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Info:
Car se prendre une branche dans la tête peut éventuellement faire mal, portez donc un casque. Récit de l'amnésie de Syuzanna, une rousse à qui, décidément, rien ne sera épargné.

[RP] Qui suis-je ? Je peux être qui je veux. *

Syuzanna.
« Un drame est vite arrivé, allons nous coucher. Mais la nuit, moi jamais je ne dors » **

    Episode 1 : La branche


La nuit était tombée plus vite que prévue. La saison sombre était en effet bel et bien sur eux, songea Syuzanna sans en éprouver aucune forme de plaisir. Si elle aimait l'Automne, elle était en revanche assez frustrée de la rapidité presque insolente avec laquelle la nuit succédait au jour. Les voyages se terminaient toujours sous l'astre lunaire, ce qui n'était pas très pratique les nuits de ciel couvert, pour éviter les anfractuosités des chemins.

C'était l'une de ces nuits-là qu'eut lieu l'incident. L'Ecossaise venait d'arriver à la Rochelle, trempée jusqu'aux os, les cheveux plaqués sur son cou et contre ses joues. Sa tunique verte était si bien humide, qu'elle ne laissait en rien inconnues ses formes pourtant peu développées. Ses braies froides lui brûlaient les cuisses. Aucune partie de son corps n'avait été épargnée par le déluge.
La porte de la taverne où logeait sa cousine fut poussée sans guère de douceur, et le battant de bois claqua contre le mur. De mauvaise humeur, la rousse ne s'attarda pas dans l'encadrement de la porte. Elle se dirigea droit vers Sybelle qui, sèche et pimpante, offrait le spectacle parfait d'une vie loin de la pluie.


- En route, lança-t-elle sans même un salut.

Pourquoi repartir si tôt ? Pourquoi ne pas attendre le lendemain ? Elle-même l'ignorait. Son humeur était à ce point mauvaise qu'elle avait l'étrange envie de l'accentuer plus encore. Elle n'aurait pas pu supporter de s'assoir tranquillement, de boire, de manger et de dormir. Non, il lui fallait la pluie, le vent et la bise glacée pour la calmer, aussi bizarre que cela puisse paraitre puisque c'était précisément ces éléments-là qui l'avaient rendus furieuse.

Sans plus attendre, elle s'empara du poignet menu de sa cousine, et la tira vers elle, l'entrainant au dehors avec vigueur. Ce qu'elle désirait la laissait pour le moins indifférente. Elle avait « souffert », sa cousine devait en ressentir les néfastes effets ! Ou elle ne s'appellait plus Syuzanna NicDouggal !
Comble de mauvaise fortune, elle n'avait pas pris son cheval. Au moment du départ en effet, elle se sentait d'humeur folâtre et l'avait laissé à Sarlat, à la disposition de Manu.


- Dépêchons ! Je voudrais bien être de retour à Saintes avant la mi-journée de demain !

Syuzanna, emportée par sa colère et son élan, quitta la ville plus vite qu'il ne fallait de temps pour dire « scotch whisky », et fut bientôt parvenue hors des remparts. Là seulement, elle relâcha sa cousine. Et comme elle était le seul exutoire qu'elle avait sous la main, elle se fit un devoir de l'enguirlander comme un sapin de Noël.

- Tu n'aurais donc pas pu m'attendre devant les portes ? Tu te rends compte du temps précieux que tu nous as fait perdre ?

Comme en harmonie avec son humeur, le ciel se gorgea de noirs nuages, et la pluie se mit à tomber à torrents. Le vent fut soudain de la partie, et les branches de l'arbre solitaire furent mises à très dure épreuve.

- Nous pourrions être en chemin depuis déjà une demi-heure ! Tu veux aller à Pau ou pas, par les Dieux !

L'une des branches, vide de vie depuis longtemps déjà, ne résista pas aux intempéries. Elle céda proprement et simplement. La malchance - ou le destin, ou encore la volonté des Dieux - voulut que Syuzanna se trouvât précisément sur la trajectoire en diagonale, de sa chute. La jeune femme, trop occupée à s'en prendre à Sybelle, ne vit pas l'incident venir.
Il y eut un CRAC sonore, écoeurant, lorsque le bois frappa avec une violence assez inouïe, le crâne de sa victime écossaise. Celle-ci resta un instant pétrifiée, debout encore, les yeux grands ouverts. Puis en douceur, elle s'effondra au sol. Et le silence retomba bientôt. Ne restèrent que le sifflement aïgu du vent, le grondement du tonnerre, et le martèlement de la pluie sur le sol de la campagne poitevine.



* extrait du film d'animation « Rango »
** « Stéréo » - BB Brunes

_________________
Sybelle
This is just one of those 
Lonely night 
The good times gonna come *



C’est une bonne soirée. On plutôt ça a été une bonne soirée avant l’arrivée d’une Syuzanna furibarde et trempée qui a, sans ménagement, trainé sa cousine sous la pluie. La rouquine a bien tenté de protester mais son agaçante ainée ne l’a pas écouté, se contentant de lui hurler dessus. Charmantes retrouvailles. Enfin, sa psychopathe de cousine la lâche et elle se fait un devoir de lui crier dessus à son tour, agacée qu’elle est d’avoir été malmenée de la sorte.

Non mais t’es vraiment cinglée, toi ! T’as vu la vitesse à laquelle tu es sortie ?! Mégère ! J’ai même pas eu le temps de prendre mes affaires ! Au final tu nous fait perdre plus de…

Sa phrase se perd dans le craquement lugubre qui fait la branche en heurtant le crâne de Syu’.

Ah ! Bien fait pour toi ! Si tu n’avais pas voulu partir si vite, rien ne serait arrivé ! S’écrit-elle, presque joyeusement en voyant la tête de sa cousine.

Seulement voilà, Syu’ s’effondre au sol, rendant la scène bien moins jouissive pour elle. Une petite punition céleste, d’accord, mais là les Dieux y sont allés un peu fort. Inquiète, Sybelle se précipite à ses côtés et après avoir vérifié qu’elle respire, elle se penche sur elle en palpant doucement son crâne. Un liquide poisseux colle les cheveux de la NicDouggal à son front et sa cadette s’en doute bien, il ne s’agit pas juste d’eau de pluie.

Merdum, siffle-t-elle en regardant autour d’elle, ne sachant que faire.

Elle se sent hébétée, comme si c’était elle qui c’était prise cette fichue branche dans la figure. Fort heureusement, au bout de quelques instants ses reflexes reprennent le dessus et elle déchire le bas de sa tunique pour bander sommairement la tête de son ainée, puis, prenant son courage à deux mains, elle la soulève, tentant d’être aussi délicate que possible. Chancelante, elle regagne les portes de la ville. En elle, une seule idée, une seule phrase qu’elle se répète en boucle : « Si tu meurs, je te tue Syuzanna. »

Hé, vous ! S’exclame-t-elle, s’adressant à un des gardes de la ville - une montagne de muscle deux fois plus large qu’elle. Prenez là.

Et sans laisser à l’homme le temps de réfléchir, elle lui colle sa cousine entre les bras tout en lui adressant un regard menaçant pour bien lui faire comprendre qu’il n’a pas le choix et qu’il a intérêt à faire ce qu’elle lui ordonne de faire. Elle n’a aucune compétence en médecine, aucun moyen de savoir si tout ira bien pour elle… Tout cela la rend nerveuse et se montrer dure, c’est le seul moyen qu’elle connait pour réussir à contenir l’inquiétude qui l’a gagné à la chute de cette maudite branche.

Suivez moi, ordonne-t-elle. Et faites attention à ce que vous faites un peu ! Tenez la mieux que ça !

Prenant la tête de cet étrange convoi, elle se hâte vers l’auberge où elle loge. Là, elle ordonne qu’on lui trouve un médecin, le meilleur de la ville, et elle fait installer sa cousine dans son lit. Ne supportant pas l’attente, elle la défait de ses vêtements trempés et elle nettoie son beau visage du mélange de sang et de terre qui le couvre avec des gestes machinales. Son esprit tout entier est tendu vers les Dieux et elle qui ne prie jamais, ne comptant que sur elle-même en toute situation, se surprend à supplier pour qu’on ne lui arrache pas sa cousine. Tout mais pas ça.

Enfin, le médecin arrive avec une trousse de cuir et l’air hagard d’un homme qu’on vient de tirer du sommeil. Clairement, ça n’est pas pour la rassurer.


Veuillez sortir damoiselle. J’ai besoin de calme pour examiner ma patiente, fait-il d’une voix posée mais qui ne laisse pas la moindre place aux protestations.

Rien à foutre des ordres, rien à foutre des règles. Si il croit qu’elle va laisser sa cousine entre les mains d’un inconnu, il se fourre le doigt dans le nez. Et jusqu’au cerveau. Toutefois, elle s’écarte un peu pour lui laisser la place d’opérer. Il faut croire qu’elle a apprit à conjuguer le verbe « concéder ».

Je reste. Maintenant travaillez au lieu de parler, dit-elle d’un air si déterminé que l’homme n’objecte pas.

Dire non à Sybelle NicAvoy, c’est prendre trop de risques pour lui. Avec efficacité, il inspecte, nettoie et panse la plaie. La peau de Syu’ est aussi pâle que le bandage autour de son crâne. Finalement, le médicastre se tourne vers une Sybelle angoissée qui a défaut de pouvoir faire des aller-retour, se ronge les ongles avec application.

Elle a perdu beaucoup de sang et elle sera sans doute très faible à son réveil et pour les jours à venir mais sa vie n’est pas en danger, explique-t-il.

Imperceptiblement, la rouquine se détend. Mais alors qu’elle observe l’homme qui lui fait face, elle sent l’inquiétude la reprendre. C’est quoi cette moue embêtée ? C’est quoi ce regard fuyant ?

Merdum… Quoi encore ?
Eh bien… Mademoiselle NicDouggal ira bien sur le plan physiologique… Mais on ne peut pas savoir dans quelle mesure ce coup aura un impact sur son esprit avant qu’elle ne se réveille, dit-il avec précaution, ne sachant comment réagira la peste.
Hein ? C’est quoi ce charabia que vous racontez espèce d’imbécile ! Expliquez-vous clairement bon sang ! Ordonne Sybelle en s’approchant de l’homme avec l’idée de le secouer comme un prunier.
Hum... Comment dire ?
Bon ! Vous allez vous décider à cracher le morceau ? Ou il faut vous taper dessus pour que ça sorte peut-être ?
Il est possible que votre cousine se transforme en légume ! Ça vous va comme explication petite sotte ?! S’écrie finalement le médicastre avec une mauvaise humeur due au manque de sommeil et au comportement exaspérant de la jeune fille qui lui fait face.
Taisez vous ! Cela n’arrivera pas ! Vous ne la connaissez pas ! Réplique vertement la jeune femme d'un ton cassant.

Et pour faire bonne mesure - et parce qu’elle est en rogne - Sybelle envoie un magistral coup de poing dans le nez de l’homme qui se met aussitôt à saigner abondamment. Bien fait. Se demandant visiblement si elle est saine d’esprit, le docteur part finalement, laissant derrière lui trois petites tâches de sang sur le sol. Aussitôt, Sybelle se laisse tomber sur une chaise à côté du lit sur lequel gît Syuzanna et avec toute la douceur dont elle est capable, elle prend sa main dans la sienne.

Ça va aller. Ça va aller. Ça va aller… Murmure-t-elle inlassablement aussi bien pour son aînée que pour elle.

Et ainsi la nuit passe. La jeune femme s’habitue à cette insoutenable attente. Le temps s’étire et Sybelle en perd la notion.

Elle prie. Un peu.
Observe le visage de sa cousine. Beaucoup.
Nage dans un brouillard de fatigue et d’inquiétude. Totalement.

Au petit matin, tandis que le ciel vire lentement du noir au gris, l’aubergiste propose de prendre la relève de Sybelle au chevet de sa cousine pour qu’elle puisse se reposer et se restaurer. Elle refuse mais demande à ce qu’on lui apporte de quoi écrire. Aussitôt dit, aussitôt fait. Presque inconsciemment, elle rédige son courrier.





A Søren MacFadyen Eriksen, 
Le 11 novembre 1460,
Fait à l’Auberge des sirènes,


Syuzanna a été grièvement blessée dans un accident. Vous êtes attendu à La Rochelle dans les plus brefs délais - et si vous ne rappliquez pas dare-dare, je crois que je vais me mettre en colère.


Sybelle NicAvoy



Quelques minutes plus tard et les doigts tachés d’encre Sybelle reprend la main de son aînée dans la sienne, tandis qu’un messager file vers Bergerac à la vitesse de l’éclair, avec pour mission de remettre un pli urgent au blond qui sert d’époux à Syuzanna. Vaguement, la châtaigne se demande si elle n’aurait pas du être un peu plus diplomate dans son courrier puis, elle hausse les épaules. L’essentiel c’est que l’efficacité soit là, parce qu’il est hors de question qu’elle sorte de cette chambre avant que quelqu’un qui connait Syu’ soit là pour prendre sa relève à son chevet.




*Good time gonna come, Aqualung :
C'est juste une de ces
Nuits solitaires
Les temps heureux viendront

_________________
Soren
[Beaucoup de bruits pour rien*]

Il y a des jours comme ça où tout va mal. D'abord cette bouteille vide sur ma table de chevet. Vide…J'aurais du le savoir que c'était un mauvais présage ça! J'aurais du! Et puis, il y a ces vêtements éparpillés aux quatre coins de la chambre au premier étage de la Boulasse de Bergerac. Ils font quoi par-ci par-là? For fanden! Je ne me rappelle même plus ce qui s'est passé lors de la soirée d'hier! Tout ce que je me rappelle, c'est d'une taverne bondée! Ça riait, ça criait, ça dansait sur les tables. Le cochon de lait rôtissait tranquillement dans la cheminée et la bière coulait à flot! Hier soir, je n'avais pas su me décider. Blonde, brune ou rousse? Alors, j'avais mélangé. Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie! Et aujourd'hui…Plus aucun souvenir précis de ce qui s'est passé après la huitième chope!

Il y a des jours comme ça où tout va mal! Après ce réveil déplaisant, le mal de tête et avoir autant l'envie de manger que d'aller conter fleurette à un hareng dans le détroit de Skaggerak, voilà que deux familles se mêlent de me rendre la vie compliquée! D'abord les MacFadyen avec leur histoire de reniement. Pffff….Je fais quoi moi quand des amies te disent que t'as été renié par ta mère mais que la-dite mère ne te l'a même pas dit. A la rigueur, j'aurais compris qu'elle ne vienne pas en personne mais qu'elle envoie son autre blond plus françois me délivrer le message..voire même la guerrière aux yeux bridés ou encore soeur-chérie. Mais là, rien! Le néant total! Le vide absolu! Le froid interstellaire… Et puis d'un autre côté les MacDouggal! Eux alors, quand ils décident de partir en voyage, tu peux t'attendre à n'importe quoi! et le pire, c'est qu'ils ont la bougeotte! Ils ne peuvent pas rester en place. On dirait qu'ils ont le feu aux fesses en permanence! Qu'est-ce que ça peut encore être que cette histoire? Une fois, c'est la soeur qui picole et qui est oublié par le reste de la smala. Une autre fois, c'est la cousine qui ne sait pas où est Sarlat. Syu se trompe dans l'itinéraire à prendre. Alise et Manu se disputent en chemin. Et à chaque fois, il faut que moi, je répare les pots cassés. Je relis le message envoyé par la cousine. Elle, elle est encore pire que la soeur! Un caractère de cochon entouré d'une panse de brebis. Syuzanna grièvement blessé…Ouais… Qu'est-ce qui s'est encore passé? La Sybelle lui a envoyé sa chope en travers de la figure? Ils ont dérapé sur une crotte de bique et elle s'est démis l'épaule? Ils se retrouvent coincé à la Rochelle. Ils n'ont plus rien à manger ni à boire et personne ne veut leur fournir du travail? Ouais… Encore heureux qu'ils n'aient pas pris le bateau pour partir à l'aventure. J'imagine d'ici le message de la NicAvoy… "Seurn, une tempête a projeté notre bateau vers des rivages inconnus. On pense que c'est la Norvège mais on n'en n'est pas sur. C'est plein de neige partout. La forêt occupe une grande partie du territoire. Là, on a l'impression d'être à l'extrémité d'un fleuve immense, tellement grand qu'on n'est pas encore sur que c'est un fleuve. Il y a des sortes de chevaux à ramures qui viennent nous voir de temps à autre. On a aussi croisé des autochtones à la peau rouge avec comme des maquillages sur le visage. Ils sont marrants, ils portent des plumes sur la tête et hooooouuuuu…Ils se baladent à moitié nus. Dis Seurn, tu ne veux pas venir nous aider vu que tu connais l'endroit?

Il y a des jours comme ça où tout va mal! Ouais… Voyager alors que la pluie tombe drue et que le vent souffle en rafales, ça n'est jamais drôle! Je suis trempé des pieds à la tête. L'eau dégouline à grosses gouttes de ma chevelure. Plic Ploc…J'ai même du mal à voir devant moi tellement la pluie est dense. Abruti! Tu aurais du te mettre à l'abri au lieu de continuer à avancer! Je suis sur que même mes dessous sont trempés… et je ne suis ni trop jeune ni trop vieux pour "mouiller" mes braies! Brrrr…Je grelotte sur cette vieille carne qui a du mal à avancer. Mais qu'est-ce que je fais là? En plus, je suis sur qu'il n'y a rien à faire à La Rochelle. Tout ça parce que Syu a du picoler un peu trop avec sa satané cousine. Je lève la tête vers le ciel qui déverse sa haine sur moi. Ai-je vraiment mérité tout ça? Dis le Très-Haut…T'es sur que t'es pas un peu trop dur avec moi? T'es sur que toi aussi tu n'as pas une dent contre les étrangers du Périgord? Hum?

Il y a des jours comme ça où tout va mal! Au cas où la soeur NicDouggal n'était prévenu, j'ai rédigé une message que j'ai lui envoyé. J'espère juste qu'elle sera assez maligne pour comprendre que le corbac n'est pas un volatile qui vient manger ses pigeons. J'espère qu'elle verra qu'il y a un message d'attaché à la patte. Pfff…Franchement? J'ai des doutes! Ça se voit non quand tout va mal? Quand je suis de mauvaise humeur?




De Søren (MacFadyen) Eriksen
A Caitriona NicDouggal

Bergerac le 11 Novembre mil quatre cent soixante

Dame,

Il semblerait que votre soeur Syuzanne ait eu quelques démêlés avec le destin du côté de la la Rochelle. J'avoue honnêtement que je ne sais pas jusqu'à quel niveau cela requiert votre attention. Peut-être pourriez-vous au moins prendre contact avec la cousine NicAvoy que je vais personnellement rejoindre à la Rochelle pour discerner le vrai du faux de l'exagéré dans tout ceci.

Votre frère par alliance.
Søren


Lorsque j'entre à la Rochelle, je n'ai qu'une envie : trouver au plus vite l'auberge des sirènes, me changer, grailler et picoler…et voir ce que Syu a bien pu faire pour soi-disant être grièvement blessée. Lorsqu'enfin la porte du paradis s'ouvre, je retrouve une ambiance bruyante et bonne enfant. L'endroit est bondé. Sans doute l'effet de la pluie. Des flaques d'eau se forment sur mon passage. J'ai l'air piteux et je déteste ça! J'approche du comptoir où je hèle le tavernier.


- Une bière, un bain chaud, une chambre et… Sybelle NicAvoy!

* William Shakespeare

_________________
Syuzanna.
«I cannot stumble here
I am safe inside my head
When I wake up I'll forget »
*


C'était étrange. C'était le seul terme qu'elle pouvait poser sur ce qu'elle ressentait. Etrange. Son mal de tête était tel qu'elle avait la sensation que son crâne se composait désormais de deux morceaux bien distincts. Pouvait-on survivre à une telle douleur ?, se demanda-t-elle. Non, sans doute pas, et d'ailleurs, elle était sûrement déjà morte. Puis, elle réalisa qu'elle était encore capable de penser, et que c'était peut-être le signe qu'elle était toujours de ce monde. Il lui était assez difficile de se prononcer là-dessus. Tout autour d'elle était noir. N'était-il pas censé y avoir un minimum de couleur ? Elle se rendit alors compte qu'elle avait les yeux clos. Sa tentative infructueuse de soulever les paupières la fit renoncer bien vite, et elle trouva cela plutôt agréable de rester immobile dans le noir.

Lentement, elle se sentit soulever. Une sensation de mains dans son dos... D'où partait-elle ? Elle n'en savait rien. Où elle allait ? Elle ne le savait guère plus. L'important, c'était le voyage, pas la destination, n'est-ce pas ?
Il y avait des voix aussi. Qui parlait ? Que se disait-il ? Autant de questions sans réponses qu'elle n'eut bientôt plus la force de se poser. Sans savoir pourquoi, elle eut envie de sourire, mais les muscles de son visage semblaient s'être mis en pause sans intention de fonctionner de nouveau. Aucune importance, décida-t-elle bientôt. Elle était fatiguée. Bien trop fatiguée. Mais d'ailleurs, pourquoi luttait-elle contre le sommeil ? Elle avait envie de dormir ! Elle en avait besoin, même ! Elle tâcha donc de ne plus penser à rien, mais cela était aussi simple que de cesser de respirer. Les trente premières secondes, elle y arrivait très bien, mais quelque chose lui revenait sans cesse. Ou plutôt, quelque chose lui échappait sans cesse. Elle ne se souvenait plus de l'endroit où elle était. Et cela l'ennuyait. Quelqu'un l'attendait peut-être quelque part, et elle était ennuyée de le faire attendre.

Elle sentit qu'on la touchait. Elle eut plus froid aussi. Puis il y eut de l'eau, ou du moins de l'humidité, sur son visage. Comme c'était bizarre ! Puis de nouveau des voix. Peut-être distingua-t-elle des cris. Elle n'en était pas sûre. Aucune importance, décidément. Elle s'en fichait comme de son premier kilt. Peu à peu cependant, les voix se firent murmures, et elle les perdit tout à fait.
Elle avait dû finir par s'endormir, car elle eut la sensation de revenir d'un gouffre. Son corps - car ce n'était pas de sa volonté propre mais plus comme si son être de chair agissait mécaniquement - prit une bouffée d'air. Ce fut toute son activité. Comme si le summum avait été atteint. Une grosse inspiration, un soupir puissant. Puis de nouveau le calme. Respiration régulière, normale. Aucun geste, aucun mouvement. Pas même un clignement d'oeil. Mais elle était bien, là, dans la sécurité de son esprit. Rien de mal ne pouvait arriver.
Une question revenait sans cesse. Où était-elle ? Elle se força à se souvenir. Elle revit les landes verdoyantes, la brume qui dissimulait la moitié des montagnes à la vue des Hommes. Elle sentit presque le souffle glacé du vent, respira l'air empli de l'odeur d'eau stagnante, caractéristique des lacs. Et là-bas, n'était-ce pas le martèlement des sabots d'un cheval en pleine course ? De nouveau, elle faisait partie de ce monde. Pas seulement physiquement, mais aussi mentalement. Elle se sentait connectée à toutes choses. Elle n'était pas qu'une fille au beau milieu d'une lande. Elle était cette lande. Elle était cette terre. Pas juste une habitante d'un coin perdu. Il n'y avait rien de plus important que ça.
Ses muscles se remirent en marchent. Elle sourit - même si ce n'était pas ce qu'elle faisait le plus naturellement d'habitude. C'était un sourire apaisé. Un sourire qui signifie « je me sens bien ». Car comment aurait-il pu en être autrement ? Elle était chez elle. En Ecosse. Comment avait-elle pu se demander où elle était ? Où pouvait-elle être, sinon là ?
Et de nouveau, elle sombra dans le sommeil.




* Natalie Walker - Waking Dream
{Je ne peux pas trébucher ici
Je suis en sécurité dans ma tête
Quand je vais me réveiller, j'oublierai}

_________________
Enjoy
    [En route !]

    Des cris, une foule, des sons de corps humains qui s'entrechoquent. Dans la famille des mustélides, je veux la Furette ! Et où la trouve-t-on ? Tout simplement dans une arrière-cour à se battre encore et toujours. Elle vient de casser le nez d'un z'homme, juste à l'instant. Les paris augmentent, elle va se faire un beau paquet d'argent. Mais là, les badauds légèrement las décident de la confronter Elle et son Art, à un affrontement des plus original. Femme contre femme, elle grogne et peste à cette idée. Comme tout homme...euh, comme tout le monde - hahin - elle aime pas frapper les donzelles. Elles sont si douces, si fragiles...

    Radine, on ne peut être insensible face à cette opportunité, ce n'est pas tous les jours qu'on peut gagner sa vie aussi facilement. Un regard à gauche, puis à droite, levant l'index, pour désigner trois concurrentes. Tant qu'à faire, autant s'amuser et que le gueux aussi. Sans un mot, si ce n'est des hurlements de mégères, le combat débute. Les furies s'élancent en même temps sur la pauvre petiote, qui répond par un coup de pied en pleine face d'une gazelle aux formes rondelettes. Elle doit plus se faire trousser que détrousser, vu son allure. Cela en fait une en moins, la cloison nasale ayant craquée, elle pisse du sang. Les deux autres reconsidèrent la question et tentent d'encercler la furette. Cette dernière reprend sa position "miroir", jambe gauche devant la droite, une main paume ouverte, l'autre qui se trouve en direction de l'adversaire, poing fermé. Le mouvement de ses pieds se fait lent, sa respiration est calme et souple, fermant les yeux durant une fraction de seconde. Il faudra frapper vite et fort, déboîter, déplacer les os. La première porte une gifle en direction du museau enjilien, esquive, récupération de la main tendue, fracture du poignet égale hurlement de son adversaire, s'en suit une descente des deux mains mustélidiennes - huhu - contre l'avant-bras jusqu'au coude de la pauvresse, pour le faire craquer à son tour, le remontant dans une position non-naturelle jusqu'à ce qu'il craque. L'os remonte, on le voit poindre dans la pliure du bras. Enjoy jubile. Manque plus que la seconde qui devant la scène déglutit et se pose des questions, elle décide finalement de se jeter tête la première, qui vient rencontrer ou plutôt embrasser le genoux de la furette.

    Résultat. Une contre trois. Enjoy victorieuse. C'était d'une facilité déconcertante. En passant avant de rejoindre l'homme qui tient les paris, elle file un coup de pied dans la face d'une des bougresses. Histoire de se dégourdir la gambette et puis c'est gratuit, alors profitons-en. Elle empoche ce qui lui est due, fière, heureuse, souriante même. Un ou deux paysans bavent devant ses formes affriolantes. Faut dire qu'elle est bien roulée et qu'elle sait mettre son corps en évidence.

    Elle quitte son lieu de travail pour s'en retourner dans une taverne. En passant, elle va au pigeonnier de Saumur pour voir si oui ou non, elle a du courrier. Visiblement il y en a. Pas ce qu'elle espérait, à dire vrai. Une lecture rapide fut faite, puis elle se rendit dans son antre. Sous un pont.


Citation:
De Søren (MacFadyen) Eriksen
A Caitriona NicDouggal

Bergerac le 11 Novembre mil quatre cent soixante

Dame,

Il semblerait que votre soeur Syuzanne ait eu quelques démêlés avec le destin du côté de la la Rochelle. J'avoue honnêtement que je ne sais pas jusqu'à quel niveau cela requiert votre attention. Peut-être pourriez-vous au moins prendre contact avec la cousine NicAvoy que je vais personnellement rejoindre à la Rochelle pour discerner le vrai du faux de l'exagéré dans tout ceci.

Votre frère par alliance.
Søren


Caitriona. Cela faisait longtemps qu'on ne l'avait plus nommée ainsi. Elle qui se donnait partout le nom d'Enjoy, l'Ange enjouée. Son séjour en pleine nature, à survivre, bectant des petits mammifères ou des insectes l'avait profondément changée. Elle en avait omis, voire reniée sa famille en quelque sorte. Et c'est sous la tutelle de son Maître Makto, qu'elle réapprit à vivre telle une jeune femme normale ou presque. La mesure du temps, la patience, la pratique de la chasse, le maniement des armes, le combat à mains nues. Mais en dehors du corps, il y avait aussi l'esprit. Apprendre à écouter l'autre, le calme, la Nature. Redevenir adolescente dans sa tête, innocente et insouciante. Cherchant sans cesse la rencontre puisqu'elle est source de richesse et de connaissance. Se faire des amis, vivre comme tout le monde en somme. Jusqu'au jour, où elle rencontra sa cousine, Laell Corleone, sa famille italienne. Et son passé resurgit, sa partie sombre. Puis une bande se forme, elle croise des gens peu fréquentables comme Cistude, Kachina...etc. Saumur devient en un instant, le palais de la débauche, de la violence et du meurtre. Pour se fondre dans la masse, elle se fait dure et méchante.

Sauf que chaque nuit, elle pleure comme une petite fille...

Macdouggal. Elle n'avait pas souvent la présence d'esprit de s'annoncer sous ce nom. C'était en quelque sorte, sa partie "gentille". Ne voulant pas entacher le nom de sa famille écossaise par ses actes répréhensibles. Puis avec ceci resurgit des flash d'un Hier pas si lointain. Syuzanna, sa (tendre) soeur. Pour qui elle serait prête à tout.

Où était-elle ? Que faisait-elle ? Elles ne se donnaient plus de nouvelles. Et si, quelques souvenirs refaisaient surfaces, bien des choses semblaient s'être égarées, étiolées à l'instar de l'optimisme face à l'adversité.

Soren ? Au fond, ce type, elle a jamais pu le piffrer. En toute bonne soeurette qui se respecte. Naturellement. Et le "frère par alliance" aurait pu être évité. Elle le sait, elle est pas sotte. Par contre, elle apprécie le vouvoiement et le "dame". Cela la rend toute chose, si bien qu'elle s'évente avec le vélin et sourit angéliquement. Roulant des yeux, elle se met à écrire un petit quelque chose, rien de bien important. Sa réponse quoi...


Citation:
Søren,

Va chier !

Enjoy "Caitriona" Corleone Macdouggal,


C'est ce qu'elle dit. Hinhin. Bien sûr, elle va se rendre à La Rochelle. Pour tout dire, elle est déjà en chemin. Oui, oui !

Mais...

N'ayant pas d'chwal, elle doit en piquer un. Ceci tombe bien puisque justement un noble qui passait par là pour s'arrêter pisser derrière un buisson, laissa inconsciemment sa monture. La belle furette s'approche furtivement, monte sur l'équidé et se barre en vitesse. Souriante de toutes ses dents lorsqu'elle découvre qu'une bourse remplie de n'écus est attachée à la selle du ch'val. Franchement, certains n'ont peur de rien.

Les lieux sont avalés d'une traite. Elle en profite pour se peinturlurer le museau de bleu. P'tête, que cela plaira à sa Syu, huhu. En chemin, une bande de mufles tentent de la détrousser. S'en suit une course poursuite épique dans les bois. Les brigands laissent finalement tomber quand ils constatent que le jeu n'en vaut pas la chandelle. Faire autant d'efforts pour si peu. Elle fuit donc à travers l'horizon, le coeur en joie. Encore un jour, où elle préserve sa virginité ! Huhu ! Bah ouais, parce que foutue comme elle est, la Enjoy donne des envies à pas mal de z'hommes voire des femelles. Hinhin.

...


[La Rochelle]

Pourquoi se perdre dans un coin pareil ? Hum ? Bref, tour d'horizon, la mustélide progresse sur les planches posées à même le sol dans une ruelle inondée. Le souci, c'est que le Soso a oublié de dire en dehors de prendre contact avec la sine-cou, où ils se trouvaient. Aussi, elle passa une bonne partie de son temps à fureter par-ci, par-là à la quête de sa frangine. Qui reste désespérément introuvable. Si bien, qu'elle va mettre ses petits pieds dans une taverne, histoire de noyer sa solitude dans l'alcool. Plus qu'à se pinter. Son entrée se voulait discrète mais ayant la gueule toute bleue, comme si elle allait à la guerre. Tous les péquenots du coin eurent un sentiment commun en la voyant : le rire. Froncement de museau, s'installe et commande à boire.

Peut être qu'ailleurs le Macfadyen a plus de chance. Pour l'instant, elle profite de la compagnie aux côtés d'un gus au nez amoché. Qui prend de temps à autres, un air supérieur. Après quelques avances, du rentre-dedans des familles, Enjoy craque et lui montre ses seins. Toute l'assemblée est choquée, tandis qu'elle sourit niaisement. C'est alors qu'elle apprend qu'il est médecin car il veut l’ausculter dans les moindres détails. Hinhin. Et de fil en aiguille....


Quoi ?! C'est une rousse qui t'as fait ça ? Une rouquine qui cogne à La Rochelle ! Y a qu'une Macdouggal pour faire ça !

Croyant que la dite donzelle aux cheveux de feu est Syu, elle continue de le tenir par le col-baque.

Hum ?! Y avait une autre rousse ?! Où ça ?!

Exaspérée, elle lui met une droite sur le pif, histoire d'enfoncer le clou. Le médicastre malchanceux se retrouve à terre.
La furette se rhabille et file en vitesse à l'auberge des Sirènes....
Sybelle
I bleed it out digging deeper
Just to throw it away*



Attendre c’est long et plus les heures passent, plus Sybelle est fatiguée. Elle pourrait se reposer, non ? Juste deux minutes. Fermer un peu les yeux… Quand elle se réveille, deux bonnes heures ont passé et quelqu’un tambourine à la porte de la chambre.

Tagueulelafermefaispaschier… Marmonne la rouquine, toujours très élégante, en tournant la tête pour essayer de se rendormir.

Seulement ce foutu bruit ne veut pas s’arrêter. Bon sang ! C’est fou ce que les gens sont doués quand il s’agit de l’empêcher de faire ce qu’elle veut et en l’occurrence, elle veut dormir. Ouvrant un œil, Sybelle aperçoit un bout de la tignasse rousse de Syuzanna et soudain elle n’a plus sommeil : l’accident ! Elle avait presque oublié ce très léger détail. Bon, se reposer on peut oublier… Ne reste donc plus qu’à ouvrir les deux yeux en grand et se lever pour voir qui tient tant que ça à la voir. Avec une démarche aussi légère que celle d’un sanglier en furie, la jeune peste va ouvrir la porte - la claquant violement contre le mur au passage - pour trouver le tavernier debout derrière, le poing en l’air, comme prêt à donner un autre coup sur le battant de bois.

Quoi ?! Grogne-t-elle, une lueur mauvaise brillant dans ses pupilles vertes.

Pas de chance pour le bonhomme, une Sybelle à moitié réveillé, c’est encore plus désagréable qu’une Sybelle ivre. Autant dire que la bonne humeur ne sera encore pas au rendez-vous aujourd’hui. Face à elle, le tavernier ce tortille, visiblement mal à l’aise. Et en plus, on lui a envoyé une chochotte… Par les dieux, ça n’est vraiment pas sa journée.

Un homme vous a fait demander demoiselle.

Le blond doit être arrivé… Dur de savoir si elle en est contente ou pas, vu qu’elle ne le connait pas franchement. La seule chose qu’elle sait, c’est que jusqu’à présent il n’a pas vraiment été un mari exemplaire pour la MacDouggal. M’enfin, au moins elle va pouvoir se reposer un peu, et se changer aussi parce qu’entre les tâches de boue sur ses genoux, sa tunique déchirée et le sang sur sa manche droite, ça ne sera pas du luxe.

Où est-il ?
Dans la grande salle damoiselle.
Bon, j’y vais. Surveillez ma cousine, vous,
décide-t-elle, plantant là le pauvre bougre.

Arrivée dans la pièce principale, la châtaigne grimace. C’est quoi cette foule d’emmerdeurs de bonne humeur ? Peuvent pas se taire un peu ? Ah, définitivement, elle déteste cette journée, cette ville et tout ce qui va avec. Scrutant les personnes qui trainent dans le coin, elle a tôt fait de repérer l’affreux blond qui sert de mari à sa cousine… Et elle va devoir passer du temps avec ça. Tsss… Dès qu’elle se réveillera, Syu’ en entendra parler ! Soupirant, elle se traine jusqu’à lui, commandant un verre d’eau-de-vie au passage. Il va lui falloir au moins ça pour tenir toute la soirée, c’est sur. Se postant face à lui, elle croise les bras, attendant qu’il pose les questions qui doivent lui trotter dans la tête, tout en rêvant d’un bain. Oh oui, un bon bain chaud et ensuite des vêtements secs, confortables… Et un lit. Hum… Rien que d’y penser, elle sent son visage s’éclaircir d’un sourire et Dieu le sait, ça ne peut pas faire de mal, parce qu’entre ses vêtements sales, ses cheveux aplatit d’un côté et les cernes qui bleuissent le dessous de ses yeux, elle ne fait pas franchement envie à cet instant. Et dire que d’habitude, c’est elle la beauté de la famille, celle qui sans le moindre effort en jette pleins la vue à tout le monde… Là, pour l’effet de séduction, on repassera ! Haussant un sourcil, Sybelle observe le blond : mais qu’il se décide à parler, qu’elle puisse le conduire à Syu’ et enfin aller le prendre ce bain ! Bon… Si il ne prend pas les devants…

Allez, bougez vous Eriksen. Je vais vous emmener voir Syuzanna. Je vous préviens, elle a une sale tête. Une branche lui est…

Levant les yeux, la jeune femme voit arrivée une femme au visage peint en bleu. Alors ça… Qui donc a eu l’idée farfelue de prévenir Caitriona ? Bon sang… Mais pourquoi, pourquoi sa famille est-elle si encombrante ?! Suffisait pas de se taper le mari de la cousine, fallait en plus que l’autre cousine ramène ses fesses. Plus jamais, jamais, jamais elle ne voyagerait avec quelqu’un lié à elle par le sang : ça foutait un bordel pas possible ces histoires. Jetant un coup d’œil mauvais au blond, elle se demande de qui elle doit se venger pour cet énième coup bas. Lui, ou sa fichue épouse qui a eu la fichue idée de se prendre une fichue branche en pleine poire ? Hum… ça commence vraiment à faire beaucoup de fichue tout cela.

Y’en a encore combien qui vont rappliquer comme ça ? C’est une réunion de famille ou bien ? Marmonne-t-elle en regardant tour à tour les deux inopportuns - sur qu’ils étaient pas supposés être du voyage, eux. Bon allez, ramenez vous, j’vais vous emmener voir Syuzanna.

Et sans plus de cérémonie, elle repart vers la chambre. Une fois devant la porte, elle se retourne songeant malgré elle qu’elle aurait l’air bien plus impressionnante si elle n’était pas non seulement la plus jeune, mais aussi la plus petite des membres du trio, parce que si d’habitude son sale caractère suffit à faire que les gens la ferme quand elle leur fait face, les membres de son entourage plus ou moins proche ont la sale habitude de ne pas se laisser impressionner par elle. Quand elle dit qu’ils sont agaçants, c’est pas pour rien !

Comme je l’ai déjà dit, elle est dans un état assez pitoyable. Elle a été violemment heurtée par une branche morte pendant la tempête et sa tête en a prit un sacré coup, donc vous avez intérêt à pas faire trop de remue-ménage, explique-t-elle tout en fixant les deux autres d’un air plus ou moins agréable. Comprit ?

Bah oui, même si elle déteste jouer les gardes-malades et qu’elle a horreur de verser dans les bons sentiments, si il y a bien une personne au monde que Sybelle aime, c’est son aînée, alors elle ne va certainement pas prendre le risque de mettre en péril sa convalescence pour laisser deux enquiquineurs la voir. Ouvrant doucement la porte, elle fait signe au tavernier de partir et elle avance vers la cousine pour passer doucement la main sur sa joue.
Elle est tellement pâle… Bon, en fin de compte peut-être qu’un peu de soutient ne sera pas de trop, songe-t-elle avant de se dire que c’est une chance qu’on ne puisse pas lire dans ses pensées : elle préférerait qu’on lui arrache les dents une par une plutôt que d’avouer qu’elle trouve du réconfort dans la présence à ses côtés du blond et de l’illuminée peinte en bleu qui lui sert de cousine. Après tout, les avoir avec elle, c'est avoir la possibilité d'oublier un peu ô combien elle est inquiète pour penser à ô combien ils sont pénibles.



*Bleed it out, Linkin Park :
J'évacue en creusant plus profond
Juste pour jeter tout ça loin

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Soren
"Alors voilà
Syu a une petite tribu
Elles sont rousses et leurs prénoms
C'est Sybelle et Enjoy
A eux trois ils forment
Le gang MacDouggal
Leurs noms?
Un sacré mélange…"*



Sybelle NicAvoy…Décidément! Elle est toujours fidèle à elle-même. Pas même un 'bonjour', ni un 'Vous avez fait bon voyage?' et encore moins un 'Je vais vous laisser vous changer et je viendrais vous chercher plus tard'. L'amabilité dans toute sa splendeur. J'ai comme une envie irrépressible de vouloir la baffer, mais en ce moment, allez savoir pourquoi, j'ai plus de contrôle sur moi-même. Et quelque part, ce petit quelque chose de positif m'inquiète. Je suis habitué à éclater quand quelque chose me perturbe. Mon ton se durcit. Mes paroles deviennent dures. Mes gestes…dangereux! Crise noire… et éventuellement rouge! La dernière crise remonte à loin. A bien trop loin. Elle fut rouge à Sarlat la fois où William m'a traité d'idiot! Pfff…Will…me traiter d'idiot! Venant de Will, c'est tout de même plus que particulier!

Syu? Une branche ? Et puis? Une sale tête? La dernière fois que je l'ai vu à Bergerac, elle disait vouloir profiter de la vie et picoler un peu plus que ces derniers temps. Ouais! Ça, c'est sur! Entre la Champagne et Bergerac, j'avais l'impression que sa consommation avait fondu comme banquise au soleil. Bon sang! Mais que lui est-il arrivé? Elle s'était plongée dans ses études. Elle ne buvait plus. Elle prenait un ton beaucoup plus romantique. Ouais! Et moi alors? Je n'avais pas changé? Indéniablement si je prends comme référence notre période champenoise. Pfff…Et défection!

Comme un problème ne vient jamais seul avec les MacDouggal, voilà maintenant que la Cait se rapplique! Pffff…Elle a fait vite la donzelle malpolie! Alors que la cousine qui me semble un brin fatiguée nous emmène dans la chambre où Syu serait installée, j'arrête Enjoy d'un geste du bras. D'un regard déterminé, je lui signale que j'ai un compte à régler avec elle. Je sors du revers de ma manche le message qu'elle m'a envoyé et je le porte à la hauteur de son nez.


- "Va chier" hein?

Schlack! Le revers de ma main s'abat lourdement sur sa joue droite. Maintenant, nous quittes!

- Remarque… Mieux vaut aller chier que pisser dans une viole de gambe n'est-ce pas? C'est aussi et surtout plus poli madame la rousse!

Maintenant que ce différend est réglé dans mon esprit, je peux reporter mon esprit sur ce que vient de dire Sybelle. Se peut-il que finalement tout ceci soit vrai? Ce peut-il que Syu soit vraiment gravement blessée? Je précède Enjoy et presse le pas pour finalement rejoindre Sybelle. Je n'ai toujours pas prononcé le moindre mot. Enfin…Excepté pour régler ce compte! Une branche pendant une tempête? C'est si peu crédible… si peu… Les escaliers grincent sous notre poids. C'est lugubre. L'ambiance est mortelle. Le porte s'ouvre sur une pièce plongée dans la pénombre. J'entre lentement. J'hésite. Je n'ai jamais craint de réconforter des blessés. Mais là, c'est…particulier! Sauf blague de mauvais gout, le blessé qui est allongé, dans le lit, n'est autre que Syuzanna NicDouggal. Celle avec qui j'ai beaucoup partagé. Les traits durs sur mon visage se dissipent petit à petit, au fur et à mesure que je réalise que tout ça est bien la réalité. Les mots sont bloqués. Dans la gorge. Dans mon esprit. Je ne trouve rien à dire. Y'a t-il simplement quelque chose à dire? Quelque chose de censé je veux dire… Je ne suis pas à l'aise avec les mots. Je ne l'ai jamais été mais c'est encore pire en pareille situation.

Mes pieds refusent eux aussi d'avancer. C'est comme si un destin funeste m'attendait en face…le genre de situation où l'on sait que l'on doit affronter un grand tourment, qu'on peut triompher…ou y passer. On sait que l'on n'a pas le choix. Qu'il faut y passer coûte que coûte…mais l'envie est si faible… Je comprends maintenant ce que peut ressentir un condamné à mort que l'on approche de la potence. Je ferme les yeux, crispe les lèvres. Vas-y Seurn! Vas-y! Je ne sais ce qui est arrivé mais quelques instants plus tard, je me retrouve debout devant Syu. J'ouvre les yeux et la première réflexion que je me fais, c'est : " Sybelle avait raison. La blessure n'est pas jolie jolie… J'espère qu'elle est tombée sur un bon médicastre et pas de ces charlatans qui pullulent sur les champs de bataille après les boucheries! Rien n'est réfléchit. Rien n'est pensé. J'agis comme par instinct. je pose mon regard sur sa tête endolorie. Je me force à confronter ce funeste destin. Une branche morte dans une tempête! N'importe quoi! Son bras est étendu le long de son corps. Elle semble paisible en cet instant. Ma main vient recouvrir la sienne.


* Très très librement inspiré de "Bonnie And Clyde" - Serge Gainsbourg
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Syuzanna.
« Forget you and forget him too *»

Elle inspira une fois. Deux fois. Les yeux clos, elle tentait d’analyser son environnement. Elle ne reconnaissait pas les odeurs. Etrange, songea-t-elle, les yeux toujours aussi hermétiquement fermés. Où pouvait-elle bien se trouver ? Rapidement, elle passa en revue le dernier endroit où elle était allée. Oui, elle se souvenait maintenant. Son père l’avait envoyé chercher Ana, la fille de MacKintosh. Elle devait se marier à un jeune homme du Clan MacDouggal, et pour que la « transaction » s’effectue au mieux, ce devait être elle, fille du Chef, qui escorterait la demoiselle. On la disait blonde et chétive, et Syuzanna, dans un accès de compassion, songea qu’Ana aurait bien du mal à se faire à sa nouvelle vie chez les MacDouggal. Mais en cours de route, Dubhar, le jeune frison à peine débourré qu’elle montait, avait brusquement rué, la projetant au sol. Elle avait dû se cogner la tête, et sans doute qu’une brave femme l’avait porté à l’abri de sa demeure.

Se refusant toujours à ouvrir les yeux, elle leva lentement une main en l’air, et la passa légèrement sur son visage. Elle sentait sous la pulpe de ses doigts, la peinture bleue qu’elle s’était étalée sur le front, l’arête du nez et les joues. La pâte avait craquelé, elle percevait sans peine les contours irréguliers des plaques sur ses traits, à la racine des cheveux. Etrange, songea-t-elle, que l’âme charitable qui avait pris soin d’elle ne l’ait pas nettoyé mieux que ça. Mais, se rappela-t-elle tout aussitôt, les arabesques bleues avaient leur signification, et sans doute que son « ange gardien » n’avait pas osé ôter la marque de son rang de fille de Chef. En reposant sa main le long de son corps, lui parvint au nez une étrange odeur métallique, comme du sang, émanant semblait-il de ses doigts. Les étrangetés s’accumulaient…
Renifler ne lui était d’aucun secours. Elle devait voir ce qui l’entourait, et vite. Qui sait si après tout, elle n’était pas retenue prisonnière par un Clan ennemi ? Elle se serait giflée de ne pas y avoir pensé plus tôt. Tout concordait maintenant ! On ne l’avait pas lavé parce qu’on n’en avait pas pris la peine ! Monnaie d’échange contre quoi ? A combien s’élevait son prix ? D’une main discrète, elle aventura ses doigts jusqu’à sa cuisse. Sa dague ! Où était sa dague ? Et ses vêtements ? Car à moins qu'elle ne se trompe, elle n'était qu'en chemise de corps... Une autre pensée s’insinua soudain comme du poison dans ses veines. Et si c’était des Angloys qui la retenaient ? Son père paierait-il ce qu’ils lui demanderaient ? Elle préféra ne pas y songer. Elle devrait se débrouiller seule, sans aucun doute.

Brusquement, elle ouvrit les yeux. Pour les refermer aussitôt. La lumière était plus vive que ce qu’elle avait pensé, et ses rétines avaient besoin d’un moment d’adaptation. Lentement cette fois, elle répéta l’opération. Elle était allongée sur un lit, dans ce qu’il semblait être une chambre assez simple. Un lit, un bahut, une fenêtre, une petite table branlante sur laquelle était posé un pichet d’étain. Tournant légèrement la tête vers la droite, elle grimaça de douleur. Sa tête la faisait tant souffrir qu’elle avait l’impression qu’elle s’ouvrait proprement en deux. Son regard d’ambre se posa aussitôt sur Sybelle. Et les deux autres qui se tenaient là. Et elle fut rassurée. Jamais Sybelle ne se serait tenue bien vivante chez des Angloys, à moins de les avoir tous tués jusqu’au dernier. La haine des Ecossais envers les Angloys n’était pas légendaire…
Sa cousine paraissait quelque peu inquiète. Que se passait-il ? Avait-elle été plus gravement blessée qu’elle ne l’avait pensé ? Elle fit marcher ses doigts et ses pieds et retint un soupir de contentement. Tout fonctionnait très bien. Alors que se passait-il ? Son regard dériva lentement sur un homme, qui se tenait aux côtés de sa cousine. La rousse réalisa soudain que cet homme lui tenait la main. Syuzanna fronça les sourcils et l’étudia sans réserve. Grand, autant qu’elle pouvait en juger, de belle allure, de carrure solide, il possédait une chevelure blonde. Une mèche rebelle lui tombait sur le front, et ses yeux bleus plein de vivacité l’observaient avec intensité. Le nez droit et les lèvres légèrement serrées, comme s’il se concentrait, il ne la quittait pas des yeux. Qui était-il ? Et de manière assez brutale, elle ressentit le besoin irrépressible de se lever, de s’approcher de lui, et de plaquer ses mains partout où la bienséance l’autorisait, voire même là où la bienséance aurait eu quelque chose à y redire. Elle avait l’étrange et inconnu désir de l’embrasser, de plaquer son corps contre le sien, de glisser ses doigts dans son épaisse chevelure de blé. Et comme incapable de contenir ce besoin presque vital, elle fit un mouvement pour se lever… mais parvint in-extremis à reprendre contenance et à se rallonger calmement. Le mal de tête et un léger tournis en résultant n’y furent sans doute pas étrangers. Que lui arrivait-il donc ? Elle ne connaissait cet homme ni de près ni de loin et voilà qu’elle voulait lui sauter dessus ! Attribuant ceci au contrecoup de sa chute de cheval, elle choisit délibérément d’ignorer la sensation de vide dans son estomac. Vide ? Ou au contraire plein de chauves-souris qui provoquaient cette sensation qui lui était par nature étrangère ?

Nouvelle dérive du regard. La femme aussi méritait un examen minutieux. Autant de corps que de mine, elle correspondait en tous points à l’idée qu’elle se faisait de la Déesse Cliona¹. Mais malgré sa beauté fracassante, son visage ne lui disait rien de rien. « Bigre », songea la rousse. « Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire ? » Que faisait sa chère cousine en pareille compagnie ? Un grand blond et une inconnue peinturlurée comme pour la guerre ? La guerre ?


- Oh, Dieux ! siffla-t-elle entre ses dents.

C’était la guerre ? On l’avait cru attaqué et on avait bataillé sec contre les MacKintosh ? Et ces deux-là étaient… des otages ? Pourquoi pas, mais quel intérêt de les amener dans sa chambre ? A moins qu’on lui fête son anniversaire en avance de onze mois ? On lui avait réservé les deux plus coriaces à tuer ? Elle les jaugea aussitôt. L’homme pouvait éventuellement poser problème, mais ce n’était qu’un homme, et il avait de ce fait des endroits du corps plus sensibles que chez une femme, aussi, un « coup en traitre » suffirait à lui faire pencher la tête et là… il n’y aurait plus qu’à la mettre dans un panier. Pour la femme en revanche, ce serait plus compliqué. Quelque chose lui disait qu’avec elle, cela ressemblerait déjà plus à du combat.
Tout ceci n'allait pas, cependant. L'homme lui tenait la main. Il était inconscient ou quoi ? Mais doué de raison ou non, ce n'était en rien l'attitude d'un otage qui s'apprête à perdre la tête tout ce qu'il y a de moins métaphoriquement.
Mais de nouveau, croisant le regard de l’homme, elle ressentit quelque chose qui n’avait rien à voir avec une envie de tuer. Que c’était agaçant à la fin ! Et pourquoi ses yeux lui semblaient familiers ? Pourquoi le dessin de sa bouche avait quelque chose de connu ? Et pourquoi, pourquoi, en le regardant, elle pensait à de la neige ? A des landes glacées ? D’où lui venait tout cela ? Pure invention ? Elle n’avait aucune imagination, pourtant.

Conservant un visage aussi impassible que possible, elle tenta, en vain, de détacher son regard de celui de l’inconnu. Il fallait qu’elle fasse quelque chose ! Forçant son esprit à afficher devant ses yeux le sourire si tendre de Duncan, elle se rappela qu’elle était fiancée au jeune homme et qu’elle devrait l’épouser au début du mois d’août.
Sans quitter des yeux l’homme aux yeux d’océan – elle en était incapable, et avait trop mal à la tête pour songer à lutter immédiatement – elle s’adressa à sa cousine d’une voix aussi calme qu’était agité son esprit, ne laissant dans son ton rien transparaître du flot de sentiments contradictoires qui l’animait.


- Sybelle ? Où sommes-nous, nom d’une gargouille ! Et surtout, qui sont ces deux gus qui t’accompagnent ?

Faire comme on lui avait appris : en cas de poussée de sentiments, s’évertuer à les détruire. Rien de pire que les sentiments. Ça vous tuait un homme plus vite qu’une flèche empoisonnée. Et même si en tant que femme, elle était naturellement au-dessus de la faible gente masculine, elle n’était pas tout à fait à l’abri d’un excès de sensiblerie.



« Forget you » Gwyneth Paltrow (pour Glee)
{Je t’oublie et je l’oublie aussi}
¹ Cliona : déesse celte d’une grande beauté.

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Enjoy
    Schlack !

    Claque contre sa joue droite. Pour une fois, elle ne voit pas le coup venir ou peut être le laisse toucher sa peau consentante. Comme si au fond, tous les coups qu'elle encaissait, n'étaient qu'une punition. Mais se punir de quoi ? Pour une raison qu'elle ignore, la furette avait toujours vu sa vie comme celle de Cúchulainn, un héros fier, orgueilleux, terrible. Ayant fait mille batailles, pourfendu des armées entières pour une seule chose : La Gloire. Elle ne rêvait que de cela. Ses cousines voulaient des écus, elle, juste se couvrir des honneurs. Que son nom résonne dans l'air et fasse surgir des sentiments d'admiration ou de peur. Seulement le guerrier celte a eu une vie remplie mais très très courte. Comme c'est souvent le cas. Aussi, elle était là avec eux en ce jour mais qu'en serait-il dans l'instant d'après ?

    Froncement de museau. Elle l'observe sans rien dire. Imaginant juste les réponses qu'elle pourrait lui donner. Premièrement lui cracher au visage, faire claquer sa main gauche sur sa poitrine pour faire une diversion sonore alors que dextre plonge sur sa gorge pour s'en saisir de ses doigts qui se font griffes. Puis serrer le plus fort possible. Ne pas attendre la possibilité qu'il se dégage même si sa vue est troublée, lui porter un coup de genoux dans les parties. Et quand il se baisse en avant, lui en reporter un en plein visage. Le blond s'écroule alors, elle s'élance sur lui enchaînant les droite-gauche jusqu'à qu'une marre de sang se répande sur le parquet crasseux de l'auberge...

    C'est ce qui aurait pu arriver. Mais il n'en est rien. Elle se contente de se frotter la joue et d'afficher un petit sourire amusé. Le pas est emboîté par sa cousine, ils suivent le convoi à l'étendard rougeâtre. Une fois dans la pièce, l'aubergiste ou ce qui y ressemble est congédié. Et ils s'approchent doucement de Syuzanna, qui est allongée. Enjoy avait oublié tellement, elle était belle. Sa crinière rousse, ses traits fins, son petit nez, son profil dessiné par un artiste peintre. Et ses formes dignes des plus grandes déesses. Tout l'opposé de Soren, hahin.

    Elle n'ose pas dire un mot, ni même la toucher. Pour l'instant, elle reste en retrait. Contrairement aux deux autres qui arrêtent pas de la tripoter. C'est SA soeur, namého ! Elle ouvre les yeux la Belette. Sans doute perdue. Enjoy sourit légèrement voyant qu'elle reprend doucement ses esprits. Plus de peurs que de mal finalement. Puisque c'est cela qui lui importait. Elle aurait parcouru tout le royaume juste pour revoir sa soeurette. Et n'aurait pas supporté de la voir prisonnière d'un sommeil profond dont on ne revient jamais ou encore pire...morte. C'est donc rassurée qu'elle les observe tous les trois jusqu'à ce drame intérieur.

    "...qui sont ces deux gus qui t’accompagnent ?"

    Les gens changent. Et de son séjour en pleine nature en mode survie, elle en est revenue sensible. Faut dire qu'elle avait frôlé la mort à plusieurs reprises. Et seul l'amour pour sa famille lui avait fait tenir le coup. Si bien qu'elle ne sait comment réagir devant ces propos. Elle se jette sur la Belette - Syu, hein, j'ai pas rajoutée un animal dans la pièce. Mise à part Soren, hahin. - écartant les deux autres au passage. Histoire de la faire respirer, elle et la blessée. Se mettant à genoux, elle attrape la menotte de sa Syuzanna et la porte sur sa poitrine pour lui faire sentir son coeur battre.


    Syu... C'est moi, Enjoy...

    Elle secoue la tête et ferme les yeux, histoire de chasser une vision de son esprit et retourne toute son attention vers la convalescente.

    J'veux dire Cait... Macdouggal, ta soeur !

    Plongeant son regard noisette dans le sien, cherchant à sonder la moindre lueur d'un souvenir. Elle connait ce genre de choses. Un ami d'enfance à la mustélide avait perdu sa mémoire. Et on ne sait dans quel coin de son esprit, il avait tout égaré. Mais, il en est jamais revenu. Maintenant, il erre comme une âme en peine dans les ruelles de son village natale. Les gens prient en pitié de lui, lui offrent de l'eau et du pain. Mais guère plus. Les émotions n'existent plus, les petits rien qui le rendait si vivant jadis, s'étaient étiolés. Et en y repensant. La furette verse une larme serrant ses doigts dans ceux de "l'amnésique". Son palpitant battant la chamade comme si tout était déjà fini...

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Sybelle
Des fois j'me dis qu'j'ai rêvé,
Mais quand j'me suis réveillé,
Le cauchemar avait gagné.*



Syu’ bouge, ouvre les yeux, parle. Bref, Syu’ n’est ni morte, ni changée en légume et sans surprise la châtaigne se sent apaisée par ce constat : elle n’aurait pas supporté de voir encore un être aimé s’éloigner d’elle. Cependant, une fois la joie de la voir saine et sauve passée, Sybelle réalise qu’il y a quelque chose qui cloche. C’est quoi ces questions ? Comment son aînée peut-elle ne pas reconnaitre son époux et sa sœur ? Certes, ils ne sont pas très beaux à voir après avoir fait tout ce chemin, toutefois elle a l’habitude d’être entourée des deux vilains et puis d’abord, si elle ne les reconnait pas, pourquoi la reconnait-elle, elle ? Levant les yeux vers Søren, elle l’interroge du regard : il y comprend quelque chose, lui ou bien est-il aussi paumé qu’elle à cet instant ?

Pas le temps de réfléchir plus avant : tout d’un coup, une tornade peinturlurée de bleu la pousse, manquant de la faire tomber au passage, pour prendre sa place auprès de celle qui les a réunie. Et tout ça pourquoi ? Pour répondre à sa place d’un ton si dégoulinant de sucre et de niaiserie que la rouquine ne parvient pas à retenir une moue écœurée. Elle ne doit pas s’énerver, non... Il faut rester calme, même face à cette cousine - inconnue quelques mois plus tôt - pour qui elle éprouve une mystérieuse inimitié.

Tu t’appelles Sybelle, toi maintenant ? Siffle-t-elle à sa cousine tout en lui écrasant « accidentellement » les orteils tandis qu’elle reprend sa place auprès de la malade.

Ceci fait, elle réalise ce qui la gêne le plus dans ce que Syuzanna a dit. Ça n’est pas le fait qu’elle s’interroge sur où elle est ou avec qui elle est mais le ton qu’elle a employé. Son ton d’avant la France. Depuis qu’elles se sont retrouvées, Sybelle a pu constater de multiples changements chez celle qui a toujours été son héroïne : mariée, mère, menant une vie plus ou moins stable, son aînée c’est considérablement adoucie, et même si sur bien des plans elle reste égale à elle-même - et à son caractère de cochon - et fidèle à l’éducation qu’elles ont toutes deux reçues en Ecosse, elle n’en demeure pas moins une femme nouvelle. Et c’est normale d’ailleurs : elle aussi elle a changé. Mais ce ton... Oui, ce ton elle le reconnaîtrait entre tous et ça n'est clairement pas celui dont elle use depuis qu'elles sont réunies, en France.

Mais revenons à nos moutons ou plutôt, à notre rouquine cabossée. Toujours allongée, celle-ci fixe sa cousine, attendant visiblement une réponse. Gênée, la châtaigne passe une main dans ses cheveux. On est supposé répondre quoi dans un cas comme ça ? Ça commence vraiment à être embarrassant comme situation…

Eh bien… Hum… Tu sais bien, nous sommes à La Rochelle… En France, commence-t-elle d’un air hésitant, ne sachant pas trop bien ce qu’il faut révéler et ce qu’il faut taire. Quand à eux… Il s’agit d’amis à toi. Oui, des amis !

Un petit mensonge dans un cas pareil, ça ne peut pas faire de mal, non ? Et puis là, mieux vaut taire le fait qu’ils sont bien plus que des amis vu l’air paumé de la rousse. Bien que tentée de poser des questions à son aînée, Sybelle sent qu’elle est dépassée, alors elle se décide à battre en retraite. Prétendant qu’il est nécessaire à Syuzanna de se reposer, elle sort, entraînant les deux autres avec elle de gré ou de force. Une fois dans le couloir mal éclairé, elle se tourne vers eux en frissonnant, inquiète, avant de se rappeler qu’elle doit enguirlander sa cousine.


Cait’ ! C’est de la purée de pois que tu as à la place du cerveau ou bien ? Je ne sais pas ce qui se passe, mais pour une mystérieuse raison, elle ne vous reconnait pas tout les deux alors il est hors de question de la brusquer en lui balançant un « j’suis ta soeur » ! Tu vas me la traumatiser ! Commence-t-elle à grogner, son ton montant dans les aiguës tandis que sa colère l’emporte sur la retenue dont elle a vaguement tenté de faire preuve jusqu’à présent.

Passant une main las sur son front, elle se force à respirer profondément pour se calmer. Définitivement, il doit y avoir une malédiction qui pèse sur leur famille mais la fatigue, l’inquiétude et la mauvaise humeur l’empêchent de réfléchir clairement, aussi se résout-elle à l’idée qu’il va lui falloir de l’aide. Lentement, elle lève les yeux vers les deux autres. Dieux qu’elle aimerait qu’ils ne soient pas là.

J’aimerai que vous contactiez un médecin. Quelqu’un de l’université peut-être… Il faut la faire examiner à nouveau, dit-elle d’une voix basse laissant transparaître sa lassitude. Moi je vais écrire à Manu. On ne sera pas trop de quatre autour d’elle. Et… En attendant que le médecin et lui arrivent, vous ne devez pas voir Syuzanna. Cela risquerait de la perturber. Je prendrai soin d’elle.

Sans leur laisser le temps de protester - elle ne saurait tolérer qu’on la contredise à cet instant - elle redescend pour écrire à son cousin. Là encore, la lettre sera envoyée via un messager afin d’être sure qu’elle arrive le plus tôt possible.




A Maonaigh MacDowell, dict Manu
Le 13 novembre 1460,
Fait à l’Auberge des Sirènes, La Rochelle,


Cousin,

Syuzanna a été blessée et si sa vie n’est à priori pas en danger, il semble que sa mémoire ait été affectée et qu’elle soit incapable de se souvenir de son époux et de sa sœur qui nous ont déjà rejoint. Je crois que nous allons avoir grand besoin de ton soutien - surtout pour juguler les crises de folies de Cait’ (cette drôlesse m’insupporte soit dit en passant).

Dans l’attente de ton arrivée,
Amicalement,

Sybelle.



Et une fois le messager parti, la rouquine s’autorise à prendre un peu de temps pour elle afin de régler des détails pratiques : réserver trois nouvelles chambres (une pour elle et les deux autres pour Cait’ et Manu puisqu’il est impossible de savoir combien de temps ils vont devoir rester là), prendre un bain (froid : elle est trop sale pour patienter le temps qu’on lui fasse chauffer de l’eau), enfiler des vêtements propres, manger un peu et comble du luxe, aller dormir une heure ou deux après avoir vérifié que Syuzanna est elle-même en train de se reposer.

Affaire à suivre… Mais par les Dieux, faites que Manu arrive vite !




*J'te jure, Mick est tout seul

_________________
Manu.
« Les hommes, lorsqu'ils s'adressent aux dieux, ne savent pas que c'est pour leur malheur, le plus souvent, que les dieux les exaucent. »*

Va savoir comment le cousin va réagir devant l'état de sa cousine...

Attablé au bar d’une taverne bordelaise, il picole. Bah quoi ? Il a bien le droit, non ? Chopes offertes par la mairesse en plus ! Il rit et sourit, amusé par les conversations environnantes. Une bonne idée ce voyage à Bordeaux, beaucoup de vin et d’animation, tout pour lui convenir. Son fils est là, sa compagne aussi manque plus que le reste de la famille. Petite pensée pour ses rousses cousines, où sont-elles en ce moment ? Mais surtout dans quel guêpier se sont-elles encore fourrées ? Non parce que les connaissant, impossible qu’elle soit en train de faire la cuisine ou la couture.
Une poignée d’écus est jetée sur le comptoir et une autre tournée arrive, suivie de deux autres. Certains, déjà bien éméchés se mettent à danser, le barbu, lui, observe la scène en souriant, se félicitant de ne pas avoir amené James et Lacienda avec lui. Il décline une proposition de danse avant de se servir un verre de scotch. Rien de tel qu’un alcool écossais pour parfaire une soirée. Renversant la tête en arrière, il ferme les yeux et se délecte du breuvage jusqu’à ce qu’un énergumène vienne perturber la petite soirée improvisée.

Maonaigh MacDowell, est-ce que Maonaigh MacDowell est ici ?

Il ouvre les yeux et arque un sourcil interrogateur. Personne ne l’appelle par son prénom écossais et lui-même se présente toujours comme « Manu ». Il détaille le gringalet qui lui fait face, se demandant ce qu’il lui veut. Le type en question n’a pas l’air à l’aise dans ses bottes, sans doute pas habitué à débarquer en pleine beuverie et à s’attirer les regards de toute une taverne. Manu lui fait signe d’approcher, plus par curiosité que par compassion pour la gêne du messager. De plus, il a une envie folle de reprendre la descente de sa bouteille de scotch.

J’peux savoir c’que tu m’veux ?

L’autre bégaye à moitié avant de lui remettre un vélin, jugeant surement que c’est un moyen plus efficace d’expliquer sa présence.

On m’a chargé de vous remettre cela, messire.


Le barbu hoche la tête et s’empare de la lettre, désintéressé par la présence du messager. Au fur et à mesure de sa lecture, il a l’impression que toute l’euphorie liée à l’alcool l’a quitté. Il ne retient que les mots « Syu » et « blessée », le reste il s’en moque. Pressé par le temps, il se lève et farfouille dans les recoins du comptoir. Il en sort une plume, quelque peu abîmée et un pot d’encre presque vide. Repoussant du coude un homme dont il a oublié le nom et qui, dans l’état où il se trouve, l’a certainement oublié lui aussi, il rédige quelques lignes au dos de la lettre, pour Lacienda et son fils.



Parti chercher Syu à La Rochelle. Reviens vite. Vous aime.
Manu.


Il hèle le messager qui a déjà passé la porte et, lui remettant une poignée de pièces :

Apporte ça à Lacienda. Lacienda Longshanks.

S’il n’avait pas été aussi pressé par le temps et aussi inquiet, il aurait surement lancé une boutade sur le nom du maire à qui Lacienda avait mis les cornes mais Syu passait avant son humour. Ah pas possible ça, toujours barrée n’importe où celle-là ! D’un pas pressé il se dirige vers l’arbre où il a attaché sa jument, Aïka. Détachant sa bride, il lui grimpe lestement sur le dos, direction La Rochelle.



[La Rochelle]

Humpf saloperie de pluie. C’est trempé jusqu’aux os, les cheveux en bataille et frigorifié qu’il passe enfin les portes de La Rochelle. Même au grand galop, il n’a pas pu arriver avant que la nuit ne tombe, c’est donc un barbu dégoulinant de pluie qui se présente à l’auberge des Sirènes, plutôt flippant vu la tronche qu’il tire et l’atmosphère lugubre du dehors. Enfin, c’pas son problème ça. Il se dirige à grands pas vers un jeunot à l’air désœuvré et, d’une voix tonitruante :

Toi le môme, au lieu de te tourner les pouces, occupe-toi de mon canasson. Et t’as intérêt d’en prendre soin.

Laissant le môme en question courir au dehors sous l’ordre qu’il n’a même pas cherché à dissimuler, il se met à crier :

Syu ! Syuzanna NicDouggal ! puis, se ravisant en se rappelant du contenu de la lettre Sybelle !!!

*André Gide
Soren
[La bonne, la brute et la truande*]

Vouté au dessus de la table, une chope de bière tournant au rythme des mouvements de mon poignet, je laisse mon regard vagabonder dans l'ambre du liquide. J'ai eu le temps de changer de vêtements pour être enfin au sec. La cheminée non loin de moi finit le travail en me caressant de sa chaleur bienfaitrice. La scène à laquelle je viens d'assister me laisse perplexe. Je me sais que penser de tout cela, et si j'en crois la cousine Sybelle, je ne suis pas le seul. La blessure me semblait réelle mais l'attitude de Syu me laisse perplexe. Son regard…Il était équivoque. Je ne peux tout simplement croire qu'elle ne m'a pas reconnu. Non… Impossible! Quelque chose dans son regard me dit exactement le contraire. Elle sait qui je suis. J'en mettrais ma main dans ce feu de cheminée, là, maintenant. Et pourtant… Pourquoi ce doute? Pourquoi ce trouble en moi? Depuis quelques temps, cela ne va plus comme avant entre Syu et moi. Le mariage… Il a tout cassé! Il y a eu ces disputes pour des broutilles… puis pour des sujets plus sérieux. Il y a eu ce moment en forêt où elle m'a dit que j'était fol. Non, décidément, il faut croire que je ne suis pas fait pour le mariage.

Étrange sentiment que celui de devoir quitter son épouse alors que celle-ci est souffrante. Mais il faut croire que lorsque l'ainé n'est pas en mesure de prendre les décisions de chef de clan, les MacDouggal passent le flambeau aux cousines. J'ai laissé Cait enjoy s'occuper de trouver un médicastre. Après tout, je n'ose dire qu'elle est une femme, mais elle est tout de même de sexe féminin. Elle saura trouver ce qui convient le mieux à sa soeur. "...Pas voir Syuzanna. Cela risquerait de la perturber." Pfff…Et pourquoi veux-tu que cela la perturbe Sybelle? Peux-tu me le dire? Hum? Quand bien même cela la perturberait…cela ne serait-il pas salvateur? J'ai hésité à leur parler de l'abbaye près de Patay, de Zanna et de tout ce qui en a suivi. Il y a des similitudes entre Zanna et la Syu d'aujourd'hui. Oui…Des similitudes et des différences aussi. Pffff….Foutue journée!

Sybelle a envoyé un message à Manu. Dans combien de jours va t-il arriver? En attendant, je fais quoi moi? J'ai franchement l'impression d'être dans un traquenard, une bouffonnerie. On se joue de moi! La bonne Syu qui se fait frapper par une branche lors d'une tempête?…La brute Enjoy qui frappe sur tout ce qui passe et qui est censé m'impressionner?…La truande Sybelle qui orchestre le tout et qui cherche à se jouer de moi?…"...Pas voir Syuzanna. Cela risquerait de la perturber."…Me prendrais-tu pour un niais Sybelle NicAvoy? Alors, j'en reviens toujours à la même question…En attendant, je fais quoi?

Quand rien ne va, rien ne va! Un abruti à moitié ivre vient me bousculer, venant couler mon nez dans la bière! Je hais ça! Je déteste ça cordialement! Je me lève et je bouscule l'individu. Celui-ci titube, prononce un borborygme infâme, une sorte d'éructement de protestation et vient me chercher des noises le bras levé, cherchant à se faire menaçant. je me lève d'un bond et repousse l'ivrogne violemment. Celui-ci s'affale sur la table d'à côté, provoquant l'ire de ceux qui jusque discutait paisiblement des méthodes de pêches du flétan d'Atlantique. Les bougres se relèvent, manches relevées et se dirigent vers moi. Manifestement, ils ne sont pas là pour me payer une nouvelle bière que l'autre saoulot m'a fait perdre...


* Inspiré d'un célèbre film de Sergio Léone
_________________
Syuzanna.
« 200 watts, en paire de bottes » *

Sa soeur ? Syu dévisagea la demoiselle qui s'octroyait ce titre des plus honorifiques. Elle ouvrait la bouche pour lui faire remarquer qu'elle était fille unique, lorsque Sybelle prononça une énormité. La Rochelle ? En France ? En France ? Cette contrée de lavettes ? Par tous les Dieux, eut-elle envie de s'écrier. Mais qu'irait-elle faire en France ?
Elle n'eut cependant pas le temps de protester. Sybelle éjectait tout le monde de la chambrée, lui recommandant le sommeil. Elle en avait de bonnes, la cousine ! Dormir en cet instant critique ! Pourquoi pas filer la laine pendant qu'on y était !

Elle se retrouva cependant seule, en compagnie de ses interrogations. Sybelle était-elle tombée sur la tête pour lui dire de telles choses ?
Elle se rendit compte soudain qu'elle était allongée sur un lit, qu'elle ne dormait pas, et qu'elle réfléchissait. Or, ni l'un ni l'autre ne servait à grand chose, et ce n'était certes pas en étant couchée qu'elle apprendrait le fin mot de l'histoire. Un soupçon lui fit froncer les sourcils, soudain. Sybelle lui faisait une farce. Elle se tenait derrière la porte en compagnie des deux énergumènes et mourait probablement de rire à l'idée que son aînée puisse croire à ses mensonges. Ah ça, elle apprendrait qu'on ne se moquait pas longtemps de Syuzanna NicDouggal !

En un bond, elle fut sur pied, et regretta aussitôt d'être allée si vite. Le monde semblait vaciller sous ses pieds, et il s'en fallut de peu qu'elle perde l'équilibre. A aussi grands pas que lui permettait son mal de crâne, elle parcourut la distance qui la séparait de la porte, et l'ouvrit toute grande.
Mais derrière le battant, il n'y avait qu'une petite servante d'étage, qui poussa un hurlement de terreur, lança son plateau, et fila à toutes jambes. Syu soupira, regrettant aussitôt son acte. Si elle avait été plus prompte, elle aurait pu rattraper le plateau... Maintenant, la soupe se répendait au sol. Et elle avait grand faim.

Refermant la porte, elle s'avança vers la fenêtre, collant presque son nez au carreau pour voir le mieux possible son reflet. On avait connu mieux, songea-t-elle. Au-dessus de son sourcil gauche, une cicatrice en forme de croissant de Lune était apparue. Et la rousse jugeait cette empreinte irréversible. Il faudrait tout de même qu'elle demande à quoi elle devait ça. Cela faisait toujours bien de revenir avec une nouvelle entaille - ça contribuait à l'image de grosse brute violente - mais si c'était dû à un combat contre une fourmi enragée, cela devenait nettement moins glorieux.
Plongeant une main dans le broc d'eau claire, elle nettoya son visage autant qu'elle le put, puis songea qu'elle devrait peut-être éventuellement songer à s'habiller. Si elle voulait aller dans la salle commune et manger un morceau, le mieux était quand même de ne pas être à moitié nue.
Avisant dans un coin un tas de vêtements, elle s'en approcha, et souleva une paire de braies marron. Non, songea-t-elle. Cela n'allait pas du tout.

Juste à côté, il y avait également une large besace, qui semblait pleine à craquer. A qui appartenait le sac, elle n'en avait cure. Si c'était à elle, tant mieux, si c'était à Sybelle, étant l'ainée elle avait le droit de fouiller dedans. Si c'était à l'un des deux autres... Eh bien il n'aurait pas dû l'oublier !
S'agenouillant, elle souleva le rabat, et extirpa de la gibecière quatre ou cinq petits pots d'argile. Elle les ouvrit tous méthodiquement. Ils étaient emplis de pâtes, de pommades, d'onguents, et de crèmes. Etrange, songea-t-elle. Cela devait appartenir à un herboriste.
Il y avait aussi plusieurs sachets de toile, qu'elle délia tous. Ici du millepertuis, là de la sauge, là du... Elle s'interrompit. Depuis quand reconnaissait-elle les plantes rien qu'à l'odeur et l'aspect ? Syu repoussa vivement tout le matériel, bien décidée à oublier qu'elle savait des choses qu'elle ignorait seulement quelques heures auparavant.

Fouillant plus avant, un large sourire se dessina sur son visage. Elle venait de mettre la main sur une chemise blanche, et surtout, surtout, sur un kilt. Un kilt soigneusement roulé, plié, serré par des cordes, mais un kilt tout de même. Le sien, autant qu'elle pouvait en juger. Etrange. Qui avait bien pu le ranger de la sorte ?
Sans plus se poser de question, elle laça la chemise, enroula ses hanches de l'épais tissu de laine au tartan de son Clan, ceignit la ceinture qu'elle trouva sur la pile de vêtements abandonnés, glissa ses jambes dans de hautes chaussettes, et compléta la tenue par sa paire de bottes.

Elle se releva, et passa une main dans ses cheveux libres. Elle grogna. Avait-on vraiment eu besoin de la décoiffer ? Deux minutes lui suffirent pour les tresser en deux nattes. Une autre exploration du fond du sac lui offrit un protège-bras en cuir. Elle avisa sa dague, posée sur le bahut, et à l'aide d'une cordelette de cuir, l'accrocha à sa cuisse droite. Là, décida-t-elle. Elle était fin prête.

Sans plus s'attarder, elle sortit de la chambrée, dévala les escaliers, et... tomba en plein dans ce qu'il semblait être une bagarre de taverne. Elle siffla entre ses dents, avisant le grand blond qui se démenait avec trois ou quatre hommes à la mine assez peu avenante. En temps normal, elle aurait participé avec joie à cette démonstration de téstostérones, mais là, elle avait un tel mal de tête qu'elle craignait de ne pas frapper assez fort. Dieux, jura-t-elle à part elle. Mais aucun de ces olibrius n'étaient en kilt ! C'était quoi, la débâcle ? La révolte ? La révolution ?
Et brusquement, soudainement - car de toute façon, Syu n'agissait qu'à l'instinct et aussitôt qu'elle ressentait le besoin de faire quelque chose - elle n'en puit plus de ce vacarme. Et hurla, comme une Ecossaise à jeûn savait si bien le faire :


- OH ! La ferme, bande d'abrutis !

Et pour être sûre d'avoir bien été comprise de l'ensemble de la populace, elle en attrapa un par le col, et lui écrasa le nez contre le comptoir.
Le silence revint aussi brusquement que l'agitation était survenue. Les clients étaient comme figés, et sur leurs traits grossiers étaient gravé un habile mélange de surprise, d'étonnement, et peut-être même un soupçon d'inquiétude.


- QUOI ? beugla-t-elle d'un ton qui n'avait qu'un très lointain rapport avec la courtoisie. Quelqu'un d'autre a les naseaux bouchés et veut que je lui dégage les sinus ? grogna-t-elle en désignant d'un mouvement de menton sa pauvre victime dont le nez cassé ruisselait de sang.

Devant l'absence de volontaire - il fallait croire que personne n'avait de rhume - elle jeta un regard furieux au blond responsable selon elle, et de l'agitation, et de son mal de crâne.

- TOI ! aboya-t-elle en l'apostrophant. Tu me paies à boire si tu veux que ta mère te reconnaisse la prochaine fois que t'iras chialer dans ses jupes !

Et elle se laissa tomber sur une chaise, cherchant des yeux un visage connu et plus particulièrement celui de...

- Sybeeeelle !


* BB Brunes - Coups et blessures
_________________
Sybelle
What do I stand for ? What do I stand for ?
Most nights, I don't know anymore...*



La nuit est tombée et bientôt je vais devoir quitter mon refuge pour affronter les miens. Je n’ai pas envie d’aller les retrouver. Je voudrai pouvoir partir très loin et oublier tout ce qui c’est passé. Je ne sais pas quand la fuite est devenue une habitude pour moi. Quand papa est mort ? Quand je suis arrivée en France ? Quand j’ai tué Ernest ? Vraiment, je n’en ai aucune idée. Tout ce que je sais, c’est que fuir est devenu une seconde nature. Je n’étais pas comme ça avant. J’avais pour habitude de n’avoir peur de rien, de défier le monde à chaque instant. Et maintenant je mène l’existence d’un animal traqué qui court le plus vite qu’il peut avec la peur pour seul moteur. Je fuis l’ennui, je fuis les gens et surtout, surtout je fuis les sentiments. Aimer d’autres personnes que soi, c’est offrir au monde la possibilité de nous les arracher et je sais trop bien comme cela nous brise. Mon cœur bleui a déjà connu cela, pas envie de recommencer, non merci. Mais bien sur, il a fallu que je les retrouve tous. Ma famille. Ma chair, mon sang, mes repères, mes piliers… Je les déteste autant que je les aime. Cela devrait être interdit de se sentir autant attaché à d’autres personnes. Si je ne les aimais pas, je pourrai partir la conscience tranquille, mais j’ai beau essayé de me mentir à moi-même, j’ai beau essayé de me convaincre qu’ils ne comptent pas plus que toutes les personnes que j’ai pu laisser derrière moi auparavant, je n’y arrive pas. Bon sang ne saurait pas mentir…

Assise sur le rebord de la fenêtre, les jambes suspendues dans le vide, je me demande ce qui va bien pouvoir se passer maintenant. J’ai beau ne rien y connaitre en médecine, je sais que rien ne va avec Syuzanna. Sa réaction plus tôt n’était pas normale mais je suis supposée faire quoi, moi, dans tout ça ? D’habitude, je n’ai pas à prendre de décisions pour les autres. C’est moi la petite, moi la chouchoute. Se sont aux autres que reviennent les responsabilités et moi, on me laisse faire ce qui me plait tant que cela n’embête personne. Alors, par les Dieux, comment me suis-je retrouvée à tout gérer ici ? Et le pire, c’est que c’est moi qui ai décidé de faire peser ce poids sur mes épaules - sans nul doute trop frêles pour la charge soit dit en passant… Stupide fille que je suis. Je pourrai passer des heures et des heures à me faire des reproches pour avoir fait ça, mais évidement cela n’aurait aucun intérêt. Fermant les yeux, j’écoute le murmure du vent, tentant d’ouvrir mon âme aux esprits : à cet instant, le moindre petit conseil serait le bienvenue. Mais évidement, la seule chose que le vent porte jusqu’à moi, c’est la froideur de la nuit.

De la grande salle me parviennent les bruits d’une dispute. Je suis prête à parier mon arc que tout ce remue-ménage est provoqué par un membre du clan. Quand il y avait une dispute, c’était toujours, eux… Ou moi. Mais en l’occurrence moi qui pourtant - en pur produit de mon éducation - aime me battre presque autant que j’aime les sucreries, je n’ai aucune envie d’aller me mêler à tout ceci. Après avoir jeté un dernier regard vers l’extérieur, je me décide malgré tout à me préparer pour les rejoindre : j’enfile des braies noires, une tunique bleu-vert et une paire de botte en cuir. A ma ceinture, je suspend une dague puis, dans un soucis d’efficacité, je relève mes cheveux en une queue de cheval. Ceci fait, j’observe mon reflet dans un petit miroir pour me composer un masque neutre : plus de moue boudeuse sur les lèvres, plus de tristesse dans les émeraudes qui me servent d’yeux, plus de pli inquiet sur le front. Voilà… Je suis prête. Avec une lenteur délibérée je sors de ma chambre, verrouillant la porte au passage et je parcours le couloir obscur. Le bois des escaliers est vermoulu mais je suis trop légère pour le faire craquer et quand bien-même je serai énorme, on ne m’entendrai pas arriver avec le bazar provoqué par… Søren. L’imbécile. Comme si on avait pas déjà assez à faire. M’enfin bon, je dois avouer que je le comprend un peu quand même. Ça défoule de pouvoir taper sur le premier venu.

Toujours au milieu des escaliers, je tente d’analyser la situation. Prêt de l’entrée il y à Manu. Qui m’appelle en gueulant. Trop classe. Mais bon, ça me soulage de le voir : il va pouvoir gérer à ma place, lui. Au milieu de la salle, le blond qui a semble-t-il fini de se battre. Prêt du comptoir, Syu’ qui l’enguirlande puis qui m’appelle en gueulant. Qu’est-ce qu’ils ont tous à vouloir me voir, hein ?! Peuvent pas se débrouiller sans moi deux minutes ? Pas de trace de Cait’. C’est toujours un soucis de moins pour… Mais attendez ! Que fait Syuzanna ici ? Elle devrait être dans son lit à roupiller, elle ! Une fois de plus, je soupire. Evidemment, obéir à un ordre simple c’était trop compliqué pour elle. Et non, je ne suis pas de mauvaise foi quand je lui reproche ça alors que je suis exactement comme elle. M’avançant dans la lumière de la salle, je me met à sourire d’un petit air moqueur.

C’est bon, c’est bon, je suis là. Pas la peine de hurler à tue-tête vous deux, dis-je en regardant tour à tour mon cousin et Syuzanna.

Commandant une tournée, je fais signe à Manu et à Søren d’aller s’installer à la table de Syu’ puis, je me poste au pied de l’escalier en songeant que ce que je m’apprête à faire va surement se retourner contre moi à un moment ou un autre.

CAITRIONA ! RAPPLIQUE TOUT DE SUITE !

Ceci fait, je vais m’asseoir à côté de Syu’. L’heure du conseil de famille a sonné.

Nous avons à discuter de beaucoup de choses me semble-t-il. Qui veut commencer ?



*Some nights, Fun :
Qu'est-ce que je défends ? Qu'est-ce que je défends ?
La plupart des nuits, je ne sais plus...

_________________
Manu.
[Quelque chose en toi
Ne tourne pas rond
Un je ne sais quoi
Qui me laisse con*]



Hum quel joyeux bordel. Quiconque verrait la scène d’un œil extérieur les prendrait pour des fous, remarque, ceux qui sont avec eux, même ivres, doivent se demander dans quel monde ils ont débarqué. Ca gueule, ça boit, ça castagne sec, des écossais purs quoi. Ou une caricature. Ou les deux. Mais revenons quelques minutes avant que la rousse Sybelle ne « demande » un conseil de famille. Revenons à notre barbu dégoulinant, tyrannisant des gosses et beuglant le prénom de sa cousine. Il regardait Seurn picoler, se demandant ce qu’il devait faire. L’avait bien envie de le rejoindre descendre deux trois verres, histoire d’être un poil plus calme. Sauf qu’évidemment, un pochtron mal avisé avait eu la fameuse idée de venir se frotter au blond. Manu avait déjà prévu d’intervenir, il savait que Seurn se débarrasserait sans mal de l’énergumène mais fallait qu’il tape sur quelqu’un et de préférence pas sur un gosse ou son beauf. ‘Fin pas tout à fait beauf le Seurn mais c’est tout comme. Il se préparait donc à entrer dans la danse et c’est alors qu’une rousse bien connue fit son apparition…

Et vas-y que je fasse en sorte qu’on m’entende à l’autre bout du royaume, et vas-y que je t’explose le pif contre un comptoir…Haussement de sourcils interrogateurs du barbu. La lettre de la cousine ne disait-elle pas que Syu était « blessée » ? Non parce que si c’était le cas, elle le masquait vachement bien, hein. Le silence s’installait pas à pas dans la taverne, les soulards étaient beaucoup moins saouls du coup, surement qu’ils venaient de se rendre compte à qui ils avaient à faire. Et là, la Syu elle fit quelque chose qui étonna beaucoup le barbu. Elle apostropha de façon plutôt…virulente…son cher et tendre. Y a de l’eau dans l’gaz entre les deux époux ? Pas étonnant, depuis le départ de Seurn pour le trou du cul du monde, y a des disputes tous les quatre matins. Et, pour compenser, Syu bosse comme une folle ou se barre chercher on ne sait qui, on ne sait où. Mouarf…

Ouais, ok, ils s’engueulent mais là, c’était bizarre. Il avait l’impression qu’elle ne reconnaissait plus son mari. Bon, la remarque sur la belle-mère, il pouvait l’assimiler à la haine que sa cousine éprouvait pour Bryn mais hum…Bizarre tout de même. Il y avait quelque chose qui ne lui disait rien qui vaille dans son visage. Comme si elle avait changé, comme si elle n’était plus la Syu de Sarlat mais une Syu disons plus lointaine. Il n’a pas le temps de se pencher sur la question que l’autre rousse fait son apparition, poussant une légendaire gueulante. A croire que dans la famille ils font le concours de celui qui braille le plus fort…Et c’est là que nous revenons au présent…

La tournée commandée, le barbu vide son verre d’un trait. Besoin d’alcool. Oui, d’alcool, pas de tisane. Et là, le verre c’est plutôt un truc qui oscille entre la tisane et la pisse d’âne. Non mais il le prend pour qui cet aubergiste ? Y a plutôt intérêt que le môme se soit occupé correctement de son canasson, sinon ça va barder. Il se tourne vers celui qui lui a servi ce breuvage infâme, furibond.

Non mais pour qui tu m'prends ? Apporte-moi un alcool digne de ce nom avant que je ne te fasse regretter d’être né.

Pourquoi est-il aussi énervé ? Certains diraient que deux jours sans dormir ne l’ont pas aidé, d’autres que c’est dans sa nature, d’autres encore qu’il est inquiet pour sa cousine. La troisième catégorie a surement raison, surtout quand il s’aperçoit enfin de la cicatrice sur le front de sa cousine. Aussitôt il oublie l’alcool qu’il a pourtant si ardemment « négocié » et se précipite aux côtés de la rousse estropiée. Les traits de son visage se tordent sous l’angoisse naissante lorsqu’il prend le visage de Syu entre ses doigts. Qu’est-ce qui s’est passé… ? A sa question muette, Sybelle répond par une autre. Beaucoup de chose à se dire, oui, effectivement. Sans lâcher sa cousine des yeux, il lance :

Ouais, moi j’veux savoir c’qu’elle a sur le visage Syu. C’est quoi c’te connerie ? Et puis d’abord qu’est-ce qu’on fout dans c’t’auberge ?!



Téléphone, Ça c'est vraiment toi
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