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[RP] Le seul vrai langage au monde est un baiser*

Noelia.
Le départ - Sur les chemins...

Une moniale lui avait dit un jour qu'il était toujours plus aisé de se laisser aller à faire ou dire des sottises, que de travailler à devenir raisonnable et sage.
Noëlia réservée et docile, ne manquait pourtant pas de caractère. Cependant, laissait-elle volontiers aux esprits chagrins le soin de la brocarder.
Persifler, se montrer acrimonieuse, n'était pas dans sa nature. Pour exister, elle n'avait besoin ni de verser de fiel, ni de s'exposer aux conflits.
A cela, elle ne trouvait pas meilleur remède que la tolérance, et en pareille circonstance, rares étaient les mots qui valaient mieux que le silence.

Cette nuit là, c'est en toute confiance qu'elle suivit le diacre, sa besace en bandoulière, un bâton dans la main gauche.
La dextre quant à elle, était devant sa bouche. Elle ne cessait de caresser de la pulpe de ses lèvres, l'endroit qui avait été à peine effleuré d'un baiser.
La douce délicatesse de doigts enserrant les siens, le souffle chaud sur le revers de sa main...

Tandis qu'ils s’enfonçaient dans les chemins, éclairés par une lanterne et la voute étoilée, on entendait au loin le tintement du clocher de Saintes qui égrenait les heures.
Ici et là, on percevait dans la nuit, des bruissements d'ailes et de feuilles, le hululement des oiseaux nocturnes, le coassement des grenouilles annonçant la proximité d'une mare.
Le chant monotone diurne des grillons, lui, s'était tu.
Fruits, champignons, humus, le parfum émouvant de la terre remuée... un florilège de senteurs sauvages venait chatouiller leurs narines.

Ils avançaient, les pierres roulaient sous leurs pieds.
Elle conservait le silence, ne voulant troubler la paix de son compagnon de route.
Il la considérait sotte, elle n'allait pas le détromper : spécieuse ou non, elle respectait cette opinion.
Elle se laissait quant à elle, le temps de se faire la sienne, ne le connaissant que peu.
Elle levait souvent la tête vers le ciel, observant le ballet gracieux des étoiles, mais c'était dans le souvenir d'un regard vert qu'elle se laissait glisser.
Et si part mégarde, elle s'attardait trop, voyant le diacre s'éloigner, elle pressait le pas pour le rejoindre afin d'éviter une énième remarque désobligeante.



* Titre du rp : Alfred de Musset - Extrait du poème Idylle
Noelia.
La Rochelle - La mer qu'on voit danser...

C'est à l'aube qu'ils arrivèrent, se séparant devant l'auberge “Le Capitaine des mots” où elle prit pension, dans une petite chambre mansardée.
Bien que fatiguée, l'appel de l'océan fut le plus fort. Elle trouva une petite plage déserte à l'abri des regards indiscrets, dont elle n'avait pas à se méfier vue l'heure.
Le sable était humide et froid, elle effrayait des crabes, frêles et légers, qui disparaissaient dans leurs trous
Un lent scintillement montait avec les premiers rayons de soleil qui crevait la surface encore lointaine de l'eau.
Elle humait avec sensualité toutes les odeurs qui montaient, et s'obstinait à remettre en place ses mèches brunes qui s'envolaient sous le vent.

La mer s'était échappée laissant pour seuls témoins de son passage des coquillages et des lambeaux d'algues.
Elle la contemplait au loin et l'observait qui se rapprochait, une lueur de convoitise dans les prunelles claires.
Elle ne l'attendrait pas, elle le savait déjà, laissant glisser ses hardes à terre.
Elle marchait droit vers l'océan, ses pieds nus descendaient dans le lit déclive, humide...
Il la rejoignait et bondissait sur son corps et y restait. Elle plongeait puis réapparaissait, portant le léger et fragile masque de la mer que l'air cherchait à lui enlever.
Elle reprit son souffle...

Quelques minutes plus tard, elle écrasait sa joue sur la grève.
Elle comptait les battements de son cœur qui s'assourdissaient dans leur chemin de sable jusqu'à son oreille.
Elle aimait le sable. Ses muscles, ses épaules, ses reins, ses bras et sa nuque se détendaient, seuls ses doigts tracaient dans le sable que le soleil avait séché des sillons qui portaient le nom de l'homme aimé.
Le soleil n'arrivait pas à sécher l'eau salée sur son jeune corps qui s'endormait.
Noelia.
L'auberge "Capitaine des mots" - Au petit matin

A l'heure de tierce, Noelia était installée à la table de l'auberge.
Un bol de soupe épaisse de légumes et de pain, et un verre d'eau constituait son petit déjeuner.
Non, elle ne se désolait pas de ne pas avoir de jus d'orange, de baguette et de croissants frais, le tout arrosé d'un café noir sans sucre s'il vous plait.
C'était une jouvencelle de son temps, donc quand elle ne gagnait pas sa pitance, ne courrait pas par monts et par vaux, son esprit lui vagabondait.
Elle se remémorait sa journée de la veille.

Le port, ses défenses, son chenal, son phare, avec tous ces navires arrivés ou en partance pour d'autres contrées, chargeant ou déchargeant leur cargaison.
Les manières bourrues des marins, qui cherchaient des plaisirs faciles et sans lendemain. La jeune fille observait toute cette agitation de loin, essayant d'imaginer la vie à bord des bateaux et toutes villes et pays qu'elle ne connaissait pas.
Ses pas la poussèrent ensuite vers la criée, véritable fourmilière, où ce serait à qui y mettrait plus de voix et vendrait le fruit de ses efforts halieutiques, de son vin ou de son sel.
Et à bien les écouter, ils vendaient tous le meilleur produit que l'endroit pouvait connaitre.

Noelia n'avait jamais vu autant de cargaisons d’or, d’ivoire, d’épices et de bois précieux...
Tout l’émerveillait. Elle s'extasiait pour tout.
Le soir venu, sa toilette faite, elle se glissa dans les draps blancs de son lit, relisant à la lumière de la bougie les missives qu'elles avaient reçues...

Revenant à la réalité, elle se mit donc à se sustenter.
Elle n'avait aucune idée de ce qu'allait être cette journée, ni de ce qu'elle allait faire ou même découvrir.
Seuls quelques vers lui venaient à l'esprit, qui lui faudrait noter à tout prix, pour un poème inachevé :

Au sommet de la côte, à notre vue surprise,
L'océan d'un seul bloc s'impose, apparition
Au point culminant de la grande aspiration
Et la monotonie de l'infini se brise

L'océan comme un bloc de pierre précieuse
Une pierre frivole et parfois turbulente
Qui fond et se déforme en une marée lente.
Ô pierre peu précieuse mais si gracieuse!...
Noelia.
Une journée comme les autres... ou presque

Noelia goutait les bienfaits de la solitude.
Depuis son départ du couvent, la jeune Hespéride n'avait jamais plus vraiment ressenti cette quiétude.
Et, alors qu'elle regardait la mer, battue par le vent, elle n'avait plus peur.
Envolée, cette crainte viscérale qui la paralysait si souvent à Saintes, celle que le couvercle ne retombe brutal, lui tranchant les doigts.
Elle s'était ouverte à la vie, au monde, puisqu'il était là.
Naissance d'une vénus aux yeux azur qui sourit, pour un rêve éveillé.
Sur l'or des mers, elle se dressait, enivrée de désirs inconnus. La rumeur sourde des vagues telle un chant sacré bruissait tout alentour.


ASSEZ!!!

Ma parole elle a du sniffer du sable ou de la poudre de coquillage, elle n'en finit plus...

J'suis Yop, vous me reconnaissez!?
Je surnage en ce moment dans les synapses de la donzelle.
J'ai du tout supporter sans broncher depuis des jours.
L'homme est un pou pour l'homme... et la femme donc!?
Hélas, le bonheur aussi a ses parasites.


J'imagine bien aux cheveux d'algue les murènes,
Croire vainement égaler les sirènes
Ça copie, ça singe et ça jacasse ;
Ça a beau s'égosiller, les vilaines rascasses
Pourtant, nulle querelle, aucune escarmouche ;
Il n'est aucune gloire à la pêche à la mouche?
Noelia.
Saintes - L’Éternel retour

Ce mercredi là, la brunette ne tenait pas droit - on la touche du doigt elle souffre...
Penchée sur les légumes qu'elle ramassait, une goutte plus salée que la rosée du matin vint s'écraser sur les fanes d'un chou.
On aurait pu s'étonner de ne pas soudain les voir se dissoudre.
Avec lui elle apprenait à compter les pétales, à parler végétal.
D'une voix blanche, vint mourir sur ses lèvres :


- Mon amour, je te jure les légumes je les fais boire...
Ensemble on est désaltérés tu ne pourrais pas le croire...
Je siffle tes mots et ta tendresse comme tout le reste...


Elle se redressa pour inspirer profondément, s'essuyant les joues d'un revers de manche.
Ménager la chèvre, le chou, et s'assurer du sourire de la “chevrière”. Cherchez l’intruse.
Elle prit place sur une balançoire de fortune, installée à l'ombre d'un pommier séculaire, sa chausse gauche glissant légèrement de son pied, les mains crispées sur les cordes.
Lui son mystère, son étonnement constant, sa racine lui enseignait à élucider la sève du feuillage.
Elle avait, sur elle près du cœur le vélin où il avait tracé l'ébauche de leur bonheur, et sur ses lèvres le feu émouvant, pénétrant d'un baiser.
Elle se laissait bercer par le mouvement répété, entre ciel et terre, mélancolie et félicite. Et comme un oiseau que nul vent ne pouvait arrêter, elle s'envolait.
Noelia.
Dégaine ta plume comme une épée



L'autre jour, Noelia est tombée sur Dame Vulgarité.
Rien n'est pire qu'une nigaude sournoise qui n'a rien à dire mais qui martèle sans cesse son lot de niaiseries,
pensant ainsi combler tout à la fois son vide et son besoin de reconnaissance.


- Tac! Tac! Tac!

A ce bruit Noelia aurait pu répondre :

- Ne forcez point votre talent, vous ne feriez rien avec grâce.*

Noelia détestait les gens qui bernaient leur monde en changeant de visage comme de chemise selon leur interlocuteur du moment.
Parangon de trivialité, d’impudeur et de cynisme, Dame Vulgarité trônait là, hâbleuse, visqueuse, à la fois “m'as tu vu” et “sainte nitouche”,
qui envahissait peu à peu l'espace, exhibant le spectacle de ses charges croupissantes comme on promeut de la viande,
faisant étalage de son intimité jusqu’à transformer son « ego » en porcherie.
Dame Vulgarité se complaisait dans sa médiocrité, sa grégarité, faute de recul ou de hauteur de vue,
et portait au pinacle l'éloge de la bêtise, son unique argumentation.
Ne savait elle donc pas qu'on pouvait être éclatante sans vulgarité, et douce sans fadeur?**




Fort heureusement, il y avait plus important qu'une allégorie.




Il était des terres mystérieuses qui recelaient bien des secrets.
Lui, il avait posé au large pour les oubliés : les mauvais présages, ses démons aimés.
Son chagrin en cage l'avait enfermé.
Et elle espérait bien en détenir la clé, que le vent des merveilles fasse s'envoler ses histoires anciennes, ses histoires passées.
Il avait eu peur, alors que pour cette confiance qu'il lui accordait un peu plus chaque jour, elle ne l'en aimait que davantage.
Si elle était son trésor, lui était sa précieuse pépite.
L'égo, la suffisance, et l'orgueil excluaient l'amour. Et la tristesse donc?
Elle repliait les êtres sur eux-mêmes, et les coupait des autres.
Noelia choisissait d'aimer au gré du temps, dans la tendresse, la patience, la compréhension, la poésie.



* La Fontaine
** Proust
Aktarion
Il ne s'y entendait guère en amour.
Une partie de lui n'était qu'une bête sanguinaire.
Une partie de lui n'avait connue que la guerre et les combats.
Une partie de lui avait le gout du sang.

Une partie de lui, pourtant, avait cédée devant Elle...
Une partie de lui, dont il ignorait alors l'existence, s'était reconnue en Elle.

Tout en lui n'était que surprise devant Elle.
Tout en lui était en joie, en rage, en éclat, en méfiance, l'esprit alerte et les crocs prêts à mordre quiconque s'approcherait trop près d'Elle.

Rien en lui ne l'avait préparé à cela.
Tout en lui la réclamait, corps et âme.

Rien nul part n'effacerait ce qui venait de naître.
Noelia.
[Observer... Interpréter... Comprendre]


Saintes semblait à la brunette un vaste jeu d'échec.
Quelqu'un bougeait ses pions et se faisait le chantre de la destinée.
Dans le petit monde de Saintes chaque chose avait sa place, chaque personne avait son rôle à jouer : noirs ou blancs, dames ou rois, cavaliers, tours, fous et pions tout y était.
Quelqu'un faisait entrer ou sortir les personnages de la partie, et les évènements se bousculaient en réaction en chaine.
Tout cela était mené de main de maître et l'on n'avait plus qu'à attendre le finale qui serait à n'en pas douter grandiose.
Oui toutes les femmes, tous les hommes de Saintes semblaient n'être que de petits pions dans la marche du destin.
Et parfois, cela prenait des airs épiques, fait de batailles, de trahisons, de tourments et d'amours contrariées.
Saintes immense labyrinthe d'une aventure condamnée à l'échec.

De part et d'autre, tous pensaient avoir le nom de celui qui avançaient les pièces.
Des noms, connus ou inconnus de la jeune fille, étaient avancés.
Elle s'étonnait que Kenneth lui même n'en ait pas eu l'intuition encore.
Lui, qui en général tirait les mêmes conclusions qu'elle, n'avait jamais formulé cette éventualité.
Dans la partie, pourtant une arrivée était belle et bien annoncée, sans que quiconque en eut réellement conscience.
Certains signes ne trompaient pas...
Noelia attendait avec impatience de voir cette personne roquer et se mettre à l'abri ...
Noelia.
Elle avait été blessée de nombreuses fois, ne s'était que rarement plainte, s'autorisant parfois à se confier à ses amies.
Combien de fois, à l'abri de sa maison, avait elle versé de larmes? Elle n'aurait su les compter.
Combien de fois avait elle voulu échapper à l'amour par amour? Souvent.
Elle avait toujours été persuadée qu'il vivrait plus sereinement sans elle.
Et puis, ses résolutions s'étaient envolées à chaque fois au creux de la douceur de ses bras.
Elle se drapait dans sa dignité, et pardonnait toujours, encore et encore.
Elle s'était souvent effacée, à son détriment.
Elle n'avait pas de regret, elle l'avait fait parce qu'elle l'aimait et pensait naïvement qu'il était plus important qu'elle.
Saintes et ses habitants avaient toujours eu sa préférence.
Il ne s'en était jamais caché, et elle avait compris quelles étaient ses priorités.
Reléguée au second plan, elle avait accepté sans broncher.
Lorsque des jeux de séduction aux sous entendus à peine voilés,avaient eu lieu sous ses yeux, elle s'était tue ravalant encore et toujours sa peine.
Après tout, que pouvait bien espérer une jeune fille qui avait été abandonnée à son arrivée au monde?
Elle pouvait tout aussi bien être la bâtarde d'un noble, celle d'une prostituée, que le fruit d'un viol ou celui de gueux sans le sou. Finalement elle n'avait jamais espéré être plus que cela.
Lorsqu'il l'avait présentée à Ephedemia, elle s'était sentie honorée et elle avait pensé que c'était le rite initiatique obligatoire pour un passage vers une autre vie.
Mais rien, rien n'avait finalement changé.
Ce jour là elle était arrivée le cœur et l’âme chantants, pleine d'allégresse, comme tous les jours.
Si ses baisers n'avaient jamais trouvé d'écho lorsqu'elle faisait son entrée, cette fois elle en était persuadée, il ne pouvait pas ignorer celui là tant il avait quelque chose de particulier.
Mais pire cette fois il avait changé de place et poursuivi sa conversation sur des impôts.
De toutes les attaques qu'elle avait eu à subir, il avait été le seul à la blesser aussi cruellement.
Elle pouvait affronter les tempêtes des unes, les fourberies des autres, mais elle ne s'était jamais habituée aux coups qu'il lui portait consciemment ou non.
Elle le rendait à sa ville, à ses habitants qui le méritaient certainement plus qu'elle.
Elle, elle en avait fini de se faire broyer le cœur.
Elle avait promis de le suivre en son enfer. Et lui?
Avait il seulement vraiment désiré la suivre en son paradis?...
Il avait été finalement son pire ennemi. Ce dont elle était certaine c'est qu'il n'y en aurait plus d'autres.
Elle emportait avec elle cette douleur et son amour qui la dévastaient toute entière.
L'univers tenait dans un baiser. Le sien venait de s'écrouler
Le seul vrai langage au monde est un baiser.
Aktarion avait donc tout dit... et malgré la porte brisée, elle savait son soulagement.
Elle lui souhaitait d'être heureux, et était persuadée qu'il ne lui faudrait que peu de temps...
Aktarion
Le seul langage au monde est un baiser.
Voilà la vérité qui le trompe et le perd
Car il est amoureux mais ne sait que le taire
Ce seul langage qu'il ne sait pas parler...

Le seul langage qu'il ait connu était celui des armes,
Du sang, de la violence, du fracas et des larmes.
Dans le noir des décors, il fut l'âpre pénombre
Et la mort en personne se cachait en son ombre.

Il traversait les villes et parcouru les terres
En héros pour certain, en assassin pour d'autres
Au milieu d'ennemis, de judas et d'apôtres,
Prêchant sa parole crue en prêtre solitaire.

Son regard était gris tel l'acier de sa lame
Aiguisé, dur et froid, les reflets de son âme.
Comme une étoile éteinte au creux de l'univers
Naviguant à l'envie, à l'endroit, à l'envers.

Puis ses lèvres connurent son sucré
Et sa vie plus jamais ne fut la même.
Alors que désormais il aime
Le seul langage au monde est son baiser.
Noelia.
[Sur la route...]


Elle avait mis des draps usagés blancs sur les meubles, clouté des planches à toutes les ouvertures de la maison et avait rejoint le groupe.
Elle avait franchi la porte Sud de la ville, le cœur et l'âme en berne, sans se retourner.
Elle remerciait le ciel qu'il fasse nuit, laissant ses compagnons prendre de l'avance.
Elle suivait la tête baissée, les joues baignées de larmes, un poing fermé tandis que sa main gauche restait ouverte tendue légèrement en arrière.

Elle redoutait l'endroit où la route partait en deux chemins : chacun le sien.
Sa vie s'arrachait, son corps se délitait et son cœur se détachait tel un rêve qui fondait.
Elle était soudain au bord d'un gouffre, tombait et dévissait sans fin.
Elle n'avait plus de prise, elle ne trichait pas et allait vers elle ne savait quoi.
Elle avait cet immense regret que leur histoire, ce moment parfait, soit à jamais défait.
Plus elle avançait, et plus la douleur devenait insupportable.
Elle suffoquait, la bouche à peine ouverte d’où sortait une plainte étouffée.
Elle aurait tout donné pour que cette déchirure l'emporte tout à fait.


[Mais le jour succède à la nuit...]

A leur arrivée, ils s'étaient tous séparés rejoignant chacun les chambres qu'on leur avait préparées.
Comme une somnambule, elle s'était recroquevillée dans son lit, attendant que Morphée vienne la cueillir dans ses bras.
Ce fut le bruit de coups dans la porte qui vint interrompre ses cauchemars.
Elle se leva engourdie, trottina pieds nus jusqu'à la porte qu'elle entrebâilla à peine, laissant passer un bras féminin tenant une lettre.


- Un pli pour vous!


Elle reconnut la voix de l'aubergiste, se saisit de la missive cachetée, toujours dissimulée derrière la porte.


- Merci. Pourriez vous me faire monter des baquets d'eau chaude s'il vous plait?

Elle ferma la porte, sans entendre ce que l'aubergiste marmonnait.
Tout son corps se mit à trembler en reconnaissant l'écriture d'Aktarion.
Sa main toujours posée sur le loquet, se crispa, sa respiration devint de plus en plus difficile.
La douleur réapparaissait sans crier gare, et la tétanisait. Ses jambes la portaient à peine. Dur retour à la réalité.
Elle rejoignit le lit serrant la lettre contre son cœur et resta ainsi, sans avoir le courage de la lire.
Le temps s'était suspendu et elle n'était plus que l'ombre d'elle-même.
Ce n'est seulement que lorsqu'on vint lui apporter l'eau pour sa toilette, qu'elle se força à bouger.
Quelques minutes plus tard, plongée dans l'étuve, elle prit son courage à deux mains et décacheta le vélin.
Un sourire vint s'inscrire sur son visage éteint, elle lut et relut les mots tracés, porta la missive à ses lèvres, se sentant revivre.
D'un bond elle sortit de l'étuve, ne prenant pas garde à l'eau qui ruisselait de son corps vers le sol.
Elle noua une serviette autour de sa poitrine et s'installa au secrétaire pour écrire dans une exaltation non dissimulée.

Pouvons-nous y croire?
Croire juste un soir,
Un soir pour voir,
Voir s'il reste un espoir.

Espoir de rester à deux,
Deux dans le même feu,
Feu unique dans nos yeux,
Yeux pour l'un et l'autre soyeux.

Soyeux, doux, chauds et tendres,
Tendres et impossible à éteindre,
Éteindre ce qui n'est plus à prendre,
Prendre et simplement étreindre.
Aktarion
Arrivé à Bordeaux, Aktarion écrivit deux lettres.
La première pour prévenir Noelia qu'il était ici, et qu'il l'attendait, la cherchait de taverne en taverne, scrutant les silhouettes dans les rues, observant les vagabondages sur le quai du port.
La deuxième à ses supérieurs, au poste de police, pour prévenir qu'il rentrerait avec quelques jours de retard sur ses prévisions, sans en dire d'avantage.

Il avait pris la décision de rester quelques jours.
Il avait pris une autre décision, l'esprit clair et apaisé, comme une évidence.
Il n'avait pas pris cette décision en chemin en réfléchissant sur la route, comme il est parfois de coutume que l'esprit se questionne, échafaude, lorsque le corps marche longtemps.
Non, cette décision fut prise dès le moment où ses pieds chaussés avaient quitté Saintes.
Il n'avait plus pensé à rien sur le trajet, il n'avait qu'une idée simple en tête et rien ne pouvait l'en détourner.
Il avait parcouru les chemins quasiment sans faire le moindre arrêt, gardant toujours le regard fixe devant lui, tendu vers son objectif, sa destination, sa surprise, et la surprise qu'involontairement il lui préparait.

Il ne lui manquait plus qu'à la retrouver pour la partager avec elle.
Noelia.
- Êtes vous prête à revenir avec moi vers Saintes?

Une longue minute qui s'étirait vers l'infini, lui sembla-t-il, avant de répondre. Il lui fallait, là maintenant, prendre une décision.
Lui faire confiance et le suivre, où le laisser partir à jamais. Il fallait faire vite, interroger son cœur ou sa raison... L'écouter lui ou elle...
Elle se rendit alors compte que l'un n'allait pas sans l'autre. Qu'elle ne pouvait se diviser ainsi, et que complète, elle l'était seulement avec lui.
A ce moment précis, elle aurait voulu lui dire : "restons là ensemble". Elle ne le fit pas.
Il était venu la chercher contre tout attente, c'était à elle désormais, de faire ce qu'il fallait pour qu'ils soient enfin heureux.

Alors? Alors, elle le suivit telle Eurydice, en se faisant la promesse que plus jamais elle ne s'échapperait.
Il avait tout fait pour qu'elle soit heureuse, jusqu'à lui offrir le sésame d'un royaume qu'elle chérissait déjà, qu'elle serrait dans ses mains, qu'elle redoutait cependant de perdre. La clé de voute d'une vie...
Certaines nuits, elle aimait à le regarder dormir. Elle avait l'impression parfois qu'il se prenait les pieds dans la brume, qu'il jouait les funambules avec les rayons de lune, tandis qu'elle ne prêtait pas attention à l'aurore qui se levait.
Alors, doucement pour ne pas l'éveiller, elle posait sa tête sur son torse, l'écoutait respirer et vivre.
D'une mèche de sa longue et noire chevelure, elle suivait les cicatrices que même le temps n'avait su effacer.

Elle l'apprenait tout entier, et pourtant si on lui avait demandé de parler de lui, elle aurait été incapable de répondre. Il était pour elle au delà des mots.
Aktarion, quatre consonnes et trois voyelles, qu'elle avait commencé à prononcer avec respect, puis admiration, qu'elle murmurait aujourd'hui de façon presque charnelle.
Il était sa tempête furieuse jamais apaisée, un brasier qu'elle prenait plaisir à attiser, une amphore de vin fou et enivrant.
Il était l'amant, le complice auquel elle pouvait se confier sans pudeur.
Noelia.
[Juste pour lui]

Tu as dessiné la joie
Dans le ciel gris et bas.
Tu as cueilli l'envol des geais
Pour m'en faire un bouquet.

Tu as fabriqué une oasis au milieu du désert.
Tu as transformé les précipices en bulles d'air.
Tu as fait pousser des arbres,
Tu as enterré ton sabre.

Tu as creusé une fenêtre
Pour qu'on ait de la lumière.
Tu m'as fait danser la première
Des valses de nos ancêtres.
Tu m'as nourrie à petit feu
Et j'ai grossi un peu.

Tu as construit des lacets
A travers la montagne,
Pour me porter dans les sommets
Pour que je gagne.

Tu as repeint la maison
Aux couleurs de mes chansons.
J'ai colorié un sourire
Sur ton visage pâle,
J'ai fait venir dans la nuit noire
D'innombrables étoiles.

On a pris les lacets,
A travers la montagne.

on se promène dans les sommets.

On s'accompagne...
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