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[RP] Ça sent le pâté de lapin marin (aux olives)

Jehanne_elissa
On prend sa tête dans les mains et on res-pi-re.
On a trois lettres.
Une traîne depuis des semaines, on ne veut pas la voir. Il y est question, de loin et en louchant, d'un olivier sur un grand nuage. Et nuageux, l'esprit de la Goupile l'était, à l'égard de cette lettre.
Une est arrivée la veille, et ça sent les petites bêtes toutes douces. Tombée presque du ciel, inattendue, surprenante, et plus encore, Jehanne l'avait lue et relue en caressant le nouveau compagnon qu'elle avait depuis quelques mois.
La dernière avait suivi de près la seconde. Elle était dans un sale état, et par endroits, l'encre avait bavé. Elle sentait le sel et la poussière, elle sentait l'antan, elle sentait l'autrefois.

Puisqu'il fallait bien commencer quelque part, la Volpilhat saisit la seconde, celle qui était à tous points de vue plaisante, et ne rappelait aucun souvenir ambigu. Pour le plaisir, Jehanne la relut :


Citation:
A la très noble Vicomtesse de Cauvisson,
A la juste Baronne de Malpertuis.

Bien le bonjour !

Je ne sais guère si vous vous souvenez de moi, je suis Cassian d’Arlezac de blanc Combaz. Nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises il y a quelques années en compagnie de ma mère adoptive Aleanore Jagellon Alterac, puis de mon père Eusaias de Blanc Combaz.

Si je vous écris aujourd’hui, ce n’est pas uniquement pour vous souhaiter un bon retour en Bourgogne, même si je fus ravi d’entendre dire que vous reveniez vous installer ici. J’espère d’ailleurs que la Bourgogne vous est agréable. Les bourguignons sont parfois un peu rustres mais ce sont de braves gens. Sachez en tout cas que si vous avez besoin de quelque chose, je serai votre dévoué serviteur. Ma mère vous aimait beaucoup et je lui dois bien ça, d’autant que je me fais un point d’honneur à aider toutes personnes valeureuses. Et valeureuse vous l’êtes Vicomtesse, j’en suis certain et j’espère avoir le plaisir de vous revoir bientôt.

Cependant, si je viens à vous écrire, c’est pour une toute autre chose. Il s’agit d’un sujet sérieux qui me tient à cœur. Depuis votre passage en Bourgogne je me suis intéressé à ces petits animaux que vous aimiez tant étant jeune : les lapins. J’avoue qu’au début votre attachement à ces très chers rongeurs, fut pour moi une source de moqueries à votre égard. J’étais alors bien jeune et bien sot, mais grâce à vous mon cœur s’est ouvert et j‘ai aussitôt grandi. Ce fut comme une révélation. A force de les observer pour essayer de comprendre ce qui pouvait tant vous plaire chez eux j’ai appris à mon tour à les aimer.

Depuis je milite avec ardeur pour la sauvegarde des lapins en Bourgogne. Cela doit vous paraître bien sot que je conserve ainsi cette lubie enfantine. Chez vous elle doit être passée depuis longtemps. J’ai tout de même réussi à rallier quelques bonnes âmes à ma cause et il est temps maintenant de taper du poing sur la table. C’est pourquoi, par respect et nostalgie pour la fillette que vous étiez, je vous demanderai de bien vouloir porter un regard attentif à la pétition ci-jointe. Je ne vous obligerai pas à la signer, mais si jamais vous vouliez y associer votre nom je vous en serai fort reconnaissant.

En espérant ne pas vous avoir trop ennuyer,
Veuillez recevoir Madame mes plus humbles salutations.

Cassian d’Arlezac de Blanc Combaz,
Gentil Seigneur de Corcelles.


Ses doigts lissaient pensivement le document qui l'accompagnait :

Citation:
De nous, membres et partisans de la LDGDDPRAGO,
A sa grâce la Duchesse de Bourgogne, à ses valeureux conseillers.

Par cette missive nous vous saluons, par cette missive nous militons, par cette missive nous exigeons :

Que l’on mette fin à l’interminable massacre qui sévit en Bourgogne depuis la nuit des temps.

Que les lapins puissent enfin vivre en parfaite harmonie avec l’homme.

Qu’il soit interdit de huer, bastonner, chasser, braconner, tuer, boudifier, dépecer, étriper, éborgner, manger, ou encore de se vêtir de lapin en Bourgogne.

Que cela soit amendé et signé de votre main, avec l’accord de votre conseil.

Que les contrevenants soient condamnés à une lourde peine de votre choix.

Pour la Ligne Des Grands Défenseurs Des Petits Rongeurs Aux Grandes Oreilles.


Cassian d'Arlezac de Blanc Combaz, Seigneur de Corcelles, porte parole de la LDGDDPRAGO ;

Eusaias de Blanc Combaz, Duc de Bouillon ;

Charlemagne de Castelmaure-Frayner, Prince de France, Duc du Nivernais ;

Aimbaud de Josselinière, Marquis de Nemours ;

Angélyque de la mirandole, Duchesse du Charolais ;

Jusoor de Blanc Combaz, Baronne d'Uchon ;

Lionel de Blanc Combaz, Vicomte de Digoine ;

Griotte de Blanc Combaz ;

Alycianne de Blanc Combaz ;

Gauthier de Vaisneau, Seigneur de Lusigny ;

Judas Von Frayner, Seigneur de Courcelier ;

Isaure Von Frayner, Dame de Courcelier ;

Enguerrand Falco Vaxilart de la Mirandole ;

Finn de Pommières ;

Gaspard de Nerra-Viverols ;

Rosalinde ;

Riccardo, valet de la duchesse du Charolais ;

Aymon ;

Alexander ;

Huguelin ;

Virginette ;

Baudouin ;

Fanchon ;

Fernand ;

Augustine ;

Firmin ;

Florentin ;

Bergamote ;

Berthe ;

Emma ;

Béranger ;

Rodolphe ;

Clémence de l'épine, femme du marquis de Nemours.


Elle tailla finalement sa plume et coucha sur un vélin gratté :

Citation:
Gentil Cassian de Blanc-Combaz,

Le bonjour vous va !

Il y a bien des choses dont je ne me souviens pas. Mais je me souviens de vous : je voyais souvent Aleanore, le Très Haut l'ait en sa bonne garde, et vous étiez souvent dans son sillage, mutin et, parfois, insupportable ! Je crois que nous l'étions tous, à cet âge. Oh, que cela nous ramène loin en arrière ! J'ai vécu bien des torpeurs et bien des dols, depuis. C'est pourquoi je suis revenue en Bourgogne, j'étais sous une étrange menace de lent empoisonnement, en Languedoc, sans jamais avoir su par qui. Je ne veux pas y penser ! Mais j'aime toujours les lapins. Vous êtes encore bien sot de croire que l'âge efface ce genre d'affection ! Ce sont les seuls êtres d'amour et de douceur constante, et qui ne se plaignent pas des voyages ou ne partent pas sans vous à l'aventure, vous laissant esseulé ! Des amis bien fidèles, et j'ai grande joie à vous savoir tombé sous leur charme. C'est d'ailleurs preuve que loin d'éteindre ce penchant, l'âge peut le faire naître. Oh, j'ai envie de vous appeler mon ami, après cela !

Je signerai votre pétition, bien entendu. Des gens si hauts et retenus que Son Altesse Charlemagne le signent, et moi, je n'oserais pas ? Oh, j'ai bien peur de vous l'envoyer, remarquez. Il y a tant de belles signatures dessus, que vous avez sans doute eu du mal à collecter. Si le document précieux s'égarait ? Venez le chercher chez moi. Enfin, je n'ai guère de chez moi, la ferme de Malpertuis tombe en ruines, et la terre ne rapporte pas assez pour la reconstruire. Je suis en train de faire valoir cela auprès de la Hérauderie et de la Couronne de Bourgogne, et pour l'heure, je loge chez la Comtesse de Gévaudan, à Nevers, Rue de Fontmorigny. Venez l'y chercher augmentée de ma signature, vous mériterez votre "gentil" épithète.

Avec mon bon souvenir et d'aimables vœux,

Jehanne Elissa


Et d'envoyer un valet après l'Arlezac.

Lapin - check

Son oeil glissa alors vers les deux autres courriers...

Embruns...
Olives dionysiennes...

_________________
Jehanne_elissa
Le problème qui se posait désormais à elle était singulier : elle ne voulait pas avoir affaire à la première lettre. Mais pour répondre à la troisième, il lui fallait faire face à la vérité que la première contenait. Lisons-la plutôt :

Citation:

    A vous, Joana-Elissa de Volpilhat, Vescomtessa de Calvisson, Baronna de Malpertuisse, la meuna amiga,
    De moi, Yolanda Isabel de Josselinière, Damoiselle de Molières.

    Ab imo pectore, salut,


    Vous aurez-je fourvoyé de mes mots, ma douce chérie ? Il n'était nullement question de patente, et donc vous n'êtes pas en tort, je n'ose croire que vous pourriez l'être, vous avez toujours été si bonne avec vos vassaux, comme Ernest Durée, notre triste sire à la triste cuillère. Puisse la Mort lui avoir apporté une tranquillité qu'il n'a jamais eu comme à sa chère mère et à notre tendre Eilinn. Mais laissons-là les morts même si nous les aimions, gardons nous de les préférer aux vivants, et de vivants, il y en a bien un, dont vous devez vous enquérir, je vous assure avoir bien lu, il était marqué dans ce registre que je parcourais que Sa Seigneurie n'était plus Seigneur de Saint Dionisy. Ne doutez pas de lui mais contactez le du moins pour vous enquérir de cette sottise de petites mains qui vous fait du tort à tous les deux.

    Et quant à parler de vivants, vous me mettez, ma tendre amie, dans une situation des plus délicates, et je ne sais quels mots employés pour vous dire la chose.. Nous étions à ce baptême, à votre baptême à Germain de Gisors et vous, figurez-vous qu'Aimelina s'est entichée des Gisors, elle qui était bonne amie avec Perrinne de Gisors. Et bien, Aimelina va épouser Arutha, pardonnez moi Joana de ne pas user de pincettes pour vous dire la chose, c'est qu'elle n'était pas encore officielle et que notre Linotte m'avait confié la chose sous le sceau du secret lors d'une escapade parisienne. Il faudra donc que vous préveniez Sa Grandeur, puisque je ne saurais m'immiscer ainsi dans vos affaires, transmettez-lui toutefois mes sincères regrets pour avoir fait ainsi échouer ses plans.

    Pour ce qui est de ma vie, elle va pour le mieux même si comme à vous, Eilinn me manque. Je vis à Château-Gontier chez ma mère, et j'y ai abrité, il y a peu votre tante puisque sa fille loge chez nous en qualité de pupilles. Je suis fiancée au Duc de Chasteau-en-Anjou, enfin, gardez cela pour vous, puisque mon doux Clotaire n'a pas encore fait sa demande officielle à mon aîné. Vous ne croyez pas si bien dire en parlant de damoiselles de compagnie à marier, j'en ai peu et pourtant, il me faudra songer à toutes leur trouver un parti convenable en temps voulu. Comme, il nous échoit à toutes de le faire.

    Je viendrai sûrement cet hiver, et j'en profiterai ainsi pour voir mon Pair qui me manque un peu, je dois vous l'avouer. D'ici-là, portez-vous bien, je vous embrasse.

    Signé et scellé de ma main,

    Moi.



L'éclat des yeux de la jeune rouquine était humide et peiné. Elle relut le courrier encore, pour s'infliger plus durement la blessure, pour en éprouver la vérité. La douleur de son coeur se faisait si vive, en fin de compte, que ce ne pouvait être faux... Une telle douleur est bien réelle, seule la vérité blesse ainsi. Lentement, elle reprit sa plume, et écrivit, tâchant de ne pas pleurer, car des larmes noieraient l'encre :

Citation:
De Jehanne Elissa de Volpilhat à Yolanda Isabel de Josselinière, Damoiselle de Molières, bonne amie.

Grand bonjour, même si le mien est mauvais.

J'ai pris du retard dans mon courrier. Je ne voulais pas croire le vôtre, donc, je ne voulais pas y répondre. Mais je me rends. J'apprends qu'Actarius était en Bourgogne, et je n'en ai rien su, et il va y revenir, et je n'en ai rien su. Lui écrirais-je en Languedoc qu'il n'aurait pas mon pli. Vous m'auriez démenti votre précédent courrier, depuis le temps, et allant longtemps dans le monde, si vous aviez découvert que vous vous trompiez. Je comprends bien maintenant que l'erreur n'était pas vôtre, ou celle d'un scribe héraldique.
L'erreur est sienne seule, d'avoir méprisé de me prévenir, et mienne, de n'avoir pas voulu vous croire, vous, ma bonne amie.
Comment pourriez-vous vous tromper dans une lettre où, à côté de ces funestes nouvelles, vous couchez votre fervente amitié pour nos si regrettés Eilinn, Ernest, Ella. Eilinn me manque, vous savez. Je ne sais la remplacer, même si Magalona est bien bonne avec moi.

Je vais écrire à sa fille. Cela fait trois lustres que je ne l'ai pas vue, nous étions de tendres enfants, mais peut-être saura-t-elle me dire quel changement s'est opéré dans l'âme de mon parrain, qui le fait ainsi, pire que me délaisser, me renier.
Et je trouverai une bonne âme pour s'occuper de Saint-Dionisy et Saint-Côme. Ces terres ont été bien entretenues, il leur faut de nouveaux seigneurs avant qu'elles ne perdent de leur bon entretien. Si vous avez de bons conseils à me donner, ce serait de m'indiquer des gens de confiance qui mériteraient une telle noblesse, et dont le nom accolé au mien ne ferait pas commérer.

Il est mal de votre part de me dire ce que Linèta vous a confié comme un secret. Je prétendrai n'en rien savoir et Magalona ne l'apprendra pas de moi, je laisse ce soin à Linèta. Mais je vous avoue qu'en réalité, si là est son bonheur, je serai heureuse pour elle. Si Magalona jugeait Arutha bien pour moi, il ne peut être mauvais pour Aimelina ! Je ne suis pas pressée de me marier. L'on verra bien avec le temps si un ami se présente. J'ai encore une place pour Fauconnier dans mon coeur, même si cela fait plusieurs années que nos fiançailles duraient, sans que je le voie.

Je vous attendrai avec impatience, cet hiver. Si vous le pouvez, amenez votre fiancé, qu'on le rencontre, qu'on puisse en parler ! Je vous félicite bien pour ce projet. Je coifferai Sainte Catherine, mais vos bonheurs comblent le mien !

Que Sainte Raphaëlle incline son doux visage sur votre bonheur, mon amie.

Jehanne Elissa


Suivit une lettre plus courte, qui partirait avec les deux autres :

Citation:
De moi, Jehanne Elissa de Volpilhat,
À vous, demoiselle Mélisende d'Euphor,

Adissiatz.

Je vous appellerais bien "mon amie", mais je ne compte plus les années depuis que nous nous sommes aperçues. Nous étions de petites filles, je crois.
Je voudrais vous écrire en de meilleures circonstances et vous demander de me raconter tous les bonheurs de votre vie, et je vous aurais raconté les miens. Mais j'ai le cœur fâché, dans l'immédiat, et c'est à cause de votre père. L'on m'a dit qu'il ne porte plus le titre de Seigneur de Saint-Dionisy, et j'ai tous les indices qui me prouvent que c'est vrai. Mais ni la Hérauderie ne m'a prévenue, ni votre père, mon parrain, qui m'éleva presque, qui me couva au décès de ma mère. Depuis mon départ en Bourgogne, il est distant, et j'ai mis cette distance d'âme sur le compte de l'éloignement physique.
Maintenant que j'apprends qu'il a renoncé à ses terres sans même vouloir m'expliquer, sans un seul mot pour moi... Dites-moi : savez-vous quelque chose à ce sujet ? Avez-vous noté n'importe quel changement dans l'attitude de votre père, que je chéris encore, qui expliquerait ce revirement ? Son âme est-elle malade, a-t-il des ressentiments à mon égard ?

Tous mes espoirs de comprendre reposent sur vous. Je viens d'apprendre qu'il est en croisière, et je ne sais où lui adresser un courrier. Pire, en l'état actuel des choses, je crains, s'il ne veut pas m'écrire, qu'il ne voudrait pas davantage me lire.

Je vous envoie mon bon souvenir et mes prières, Mélisende.

Jehanne Elissa de Volpilhat


_________________
Cassian_darlezac
« Voyez vot’e très pidante seigneurie vous resserrez le collet comme ça. Très légèrement, parce que faut qu’y coulisse tout d’même. Et ma foi ; gambade, gambade petit lapin, couic, te voilà dans le pétrin ! Hahaha ! »
« Hohoho ! Et donc avec ça vous pouvez me chopper d’autres lapins vivants ? »
« Vivants ? Non point ! Frétillant tout juste, gesticulant à peine, si j‘arrive à temps, mais quand même ben amochés. »
L’annonce avait fait grimacer le jeune Seigneur, c’est de lapins vivants qu’il voulait pour remplir son coche et non de lapins morts ! « Ah… donc les quarante lapins que je vous avais commandé ? »
« Tous pendus dans la grange à des crochets ? C’pour offrir je crois, non ? Pour savoir si je garde le pompon ou pas… »
« Non. Mettez-moi cent carottes et gardez vos lapins, imbécile ! »

Voilà plusieurs jours qu’il avait reçu la lettre de la Volpilhat, plusieurs jours qu’il préparait son coup d’éclat et tout , TOUT, venait d’être réduit à néant ! Pourquoi fallait-il que la vie soit si rude à son égard ? Pourquoi confiait-il toujours ses missions les plus importantes à des idiots qui ne comprenaient rien à l’art de séduire une bonne femme ? Il fallait l’appâter, la cajoler, la rassurer, acquérir son admiration, pas lui balancer des lapins morts en pleine tronche ! Dans quel monde vivait-on ? Ca oui, il se voyait déjà tripatouiller des cadavres, un sourire convainquant aux lèvres : « Si si, regardez ma mie, ils bougent encore. Pas d‘eux-mêmes, mais regardez, regardez, ils bougent ! Allons, allons, séchez ces vilaines larmes. » Non vraiment, ce n’est pas ainsi qu’il imaginait leur première entrevue, il faudra donc se contenter des carottes.


Voilà, on avait encore réussi à l’énerver et cette lettre qui lui avait paru si délicieuse au premier coup d’œil lui apparaissait maintenant dotée d’un culot sans nom. "Malpertuis tombe en ruine blablabla…" C’est cela, qu’espérait-elle donc à part lui extorquer des sous ? Il voyait clair dans son jeu à présent ; au diable ces femelles vénales qui attendaient toujours que vous ouvriez votre bourse, avant de toutes vous les vider ! Il finira seul, à bouffer des lapins par milliers, et ça sera très bien ainsi ! Ou pas. Il fallait se ressaisir, tout n’était pas perdu : il avait les carottes après tout, la balle était dans son camps. Voilà, on souffle un bon coup, on pense au Vicomté qui est à la clef, on met de côté ses états d’âme, on prend un vélin, une plume et roulez messager !


Citation:
A l’admirable Vicomtesse de Cauvisson,
A la resplendissante Baronne de Malpertuis.

Bonjour chère amie,

Vous ne pouvez imaginer à quel point votre lettre m’a mis en joie, tant j’avais peur que vous me jugiez ridicule. Si j’ai mis tant de temps à vous répondre c’est que des affaires m’ont retenus à Corcelles. Après avoir été batailler en domaine royal, offrant humblement mes services pour sécuriser les routes, il m’a fallu m’assurer que tout s’était bien passé durant mon absence. Nos premières vendanges n’ont pas donné un vin exceptionnel, tout juste bon à affrioler quelques pécores. Il me fallait donc trouver une solution alternative si je ne voulais pas voir mes rentes amoindries. Je vous en dirai plus Jehanne - puis-je vous appeler Jehanne ? - quand nous nous verrons. Ce sera pour moi un grand honneur que de quérir votre avis sur cette nouvelle boisson dont je suis l’incontestable créateur.

Bref, en l’absence de chef, mes gens on eu tendance à tirer au flanc. C’est là chose logique, je ne leur en veux guère. Je sais depuis longtemps comment fonctionne un domaine pour avoir été l’intendant des terres bourguignonnes de mon jeune ami Charlemagne, apparaissant comme tel sur le testament de feue notre reine, la divine Béatrice. Tout cela pour en arriver à vous dire que je vous aiderai volontiers à remettre Malpertuis à flot, tant j’ai honte d’apprendre qu’on vous laisse ainsi, sans logis. J’en parlerai en outre à la Duchesse, qui est une de mes plus loyales amies et dont les oreilles me sont acquises. Elles entendront, je vous le jure, ce que signifie le mot subsistance !

Je ne savais point par contre que vous habitiez Nevers. Cette ville renferme vraiment les plus beaux joyaux de Bourgogne ! Outre mon bon Charlemagne, ce prince qui est au moins aussi royal qu‘on le compte et de qui je suis fort proche, tant je le conseille régulièrement, y vit aussi mon prestigieux ami, le marquis de Nemours, qui m‘aime comme un frère. Savoir que vous y vivez également me fait penser que ce doit être la ville la plus enviée de Bourgogne ! Bref laissez-moi le temps d’arriver, d’ici demain soir je serai à votre porte. Mais ne vous en faites pas, je ne tiens pas à abuser de la générosité de Comtesse de Gédesdan. Je me contenterai d’un bon dîner, avant d’aller coucher chez le Duc de Nevers qui sera sans doute fort enjoué de me voir, en cela que nous sommes très bons amis.

A bientôt donc,
Votre dévoué Cassian.



Citation:
A son Altesse Charlemagne de Castelmaure-Frayner,
Puissant et Glorieux Duc de Nervers, entre autre…

Je vous salue,

Si je me permets de vous déranger c’est suite à une invitation que vous aviez laissé, je crois, au collège de la noblesse. Je me rends voir la Vicomtesse de Cauvisson d’ici deux jours à Nevers. La pauvrette ne pourra malheureusement pas me loger. Comprenez que ce serait fort peu convenable et amènerait sans doute certains à concevoir de scabreuses hypothèses, qui ne serait pas - totalement - à propos.

Bref, pourrais-je abuser de votre hospitalité en empruntant, le temps d’une nuit, l’une de vos nombreuses chambres ? Nous aurions alors tout le loisir, s’il plait à votre inestimable Seigneurie, d’apprendre à mieux nous connaître le soir même ou le lendemain.

Cassian d’Arlezac de Blanc Combaz.
Seigneur de Corcelles.



[Deux jours plus tard à Nevers…]


Après que ses occupants aient arrosé leur arrivée de quelques verres pris en ville, le coche aux couleurs de Corcelles, tapissé de carottes, s’arrêta enfin devant la demeure de la Comtesse du Gévaudan. Soigneusement vêtu de pourpre et d‘or, les poignets tapissés de flanelle, le jeune Seigneur fleurant bon et bien coiffé, remit alors pieds à terre, pour aller se faire annoncer à l’entrée.

« Bonjour, Cassian d’Arlezac de Blanc Combaz, Gentil Seigneur de Corcelles, je suis attendu par la charmante Vicomtesse de Cauvisson. Veuillez donc l’avertir au plus vite de mon arrivée, mon brave. »

_________________
[Seigneur de Corcelles - 17 ans]

[Merci à JD Aymon pour la bannière. ]
Charlemagne_vf
Le grand Prince, qui ne s'étonnait jamais qu'on le sollicite, et qui, profondément naïf et influençable derrière ses airs d'iceberg, manquant d'une expérience certaine du grand monde et des hypocrisies de ses pairs, quoi qu'il les pratique tout autant, lut le courrier du Seigneur de Corcelles, confortablement lové dans son grand orgueil.
Son projet, était suivi : il ferait du Palais Ducal du Nivernais la villégiature d'une Cour prestigieuse et puissante, un centre de pouvoir et de culture sans égal, ce serait grand ! GRAND ! GRAND ! Grand ! Avec des Grands venus de partout, quittant leurs grandes terres pour voir Charlemagne le Grand aka Sa Grande Altesse Royale, et des petits valets qui feraient un grand bruit pour servir de grandes tablées installées dans de grandes salles, avant d'aller parer leurs grandes chambres en traversant de grands couloirs. Tout serait plus grand et plus grand que tout. A la hauteur, à la hautesse de Charlemagne, qui, loin d'être aussi enthousiaste à ces idées, se contentait d'arborer, derrière le vélin, un regard plein d'indifférence.
Il toussa, postillonna sur la missive, s'essuya les lèvres d'un revers de manche, et se les mordit, les lèvres. Sur sa face, la varicelle déclinait. Il n'y paraîtrait bientôt plus.

La main d'albâtre de l'Aiglon se saisit d'une plume de paon, grande, et l'écriture à l'encre verte du Castelmaure vint le décorer.


Citation:
    Au Seigneur de Corcelles,


Vous êtes le bienvenu, mais je ne vous promets pas ma compagnie. Vous aurez un toit, vous pouvez déjà vous réjouir de cela.

S.A.R. C.d.C.


Cassian d'Arlezac était noble, de fait ; bourguignon, de surcroît. Mais ce n'était jamais qu'un petit Seigneur de campagne. Charlemagne ne doutait pas que sa fidélité promise à leur première rencontre soit utile un jour, mais il était trop tôt encore pour s'en octroyer les bienfaits. Qui veut voyager loin ménage sa monture.
_________________
Jehanne_elissa
Il arrivait souvent que Jehanne Elissa fût seule à la demeure de la Comtesse du Gévaudan, rue de Fontmorigny. La Comtesse, lorsqu'elle fut remise de sa maladie, fila à Dijon, où elle avait une charge royale qui avait dû souffrir de son absence. La Comtesse, lorsqu'elle fut remise de sa maladie, fila à Dijon, où cette charge lui ouvrait les portes du conseil ducal ; assister à toutes ces séances devait l'épuiser, songeait Jehanne Elissa. Elle, restait là, la plupart du temps, réapprenant à profiter des choses simples de la vie. Il lui faudrait voyager, voir du monde, elle avait, quelques années plus tôt, à son sortir de l'enfance, vu beaucoup de mondes, beaucoup de fêtes, de cérémonies, d'invitations. Où était parti son monde d'alors ? Aléanore, Eilinn, sa tante Pol, Fauconnier... Certains, elle ne savait que trop où ils étaient : ailleurs, disparus, à jamais.

D'autres... Elle les reverrait. Elle allait revoir l'insupportable Cassian. Elle tenait sous ses doigts, sur un vélin usé par la mer, une preuve que Miguael Enguerrand vivait, était en bonne santé, la reverrait. Elle n'avait pas répondu à son courrier : où l'envoyer ? Un bateau, ce n'est pas une adresse commode.
Elle attendait la rumeur du retour du bateau armé par son parrain. Lui... C'était la plus étrange des figures emblématiques de son enfance. Ni mort, ni à revoir, ainsi semblait-il avoir décidé.

Nous disions : elle était seule, en cette fin d'après-midi, lorsque l'Agnèta lui indiqua qu'il y avait un godelureau à la porte, avec un coche et tout le tintouin.


- « Ah, ce doit être Cassian ! »

La lettre du blond l'avait précédé, et Jehanne referma sa main dessus et la relut tout en descendant l'escalier de bois qui menait à sa chambre. "Demain soir", cela convenait fort bien, c'était ça. Quand le courrier était arrivé, elle avait prévenu Magalona, pour que sa bonne amie et hôtesse ne lui reprochât pas d'avoir convié chez elle un jeune homme. Et, réflexion faite, Jehanne Elissa n'était pas certaine que Magalona connaissait Cassian ? Enfin, elle ne savait pas tout ce que Magalona avait fait de sa vie. On verrait bien !
Lorsque la Goupile alla à la porte, où l'on avait fait entrer le visiteur, sans le guider plus loin, elle n'était pas très bien coiffée. Enfin, elle l'était comme on l'est lorsque l'on reste chez soi : c'était fonctionnel et ça ne tirait pas les tempes, ça ne donne pas la migraine et ça ne laisse pas traîner les cheveux n'importe où. Mais sexy, ça... On repassera.
En gros, comme ça.


- « Oh, Cassian, que vous avez grandi ! »

Ce fut dit en guise de bonjour. C'est connu, les filles grandissent avant les garçons. Jehanne avait le souvenir d'un Blanc-Combaz bien plus petit que ça !
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Cassian_darlezac
Alors qu’il patientait dans le vestibule, l’angoisse étreignait le jeune intrépide et quelques bouffées de chaleur faisait même perler la sueur sur son front. Il fallait qu’il fasse bonne figure, conscient que son avenir se jouait ici. Grâce soit rendu ses froufrous en flanelle avec lesquelles il s’épongeait régulièrement le front. Derrière lui, patientait également Fernand, son vieux valet, qui d’une main tenait un bouquet de fougères on ne peut plus ordinaire -c’était là tout ce qu’ils avaient pu trouver sur la route - et de l’autre une bouteille en terre cuite contenant le fameux breuvage dont il avait fait état dans sa lettre. Et, alors qu’il tentait de se remémorer les traits de la goupil, dont seul l’affreux sourire, défiguré à l’époque par des dents proéminentes, lui revenait à l‘esprit, des pas se firent enfin entendre dans l’escalier.

Puis elle apparut et il ne manqua pas de l’étudier discrètement du regard. Curieusement elle n’était point si laide, plutôt jolie même. Malgré lui il se peut qu’il s’empourprât légèrement. Que ne c’était-il blanchit davantage le visage ? Mais passé les premiers émois, il reprit vite contenance et c’est avec son aplomb naturel, qu’il s’écria plein de détermination :
« Grraaandit ? Hé hé, possible hé hé…Euh… Vouzaussivicomtesse ! Et donc vous… vous habitez ici ? Enfin je veux dire, c‘est pas trop mal… enfin… Fernand a… je veux dire j’ai… nous avons…quelques présents pour... pour vous remercier de nous accueillir et de bien vouloir signer cette pétition ! » Gloups !

Zappé le baisemain qu’il avait prévu, zappé aussi le « Mes hommages Vicomtesse !» de circonstance. Pour l’instant il ne savait trop quoi ajouté, tant il était prit de court par le naturel dont faisait preuve la pétillante Jehanne. Ceci dit, ni une, ni deux, la Volpilhat se retrouva avec un valet qui, face à elle, genoux à terre lui tendait fougères et bouteille : « Ce sont là des fougères et… et une bouteille ! », crut bon de préciser le Seigneur.
_________________
[Seigneur de Corcelles - 17 ans]

[Merci à JD Aymon pour la bannière. ]
Jehanne_elissa
La Goupile hocha la tête, toutes dents (larges et assumées) dehors. Oui, ils avaient grandi ! Même si elle s'était arrêtée bien avant lui, sans doute. Quand on a du sang de goupil, on est moins grand qu'un loup. Mais le renart est toujours plus habile que le corbeau... Jehanne observa d'un œil pétillant le valet et ses présents :

- « Oh, mais voilà qui est parfait ! Isidore n'a plus rien à manger, il grignotait le pied de mon lit ! »

Et de prendre le bouquet de fougères. La bouteille, elle la considéra un instant, puis dit au valet :

- « Allez donc en cuisine, Agnèta vous guidera, et ouvrez la bouteille, et servez, et apportez avec des petits gâteaux de... Avec quel genre de petits gâteaux cela ira, Cassian ? Plutôt au gingembre, aux raisins ou aux noix ? Au miel peut-être ? »
Et fronçant sa jolie bouche en une moue adorable, en cœur, autour de ses dents de lapin :
- « Oh, apportez un peu de tout, on est sûr de pas se tromper. »

Ça c'est une résolution prise bien, prise vite. Elle n'avait pas eu besoin de rassembler ses deux encéphales en session extraordinaire : c'était venu, c'était le plus simple, zéro prise de tête... La proximité d'un vieil ami éveillait sa bonne humeur. La nostalgie était là, tenace, c'était le tronc de son arbre de vie, c'était sa colonne vertébrale. Mais cet ami du temps des rires et des jeux, cet insupportable Cassian, donnait à l'arbre un manteau de feuilles, et à la circonstance les pétales d'un cerisier en fleurs. Il neigeait la fragrance chaude d'un rêve, la plénitude intouchable.
Amour ? Quel mot vulgaire.
Joie ? Quel petit joueur.
Oubli ? Peut-être. Jehanne s'oubliait : sa spontanéité était la seule règle. « Bienheureux les oublieux »... la suite, laissons-la à Nietzsche.

Jehanne guida Cassian à l'étage, par l'étroit escalier de bois. La chambre, lieu où l'on reçoit, était accessible par une galerie extérieure, un genre de balcon intérieur. J'ai mis "extérieure" et "intérieur" dans la même phrase, pour parler de la même chose, et c'est même pas incohérent.
Isidore, lapin obèse, rongeait consciencieusement le pied du lit en chêne.

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Cassian_darlezac
« Un peu de tout sera parfait, par contre, agitez bien avant de servir, que le plus important ne reste pas dormir au fond de la bouteille ! », précisa aussitôt le jeune Seigneur tout en reprenant contenance et, alors qu’il suivait la maîtresse des lieux dans l’escalier qui menait à sa chambre, son esprit échafaudait toutes sortes d’hypothèses. Qui était donc cet Isidore ? Il grignotait les pieds de son lit ? Ciel ! Était-ce là une métaphore grivoise utilisée par la Vicomtesse pour lui avouer que sous son matelas se cachait un amant ? Que cet Isidore touche à une seule de ses fougères et il ne donnait pas cher de sa peau ! Sous ses faux airs de jeune fille modèle Jehanne serait donc devenue une de ces vilaines libertines ? C’était certes peu probable, mais il en aurait bientôt le cœur net.

Ce n’est qu’une fois arrivé dans la chambre, après avoir suivit son hôte dans ce couloir extérieur qui n’en demeurait pas moins intérieur -comment diable était fichu cet hôtel ?- qu’il remarqua enfin le gros et hideux rongeur, avec lequel il devrait peut être un jour faire chambre commune. Mais après tout, quitte à avoir un rival, autant que ce soit un lapin, non ? Ses sourcils jusqu’alors froncés reprirent alors leur position normale et rasséréné il lui vint même l’envie de gagatiser. « Est-ce bien là le dénommé Isidore ? Ma foi si, comme je le pense, sa beauté se rapporte à son pelage, c’est là, sans conteste, le plus beau lapin qui soit ! Accepteriez-vous que nous le nourrissions de concert ? Puisque nous sommes amis et qu’il sera amené à me voir très régulièrement, autant qu’il s’habitue à ma personne ! »

Finalement, le jeune Corcelles n’ayant jamais été très à cheval sur les convenances ne s’émouvait pas plus que ça de voir ses fougères jetées en pâture au lapin. Pire, la spontanéité de la Vicomtesse lui plaisait dans ce qu’elle lui rappelait Alycianne autrefois. Ce grain de folie, cette engouement pour toutes choses que sa sœur semblait avoir perdu, il croyait pouvoir le retrouver ici. C’est donc de bon cœur qu’il s’apprêtait à nourrir l’animal.

« Je vous expliquerai ensuite de quoi est composé ce breuvage que je vous ai apporté. », précisa-t-il avant que la goupil n’eut le temps de répondre. En bas, le valet devait quant à lui découvrir le contenu de la bouteille avec étonnement. Des baies verdâtres coulées dans un liquide opaque, voilà qui n‘était pas banal.
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[Seigneur de Corcelles - 17 ans]

[Merci à JD Aymon pour la bannière. ]
Jehanne_elissa
Jehanne ne se le fit pas répéter. Elle sépara le bouquet de fougères en deux et fourra une moitié dans les mains de Cassian - « Tenez ! ». Puis elle se pencha, ramassa le ventre dodu d'Isidore, s'assit sur le lit, le posa à côté d'elle... et agita le bout des branches de fougère sous son nez tout mignon. Elle n'avait pas relevé l'idée que Cassian pourrait revenir souvent. Sans doute n'avait-elle pas même tout à fait entendu. Seul son obèse animal de compagnie l'occupait.

Gouzigouzigouzi ! Le nez duveteux d'Isidore remua un peu. Il grignota un bout de branche, et commença par recracher.


- « Oh... Peut-être n'aime-t-il pas ? »

Renversement de situation : Isidore reprenait son repas ! Il finit par mâchonner avec plus d'appétit la branche de Jehanne. Elle sourit. Il en fallait peu pour son bonheur.

- « Alors, dites-moi tout ! Sur votre breuvage, et puis, sur votre pétition ! Je l'ai, là, sur le bureau, j'ai déjà signé, vous n'oublierez pas de la remporter ! C'est important ! »

À ce moment, l'Agnèta entra, avec deux gobelets pleins et une assiette de petits gâteaux variés. Elle posa ça sur la desserte de la chambre, fronça les sourcils en voyant la goupile nourrir un lapin de fougère, et songea qu'après tout... ce lapin avait déjà mangé tellement de choses qu'il supporterait peut-être bien cette nouvelle lubie.

Ou pas.

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Cassian.de.blanc.combaz



[Ca commence toujours ainsi…]

L’animal qui semblait au début sceptique, mangeait à présent de bon cœur, alors que le Blanc Combaz, lui , se cherchait un trait d’esprit. Il n’avait pas l’habitude de faire courtisan et était plus expert dans l’art de raillé que dans celui de complimenter. Qu’à cela ne tienne, il fallait se lancer. « Sur ma parole Vicomtesse, un lapin, des fougères, MA présence, et vous voilà la plus ravissante d’entre toutes ! A vous voir ainsi, je gage que Pygmalion, lui-même, en aurait oublié sa Galatée ! » Voilà qui était fait, il avait réussi à caser sa référence grec, pour sûr c'était là un sans faute, et il n’en était pas peut fier. Si avec ça elle ne se pâmait pas aussitôt, il ne saurait rien ajouter d'autre. Mais en attendant elle voulait en savoir plus sur son breuvage et il serait ravi d’épancher sa soif de curiosité.

« Eh bien, ce breuvage que je veux vous faire goûter est en fait une eau de vie dans laquelle ont reposé des fruits miraculeux ! Il s’agit de framboises vertes du Vatican, bénies par notre saint père le pape, en personne. Je les ai payées prix d’or, mais on les dit forts goûteuses et leurs bienfaits sont innombrables. » Pour faire court, il s’était fait arnaquer et s’était ruinée pour des framboises même pas mûres. Mais bon son père paierai -ou pas- les dettes en temps et en heure. « J’ai appelé ce divin breuvage la Norette de Corcelles, nul besoin que je vous explique pourquoi, je suppose ? Et s’il s’agit là bien d’un hommage, permettez qu’on ne boivent pas à nos morts mais bien à nos retrouvailles ! Vous verrez, c’est un peu dur en bouche, mais ça réchauffe les cœurs ! » Et de lui tendre l’un des gobelets, avec une pensée émue pour Aléanore. Comment aurait-elle jugé son audace ? Aurait-elle été heureuse de les voir ainsi réunis ?

« Quant à la pétition, il s’agit de la concrétisation de plusieurs années de lutte. J’ai bon espoir ; bientôt lapins et burgondes vivront en parfaite harmonie ! Et ce en partie grâce à vous ! Mais trinquons donc ; aux hommes ; aux lapins ; et à ceux qui les aiment ! » Et c’est ainsi qu’il engloutit une bonne gorgée de son breuvage infâme, manquant de s’étrangler, il toussota un peu et tenta de faire passer le goût en s’enfilant deux-trois douceurs.
Jehanne_elissa
Jehanne circonflêchit un sourcil, au trait de flatterie de Cassian. Vraiment, lui qui la chambrait sans cesse, il avait changé. D’un extrême à l’autre… Que préférait-elle ? Elle aurait poussé le questionnement plus avant, s’il n’y avait eu la pétition. Assurément, cette démarche était la plus belle preuve qu’entre les deux extrêmes, il fallait bien entendu préférer celui qui inspirait des mots douteux et des pétitions charmantes.

Elle ouvrait, par ailleurs, de larges yeux verts en écoutant le Blanc-Combaz réciter les miracles de son eau de vie. Framboises vertes… Cela ne serait pas très sucré. Et bienfaits innombrables… Lesquels ? Elle ne se rappelait pas avoir jamais rien refusé, mais un jour, cela lui avait valu d’être empoisonnée. Pas de ces poisons qui vous donnent la mort, mais de ceux qui vous donnent l’oubli, et c’est déjà bien assez détestable. Elle prit l’un des gobelets et en regarda le fond, jaugeant la couleur et l’odeur, très forte, du breuvage. Les alcools et elle, ce n’était pas une grande histoire d’amour. Mais c’était une boisson en hommage à Aléanore et ils trinquaient aux lapins et à ceux qui les aiment. Elle aurait été triplement ingrate de refuser.


- « Aux lapins, à ceux qui les aiment ! »

Elle porta le gobelet aux lèvres et se les brûla, tout comme sa langue et son gosier. Elle aussi toussa et se rua sur quelques douceurs. Elle évita les biscuits au gingembre, qui n’auraient rien arrangé. Deux galets aux noix firent leur affaire.

- « Cette Norette a… du caractère, Cassian ! Il faudrait peut-être l’utiliser en cuisine, mêlée à d’autres bonnes choses. »

Pour en masquer le goût.
Ses yeux s’arrêtèrent sur Isidore, qui ne mangeait plus, et avait reculé un peu. Il tremblait un peu, et par ailleurs, ne faisait plus aucun mouvement.


- « Je crois que nous avons fait peur à Isidore. Le pauvre semble pétrifié… »
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Cassian.de.blanc.combaz


Utiliser la Norette en cuisine ? Etait-elle folle ? C'était, à coup sûr, le meilleur moyen de gâcher n'importe quel plat. Mais baste, si elle y tenait il serait bien bête de le lui refuser. Le goût des femmes était chose bien obscure et voilà bien longtemps qu'il ne se hasardait plus à essayer de les comprendre. « Soit. Je commanderai à mes fouaciers quelques douceurs à la Norette qu'il vous porteront régulièrement si cela vous fait plaisir ! La prochaine fois nous goûterons ensemble le bourre-minette, ce charmant pinard issu des vignes de Corcelles dont je vous avais fait mention dans ma lettre. Figurez-vous qu'il a l'heur de plaire à la Duchesse du Charolais, pourtant très critique en matière de vin ! »

Un coup d’œil fut quand même adressé au lapin qui, tremblant de toute sa graisse, paraissait d'un coup mal au point. « Peut être a-t-il attraper froid ? Aurions-nous du tiédir les fougères avant de les lui donner? Nous asseoir dessus ? » Il s'en détourna pourtant rapidement. L'entrevue c'était bien passé jusqu'à présent, il sentait qu'il avait marqué des points et si elle n'était pas tombé en pâmoison, c'est sans doute parce qu'il trouvait prématuré de lui ouvrir dès aujourd'hui ses bras. Il était donc temps de conclure. « Bien. Je suis désolé, Jehanne, mais je pense que je vais devoir vous laisser. Je suis attendu à Nevers et quand on sait la promptitude que mit mon bon ami, ce très cher et très grand Charlemagne, à me répondre, il serait bien méchant de le faire trop attendre ! »
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