs que le jeune homme ressentait semblaient ainsi être constituée d'un mot, d'une phrase ou d'une expression qui ne cessaient de lui revenir en mémoire. Il regardait ses poignets brûlés, heureusement trop superficiellement pour que cela le marque à vie, mais suffisament pour qu'il ne puisse sans doute pas travailler à la mine le lendemain, et encore moins manier le bâton s'il était attaqué pour revenir à Rouen. Ces quelques colorations rougeoyantes sur sa peau l'inquiétaient quelque peu, se sentant touché dans son âme tout autant que dans son corps : brûlé pour sorcellerie ! Il n'en revenait toujours pas, et remerciait le Très-Haut de l'avoir sorti de ce qui aurait bien pu être un adieu à ce monde.

C'est en déposant un onguent que lui avait fourni un habitant de Fécamp, censé apaiser et accélérer la réparation de la peau, que le jeune homme laissa son regard glisser vers la blessure qu'il avait à la main droite depuis le début de son voyage, et qui lui rappelait douloureusement cette erreur qu'il avait commis et qui le hantait depuis le début, le pourchassant inlassablement d'un remords qu'il croyait impossible d'apaiser. Cette simple blessure, résultat d'un coup de poing somme toute banale contre une table afin de la briser, de rage, hantait sa mémoire bien plus que les deux poignets brûlés qui pourant se montraient bien plus douloureux. C'est que cette blessure là résonnait en échos à une autre blessure, plus profonde peut-être, en tout cas bien plus perfide et difficile à extraire, une blessure de l'âme qui meurtrissait jour après jour le jeune homme et l'épuisait. Fol est celui qui croit à l'importance d'une blessure, après avoir goûté à l'amère poison de la culpabilité et du remords !

Cette blessure de l'âme, il allait devoir encore la supporter quelques jours et s'y préprait ce soir, comme il s'y préprait chaque soir depuis son départ. Tout semblait pourtant différent, après l'épisode qu'il avait vécu aujourd'hui et qui avai failli lui coûter la vie : et s'il était mort sans pouvoir apaiser cette blessure au coeur ? Et s'il avait porté ce lourd fardeau jusque dans l'éternité ? N'était-il pas tant d'agir maintenant afin d'obtenir le pardon de celle qu'il avait blessé, prélude au pardon qu'il pourrait peut-être un jour se donner à lui-même ? Carpe Diem, lui avaient dit des amis de Rouen, des mots d'une langue inconnue mais dont il avait pu comprendre la signification qu'on lui avait donner : profiter du temps présent, cueillir cet instant et vivre, surtout vivre. N'était-il pas tant de s'essayer à ce précepte et de ne pas retarder plus longtemps le pardon qu'il se devait d'acquérir, dans la crainte de ne plus pouvoir l'obtenir par la suite ?

Une feuille, une plume pour écrire, et les premiers mots d'une lettre pour la personne à laquelle il pensait tant depuis son départ pour Fécamp, Floralise. Le courage a ceci de particulier qu'il échappe souvent dans les situations les plus importantes, celles qui pourtant peuvent changer le cours des choses. Une feuile déchirée, une plume jetée à travers la pièce, et un jeune homme s'effondrant en larmes sur son lit, s'épuisant à pleurer jusqu'à trouver le sommeil tourmenté et si peu réparateur des nuits d'inconsolable tristesse.

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Beldurian
[Troisième nuit à Fécamp : l'appel de Rouen]

Le jeune homme venait de terminer une longue lettre qu'il adressait à une amie, à Rouen. Il faisait nuit depuis bien longtemps maintenant, et le silence était complet dans la demeure qu'il occupait à Fécamp. L'éclairage intérieur était composé d'une douce lumière que dégageait une lanterne et qui contrastait avec les ombres menaçantes que celle-ci produisait sur les murs et sur le plafond. Le jeune homme vint ouvrir une fenêtre pour laisser un peu d'air frais glisser sur sa peau, et afin d'envoyer un pigeon qui arriverait sans doute le lendemain matin à Rouen. Un soupire, un regard porté au loin, dans la direction de Rouen, et le jeune homme referma la fenêtre pour se blottir dans son lit.

La situation devant laquelle il était ressemblait bien à cette lanterne qui laissait brûler un feu en son sein. La douceur et le réconfort que lui apportaient les lettres qu'il reçevait de Rouen se mariaient bien dans l'esprit du jeune homme avec la douce lumière qui éclairait les objets environnant. Pourtant, cette douceur avait un prix, et si les lettres qu'il reçevait brillaient par leur capacité à réconforter le jeune homme, elles faisaient apparaître comme bien plus éclatant encore l'absence d'une écriture, d'une voix, d'une chaleur qui seule aurait pu définitivement lui apporter le repos. Ainsi, de même que la douce lueur des bougies s'accompagnait d'ombres aux allures inquiétantes, de même les lettres qu'il reçevait le réconfortaient un temps mais lui faisaient savoir aussi que, de toutes les personnes dont il espérait des nouvelles, il en manquait une, et non des moindres, la seule qui serait en mesure de l'accompagner sur ce chemin qu'il avait emprunté il y a quelques jours maintenant et dont il ne voyait pas encore le bout.

Il se savait lui-même fautif, n'ayant jusque-là pas non plus envoyé de missive ni de nouvelles à celle dont il attendait tant. Un homme peut-il demander plus que ce qu'il offre lui-même ? Sans doute que non, et c'est pourquoi ce jour s'était ouvert sur un nouvel espoir, après qu'il ait pris la décision d'écrire enfin et de signaler sa présence et son remords à celle qui lui tenait tant à coeur. Toute lettre envoyée n'exigeait-elle pas une réponse ? Pas celle-là, savait le jeune homme, quoiqu'il n'avait pas cessé tout au long de la journée de laisser ses yeux se glisser sur le ciel bleu, dans l'espoir d'aperçevoir quelque pigeon qui lui était destiné. Un espoir était ainsi né, malheureusement, car tout espoir s'accompagne de désillusions certaines.

Cette lettre qu'il avait écrit le matin même et qui devait permettre d'assurer peut-être le salut de son âme, n'était-elle pas aussi ce qui allait dorénavant le tourmenter sans cesse et l'assaillir plus encore que l'incapacité qu'il avait eu jusqu'ici à exprimer ses sentiments ? Avais-je bien écrit ? se demandait-il. Et voilà que l'hésitation le gagnait petit à petit, repensant à telle phrase qu'il aurait bien mieux formuler, à tel détail qu'il aurait dû détailler, à telle chose qu'il aurait dû dire et à laquelle il n'avait pas pensé. Son esprit ne cessait ainsi de réécrire cette lettre en vain, de la corriger, de la raturer, de la compléter, en vain. Car c'est le coeur qui avait parlé ce matin, oubliant alors cet esprit censeur pour s'exprimer sans détours. Mais le coeur suffirait-il au pardon ?

C'est le corps, le regard et l'esprit tourné vers Rouen que le jeune homme se faisait ces réflexions, sentant naître en lui ce besoin d'y séjourner de nouveau. Mais elle aussi semblait revêtir l'ambiguité fondamentale qui caractérisait la lanterne qu'il avait maintenant cessé d'observer. Rouen n'était-elle pas aussi bien la ville de toutes les joies, de toutes les amitiés, d'un Calva à nul autre pareil et de paysages si magnifiques qu'ils semblaient détenir en eux les secrets du Très-Haut lui-même ? Mais n'était-elle pas également le lieu du drame, le centre autour duquel toutes les inquiétudes du jeune homme depuis son départ tournaient ? N'était-elle pas ce lieu du manque, ce lointain inacessible qui avait en son sein la seule âme qui faisait battre le coeur du jeune homme tout autant qu'elle le faisait horriblement souffrir ? N'était-elle pas le lieu où il avait découvert la possibilité de l'irrationnel, de la non-coïncidence à soi, qui était sans doute au coeur du malentendu qui déchirait actuellement son âme ?

Aussi bien, Rouen semblait faire entendre son appel dans le coeur du jeune homme et l'appeler à la rejoindre, tout autant qu'elle exerçait une pression mystérieuse qui l'angoissait quant à la possibilité d'un retour proche. Rouen l'appelait, mais il tardait à lui répondre, trop craintif sans doute, ses yeux fixant les ombres plutôt que les flammes. Mais il n'était pas dupe : le retour approchait, et avec lui le dénouement, un dénouement qui ferait de cet appel de Rouen ou bien un cri de souffrance, ou bien un cri de joie.

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Beldurian
[Dernière nuit à Fécamp, la veille du départ : inutile remords]

Citation:
Si les blessures que l'on reçoit se peuvent oublier
Celles que l'on inflige reviennent sans cesse nous hanter
Au détour d'une pensée, d'une parole ou d'un geste
Elles tiraillent la conscience qu'elles gangrènent comme la peste

Souvenirs amers et idées misérables
Se rejoignent et composent la plus triste des fables
Ternissant nos vies, ils offrent le dur reflet
Des actions que dès lors on appelle des regrets

Or le vrai repentir ne s'occupe que d'autrui
Il n'est pas fêlure d'égo qu'un pardon amoindrit
Il répare et s'attache à faire revivre les coeurs
Que ce que l'on a fait a percé de douleurs

Inutile remords.


Le jeune homme soupira légèrement en détournant le regard de la lettre qu'il avait sous les yeux. Ces mots qu'on lui avait écrit résonnaient fortement en son coeur et brouillaient tout ses repères. Le remords, ce chemin qu'il avait choisi d'emprunter depuis son départ de Rouen, ne serait qu'une impasse ? N'y avait-il rien au bout qu'un mur vitré devant lequel il ne saurait que se mirer, inlassablement, sans aucune échappatoire ?

Il parait le lendemain pour retrouver Rouen et pouvoir de nouveau admirer les hauts murs de la capitale et de son château, l'imposante majesté qui se dégageait des lieux rouennais, et surtout ces cheveux et ce sourire auquel il ne cessait de penser depuis son départ. À quelques heures de son voyage, un poème semblait avoir raison de lui et perturber son analyse de la situation, la logique qu'il avait patiemment construite pour justifier une situation injustifiable. "Le vrai repentir ne s'occupe que d'autrui", avait écrit l'auteur de ces mots, et ceux-ci sonnaient à l'oreille du jeune homme comme une violente charge contre tout ce qu'il avait pu penser précédemment.

Le jeune homme avait entendu l'appel de ces mots tout au long de la journée, il les avait médités longuement, et pensait maintenant comprendre qu'il ne lui faudrait plus regarder au fond de lui-même pour trouver la solution à son problème. Il lui faudrait lever les yeux, demain, regarder en avant, fixer le chemin qui s'ouvrait devant lui et qui le mènerait non seulement à Rouen mais également à cet autrui qu'il avait sans doute trop négligé auparavant.

Devant la maison de celui qui l'hébergeait, le jeune homme rangea la lettre dans sa poche avant de lever les yeux au ciel pour admirer les étoiles un instant, ces étoiles que sans doute il n'était pas seul à observer cette nuit-là. Douce communion avec des âmes semblables, sentiment de gratitude envers la nature et ses merveilles.

Arrivé dans sa chambre, il n'attendit guère longtemps avant de sortir de son sac un petit objet que lui avait fabriqué le charpentier de Fécamp, Montana. La statuette confectionnée était en bois, d'un aspect bien particulier en réalité. Le jeune homme sourit doucement, l'observant un moment, un long moment, avant de la déposer sur le rebord de la fenêtre, à côté de là où il dormirait, afin de pouvoir observer l'objet tout à loisir pendant la nuit. Il s'agissait d'une clé en bois, maintenue par un petit socle qui permettait de la déposer sur le sol, une clé semblable à celle qui permettait d'ouvrir les coffres les plus mystérieux, fait à partir d'un bois fin d'une rare qualité. Une fleur y était finement gravée dessus, une fleur jaune, cette couleur que le jeune homme affectionait tant et qui lui rappelait bien des plaisirs. La statuette faisait ainsi office de fétiche symbolique, d'objet de mémoire que le jeune homme comptait bien garder jusqu'à la fin de cette histoire. Au moins suffirait-elle à le rassurer, pensait-il, pendant ces nuits de solitude qui l'attendaient, en rappelant au jeune homme la seule chose véritablement essentielle dans son existence, en attendant de pouvoir transmettre cet objet à qui de droit.

"Inutile remords", voilà ces mots qui revenaient et qui l'obsédaient tandis qu'il se débattait avec son esprit pour essayer de trouver le sommeil. La route serait longue demain, et ce repos lui était nécessaire. Mais si le corps finissait par lâcher prise et par se laisser bercer doucement par le silence de la nuit, l'âme quant à elle ne trouvait pas encore le repos, et sans doute ne pourrait-elle la trouver que tout au bout du chemin, non plus celui du remords, chemin parsemé d'embûches et qui avait été un véritable échec, mais celui du plaisir pris à la simple présence d'une femme aimée. En somme, le chemin du retour qui devait le mener à la capitale de Normandie. Le chemin de Rouen.


Fin de ce RP.

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