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[RP] Le triptyque d'hyménée - Part II

Anaon
    Narines et mâchoires frémissent encore alors que le cœur se blesse un peu plus fort. Il n'en manque pas une pour placer les mots qui font mal. A la mention de l'épousée, la mercenaire se renfrogne d'avantage. Ah! Il n'avait qu'à y rester, auprès de sa femme au lieu de venir ici-bas pour... pour... pour elle ne sait quoi! Troubler son semblant de quiétude comme un pavé dans la marre!

    _ Je veillerais mademoiselle à ce qu'aucun ragot ne sorte de ces murs.

    Enfin la voix se révèle dans un calme qui résonne comme une menace. Si tant est qu'il en soit encore possible, le regard se fait plus appuyé à l'intention du Von Frayner.

    Et voilà que soudain sonne la retraite, laissant sur le carreaux une Anaon affolée. Les azurites accrochent la jeune noble qui pousse déjà les plus petites hors de la scène. Un "Yolanda" hurlé d'un regard muet. Perdue, comme la petite dernière qu'on oublierait à l'arrière. Oui, parce que naturellement, le chaperon ne s'inclut pas dans les "chéries" désignées. L'échine se tend de plus bel. Si Yolanda avait désiré séparer les deux chiens, elle avait omit d'émettre quelques instructions. La phrase de l'homme tinte alors d'une désinvolture qui grince bien faussement au oreilles de la mercenaire. Intérieurement, elle s'étire d'un sourire aigre. La voilà toute désignée. Et la détresse se scelle dans un battement de cil.

    Une lente inspiration. Profonde goulée d'air qui a du mal à se frayer un chemin dans la gorge nouée. Les yeux restent clos. C'est n'est qu'un homme. Qu'un noble à placer dans une chambre et délaisser à ses occupations. Rien de plus, rien de moins. Rideau de chair qui se dégage pour dévoiler les prunelles sombres, contemplatives du vide ou se trouvait Yolanda il y a quelque secondes encore.

    _ Je vais vous montrer votre chambre, ensuite je vous ferai venir quelqu'un qui pourra vous faire visiter le domaine comme vous le désirez Vous serez ensuite appelé quand viendra le repas. Je suis chaperon ici, là n'est pas mon office.

    Timbre d'une résignée. Les azurites ne se sont pas défaite du vide qu'elle guettent encore. Lui parler lui arrache le cœur. Elle veut encore nier sa présence. Ce qu'il est. Ce qui représente. Agir comme avec un autre et s'y tenir. Au mieux.

    Sans rien attendre, elle tourne casaque sans même vérifier qu'il s'élance à sa suite. Le savoir dans son dos lui tire un brusque frisson d'effroi. Ça lui pique les reins. Et la rage première laisse soudainement place un trouble plus profond. L'esprit s'agite de mille et une pensée. Des conséquences de sa présence. Du pourquoi. Ses questions et ses réponses. Les jours a venir seront tendus. Précautionneux. Il faudra l'éviter. Oui, il ne suffit que de cela, l'éviter jusqu'à son départ et oublier. Oublier qu'il a été là. Reprendre les choses dans le cours qu'elle doivent avoir. Lui, loin auprès de sa femme. Elle, là, juste là.

    Et cela commence par une foulée qui s'allonge, désireuse de garder une distance raisonnable entre ses pas et les siens.

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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III - [Clik]
Judas
Chaperon hein...

Il ne retient pas un léger rire cynique. Anaon toujours là où l'on ne l'attend pas. Il la méprise. Il la méprise autant qu'il l'aime, parce qu'elle le blesse rien qu'en se tenant debout devant lui avec cette panse de malheur. Ca lui crève les yeux comme une injure, mais il ne faut rien laisser paraitre, pour Yolanda, pour lui, pour Elle. Parce qu'au final quoi qu'il se passe dans sa poitrine à cette vision personne ne doit savoir que l'Anaon a été l'amante du seigneur.

Droit dans ses bottes il a envie de lui faire remarquer qu'elle ne le regarde pas quand elle lui parle. Ses lèvres minces restent closes malgré toutes les méchancetés qu'il a envie de lui jeter au visage. Il se sent soudainement terriblement vexé d'avoir couru en Anjou pour la retrouver dans cet état, pour la trouver étrangère à lui. Lorsqu'elle lui fait dos il ne manque pas de détailler sa silhouette, l'amertume réussit là où tout à toujours échoué. Il ne la désire pas. Elle porte une vie étrangère, comme en Bretagne. Bretagne où il avait au premier abord refusé de la toucher. Mais les femmes ont leurs vices...

Sans commenter le ridicule de la situation il la suit, laissant cette distance s'instaurer dans la pratique comme dans la théorie. Cours Anaon, cours. Moi je t'aurai sans courir.

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Anaon
    L'offense ne crève pas la surface de son impassibilité, mais le rire est accueilli comme une pique dans le peu d'orgueil qui lui reste. Encaisser la raillerie comme un mauvais coup et attendre que la tempête veuille bien passer. Empruntons l'habit des Sages, le temps d'une placidité toute mensongère. L'instant d'une imposture, retrouver ce qui a fait d'elle une inébranlable... L'absence de considération au monde qui l'entoure.

    Château-Gontier lui semble soudainement immense. Elle devine que les couloirs lui paraîtront démesurément longs. Quand les premiers dallages sont empruntés elle aimerait tant que la porte de la chambre se trouve déjà devant ses pieds. Les mains toujours nouées contre ses reins, le visage contracté. Son pas qui résonne derrière le sien. Les yeux se ferment un instant. Faire abstraction de sa présence... mais ses sens restent obstinément braqués sur sa cadence.

    Comme l'eau glisse sur les plumes d'un canard, laisser l'esprit s'enfuir loin de cette présence qui la vampirise. Accrocher la démarche d'un domestique. Saliver sur les madeleines exquises de Linien qu'elle boude pourtant bien souvent.

    Puisque que ce n'est qu'un homme. Puisque ce n'est qu'un noble.
    Mais c'est Judas... et cela, Anaon a bien du mal à se le mentir. Futile billevesée. Elle ne peut le nier...

    Le silence se fait lourd. Au point de le croire aussi palpable que cette larme de sueur glaciale qui suinte sur la nuque. Elle attend avec crispation qu'il l'écorche de ses reproches. Qu'il la batte de ses mots comme on tanne le cuir d'une mauvaise bête. Tendue, comme dans l'attente de la claque qui se prépare. Ça rend le silence insupportable et elle s'agace elle-même au plus au point. Elle s'empoisonne toute seule de tout ce que Judas ne dit pas. Alimente sa propre colère. Anaon, où l'art de se blesser elle-même.

    Ses regards se font soudainement plus vifs, guettant la moindre présence des subalternes. Couloir de l'aile des invités. Aucun son ne s'y échappe. Elle choisit la chambre qu'elle lui destine. Elle ralentit. Aucun bruit. Aucune présence. Vide. La porte qui se rapproche. Le dernier "clac" de ses pas sur le pavé. Un autre à reculons. Un frisson.

    Et une décharge dans les veines.

    La mercenaire se retourne d'un bloc, les mains agrippent le col du noble et dans une brutalité qu'elle ne mesure pas, elle le plaque contre le mur le plus proche. Bruit mat de la chair contre le roc. C'est un regard noir qui le harponne. C'est une voix qui grince entre les dents serrées.

    _ Maintenant dis-moi, Judas, depuis quand es-tu assez courtois pour rendre innocemment visite à tout un banc de pucelle?!


    Souffle de rage.

    Si proche. Panse contre panse. Leur dernière proximité lui avait laissé un goût de mort dans la gorge. Si proche. Pourtant si loin. Alors qu'elle ne voit dans leur amour que cadavre de sentiments qui lui semblent inanimables. Impossible de réparer l'irrécupérable. Si loin...

    Et pourtant si proche...

    _ Qu'est-ce que tu fais là?!

    Se donner de l'assurance dans cette voix qui se fait dure. Alors qu'elle se trahit à elle-même de ce frisson si caractéristiques qui lui agite les entrailles. La poigne se raffermit. Les phalanges se font plus blanches encore. Les prunelles s'affolent sur ce regard, sur ces pommettes, ces lèvres qu'elle connait si bien, sur ce cou. Les narines frémissent. Elle en sent enfin l'odeur. Il suffirait d'y pencher la tête pour s'y nicher comme avant. Avant... Un pincement dans le cœur. Que reste-t-il d'avant?

    L'oreille se tend sur ses aveux. Et la mercenaire s'en veut de ne pas l'avoir ignoré comme elle avait ardemment souhaité le faire. Mais l'ignorer. Cela lui est tout bonnement impossible.

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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III - [Clik]
Judas
Il s'est accommodé du silence, juste de quoi le conforter dans son idée que cela vaut mieux pour elle. Judas s'est drapé dans son orgueil comme à chaque fois qu'il est blessé. Il a fini par cesser d'observer sa silhouette, de guetter le moindre détail qui de dos trahirait son état. La tension est palpable entre eux et la distance réglementaire qui les sépare maigre bouclier à leur aura négatif. Mais il a apprit avec le temps l'Anaon. Conciliante en dent de scie... L'animal qui n'est pas en paix avec lui même ne se laisse pas pourchasser par derrière. Avec la surprise du geste plus que de l'intention il se tend subitement au mouvement offensif et accuse le coup dans un grondement rageur. Ses yeux la surinent, il la dévisage avec la hargne au bout des lèvres. N'est pas sur la défensive que Roide, c'est bien là toute l'histoire de leur attirance et de leur colère mutuelle. Je t'aime, moi non plus. Ferme là, je t'aime. Des je t'aime dont ils ont toujours été avares. Entre ses dents il la rabaisse comme elle le fait là, contre un mur. Contre ses principes.

Depuis que t'es assez prude pour revenir de Paris vierge immaculée.

Hostilité ouverte et lancée, il la regarde un instant droit dans les yeux , ces yeux qui ne sourient jamais . Ses balafres le font pour eux. Lui laisser une minute pour savourer son moment de gloire, sa toute puissance d'argile... Le contact de son ventre est plus rude que l'estoc d'une vieille lame, il s'en dégage comme de la peste en murmurant l'évidence de sa voix cassée. Cassée comme son moral.

lâche-moi... Tu me dégoutes. Tu es grosse.

C'est si simple. Il s'éloigne d'elle juste assez pour la regarder entièrement des pieds à cette tête fière et creuse. Il a mal, l'envie de la laisser à terre n'en est que plus vive. Lui faire mal en retour. Comme il exigerait d'une de ses suivantes chez lui il hurle afin que tout le castel l'entende à son encontre. Sensation épidermique. Il exige, il rabaisse, il rendra coup pour coups.


Amène-moi à ma chambre!

Chaperon du dimanche. Poison de ma vie. Ecarte-toi de mon chemin...

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Anaon
    L'esprit qui s'embourbe dans sa colère ne saisit pas tout le sens de son premier reproche et il n'en a guère plus le temps que le noble de se dérobe à son joug. Au murmure l'Anaon se scandalise et tourne sur lui un regard outré. Il ne l'insulte pas. Il la blesse dans son amour-propre et dans son Amour tout court. Elle le dégoute... Elle le dégoute? Elle est grosse! La faute à qui Judas?! Hein!

    Il n'y a pas à en douter, si l'homme s'était encore trouvé à porter de main c'est le poing qui serait aller bénir la mâchoire de l'aimé. Qu'on l'insulte, qu'on la traine dans la boue, qu'on lui crache au visage... grand bien leurs fasse aux enragés, elle, elle n'en a cure. Mais on ne la blesse pas sans impunité.

    Et alors qu'elle ouvre de nouveau la bouche, l'homme lui coupe la chique. Elle se tend d'un énième frisson d'effroi et elle sent ses poils se hérisser comme un chat prêt à feuler. Elle se fige, l'instant de digérer ce ton. L'instant de lui désobéir avant d'avancer d'un pas des plus raides. La porte qui les sépare est poussée de la senestre et alors qu'un regard se perd dans la large pièce, un murmure chargé de rancœur filtre entre ses dents.

    _ Aussi grosse qu'une femme qui a eu le dam de t'écarter ses cuisses.

    Et de reprendre sa place, sa droiture et sa posture, mains de nouveau nouées dans son dos.

    _ En espérant que votre chambre vous conviendra... On viendra vous trouver pour palier à vos désirs.

    Moi j'm'en lave les mains, c'est pas mon travail ici. J'en ai déjà trop fait. Ébauche d'une courbette et la mercenaire ne demande pas son reste pour filer dans le sens inverse.

    C'est d'une traite qu'elle regagnera les cuisines en choppant au passage le premier clampin qui passera pour l'envoyer auprès du Von Frayner, imposant sur la domesticité une autorité dont elle n'a pas à jouir. Elle retournera à ses préparations qu'elle rangera d'une main malhabile, tout en remontant les bretelles de la matrone qui aura eu le malheur de toucher à la moindre broutille.

    Et de trouver Yolanda pour lui imposer un "J'ai besoin d'air", puis de remonter dans sa chambre récupérer quelques armes supplémentaire avant de seller sa monture et de partir galop on ne sait où, bravant ses propres interdis en malmenant sa panse maudite.

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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III - [Clik]
Judas
Qu'avait-elle voulu dire par "Aussi grosse qu'une femme qui a eu le dam de t'écarter les cuisses."? Isaure. Ce devait être une insinuation vis à vis d'Isaure. Anaon aurait entendu la conversation en cours entre Yolanda et lui au moment où il annonçait sa grossesse. Foutue femelle... Comme s'il engrossait toutes les femmes qu'il mettait en sa couche... Il ne se connaissait aucun enfant du haut de ses trente cinq années, autant dire qu'il avait une chance folle. Pour chasser ses pensées noires et surtout la sensation de ce ventre rond contre le sien il se pencha sur une lettre reçue au matin. Voilà plusieurs minutes que l'Anaon avait déserté et qu'il était seul dans la chambre que la Josselinière daignait bien lui offrir. Les prunelles assombries parcoururent les lignes candides Bourguignones.

Citation:

Judas,

[...] Resterez-vous encore longtemps loin de nous ? Il me tarde de vous voir rentrer, les gens s'étonnent de votre absence et certains en profitent d'ailleurs en peu trop. Je dois d'ailleurs vous informer que Rosalinde m'a été d'une grande aide. C'est cela que d'avoir une grande beauté comme la mienne, l'on attire les problèmes sans les avoir cherchés. Hâtez-vous, nous vous attendons.

Vous saluerez amicalement la petite Josselinière, qui ne doit plus être si petite. Ne vous étonnez pas de ne pas voir son frère, il est à Sémur. Et sans son épouse, quelle tristesse ! Sa présence aurait été plus douce si ma chère Clémence avait été là !

Votre fils se porte à merveille, je pense. Il est assez fatigant et prend du poids chaque jour. Mon ventre finira par exploser s'il ne cesse pas ! Gérer l'intendance du domaine me fatigue, mais sachez que j'y passe le temps nécessaire chaque jour. Je dois vous avouer que j'ai pris le temps de monter deux jours sur Paris afin d'aller apporter mon soutien à Eusaias. Dans quelques jours, je me dirigerai vers Dijon, pour le rejoindre ainsi que tout son entourage, afin d'y voter. Mais ne vous en faite pas. Tout est bien allé, et tout ira bien.

Vous ai-je dit que la lice qui était pleine avait eu ses chiots ? L'on m'a dit 3 gros mâles et pas une femelle. N'est-ce pas de bonne augure ! Des mâles ! Il semblerait que le Très-Haut baigne notre domaine de sa sainte et bienfaisante Lumière!

Soyez assuré de toute notre affection maritale et filiale.
Que le Très-Haut vous garde.


Il échafauda une réponse. Isaure avait eu l'interdiction de voyager enceinte, à l'évidence elle ne l'avait pas respectée... Mais pour une fois, porté par ses sens exacerbés au tranchant de la Roide il n'eut pas l'envie de lancer de vaines réprimandes. Les élections couvaient l'avènement d'un nouveau Roy, qu'il espérait pour ses affaires être le Blanc Combaz. Plusieurs jours qu'il retardait son retour à Petit Bolchen, pour de bien futiles raisons... Puisqu'il avait retrouvé l'objet de ses tourments et que le récupérer semblait compromis il décida de rentrer au plus vite et de retrouver enfin le calme de Petit Bolchen. Bientôt il aurai de quoi oublier l'amante et ses frasques, puisqu'il aurait un fils vigoureux et que ses cris retentiraient sur les pierres du castel.

Citation:
Ma Dame,

Croyez que loin de vous - deux - je suis bien las. Je prendrai congé demain des quartiers de la Josselinière afin de reprendre la route vers la Bourgogne. Sachez que j'ai envoyé une somme d'argent au Digoine afin de le soutenir, malgré mon absence, dans sa quête de légitimité. Je sais que demain sera un nouveau jour pour notre famille sous le couronnement de notre Roy, je suis confiant. Apprenez aux malandrins qui vous tourmentent le retour prochain de votre époux, qu'ils se tiennent tranquille ou perdent leur tête.

Judas.


En mauvais hôte il décida d'être aux abonnés absent au repas du soir, préférant aller jouer aux cartes et noyer ses désillusions dans les rues de Saumur.
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Judas
[Demain c'est loin.]

Après avoir écumé les tripots, joué sa bonne fortune et perdu sa sobriété - gagné une femme aussi, mais vite revendue , les Corleone sont des cadeaux empoisonnés - le Frayner rentra, l'oeil vitreux à Chateau Gontier. Tout était affaire de discrétion, ayant passé la nuit à noyer ses déboires Judas n'avait pas honoré son hôte de sa présence au diner, c'est donc sur la pointe des pieds qu'il gagna sa chambrée... Porte refermée derrière lui, le bliaut chût, en vrac au sol, bientôt suivit des bottes et de la chemise de lin. Le torse nu imprima un mouvement profond, déformé par un long soupir mélancolique. Il avait écrit à Isaure son retour, cependant il était évident qu'il n'était pour l"heure en état de rien du tout. Gueule de bois, haleine chargée d'alcool, le seigneur n'avait plus rien de cette prestance innée qu'on lui prêtait souvent. Rendue à la faveur des maisons de jeux...

Il y avait eu les cartes, il y avait eu les paris, et il y avait eu les femmes. Pourtant Judas leur avait préféré de loin sa solitude, la gaudriole en berne, c'est dire si plus rien n'allait... Le poison de la Roide avait accaparé son esprit toute la nuit, cette image de panse démesurée comme un abcès dans sa petite tête. Ho il y avait bien eu cette blonde, un peu farouche , un peu désabusée à la lassitude aussi visible que désarmante mais... Il y a toujours un mais. Trainer les basfonds avec la lie de la ville comme il pouvait se le permettre avant titres et épousailles, lorsqu'il n'était qu'un marchand d'esclaves prospère. Ecailler le vernis de sa vie, juste un peu. Juste une nuit. Ce que Bourgogne ne voit pas, Bourgogne ne reprochera. Le retour à la réalité est toujours douloureux. La rechute est sévère. Revenir même au petit jour dans les quartiers de la Bretonne était un supplice. Car si le corps n'était plus en état d'obéir, le flot des pensées lui restait en crue.

La détester. La répudier. L'Anaon des jours de sape, la poupée balafrée. La crever en songe, la baiser en idée fixe. Percer cette matrice à l'aiguille, y coudre sa trahison. Elle est pas grand public sa Roide non... Et c'est bien là tout ce qui l'ébranle. ça le fait bander cette débandade, là derrière la vitre de ses yeux bleus, ça le fait frémir jusqu'au os. Il y avait toujours eu le jeu, dès le premier regard... Toujours. Cette danse macabre entre eux deux, danser sur le fil des lames, s'aimer pour se faire du mal. S'aimer, ho oui s'aimer pour surtout ne jamais le dire. A qui se coucherait le premier, chaque fois qu'ils se sont pris.

Mais Judas ne joue plus. Il y a un ventre qui les sépare.

Un mur d'insondable enfouit là, en elle. Comme c'est ironique. Son ancienne amante est encloquée, comme son épouse... Et pourtant c'est dans le ventre illégitime que le seigneur aurait aimé sentir son fils s'épanouir. Cocon de roture pour un enfant qu'il aurait cent fois, mille fois plus désiré. Un bâtard béni contre un héritier dans les règles de l'art... Judas tousse, peut-être que ses yeux sont un peu mouillés. Il s'abat sur la paillasse sans grâce, le collier des Von Frayner n'est qu'une corde à son cou. Chaotique retour. Les yeux rivés au plafond le sommeil ne viendra pas.


Putain de toi.

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Anaon
"I, I can’t get these memories
out of my mind
And some kind of madness
Is starting to evolve,
And I, I tried so hard to let you go
But some kind of madness
Is swallowing me whole"


    Mais l'insomnie ne sévit pas que dans l'esprit du Von Frayner... On a brisé le fil tenu de son équilibre et le premier à s'être tiré est le sommeil. Habituel fuyard. Les muscles sont gourds, le corps rompu, la ballade improvisée de cette fin d'après-midi aurait du l'achever... mais l'Anaon n'a jamais été au goût de Morphée. Alors elle traine sa présence sur les dallages du domaine, égrenant ses pas, usant sa patience, dans l'espoir que le sommeil veuille bien venir la faucher. Un goût de plante lui tapisse la gorge... mais c'est l'amer qui lui ronge le palais. Relent de cette journée inattendue.

    Elle marche, ne trainant dans son sillage que le son feutré de ses pas qui font frémir le silence des couloirs. Ses deux mains recouvrent son ventre dans un similis de tendresse. Comme si elle pouvait bercer celui qui y veille. Comme si lui pouvait pleinement dormir alors qu'elle, elle demeure parfaitement éveillée. Bientôt... Bientôt elle pourra le sentir s'agiter dans ses entrailles. Comme un sursaut de conscience, lui rappeler qu'elle porte la vie. Le comprendre, pleinement, qu'elle accueille un peu de Lui.

    Un soupire. Elle sait qu'elle lui mène la vie dure, à cette ébauche d'être, bien malgré elle. Pourtant elle pourrait faire bien mieux, elle le sait aussi. Le regard se décroche de son ventre rond pour aller accrocher une porte éclairée à la lueur des torchères qui s'amenuisent. Les pas s'arrêtent et les rétines s'abiment sur le bois qui la sépare du maitre de ses tourmentes.

    Un frémissement. Ça lui pique les narines. Témoin des larmes qui ne demande qu'à monter. Sur la panse qu'elle maudit de sa fertilité, les doigts se recroquevillent. Il n'y a qu'une pauvre porte qui les sépare. Aussi lourde pourtant que ces malentendus et ces non-dits qui la renforce. Rajoutez-y l'amertume d'un mariage qui ne sera jamais digéré. Cette pauvre porte lui paraît alors aussi infranchissable que le cœur d'une légion. Elle se souvient alors, avec une certaine nostalgie dans la poitrine, une certaine douleur aussi, de ce jour à Petit Bolchen, quand au nom de Nyam ils s'étaient déchirés une fois de plus. Quand, dans les jours qui suivirent, elle était entrée au petit jour pour se glisser simplement dans sa couche.

    Sursaut dans la poitrine. Comme si le cœur était piqué à vif. Aujourd'hui... Elle le dégoute. Le visage se détourne dans un frisson glaciale qui se meut en crispation. L'échine tendue, elle reprend sa futile procession, le remord et l'amertume en guise de cortège.

    Le jours suivants ne seront pas plus tendres. Pour se vider la tête, Anaon consentira à mener constamment les gamines de Château-Gontier en taverne. Sourire un peu, quand elle s'acharneront à mettre à bas le colosse, en vain. Souffrir, aussi, de leurs conduites naïves. Et bien vite, elle ne supportera plus d'entendre "Judas" dans la bouche des autres. Lippes de gamine, lèvres de femmes, ces lèvres de putains qu'elle aurait aimé couturer à grand coup de rage dans la face.

    Alors, comme l'animal blessé qui se cache pour panser ses blessures, elle ne voudra plus quitter sa chambre.


"Now, I need to know is this real love
Or is it just madness
Keeping us afloat*"


*"Je, je ne peux pas sortir ces souvenirs,hors de mon esprit ,Et une sorte de folie, Commence à évoluer . Et j'ai, j'ai tellement essayé de te laisser partir, Mais une sorte de folie,est en train de me dévorer "
"Maintenant, j'ai besoin de savoir si c'est vraiment l'amour, Ou si c'est juste la folie, Qui nous maintient à flot "

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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III -Anaon dit Anaonne[Clik]
Judas
Flashback -

" Nuit de pluie. N'est pas nuit perdue pour tout le monde. Frayner est revenu, qui l'eut cru... Paris la putain, Paris la voleuse. La majestueuse lui a ouvert les bras et la porte de sa garçonnière qu'il avait déserté depuis qu'elle lui avait repris l'Anaon. Puisque Roide était là quelque part le seigneur revenait comme un papillon nocturne vers un point de lumière. Vers ses obsession. Elle. Errer la nuit dans les bordels avec l'espoir vain de voir en les autres son visage, battre le pavé avec l'intention ferme de tomber inopinément sur Elle. Celle qui l'avait quitté pour Paris l'avait quitté pour la pluie, pour le bruit et le désordre. Chaque pas le lui rappelait et chaque espoir anéanti aussi. Frayner avait compris. Enfin. Il avait mis le temps, il avait usé tous les mensonges qu'il voulait se faire avaler mais il avait compris. Anaon ne s'était pas éloignée parce qu'elle ne l'aimait plus... Non. C'était impossible. Comment avait-il seulement pu y songer? Elle s'en était allée parce qu'elle ne supportait pas l'idée qu'il aille en épouser une autre, et parce que cet hymen, ce foutu triptyque était une configuration létale pour une relation... Passionnelle. La diseuse de bonne aventure n'avait pas jeté la pierre loin du ruisseau. "Le roi de carreau, c’est toi. Tu es entouré par deux piques" . Isaure, Judas, Anaon. Une beste à trois visages mais au corps unique et indéfectible, malgré lui. Il soupire. Alors voilà, il se retrouve ici. Il déteste Paris depuis que l'Anaon l'a préférée à ses attentions destructrices. Il se déteste depuis qu'il l'a frappée comme il aurait battu une suivante. Judas rumine, il ne s'apaise pas, il ne s'apaise plus. Il voudrait la revoir. Il voudrait qu'elle lui pardonne. "

Adossé à un mur dans le jardin Frayner regarde les fillettes jouer. Il vient d'arriver, de dieu sait quel tripot qui l'a vu jouer toute la journée. Il fait jour, c'est le milieu de la journée. Il est tendu. Tendu parce qu'il a consacré son temps et son attention depuis quelques jours à autre chose qu'à sa haine Anaonesque... Sciemment. Des murmures, des regards, des silences parlants et un parfum... Le parfum d'une autre. Chassez le Judas, il revient au galop, porté par la colère et la vengeance l'homme a finit par retrouver ses vieilles habitudes, presque malgré lui... Et revenir au château, entrer dans les quartiers de la Roide et risquer de la croiser à chaque pas le met en pression maximum. Alors sous ses airs stoïques, là dans les rires d'enfants l'homme se rend moralement inaccessible. Le temps d'un repas qui va s'écourter, le temps du protocole.

L'idée que la brune puisse avoir été proche de lui un jour est volontairement noyée par sa fierté. Anaon? Anaon qui? Judas est une plaisanterie qui ne fait pas rire. Le pied se détache de la pierre pour laisser s'animer le corps sec, les cheveux bruns frémissent sur les épaules de cuir. Chimera est en ville. La Bretagne est là, dans l'ombre du seigneur. Des années à désirer l'inaccessible, à jouer des politesses, à coder des maux épistolaires ... A s'effleurer mentalement, à cause de toutes les barrières de la vie et des rendez-vous manqués... Sa grandeur de Dénéré Malines a cédé. Malheureusement pour la Roide, au moment ou Judas se persuade qu'elle n'est plus rien. Judas a vaincu. Vaincu le souvenir des salins de Bretagne pour leur préférer Cholet, Bubry et leurs bienséance quasi surfaite. Balayé d'un revers de lèvres les balafrées pour leurs soeurs, aussi bretonnes mais bien moins écorchées.

Il est tendu. Pour ne pas attendre bêtement l'apparition redoutée il s'échappe vers les cuisines en quête de... De rien. Bouger juste, le temps est d'une lenteur atroce. Loin Paris et ses espérances, il conchie sa faiblesse. Sa naïveté. Des nouvelles de Bourgogne sont arrivées, Rose va se marier. Rose va le quitter. Rose lui préfère Finn, cette ironie, elle désire sa bénédiction. Mais leur Roy est consacré, et Chimera est en ville alors... Les pas se foutent de tout, Rose se mariera si cela lui chante, la porte est poussée à la hâte et bute. Le bruit est léger mais le choc lui arrache machinalement un:


Pard...


Les yeux se lèvent , les mains se tendent et les lèvres s'interrompent. Où comment sonder malgré soi l'insondable. Il est des murs qui se dressent parfois sur nos routes, sans que l'on parvienne à les contourner. Jamais.
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Anaon
    _ Sans doute ne trouverez-vous pas de fleur au nom plus mal choisi. Le Souci saura néanmoins effacer les vôtres...

    Les mains sont pensivement essuyées dans une serviette de lin blanc. La femme fixe d'un air las l'onguent de Lys et de Souci qu'elle vient de préparer à la demande de l'une des matrones. La guerre a ramené sa première vague de blessé et sa houle promet de ne pas s'arrêter de si tôt. Le mari de l'une des femmes de cuisines en a accuse déjà les sévices. Et c'est vers les conseils de l'Anaon qu'elle a choisit de se tourner. Gratuite et directe, la mercenaire dispense sa parole sans demander son reste.

    _ S'il y a fièvre, les médicastres vous préconiserons certainement une saigné, se sera parfaitement inutile. Cela signifiera un début d'infection, alors n'allons pas lui enlever le peu de sang qu'il lui reste. Dans ce cas prévenez-moi et je me chargerais de faire le nécessaire.

    Au remerciement de la femme, l'Anaon ne répond pas et la matrone ne s'en formalise pas. On a finit par s'habituer à ce cerbère dont le mutisme frôle la froideur, et on ne cherche plus depuis longtemps à en comprendre les mœurs. Seul chose que l'on veut bien remarquer, c'est que la femme a de nouveau ressortit le masque de cette lassitude innommable, qu'elle avait déjà porté il y a plus de deux lunes de cela. Pour un autre drame.

    Lentement, la balafrée porte ses doigts à son nez. Elle en hume l'agréable odeur d'argile et de miel qui s'en dégage encore.

    _ Ne lésinez pas sur la quantité, et attendez bien que l'onguent sèche avant de le changer...

    D'un geste la mercenaire attrape une pomme qu'elle compte ramener dans sa tanière. Tache accomplie, elle n'a plus qu'à s'empresser de rejoindre ses pénates dont les murs constituent son seul horizon. A peine ose-t-elle regarder par la fenêtre, elle préfère fendre son regard sur la dureté des pierres.

    Le regard rivé sur son fruit, le pouce gratte la saleté qui en ternit l'éclat rougeâtre alors que la dextre se tend par réflexe pour saisir la poignée de la porte. La main attrape, mais le bras se plie dans un geste qu'elle n'a pas demander alors l'épaule accuse un choc. Un sursaut violent l'extirpe de sa contemplation, et tête et regard se relèvent d'un bloc. Fixité.

    Le visage de Judas qui lui apparaît inhibe un instant toute capacité à réagir. Les traits n'expriment pourtant pas grand chose, muent dans cet accablement que rien ne semble effacé. Dans un réflexe, le regard glisse sur les mains de l'homme à la recherche des gants qu'elle avait vu il y a quelques jours dans les mains d'une autre. Non, bouger de l'embrasure n'est pas son réflexe premier. La présence savamment évité ainsi imposée à elle la laisse coite. Les lèvres s'entrouvrent puis se ravisent, pour clore ses mâchoires qui n'ont ni la force ni même l'envie de se crisper. Résignée, oui. Un regard pour Judas, un autre pour le cœur de la salle. La poignée est lâchée et l'Anaon se recule doucement.

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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III -Anaon dit Anaonne[Clik]
Judas
Humpf. Non je n'ai rien vu. Non tu n'es pas là.

Trois jours sans la voir, trop beau pour être vrai. Trop beau pour le ménager. Le masque d'impassibilité ne se fend pas, tout deux savent pourquoi ils en sont arrivés là. Voilà des jours que Judas découche, la Roide quant à elle rase les murs... Cette discrétion est un aveu pour le satrape, qui n'a rien à se reprocher ne se terre pas comme un rat... Et puis l'évidence est là, toujours. Non, elle n'a pas disparu dans la nuit la grosseur décadente qui lui a crevé le coeur. Les yeux l'accrochent brièvement, juste assez pour s'en assurer. C'est un réflexe irrépressible qu'il maudit avant même de l'avoir exprimé. Les prunelles noires fuient vers l'intérieur des cuisines, changent de sujet.

Non, je n'ai rien vu. Non tu n'es pas là.

L'estomac s'est révulsé, beaucoup de choses difficile à digérer. En souffrance il contient la déborde... Retenir le spasme de fatalité qui l'étreint. C'est vrai quoi... Aimer une roturière, t'as pas idée Judas. Pourquoi ne pas t'enticher de ton épouse, celle que ton Dieu t'a accordé un jour de faiblesse... L'union était vouée dès sa naissance à ne jamais s'épanouir. Alors pourquoi tu pleures ces moments auxquels tu n'as jamais eu droit? Aimer tout ce qui dérange c'est encore ce qu'il avait su faire de mieux...Mais maintenant... Maintenant c'était terminé. Et cette pensée gonfla sa poitrine d'orgueil, un pas en avant, contourner l'obstacle sans le regarder. Port altier, jouons les grands seigneurs...

Non, je n'ai rien vu. Non tu n'es pas là.

Il la frôle. C'est fou ce qu'il la redoute. Il s'accorde à penser que ce n'est pas un signe de sa guérison et que c'est détestable, puis que c'est un mauvais moment à passer et que...

Et merde... L'oeil se fait presque menaçant. Grand saigneur tu es, grand saigneur tu resteras. Judas.


Laisse pas trainer ton fils...
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Anaon
    Qui connait l'Anaon connait sa passivité. Pas des plus vindicatives, pas des plus combatives non plus. C'est un chien qui niaque sans prévenir, mais qui se rendort bien vite. Ses plus sombres ressentis, elle les dorlote au fond de sa poitrine dans le plus grand des secrets. Qui connait l'Anaon ne connait pas son démon le plus noir. Il a les cheveux blanc et l'œil d'argent, et sans doute est t-il le seul à pouvoir se venter de tirer chez l'impassible une haine sempiternelle et implacable. Même s'il faut bien l'avouer, que dans son domaine, Judas bat des records. Mais comme toujours, l'irascibilité à laisser place à une lassitude sans nom. Comme une machine qui ne fonctionne qu'à la colère et qui se retrouve des plus vides quand celle-ci s'est enfuit.

    Elle ne regarde pas Judas non, une fois encore les azurites embrassent le vide. Elle attend que çà passe, elle attend qu'il passe. Derrière elle, les matrones ont ravalé murmures et confidences. Les ragots entre bonne femme s'enflamment à la vitesse d'une trainée de poudre et si on se perd en hypothèse sur le pourquoi du comment de l'affaire, on est au moins sûr d'une chose : mettez le seigneur et la chaperon dans la même pièce, c'est coller la flammèche à côté de la poudre à canon.

    Son frôlement est une écorchure. Elle en ferme les yeux quand sa peau s'imprime d'un frisson. Et il semblerait que le silence ne convienne pas au Von Frayner. Elle s'anime d'un sourire aigre, intérieurement, car rien ne vient déformer ses traits qui demeurent glacés dans cette immuable flegme. Piquée par l'ironie, les paupières s'ouvrent à nouveau. L'odeur des fleurs lui attaque soudainement les narines. "Le Souci saura néanmoins effacer les vôtres...". Faudrait peut être qu'Anaon songe à en bouffer des charrettes.

    _ Un fils oui... peut être. Le fruit d'une erreur Bourguignonne... Et quand on voit l'ambiance, je t'assure que j'aurais préférer que se soit Paris qui m'engrosse.

    Le timbre est égal. Qui connait Anaon connait son instabilité. Elle ne s'encombre du protocole et du respect qu'à l'instant où çà l'arrange. Ou du moins, qu'au moment où çà ne la dérange pas. Ainsi, elle fait fi de la présence de Judas et sans un regard, elle se fait sa place. D'un coup d'épaule dans la sienne, elle heurte son orgueil comme on dégagerait l'insignifiant qui encombre sa route. Encore peut-il se targuer qu'elle ne l'évite pas comme elle le fait toujours avec badauds et dépravés. Cherchons le réconfort là où il n'y a rien.

    Sans s'embarrasser des regards outrés qui répondent à l'affront fait au seigneur, la mercenaire reprend calmement le chemin des couloirs, les nacres croquant dans le fruit sans aucune gourmandise.

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Judas
Woh woh woh... Pas si vite.

La lèvre mince est mordue, émaux hargneux contenant l'agressivité qui couve. Elle le provoque, de tout temps elle l'a toujours fait. Frayner tend une main vers elle, retenant sa fuite éhontée. Quelques pas vite interceptés, Judas oublie presque qu'on les observe.

C'est quoi cette histoire de Bourguignon?


Malheur à toi Anaon, malheur à toi si tu m'avoues en figure que tu t'es fait engrosser chez moi...

Et voilà! Le masque n'a pas fait long feu... Quelques jours, et difficilement encore... Elle en a trop dit, puis un vilain doute s'est immiscé dans la caboche du seigneur. Se pourrait-il que..? Mais non... A toute allure il réfléchit à la dernière fois que... Diantre c'est si loin. C'est si confus. Tout ce qui lui revient en tête c'est le coup de maillet de la rupture, lui retenu par Moran pour ne pas la tuer, et elle... S'éloignant. Sans se retourner. Et puis il est en colère, la colère vous savez .. Vous savez c'est comme l'amour. Ça rend con... Ça grignote l'esprit. Fâcheuse tendance des pessimistes que de ne voir toujours la coupe à moitié vide plutôt qu'à moitié pleine. L'esprit braqué sur les instants tragiques plus que sur les moments de plénitude.

L'écoute passive? Judas la laisse à la roide. Pas dans ses habitudes de faire l'autruche... Direct, il ne passe pas par quatre chemins et tant pis si la brune en fait tant de mystères. On ne la lui fait pas. Le joug de sa main se resserre sur le bras breton. L'impatience est trahie par une voix plus cassée que jamais.


... Allez parle ou tais toi, qui est le père?!

Que je le tue.
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Anaon
    Elle avale de travers. Qui connait Anaon connait aussi sa susceptibilité au contact. La riposte du seigneur était des plus prévisibles, mais le corps ne peut réprimer cette décharge électrique qui lui dresse les poils. Elle se fige, le faciès tourné vers le calme du corridor. Un souffle frais cavale entre les murs. Ça lui frôle le visage. C'est agréable. La journée est sans doute belle. Assez, pour sortir en ballade, à cheval. Oui. Et cela fait trois jours de plus, que Visgrade est cloitré dans son box. Il faudrait le sortir. La voix qui claque rappelle à l'ordre l'esprit fuyard. Oui, çà aurait put être une bien belle journée.

    L'étau autour de son bras se resserre sans qu'elle ne bronche. Poupée de chiffon qui attend qu'on la laisse en paix. Il lui fait mal, mais la douleur s'exprime à peine dans l'esprit qui se fout de tout. Elle n'essaie pas même de se dégager de son joug. C'est alors qu'une question se pose.

    LA question....

    Un pauvre sourire effleure les lèvres balafrées. Ah... Qui est le père... Il s'en soucie enfin? Lui qui s'est immédiatement drapé dans ses convictions. Qui est le père? Celui qui l'a maudit, là encore, ou d'autre aurait sourit. Là, au creux de l'écrin béni par les Matres vénérables. Un don, qui fait toute sa malédiction. Ah! Qui, Judas? Tu devrais pourtant le savoir!

    Lentement, le corps se tourne pour faire face à l'homme. La senestre prisonnière se lève, forçant l'entrave, pour glisser sur le col. Et les doigts se referment avec fermeté. Le visage se rapproche, un peu, pour distiller à l'oreille attentive un chuchotement qui se livre dans une voix empreinte de son infinie placidité.

    _ Le père est le même que celui qui a engrossé ta femme... Hein? C'est çà Judas? Ton Isaure est enceinte? Mes oreilles sont des traitresses? Ou bien ce sont les murmures entre ces murs qui ne racontent que des fadaises?

    Les azurites accrochent les prunelles masculines. C'est çà, qu'elle n'avait pas entendu le jour de son arrivée. C'est çà, qui filtre des racontars de bonne femme. Ah! Tu sais bien Judas, la vie dans les château n'est pas une aventure. La domesticité s'occupe l'âme comme elle le peut, faisant la traque au moindre ragot comme des rats avides de la moindre miette à se mettre sous les crocs. Et elle a chercher aussi, pour s'amuser, ce "Qui" qui aurait put me mettre dans un tel état de disgrâce. En vain.

    Ton épouse aussi, elle porte la vie. Dieux, que c'est ironique! Et pourtant çà ne fait pas rire.

    _ Qui croyais-tu que se soit d'autre Judas?

    Moi, qui depuis près d'un an, ne connait que toi.

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Judas
Les prunelles se croisent, stupéfaites. Tout doute a un fond de certitude... Le seigneur accuse le coup. Instant de cohue dans le silence.

Judas aurait semé pour des moissons clandestines... Quand? C'est la première question qui fêla le doute. A croire que face à l'évidence les souvenirs se font plus fluides, l'homme plissa des yeux incompréhensifs sur le visage stigmatisé de l'Anaon. Une nuit sur le retour de Bourgogne, une de celle qui les avait réconciliés, qui lui avait fait croire qu'elle l'avait pardonné et avait accepté la nouvelle de son mariage... Alors qu'en somme, sans doute, c'était une façon de lui dire A dieu. C'était son dernier élan d'affection, avant de s'en aller. Avant de le quitter.

Combien de temps déjà? Il la regarde comme il la découvrirait. Il se sent misérable. Aveuglé de jalousie Judas n'a jamais songé que sa Roide puisse lui être fidèle, lui qui ne le lui a jamais été. La notion est difficile à intégrer pour un tel personnage. Le calcul est rapide... Les épousailles du premier juillet, l'ultime gage de tendresse une petite semaine auparavant. L'été a vu germer les impensables... Et quelle est l'ivraie de ces terres ensemencées? De l'enfant d'Amour et de celui d'Hyménée? Deux enfants, une seule issue possible. Le secret.

Main fébrile portée aux lèvres de la bretonne, Judas l'entraine loin des curieux. Shhhh Ann, n'en dis pas plus, ils vont tout détruire, viens. Ils vont me détruire. Le doute n'est plus, il a fait place à la peur. Le bâtard des Von Frayner était attendrissant lorsqu'il n'était qu'un songe... Mais là dans la matrice, palpitant de vie, c'est une possibilité qui peut tout détruire. Viens je te dis! Ne reste pas là avec la bombe à retardement qui croit dans tes entrailles. Viens...

Le coeur s'est serré, l'oeil est larmoyant d'effroi. C'est une nouvelle d'une joie atroce. C'est une tragédie bienheureuse... Un drame béni, une surprise agréablement malvenue. Une silhouette en attire une autre jusqu'au berceau des possibles. La porte de la chambre Judéenne est refermée à la hâte. Il reste face à cette mercenaire devenue madone, interdit. Le faciès seigneurial ne sait qu'exprimer. Déchiré entre la joie, la peur, la surprise, l'excitation. Cet enfant change tout. Il change et changera tout, il est de lui, il est à lui. Deux fils pour un seul homme, il faut tenter le diable pour se vanter d'être grand. Quel salut pour l'inavouable...? Quel avenir pour sa démesure... Le face à face est encore frileux, les yeux se veulent parlants, l'explication sonne comme une excuse à celle qui finalement, devrait être l'erreur plus que la maternelle encensée... Se justifier, comme si cela allait aider le triangle à se régulariser et à arrondir ses angles.


Isaure est aussi grosse que toi. J'ai fait mon devoir d'époux, une fois, le soir de nos épousailles... Parce qu'il le fallait. ça n'a pas été le plus agréable des moments, ni pour moi, ni pour elle... Juste après que tu sois partie...

Ho non. Consommer ce mariage n'avait rien eu de délectable... Mais Judas s'était attendri d'y voir naitre l'inattendu. Comme si la venue prochaine d'un héritier atténuait la disparition de la Roide qu'il n'avait jamais accepté.

J'ai cru...

Les mots meurent avant de franchir les lèvres. Anaon porte son engeance, et c'est bien assez pour lui fermer sa gueule.
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