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Les aventures de Corthos en Normandie... Cousin d'un certain renard

[Rp] Ma route est celle des courant d'air,

Corthos

Corthos de Péreilhe

    (¯`·._.·[Honfleur, soirée du 6 octobre 1460]·._.·´¯)


Le vent doux amuse les cordages et ceux-là chantent comme les maigres oiseaux qui tournent autour de nous.
La grande voile est gonflée à l'excitation d'une fin de voyage... Enfin! Je vais découvrir cette région dont on m'a tant parlé.
L'équipage qui gesticule sur le pont donne les derniers efforts pour l'ultime manœuvre, tandis que je les regarde adossé sur la rambarde du pont.
Le rafiot répond mécaniquement aux multiples ordres que lance le second aux matelots, alors que le capitaine encore dans sa cabine, termine d'écrire sur son journal de bord.
L'embarcation glisse facilement sur une trajectoire si simple... Et pourtant, on se demande comment une masure flottante de cette envergure peut à ce point être si précise dans ses mouvements.
"File le navire, au rythme du dernier souffle, jusqu'à cette ville heureuse et ses lumières du soir"

L'équipage au complet se trouve sur le pont, bardas et sacs aux pieds des impatients, prêts au débarquement. On respire déjà les odeurs du port qui nous accueillent bien avant la ville.
Sur le quai sombre, des silhouettes armés de torches huent des ordres alors que des cordages sont tirés à l'attache.

L'air du soir rappelle la saison d'automne comme l'humidité force la fermeture des manteaux jusqu'au col.
Puis, la passerelle est installée méthodiquement.
Une des personnes qui se trouvait à terre monte à bord, accompagnée de deux hommes d'arme. Il y a un entretien de plusieurs minutes entre le capitaine, son second et celui qui semble être le chef de port.
Des parchemins sont consultés à la lumière d'une torche et ils commencent la revue des marchandises, de la cale jusqu'aux pont.
Nous sommes encore en retrait, dans l'attente habituelle des fins de voyage. Le matériel d'abord, les passagers ensuite.

Lorsque notre tour est annoncé pour le contrôle des identités, les laisser-passer sont tous récupérés.
Autant le temps de consultation pour les autres voyageurs est de courte durée, autant celui qu’on m’offre est celui d’un arrêt suspicieux, comme me l’indique le regard de mon interlocuteur.
Mon identité est dévoilée, le chef de port se retourne et consulte le chef d’équipage. L’instant me glace le dos.
Il y eut cette intervention offerte par cette dame, qui se fait appeler Matouminou. Heureuse personne initiatrice de ma venue sur la terre Normande, et qui me donna confiance depuis la ville de Lyon où nous nous étions rencontrés.
Jusqu’à ce que l'on m'accorde le droit à débarquer, j’ai le sentiment de ne pas être désiré. Comme indiqué sur le document, je n’ai que quinze jours pour faire mes affaires. Après quoi, il me faudra justifier ma présence.
Ce régime strict et autoritaire n’était pas compatible avec l’image qu’on essaie de m'offrir. Terre d’accueil, agréable et bonne à vivre… Et pourtant si contradictoire puisque la méfiance est avant tout ce qu’on présente aux voyageurs étrangers.


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    (¯`·._.·[ Honfleur, matinée du 7 octobre 1460]·._.·´¯)

Minuit passé et l’aventure de quelques jours sur les flots d’eau douce prend fin.
Je débarque entre deux hommes bardés de sacs et m’engouffre dans la rue la plus éclairée. Quelques torches rurales brillent sur un pavé humide. J’y vois les façades claires des premières maisons, toutes serrées depuis le quai jusqu’à une place sur laquelle je fais une courte pause.
Puis, je réajuste ma tenue et poursuit ma route vers la première auberge.
Il fait nuit, il est tard. Je ne rencontre qu'un aubergiste aux yeux cernés qui m'indique sans ménagement la première porte à l'étage. Ce qui reste de la nuit sera apprécié dans un vrai lit.

Après trois jours de navigation, je suis à l'endroit où mon plus vieux cousin demeure...
Aujourd'hui, je partirai à sa recherche.

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Anya_de_puycharic


    [Fécamp, caravane ducale]
      ... comme une partie de pêche.

    N'ayant pu intégrer l'armée de Rouen, la Blanche avait rejoint la caravane ducale, à la demande de la Duchesse et du CAC. Avec certains de ses gardes, elle pourrait ainsi aller chercher ces précieux écailleux pour les repas obligatoires préparés au Conseil, voire les amener en forêt, non pas pour les abandonner et jouer au Petit Poucet, mais bien pour y couper du bois, aussi nécessaire pour le Duché. Et non, contrairement à ce que certains pensaient et aimaient à colporter en taverne, elle n'était pas là en balade. Certes, elle ne s'était pas présentée à la discussion qu'il y avait eue à Dieppe, mais les questions posées et qu'on lui avait rapportées, concernait l'économie, et personne n'était mieux placée que Fred et la Duchesse en poste, pour y répondre. Et puis... comment être en place publique et à la pêche en même temps ?

    C'est d'ailleurs alors qu'elle était sur les berges du lac de Fécamp qu'elle vit un faucon se mettre à tournoyer au-dessus du lac, prenant ensuite sa direction. Sans doute cherchait-il à repérer le meilleur poisson pour lui.
    Arrivant à sa hauteur, elle fit comme avec Faji : elle lui tendit la main et le volatile vint s'y poser, ses griffes s'accrochant légèrement sur la peau de la Blanche. Une missive à sa patte.
    La question était de savoir pour qui était la missive ? Elle ne pouvait se permettre de l'ouvrir, mais en la détachant de la patte du faucon, elle aperçut le cachet de cire.

    Un renard et un corbeau. Un vertige la prit, préférant s'adosser contre l'arbre juste derrière elle. Cette missive... l'ouvrir ou pas. Son coeur battait vite depuis la vision de ce scel de cire. Et si ? ... Non... non... Les morts ne reviennent pas, même lorsque l'on prie pour cela... même lorsqu'il s'agit d'un proche dont on ne peut se résoudre à accepter la perte. Ils ne reviennent...jamais.

    Si cela avait été le cas, Gabriel serait là depuis longtemps, Bulvaï aussi.
    La missive dans la main, le regard perdu sur ce cachet de cire. L'hésitation ne se fit plus longtemps et c'est d'une main fébrile qu'elle la décacheta, découvrant les premiers mots :

    Citation:
    A Dame Anya de Puycharic Giffard


    Ainsi, cette missive lui était destinée. Les faucons étaient donc réellement des volatiles bien dressés, celui-ci l'ayant trouvée ici, alors que la veille encore, elle était à Dieppe. La Blanche préféra pour le coup s'asseoir au pied de l'arbre, prête à continuer la lecture de la lettre.
    Mais comme certains font, pour certaines histoires, ils lisent la fin avant d'avoir tout lu. Et c'est ce qu'elle fit. Son regard se porta sur la signature :

    Citation:
    ________________§
    Corthos de Péreilhe.


    Péreilhe...ce nom si familier. Certes, c'était le nom du cheval de sa Petite Perle, mais ce nom n'avait nullement été choisi au hasard. Il avait été donné par la petite en raison de son grand attachement à celui qu'elle aimait appeler "son Renard". Margot et Corby avaient passé beaucoup de temps ensemble, elle était ce petit rayon de soleil, ce petit vent de fraîcheur qui permettait au goupil d'avoir ce sourire, et cette envie de lui apprendre mille choses. Les deux là se quittaient rarement, et jamais quand ils étaient à Arques.
    Les couleurs du Renard... léguées à la petite... ses plumes et parchemins...
    Tout un flot de souvenirs affluait alors qu'elle n'avait pas encore pris connaissance du contenu de la missive, envoyée par un membre de la famille de Corby, elle en était certaine.

    Son regard se porta sur la suite de l'écrit. Akane ? Matouminou ?
    Ainsi, il lui écrivait sur les recommandations de sa soeur ? Son...cousin ? ... ainsi, il était le cousin de son Renard, et il était à sa recherche.
    Anya ferma les yeux, serrant cette missive, une larme coulant de ses émeraudes. Lui répondre... oui... mais, comment lui dire que ? Comment lui dire cette nouvelle que elle-même n'avait jamais voulu entendre, ni croire ? Elle ne pouvait se résoudre à lui annoncer cela par missive. Tout comme elle ne pouvait se résoudre à ne pas lui répondre.

    La Blanche se releva, s'approchant du lac, ses mains en porte-voix.

      - Aristide !! Une affaire urgente, je rentre à l'Auberge !!

    Sans attendre une quelconque réponse, positive ou non, et de toute façon, il n'avait pas à contester quoi que ce soit, la jeune Duchesse se rendit à sa chambre.

    [Chambre de la Blanche - Auberge Municipale de Fécamp]

    Gelée. Elle était gelée, et il n'y avait pas que le temps automnal qui en était responsable. Le contenu de la missive l'avait assez chamboulée pour être responsable de ce froid qui avait gagné ses mains et de ces frissons qui la parcouraient. Retirant sa cape, se dirigeant vers le bureau, prenant plume, encrier et parchemin, elle s'installa ensuite devant le feu.

    L'automne. Ses couleurs. Son petit vent. IL avait rejoint le vent. Ce vent dont IL aimait suivre la direction. Ce vent qui l'avait éloigné de sa fille. Margot en parlait encore beaucoup. La petite n'en avait jamais fait le deuil. Elle en était encore à croire que, comme elle ne l'avait pas vu mort, que, comme il n'y avait pas eu d'enterrement, son Renard était parti voyager, au travers du Royaume, au travers des mers et des montagnes, à la recherche de nouvelles fables qu'il pourrait lui raconter à son retour. Oui. Le Renard et l'enfant passaient de nombreuses après-midi, notamment les pluvieuses, à se raconter fables et histoires, avec des Dragons, ou pas. Des histoires ponctuées par des rires, des yeux brillants, de ces moments qui redonnaient le sourire à la Blanche, de les voir ainsi. Margot avait manqué de père, bien trop absent ou fantôme, mais Corby, lui, n'avait jamais failli dans ce rôle que la Petite Perle lui avait donné.

    Anya s'installa confortablement puis rédigea cette missive :

    Citation:
    A vous, Messire Corthos de Péreilhe,
    De Nous, Anya Giffard de Puycharic, Duchesse d'Arques-en-Aure, Dame de Longueville-au-Mont,

    Salut et Paix.

    C'est avec surprise que nous avons reçu vostre missive, et avec une émotion non dissimulée que nous en avons pris connaissance.
    Il se trouve effectivement que je connais vostre cousin, ce dernier étant un de mes plus proches amis.

    Préférant les entrevues, les discussions de vive voix, je vous invite à nous rencontrer à Fécamp, où je demeure actuellement, à l'Auberge Municipale, faisant partie de la Caravane Ducale qui sillonne depuis quelques temps la Normandie.

    Espérant vous voir avant mon départ, je vous prie de croire, Messire, en l'assurance de toute mon amitié.

    Qu'Aristote vous garde.

    Daté et scellé à Fécamp, en ce neuvième jour du moy d'Octobre de l'An de Grasce 1460.



    Elle scella la missive, se leva, l'accrocha à la patte de Faji, son propre faucon, ouvrit la fenêtre, priant pour que ce dernier trouve le cousin du Renard au plus vite. Restait maintenant le temps de l'arrivée de ce dernier pour trouver comment lui annoncer la terrible nouvelle qu'il semblait apparemment ignorer, au vu des termes utilisés dans sa missive.

_________________






























Corthos

Corthos de Péreilhe

    (¯`•._.•[ Honfleur, journée du 9 octobre 1460 ]•._.•´¯)


"Le temps passe mais ne rapace pas"

Ce qu'on dit est vrai. La boisson locale, celle qu'on chante dans toutes les places est un vrai délice. Le goût est léger en bouche, l’alcool glisse sans grimace et l'ensemble bien dosé peut d’une simple rasade au verre complet s’avaler sans tousser. Le liquide fait son chemin dans les entrailles qu’il réchauffe et il me permet de garder le sourire jusqu'au prochain verre.
Le hic est que comme tout ce qui est bon, j’ai tendance à me resservir et le sourire sympathique se transforme en un sourire godiche.
Le même sourire d'ailleurs que j'avais à mon réveil... Et que j'ai perdu en quelques secondes lorsque je me suis redressé. Il y avait dans ma tête toute une troupe de saltimbanques spécialisée dans le jeu des percussions. J'ai dût rester plusieurs minutes assis au bord du lit avant qu'ils se décident à partir...

La bouche pâteuse, l’œil maquillé de cernes, je fais le point dans mes affaires.
La carte du Duché Normand roule sur ma paillasse et je la consulte pour la trentième fois en deux jours. La région est un dessin large et tout en longueur bordé d’encres colorées. Le tout se mélange avec le bleu de la mer peuplé de baleines ou bien de monstres gigantesques qu’on ne peut nommer.
Les choix pour retrouver le cousin renard sont nombreux et j’imagine déjà le rencontrer au milieu d’une auberge comblée. A mes souvenirs de nos bons moments, je le vois déjà me présenter à ses amis et se vanter de nos histoires passées.
Il y avait cette fois où un vilain de deux tailles plus grand s’en était prit à moi. Je ne devais pas avoir dix ans et le cousin était arrivé aussi silencieusement qu’un chat pour le surprendre et lui mettre une correction. Nous l’avions ensuite attaché à la branche d’un arbre comme jugement rendu et je me souviens de nos rires lorsque le soir venu, le bougre gredin pleurait encore pour qu’on le détache. « Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute » avait dit le cousin tout en terminant son repas.

Les cheveux ébouriffés forment une crinière de coq et résistent au peigne que ma main coiffe avec insistance. La chemise que j’enfile s’accroche à ma barbe de quelques jours et me rappelle au temps qui passe. Je serai bien volontiers resté au lit mais le raffut des clients à l’étage du dessous m’oblige à me lever.
Je me rallonge quelques instants sur le dos et examine la lame fine de la dague qui me servira de rasoir. Sur le métal entretenu, je distingue une minuscule entaille qui longe le fil sur une partie de sa longueur et je m’oblige à m’en souvenir pour le moment de ma toilette.

Le sac sur l’épaule, je descends jusqu’à dans la grande salle et commande un plat de légumes chaud avec du pain. Tout en mangeant, je me remémore mes précédentes journées et sourit, perdu dans mes pensées. Penché vers la plus proche fenêtre, la lueur du jour indique presque midi et les courbatures accumulées me tentent à la paresse. Je termine mon repas et me force à prendre l’air, emportant avec moi un bout de pain.


Plusieurs jours ont passés depuis ma venue et je n’ai pour l’instant rien trouvé de mes recherches. Certes, j’ai trainé un peu, d’auberge en auberge, acceptant les verres en échange de mes sourires pour sympathie. Des gens accueillants qui s’excusent de ne pas pouvoir m’aider et me proposent de rester dans leur ville.

J’ai croisé quelques fois des personnes que je connais, comme avec Dame Matouminou et son compagnon. Ce couple fort sympathique qui m’avait en quelque sorte pris sous leur aile le temps d’un voyage, et même bien plus puisque m’aidant dans les démarches administratives avec la prévôté, j’ai réussi à obtenir un laisser¬passer pour encore quelques jours.
Aurai-je le temps de rester en Normandie où serai-je expulsé avant ? Même si certains me rassurent sur la rigidité de la prévôté avec les inconnus, j’ai tout de même des doutes. Leur accueil est si glacial…

Je me souviens d’une autre rencontre avec une dame en tissus bien habillés. Une dénommée Akane à l’aspect noble pour évidence. Après lui avoir fait part de ma quête, elle m’orienta immédiatement vers sa sœur Anya. Apparemment, celle que mon cousin nommait dans ses lettres.
Nous sommes restés pendant un moment à échanger quelques banalités, apprenant entre autre qu’en pays Normand, tous les habitants portent des surnoms. Les termes que j’entends comme « blanche », « discrète » et d’autres billevesées deviennent plus claires à mes questions curieuses.

J’ai donc écrit à cette femme dite-la blanche-, en espérant qu’elle puisse m’aider à trouver le malin goupil et la réponse que j’ai reçu peu de temps après m’a fait bondir en plein milieu de la rue. Je sautais tel une grenouille géante et me précipitais sur mon cheval pour prendre la route vers Fécamp.

Il n'y avait derrière moi une fine poussière soulevée par les sabots de ma monture. Dernier souvenir de cette ville bien accueillante à ma venue.


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    (¯`•._.•[ Fécamp, journée du 12 octobre 1460 ]•._.•´¯)



Ma route fut plus longue que prévue et la caravane Ducale finit par reprendre sa route avant mon arrivée. Sans un sous en poche, je me suis installé quelques jours à la ville en continuant mes investigations.
Mais le régime n’est pas facile. A chaque travail en annonce, on me refuse l’accès puisque je suis un étranger à part entière. Mon accent, ma tenue, mes airs me désignent comme tel et je dois me plier aux règles et au caractère de cet endroit. Les excuses faciles liées à mon manque de capacité physique m’obligent à postuler chaque jour à la mine, ce qui indéniablement retarde mon enquête et me rappelle au temps qui passe « pour les rapaces ».
Sans perdre espoir pourtant, je suis déterminé à continuer et programme ma prochaine destination vers la capitale de ce pays.

Avec quelques vivres de plus, je pourrai très prochainement reprendre la route… En espérant que cette fois-ci, je trouverai quelque chose…

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Corthos

Corthos de Péreilhe

    (¯`•._.•[ Rouen, journée du 20 octobre 1460 ]•._.•´¯)


"La chance sourit aux audacieux... Autant faut-il que l'audace ne soit pas vaine"

La légendaire bonne étoile que ma famille entretien avec le hasard qui lui est lié, ne sont en vérité que des faits de circonstance.
Ces chances que je toise au détour de mes chemins me permettent d'allonger le pas dans mes entreprises et j'avoue avoir été comblé plus d'une fois.
A la suite d'un long voyage pour parvenir jusqu'en Normandie, j'apprends que la ville dans laquelle je me rends est une "île" désertique aux abords bardés de récifs. J'apprends que la vie se fait rare et que seuls les conseillers ducaux y sur-vivent. On me dit que les accès peuvent être un simple aller sans retour tellement sa route est dangereuse. Les rumeurs se font légendes et je me demande à force d’interrogation, si elles ne sont pas l'entretien d'une protection naturelle en guise de mur d'enceinte. Si seulement nous ne devions vivre que de rumeurs, nous pourrions toucher la lune d'un seul geste.

Les craintes qui se rajoutent à la lame de Damoclès sensibilisent une fois de plus mes inquiétudes. Je me pose la question sur la nécessité de risquer mon unique vie afin de retrouver ce vil cousin...
Je me demande aussi, au constat du temps qui passe, si je dois entreprendre de faire le tour de ce Duché tel un pèlerin voyageur. En garde d'espoir, je me lance à l'audace de mes projets et c'est à ce moment que la chance m'ouvre une nouvelle fois sa porte.
Aux premières personnes à qui je pose la question d'une traversée jusqu'à Rouen, je rencontre une Dame qui se nomme Jenjitai et qui me propose escorte. La nouvelle est bonne et je souris au hasard comme il me sourit.
Mes affaires sont rapidement rangées dans le barda que je glisse en bandoulière et nous nous préparons à la route du lendemain.

Le lendemain... Je marche comme deux, soulevant la poussière autant qu'un chariot. Le trajet est facile puisque la route entretenue permet au pas de se faire sans heurt ni dévers.
Les portes de la cité sont larges, aussi larges que l'épaisseur des murs que je franchis. De longues bannières rouges flottent au dessus de moi. Elles affichent de gigantesques lions d'or pour la fierté de la Normandie.
La garde bien habillée me regarde avec indifférence et je deviens un passant parmi le flot de voyageur. Le document "Lp" que je montre fait l'affaire et je soupire de soulagement aux premiers pas à l'intérieur. Rouen, me voilà!

Je remercie avec gratitude mes compagnons de voyage et entreprends la recherche d'un toit confortable. On m'apprend que le luxe de ce lieux me demande un écu supplémentaire par nuitée et ce, n'importe l'auberge où je me rends.
S'il s'agit là de la seule contrainte, je constate très rapidement et la surprise est nue, que les places sont pleines de clients et que les verres débordent bien plus que dans mes précédentes haltes.
Le premier contact est chaleureux, on m'accueille avec égard et sympathie alors que je n'ai pas encore défais mes affaires.

Je me lance sans perdre un instant dans les conversations de ma quête et quelle est ma surprise lorsque à l'évocation de mon cher cousin, on me répond de toute part qu'il est connu comme le renard blanc.
Mais les traces de son passage dans cette ville ne sont pas suffisamment récentes pour que je le trouve d'emblée. Que cela tienne puisque à chaque pas, j'approche de sa tanière! Il y a bien quelqu'un qui l'aurait vu cet été... Ou bien une autre personne qui se vante de l'avoir croisé il y a moins de quinze jours. Mais c'est trop peu.

Les jours qui passent sont encourageant et les rencontres encore plus riches. A ces exploits contés, à ces vers chantés, il semble que l'empreinte d'un goupil se soit immiscée dans les mémoires d'une manière bien futile. Les sourires sont sincères autant que je me sens à ma place, oubliant presque que je ne suis pour ce pays qu'un étranger J'ai l'impression d'une fin de voyage où je suis reposé.
Les jours qui se présentent sont la routine des embauches nécessaires à la mine et mine de rien, je garde le sourire tout en portant des caisses. Au delà de la sueur et de la suie, mon pas est léger et il m'arrive même de fredonner alors que la pelle marque le rythme de ma journée.
Impatient d'être au soir, je rentre avant la nuit pour faire ma toilette, espérant rencontrer cette "Blanche" à qui j'écris maladroitement pour lui signifier ma présence à Rouen. Les habits que je laisse pour cette occasion sont soigneusement étalés sur mon lit. Comme tous les soirs alors que j'enfile ces habits propres, j'ai l'impression d'être plus important puisque la considération qu'on m'offre me parait sincère.

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    (¯`•._.•[ Rouen, soirée du 23 octobre 1460 ]•._.•´¯)


Après quelques jours, je commence à connaitre certaines tavernes.
Il me faut parcourir quelques lieux au sein de la ville pour en faire le tour et si je m'organise correctement, j'arrive à suivre un circuit d'un bout à l'autre sans repasser devant les mêmes façades.
C'est l'heure de ma sortie et je termine mon habillage. La chemise tendue au plus bas et les braies brossées ne cachent pas pour autant que le tissu est pauvre et légèrement usé. Seules mes bottes paraissent neuves tellement je frotte le cuir. Il suffit de le faire plusieurs fois dans une journée, au chiffon granuleux et au crachat, pour que l'aspect neuf soit conservé.
A la vie de marin que j'ai connu, on m'apprenait à faire attention aux détails puis que tous sont des comptes d'importances là où d'autres peuvent y voir une indifférence.

Le pas luron et la mine réjouie, je franchis la toute première porte de mon parcours journalier sous l'enseigne d'Orgerie. Un pas, deux pas et même trois à l'intérieur d’une pièce silencieuse et sombre, j'aperçois dans un coin un couple qui me regarde. Embarrassé, je marque le pas quelques secondes et m'apprête à faire demi tour, la bouche figée en sourire gêné.
Mais on rit et m'accueille avec la même sympathie que pour les autres jours. La situation inconfortable dans laquelle je me trouve m'oblige à l'échappatoire et je m'incline en excuse, souhaitant l'agréable pour le reste d'une soirée bien annoncée.
Quelques pas en arrière, une porte que je referme doucement, je raccompagne la lourde poignée avec tellement d'attention que des passants me regardent à la manière curieuse.
L'image est celle d'un homme qui s'applique à quitter un lieu sur la pointe des pieds comme il s'échappe d'une prison.
Au soupir de la prochaine taverne, je me demande si le rituel que j’entretiens sera celui d'une longue période.
Je m'amuse même à la pensée d'une routine de soirée, de porte en porte, de rencontre en rencontre et me plait à cette idée.

C'est dans la troisième taverne que je trouve encore plus de monde pour m'accueillir. Les conversations vont bon train comme le temps passe et les anecdotes se mêlent aux rires comme pour marquer la marque d'une soirée agréable. Les verres sont levés, vidés, remplit et si certains s'en vont le sourire aux lèvres, d'autres les remplacent et comblent les places encore chaudes.
C'est à un moment ou cette femme sympathique qui se nomme Floralise me fait part que la "Blanche" se trouve dans une autre taverne. A ses dires, je pose mon verre et lui demande de me le garder, le temps que j'aille voir qui est cette femme dont mon cousin me parlait tant. Oubliant mon sac sur place, je me lance à quelques rues, vers la prochaine taverne de mon étape.
Alors que je presse le pas, j’essaie de faire le point sur les multiples questions que je poserai. Puis, je me questionne moi même. Serai-je à la hauteur pour représenter mon cousin? A t-il une bonne image que je devrai entretenir?

A quelques pas de l'auberge, je ralenti machinalement ma cadence et approche doucement la première fenêtre. Elle est là! Assise avec deux hommes, ils semblent entretenir une conversation sérieuse et je pense apercevoir des rires à leurs mouvements, mais les voix ne me parviennent pas.
Cette Dame que j'aperçois de profil semble tout droit sortie d'un livre de conte tellement son apparence est soignée. Sa beauté explique alors ce que mes souvenirs de lecture me racontaient. Mon cœur s'emballe et les mots que je préparais à son attention se perdent dans un flot d'émotion. Je reste quelques minutes à me demander de quelle façon je peux me présenter. Que dois-je dire? "Bonjour, je suis le cousin de Corby, je suis enchanté de vous rencontrer enfin".... Ou bien, "Bonjour Madame, permettez-moi de m'incliner devant tant de beauté".... Non, non! Je commence à bafouiller dans mes pensées et c'est alors que je me gratte le menton que j’aperçois l'homme qui lui fait face.
Habillé d'une armure luisante à l'aspect très entretenu, la prestance qu'il représente brille sur des joyaux qui se reflètent à la lueur d'une bougie. L'épée au coté et un immense médaillon sur le devant complètent le tableau d'une haute noblesse. Le sourire qu'il affiche semble presque irréel tellement il est permanent. On y voit une dentition claire, de celle qui demande le temps d'être entretenue pour être vue.
A la réflexion, je me pose à de nouvelles questions. Comment pourrai-je être entendu alors que l'attention risque d'être en sous estime et à mon désavantage. Mon cousin avait-il suffisamment d'influence pour que je puisse risquer le dérangement?
Je me rappelle alors de la rigidité de la prévôté et des influences faciles des nobles qui en un claquement de doigt, pourraient me faire enfermer pour l’éternité par simple saute d'humeur.
Je regarde une dernière fois derrière la fenêtre et m'oblige à revenir sur mes pas. Je ne suis pas prêt... Pas encore. Du moins, pas tant que la "Blanche" peut-être accompagné sans que je sois invité.

Corby me disait souvent "Fis-toi à ton instinct, à tes impressions premières et si la confiance marque le doute, alors tu devras être patient et attendre le bon moment"
Pour le cas, je n'ai pas été invité à entrer dans cette taverne et je préfère attendre que ce soit le cas...

C'est ce que je fis. Demi-tour, la tête basse.
De retour à ma dernière place, le sourire disparu de moitié, je force l'autre moitié alors qu'on m'accueille avec un verre.
Un nouveau venu a prit place à mes cotés, bardés lui aussi d'innombrables habits mais d'un style plus fantaisiste. Il me fait penser à un troubadour qui joue une représentation royale. La couronne sur le front, le velours se mélange maladroitement avec quelques fourrures à l'origine douteuse. Aucun rapport avec ma précédente vision.
Alors que Floralise apprend que je n'ai pas rencontré celle pour qui j'ai fait le déplacement, elle me propose de se rendre à la taverne voisine afin de m'annoncer.
Malgré son attention très louable, je ne peux m'empêcher de repenser à mon malaise et lui somme de ne surtout rien faire. Quel pourrait être l'impression d'une personne qu'on recherche quand on lui annonce qu'un inconnu gît à deux pas et n'ose se démarcher? Je lui parle rapidement de cet homme qui me semble être d'influence pour sensibiliser mes dires et le risque d'un dérangement auquel je ne veux contribuer.

Même si la soirée continue au même son que les verres qui tintent sur les tables, j'ai dès-à-présent une boule de frustration dans la gorge, partagé entre le doute et la colère... Celle de ne pas être à la hauteur et la peur de déshonorer mon cousin.

Demain, je ressayerai.
Un autre jour dans de meilleures circonstances.

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Twa_corby
    >

    "נe ne crois que ce que je vois..."

...Et encore. Ce que je vois à ce moment, je ne le crois pas.


¢omme les autres soirs, je prends le large, je prends l'air.
Je déambule dans les rues moites, la brume à mon talon, le vent dans mon giron.

נ'aime flâner quand il ne traine personne. Seul le silence me parle et je suis satisfait.
Éloigné des moulins qui ne brassent que le vent et qui espèrent qu’on remarque leurs bras agitateurs, éloigné de l’orgueil humain qui entretien l’oisiveté comme on cultive des fruits.
Aucune envie de dire bonjour, aucune envie d'être vu et encore moi d'être reconnu. Au moindre bruit, je deviens mon ombre et mon ombre s'en amuse.
Plus de lumière, ou presque.
La lune est cachée derrière un épais manteau gris et il ne reste que ces rares fenêtres qui m'éclairent quand je passe dessous avec quelque fois, une bougie oubliée sur le rebord. Moins fréquemment, ce sont les torches furtives d'une garde qui patrouille. Et il y a ces endroits où la "vie" continue... Les tavernes et leurs clients.
Je les évite autant que peu car elles sont la réunion de ceux qui s’enivrent, de ce qui se perdent dans leurs paroles, de ceux qui pleurent sur leur misérable vie, de ceux qui rient trop fort.
D'habitude, je passe devant la tête basse et je ne la relève que dans l'obscurité.
Je m’arrête quelques instants au milieu de cette rue vide, le temps d’une pensée… Puis d’une autre. Je regrette le temps où je riais avec Farandole. Je regrette le temps où je rimais avec Anya. Je regrette le temps où la considération était synonyme de respect. Depuis longtemps, j’ai écarté certains évènements de ma mémoire comme on écarte une branche et ces souvenirs comme des feuilles, s’envolent au premier vent.
Les tavernes ne m’aideront pas à retrouver le sourire sincère et c’est à ce choix que je les évite.
Sauf ce soir-là....

Il y a devant moi, à une dizaine de pas, un groupe de personne qui sort d'une taverne et qui se déplace dans ma direction. Des voix hautes et des rires gras résonnent dans la ruelle. Je me prépare à rencontrer ceux qui vont gâcher ma soirée.
La rue étant trop étroite, je ne peux passer inaperçu.
Rapidement, je me déporte contre le mur de la taverne et me faufile à l’ombre d’un cheval attaché à l'enseigne. La tête baissée, l’obscurité mange mon visage alors que mon corps trop visible fait mime d'occuper une sangle.
Les bambocheurs passent sans me voir et à leur suite, l'odeur d'alcool et des vapeurs d’ivresse.
Le bras droit encore en appui sur la croupe de l'animal, je soupire et m'apprête à rabattre mon capuchon quand... Quand je vois cette marque sur le bord d'un tapis de selle.

ѕur le moment, je crois rêver. Comme un lointain souvenir qui surgit sans crier gare et tout devient flou. Mais la marque des « de Péreilhe » est bien là. Un renard sur un corbeau et les deux animaux sous le ciel doré de Montségur.


α cette apparition, je flanche, je recule d'un pas et regarde autour de moi... Puis j'examine de nouveau le tissu qui dépasse de la selle. Non! Je ne rêve pas... C'est mon blason! Celui de ma famille!
Mais.... Qui? Comment?
Davy? …Mon petit frère aurait-il quitté l’Occitanie pour venir en Normandie?
Il me disait que tout ce qui se trouve au-dessus de Toulouse appartient aux esprits glacés... Et à leur cul.
De toute façon... Il ne pouvait revenir en Normandie... Pas après ce qu'il avait fait.
Rien qu'à cette pensée, je frissonne... Tellement de souvenirs... Ma mère devenue folle, lui et leurs actes...

a marque! Je la contemple et la touche un instant. Son dessin est tellement remplit d'émotion que la fraicheur du soir me parait devenir glaciale. Je me surprends à trembler.

נ'entends des rires...
Ils proviennent de cette auberge et je me dirige vers la première fenêtre, mais elle est remplit de buée. Je n’aperçois que des lueurs... Des silhouettes et des mouvements.
Je me risque à l'ouverture de la porte en soulevant la clenche qui accompagne les gongs. De cette manière, la porte glisse sans grincement et je me faufile dans son ouverture. La capuche sur les yeux, je défie mon ombre qui s’esclaffe puisque le silence jalouse ma discrétion.
Je trouve une table dans un coin sombre, juste derrière une large poutre de soutient qui forme à sa suite l’endroit idéal. Je glisse alors sur une chaise exactement à la symétrie de la poutre pour qu’on ne me voit pas. La torche la plus proche est attachée à cette même poutre, mais de l’autre côté, réconfortant l’obscurité de mon endroit étroit. Je peux voir sans être vu.
Les rires et les conversations continuent sans interruption et personne ne me regarde. Je pourrai facilement ressortir avec la chaise sous le bras et faire quelques pas de danse mais je ne m’y tente pas… Du moins, pas encore. A cette pensée, je souris.

¢'est à ce moment que je le vois.
D'abord, je force mon regard pour être certain... Mais c'est bien lui. Mon jeune cousin Corthos! Il a grandi, il a vieillit. Il parait même plus grand que moi alors qu'à notre dernière rencontre, il ne l'était pas. Je ne sais pas, je ne sais plus... Sept? Huit?... Neuf ans? Peut-être plus.
Mais que fait-il ici?

Un millier de questions se bousculent comme la charge d’autant de lanciers et alors que je cherche à comprendre, une personne passe devant moi. Je baisse rapidement la tête, fixant mes mains posées à plat sur la table. Il y a un verre qu'on dépose et j'entends au fond de la salle une personne qui crie "Tournée générale!!!" Des verres se lèvent. S'entrechoquent et je soupir de soulagement.

¢orthos a l'air de la partie puisqu'il lève son verre, le sourire largement ouvert, les joues rosies par l'alcool et la chaleur d'un feu d'automne.
Je parcours la salle du regard et reconnais quelques visages.
Certains sont nobles et trainent avec la roture comme s’ils étaient d’une amitié sincère.
Oubliant leur rang, ils bafouillent comme des gens ivres alors qu’en temps normal, ils se plaisent à montrer leur prestance en public dans le plus bel apparat.
Le soir venu, ils s’enivrent sans limite dans les plus grasses tavernes, dévaluant ainsi la prestance du jour contre l’insolence de la nuit.
La morale se rit de leur conscience puisque certains se permettent même de tenir le langage digne du premier maraud.
Je souris d’ailleurs à voir cette représentation burlesque, de ces manches de velours qui se frottent à ces tables collantes, de la coiffe qui tombe au sol et demeure ainsi jusqu’à ce qu’on lui marche dessus. Elle rejoindra les tissus souillés qu’une servante nettoiera sous la menace.
Je soupire et trempe mes lèvres dans le godet qui m’a été offert. Ces bougres ne me voient pas et ne se doutent même pas que je profite de la soirée.
Le cousin Corthos semble bien en joie, tantôt levant son verre, tantôt le remplissant.
J’entends sa voix… J’entends mon nom… Il semble qu’il me cherche. On lui répond mais je ne comprends pas tout.
A ce moment, je pourrai me lever et ôter ma capuche. Il me suffirait alors de me présenter les bras ouvert et de demander au cousin ce qu’il fait loin de ses terres. Mais je me tente à la curiosité et le laisse à ses questions.
Au moment où je lève mon verre pour la seconde fois, son regard croise le mien. Pendant un instant, un long frisson côtoie la racine de mes cheveux et j’ai envie de sourire en me désignant. Mais je ne bouge pas. Le capuchon juste au-dessus des yeux et le verre devant la bouche, je ne devrai pas être reconnu. Ses yeux sont brillants et se perdent dans l’horizon de la taverne avant de replonger dans le verre qu’il termine d’une traite.
Calva ? Bière ? N’importe le contenu, à cette heure, le gosier ne fait plus la différence.

« Le jeu du renard et de la souris Corthésienne » me semble une attraction parfaite et le style qui me convient à merveille devrait pouvoir m’amuser pendant un temps. Je me lève et quitte la salle.
La seule personne qui s’apercevra du passage d’un étranger à cette table sera celle qui ramassera le verre que j’ai laissé…

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Corthos

Corthos de Péreilhe

    (¯`•._.•[ Honfleur, journée du 30 octobre 1460 ]•._.•´¯)

    Ainsi fait, fait, fait, la petite marionnette, ainsi fait Rouen, fait Fécamp, fait Honfleur, un p’tit tour vers Bayeux et puis on verra.

Il faut que les regrets se fassent pour réaliser ce que l’on perd et ce que l’on gagne. C’est avec une petite amertume que je repense à mon départ de Rouen.
Cette soi-disant ville fantoche et fantôme que je devais découvrir dans l’appétit de l’ennui. Je devais y côtoyer la pauvreté des rencontres tant dans leur richesse que dans leur forme spectrale.
A ces rumeurs d’avant-garde, comment dois-je considérer ce que j’ai vécu ?
Soit ce qu’on dit est vrai et alors, les autres lieux devront être l’apothéose de la vie joyeuse, soit l’ignorance confirme la cupidité des discours inutiles… Où tout simplement, le concours sans faille d’un orgueil de comparaison.
Ce besoin absolu de vouloir se faire meilleur, comme par le concours des boissons locales.
Comment faire la différence entre le calva de Rouen, celui de Dieppe ou celui d’Honfleur ? Sérieusement…
Il y a dans cette boisson le goût léger de la pomme et même l’ajout d’un alcool suffisamment fermenté n’offre que trop peu de sucre. Y a-t-il une recette à base d’ingrédient unique et secret ?
Pour l’instant, tous ceux que j’ai consommés ne m’ont pas offert de sensation magique, si ce n'est tout de même le plaisir de le déguster.
Le goût de la boisson reste le même et ce qui le change, c’est la façon dont on vous le sert. Si seulement comme la bière nous pouvions y trouver des calvas d’ambres, noirs ou clairs, mais rien de tout cela, puisque l’onctueux parfum n'est le produit que de la pomme et celle-ci feutre l’alcool qui vous anesthésie le palais.
Qui plus est, cette fâcheuse tendance pour boire les verres d’une traite… Le seul intérêt à part celui d’être pressé est l’enivrement… Méthode qui ne permet aucunement de savourer le goût véritable sauf celui de la boulasse.

Ce que je retiens de mon séjour, c’est un ensemble de bons souvenirs et à ceux-là, je prônerai l’accueil formidable et la cohésion des habitants pour conserver une ambiance bonenfantise.
A ces mémoires légères, je retiens dans mon sourire les noms de ceux qui s’ajoutent à la liste des aimables et des guides de bons conseils
Une quête bien personnelle et pourtant, accompagnée tant dans mes démarches que dans mes mouvements.


Un départ en petit groupe à l’aube et la ville de Fécamp à l’horizon du lendemain. Puis, sans même s’arrêter, une traversée nocturne et la poursuite vers les abords d’Honfleur.
La distance parcourue accumule l’usure des semelles et des sabots tels autant qu’il me faille faire une halte dans la ville originaire de mon cousin renard.
Mes provisions et ma bourse sont plus riches qu’à mon arrivée. Mais à quoi sert la fortune si elle ne fait qu’embellir le désœuvrement de la fierté égoïste? Je dois me débarrasser de quelques-unes de ces pièces pour me remettre en condition de marche.

A la route à suivre, un forgeron pour les fers de « Foxtrot », ma fidèle monture.
Au froid de l’automne, un tailleur pour une cape épaisse aux couleurs de la nuit.
A ma forme et à ma force, quelques viandes plus nourrissantes que le pain.

La ville est calme, bien plus que Rouen. Il faut chercher à plusieurs endroits pour trouver âme qui vive et quand bien même le dialogue se fait, il est aussi tiède que la saison.
De toute façon, je ne me sens pas en forme. Pluie et vent humide ont menés la fatigue au-delà de mes forces.
La nuit qui suit est un tourbillon de sueurs et de frissons. De la fièvre et la gorge qui m’irrite, je me bats contre des démons invisibles.
En peine nuit, je dérange l’aubergiste et lui demande quelques couvertures de peau bien lourdes, suffisamment épaisses pour combattre mon état fébrile.
A la vue de ma pâleur et aussi la crainte pour ma santé, il acquiesce sans broncher et fait porter un potage et quelques plantes à mon chevet.
La nuit prend fin entre deux rêves sans souvenir et la tête lourde chuchote à l’aide.
Au levé, je demande une soupe brûlante et quelques bouts de pain avant de reprendre la route. Je me dois de partir ce jour car c'est ce que j'ai prévu.

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    (¯`•._.•[ ..... journée du 2 novembre 1460 ]•._.•´¯)



Avachis sur ma monture, je lui caresse le cou tant je me penche vers l’avant pour reposer mon poids. La fatigue est grande et je sais que je ne tiendrai pas toute la route d’une seule traite.
Foxtrot est un cheval fier. Contrairement aux autres de ses frères qui font partie de notre écurie familiale, il a toujours été indépendant.
D’une grâce manifeste, j’ai toujours l’impression qu’il essaie de se détacher des autres. Sa façon de trotter avec la tête bien haute et cette démarche élégante qui me rend fier.
Il n’est pas le plus rapide et ne cherche pas l’effort lors des traversées pénibles, mais il est fidèle et toujours présent, chinant pour marquer sa présence et me bousculant alors que je vaque à des occupations.
Même quand je dors sous la lune, il me fait comprendre qu’il est là… Soit en grattant le sol pour m’offrir quelques poussières, soit en volant ma couverture, m’obligeant à me lever dans un audible grommellement.
Il sait aussi quand je ne vais pas bien et c’est ce que j’apprécie.
La fatigue et la fièvre me gagne et je ne lui parle pas contrairement à mon habitude, me contentant de lui souffler quelques mots d’encouragement. En réponse, il adopte une marche plus légère, préférant l’herbe à la terre.

Lorsque l'obscurité arrive, je choisis la plus proche clairière pour faire une halte et consulte ma carte à la lueur d’une bougie.
Le vent est frais et j’entends les arbres qui chantent la nuit. Les forêts alentours dessinent des murailles d’ombre au pied d'un ciel sans étoiles. Je dois me concentrer pour repérer le sentier et c’est à l’instinct de mon cheval que je cède ma progression.


La route pénible prend fin alors que l’aurore me fait signe. J’aperçois les premières maisons de chaume à moitié endormis.
C’est étrange comme les villes normandes se ressemblent. Même si les gens me paraissent différents, j’aperçois l'habituel clocher noir comme le repère unique des villes que je traverse. Même le vent salin m’offre à l’idée que la mer est tout à côté alors que d’après ma carte, elle est plus éloignée.
A la première ruelle, je sangle Foxtrot devant une auberge et me glisse à l’intérieur, appréciant autant que peu la chaleur d’un feu.
Assis à une table, le silence et la douceur d’après route m’amènent à la somnolence et je reste ainsi pendant près d’une heure.
Au fond de la pièce, une jeune fille qui me tournait le dos penche un instant son regard dans ma direction et je lui offre un sourire de compassion. Pour réponse, elle vient à ma rencontre et me souhaite la bienvenue.

La voix pâteuse, je lui articule quelques mots.
« Bonjour demoiselle. J’apprécie votre accueil et également le calme de votre ville. Le silence est habituel à Bayeux ? »

Et là voilà qui me regarde la tête penchée, les yeux curieux et le sourire en coin…
« A Bayeux messire ? Mais… Vous êtes à Honfleur messire… Bayeux est plus vers l’Ouest…»

A ces mots, ma tête tombe entre mes bras. Je soupire au souvenir de la nuit pénible que je viens de traverser et je ne sais pas si je dois rire ou pleurer pour cette route à refaire.
Il semble en tout cas, que la fatigue a eu raison de moi.
En leçon apprise, je réfléchirai avant de voyager tant que la santé n’est pas suffisante.

Cette nuit, je me coucherai plus tôt… Et si demain la fortune m’offre de récupérer de mes forces, alors je partirai. Sinon, quelques bons potages accompagnés de jolis sourires conviendrons à mon plaisir.
...Et surtout... Je tâcherai de ne pas ''confier'' la carte à mon cheval.

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Twa_corby
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    "Un sot est celui qui n’a pas même ce qu’il faut d’esprit pour être fat. (La Bruyère)"





Si l’ambassadeur du feint sourire est un rat instruit à marcher sur ses pattes arrières, nous ne pourrions marquer que le plus grand étonnement à trouver l’attrait normal, autant que cette représentation ressemble à une fable.
La pauvre réalité ne nous réconforte pas dans ce que nous voyons et cette image ironique n’est que la plus simple représentation de la fourberie dans son véritable état.
Y a-t-il un bon sens dans la moralité de chaque histoire si celui qui la raconte n’est ni fiable, ni sincère ?
Comment admettre que nos amis s’investissent dans une direction qu’ils croient pure alors que véritablement, je suis persuadé de l’inverse.
Ce n’est pas qu'un sens ou une intuition… Ni une humeur de caractère, ni de la jalousie imbécile qui souvent marque au fer des réactions à regrets. C’est à la face de ce qui me parait évident.
Le mépris de la franchise ou l’art de faire paraître pour obtenir quelque chose. Et surtout, de se jouer de ceux qui se perdent en leur faisant croire qu’ils sont leur unique protection, leur épaule solide, leur confident et leur odeur rassurante.
Ces gens-là sont dangereux quand ils apparaissent d’emblée comme des sauveteurs de couple ou de raison et qu’ils s’arrangent pour que tout ce qui gêne à leur quête puisse se faire prompt débarras.
C’est peut-être pour cela que j’ai changé mes attitudes vis-à-vis de certaines personnes de mon entourage.
« Un renard change de poil mais pas de caractère »

Persuadé d’être à ce compte celui devenu vilain et même outrageux puisque l’insolant des avis intimes, je suis passé du statut de bonne compagnie à celui d’indésirable qu’on identifie à la troisième personne.
Certes, le choix pour me rendre discret vient de moi. Ce besoin absolu de prendre des distances pour me détacher de ce que j’aime. De ceux que j’aime….
Mais cette fuite n’a aucune retenue et le silence devient une complaisance qui offre à mes ambitions l’appui idéal pour mes décisions.
Cette envie de révolte pour répondre au sentiment de perte est devenue une habitude ces derniers temps. Je n’aime pas l’échec et encore moins celui du cœur. On peut croire ce qu’on veut, mais je suis fidèle à mes idées.
    (¯`•._ Je retourne sans cesse sur mes propres traces,
    Celles de mes pensées perdues et fugaces.
    Le goupil envolé dans ses propres délires,
    Écoute sur le séant ce que le ciel inspire.
    A cet endroit du cœur où le chant merveilleux,
    raconte à son bonheur les souvenirs glorieux
    .._.•¯)

Je suis rancunier et je n’oublie rien, rien et rien de ces frustrations pénibles. Je n’arrive pas à me détacher de cette attitude que certains n’apprécient pas… Mais c’est comme ça et je crois que c’est un air de famille.

Sans doute d’avoir des ancêtres qui étaient si bons avec la vie… Et de les savoir brûlés par ces maudits inquisiteurs.
Leurs âmes chantent encore dans le cœur de leur descendance alors que nous les pleurons encore. Même si deux siècles passés ne laissent que peu de traces et que beaucoup s’en indiffèrent, même si nous avons perdus nos titres et nos richesses au profit d’un Innocent pas si innocent que ça, nous avons l’ambition véritable d’entretenir nos mémoires.
Et c’est ce que je fais de par mon caractère... Combattif, résistant... Persistent.
Au dicton « œil pour œil, dent pour dent » je réponds, « pour un œil, les deux yeux… Pour une dent… Toute la gueule ! » Et rien ni personne ne me changera… Sauf peut-être…
Plus rien n’a d’importance. Je préfère côtoyer la sincère solitude plutôt que la compagnie fantoche.

Et ce cousin qui me cherche pour je ne sais quelle raison. Pourquoi veut-il me déranger dans mon isolement ?
Je pense justement que mon silence attire le bruit, juste équilibre de la nature humaine. J’aurai peut-être dut donner des nouvelles à ces pénibles qui s’inquiètent pour un oui, pour un non et qui s’affolent dès que le renard change de tanière. C’est toujours les plus éloignés qui s’investissent dans l’inquiétude et d’avoir envoyé le jeune cousin à ma recherche est très certainement la plus imbécile des décisions.
Je connais déjà leur proposition pour le rejoindre lorsqu’ils me trouveront et je me vois déjà à écrire pour trouver de fausses excuses.
Même si mon pays Normand est sans doute une région des plus rigides dans le choix des lois, il reste néanmoins la terre de mon enfance et celle de ma vie.
Je l’ai quitté plus d’une fois pour partir aux aventures et peut-être aussi, pour chercher à fuir un certain rayon de lune… Mais j’ai eu pour leçon que cette lune que le ciel offre pour la nuit, n’illumine pas que les cœurs nostalgiques mais aussi l’ombre du ciel. Et le dôme est immense et suffisant pour couvrir tout un royaume. Alors autant faire le luneux* dans mon « terrier »



Plusieurs jours passent depuis ma rencontre avec le jeune cousin et je tente la curiosité. Me trouvera-t-il ? Se perdra-t-il dans ce pays qui lui est étranger ?
Mes sorties nocturnes ont l’intérêt d’un jeu de surveillance, changeant mes habitudes pour fuir la devanture des tavernes. Il suffit pour cela de chercher parmi les montures attachées et lorsque je trouve l’emblème familial sur le dos d’un cheval, alors je souris à la satisfaction d’avoir trouvé ma souris. Étrangement, son cheval semble reconnaitre ma présence en tapant le fer sur le sol.
Je sais le cousin à ma recherche et à chaque fois, je me pose la question « Pour combien de temps encore? »
Puis vint le soir où il n’était plus là...
Il me faut moins d’une heure pour apprendre qu’il a pris la route vers Fécamp. Un écu tout rond pour la garde de nuit et la confirmation de son nom sur la liste des laisser-passer.

L’opportunité pour sortir de mon trou et de jouer avec le vent.
Le petit jeu durera plus d’une semaine, d’abord à Fécamp, ensuite à Rouen.
Autant il est difficile pour un Normand trop sage de pénétrer dans la capitale, autant ceux qui comme moi choisissent les détours malins peuvent à leur guise s’introduire dans n’importe quelle place.
Cette excursion me rappelle aux aventures au sein de la Curia. Je me promenais tel un curieux dans les couloirs de cet endroit garnit de prestige et personne ne se posait la moindre question sur ma présence. De tous les endroits, il fut peut-être le plus riche et le plus impressionnant.
A l’origine, j’accompagnais une amie vraie, Feu-Mitijo, qui m’avait convié à l’anoblissement d’une de ses connaissances. Un jeune bougre haut comme trois pommes qui recevait le « mérite » des précieux habits alors qu’il ne connaissait rien de la vie.
A la suite de cette cérémonie dépourvue d’intérêt puisque la noblesse ne côtoyait que la noblesse, nous nous étions retirés dans nos suites. Je n’ai jamais su de quelle façon je me suis retrouvé avec un trousseau de clefs dans ma besace… Des clefs qui m’ont permissent d’accéder à de nombreux endroits et ainsi, de côtoyer à mon plus grand plaisir le monde des grands et des orgueilleux.

Depuis ce temps, je m’amuse à l’aventure des lieux insolites. A Caen, à Rouen où dans les endroits merveilleux comme au temps où j’appartenais à l’Ordre de Saint Michel.
Combien de grandes bâtisses ai-je visité ? De la Bretagne jusqu’à dans le Béarn en passant par le Rouergue ou le Bourbon-Auvergne.
Je dévorai les architectures formidables que les hommes ont élevées. Chaque édifice est une saveur que le regard apprécie dans son plus petit détail.
Rien à voir avec les restes de Montségur appartenant au domaine familial… Une ruine perchée et imprenable entretenue par le fantôme de ma sœur Esclarmonde. A part son histoire bien plus riche que les coffres du royaume, la pierre est aussi triste que la posture du corbeau tombé d’un fromage.
Puis il y eut Arques. Le seul moment dans ma vie de renard ou j'ai eu le privilège de ne pas être considéré comme un étranger. Au sein même d'une bâtisse où je me sentais comme dans ma propre tanière. Entourés de gens charmants qui m'offraient leur toit comme si je faisais partie de la même famille, j'avais à mes plus beaux souvenirs, celui de m'être senti bien dans ma peau.
Une chambre immense dans laquelle je passais des heures à écrire et déguster quelques jambons dérobés en cuisine. Des cuisines chaudes que mes papilles appellent encore au souvenir lorsque je dors. Un parc somptueux et surtout, ces hautes tours sur lesquelles je me promenais pour refaire les dessins d'un paysage apprécié.
J'avais la visite d'une petite fille merveilleuse et son sourire suffisait à me donner la bonne humeur d'une journée entière. Elle me manque tant...
Pour elle comme pour sa mère, j'aurai donné ma vie.
...Pour elles comme pour moi, je me devais de partir puisque la vie est ainsi faite. Une excuse sans véritable raison et la raison qui se perd dans des convictions que je garde enfoui dans mes propres douleurs.


Ce soir, il n’y a pas de lune. La nuit est un manteau épais et ma main tendue se perd dans ses bras. Corthos semble progresser plus lentement que d’habitude.
Tel le félin, je me rapproche dangereusement de sa position alors qu'il s'éclaire à la bougie. Le bougre ne voit rien... Même pas la route qu'il cherche en vain tellement le pas de sa monture n'est pas rassurée. On dirait qu'il va où bon le semble... Dans le sens du vent.
Sur la route de Bayeux, je le perds dans les bois sombres... Il n'est plus devant moi et il fait bien trop noir pour forcer la marche.
Demain, je le chercherai dans la ville puisqu'il semble en avoir pris la direction.


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Corthos

Corthos de Péreilhe

    (¯`•._.•[ Bayeux, journée du 9 novembre 1460 ]•._.•´¯)


    O mort, vieux capitaine, il est temps! Levons l'ancre.
    Ce pays nous ennuie, ô mort! Appareillons!
    Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre, nos cœurs que tu connais sont remplis de rayons! (C.Baudelaire)


L’ennui…
Aux activités nombreuses de ces derniers temps, je toise le silence et l’ennui comme compagnons de sortie. Je pourrai considérer cet interlude comme étant la fracture à mes nombreuses activités où bien le moment d’un repos après plus d’un mois de recherches et de voyages.
Je ne cesse de dire à ceux qui désignent Rouen comme ville morte, qu’elle ne l’est point et comparé à Bayeux, elle l’est encore moins.
Les mains posées sur la table, je joue avec mes doigts, dessinant des cercles imaginaires sur le bois vieillit d’une table.
Le temps passe et je réfléchis… J’ai tellement de questions et rien ne vient.
Souvent, lorsque je discute avec les habitants de ce pays, il y a dans les conversations des plaintes de ce que la ville offre dans les activités et surtout, ce que les gens trouvent pour combler leur temps.
A croire que certains s’ennuient alors que les activités de la journée ne manquent pas. J’ai du mal à concevoir de quelle façon on peut perdre son temps lorsqu’on est à charge d’un emploi ou d’une responsabilité.
Un voyageur comme moi dépend de ce qu’il trouve et si des fois je m’occupe pleinement, je me retrouve par moment dépendant de ce qu’on m’offre. Je pourrai occuper l’ennui par la satisfaction du silence et ainsi, me reposer avant de reprendre la route, mais ce n’est pas dans mes habitudes de trainer ainsi la patte quand l’inquiétude d’une quête inachevée prend le dessus.
Le verre posé en face de moi est vide depuis presque une heure. La mousse encore présente sur la tranche forme des cratères comme de la neige qui vieillit.


Alors que je m’étends l’esprit joyeux, savourant le plaisir des accueils merveilleux, je rentre comme un oiseau curieux dans les tavernes et m’engouffre ainsi dans les dialogues et les rires. Je m’immisce au creux des multiples sourires et dans des moments de confidence, comme si j’étais un habitant d’ici. On me confond avec mon cousin et on me fait confiance. En ai-je à ce point l’apparence ? Peut-être… Mais je n’aurai jamais son caractère…

Je regarde un instant par la fenêtre et je distingue par-dessus un toit de chaume la ligne claire d’un ciel qui annonce bientôt le soir. Le soleil ne chauffe pas comme s’il n’était qu’une peinture dans l’horizon soyeux. Pourtant, sa luminosité me brûle les yeux et je préfère pour le moment, la douce obscurité de la taverne.


J’étale une nouvelle fois la carte sur la table pour décider de ma prochaine route. Avec elle, quelques lettres que je relis. Des manuscrits épais sur un papier craquant et on hume encore l’encre sèche qui se mélange avec l’odeur des bougies tout autours.
Il y a ce document officiel qu’on nomme « Ellepé » dans le jargon des habitués.
Ce qui y est inscrit me rappelle à la période qu’il me reste… Une quinzaine de jours, tout au plus.
A cette réflexion, je réalise que les seules choses que je possède ne sont que des lots de rumeurs, des avis de leçon, des chimères d’un renard qu’on dit mort et vivant.
Alors que les réponses sont nombreuses, elles sont difficiles à départager puisque les avis diffèrent.
Tantôt, on l’aperçoit en taverne à Rouen, à Honfleur, à Dieppe.
Tantôt, il est à combattre dans les Flandres pour une cause dont je n’ai pas encore saisie l’origine…
Hier, on me fait savoir qu’il a été aperçu à Avranches, au sein de la milice.
Et il y a peu… Dans des jardins de Rouen, à flâner sur des mots de rimes alors que je le cherche !

Un fantôme bien réel pour certains, un renard fabuleux pour d’autres. Un conte à lui seul que le bougre entretien.
Les derniers courriers reçus de sa main datent d’avant l’été et il m’a été dit qu’il a continué à écrire après cette saison, comme à cette charmante Anna qui m’en a fait part. Quels sont les choix de ses présences et pourquoi se fait-il absent de ses proches ?

A la plus sombre rumeur, on dit qu’il n'est plus… Pas d’interrogation -point d’affirmation-, puisqu’on ne le voit plus.
Dès que j’évoque son nom, j’entends qu’il est un ami, une connaissance, un ancien ou un poète… Mais rien de plus. Est-ce le besoin absolu de vouloir m’aider que de me répondre par des « on dit » ou est-ce la curiosité qui mène les gens à se faire connaitre.
Croire que quelqu’un est dans l’au delà… A l’évidence une réponse qui manque de lucidité.
« Ah, Corby…. Oui, je le connais bien… Mais il n’est pas mort ? »
…Est-ce vraiment une réponse à donner au cousin qui le cherche ? N’y a-t-il pas dans cette question une indélicatesse qui force l’interrogation sur l’auteur de la phrase?
« C’est un lâche, puisqu’il est partit »… Ah bon ? Mon cousin serait un lâche vis-à-vis de qui ? « De son duché » me répond-on…
L’attitude est peut-être égoïste mais de penser à ce qu’il soit un lâche ne convient pas au personnage, surtout vis-à-vis de ses proches.
Je savais les Normands surprenants, mais je ne savais pas que de quitter cette terre serait considéré comme de la trahison. Autant faudrait-il qu’il soit parti et ce motif… Où pour une raison du cœur. Je ne sais pas.


Arrive enfin le jour d’une rencontre attendue avec celle dont il me parlait souvent dans ses courriers. Une description remplit de grâce et de légèreté sur laquelle il prenait le temps de faire glisser sa plume.
Je me souviens d’un passage qu’il exposa comme une fable et qui me semblait lui ressembler. Des écrits parsemés de couleurs à l’encre fine et somptueuse.
L’histoire est celle d’une rencontre entre une fée et un barde dont il se fait la représentation. Je la possède encore parmi les nombreux documents que j’emporte avec moi et je l’étale toute entière sur la surface de la table.
Elle raconte ceci :

    Certes le Renard était assit sur le bord d’un sentier, et il vit une dame heureuse. Une dame vive et audacieuse.
    Elle chevauchait dans les landes de fougères, sa robe était de la soie blanche et verte d’herbe, son manteau du velours au parfum cannelle.
    A chaque mèche de la crinière de son cheval, cinq clochettes d'argent neuf.

    Certes le Renard ôta sa coiffe et s'inclina très bas sur son genou.
    «Salut, Reine puissante de mon Ciel, l’honneur est sur cette terre comme je le vois
    «Non, non Renard," dit-elle, « ce prestige ne m'appartient pas, je suis la reine du vent, et je suis venu pour vous rendre visite. Vous allez venir avec moi cher Renard » dit-elle,
    Certes Renard, vous devez venir avec moi et me servirez pendant sept ans, de grâce bien ou de malheur, comme le hasard et la bonne étoile. "
      Sourit et viens, viens avec moi, Twa le renard
      Sourit et viens, viens avec moi, Twa le renard
      Sourit et viens, viens avec moi, Twa le renard

    Elle se tourna sur son destrier blanc laiteux, et le Renard prit place derrière. Et lorsque son bridage fut tiré, son destrier s’est envolé plus rapide que le vent.
    Pendant quarante jours et quarante nuits. Ils montaient et glissaient sur l’horizon.
    Et ils ont vu le soleil et la lune. Entendu le rugissement de la mer.
    Et ils montaient encore plus loin et plus rapide que le vent, jusqu'à ce qu'ils arrivent à un large désert.
    Et la terre vivante était là, derrière.
    «Ne vois-tu pas ce sentier étroit, si épais, en proie à des épines et des ronces? C'est le chemin de la loyauté »
    «Ne vois-tu pas cette route large et vaste, facile et allongée, à travers les champs de lys?
    C'est la voie de l’animosité, bien que certains croient qu’elle est le chemin du ciel. "
    «Ne vois-tu pas cher renard, le domaine de Longueville. C'est la voie de la sincérité.
    Où vous et moi cette nuit devons aller. "
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Ce chant devait être adressé à celle qu’il nomme la petite perle mais je ne sais si le document était parvenu à son destinataire.
Il semble que d’après ces paroles, il décrit les nombreuses routes qu’il devait emprunter et à ses chutes, les mauvais choix qui sont devenus des leçons et qui l’obligèrent à se terrer pour ne plus se blesser.
Sans doute, cette demeure dont il parle est son autre tanière et très certainement la plus rassurante.
Les dernières années avaient été difficiles pour la famille. La perte de ma cousine Esclarmonde avait achevé un tableau aux couleurs sombres. On raconte que son fantôme se promène dans notre demeure familiale… Est-ce elle aussi une chimère qui nous permet de ne pas oublier ?
Peut-être à l’excuse des hommes, la faiblesse de la perte des êtres chers et de devoir inventer des subterfuges pour les garder en vie.

Cet endroit de Longueville, il en parlait comme s’il s’agissait d’une île dans laquelle il se sentait en sureté. Une « évasion » disait-il. Mais d’y rester demandait des sacrifices que je ne comprenais pas…
Twa est discret quand il s’agit de parler de lui puisqu’il considère que d’exprimer ses sentiments est une faiblesse. Attitude considéré sans doute comme individualiste et le terme de lâcheté entendu plut tôt pourrait à ce moment être désigné.
Mais devrait-on définir l’attitude des renards comme étant lâche, sous prétexte qu’ils préfèrent ne pas se mélanger avec les hommes et leur esprit de bête?
« Un renard ne porte pas de collier » … C’est ce qu’il me disait souvent. Très certainement une façon de clamer son indépendance.

    Puis vint le jour où…

    (¯`•._.•[ Bayeux, journée du 11 novembre 1460 ]•._.•´¯)

Je rencontre enfin la Duchesse qu’on nomme « Blanche »
A plusieurs jours au-delà de Rouen, alors que je la croyais encore dans la capitale, la surprise de la rencontrer à Bayeux était inespérée.
Après des converses de courtoisie, je m’empresse de lui parler de mes recherches et alors que je pensais me réjouir des bons échanges… Je découvre la triste nouvelle.
D’après la duchesse, la disparition a été brutale et peut obliger à croire au pire, même si pour l’heure personne n’a encore témoigné l’avoir vu occis.
J’ai vu la détresse dans son regard lorsque j’ai prononcé le nom du renard. La détresse d’une crainte et la souffrance de le savoir disparu. A priori, il y avait un lien d’amitié bien plus important que je ne l’aurai imaginé et de la savoir sans aucune nouvelles ne réconforte aucunement le peu d’espoir qu’il me reste.
Comment mon cousin pourrait-il se permettre de faire souffrir ceux qu’il aime ? Il y avait là une explication à trouver et la réponse pourrait m’offrir de le retrouver.
Gagner la confiance d’un renard est chose précieuse que peut de personnes peuvent se vanter d’obtenir. De quelle façon alors pourrait-on la perdre ?


La nuit est calme et c’est avec une démarche incertaine que je la rejoins. Un peu trop de calva et pourtant, la fatigue ne me gagne pas encore.
Caché sous une couverture, je reste les yeux ouverts à réfléchir jusqu’à ce que je m’endorme. Le silence est si pesant qu’il me semble entendre le ronflement de l’aubergiste de l’autre coté de la taverne.

J’envisage de refaire ma route en chemin inverse, à la recherche de ces rumeurs nombreuses que je dois absolument creuser.
Il me faut trouver un groupe de compagnie pour entreprendre mon voyage… Les routes Normandes ne sont pas sûres et la nouvelles de Bretons ou d’Irlandais sur les routes ne me rassurent pas.
Le sourire aux lèvres, je repense à des instants de la journée… dans le monde des idées et des citations... Je venais de me dire que "Chaque évènement s'excuse d'un dicton"

    « …Je ne suis qu'un seigneur dont l'intelligence rivalise et dépasse même celle de certains vicomtes, ducs et j'en passe… (Un juge Normand vers 1460)»


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Corthos

Corthos de Péreilhe

    (¯`•._.•[ Lisieux, journée du 27 novembre 1460 ]•._.•´¯)


    les gens qui s’aiment ne se mentent pas

    « Oublie ta peine et attend ton homme qui revient vers ta vie si le ciel le veut.
    Cherche son rire, sa voix et ses mots dans le sillage que le temps dessine sur les eaux…
    Où seul il voyage pour revenir enfin, quand le ciel voudra… …
    Te l'ha giurato e sai tornerà. L'uomo che amavi non mentiva mai »



Les pensées de cette journée sont légères, tant même que toutes les informations navrantes qui touchent le royaume ne m’atteignent pas.
Une mauvaise nouvelle qui se répète…
La guerre se dessine aux portes de nos inquiétudes alors que le dernier conflit de même pas une année ne finit pas de se jouer des blessures encore ouvertes. L’économie des pays rampe encore le bras tendu vers un second souffle qu’elle ne trouvera jamais. La seconde s’immisce sans scrupule dans des mémoires encore trop fraiches où l’odeur du sang demeure le parfum des chagrins.
Les lois Normandes déjà trop rigides allaient une nouvelle fois signer un pacte avec le diable puisque ce dernier s’amuse comme un enfant. Il y a depuis plusieurs années bien plus de victimes innocentes tombées sous les coups de l’armée Normande que les ennemis eux même…. Brigands confondus.
Pour sûr, rester dans cette contrée diminue l’espérance de vie de moitié, un peu comme jouer sur le bord d’une falaise en pleine tempête… Et ces falaises, je dois m’en éloigner !
Je ne suis pas un aventurier audacieux et la vie est bien trop précieuse pour que je puisse la laisser aux mains d’un pays qui n’en connaît pas la plus simple valeur.

Et les voilà les fiers guerriers, majestueux et prestigieux, ces hommes et ces femmes qui s’empressent de servir leur Duché au risque d’une vie qu’ils estiment à leur convenance.
Armés d’une confiance presque aveugle et d’un amour fidèle dont les racines au goût de pomme chantent au grand cœur de ce que la terre leur inspire.
Gaillards au torse bombé par l’aveugle ignorance, ils s’avancent jusqu’aux frontières pour toiser l’ennemi invisible.
Il y en a qui, le poing levé, chantent des hymnes éloquentes pour faire valoir leur cran alors qu’en fait, ce n’est qu’un voile que la peur réclame.
On reconnait les anciens soldats à leur calme. Ils ont déjà goûtés aux attentes interminables et savent que le premier ennemi est celui de l’ennuie. Il leur faudra calmer la fougue de ceux qui hurleront l’impatience, le goût du fer dans chacun de leurs mots.
Puis, comme l’année passée, ils se retourneront vers le cœur de leur pays pour constater que l’ennemi est déjà là !
Arrivées prévisibles mais inattendues de ces grands navires qui débarquent en masse sur des quais vides, il ne manquait à leur accueil que les banderoles de la malvenue.
A toutes ces tactiques qui déçoivent, le fier Normand maudira le sort de son pays et se maudira de ne pas pouvoir foncer, su à l’ennemi ! Parce que les ordres…. Les ordres lui demanderont de ne pas abandonner la frontière au doux baiser de « l’autre » ennemi…. Celui qui est toujours invisible et qui ne viendra jamais par cette porte.

Il y aura sans doute encore ces officiers qui se retourneront contre leur propre Duché. Comme ceux qui ont été à l’origine des blessures morales infligés à mon renard cousin.
Que racontait-il dans ses lettres ?
Ah oui !
Il y avait un capitaine inapte au commandement qui avait deux compétences, l’incompétence au commandement justement et la menace.
Alors qu’on renvoya le renard pour défendre la capitale, ce dernier était passé du côté de l’ennemi.

Il y avait cette capitaine, inapte dans la posture et qui prônait sa place par l’insolence, préférant côtoyer l’ennemi dans les tavernes au lieu de rassurer les blessés.
Alors qu’on renvoya le renard pour calmer l’instable qui se traitait de putain à gorge déployée, cette dernière continuait à danser sur les tables pendant que ses soldats agonisaient…

Pour remercier le Renard d’avoir permis de remarquer deux traitres officiers, pour le remercier d’avoir offert à la Normandie plusieurs années de service et de volontariat pour toutes les actions de sauvegardes.. Après qu’il est donné TOUTES ses soldes pour l’armée qui gémissait de ne plus rien avoir… On le congédia….
Alors… Comment avoir confiance en un pays ou la véritable ambition n’est pas la sauvegarde des terres mais celle de l’avarice et de l’orgueil. Comment faire avouer les mensonges d’un Duc qui protège une traitresse et d’un Protecteur qui en protège deux…
Si le Normand est intelligent pour tout ceci, il l’est dans la cécité absolue et ce n’est que lorsqu’il se verra tomber qu’il réalisera… Que le capitaine de son armée chantera, dansera avec le Ponant et se verra récompensé d’un noble titre comme cerise félonne.


Ma quête s’achève au bon moment et la déception de n’avoir pas trouvé mon cousin est apaisé du fait qu’aucune nouvelle n’est bonne… Ni mauvaise.
Se rassurer qu’il soit introuvable et donc, certainement en sécurité au fond d’une tanière. Les rumeurs peuvent être des sources plus où moins fiables, mais si une seule d’entre elle est juste, alors ce qu’on dit est vrai, mon cousin est bien vivant.
Je l’imagine bourru et enterré, échappant même à sa propre image pour s’isoler intégralement. Ceux qui décident leur chemin se persuadent souvent qu’ils ont raison et je sais, c’est qu’il ne changera certainement jamais de caractère, demeurant l’éternel insociable de notre famille.

Il ne manque d’une seule certitude dans mes recherches. De ne pas avoir pu rejoindre la ville de Dieppe pour recueillir d’autres rumeurs. Faute aux routes difficiles que le brigandage malmène et surtout, à tous ces rapports de fauchage qui parviennent sans cesse dans les dialogues.
Je ne comprendrai jamais cet esprit… Comme celui de mon cousin d’ailleurs. A croire que d’être Normand signifie être têtu alors que je croyais ce dicton destiné aux Bretons.
Vouloir à tout prix rester dans un Duché où l’armée sans scrupule fauche sans préavis leur propre population… Il faut… Être né ici pour l’accepter. Cette douleur gratuite n’est pas pour moi et je suis bien content de mes origines plus dociles.


Dans les histoires, lorsque nous atteignions la fin d’un chapitre, il arrive qu’on referme le livre un instant.
Ce moment est un soupir de transition vers le chapitre suivant. Qu’il est bon d’en apprécier le silence. Avant de tourner la page qui nous replongera dans le gouffre du détachement, on se lève pour satisfaire un besoin, ou bien on se dirige en cuisine pour voir s’il ne reste pas un morceau de lard fumé… Une pomme... Quelque chose qui nous raccroche à la réalité.
Pendant cet interlude, il reste une partie de nous qui demeure encore dans l’histoire tout fraiche que notre esprit raconte à notre conscience.
Vous est-il arrivé de sourire sans raison ? Surprenant et amusant… N’est-ce pas ?
Ce sourire n’est que le dialogue de votre mémoire et lorsqu’on se décide enfin à replonger dans le livre après s’être bien installé, vous rappelez vous de nouveau le plaisir d’ouvrir le chapitre suivant ?
Cette page qui se tourne et qui nous emmène d’excitation vers notre plaisir de lecture, c’est la suite de ma route.
La frontière que je vais bientôt franchir sera un nouvel épisode à mon parcours « Corthésien »
Je suis impatient d’y être….

Le dernier jour, je vais l’offrir à mes derniers pas dans la ville de Lisieux.
Cette compagnie agréable qui m’accompagne, ce sont les gens que je rencontre et qui m’offrent, encore, leur temps pour leurs sourires.
Je regrette ma pauvre mémoire de ne pas retenir les noms de ceux qui m’ont accompagné durant ce périple. Mais il y en a certains que je n’oublierai pas…
La douce Anna et son sage ami Jeanbonhomme à Lisieux. La si appréciable Matouminou de Fécamp, la délicate Bella de Bayeux, la douce Floralise de Rouen et… La magnifique Anya que je retrouve ce soir à la première taverne dans laquelle je me rends.

Quelle fut ma surprise de la voir ici, accompagnée de son fidèle garde du corps.
Elle est élégante par la plus simple des tenues et il y a à sa hanche une longue et fine lame que la question offre à la curiosité.
Quelques lanières de cuir qui se rajoutent à son apparat et la certitude que tout ceci n’est pas factice. Forcément, l’aspect de la douceur se mélange avec la crainte pour celui qui ose y faire face.
Nous passons ainsi quelques moments ensemble, quelques échanges pour quelques mots. Je suis curieux et ravi de discuter avec cette femme que mon cousin affectionne. De me mettre à la place du renard et j’imagine ainsi quels ont pu être ses moments… L’espace d’un instant.

Le soir arrive et je quitte à regret la blanche, une tristesse impénétrable et son sourire qui me réchauffe encore alors que je m’enfonce dans la nuit.
Il y a tout autour de la ville des hommes d’armes qui se tiennent là, face à l’obscurité. Il ne peut y avoir de tactique efficace quand on doit défendre une ville puisque la dite frontière n’est qu’une ligne imaginaire d’un ruisseau, qu’une route ou qu’une ligne de bois dessine sur une carte.
Sans doute est-il plus sage de camper les troupes aux abords du village plutôt que de les emmener sur la trace d’un pointillé.

Après une demi-heure de route, la nuit est complète.
Il n’y a que la lune qui guide mon avancée sur un chemin aussi blanc que sa robe. L’air est humide et le souffle de ma monture indique que la température est devenue celle de l’hiver.
Au détour d’un chemin, je dépasse une ligne d’arbre et me trouve au pied d’une large clairière dont le relief s’impose face à moi.
Tout en haut du mouvement de terrain, il me semble apercevoir une silhouette isolée, bien au centre de mon chemin. Est-ce un arbre qui se joue de moi ?
La nuit, quand la vision devient difficile, il arrive que les formes s’amusent avec nos sens. Combien de fois ai-je été surpris par la fenêtre d’une chambre ou sur un sentier dans les bois… Un peu comme pour cet instant.
Je ne peux m’empêcher de fixer l’ombre qui se tient bien droit devant moi et plus je m’en approche, plus le doute s’installe.
A quelques mètres… Je m’arrête et… Mon cœur s’emballe.
Au milieu de la nuit, au milieu de nulle part…. Une voix me glace !

Alors cousin ! Tu comptes dormir sur ton cheval ?

Le con ! Je cris presque.
C’est toi ? C’est toi bougre de con ? Idiot ! Tu m’as fait une de ces frousses…

Et son rire qui résonne…. C’est bien lui ! Twa Corby, là… Devant moi.

J’ai cru comprendre que tu prenais la route cousin. me dit-il. Je me suis dit que ça pouvait être drôle si je t’accompagnais !

Je ne sais plus si je dois hurler de peur et de colère ou bien lui foncer dessus pour le serrer dans mes bras.
Le bougre renard se joue de moi comme il se joue des autres.
Et alors que je partais bredouille… Je continue ma route avec lui…


Le chapitre suivant risque d’être bien plus intéressant que prévue…

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Me voilà ainsi, le renard qu’on oublie, chevauchant dans la nuit pour combattre l’ennui.

Mon cousin tout à côté qui m’abreuve de questions et je ne l’écoute que d’une oreille. L’autre est derrière moi.
Je me retourne un moment, contemplant ainsi ce que fut mon pays.
Je laisse derrière moi ma tanière, mes amis… Et ceux qui savent que mon cœur leur sera à jamais offert.

Je regarde cette lune. Je sais qu’elle m’accompagne. Je lui souris comme pour les souvenirs et ce qu’elle représente…Et sa blanche lueur…

    A la verve accomplie, le constat comme les ailes de l’ombre attirées par le soir et tout au bord d’un ruisseau, l'ombre de la demoiselle et les pas du renard.



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