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[RP] Nous ne sommes pas des hérauts...

Lacoquelicot


    [...mais pourquoi pas des chevaucheuses?]


    S’il y avait bien une chose qui provoquait l’émerveillement de la jeune Ella, c’était tous le folklore autour de la noblesse. Elle qui n’était qu’une fille de ferme avait découvert en vivant aux côtés d’Actarius le faste des cérémonies, les couleurs chatoyantes des blasons et des couronnes, les tenues brodées d’or et de perles et toute ces choses merveilleuses et délicates qui régissaient la vie des nobles. Au centre de tous cela, Ella le savait bien, se trouvait l’Hérauderie de France chargé d’accorder les violons de toute la noblesse du Royaume et d’édicter les règles. Il y a quelques jours à peine une annonce était parue, rédigé de la main même de la terrible Montjoie, pour informer chacun que l’institution recrutait… La jeune rousse ne se voyait pas héraut, pas encore, pas si tôt. Mais tout comme la diplomatie, la jeune protégée du Comte était avare de savoir et comptait bien apprendre et explorer la voie héraldique pour que dans un an et des brouettes, lorsque la majorité lui sera acquise, elle puisse enfin prendre une charge officielle et devenir quelqu’un ! Ella prit donc sa plume et son courage à deux mains pour écrire à la glaciale afin de voir s’il était possible d’apprendre en attendant l’âge de raison pour pouvoir faire.

    Les jours qui suivirent furent animés par quelques courriers échangés. Des explications furent données, des réponses apportées et finalement une rencontre fut décidée dans l’une des pièces du château comtal. Comme pour chaque rencontre qui avait eu lieu avec l’Ingeburge, Ella - traumatisée par leur première rencontre - avait apporté un soin tout particulier à sa tenue. Le noir - couleur réservé de la Glaciale - avait été bannie au profit d’un vert discret qui mettait en valeur ses yeux et sa chevelure flamboyante rassemblé en chignon. Chaque détail avait été étudié dans le but de ne pas froisser la roi d’arme. Non pas que l’humeur de cette dernière importait beaucoup à Ella, mais si son comportement n’était pas irréprochable envers la bourguignonne les foudres du Phénix ne tarderaient pas à s’abattre sur elle. Et ça, la jeune fille ne le souhaitait en aucun cas ! C’est donc avec quelques minutes d’avances qu’Ella fit son entrée dans la salle du château ou le rendez-vous avait été fixé. Loin de se douter qu’elle ne serait pas la seule candidate, la rouquine entreprit de faire les cent pas pour calmer ses nerfs en attendant la RA.

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image originale: Mothart
Gabrielle_blackney
« Mes faux pas me collent à la peau…»
- Daniel Balavoine -

La hérauderie c’est beau. Un héraut c’est un type qui se balade avec ses plumes, ses parchemins, ses couleurs et qui dessine des blasons trop beaux. Oui, y’a aussi un peu des lois, des règles et toute cette sorte de choses, mais Gabrielle voyait surtout la partie artistique du travail. Avec son vocabulaire d’initiés et mystérieux pour le néophyte.

Gabrielle était née noble. Un sang bleu. Plus bleu que beaucoup de gens en ce Royaume. Mais son éducation avait été celle d’une bourgoise. Une bourgoise de haut niveau avec précepteur et tout le tralala, mais pas plus.
Gabrielle était noble. Mariée à un fils de Duc. Renié et déchu certes, mais qui n’en demeurait pas moins un nobliau. Et non des moindres.
Oui, Gabrielle était noble et elle était partagée entre une acceptation naturelle de sa condition et de son rang et un rejet des obligations qui en découlaient.
La hérauderie et ses secrets étaient source de fascination pour la brune, les clés de la noblesse étaient là, derrière les portes closes des bureaux des hérauts un peu partout dans le Royaume

Et puis elle avait rencontré Montjoie, la Roy d’Armes et pour tout dire, la femme intriguait Gabrielle. Une noble trés noble, très titrée, qui terrifiait les gens de la haute. Et pourtant, plus accessible qu’on ne lui avait dit. Froide, oui, peut-être bien, mais rien de bien affolant. En tout cas, elle ne faisait pas peur à Gabrielle. Elle lui semblait juste. Et elle incarnait sa noblesse avec une évidence qui impressionnait la jeune femme.

Mais, histoire de ne pas s’attirer les remontrances de son mari, elle était venue au rendez-vous correctement vêtue, en robe donc, histoire que la dame en noir ne s’arrête point sur ses braies. Bien coiffée. Et elle avait également délaissée son épée, on n’entre pas au château comtal armé comme un soudard.

De loin, elle reconnue la chevelure rousse d’Ella et elle hâta le pas vers sa jeune amie.


- Ella ? Je ne pensais pas te trouver ici ! Toi aussi tu veux être héraut ?

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Lacoquelicot


    97, 98, 99…

    Cent pas avaient été fait quand une voix dans son dos la fit sursauter, trahissant l’esprit si peu tranquille de la demoiselle. Gabrielle était là, devant elle. Et Ella, la bouche ouverte et le regard surpris, ne put s’empêcher de la dévisager de bas en haut. L’œil inquisiteur de la morveuse ne manqua pas d’analyser le moindre détail de la tenue de sa - vieille - amie. Gab, tu es… Magnifique ! Mais la demoiselle n’avait pas besoin de le dire pour que la Montbazon sache la fin de sa phrase. C’est ainsi, depuis deux mois qu’elles se fréquentaient, elles commençaient doucement à se connaitre. L’aînée ayant vite pris la place de modèle dans l’esprit égarée de la cadette. A défaut d’avoir une mère, Ella avait un exemple qui remplissait à merveille son rôle pour le moment.


    Ella ? Je ne pensais pas te trouver ici ! Toi aussi tu veux être héraut ?
    Non, enfin si, mais j’ai pas le droit. Faut 14 ans au moins pour l’être.
    Mais en attendant je peux être chevaucheuse. C’est pour ça que je suis là !


    La Fleur cacha son anxiété derrière un large sourire. Dans l’art héraldique rien ne l’effrayait vraiment. A force de dessiner des grenouilles en taverne son coup de pinceaux avait pris en assurance et côtoyer la noblesse à longueur de journée commençait à porter ses fruits. Les règles s’imprégnaient doucement, créant d’elles-mêmes reflexe et retenue devant les couronnes inconnues. Ella progressait donc, et ne craignait rien en matière héraldique si ce n’est une chose. Les émeraudes se posent de nouveau sur sa le visage de sa comparse.

    Gabrielle… tu crois que pour être chevaucheuse faut savoir monter à cheval ?

    A chacun ses peurs, ses angoisses, ses handicapes. C’est ce qui fait de nous des êtres uniques et humains. Personne n’est infaillible. Et la jeune protégée du Comte se connaissait deux grandes entraves. Son manque d’identité et les chevaux. Allez savoir pourquoi ? Invariablement, ses deux éléments anodins pour la majorité d’entre nous se dressaient devant la rousse à chaque moment important. Un vilain bâton dans ses roues qui l’avait de nombreuse fois fait trébucher, au point qu’elle en devenait de plus en plus craintive à force.

    Mais ayant peur de la réponse, Ella poursuit.

    Et toi? Tu veux être un héraut?

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image originale: Mothart
Ingeburge
D'aussi loin qu'elle s'en souvînt, Ingeburge n'avait pas voulu être héraut. Des traditions danoises en la matière, elle ignorait tout, ayant quitté le royaume scandinave jeune et n'ayant jamais cherché à faire valoir de quelconques droits sur un héritage dont elle ignorait tout – elle s'était simplement bien mariée, puisque uniquement élevée pour convoler en jutes noces et avait, sous l'égide de son époux d'alors, commencé à s'investir en Provence. La Provence, voisine, cousine et ennemie du Languedoc. C'était peut-être aussi pour cela que l'héraldique ne l'avait pas attirée : les Provençaux faisaient des trucs bizarres et on peut le dire, moches. Son intérêt pour la chose héraldique se limitait aux droits dont elle pouvait jouir; elle avait ainsi donc un peu sottement et sans ne rien y connaître autorisé le prétendu marquisat à s'occuper de la noblesse provençale. Son attirance n'avait pas davantage décollé quand promue Connétable de Rome, elle avait été bombardée dans le même mouvement coresponsable du collège héraldique romain, rien que ça. Elle laissait les autres faire et avait une filleule très douée pour s'occuper de ses affaires. Puis, elle avait quitté le Saint-Empire et son folklore pour une Bourgogne dont elle était devenue la duchesse quelques semaines après son installation. Et là... Là, « hérauderie » n'était pas un vain mot et elle avait découvert tout ce qu'elle avait ignoré jusque lors et avait commencé à martyriser le poursuivant local devenu héraut et son maître. Theudbald de Malhuys lui avait montré le chemin, présenté les rudiments, l'avait initiée au langage héraldique, fait découvrir de vieux parchemins, cartulaires, armoriaux, l'avait encouragée à postuler à une marche de généalogie. Ainsi tout avait débuté.

Et aussi loin qu'elle s'en souvînt, ce qui était plus récent tout de même, elle n'avait pas voulu être Roi d'Armes de France. Quand son nom était sorti après la révocation de Thomas de Clérel, elle s'était mise d'elle-même en retrait. Elle avait aussi peu avant refusé le maréchalat, ne s'en sentant pas digne. Et aujourd'hui encore... Mais voilà, quand Perrinne de Gisors-Breuil avait démissionné à l'automne mille quatre cent cinquante-neuf, Ingeburge finalement devenue maréchal avait reçu une lettre l'enjoignant à se présenter et elle l'avait fait, pas convaincue pour deux sous, sans aucune envie même; elle ne s'était exécutée que parce que le billet émanait de la seule personne à laquelle l'on ne pouvait rétorquer non quand on sert la Couronne de France. Cette couronne aveuglante posée sur la tête de sa correspondante l'avait contrainte à accepter de postuler. Le collège héraldique s'était prononcé, sans départager personne et le Grand Maître de France, avec avis de la reine Nebisa, avait tranché. Elle l'avait senti le couperet sur sa nuque gracile quand elle avait gagné le droit de pouvoir crier « Montjoie! Saint-Denis! » si l'envie lui en prenait. Depuis ce jour sinistre, elle était restée vissée sur l'échafaud où elle avait été exécutée et recevait de temps à autre déclarations d'amour bien senties comme les condamnés à mort recevaient légumes pourris et imprécations; toutes étaient conservées avec dévotion. Depuis ce jour sinistre, elle passait plus de temps à répondre à des lettres, à trancher des litiges, à proférer des menaces avec une neutralité confondante et à jouer les confesseurs pour nobles entre deux réunions à la Curia Regis.

Tout cela pour dire qu'elle comprenait que l'on eût envie de devenir héraut car elle aurait voulu l'être encore, quitter cette défroque de Roi d'Armes de France qui en plus d'être bleue et donc laide lui collait à la peau. Elle n'était plus que Montjoie, en toutes circonstances, du matin au soir, en public ou en privé, et elle l'était surtout quand elle était Ingeburge et qu'il n'y avait aucune raison qu'on la vît autrement. Sa personne avait disparu derrière la charge. Ingeburge aurait voulu pouvoir dessiner aussi longtemps qu'elle le voulait, se perdre dans l'étude des registres notariés sans avoir à s'inquiéter du temps qui file et ne se rattrape et sans se dire que si elle ne répondait pas tout de suite, elle prendrait du retard. Béni le temps où elle n'était que Phylogène, un héraut parmi d'autres, un piou-piou s'épanouissant à l'ombre protectrice de Montj'Oie. Mais voilà, elle devait protéger et défendre maintenant et ne plus dessiner, elle devait intervenir et régler les litiges et non pas passer ses journées à visiter des fiefs et à en vérifier le bornage, à imaginer des armoiries, à mettre à jour des nobiliaires. Etait-ce pour cela qu'elle avait conservé la marche du Languedoc sous sa tutelle directe? Pour garder encore un lien avec la réalité et ne pas être celle qui trônait tout en haut, enfermée en la chapelle Saint-Antoine? Peut-être même si en tant que noble elle-même, elle connaissait une partie des aspirations de ses pairs et n'était pas vraiment coupée.

Oui, mieux que quiconque, elle comprenait que l'on voulût devenir héraut, elle avait conservé intact son enthousiasme, elle aimait toujours à découvrir, à apprendre, à chercher, à dessiner et cette flamme-là ne faisait en fait que prendre de l'ampleur. Aussi ne refusait-elle jamais de prendre quelqu'un sous son aile, par conviction d'avoir contracté une dette perpétuelle qu'elle ne pouvait honorer qu'en transmettant à son tour. Faire un feu s'apprenait et s'enseignait, c'était nécessaire pour survivre et quand on avait goûté à la chaleur de l'héraldique, on ne pouvait plus s'en passer. C'est ce qu'elle ferait aujourd'hui, on plutôt, elle s'enquerrait des motivations de celles qui l'avaient sollicitée et verrait si elles possédaient quelques braises sur lesquelles il pourrait être intéressant de souffler. Deux demandes différentes pour la même volonté, celle de faire croître la flammèche en belle flamme crépitante.

Ainsi donc la glaciale Montjoie qui détenait comme d'autres le feu sacré s'en vint dans la pièce du château comtal où elle avait demandé à ce qu'on installât les apprenties pyromanes. De celles-ci, elle ne savait que peu et en cherchait à découvrir que ce qui l'intéressait et c'est donc en toute retenue qu'elle les salua aussitôt entrée dans la salle :

— Ma dame, ma demoiselle, le bonjour.
Il n'y eut pas un mot de plus et il n'y en aurait jamais de superflu. Lentement, elle alla rejoindre un fauteuil, accompagné sur bruissement délicat de la soie sur le sol et dans la même tonalité soyeuse, s'assit sur le rebord de son siège. La reliure de cuir qu'elle portait entre ses mains fut déposée sur la table qui lui faisait directement face et qui la séparerait aussi physiquement qu'elle était symboliquement séparée de la rousse et de la brune de celles-ci. Sur le plateau, des feuilles de parchemin, des godets, des plumes, des pinceaux, une foule d'objets dédiés à l'enluminure.

Son regard froid passa de l'une à l'autre, dépourvu de vie.


EDIT : Fôtes
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[Indispo pas prévue, rattrapage en cours.]
Gabrielle_blackney
« I see a red door and I want it painted black
No colors anymore I want them to turn black »

- The Rolling Stones -

D’aussi loin qu’elle s’en souvint*, Gabrielle n’avait jamais eu conscience de sa noblesse. Un père vicomte ? La belle affaire. Il avait déserté le foyer dans sa petite enfance, elle devaut avoir 5 ans. Et elel était restée seule avec sa mère. Une éducation de bon niveau certes, de l’argent certes, mais poins d’ostentation, sa tisserande de mère s’était chargée de son éducation et de son instruction. Puis elle avait confié sa fille aux mains d’un précepteur que la petite fille avait tenté de fuir par tous les moyens possibles. Et puis sa mère était morte. Gabrielle avait l’âge d’Ella. Elle avait vendu la boutique et l’atelier à l’intendant de sa mère, avait refusé son offre de rester auprès de lui. Elle n’avait aucune envie d’être tisserande elle. Elle voulait retrouver son père. Alors elle était partie sur les chemins, avait rencontré un beau marin anglois et s’était retrouvée dans une chambre miteuse au dessus d’une taverne à catin du port de Douvres sans vraiment l’avoir cherché. Et elle avait nié son éducation, avait appris l’anglois, à boire, à jurer, à jouer au ramponneau. Gabrielle était devenue Bonnie et avait oublié d’où elle venait… Jusqu’à ce matin. Un matin comme les autres où elle s’était réveillée et s’était demandée ce qu’elle foutait là, loin de son pays, loin de ses racines, loin d’elle.
Alors elle était partie, en laissant juste une lettre.

Elle avait reposé ses bottes sur la terre qui était la sienne, celle que son père avait défendue lors de moultes guerres et batailles. Et puis elle l’avait croisé Lui. Un nom qu’elle avait enterré était ressorti. Et plus tard une lettre était arrivée lui apprenant ce que sa mère lui avait toujours caché. Des secrets de famille, des choses qu’on ne dit pas, des choses qu’on a oublié, d’autre qu’on veut juste cacher. Alors Gabrielle avait commencé à fouiller dans son passé, à s’intéresser aux registres, à se demander pourquoi elle n’avait ni blason ni sceaux. Pourquoi elle n’avait pas d’héritage. Pourquoi Enzo n’avait plus de nom. Oui, Gabrielle avait commencé à renouer avec son éducation, avec son sang surtout, un sang bleu. Et elle voulait connaître et comprendre.

Elle sourit à Ella sans lui répondre. C’est que Gabrielle ne savait pas ce qu’était une chevaucheuse dans le monde héraldique.
Et pas le temps de demander puisque Montjoie venait d’apparaître. Gabrielle inclina légèrement la tête vers la dame en noir et répondit à son salut.


- Votre Altesse.


Gabrielle réalisa soudain qu’elle ne savait pas bien ce qu’elle faisait là et qu’elle n’y connaissait rien, mais rien du tout, en art héraldique. Tous ces « tranché », « écartelé », « taillé » restaient mystérieux.
Passer pour une cruche devant Montjoie, la journée s’annonce bien !


Traduction de la citation :
Je vois une porte rouge et je la voudrait peinte en noir
Plus aucune couleur, je veux qu’elles deviennent toutes noires

*Nan je copie pas, ça s’appelle un emprunt (en l’occurrence à JD Ingeburge juste au dessus)

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Lacoquelicot


    Les réponses à ses questions ne vinrent jamais, balayés par une porte qui s’ouvre et la silhouette sombre qui s’y découpe à contre-jour. Le charisme de l’Ingeburge est tel qu’il impose le silence le plus total à l’assistance. D’abord détestée, la Roy d’Arme bien qu’impressionnante se fait peu à peu modèle dans la caboche rouillé de l’enfant. Si Ella devait être noble un jour, elle serait comme la Princesse, distante mais d’une élégance sans égale. Selon la jeunette, la danoise était la représentation parfaite de la noblesse qu’elle incarnait de cérémonie et cérémonie. Et malgré qu’elle soit une rivale en ce qui concernait le temps précieux de l’Actarius, s’il fallait un jour une source d’inspiration se serait-elle, et personne d’autre. Les mains jointes devant elle, la môme s’inclina respectueusement devant Montjoie.

    Lo bonjorn, votre Altesse.

    Sans plus de préambule, la Glaciale s’avança jusqu’à la table prévu pour la rencontre et s’installa devant ce qui ressemblait pour la damoiselle à une caverne d’Ali-baba. Juste sous son nez s’éparpillait tout l’attirail nécessaire à un bon héraut. Encre, plume, pinceaux dormaient là, dans l’attente qu’elle s’en saisisse pour réaliser son rêve. Un doigt curieux ne put s’empêcher d’aller caresser les franges d’un pinceau à pointe ronde. Etait-ce du lièvre, de l’écureuil ou du daim. Ella n’aurait su le dire. Mais la qualité du matériel à disposition suffisait déjà à l’émerveillée et l’impatience s’infiltrait doucement en elle.

    Contrairement à Gabrielle, les Echiquetés, Gironné, Fuselé et Fretté lui parlaient. Les nombreuses heures passées dans les bibliothèques commençaient doucement à porter leur fruits tant en héraldique qu’en diplomatie. Ella apprenait. Les lois héraldiques avaient été lues de nombreuses fois sans toutefois être comprise dans leur ensemble. Et l’envie d’en découdre avec ce sujet si vaste était bien présente. Si bien que la jeune fille leva le nez pour croiser le regard glacial de Montjoie. Moment de flottement, la main délaisse le pinceau pour se ranger le long de sa hanche à peine dessiné et la Fleur articule.


    Par quoi devons-nous commencer ?

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image originale: Mothart
Ingeburge
« Par vous taire » eût été la réponse appropriée et celle-ci aurait pu claquer dans l'air sans qu'Ingeburge eût à faire d'effort car s'il y avait bien un point parmi la foule de choses auxquelles la néo-marquise de Dourdan ne transigeait pas, c'était la question du respect qui lui était dû. On ne prenait pas la parole en sa présence sans qu'elle l'eût autorisé, et ce d'autant plus quand c'était elle qui recevait. Seulement voilà, la Danoise était encore dans ses pensées, se remémorant encore comment elle qui ne connaissait strictement rien en devenant poursuivante de Bourgogne en était arrivée là et puis, facteur extra-héraldique mais plus que capital, elle avait bien trop de problèmes avec Actarius d'Euphor pour ajouter le cas de la Protégée aux querelles qui ne manquaient pas d'animer leurs rencontres – m'enfin, ça, c'était quand il se souvenait qu'elle existait. Bref, elle n'en dit rien, le message passerait une autre fois mais ce qu'elle releva, ce fut comment elle avait été appelée et elle rectifia machinalement et sobrement :
Montjoie.
Si elle était irritée qu'on lui donnât de son nom héraldique en toute occasion et spécialement quand elle faisait tout sauf être Roi d'Armes, elle se faisait fort de corriger ceux qui l'appelaient autrement quand elle était sauf Ingeburge.

La rectification apportée, elle dit encore :

— Je sais que dame Gabrielle avait manifesté son intérêt pour l'héraldique au cours d'une visite à l'atelier de Mercure comme je sais que toutes deux avez postulé au dernier examen héraldique mais il faudra me dire ce qui vous intéresse et vous motive, afin que je puisse juger si vous accueillir au sein de la marche languedocienne est le plus approprié. Mais nous y reviendrons, je vous propose d'abord de nous atteler à un aspect concret de la tâche qui attend tout membre de la Hérauderie de France. Le dessin.

La reliure fut ouverte et elle poursuivit :
— Je vais vous demander de me réaliser trois croquis à partir de blasonnements que je vais vous fournir. L'idée n'est pas que vous me rendiez un blason parfait mais que je puisse évaluer ce que vous êtes en mesure de réaliser. Je n'ai donc aucune attente particulière. Vous avez sur cette table de quoi confectionner vos dessins.

Un léger mouvement du menton accompagna cette précision, puis, son regard quittant Ella et Gabrielle, elle révéla ce qu'il fallait dessiner, faisant lecture du parchemin sorti de sa pochette :
— « D'azur, à trois quintefeuilles de sinople. »
« Ecartelé en sautoir : en I et IV, d'argent, à une rose de gueules boutonnée du champ et pointée de sinople; en II et III, d'or, à une croix ancrée de sable. »
« De gueules, aux trois pals alésés au pied fiché d'argent. »


Le vélin fut glissé vers la rouquine et la brune, pour qu'elles puissent bénéficier du blasonnement précis et là-dessus, Ingeburge se leva :
— Pour que vous puissiez vous concentrer au mieux, je vous laisse seules à cette table. Je demeure ici mais à l'écart. Vous pourrez m'appeler quand vous aurez fini.

Sans un mot de plus, elle s'éloigna de sa place pour se poster devant une fenêtre, bras croisés.
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[Indispo pas prévue, rattrapage en cours.]
Lacoquelicot


    Elle n’avait eu pour réponse qu’un « Montjoie » qui avait claqué dans l’air chaud de la salle comme un coup de fouet. Il n’en fallu pas plus pour figer l’Ella. Droite comme un I auprès de la table, la mine contrite, la môme écoute. Sagement. Très Sagement, car l’hérauderie est un rêve qui coute cher et la rousse compte bien le réaliser sans bévue. Le silence revenu, la Glaciale poursuit en ouvrant la reliure de cuir sur la table-barrière qui les sépare et donne trois blasonnement qui à la première écoute ne lui évoque rien. Ils l’impressionnent même, ces maudits mots, alignés soigneusement les uns à côtés des autres. Quand Actarius parlait Occitan ça lui faisait exactement le même effet. Dieu merci, la Bourguignonne n’attendait pas quelques choses de parfait. Heureusement, car il était certain que les blasons fournit ne le serait pas.

    Attentivement, la morveuse relu les trois blasonnements, buttant sur presque chaque mots. Pourtant elle les connaissait, les heures passées à la bibliothèque n’avaient pas été vaines. La Fleur leva alors le nez vers sa comparse brune pour voir si celle-ci semblait plus inspirée. Pas vraiment lui sembla-t-il… Quoique ! Jugeant son temps de réflexion bien assez long comme ça, Ella s’empara doucement d’un parchemin et du nécessaire de dessin. Il fallait bien se lancer un jour après tout.


    D'azur, à trois quintefeuilles de sinople…

    A la gauche du vélin - positionnement peu commode pour la suite - les contours d’un blason furent esquissés avec application. La langue tirée au coin des lèvres, signe d’une extrême concentration l’azur fut déposé. Trop d’eau malheureusement firent gondolé le support et marbré légèrement la couleur. En peinture tout est affaire de dosage. Erreur classique de débutant. Une esgourde attentive aurait pu entendre un « Holly Excrement » s’échapper tout bas du souffle de la jeune fille. Tant pis le prochain sera plus joli ! Pour les meubles, erreur fatale, si la jeune rousse a bien compris qu’il y avait une histoire de feuille verte. Les chiffres dansent et s’emmêlent ! Cinq et trois s’inversent sans même qu’Ella sans rende compte. Tant pis pour elle…

    Ecartelé en sautoir…
    En I et IV, d'argent, à une rose de gueules boutonnée du champ et pointée de sinople;
    En II et III, d'or, à une croix ancrée de sable.


    Tout se complique… La tête est prise entre ses mains, le temps que la mémoire parle. Ecartelé en Sautoir… Ecartelé en Sautoir. Une croix penchée ! Le nom a été mal choisit, se dit elle intérieurement, ce n’est absolument pas parlant pour les novices ! Discrètement la rétine se porte au coin de l’œil pour voir ou en est rendu la Gabnifique, et pour aussi s’inspirer de ce qui aurait pu être déjà réalisé. Mais le vélin n’est pas en vue et la tricherie impossible ! Zut !

    Zuuutt !! Mortecouille !

    L’inattention est un bien mauvais guide, une tâche d’or est venue se loger sur le bord de l’œuvre gâchant tout l’esthétique d’un blason pourtant bien parti. Les mains s’affolent, l’esprit panique ! L’excès de pigment est absorbé doucement avec un bout de chiffons, mais la trace de sa maladresse reste fermement ancrée au parchemin. La mine rageuse, l’apprentie héraut fini son second blason en serrant des dents. S’en est fini de sa carrière de héraut elle en est certaine ! Les roses sont dessinées rapidement. Ainsi que les croix, s’en prêté attention au modèle demandé. Les croix occitanes sont bien plus jolies de toute manière !!

    De gueules, aux trois pals alésés au pied fiché d'argent.

    C’est le moral dans les chausses que le troisième blason est entamé bien au milieu de la feuille. Et malgré une erreur de couleur dont elle ne se rend pas compte la demoiselle est plutôt rassurée par ce blason. Si bien qu’un lambelle est dessiné avec application. L’ennemi du bien et le mieux et à trop vouloir bien faire, la jeune fille gâche encore un peu plus son examen déjà mal amorcé. Peu lui importe au final, l’adolescente est plutôt fière de son parchemin et après un dernier regard de contrôle qui ne lui apporte rien, elle se lève pour s’approcher de la Glaciale.

    Montjoie ? Voici.



    Le tambour dans son cœur bat à tout rompre.
    Elle ne sait pas vraiment si elle doit retourner s’asseoir ou attendre ici.
    Alors elle guette une réaction, priant pour que la bourguignonne sourit.
    L’espoir fait vivre. Un sourire d’Ingeburge…


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image originale: Mothart
Gabrielle_blackney
"Nous devrions garder la couleur de la vie, mais ne jamais nous souvenir des détails. Les détails sont toujours vulgaires."
- Oscar Wilde -

Ah oui, merde, elle le savait en plus que le Roy d’Arme c’est pas « votre altesse » mais « Montjoie ». Votre Altesse, c’est Ingeburge. Et même si Montjoie, Ingeburge, le Roy d’Armes et l’Altesse sont une seule et même personne, il vaut adapter les appellations aux circonstances. Pas simple tout ça. Un léger soupir avant de poser ses yeux bleus sombres sur la dame en noir. Et d’écouter. Quand Montjoie est là, on écoute et on se tait. Gabrielle suit le mouvement de tête et regarde tout le matériel à disposition. Un petit sourire se dessine sur son visage. Pas pour longtemps. Blasonner ? Mais Gabrielle ne sait absolument pas blasonner !
« D'azur, à trois quintefeuilles de sinople. »
« Ecartelé en sautoir : en I et IV, d'argent, à une rose de gueules boutonnée du champ et pointée de sinople; en II et III, d'or, à une croix ancrée de sable. »
« De gueules, aux trois pals alésés au pied fiché d'argent. »
Ahem. Les couleurs, elle a compris. Quintefeuilles ? Ecartelé en sautoir ? Boutonnée du champ ? Pals alésés ?
Sérieusement ?

Gabrielle soupire. Elle jette un œil à la rouquine qui a l’air plus inspiré qu’elle. Une petite moue. Comment Montjoie pense-t-elle qu’elle puisse connaître tout ça ? Parce que si elle savait, elle n’aurait plus besoin d’apprendre et donc elle pourrait passer directement l’examen. Un soupir. Encore un. Bon, elle ne va tout de même pas rendre une feuille blanche. Il y va de sa réputation tout de même. Elle commence donc à dessiner. Pas de couleurs, pas d’encre, juste un fusain, comme elle est habituée à le faire quand elle veut juste dessiner rapidement quelque chose pour le fixer sur le vélin.
Un coup d’œil à Ella qui semble bien appliquée, un autre à Montjoie qui regarde par le fenêtre. Le regard s’attarde sur le Roy d’armes, la détaille un peu, puis se concentre sur le papier.
Ella se lève pour remettre sa copie, Gabrielle fait de même à sa suite, sauf qu’elle en a trois elle des « copies ».


- Désolée, Montjoie, je ne sais toujours pas ce qu’est un écartelé ou une rose boutonnée du champ et pointée… Mais je ne voulais pas ne rien vous remettre.


Et de tendre les vélins au Roy d’Armes. Elle n’espère pas un sourire, elle, juste de ne pas se faire foutre à la porte avec pertes et fracas.









Pardon pour la réalisation foireuse mais je me suis bien amusée quand même

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