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[RP fermé] « Mon âme a son secret, ma vie a son mystère » *

Briana.
    Déjà bien des années passées à tout conserver comme une grande collectionneuse d’effets en tout genre. Depuis toute petite, elle aimait à tout garder, sans jamais se résoudre à jeter quoi que se soit qui savait trouver intérêt à ses yeux.

    Tout garder ! Pour pouvoir mieux se rappeler.

    Il pouvait s’agir de cailloux aux formes et aux couleurs diverses, ramassés ça et là sur les divers chemins qu’elle parcourait. Arrivait qu’elle ne se souvienne pas exactement du lieu où ils avaient su être cueillis par ses petits doigts fragiles, mais qu’importait l’endroit, les souvenirs étaient là.
    Il pouvait être des fleurs cueillies, dont la senteur avait un jour su ravir les petites narines aguerries de la petite herboriste en herbe qu’elle était. Des fleurs qu’elle avait alors prit soin de presser et de faire sécher entre deux morceaux de vélin comme on constitue son herbier.
    Il pouvait être aussi des lettres, mais pas n’importe lesquelles. Celles qui, en plus d’être porteuses de nouvelles, savaient redonner du baume au cœur là où il en manquait.
    Et tant d’autres choses qui pouvait lui avoir été offertes.
    Et tout cela, soigneusement conservé, comme on garde un trésor dont on ne voudrait jamais se séparer.

    Sa besace, tel un coffre, recelait de ses moult objets, si précieux qu’il puissent être à ses yeux. Et lorsque l’envie s’en faisait ressentir, elle se plaisait à déverser le tout de son contenu, se remémorant ces instants de vie passée, se jouant alors de confidences, le plus clair de son temps, avec sa poupée.
    Éléanor, l’amie fidèle, qui le temps passant, se trouvait quelque peu délaissée par une Mini de Courcy qui allait grandissant.
    Éléanor, interlocutrice hermétique, qui ne laissait d’autre choix aux confidences qu’à être plongées dans l’oubli.
    Ne disait-on pas que l’oral se voulait être éphémère au point de laisser l’essentiel se perdre ?
    Qu’importait donc les oreilles qu’on nous prêtait, le quotidien, n’était pas toujours propice ni à écoute de qualité, ni à aborder des sujets profonds ou personnels.
    Alors quoi de mieux que de faire de sa plume sa meilleure amie ? Pour raconter sa vie comme on écrirait un livre, capable de témoigner de ce que serait son parcours au travers son histoire, ses émotions, ses sentiments, ses points de vues…

    Tenir un journal écrit, pour collectionner les jours… Voilà l’idée venue germer dans l’esprit Brianesque.

    Se rappeler, se comprendre, se construire.
    Se raconter, se découvrir…

    Un journal qui viendrait se substituer à ce monde que jadis elle s’était inventé, un endroit où elle pourrait rêver les yeux ouverts, où elle saurait se défouler… Un lieu, comme une chambre privée, un sanctuaire de calme où dès les premiers mots tracés elle saurait se sentir chez elle.


Et il était là, entre ses mains, le vieux carnet à la couverture de cuir brun tannée, ses yeux bleus fixant les pages vierges et déjà jaunies qu’elle n’avait de cesse de faire tourner et retourner.
Un cuir venu trouver place sur le plat d’une table derrière laquelle elle s’était assise dans l’une des tavernes qui les recevaient lorsqu’en compagnie des Blanches, elle y faisait étape pour venir trouver un peu de chaleur pour se réchauffer, mais aussi de quoi pouvoir se rassasier un peu.
Sa couverture rabattue, elle en tourna la première page, faisant choix de la laisser vierge de tout écrit, sa main lissant la seconde qui s’offrait à elle, prête à recevoir le flot des premiers mots qu’elle voudrait bien y coucher.

Plume en main, pointe maculée d’encre, déjà les premières lettres, avec une grande application, avaient été tracées. Le sourire léger était là, la Môme satisfaite, lorsque la plume fut abandonnée et qu’elle pu relire ce qu’elle y avait noté :





      De Briana,

      Mon journal,
      Mon havre de paix.




* Citation d'Alexis-Félix Arvers

_________________
      Parce que ma vie à moi est faites de rêves, j'ai décidé de faire de tous mes rêves une réalité.
      " Ne rêves pas ta vie, mais vis tes rêves "... avec une pensée pour Lui
Briana.
    " Parfois, on regarde le ciel, on fixe une étoile, et on pense à une personne. C'est ça, le manque."
      Elodye H. Fredwell.


    Le manque. Qui n’a jamais été là de le sentir ? Cette sensation, cette affliction... qui, par sa peine causé, vous tord les entrailles et vous laisse avec cette impression d'être complètement abandonné.
    Au point même, d’avoir l’envie, parfois, d’occuper la place de ceux qui, autour de vous, sont là de partager de trop grands élans d’affections ou d’amour.
    Si seulement, on pouvait disposer du pouvoir de remonter le temps...



Remonter le temps, c'est ce qu'elle fait, en pensée, continuellement.
Mayenne... où le jour se lève à peine. Où les azurs, grands ouverts, se perdent sur les dernières étoiles qui au fur et à mesure que la nuit s'efface, les emporte avec elle.
Le ciel, elle aime à le regarder, car il est l'une des rares choses qui ne change pas, peu importe l'endroit où elle peut se trouver. Ce ciel là, il ressemble à tous ceux qu'elle a déjà pu contempler. Celui de sa Normandie, celui de Ribe.
Ah ! Si seulement elle avait pu en arracher un bout. Rien qu'un tout petit. Ce bout de ciel là qu'elle pointe du bout de son nez relevé, et qui lui fait tant penser à Elles, à Lui et encore à Lui. Quatre étoiles réunies, pour quatre personnes dont l'absence lui pèse.

Qu'il est long le soupir qui se meurt entre ses lèvres lorsqu'elle se retourne pour aller chercher place sur une chaise. Derrière elle, le vide. Sa chambre, personne n'est là de l'occuper avec elle, plus depuis qu'elle a vu partir sa Marraine.
Tout est encore calme ce matin dans l'auberge et seules les premiers bruits d'une ville qui s'éveille commence à se faire entendre au travers la fenêtre.

Sur la table, un candélabre sur lequel trois bougies se fondent, leurs flammes vacillantes, donnant à la pièce lumière tamisée. Usé d'avoir trop pleurée de leur revêtement de cire, elles seront bientôt là de mourir, mais pour l'heure, elle apportent encore la lueur tout juste nécessaire aux yeux de la toute jeune fille qui depuis qu'elle s'est assise a su s'armer de sa plume, étalant devant elle la première page d'un journal encore vierge de toutes confidences.






Mayenne, la nuit est encore là et me voilà déjà réveillée, tourmentée par l'absence de ceux que j'aime. Pourquoi l’absence des autres se peut de faire aussi mal ? Est-ce pour nous faire réaliser, Ô combien on les aime ? Si oui, alors le message est bien compris. Ressentent-ils la même chose de leur côté ? Ce même vide ? Je sais qu’il n’est pas toujours de réciprocité et j’ai si peur qu’ils m’oublient.



L'impensable est posé, tandis que son esprit vagabonde jusqu'à son frère, sa mère pour commencer. Puis vient le tour d'Osfrid et de Karyaan d'occuper ses pensées.
Rien ne saurait lui manquer plus qu'eux.





Maman ? Où est-elle ? Que fait-elle en cet instant ? Parvient-elle à dormir ses nuits en me sachant si loin d'elle ? Parce que moi je n'y parviens pas.
Je pense à elle, à ce qu'elle me manque. Quand la reverrai-je ?
J'ai l'impression que la promesse de nos retrouvailles s'estompe. Que lorsque l'une de nous avance, c'est l'autre qui recule.
Je voudrais qu'un jour enfin nous arrivions à marcher dans le même sens toutes les deux.
Comme je voudrai la voir venir jusqu'à moi sans plus de retenue. Qu'elle me montre qu'elle tient à moi.



Les bras de sa mère, elle les voudrait sans conteste, pour pouvoir s'y blottir. Mais la retenue est toujours là, dans ses gestes, dans sa voix. Est ce parce qu'elle ne sait comment exprimer son amour ? Si Briana le pouvait, elle, elle lui hurlerait. Seulement, elle s'en abstient pour ce que sa mère lui donne, se contentant de lui rendre la pareille, ni plus, ni moins. Ne pas trop donner pour ne pas trop attendre... Pour ne pas être déçue.




Et Erwan, mon frère ? Depuis quand suis-je sans nouvelles de toi ? Aurais-tu oublié que j'existe, moi ta petite soeur ?
Peut-être que les séparations, l'absence des autres amène à faire oublier.

Pour certains au moins, car moi, plus je m'éloigne et plus je pense à lui.
J'envie cette amie que j'ai rencontré il y a peu. Anastasia. Elle, elle a le grand bonheur d'avoir son frère auprès d'elle. Sur elle, il vieille avec toute l'attention d'un frère. Il l'aime, cela se sent.
Et toi Erwan ? M'aimes-tu toujours autant ? J'ai besoin de croire que oui, que le lien est là, indéfectible.
Comme je voudrais pouvoir prendre sa place et remplacer ce frère par celui qui est mien. Mais ne serai-je alors pas trop égoïste de vouloir soustraire une amie à son bonheur juste pour avoir la chance de pouvoir en profiter à mon tour… rien qu‘un peu ? Je devrai me réjouir plutôt. Mais j‘ai du mal à y arriver.



Plume couchée, un coude était venu se planter sur la table, une main soutenant à présent une tête devenue lourde de songes. Les pensées, dans sa tête, prenaient tellement de place. Le regard un peu perdu, courant divers endroits de la pièce, s'arrêta sur sa besace qui, ouverte, laissait vu sur les missives qu'elle y avait d'entassées. Elle quitta donc sa place, parcourant la pièce dans sa largeur pour venir plonger les mains dans le cabas de cuir et en retirer LE vélin... le tout dernier qu'elle ait reçu, juste après qu'elle se soit inquiétée, qu'elle ait laissé la colère l'envahir. Elle s'en était alors voulue d'avoir pester contre son absence au mariage de leur cousine. Mais jamais elle n'aurait pu penser qu'il puisse s'être autant éloigné.


Revenue s'asseoir, elle esquissa un sourire lorsqu'en dépliant la missive avec un soin particulier, elle en fit tomber une fleur séchée. Cette fleur que sa Grand-Tante Sigrùn lui avait remise et qui sans doute avait valut qu'on lui attribue, à elle, un surnom qu'elle aimait. Un surnom qui lui était réservé, unique, et que LUI seul se pouvait de prononcer : " Petite Fleur de Ribe".





Et vous, Terres lointaines. Terres du grand froid, vous aussi me manquez. Mais sans doute moins que mon cousin. Que pourrai-je donner pour avoir à remonter le temps et m'en retourner sur Ribe à ses côtés ? Tout si je pouvais. Et si je pouvais faire que bien des malheurs s'effacent, alors je le ferai. Comme j'aimerai être magicienne, comme ces légendaires fées qui jadis venaient peupler mes rêves. Parfois, je les appelle encore mais elles peinent désormais à venir me trouver. Alors je m'efforce de fermer les yeux et de penser très fort à nos instants partagés, impatiente de pouvoir recommencer.

* Note 1 : Écrire à Maman pour qu'elle vienne me retrouver
* Note 2 : La convaincre d'aller retrouver Osfrid. ( Foi de moi j'y arriverai, car rien de plus facile qu'amadouer sa mère )



Un instant fut prit pour relire le courrier avant qu'il ne soit plié et de nouveau glissé entre deux pages de son journal tout juste commencé. Des souvenirs, elle commençait déjà à en entasser, et bientôt, elle le savait, il en regorgerait à foison.
Sa fleur séchée ayant trouvée elle aussi place privilégiée, elle replongea une dernière fois la pointe de sa plume dans l'encrier, défroissa rapidement le bas de page qui n'attendait qu'être noirci à son tour. Et ses derniers mots seraient pour celle qu'elle voyait comme une seconde mère. Karyaan, sa Marraine, venue combler elle aussi un grand manque affectif.





Karyaan, Marraine de mon coeur, elle aussi, me manque terriblement. Et je rêve de la voir venir en compagnie de Paul pour me ramener au Mans. Il n'y a pas de meilleur endroit qui soit que chez nous, à Beaumont. Enfin si, Ribe, mais c'est si loin.

Maman,
Erwan,
Osfrid,
Karyaan,
Vous me manquez tant.
Vous me manquez trop.
Je vous aime !




Sur ces mots s'achevait premières confidences, une presque déclaration d'une enfant en mal d'amour.
Le manque était là, et alors qu'elle avait toujours eu auprès d'elle au moins l'un d'eux, elle se sentait bien seule aujourd'hui, refermant la couverture de son journal sur son ressenti.
Briana.
    [ Je me sens si seule,
    Tu me manques tant,
    Que j'écoute le souffle du vent.
    Tu me manques tant,
    Je me sens si seule... ] *


      [ Mans - Au sortir d'une taverne ]


La porte "des Mots à la Bouche" avait été refermée, dans un bruit sourd, celle-ci n'ayant su être retenue par un bras trop las. Longeant la devanture de l'établissement, elle s'était arrêtée un instant, devant l'une des croisées donnant sur rue, pour voir, une fois encore ce qu'il s'y passait.

Les azurites balayant l'intérieur, s'étaient arrêtés sur la silhouette de Karyaan qui se trouvait toujours en place derrière le comptoir. Un regard à droite, alors que la Mini de Courcy allait en se penchant légèrement, les doigts agrippés sur la pierre froide, était venu se perdre sur Valdemar qui avait su susciter toute les attentions au cours de la soirée. Et elle, alors qu'elle s'était trouvée là, au beau milieu d'une taverne bondée, ne s'était jamais sentie aussi esseulée que ce soir là.

Reprenant chemin, la pointe du pied était venu cogner un caillou dans lequel elle tapa aussi fort qu'elle l'eut pu, le projectile terminant sa course dans un tas de caisses vides abandonnées là. Et le bruit causé ne manqua pas de faire s'agiter un chien qui se mit à aboyer, ses cris étouffés derrière la porte épaisse d'une habitation. A celui qui devait sûrement être son maître de venir s'égosiller à sa suite, lui intimant de se taire s'il ne voulait pas manger du bâton. Apeurée, Briana avait filé aussi vite que le vent qui s'était soudainement mis à souffler, la poussant de l'avant, tandis qu'elle courrait, comme s'il eut voulu la faire avancer plus rapidement.

Beaumont, elle s'y trouverait bientôt. L'enceinte de la ville avait été quittée, et déjà les remparts se dressaient devant elle. Dehors, pas un bruit, si ce n'était les voix des sentinelles qui s'élevaient alors qu'ils échangeaient paroles. Et l'envie fut là de monter, juste pour voir, ce qu'il y avait à voir de l'autre côté alors qu'on avait à se trouver si haut. Les escaliers avaient été gravit à toute vitesse, la Môme s'autorisant une petite pause, pour ne pas être remarquée. Enveloppée dans une mante sombre, capuche rabattue sur sa chevelure blonde, elle se confondait parfaitement avec la nuit qui n'arborait cette fois, ni lune, ni étoiles.
Seules quelques torches logées dans leurs supports de fer, étaient là d'apporter un peu de leur lumière et ce fut sous l'une d'elle que la jeune de Courcy se laissa choir, son dos trouvant appui contre le mur.

Songeuse, essayant de deviner un horizon qui se faisait difficilement visible en cette heure, elle pensait, à sa mère qui se devrait d'arriver bientôt. A son cousin parti si loin. Les yeux rivés droit devant, elle se demandait alors si le sud était aussi loin qu'elle se l'était imaginée. Peut-être s'était-elle trompée ? Peut-être voyait-elle leur Royaume trop grand avec ses si petits yeux ? Et si le Sud se trouvait plus près ? Derrière cette immense forêt dont la cime des arbres semblait dessiner un mur épais.
Et si...

Une incroyable envie la prit soudain aux tripes... Envie de redescendre de là où elle était venue se percher, pour s'élancer vers ses bois profonds et sombres, les traverser, atteindre l'autre côté et peut-être pouvoir le retrouver. Mais la raison était là aussi, sans compter la peur qui vint l'accabler lorsque le vent porta avec lui les bruits lointains de mère nature qui lui firent froid dans le dos. Courageuse mais pas téméraire. Pas encore, car trop jeune sans doute. Ou pas assez folle peut-être...

Ce soir, plutôt que de se sauver, elle se contenterait d'écrire. Noircir une nouvelle page de son journal voilà qui suffirait. Le vent soufflant était venue se loger dans sa capuche, laissant virevolter quelques une des ses mèches là de lui chatouiller les contours d'un visage marqué par la tristesse et d'une main tremblante, plume en main, elle laissa la pointe courir sur le vélin au fil de ses pensées.




Je suis si triste, car si seule.
Entourée, j'ai pourtant l'impression de devenir transparente. Se pourrait-il qu'un jour on finisse par ne plus me voir du tout ? Est ce parce que je grandis que je ne suscite plus autant d'intérêt qu'avant ? Valdemar lui est encore petit et tous sont autour de lui.

C'est comme si plus personne ne m'aimait. Comme si je devenais une personne comme une autre aux yeux de ceux qui avait pourtant su me donner l'espoir d'être quelqu'un de particulier. Je voudrai alors redevenir celle que j'étais, plus petite pour qu'on me donne de nouveau toute cette attention dont j'ai besoin.
Plus le temps passe et plus la sensation d'être abandonnée me gagne. Où sont donc passés tous ces gens que j'aime tant ?

Karyaan, est là, sans l'être... Maman, viendra t-elle seulement ? Et Osfrid ? Lui qui au travers ses mots me dit que je lui manque. Pourquoi alors être parti si loin si tel est vraiment le cas ?
Pourquoi les grands ont-ils le besoin constant de s'éloigner de ceux qu'ils disent aimer ? Moi, grande, jamais je ne serai comme ça. Foi de moi.
Je ferai tout ! Tout ! Pour garder ceux que j'aime à mes côtés simplement pour qu'ils n'aient jamais à me manquer comme c'est le cas aujourd'hui.
J'ai un jour fait la promesse de ne jamais abandonner, ou même tourner le dos aux miens... et je m'y tiendrai. "



D'un dernier point, l'écrit fut achevé. Le carnet refermé. Les pensées continuant pourtant continuant de vagabonder tandis que le tous des objets retrouvaient leur place dans le fond d'une besace de cuir. Puis le bruit de pas vinrent éveiller l'attention de Briana avant qu'une voix ne se fasse entendre et qu'une silhouette se penche au dessus d'elle.

" Mais qu'est c'que tu fouts là toi ? A une heure pareille ! Rentres chez toi la mioche ! Ta place n'est pas là ! Allez ! Du vent ! "

Prise de panique, elle s'était sitôt levée, et sans rien dire avait déguerpie, dévalant les marches, manquant même glisser à plusieurs reprises.
Courant toujours, alors que le bas des remparts avaient été rejoint, les paroles de l'homme qui l'avait chassée résonnaient encore.
Là n'était pas sa place ? Mais où l'était-elle à dire vrai ? Elle était là de se le demander...




* Extrait tiré du titre je me sens si seul de Marc Lavoine

_________________
      Parce que ma vie à moi est faites de rêves, j'ai décidé de faire de tous mes rêves une réalité.
      " Ne rêves pas ta vie, mais vis tes rêves "... avec une pensée pour Lui
Briana.
    { Les voyages forment la jeunesse qu'ils disaient }


Il avait suffit d'une missive pour que sonne le départ. Et il n'avait suffit que de deux jours, bien trop court au goût de Briana, pour tout préparer et faire ces adieux auxquels elle avait bien du mal à croire. Elle qui s'était si bien sentie à Beaumont, parfaitement entourée, s'en était allée. Partie, pour un nouveau voyage. Pas de ceux coutumiers qu'elle effectuait avec sa Marraine d'ordinaire, accomplissant quelques missions marchandes. Non ! Cette fois était tout autre. Cette fois, nul Chevaliers errants de la Licorne pour la guider ; juste sa Mère accompagnée de leur Valet, Artheos.

Décision avait donc été prise de rejoindre le sud et ce, le plus rapidement possible. Les haltes seraient peu nombreuses, sa Mère l'avait prévenu : "Plus vite ils seraient repartis, plus vite ils arriveraient à destination. Aussi voyageraient-ils de nuit, pour plus de discrétion lui avait-on dit. Le jour serait quant à lui synonyme de halte, permettant aux voyageurs qu'ils étaient d'aller se reposer à l'abri d'une chambre louée pour la journée, et de se réapprovisionner au besoin.

Première étape avait donc été faite sur Vendôme, son esprit quant à lui étant resté loin derrière, au Mans. Dur était de ne pas penser à ceux qu'elle avait laissé derrière elle... Les Marmules... Son Paul... Valdemar... Karyaan. Et comme elle avait eu peur alors de ne pouvoir dire au revoir à cette dernière, car d'elle, ne lui était parvenue aucune nouvelle et ce fut sans l'avoir vu que les portes de la Capitale avaient alors été franchies.
Tristesse à son comble, les larmes amères n'avaient su être retenues, souillant les joues déjà rosies par le vent et brunie d'une légère poussière.
Mais l'espoir de voir sa Marraine avait été plus fort que tout. Karyaan ou une femme qui jamais ne saurait la décevoir, celle-ci était arrivée, au grand galop, afin de les rattraper. L'au revoir était fait avec promesse de se revoir bientôt.

Le Sud, Briana ne saurait y rester. Jamais ! Il ne serait jamais qu'une étape à sa vie. Une partie du Royaume qu'elle profiterait de visiter, sans rien de plus. Intimement, et sans même le connaître, elle détestait cette partie de leur Monde qui lui avait soustrait la présence réconfortante d'Osfrid. Maudit soit le Sud et tout ceux qui l'y avait alors retenu. Simple courtoisie alors que de faire croire qu'elle s'y intéressait...
La seule chose qui comptait serait de le revoir Lui.

Vendôme, sa ville, une auberge quelconque... Une première rencontre qui avait alors valut à la Mini de Courcy de venir coucher quelques nouveaux mots dans son carnet personnel.





    J1 - Vendôme - Touraine


Première nuit d'un voyage sans encombre. Premier jour d'un éternel ennui.
Vendôme. Cité fantomatique où il fait peur de rester seule.
A ce qu'on m'en a dit, vivrait caché, non loin, dans un château hanté, un affreux monstre prénommé Falco qui d'un seul regard ayant croisé le votre serait capable de vous réduire en cendre.
Jamais, je puis l'avouer ici, je n'ai autant marché les yeux fermé. Résultat, une bosse sur le front après m'être cognée contre le mur d'une maisonnée.

Vendôme. Si on me le demande, j'aurai vite fait de la déconseiller.
Il n'y a rien de bien intéressant à faire. Personne à y rencontrer. A part quelques voyageurs peut-être, qui comme pour moi, seront là de vous apprendre quelques mots nouveaux. Restait seulement à en comprendre le sens et le rapport qui avait été fait avec l'une de mes passions : les Papillons.
Pourquoi donc les Grands étaient toujours là de se lancer dans des explications sans queue ni tête ?
Et quel rapport alors entre une Pucelle et les papillons ?
De ce que j'ai pu tirer comme informations : être pucelle serait d'être sans amoureux. Conclusion : Je suis pucelle, au même titre que celle qui avait lancé le sujet.
Mais là encore quelque chose me disait que toutes les explications n'avaient su m'être livrée.
Habituelle excuse à cela : mon trop jeune âge ? Mais si seulement ils savaient tous ces grands ce que je sais déjà. Ils seraient bien étonnés.



Regard avait été porté devant elle, un soupir se mêlant à l'air avant qu'une dernière annotation ne vienne s'ajouter à la suite des précédentes qui venaient d'être faites.



Vendôme : Se souvenir de ne jamais y rester plus d'une journée.


Carnet refermé, temps était à la jeune de Courcy-MacCord de rejoindre sa Mère. Aux bagages d'être bouclés. Nouveau départ serait bientôt donné.
_________________
      Parce que ma vie à moi est faites de rêves, j'ai décidé de faire de tous mes rêves une réalité.
      " Ne rêves pas ta vie, mais vis tes rêves "... avec une pensée pour Lui
Briana.
Que pouvait-il bien se passer, et dans la tête et dans le corps de la jeune de Courcy ?
Elle, qui, d'ordinaire rayonnante à souhait, sourire ancré, avide de tout savoir sur tout, sur n'importe qui ou même n'importe quoi, ne se retenait jamais de vivre pleinement les instants présents.
Rien ne semblait plus égayer ses traits, qui, sans qu'elle ne s'en rende compte, commençaient à se creuser un peu plus, chaque jours passants.
En elle, ce quelque chose qui persistait à l'incommoder. Un mal dont elle ne connaissait pas la source et qu'elle tairait, juste pour ne pas inquiéter... A moins que se ne soit pour se voiler la face... Faire comme si tout allait parfaitement bien. Faire qu'elle ne rappelle jamais cette petite fille fragile qu'elle avait été.

Temps n'avait jamais été aussi long que ces deux derniers jours qui les avaient vu parcourir chemins reliant Tour à Loches. Par chance, entre deux coups d'éclats d'une douleur lancinante qui lui donnait l'impression qu'on lui broie le ventre, elle parvenait, le temps de quelques heures à peine, à trouver le repos dans un sommeil qui se voulait profond, apaisant alors ses maux.
Par cause de son état, l'inquiétude, la peur étaient devenues seules compagnes, celle-ci mettant à rude épreuve son humeur qui se faisait changeante.
Qu'était-il en train de lui arriver ? Par dix fois, si ce ne fut plus, elle laissa cette question en suspend en son esprit, faute de n'avoir pas de réponse pour celle-ci.
Et si jamais le mal durait ? S'aggravant jusqu'à l'emporter...

A son âge, elle savait la mort. Le sort réservé à tout homme vivant ici bas. Personne n'était éternel. Et alors qu'une main venait réchauffer l'endroit douloureux, l'autre s'affairait déjà à faire étal d'un bout de parchemin. Après quoi, se fut au tour de sa plume et de son encrier d'être extirpé, nerveusement, de son cabas, non sans grogner face à la résistance imposée :


"Mais viens là toi ! "


Et d'une main tremblante, sous l'effet de la colère tout autant que de la crainte de ce que pourrait bien être ses lendemains, elle se confia à celui qu'elle considérait aujourd'hui, comme le plus fidèle pour recevoir ses confidences : Son Carnet qui doucement s'emplissait.




    Loches - Après 3 jours de voyage

Que m'arrive t-il ? J'ai si peur !
A toi, je pose la question sachant bien que tu ne me porteras pas de réponse, mais tu es le seul aujourd'hui à qui je sache vraiment me confier.
Je te fais part de cette peur que je voudrai pouvoir hurler mais qu'au contraire je tais.
Chaque jours, j'ai l'impression de sentir le mal s'accroître en moi. Fort heureusement, il m'arrive de connaître quelques moments d'accalmie, mais la douleur revient, torturant mes entrailles.
Penses-tu mon cher journal que bientôt je vais mourir moi aussi ? Si tu savais comme j'ai peur de voir à quoi ressemble l'autre côté. Souffrirai-je davantage que maintenant ?
Je me pose souvent cette question de savoir s'il fait mal de quitter notre monde. Je sais qu'il fait mal à ceux qui reste, mais à celui qui part ?
Ô Vous, (sous entendant le Très-Haut) à qui je pleure tous mes maux, aidez-moi à être forte.
Je ne veux pas mourir, pas encore.
Pensez à ma Mère, à mon Frère.
Je vous en supplie, exaucez-moi.
Ne m'abandonnez pas Vous aussi.


Seule face à ses craintes, voilà ce qu'il en était.
Et la peur au ventre, ce soir, elle irait se coucher.
Si par malheur, demain faisait qu'elle ne se réveille jamais...

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      Parce que ma vie à moi est faites de rêves, j'ai décidé de faire de tous mes rêves une réalité.
      " Ne rêves pas ta vie, mais vis tes rêves "... avec une pensée pour Lui
Briana.
    [ Entre la raison et ce que nous dicte nos envies, il n’y a parfois qu’un pas à faire, un fossé à franchir… Absurde Folie !]

    { Tentation : Cédera ? Cédera pas ? }


Millau… Plus que quelques jours et ils seraient arrivés à Montpellier. La hantise est là et elle se devine. Parce que Briana ne s’en cache pas. Ce sud là ? Elle le déteste sans même avoir eu à y mettre les pieds. Il lui donne envie de vomir rien que d’y penser. L’idée de s’en approcher un peu plus chaque jour, de devoir s’y installer, ne fait qu’accentuer le mal-être qui s’est invité en son sein. Les maux s’aggravent, les viscères se tordent sous l’effet de l’appréhension.

C’est l’esprit chahuté que la jeune de Courcy a rejoint en cet après-midi le cœur des écuries. Là, qu’elle s’est couchée dans les foins, non loin de son frison sur qui sont venus se perdre deux azurites dont le bleu avait perdu de leur éclat. Elle avait beau se donner des allures de « Ne vous en faites pas, tout va bien »,quand elle avait à se trouver face au monde, il n’en restait pas moins que seule, elle se laissait inexorablement envahir par ce profond chagrin qui l’accompagnait depuis qu’elle avait eu à quitter le Maine.

Une enfant, deux visages.
La raison ou la folie…

L’esprit faisant balance entre les deux.
Il pèse le « Pour ». Il pèse le « Contre ».

D’un côté, le « Pour ». Quel est-il ? Osfrid. Pouvoir profiter encore de sa présence. Le revoir. Le savoir là. N’avait-elle pas fait que d’attendre ça ? Biensûr que si… Et si durant deux jours elle avait été des plus heureuses… Après les retrouvailles… Après la prise de plaisir… Cette impression de complicité retrouvée. La joie s’était à présent dissipée.

La nuit avait rimée avec agitation, elle, peinant à trouver ce sommeil profond qui la conduisait si souvent dans ce monde qui ne la recevait qu’elle… Elle et tous les rêves que l’on pouvait faire à son âge. Cette nuit, ses pensées avaient été ses seules songes et quelle torture ne lui avaient-elles pas infligé ?

Dans sa besace, il était des lettres qu’elle conservaient. Certaines bien vieilles, d’autres plus récentes. Et il en était deux qu’elle avait relus à maintes reprises.
L’un, le dernier reçu de son cousin. L’autre, de sa Marraine.
Cette dernière, au travers son courrier venait de lui apprendre le décès de Bezuto. Avec ses mots, il n’était pas difficile pour elle d’imaginer le visage de Karyaan souillé de ses larmes. Elle, qui désormais pleurait cet Autre à jamais perdu, voyant tout espoir de le voir revenir s’évanouir. Tout ! Elle aurait tout fait, pour ne pas se trouver là sur l’instant. Tout ! Pour remonter le temps… Pouvoir se retrouver au Mans, comme avant. Près d’elle, enserrant cette femme chérit autant que si elle avait été sa propre mère. Là, l’enserrant de ses bras, essayant de consoler l’Inconsolable, comme elle l’avait fait avec Osfrid lorsque celui-ci avait perdu son père…

Osfrid… Lui qu’elle avait rejoint en compagnie de sa mère. Lui qui avait sommé cette dernière de venir le retrouver. Mais pourquoi faire ? La protéger ? La mettre hors de portée d’une menace dont on s’évertuait à ne pas lui parler. Dont elle avait été seule s’informer après avoir fouillé les missives de sa mère.
Mais n’aurait-elle pas été parfaitement protégée sous l’aile de tous ces Chevaliers qui l’entourait ? Et à quoi bon fuir le danger ? Ne disait-on pas que fuir ne servait qu’à repousser l’échéance ? A en croire les anciens, le passé était toujours là de nous rattraper. Quoi que l’on fasse, où que l’on soit…
Alors oui ! A tout bien réfléchir, plutôt qu’ici, elle aurait préférait être en Maine. Près de sa Marraine. Près de Paul.

Et son cousin ? Ne s’était-il pas au fil du temps, construit une autre vie ? Fait une place ailleurs. Dans cette contrée détestée… Endroit à vivre qu’on allait lui imposer ? Ne s’était-il pas vanter au travers l’un de ses courriers que plus loin des De Courcy il était et mieux il se portait ? Quelques mots qui avaient suffit à piquer l’âme sensible de la toute jeune fille.
Des mots qu’elle avait essayé d’oublier. Des mots pour lesquels elle avait cherché obtenir explication. Et on aurait beau lui dire qu’il ne la visait pas, elle n’en restait pas moins une De Courcy elle aussi.
Une Mini, blessée par la haine que les hommes et femmes d’une même famille se vouait.
Se rendaient-ils seulement compte de tous ce mal qu’ils lui faisaient subir ? A elle qui avait à se trouver entre les deux ?

Folie d’un songe qui la traverse, les yeux toujours rivés sur son cheval, Kayal.
Plus que deux jours avant d’arriver… Deux jours, peut-être plus, pour élaborer, peaufiner, venir à bout de l’idée venue s’insinuer…

Déjà la senestre s’était perdue dans le fond de sa besace, en retirant quelques objets venus entraver ses recherches : un vieux stylet, une pomme à la peau qui commençait à flétrir et qu’elle se hâta de faire rouler jusque dans les pieds de Grani... Ce papillon, dernière attention trouvé au creux d’une poche, que son pouce machinalement caressa avant de l’abandonner pour avoir à porter son intérêt sur son carnet.
Page ouverte, stylet en main imbibé d’encre quelques premières consignes venaient à se coucher :





1- Réunir quelques économies
2- Prévoir quelques denrées ( et pour moi et pour Kayal)
3- Des vêtements chauds à porter
4- Se faire des plus discrètes sur le sujet
5- …


Au carnet une page d’arrachée, celle qui saurait trouver place aux mots qu’elle écrirait à sa Marraine. Pour lui rappeler que même loin elle était tout près, de par ses pensées. Des mots pour lui rappeler avec quelle force elle l’aimait. Des mots pour l’informer que bientôt, elle s’en viendrait la retrouver…
Sa place à elle ne serait jamais à Montpellier... Jamais !

_________________
      Parce que ma vie à moi est faites de rêves, j'ai décidé de faire de tous mes rêves une réalité.
      " Ne rêves pas ta vie, mais vis tes rêves "... avec une pensée pour Lui
Briana.




    { Montpellier : Parce qu'il n'aura pas suffit. }

    Pas suffit d'avoir tout quitté : Normandie, Maine et tous ceux qui comptaient tant pour elle.
    Pénible avait été l'éloignement. Profonde avait été la déchirure, lorsque les liens, bien encrés, avaient été soudainement arrachés.
    Et tout ça pour qui ? Pour quoi ?
    Pour une mère que l'on pensait soucieuse de vouloir se racheter ? Que l'on pensait...
    Réparer les erreurs passées qui sont celles d'avoir beaucoup trop délaissé ses enfants, sa famille au complet, pour pouvoir mieux endosser un rôle dont elle se pensait assujetti. De foutus choix qui n'avaient fait qu'aggraver la situation, rendant les relations entre membres d'une même famille impossible.
    La politique, ou grande destructrice d'une famille déjà en péril.

    Mais l'espoir fait vivre... Pour un temps au moins. Jusqu’à ce que l’on ouvre les yeux enfin et que la réalité vous explose en pleine face. Insenscé il est, de croire que quelqu’un peut changer aussi aisément, d’un coup d’un seul. Chasser le naturel et celui-ci revient au galop. Et sa mère, n’avait en rien changée. Toujours fidèle à elle-même, ne songeant bien qu’à elle. Incapable de fournir le moindre effort, ce petit rien qui aurait pu faire beaucoup. Qui, par la volonté et la force de quelques mots, de confidences, révélations partagées, auraient pu mettre terme à une année de guerres intimes. Mais rien.
    Jamais elle n’avait su trouver les mots, jamais elle n’avait su saisir l’opportunité de saisir ces mains Ô combien tendues, ni même su entendre, écouter, les cris des uns et des autres, exhortés, là, pour la réveiller.
    Muette, aveugle et sourde. Voilà ce qu’elle avait été. Une mère, une femme dénuée de toutes ces facultés.
    Une femme, plus qu'une mère, qui ne comprenait rien d’autre qu’elle-même, s’enlisant dans un gouffre, une tombe qu’elle creusait elle-même et où elle semblait visiblement prendre plaisir à sombrer.

    Du temps, il en avait fallu à la jeune de Courcy, pour se rendre compte finalement que sa mère n’apporterait à leurs vies aucun changement. Que jamais, elle ne saurait porter d’intérêt aux bonnes personnes. Et ça, elle l’avait su dès lors qu’elle lui eut écrit pour lui annoncer qu’elle avait été brigandée en chemin, à tout juste quelques heures de marche. Alors certes, les mots couchés s’étaient voulus rassurant, pour qu’elle ne s’inquiète guère de trop quant à son état. Mais quelle mère n’aurait alors pas braver les chemins pour retrouver sa progéniture, quand bien même celle-ci avait tenté de la rassurer ? Aucune mère qui ne soit pas digne de ce nom. Et qu’avait-elle alors vu venir en retour ? Un messager venu lui porter réponse à son courrier. Des lignes tracées lui faisant part que sa mère, en plus de ne pas venir la retrouver pour s’assurer que sa fille dise bien vrai, s’en était allée, la confiant au bons soins de son cousin et de la famille qui les accompagnait, préférant aller courir contrée voisine derrière le séant de leur valet.
    Un nouveau choix… Une nouvelle déception. Celle qui fut de trop. Celle qui montrait à Briana la place qu’elle occupait, bien loin derrière leur domestique.

    Difficile à avaler pour la Môme, mais bien plus encore pour sa tante et son cousin. Longues avaient été les discussions sur ce point, faisant de la Mère, l’Indigne et décision avait été prise qu’au départ pour le Danemark, embarquerait avec le reste de la famille, la toute jeune fille.
    Pas de tergiversation du côté du clan danois, et personne pour aller contre cette idée qui n’allait pas pour déplaire à Briana qui se réjouissait déjà de pouvoir retrouver Ribe, son paysage, tout ce qu’elle avait pu apprécier lors de son tout premiers séjour sur ces terres ancestrales.
    La seule chose qui manquerait, et non des moindres : l’essentiel, Osfrid… Car si elle reprenait chemin du grand nord, lui resterait encore là, d’arpenter les routes du Royaume de France, bien loin de chez lui… Loin, trop loin des siens… Trop loin d’elle qui, en quelques semaines, s’était de nouveau habituée à sa présence à ses côtés.
    Une nouvelle fois, il lui faudrait apprendre à faire sans Lui. Ne plus s’attendre à le voir surgir, à partager ses trépidantes conversations, partage d’histoires qui vous font rêver, à sentir une main venir s’attarder sur l’arrondi d’une joue. Il n’y aurait plus de cette chaleur, ni de cette force réconfortante. Ne resterait que les souvenirs ardemment entretenus entre pensées, et récits contés devant les bonnes flambées que sauraient offrir son nouveau foyer, espérant que le temps ne lui paraisse pas aussi long que lors de la première séparation.



    [ Sur le navire qui mène à Ribe : De l’eau à perte de vue ]


Ils en étaient au second jour de leur périple. Loin de tout. Voguant entre ciel et mer.
Terminé le vacarme incessant d’une ville aussi animée que Montpellier, les cris des marchands débutant leurs journées, debout, derrière leur étals dressés, à vanter la moindre marchandise qu’ils avaient à proposer.
Fini, les chants nocturnes, voir matinaux, des clients imbibés, grands habitués des innombrables tavernes que comptait la cité. Ne se faisait désormais entendre que le bruit de la houle accompagnée du vent qui souffle dans les voiles. Les voix des membres de l’équipage que ce dernier portaient au loin, ou jusque l’esgourde des voyageurs, les informant à toute heure du jour et de la nuit, de l’avancée du voyage, des conditions qu’offraient le temps, en fonction des ordres qui étaient donnés.

Nichée dans un coin de la cabine qu’elle partageait avec sa tante Sigrùn, son dos n’avait pas quitté l’appui qu’il s’était fait contre le mur de la pièce. Jambes fléchies, genoux remontés contre elle, s’y trouvait posé « le confident », son carnet, celui où elle consignait moult confessions. Comme cette dernière en date : incessante répétition d’une même phrase venue noircir une page entière, quelques mots d’amour destinés à sa mère :





    « Ô mère ! Si vous saviez comme je vous hais ! »
Briana.
{ Retour aux sources : Sur le chemin de la vérité }

      " Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue "

      Yûssof Mûrad






Bayeux,
Ce jour du 6 février de l'an 1461

"Jamais plus ! " Je me l'étais pourtant juré.
Une promesse faite à moi même.
Une promesse non tenue...

Malheureusement, il arrive parfois que les choses n'aillent pas dans le sens que l'on aurait voulu qu'elles aillent. Ainsi va la vie, je ne peux que me résoudre à retourner en Normandie.
Énième retour aux sources qui, même s'il s'avère non souhaité, aura peut-être son lot de surprises à m'apporter.

Moult surprises ? N'est ce pas ce que la vie est censé nous réserver ?

La mienne jusqu'ici n'en fut pas privée. Dommage qu'elle fussent plus souvent mauvaises que bonnes.
Serait-ce alors se leurrer que de croire que les choses puissent changer ? Certainement. C'est sans doute pour cela, d'ailleurs, que je peine à croire qu'un retour puisse être bien vécu.
Mais reste encore à savoir pour qui ?
Tant d'eau de coulée sous les ponts depuis. Tant de bouleversements vécus.

Difficile, en revenant ici, de ne pas repenser à ma mère. Ce que furent nos derniers instants de vies communes. La séparation . Aboutissement inévitable dont elle est seule responsable. Cependant, la connaissant, il va s'en dire qu'elle ne saurait assumer, préférant rejeter la faute sur n'importe qui d'autre, tant que rien ne vient salir l'image dorée qu'elle tend à se construire et derrière laquelle elle dissimule sa véritable personnalité.

C'est sans peine que je l'imagine jouer les mères éplorées auprès de qui voudra bien la croire, dénigrant sa progéniture sans le moindre remord. Il n'est pas de sang qui coule en son sein, mais bel est bien du poison qu'elle déverse sur quiconque, un peu comme ce venin qu’ont les vipères. Comme elles, elle sait être sournoise, toxique au plus haut point.
Et ce retour, je n’en doute pas une seconde, sera là encore, de le démontrer.

Je disais « surprises » précédemment. C’est davantage de vérités que j’attends. Qui, pour ne pas se salir, ne pas endosser le mauvais rôle, ne saurait mentir ?
Comme j’ai hâte finalement de revenir sur Dieppe. Hâte aussi de revoir mon père vers qui quelques correspondances se sont envolées. Il n’est plus que quelques jours qui m’en sépare. Il va s’en dire que nous avons à discuter.

Est-ce que j’appréhende la rencontre à venir ? Pas vraiment. Au contraire, peut-être aurai-je plaisir à me voir soulager tout compte fait. Peut-être pourra-t-il répondre aux questions que je me pose, m’éclairer…

Et si mensonge il y a eu sur le déroulement des évènements passés, la vérité, comme toujours, ne manquera pas d’éclater. Qu’on se le dise.
Ainsi va la vie… Et tôt ou tard… Tout fini par se savoir…

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