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[RP] Froid vivifiant, lettre au tournant !

Anthoyne
A travers les vitraux translucides, ses yeux fixaient la forêt à l’extérieur du château du Nivernais. Le gel matinal ainsi que les courants d’air frais s’infiltrant par les lucarnes mal isolées, Anthoyne se rendait compte que petit à petit, l’hiver faisait son nid. Tandis que le froid s’installait lentement mais sûrement sur les terres bourguignonnes, le brun commençait à se faire quelques connaissances à Nevers malgré ses longues présences au castel de l’Infant. Mais son réseau ne comblait pas sa solitude. Dans ces terres, il restait seul et ce froid naturel amplifiait le manque de chaleur humaine. Il se remémorait le houleux échange avec sa cousine avant son départ. Que n’aurait-il pas fait pour passer rien qu’un moment avec elle à cet instant ? Il pouvait lui écrire mais la situation n’était peut-être pas adéquate…

La situation semblait désespérée mais revint à son esprit une douce mie qu’il avait quittée en Anjou. Depuis, aucun échange n’avait été effectué. Il savait où écrire mais serait-elle présente ? Mais également comment prendrait-elle la chose ? Qui ne tente à rien, n’a rien, paraît-il ? Tentons !



Citation:
Nevers, le troisième jour de novembre de l’an 1460

D’Anthoyne de la Louveterie,
A Elisabeth de Kermorial, gracile rose


Ma chère Elisabeth,

    Quel piètre amant je fais, n’est-ce pas ? Cela fait plusieurs mois que nous nous sommes quittés en terres angevines et je ne prends la plume qu’à présent pour chercher à avoir de vos nouvelles. Je ne chercherai pas de prétextes pour me dédouaner de ma faute. Je suis fautif et je vous présente mes plus plates excuses. Cependant je suis un homme et j’ai, à mon avis, des circonstances atténuantes. Ceci n’est pas pour vous rejeter la faute, seulement pour me défendre pour avoir failli à mes obligations d’amant amouraché.

    Ces derniers temps, de grands bouleversements ont modifié grandement mon avenir et ma condition. Je ne vis plus à Tours. Je suis actuellement à Nevers et compte m’y installer. J’ai brisé le peu de liens que j’avais avec la Touraine. Seule ma suzeraine restera une personne de confiance. Actuellement, je me suis au service d’un jeune homme. Il dispose d’un avenir prometteur et je compte bien tout faire pour qu’il parvienne à se hisser au rang que lui promet son destin. On peut dire que j’ai échangé ma liberté pour servir une cause qui m’est chère.

    Cette condition ne change en rien mes sentiments pour votre personne. Mais déjà que nous ne profitions que peu de la courte vie que le Très Haut a bien voulu nous offrir pour nous voir, voilà que je m’enferme dans un certain servage dicté par mon simple honneur. Cela confirme mon hypothèse de départ : je suis un piètre amant. Pourriez-vous seulement me pardonner un jour ?

    L’hiver qui approche à grand pas me rappelle à quel point cette nouvelle vie m’éloigne de vous. Ce froid accentue la tristesse causée par notre éloignement. Ô comment j’aimerais pouvoir vous enlacer et sentir votre souffle contre ma nuque ! Ô comment j’aimerais sentir votre chaleur réchauffer mon corps si glacial ! Si seulement vos doux gestes et vos mots, même ceux les plus cinglants, pouvaient réchauffer mon cœur de pierre brisé par les gels matinaux.

    Je n’ai qu’une faveur à vous demander. Je ne veux point vous obliger à quoique ce soit mais une lettre, rien qu’une simple missive me procurerait une joie immense.


Ma chère Elisabeth, recevez avec cette lettre mes sentiments les plus sincères.
Que Dieu vous protège.

Anthoyne de la Louveterie


Plié, cacheté, envoyé.

PS : Nous vous rappelons que l’intéressement égoïste est un vilain péché.


Edit : mise en page et corrections de mise en page !
_________________
Else
[Rennes, trois jours plus tard]

- Une lettre pour vous.

Une fois le messager congédié et la porte close, Élisabeth poussa un soupir. En ces temps de deuil, les courriers de condoléances pleuvaient – du moins de la part de ceux, pas si nombreux, qui savaient que Marie avait une sœur. Mais pour la sauvage Kermorial, c’était encore trop. Pour un peu, elle eut jeté les missives importunes au feu sans même un regard, et ne s’en fut pas trouvée plus mal ; d’ailleurs, elle se dirigeait déjà vers le foyer… lorsque le cachet retint son attention.

Louveterie.

Louveterie. Le souvenir de cet homme étrange, irritant, attirant se réveilla avec une acuité surprenante. Son charme agaçant. Ses manières policées. Tout cet insupportable raffinement dans la conversation, dans les manières, dans la tenue. Et puis surtout, cette aura d’exactitude et d’équilibre qui flottait autour de lui en permanence, comme si sa simple présence suffisait à remettre le monde en ordre. Dans ses bras, elle avait retrouvé un semblant d’équilibre alors que tout partait à vau-l’eau. L’avait-elle aimé ? Sans doute. L’aimait-elle encore ? Ou son cœur était-il vide désormais de toute affection, arraché aux vivants avec la moitié de sa chair ?

Ses doigts tremblaient lorsqu’elle brisa le sceau de cette boîte de Pandore.


[Dans la soirée]

Citation:
Rennes, le septième de novembre 1460
D’Elisabeth Kermorial
A Anthoyne de la Louveterie.

Elle est morte. On l’enterre. Ne venez pas.

E.


La plume n’avait pas sitôt retrouvé son encrier, que la jeune femme s’effondra sur la table en sanglotant. Le lendemain matin, un messager quittait la capitale bretonne avec un message rédigé sur un tout autre ton.

Citation:
Rennes, le huitième de novembre 1460
D’Elisabeth Kermorial
A Anthoyne de la Louveterie, piètre amant s’il en désire le titre.

Anthoyne,

Que de mots pour vous défendre d’un crime qui, dois-je vous le dire ? ne vous était plus reproché. Envers moi n’avez d’obligations que celles qu’imposeraient les convenances, et nous les avons déjà foulées aux pieds ; je vous délivre du reste. Vaquez à vos ambitions. Sacrifiez-moi à vos idéaux. L’un de nous du moins a encore du cœur et des convictions : c’est bien. Il faut avoir le courage de ses choix, et vivre pour quelque chose.

N’est-elle pas conciliante, l’amante qui vous autorise tout ? qui ne vous tient rigueur de rien ? Mais non. Je n’en ai pas le droit. Rien ne nous destinait à nous rencontrer, rien ne nous promet un avenir. Allez. Servez ce jeune homme prometteur, offrez vous à cette cause qui vous est chère. Je ne les jalouse pas, j’aurais fait la même chose.

Du reste, je ne pourrais rien pour vous protéger du froid, quand bien même vous vous trouveriez ici, près de moi. On enterre Marie, Anthoyne. Je suis à demi morte. J’ai oublié, je crois, ce que c’est que d’avoir chaud. Et dire que c’est vous, fut-un temps, qui me l’aviez rappelé… Et tout ce que je peux faire, c’est vous dire : vous irez mieux. L’hiver passera, il passe toujours. Avec de la chance, il cessera de vous rappeler votre tristesse. Peut-être même m’oublierez-vous. Il me semble que cela m’attristerait.

Dieu vous garde,

Elisabeth
Anthoyne
La lettre lui avait fait l’effet d’un coup de couteau en pleine poitrine. Il avait l’impression de sentir son sang bouillonnant jaillir d’une plaie béante et ruisseler sur son corps. Avait-il quelconques sentiments pour la Kermorial ? Certainement mais rien de bien profond, rien qui puisse déclencher ce genre de sensations. Il était tout simplement blessé au plus profond de lui-même, dans son plus pur orgueil. Mais qu’avait-il attendu de cette lettre ? Il n’avait eu ce qu’il méritait. Décidemment, après de nombreux échecs, l’altercation avec sa cousine et maintenant ses erreurs avec Elisabeth, il se mettait à penser qu’il ne savait pas y faire avec les femmes.

Son égoïsme lui avait fait rater l’information principale de la lettre. Marie était morte. Il ne savait quoi penser à cet instant. Il l’avait apprécié mine de rien… Devait-il être triste ? Devait-il faire semblant de l’être ? Devait-il être déçu car il ne réaliserait pas son fantasme avec deux jumelles ? Il comprenait mieux le ton utilisé par Else. La lettre gardait tout de même son sens mais sa violence en était atténuée.

Anthoyne ne répondit pas dans la foulée. Il n’avait pas eu l’inspiration le jour même. Le lendemain, il entama le trajet pour rejoindre la Touraine et il préféra être confortablement installé à Tours avant de maculer le parchemin de son encre noire. Mais une fois, dans son pied à terre seigneurial, il ne tarda pas à poser sa réponse sur le vélin.


Citation:
A Tours, le treizième jour de Novembre de l’an 1460,

D’Anthoyne de la Louveterie, Seigneur de Maillé
A Elisabeth de Kermorial,


Mes salutations et mes condoléances,

    C’est avec une profonde tristesse que j’apprends la mort de votre sœur. Je vous prie, Elisabeth, d’accepter mes plus sincères condoléances. J’imagine ô combien la chagrin que vous devez éprouver. Malgré vos différences de caractère, je vous savais très proche de votre jumelle. Je vous prie d’être forte. Ne vous laissez pas submerger par ce coup du destin. Votre sœur aurait aimé que vous vous battiez pour continuer à vivre. Alors battez-vous.

    Le ton de votre lettre m’a, je vous l’avoue, choqué dans un premier temps. Mais je comprends maintenant vu les conditions dans lesquelles vous l’avez rédigée. Je m’éloigne certes mais je ne veux en aucun cas rompre le contact avec vous. Jamais, je ne vous oublierai car je ne désire tout simplement pas vous oublier. Vous avez marqué mon esprit et mon âme.

    Je suis à Tours pendant un certain temps, histoire que je plie mes affaires et règle quelques détails. Je vous propose de me rejoindre en ma demeure de Maillé. Je ne garantis pas que j’effacerai votre tristesse mais j’ose espérer vous redonner ne serait-ce qu’une esquisse de sourire. Et si j’ai su vous rappeler une fois ce que c’est d’avoir chaud, je serai capable de le faire une seconde fois. Je vous en conjure, venez me voir.


Dans l’espoir d’une réponse positive à mon invitation, je vous prie de faire attention à vous.

Que Dieu vous protège.

Anthoyne de la Louveterie


Après le simple intéressement, voilà que le mensonge se faufile pour se faire une petite place. Que cherchait-il ? A vrai dire, moi-même le narrateur ne le sait point.
_________________
Else
L’avait-elle aimé ? Vraiment, elle ne l’aurait su dire. A l’heure où son horizon se bornait aux murs de la chambre d’une morte, les souvenirs sombraient peu à peu dans un magma indistinct.

Un tour de clef. Le pêne se fraya péniblement un chemin dans la gâche, avec un grincement caractéristique. Autant dire que graisser la serrure ne comptait pas parmi les priorités de la maîtresse de maison. Elle ne passait à Rennes qu’en coup de vent, pour régler les affaires courantes – le champ, les impôts, l’église, le courrier… Le courrier.

En grimpant sur la rosse qui la ramènerait à Cesson, elle réfléchit au billet de la Louveterie. Sûrement, l’invitation n’était plus d’actualité. Le message l’avait attendue deux semaines complètes, rien moins ; Maillé avait eu tout le temps de l’attendre, de désespérer, et de repartir.
Tant mieux, commenta une voix grinçante dans son crâne. Elle sourit. Oui, tant mieux. A mesure qu’elle se remémorait les mots couchés sur la missive, la nausée lui montait aux lèvres. Condoléances mielleuses, conseils rebattus, protestations creuses, suppliques dégoulinantes… Autant de figures imposées que son esprit chicaneur repérait – parfois trop bien, quoi qu’en l’occurrence votre serviteur fût contraint de lui donner raison (mais n’allez pas lui dire, elle m’engueulerait) – et ne pardonnait pas. Ne pardonnait plus. Loin des yeux…

A mi-parcours, elle eut carrément honte. Elle sentit combien l’Elsa de Touraine avait été faible, prompte à tomber dans les bras d’un homme rassurant – bref, elle se vexa. Puis elle songea à Marie, à sa partialité pour les hommes, les trop nombreux hommes qui avaient émaillé sa vie : Vossler, Cassius, Mumia… Tel duc, tel comte, tel ambassadeur… tous ceux encore dont elle n’avait jamais avoué les noms ni dévoilé les visages… celui enfin qui l’avait vue mourir.

Évidence : les hommes sont un péché. Affaire réglée.

Crois-tu, Lison ?

Une semaine encore, elle repoussa la corvée d’écrire à l’amant lointain. Pour lui apprendre à vivre, se disait-elle ; pour ne pas songer au mirage de son aura apaisante, ne répondra pas un narrateur qui n’a pas envie de se prendre des coups de tatane dans la figure. Un jour, enfin…


Citation:
Rennes, le dixième de Décembre 1460
D’Elisabeth Kermorial
A Anthoyne de la Louveterie


Vous savez que je ne viendrai pas. Serais-je venue, j’aurais été déçue. Vos pouvoirs ont des limites ; ils peuvent conjurer un temps la sensation du vide, mais contre la mort ne peuvent rien. Quand bien même j’y croirais : je ne veux quitter Marie, et l’évêché de Nantes fait des difficultés pour l’enterrement. Je fais des démarches de mon côté, mais rien ne semble vouloir aller dans mon sens.

Cette bataille vous satisfait-elle ?

N’allez pas me croire suffisamment faible pour laisser les circonstances, si pénibles soient-elles, empêcher mes gestes ou obscurcir mon jugement.


Ici, votre serviteur se permet de prendre une pause pour aller fumer une clope et se marrer en loucedé.

Citation:
Elles l’éclairent, au contraire. Vous ne feriez pas mal vous-même d’ouvrir les yeux. Je vois renvoie votre lettre, ce morceau de bravoure du parfait amant : relisez-la, et dites-moi que vous en riez, ou bien jetez-la au feu. Je vous préfère piètre, veillant sur votre poulain, et ayant des idées.

Dieu vous garde,

Elisabeth Kermorial


Y'a de l'eau dans le gaz, c'est moi qui vous le dis.
Anthoyne
Et moi, je vous dis que ça sent le sapin !

Trop naïf pour croire que ses charmes pouvaient faire effet à travers une lettre pleine d’effets de style aussi beaux et hypocrites les uns que les autres, Anthoyne fut surpris de la réponse. Mais cela ne dura que peu de temps lorsqu’il se remémora la précédente missive que la blonde avait expédiée. Effectivement, cela sentait le sapin.


Citation:
A Angers, le vingtième jour de Janvier de l’an 1461,

D’Anthoyne de la Louveterie, Seigneur de Maillé
A Elisabeth de Kermorial,


Mes salutations,

    Je comprends votre douleur et toutes les lourdeurs qui suivent un décès. J’ai relu ma lettre. J’y ai vu tout ce que vous avez dit mais j’y ai vu également outre les formes pompeuses juste l’envie de vous changer l’idée, vous faire vivre et non survivre. J’ai cru que vous comprendriez mon geste mais je me suis trompé, c’est certain à présent.

    Que vous dire à présent ? Je ne sais si votre dernier lettre était une missive d’adieu ou alors l’extériorisation de votre détresse ? Je ne suis pas un tyran qui arrache tout ce qu’il convoite et encore moins un fou qui harcèle les gens pour obtenir ce qu’il désire. Aussi, je ne vais pas vous supplier de revenir auprès de moi. Nous savons tous que vous êtes assez grande pour tout gérer toute seule et pour prendre les sages décisions sans l’aide de personne. Je ne peux lutter contre vos désirs de liberté et vous imposer mes illusions. Et je vous avoue ne pas en avoir le courage.

    Si cela est ma dernière lettre qui vous est destinée, je vous souhaite une longue et agréable vie. Puisse le Très Haut vous offrir ceci.


Prenez soin de vous.

Anthoyne de la Louveterie


Il laissait une porte ouverte et il ne le cachait pas. Elle pouvait faire demi-tour et revenir à lui. A quoi bon ? Il ne la verrait pas plus que ça et s’il devait la recroiser un jour, peut-être qu’il serait pris ailleurs. Non, ce n’est pas l’amour qui a guidé sa main mais seulement son orgueil. L’idée de se faire repousser ainsi le répugnait. Il avait conquis cette femme et il était hors de question pour lui qu’elle le rejette ainsi et ce, sans préavis en plus ! Elle lui appartenait et c’était à lui de décider si et quand leur histoire devait se terminer. Pas elle ! LUI !
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Else
Lui ? Tiens.

Kermorial examina la missive d’un air las, et concéda cinq écus au porteur. On n’a pas idée de faire traverser des champs de bataille à un pauvre gars pour des broutilles pareilles, songea-t-elle fugitivement. Puis elle oublia. Chacun son lot.

Après tout ce temps, après toutes les mésaventures survenues, sa correspondance avec la Louveterie lui était sortie de l’esprit. Ou pour mieux dire : avait reculé dans un coin sombre de sa mémoire, dont elle n’avait ni le temps ni l’envie de le sortir. Avant même de décacheter le billet, elle savait fort bien quelle écorchure il réservait à son orgueil. Ironique, n’est-ce pas ? Mais tellement prévisible, pour deux arrogants naguère entichés. Là où Maillé enrageait d’être quitté à mi-mots, Kermorial fulminait d’avoir seulement été conquise.

La lecture confirma vite ses craintes. Des charmes qui l’avaient séduites, elle ne décelait rien. Pas une once, pas une trace, peut-être un fantôme, ici ou là… mais aussitôt révoqué par l’une ou l’autre sottise. Claquement de langue.
Trop dure ? Sans doute. Blondie ne fut jamais indulgente avec les autres. Depuis la mort de Marie, elle l’est moins encore, s’il se peut. Mais lorsqu’il s’agit d’un homme auquel elle a accordé du crédit, et plus encore, comment se défendre de toutes ces imperfections qui lui sautent aux yeux ? Comment arracher son regard de chaque mot mal placé, de chaque idée stupide, ou jugée telle, peut-être même imaginée ?

Elle relut le billet, à l’affut de tout ce qui restait à sauver ; et elle trouva matière, tant il est vrai que l’estime des autres ne se peut dissocier de l’estime de soi. Fut-elle aussi guidée par un reste de tendresse à l’égard du Maillé ? Peut-être. Si l’amour est affaire d’orgueil, les orgueilleux aiment plus fort que les autres.


Citation:
A Rennes, le vingt-sept de janvier
D’Elisabeth Kermorial,
A Anthoyne de la Louveterie


Allons, vous voici presque revenu à des sentiments raisonnables. C’est bien. Votre geste effectivement était mal avisé. Vous me connaissez suffisamment, je crois, pour savoir le crédit que j’accorde à ces mascarades. Je ne suis pas un enfant que l’on déride avec des marionnettes. Mais baste ! Elles partaient d’un bon sentiment – l’intention ne compte pas seule, comme on prétend le croire, mais elle n’est pas rien ; et puisque vous êtes sorti de l’erreur, n’en parlons plus.
Quand vous cesserez d’inventer Dieu sait quoi sur des désirs de liberté, vous serez complètement guéri. Quand vous ne me parlerez plus de ma prétendue détresse, votre correspondance vous rendra davantage justice, et à


« moi aussi. » La plume s’arrêta juste avant de coucher la suite sur le papier, les soupesa un instant… et retourna se ficher dans l’encrier.

Kermorial relut les quelques mots qu’elle venait d’écrire, sourcils froncés. Puis elle reposa la missive, et quitta sa table de travail pour se poster devant le foyer. Jusqu’à cet instant, l’idée que la Louveterie put réellement souffrir de sa froideur ne l’avait encore jamais effleurée. Oh, bien sûr, il l’avait écrit : elle lui manquait, il voulait la voir, il pensait à elle… mais ce sont des mots que l’on dit, des impressions fugaces, trop superficielles pour que des gens raisonnables s’en trouvent sérieusement affectés.
Le visage d’un lointain soupirant lui revint en mémoire. Elsa avait dix-sept ans, une aversion innée pour l’amour, et des scrupules à faire souffrir. Mélancolie.

Revenue à sa table, elle gratta le vélin jusqu’à effacer le dernier paragraphe.


Citation:
Vous êtes homme sensé. Vous savez que la liberté n’est pas un désir, mais un état ; et qu’on a toujours tort de se faire des illusions. Elles vous passeront, si toutefois vous en avez vraiment. Car je soupçonne ce que vous appelez un manque de courage de n’être, au fond, que de la résignation devant les choses telles qu’elles sont.


Et combien eussent-elles pu être différentes… Si elle l’avait rejoint, lorsqu’il l’en avait priée. Si Marie n’était pas morte. Si Elisabeth avait eu vent du mariage qu’avait failli faire son amant. S’ils ne s’étaient jamais quittés, en Anjou, ou avant même. Si elle n’était jamais tombée sur lui, en revenant d’une triste équipée, ou s’il avait été un autre. Si, si, si…

Citation:
Vous préférez relire ce que vous avez déjà lu, et me laisser le dernier mot de cette histoire ? Qu’à cela ne tienne. Adieu, Anthoyne. Le Très Haut vous aie en sa sainte garde.

Elisabeth Kermorial


Ironique, oui.
Blondie n’aura jamais rien compris à cet homme-là. Au temps pour la clairvoyance. Mais peut-être cela valait-il mieux.
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