Afficher le menu
Information and comments (0)

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP fermé] Une colère justifiée est toujours saine *

Syuzanna.
[Et ne demande pas pourquoi. Ce n'est pas une question. **]

Il était pressé, avait-il dit en partant, la plantant au beau milieu de la taverne du Loup Noir. N'en revenant pas, elle était sortie peu après, le cherchant du regard dans les rues de Bergerac. Mais elle ne l'avait trouvé nulle part. Comme l'enfant qu'elle était autrefois, elle avait frappé le sol de terre battue d'un pied rageur. Comment osait-il ? Se moquait-il ? Ou bien s'en fichait-il réellement ?
Lentement, le soir était tombé, sans parvenir à calmer sa colère. Impossible de se concentrer sur ses cours. Tout lui semblait écrit dans une langue inconnue. Rien n'avait pu l'apaiser, et loin de tenter de se changer les idées, elle avait ressassé encore et encore ce qu'elle lui repprochait.

La nuit recouvre désormais le monde. Assise sur une solide branche d'arbre, non loin de cette même taverne d'où il s'était enfui quelques heures plus tôt, elle tourne et tourne encore les pages de son herbier. Elle ne regarde même pas les dessins, ne lit aucune définition. Elle rumine. Elle donnerait cher pour le trouver en cet instant précis. Derrière les croisées de l'auberge, la lumière dansante des bougies et du feu éclairent la rue sur quelques pieds. Quelques rires discrets s'échappent des lieux alors que la porte s'ouvre. Un homme entre. Elle manque de tomber de son perchoir en reconnaissant la silhouette du Danois. Ainsi, il vient là, se détendre ? Boire un petit coup avec ses nouveaux amis ? Elle n'en croit pas ses yeux. Le grimoire se referme en claquant, et l'Ecossaise saute souplement de son arbre. Ah ça, parole de rousse, il allait entendre parler du pays, et dans toutes les langues !

D'un coup de pied rageur, elle ouvre le battant de bois, et fait son apparition. Sa chevelure de feu en pétard, les poings serrés, et les yeux crachant des flammes tels les naseaux d'un dragon, elle n'a pas franchement l'air aimable. Sa main se porte un peu distraitement vers sa dague, accrochée autour de sa cuisse, comme toujours. Avec une douceur qui constraste avec le reste de son attitude, elle dépose l'herbier sur le comptoir, tout en le cherchant des yeux. Elle le repère bien vite. Et n'en revient pas. Comment ose-t-il ? Comment ose-t-il ?! Il rit avec des mineurs ? Il rit ? Il rit ?!? Par les Dieux, songe-t-elle, cela ne se passera pas comme ça !

Malgré sa petite taille - et de ce fait, ses jambes quelque peu courtes - elle réussit, lui semble-t-il, à traverser la taverne en deux pas. Depuis bien longtemps maintenant, Syu ne s'est pas mise en colère. Réellement en colère. Le contrôle a jusqu'alors été parfait. Mais là, c'en est trop. Le magma sommeillant en son fort intérieur bouillonne. L'éruption volcanique va tout ravager sur son passage. Ni lui, ni elle, n'en sortiront indemnes. A part bien sûr si lui, s'en contrefiche. Les doigts qui tout à l'heure, effleuraient la garde de la dague, s'en emparent cette fois totalement. D'un geste vif, précis, elle lance son arme, qui file se planter droit dans le mur, passant à un cheveu de Søren.


- Non mais TOI ! hurle-t-elle en fonçant droit sur lui. TOI !

Sa force décuplée par la rage intense qui l'anime, elle l'agrippe par le devant de la chemise, le faisant sans peine aucune, quitter son siège. La gifle magistrale qu'elle lui admnistre devant l'assistance soudain silencieuse, résonne dans l'auberge. Seul le crissement du torchon du tavernier essuyant une chope humide se fait entendre. Ça et les beuglements de l'Ecossaise.

- Comment oses-tu venir t'amuser ici alors que nous devons parler ?! Comment oses-tu avoir si peu de considération pour moi que tu ne prends même pas la peine de chercher à me voir ? Tu dis que nous devons parler, et tu préfères venir picoler comme un trou que tu es ! Je ne suis donc rien pour toi ? Tu t'es dis quoi, hein ? Une fois qu'on sera marié, j'aurais la paix ? C'est ÇA que tu t'es dit ? Tu me prends pour quoi ? Un meuble encombrant qu'on remise dans un coin en attendant d'en avoir besoin ? Tu crois que je ne suis qu'une pierre ? Que je ne ressens rien ? DESOLEE DE TE DECEVOIR ! Mais ce n'est pas comme ça que ça se passe !

Elle se frappe le buste d'un revers de main furieux.

- Je suis une personne ! J'ai des besoins ! Tu dis que tu veux veiller sur mon sommeil ! Je t'ai attendu toute la nuit dernière ! Nuit que tu passais à boire ! Comment oses-tu alors prétendre t'inquiéter pour moi ?! Tu n'en as rien à foutre en fait !

Elle reprend son souffle, se retenant à grand peine de le frapper. Et pourquoi se retenir ? La seconde gifle vole, mais les doigts se serrent en un poing, et c'est cela qu'elle abat dans la mâchoire de son époux.

- Je te l'ai déjà dit ! Je n'attends pas de poèmes, j'ai horreur de ça. Les fleurs, j'en fais des tisanes alors non merci. Mais j'ai besoin d'avoir au moins l'illusion que tu t'intéresse à moi ! Tu as décidé un beau matin de partir à Bergerac ! M'en as-tu parlé ? M'as-tu demandé ce que je ressentais ? NON ! Tu m'as mise devant le fait accompli et basta, débrouille-toi avec ça Syu ! Ce n'est pas comme ça que j'envisageais notre mariage ! J'ai besoin d'un homme, pas d'un courant d'air !

Elle lui jette un regard assassin, et reprend de plus belle :

- Mais quoi ? Pourquoi tu ne dis rien ? Toi qui a toujours un tas de discours assommant à débiter, là, tu ne dis rien ? Quoi, t'as bouffé ta langue au souper c'est ça ?

Ne trouvant sur le coup plus rien à dire, elle empoigne la chope du Danois, et la lance à travers la taverne. En y regardant bien, peut-être que Søren pourra aperçevoir la fumée sortant du nez de sa chère et tendre femme...


* Paul Michaud
** Green Day - Time of your life (Good Riddance)

_________________
Soren
[les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus*]

Il y a quelque chose de pourri au royaume de la mine de fer de Bergerac! Les pioches brisent bien trop souvent. Les lampes prennent feu sans raison apparente. Les brouettes perdent leurs roues. Bref, le matériel est de mauvaise qualité! Les rumeurs commencent à courir bon train parmi les mineurs. On évoque déjà les termes de malédiction et de poisse. Non, tout ça n'est guère bon pour maintenir une rentabilité acceptable. Ce soir-là, j'ai réunis les contremaîtres des différentes équipes de travail. Je veux avoir les idées claires sur ce qui se passe car des tensions vives se font maintenant sentir entre les mineurs. Ce travail est dur, très dur! Il faut arracher à la terre cette richesse que nos forgerons transforment par la suite en véritable trésor. Attaché à la Boulasse de Bergerac, la discussion est entamée. Les chopes s'entassent devant chacun de nous. Après tout, eux aussi, ils l'ont bien mérité.

D'habitude, dans ce genre d'endroit, le risque que l'on prend, c'est de se faire importuner par un gueux qui a descendu un peu trop de liquide ambré! Mais aujourd'hui, il faut croire que le rôle du gueux est tenu par une rousse de mes connaissances intimes. Je plisse les yeux quand je la vois apparaitre dans l'embrasure de la porte. Mon front s'ourle de rides qui veulent en dire long sur l'incompréhension qui m'envahit. ..surtout après qu'une dague soit passée à quelques pouces de ma gorge. Je relève la tête et suis du regard la furie qui vient se planter devant nous. A ses premiers mots, je comprends que ma réunion de travail vient de prendre fin. Je demande courtoisement mais fermement aux contremaitres de prendre congé.

Lorsqu'elle m'attrape par la chemise, je la laisse faire. Lorsqu'elle me gifle devant tout le monde, je fronce les lèvres et plisse de nouveau les mirettes.


-Syu, ma journée de travail n'est pas terminée.

Mon ton est calme, étrangement calme. C'est étrange, on dirait que les rôles sont une nouvelle fois inversés. C'est la deuxième fois que je constate chez nous un croisement de ce genre.

- Syu la nuit dernière, j'étais de garde sur les remparts de Bergerac. Je te l'ai dit, le lieutenant Mano était le seul membre de la maréchaussée de Bergerac depuis fort longtemps. Mon arrivée ici lui a permis de prendre une semaine de repos, et crois-moi, ça doit être bien mérité!

Visiblement, soit elle n'entend pas, soit mes mots sont sans effet sur elle, et je sens monter également monter en moi une ire indescriptible. Crise noire à l'horizon? Je croise son regard, détaille son visage. Ses traits sont déformés par la haine, la colère, et ces sentiments sont loin d'être des inconnus pour moi. On peut même dire sans exagération aucune qu'ils sont comme des frères pour moi. Et puis vient la révélation. Ainsi, c'est ça! Mon installation à Bergerac! Est-ce tout? Oui, apparemment!

Son poing s'abat alors violemment sur ma mâchoire, faisant couler un filet de sang de sa lèvre tuméfiée. Après qu'elle eut lancé ma chope au travers de la salle, je me saisis brutalement de son bras et je le stoppe dans son élan!


- Assez!

Je n'ai pas le choix, il faut que je calme la fureur qui sévit en elle. Et comme je n'ai pas de bain d'eau froide à proximité, c'est le plat de ma main qui vient s'écraser à son tour sur sa joue dans un claquement des plus sonore!

- Calmée là où il faut que je recommence? Pourquoi je ne dis rien? Parce que je n'ai pas de place pour sortir le moindre mot! Alors for fanden! Écoute-moi! TU sais pourquoi j'ai décidé de déménager à Bergerac! TU étais au fait de mes intentions avant que je déménage! et TU ne t'y es pas opposé! Alors quoi? Pourquoi venir me le reprocher maintenant?

Ne comprends-tu donc pas? Cela fait des semaines et des semaines que je clame haut et fort que le problème des mines du Périgord est un simple problème d'équilibre démographique? Que je prêche pour que les sarladais qui n'ont pas de travail aille s'installer ailleurs dans le comté? Et moi, je ne le ferais pas? Moi qui n'ait ni champ, ni échoppe? Moi qui suis Commissaire aux Mines, qui doit donner l'exemple et qui en a toutes les facilités en plus? Mais for fanden Syu! Pour qui me prends-tu? Pour ce genre d'homme politique qui déblatère sans cesse? Qui se terre dans son château et qui n'agis jamais? Désolé, mais je pensais que tu me connaissais mieux que ça! Tu sais que je suis un homme qui a besoin d'action, un homme de terrain… alors quoi?


Je pousse un soupir sonore, sans même me forcer. J'ai envie de continuer…Dois-je? Après tout pourquoi pas? Autant aller au fond des choses une bonne fois pour toute!

Et puis… tu me reproches de ne jamais être là? Mais je crois rêver! C'est toi qui ose me dire ça? Toi qui vadrouille sans cesse sur les routes du royaume à la recherche de ta famille? Toi qui passe ton temps ici à étudier tes cours d'herboristerie? Qui par la suite s'en va pour prendre des cours au sein de la guilde? Toi qui file au fin fond de la Lorraine pour tes cours à l'université de Belrupt? Toi qui part t'occuper de ton cercle druidique? Allons bon Syu! Qui de nous deux est toujours parti?

je détourne un instant le regard. Je cherche la logique dans ses reproches… Mais Mars semble bien loin de Vénus en ce moment. Elle ne réagit pas de manière logique, rationnelle. Elle se laisse guider par les sentiments! Oh oui, les hommes et les femmes auront toujours du mal à se comprendre!

* Un livre de John Gray
_________________
Syuzanna.
[I want to reconcile the violence in your heart *]

La gifle lui fait tourner la tête. Au propre comme au figuré. Un instant le souffle coupé, elle reste immobile, le visage de côté. Sa joue la brûle un peu plus chaque seconde. Comment a-t-il osé, se répète-t-elle en boucle sans esquisser le moindre mouvement. Personne jamais... sauf MacDouggal... le seul à avoir ce droit... comment ce Danois ose-t-il... Ces pensées se bousculent dans la tête de la rousse. Se bousculent, s'entrechoquent, s'éparpillent en millions de questions sans réponse. Réfléchir ? Impossible. Il a porté la main sur elle, ce misérable ! Un peu plus d'huile est jetée sur le feu de sa colère. Ses poings se serrent, se contractent à lui faire mal. Lentement, elle tourne son regard vers lui. Et elle écoute, avec un calme olympien. Un calme trop parfait pour être honnête.

Ses reproches sont comme autant de poignards qu'il s'amuserait à lui planter dans le corps. Elle ne s'était opposée à rien, en effet. Sa décision ? Envoyée par pigeon, qu'elle avait du conserver d'ailleurs, quelque part dans ses boîtes en bois. Comment s'expliquer par lettre ? Comment lui dépeindre la palette de sentiments contradictoires qui l'avaient animé alors ? Elle déteste écrire. Un bon face à face vaut mieux qu'une centaine de courriers échangés. Commissaire aux mines, son devoir, homme d'action, mais ça, elle le sait, a-t-elle envie de hurler. Est-ce une raison pour planter sa femme dans un autre village ? Une pensée insidieuse s'insinue dans son esprit, tel un serpent. Qu'aurait-elle fait à sa place ? Que ferait-elle si on la suppliait de venir exercer son métier dans une ville dont la population souffrait ? Que ferait-elle si on lui offrait sur un plateau d'argent la possibilité de frôler la mort et de la vaincre, par les plantes cette fois, non plus par l'épée ? Elle irait, sans l'ombre d'une hésitation. Et exigerait de plus de Søren qu'il se tienne éloigné de la source du mal. Mais là n'est franchement pas la question ! Elle, elle sauve des vies. Lui ? Il creuse des trous dans la terre. L'orgueil des MacDouggal, encore, toujours.
Mais les derniers reproches la cinglent particulièrement. Ignore-t-il vraiment pourquoi elle fait tout ça ? Ou fait-il semblant de ne pas savoir ?


- Comment oses-tu me tenir rigueur de mes apprentissages ? Comment oses-tu ? Tu fais ainsi mine d'ignorer ? Dans ce cas, laisse-moi donc t'expliquer haut et clair le pourquoi de ces allers-retours incessants ! As-tu donc rayé de ta mémoire ce séjour à Patay ? Ce qui s'y est passé ? Le fait que l'on ait dû te porter dans une maudite abbaye pour te faire soigner ? Deux mois durant je t'ai vu sombrer dans une folie dont tu ne semblais jamais devoir sortir ! Et j'étais incapable de te venir en aide ! Je t'avais dit que je serais toujours là pour toi, mais cela m'était impossible cette fois-là ! Je ne savais pas te soigner !

Elle reprend son souffle, mais continue aussitôt de plus belle :

- Alors une fois rentrée j'ai décidé d'apprendre, d'apprendre comme une forcenée tout ce que je devais savoir pour que la prochaine fois, je puisse moi-même te tirer de là ! J'ai passé mes nuits, mes jours, à retenir par coeur les noms des plantes, à les distinguer les unes des autres, à préparer des potions en tout genre ! Pour TOI ! Et c'est ainsi que tu le prends ? En me reprochant d'être pour toi, partie aux quatre coins de ce foutu pays ?

Pleine de colère et de mépris, elle ne peut s'empêcher de cracher au sol, aux pieds du Danois. Elle n'a jamais attendu le moindre remerciement de sa part, pour cela. Parce que c'est son choix à elle, et que jamais il ne le lui a demandé. Mais se voir critiquer pour cela, non, elle ne peut le supporter. Et quoi, maintenant ? S'en prendre à sa famille ? A ses croyances ? Mais jusquoù ira-t-il, songe-t-elle, sentant une nouvelle bouffée de colère l'envahir.

- Ma famille ? A part être allée chercher Cait, quand me suis-je absentée pour aller chercher les miens ? Quand ? Rappelle-le moi, j'ai la mémoire qui déraille ! Il me semble que Manu est venu par ses propres moyens ? Que Satinea vit à Angers et qu'elle ne compte pas en bouger ? Et que les autres n'ont pour l'instant pas besoin de moi ? Et mon Cercle Druidique ? Je ne m'en occupe pas, je suis juste l'Apprentissage !

Apprentissage qui disait que céder à la colère ne menait qu'à la souffrance. Pourtant, que fait-elle en ce moment précis ? Mais elle n'en a pas fini encore, et le sac n'est pas vidé.

- Et ta mère... Au tout départ, j'avais osé croire qu'elle serait celle que je n'avais jamais eu. J'espérais même qu'elle m'apprenne des choses que j'ignorais. Mais que fait-elle ? Elle m'ignore, me méprise, et tu ne fais rien, tu ne dis rien, tu trouves même peut-être ça normal. Tu te souviens ce questionnaire, là, que tu fais remplir aux bergeracois pour qu'ils apprennent à mieux se connaître ? La dernière question ? Quel cadeau rêvez-vous qu'on vous offre ? Moi, je rêvais d'une mère, même si elle n'était pas de sang. Mais cela reste à jamais inaccessible pour moi, et tu t'en contrefous. Pire, tu fais semblant de l'ignorer. Je ne me suis pas mariée selon mes croyances pour toi, parce qu'elles ne sont pas les tiennes, pas encore, que nos dieux te sont étrangers, mais c'est moi que l'on blâme ! Et tu ne démens pas.

Parler ainsi lui donne soif. Sa main plonge dans sa besace, en sort une gourde, qu'elle porte à ses lèvres. L'alcool lui brûle la gorge, mais elle a l'habitude, et cette sentation loin d'être désagréable, lui procure une intense satisfaction.

- Et tes excuses ridicules... "Mais c'est de famille, Syu ! Ma mère non plus ne vivait pas dans la même ville que son époux". Rappelle-moi ce que j'en ai à foutre ? Et si tu arrêtais cinq minutes de faire comme les tiens, comme tes parents, soeur, cousin, ou je ne sais qui ? Si tu arrêtais de te définir à travers eux, et qu'enfin, qu'enfin ! tu agissais en ton nom ?

Est-ce tout ? Non, pas encore. Mais elle ne trouve plus les mots, soudain. Et laissera-t-elle son honneur impuni ? Jamais ! Une nouvelle gifle s'abat sur la joue de Søren.

- Et ne lève plus jamais, JAMAIS, la main sur moi, tu entends ?!

* Undisclosed Desires - Muse
{Je veux réconcilier la violence dans ton coeur}

_________________
Soren
[Quand on prend un aller, il vaut mieux prévoir le retour]

Schlaaaaack! Ma main s'abat par la deuxième fois sur ses joues. Mieux vaut ne pas faire de jaloux. Du rouge des deux côtés! Certains paysans craignent les pluies de grenouilles, les écossais eux adorent les pluies de baffes.

- Oui Syu. J'ai entendu et j'acquiesce. Je ne lèverai jamais la main sur toi…dès que tu en feras de même avec moi.

Avait-elle déjà été à l'origine d'une colère noire? Non. Jamais. Même lorsque nous nous étions rencontrés dans cette taverne à Sarlat, à l'aube du départ du Patay. La crise était déjà bien ancrée en moi. Ses assises étaient solides. Elle, à ce moment-là, n'avait fait que l'amplifier. Mais aujourd'hui est différent. Malgré les problèmes à la mine de fer, le moral est bon. Enfin, il l'était. Et puis, elle est venue avec ses grands sabots, pour me faire des reproches insensés.

Vas-tu enfin m'écouter? Raisonner avec ta tête plutôt qu'avec tes sentiments et tes humeurs de femme?

Je n'arrive pas à desserrer la mâchoire. Chaque mot qu'elle prononce agit comme une minuscule aiguille de couturière qui s'enfonce dans ma tête en transperçant comme crâne comme s'il s'agissait d'une vulgaire motte de beurre.

- Je ne te reproche pas tes apprentissages débordants. J'essaie simplement de t'expliquer pourquoi nous avons moins de temps à passer l'un avec l'autre. Et si tu pouvais regarder en toute sincérité de ton côté, tu verrais que les raisons ne viennent pas tous du Danemark! C'est vrai, je trouve honnêtement que tu te lances corps perdu dans beaucoup beaucoup d'activités…mais c'est ton choix et je ne te jette pas l'opprobre. Mais accepte-donc les conséquences induites.Et ne viens surtout pas m'étaler de fausses raisons simplement pour étancher ta colère! Pour moi tes études d'herboristerie? Te rappelles-tu ce matin où tu es allée cueillir des simples et où je t'ai suivi? Je t'ai expliqué ce qui s'est passé dans cette abbaye de Patay. Je t'ai dévoilé les conclusions de ce moine, ses supputations. Et toi tout ce que tu me dis, c'est : Je ne peux rien faire pour toi Seurn. Tu n'es pas empoisonné, tu n'est pas maudit. Tu es fou! Tout simplement! Tu es fou!

Elle ne l'a pas mérité, mais c'est une troisième gifle que j'ai envie de lui coller pour ces paroles qui me sont restées en travers de la gorge ce jour-là. Et pourtant, si le geste est commencé, il est retenu. Ma main redescend finalement pour venir s'appuyer sur la table.

- Me suis-je plains moi lorsque j'ai appris que le duc de Champagne se renseignait sur toi? T'ai-je fait une crise de jalousie? T'ai-je reproché quoi que ce soit? J'ai failli envoyé un corbeau à ce duc de malheur! J'ai eu envie d'aller lui dire de traire ses vaches ailleurs! Mais je me suis retenu…parce que je me doute bien que si cet homme se renseigne sur toi, c'est parce qu'il a sans doute un travail à te proposer. Un énième travail que tu prendrais en plus de tes études, de ton travail de tavernière au barbu tyrannique, de tes champs, de ton herboristerie et puis quoi encore? De ton échoppe plus tard?

Elle ose me reprocher mon implication dans les mines et à Bergerac? Je n'ai ni champ, ni échoppe. Je ne fais aucune étude religieuse, n'a ouvert aucune boutique, ne vend aucun service, ne fait aucun étude nulle part. Et c'est moi qui manque de temps pour nous? Qui plus est, elle ose sans aucune impunité se foutre de moi en prétendant qu'elle ne s'occupe pas de son cercle druidique? Qu'elle n'y passe pas du temps alors qu'il y a à peine quelques jours, elle me disait qu'elle serait absente pendant deux jours et qu'elle passerait son temps avec de futurs acolytes comme ce danois d'Osric… enfin… d'Osfrid. Si elle n'avait pas été une femme et mon épouse de surcroit, elle aurait risqué gros. Très gros!

- Pourquoi viens-tu mêler ma mère dans cette histoire qui ne regarde que nous Syu? Car cette fois-ci, c'est bien vrai. C'est entre toi et moi. Juste entre toi et moi. Bryn n'a rien à voir là-dedans. Parce que je te signale que moi, je n'ai aucun problème avec Catherine, ni Satinéa ou encore Manu. Je n'y peux rien moi si vous n'êtes pas capable toutes les deux d'établir le contact et je ne peux prendre la responsabilité de tous les malheurs de cette terre. Je regrette que tu n'aies pas connu ta mère. Moi, je n'ai pas connu mon père et j'ai passé outre.

Je te rappelle que moi non plus je ne me suis pas marié selon mes croyances. Je ne vais pas dans les églises car je considère que l'Église d'Aristote n'a pas grand chose à m'apporter. Qu'on me trouve un prélat qui n'agit pas en homme politique, et de la manière la plus vile possible, et peut-être que je changerai d'avis. Je ne t'ai pas imposé l'église malgré le fait que ma mère soit une ancienne archidiaconesse, que ma soeur pense vouer sa vie au Très-Haut.

Je n'ai pas à te défendre parce que d'habitude, tu préfères gérer toi-même tes affaires! Pourquoi devrais-je m'en mêler? Faut-il que je te rappelle tes propres paroles quand j'ai essayé de te réconcilier avec Eni? D'ailleurs Syu, est-ce moi qui a un problème relationnel? Ou toi? Je n'ai pas de problème avec Bryn, ni avec Eni moi. Sans doute que ma mère aurait préféré que j'annule ce mariage. Sans doute qu'elle aurait préféré avoir une autre bru. Tu oses prétendre que je n'agis pas en mon nom? Si tel était le cas, tu serais déjà à cent lieues d'ici depuis longtemps!


D'habitude, c'est au printemps que l'on fait son grand ménage. Il faut croire que chez nous,l'automne est plus propice à ce genre d'activité…A moins que l'on soit simplement plus en retard que les autres.

- Et surtout, cesse de m'appeler "mon chou" en taverne. C'est d'un ridicule! Je ne suis pas un chou, m'entends-tu?
_________________
Syuzanna.
[Mais toi et moi, on va surmonter ça à nouveau *]

Stupéfaite et sonnée, l’Ecossaise reste un moment interdite. Venait-il vraiment de la gifler à nouveau ? Les joues en feu, elle lui jette un regard étonné. Comment avait-il osé la frapper de nouveau ?
Mais elle n’a pas le temps de s’appesantir là-dessus, que déjà, il réplique. Et quelles tirades ! Contrainte de l’écouter, elle en profite pour se masser les mâchoires en même temps. Quelque part, elle ne peut s’empêcher d’éprouver une certaine forme d’admiration pour le Danois. Il est en effet l’un des rares hommes à rendre les coups qu’elle distribue ainsi. Cela ne serait jamais venu à l’esprit des autres. Est-il donc si différent de ses semblables ?

Mais les reproches cascadent sur elle plus sûrement que de l’eau, noyant tout sous leur passage. Tout, sauf la fierté de la rousse, et son impressionnant orgueil. Si la prétention ne fait pas partie de ses – nombreux – défauts, ce n’est pas le cas de l’orgueil. La conviction d’avoir appartenu et d’appartenir encore, à une catégorie de personne naturellement supérieure aux autres, ne se discutait pas, selon elle. Elle avait été élevée dans cette optique, et elle n’est pas prête de changer sa façon de penser. Aussi se tient-elle toujours aussi droite devant son époux. Aussi, malgré le fait qu’elle soit nettement plus petite que lui, ne baisse-t-elle pas le regard. Regard farouche d’une femme sauvage qui malgré les coups, ne parvient pas à se laisser dompter.

Il se tait enfin, sur une dernière remarque agacée. Le silence qui s’en suit semble devoir s’étirer à l’infini. Dans un coin de la taverne, les mineurs chuchotent entre eux, leur jetant de temps en temps, un regard curieux. Elle n’a aucune peine à imaginer le fil de leurs pensées. Sans doute que pour eux, Søren fait bien de rappeler à son épouse « qui porte la culotte ». Sauf qu’ils n’ont sans doute pas remarqué que Syu aussi, porte des braies. Et qu’elle n’est pas prête de les ôter. Enfin, elle consent à répondre. En choisissant volontairement les accusations dans le désordre.


- Si tu n’as pas compris qu’il s’agit d’ironie lorsque je te nomme ainsi, c’est que tu es encore plus bête que tu en l’air, lance-t-elle d’une voix sifflante.

D’une main rageuse, elle essuie le léger filet de sang s’échappant de la commissure de ses lèvres. Puis elle poursuit, non plus en poussant de hauts cris, mais d’une voix froide, coupante, bien plus impressionnante en réalité, que les précédents hurlements. Faisant l’impasse sur sa mère – parce qu’après tout, elle n’a en effet, rien à faire là, celle-ci, elle reprend :


- Le Duc de Champagne ? Jaloux du Duc de Champagne ? Que croyais-tu donc ? Qu’as-tu bien pu imaginer ? Que j’allais retourner vivre à Compiègne ? Sans toi ?

Elle secoue la tête, exaspérée.

- Et pour cette histoire de folie… Tu crois donc c’est plus insensé qu’une malédiction ? Une malédiction ? Mais qui donc pourrait t’en vouloir suffisamment pour faire une chose pareille ? Te l’es-tu seulement demandé ? Et la folie… je connais bien. Je suis fille d’un homme qui fut fou, il est fort possible qu’un jour je sombre également, et là, nous ne pourrons rien y faire. A part me donner des quantités extraordinaires de laitue sauvage pour me faire dormir nuit et jour, en attendant que ça passe, si tant est que cela passe un jour.
Je ne crois pas aux malédictions. Pas à la tienne en tout cas. Il faut avoir une sacrée dose de haine envers la personne visée pour faire ce genre de choses. Frayer avec les sorcières.


Elle ricane, l’air mauvais, et poursuit :

- Les sorcières… Voilà une invention de l’Eglise Aristotélicienne. Des empoisonneuses, oui. Des diseuses de bonne aventure, ça reste à prouver. Mais des sorcières ? Non. C’est juste les hommes si imbus d’eux-mêmes, se considérant tellement supérieurs aux femmes, qu’ils les diabolisent pour leur ôter tout pouvoir, mais les terroriser elles-mêmes ! Un esprit rabaissé n’est pas une menace pour ces raclures d’hommes. Je les hais tous autant qu’ils sont, ces prêtres sordides qui s’imaginent tout savoir de l’Univers alors qu’ils rejettent les principes fondamentaux de la vie.
Tu n’es peut-être pas fou au sens où tu l’entends, mais tu n’es pas maudit. Parce que les malédictions n’existent pas. Et le fait que ce soit un moine qui te sorte ça ne m’étonne guère ! Et me conforte dans l’idée que les gens d’Eglises ne sont que des agitateurs, aimant répandre la peur autour d’eux. Un peuple qui a peur ne se débat pas.


Elle lui jette un regard brûlant d’une colère mal contenue, et enchaîne :

- Et ne me fais pas l’injure de ne pas croire que c’est uniquement pour toi que j’ai entamé ce cursus. On m’avait parlé des pouvoirs extraordinaires des plantes, qui pouvaient guérir, tout guérir. Et si j’ai commencé pour toi, je dois être honnête et reconnaître qu’ensuite, je l’ai probablement continué pour l’amour de l’apprentissage. Et aussi pour pouvoir soigner les autres, les aider d’une quelconque façon. Et il s’avère que cela était aussi en accord avec mes convictions et croyances personnelles. D’ailleurs Merwynn a dit qu’il était bon de savoir utiliser certaines plantes.
Et entre nous, il fallait bien que je m’occupe en attendant. Parce que tu es toujours fourré dans tes mines, et je me voyais mal me contenter d’attendre que tu en sortes. Et j’y trouve du plaisir, là-dedans, aussi incroyable que cela puisse te paraître. Mais une fois la session de médecine terminée à Belrupt, cela ne dure que douze semaines, et le diplôme que je tente actuellement d’obtenir à la Guilde, j’arrêterai. Pour un temps du moins. Laisser passer l’Hiver.


Cela veut-il dire qu’elle reprendra au Printemps ? Elle-même l’ignore encore. Tant de choses pouvaient se passer d’ici là !

- Et je me permets de reprendre… Tu ne t’es pas vu, durant le voyage vers Patay. Je suis au regret de te dire que tu avais tout l’air d’un fou.

Mais… Non, quelque chose la titille soudain. Elle saute d’une remarque à l’autre.

- Qu’insinues-tu au juste ? Que c’est moi qui ai un problème avec les autres ? Pour Enigma, cela ne te regarde pas. Elle se plaint, ou s’est plainte, de mon attitude alors que la sienne est pire encore. Une parjure, elle n’est rien d’autre que cela. Une jeune fille qui s’amuse à donner sa parole, mais la brise dès qu’elle en a l’occasion. Cette sorte de gens-là n’a aucune valeur à mes yeux.

Ne pas aborder le sujet de la mère. Elle risquerait d’être désagréable.



* Keane – Silence by the night
_________________
See the RP information
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)