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[RP] Qui étais-je ? Pas celle que je voulais.

Syuzanna.


RÉSUMÉ DE L’ÉPISODE PRÉCÉDENT :
Novembre 1460. Syuzanna NicDouggal arrive à la Rochelle pour retrouver sa cousine. Elles doivent entreprendre un voyage jusqu’à Pau, où Sybelle a laissé quelques affaires.
Malheureusement, une tempête fait rage ce soir-là, et après un entretien quelque peu houleux, Syuzanna se prend la branche morte d’un arbre proche en plein front. S’en suit une perte de connaissance. Sybelle en profite pour prévenir Søren MacFadyen Eriksen, époux de Syuzanna, que sa femme est gravement blessée. Celui-ci écrit à la demi-sœur de Syu, Caitriona « Enjoy » MacDouggal Corleone. Maonaigh MacDowell est également prévenu, et ainsi, c’est quasiment toute la famille qui se trouve au chevet de la blessée.
Blessée qui, en ouvrant les yeux, s’avère être amnésique. Ayant oublié les deux dernières années de sa vie, elle ne reconnait ni Enjoy ni Søren.
Le voyage jusqu’à Pau se fait malgré tout, et alors qu’elle remonte vers son foyer, ce « trou noir » commence à obséder la jeune femme…


      Episode 2 : Combler le noir


« Fous-moi la paix ma sale caboche
Tu ne me feras pas sombrer
Je t'aurai à grands coups de pioche
Si tu ne laisses pas tomber »*


Novembre avait passé, Décembre avait pris sa place. Comme toujours. Immanquablement. Le cours naturel des choses de la vie, en somme. Rien de nouveau sous le ciel plombé. Pourtant ce mois de Novembre avait été extraordinaire pour au moins une personne sur cette Terre. Et cette personne n’était autre que celle qui était assise sur une chaise, face à la fenêtre de sa chambre, un pied posé sur le bahut de bois clair.
Il s’agissait d’une jeune femme, aux cheveux aussi roux que le pelage d’une belette. Ses deux épaisses nattes reposaient sur ses frêles épaules, et son kilt était légèrement remonté sur ses cuisses blanches.
Elle insufflait régulièrement de la force dans sa jambe en suspension, se balançant lentement d’avant en arrière. L’ongle d’un pouce coincé entre les dents, elle scrutait le paysage qui s’offrait à ses yeux désabusés. Le lac semblait d’acier. Les faîts des arbres étaient vierges de verdures. Et la neige dégringolait du ciel lentement, étouffant les sons.

Cela aurait pu être un Hiver ordinaire pour Syuzanna NicDouggal – puisqu’il s’agissait bien d’elle – mais c’était pourtant loin d’en être un. Suite à une malencontreuse collision d’entre son front et une branche morte, son passé lui avait échappé, coulant entre ses doigts comme de l’eau. Il eut été faux de penser qu’elle avait tout oublié. Car ce n’était que les deux dernières années qui avaient désertées sa mémoire abimée. Cela n’aurait peut-être pas dû la perturber autant, mais pourtant, c’était bel et bien le cas. Elle avait ouvert les yeux à la Rochelle en se croyant aux pieds du Ben Nevis, avait appris tout d’abord que son père était mort, qu’elle était mariée, qu’elle avait adopté une fillette, et tout le monde avait été si évasif quant au sujet de Duncan qu’elle avait fini par comprendre que lui aussi avait disparu.

Tout cela s’entrechoquait dans son esprit. Mort du père, mort du fiancé, mort du Clan. Départ de chez elle. Départ pour la France. Rencontres avec qui, avec quoi ? Elle avait tout oublié. On la regardait de travers, elle le sentait. Elle défiait tout le monde, brisait les liens de sa « vie d’avant ». Ne plus rien avoir à faire avec « ces gens-là » était devenu presque vital. Dès la seconde rencontre, elle avait clairement expliqué au Danois-Ecossais qu’elle ne poursuivait pas l’aventure avec lui. Ils avaient autant à faire ensemble que le Soleil et la Lune. Il n’était rien, elle était tout. Il voulait rester ami ? Non, elle n’en voulait même pas comme ami. Il avait été sa faiblesse durant ces quelques mois, hors de question qu’il la redevienne. Même s’il n’y avait aucune chance pour que cela soit. D’ailleurs il le lui avait dit lui-même, il ne l’aimait plus. Et lutter pour des causes aussi futiles que l’amour… Non, le seul pour lequel elle aurait combattu n’était plus de ce monde. Et elle voulait se rappeler de lui lors de leur dernière entrevue.

C’était en partie pour cette raison qu’elle voulait se souvenir. Si on lui avait dit qu’elle avait « simplement » émigré vers la France suite à la défaite, elle n’aurait pas été si tracassée. Mais là, qu’avait-elle appris ? Qu’elle s’était mariée ! Avec un blond, assez sympathique dans l’ensemble mais qui ne lui inspirait strictement rien. D’accord, il était relativement bel homme, mais après ? Comment avait-elle pu… On lui avait dit qu’elle l’aimait profondément. Pouvait-on oublier l’amour ? Ou bien, comme elle le croyait, s’était-elle contentée de transporter l’amour qu’elle ressentait pour Duncan vers cet individu-là ? C’était la seule possibilité qui lui paraissait tenir la route. Ils avaient les mêmes yeux bleus, et en se concentrant bien, elle pouvait superposer les traits tant aimés sur ceux de son « mari ». Søren MacFadyen Eriksen, cette mixture d’Ecossais et de Danois, n’éveillait rien en elle, sinon un partenaire de beuverie. Aucun tressautement de cœur, pas de pouls qui s’emballait. Qu’il continue sa vie et les cochons seront bien gardés ! Qu’il séduise à tour de bras, puisque c’était apparemment sa seconde activité favorite, après la bière. Certains disaient même qu’il la trompait copieusement. Et pour Syu qui exécrait l’infidélité, son mépris à l’égard du demi-Ecossais s’était encore accru. Elle ne pouvait s’empêcher d’éprouver un vif ressentiment à son égard. C’était sa faute à lui, si elle avait changé. Comment avait-elle pu tolérer qu’il déménage un mois après son mariage ? Et comment avait-elle pu accepter ses tromperies sans l’égorger aussitôt ? « Jus de chaussettes d’Ecossais, va. Qu’il se fasse bouffer par une bestiole ! Ou non, qu’il chope la syphilis ! Ou qu’il se noie dans un tonneau de bière en souffrant atrocement ! », songea-t-elle en se redressant quelque peu, ranimée par ces agréables pensées.

Son pied abandonna son appui, et elle se leva en souplesse, légère et silencieuse comme l’air. Lorsqu’elle était encore à Bergerac, une dizaine de jours plus tôt, elle lui avait demandé de l’embrasser, pour voir. Mais rien ne s’était produit. Aucun souvenir qui était remonté, aucune sensation de plaisir ne l’avait fait frémir. Le bloc de pierre était redevenu bloc de pierre, et cela la rassurait. Elle s’était depuis, activement rincée le gosier à grand renfort de whisky, pour éliminer la souillure de son odieux baiser. « Les accidents n’arrivent pas par hasard… » Non, sans doute pas, elle devait bien le reconnaître. Elle avait dû faire des erreurs, ces deux années-là, et maintenant, il ne fallait pas qu’elle les répète. C’était un signe des Dieux ou elle ne s’appelait plus Syuzanna NicDouggal ! Mais pour ne pas recommencer, encore fallait-il se souvenir. Et pour se souvenir, il lui fallait remonter le temps. Par où commencer ? « Déjà, le cousin, lui pourra m’aider. Il était là. » C’était le bon sens même, et si elle n’avait pas de cœur, elle se targuait au moins d’avoir un peu de raison.

Sortant de sa chambre, elle emprunta l’escalier qui menait au rez-de-chaussée, et s’immobilisa devant une porte, tout à côté. A droite, le battant mystérieux, à gauche, le couloir menant à la salle à vivre. Elle n’hésita pas longtemps, et enclencha la poignée. Aussitôt, des odeurs étranges, inconnues mais qui semblaient familières, lui assaillirent les narines. L’herboristerie. Elle avait été herboriste, elle l’aurait presque oublié, parmi toutes les autres révélations. Les sachets de toile s’alignaient là, parfaitement rangés. Onguents, pommades, feuilles et fleurs séchées… Un monde de paix que celui-ci. Nul doute que ç’avait été sa pièce préférée. Cela ressemblait tant à la maison d’Iseabail !

Syuzanna poussa un profond soupir, et se détourna de l’alignement des étagères qui lentement mais sûrement, prenaient désormais la poussière. Regagnant le couloir, elle s’aventura dans la maison silencieuse. Les enfants jouaient dans un coin. Et Manu était là, comme toujours. De trois ans son aîné, il avait toujours plus ou moins veillé sur elle, même si elle n’avait jamais eu besoin de personne pour se défendre.


- Manu ? Faut qu’j’me souvienne, je tourne en rond et… j’deviens folle. Aide-moi à… Je sais pas. A me souvenir. J’veux r’tourner dans tous ces endroits où que j’ai été avant. Tu veux bien… m’accompagner ? Prévenir les autres ?

* Olivia Ruiz - Elle panique
_________________
Manu.
[De do do do, de da da da
Is all I want to say to you*]



Décembre ou encore un mois de bouleversements. Doucement, la certitude que sa vie ne serait jamais celle d’un paisible villageois ou celle d’un maréchal respecté par ses pairs, s’insinuait en lui. Il n’aimait pas travailler aux champs, encore moins suivre les ordres qu’on lui donnait comme un mouton qu’il n’était pas et qu’il ne serait jamais. Il avait lâché la maréchaussée pour la rousse, sans hésiter ni avoir envie de revenir en arrière. Il s’était en même temps rendu compte de l’hypocrisie de certaines personnes, conciliantes quand on leur rendait un service mais, quand il s’agissait de démission, il n’y avait plus aucune amitié qui tenait. Tous des hypocrites. Qu’ils aillent tous se faire foutre. Serrant les poings, il repense aux changements dévastateurs et irrémédiables qui se sont opérés en quelques semaines. Le retour d’Améline a ravivé en lui une flamme qu’il croyait éteinte. Hésitations et doutes s’en sont suivis. La brune ou la blonde ? La blonde ou la brune ? Au final, déchiré entre les deux, il avait regardé ses rêves et son avenir se briser au départ d’Améline et de Lacienda. Sans espoir de retour. Il n’avait rien fait pour les retenir, ni pour essayer de se faire pardonner de l’une ou de l’autre. Il avait laissé faire, choisissant de faire passer ses enfants avant toute chose.

Et finalement, il n’avait même pas pu aller au bout de son choix. Lacienda avait décidé de partir, emportant avec elle Abigail, fruit d’une ancienne histoire entre le barbu et Liu. Lacienda était là le soir où l’intrépide blonde était partie, abandonnant Abigail derrière elle, et elle avait recueilli la petite, tout naturellement. Elle l’aimait, c’était indéniable. Mais lui, barbu tyrannique, aimait sa fille d’un amour inconditionnel, inébranlable. Elle n’aurait jamais dû la lui prendre, non jamais. C’est MA fille, MA fille, se répétait-il inlassablement. L’histoire se répétait. A la fuite déraisonnée de Maelys, on substituait le départ tout aussi injuste de Lacienda. Les deux lui avaient pris ses enfants, ses trésors. Et, bien qu’ayant aimé ces deux femmes avec force, une part de lui les détestait. Viscéralement. Il avait souffert comme jamais au départ de Maelys qui avait emporté avec elle leur enfant à naître et voilà que la même douleur s’emparait de lui aujourd’hui. Mais pas une simple peine qu’on efface de quelques verres ou de quelques attentions tendres. Non, le manque qu’il ressentait aujourd’hui et la souffrance qu’il en retirait ne le quittaient jamais. Il avait besoin de voir sa fille, de la serrer dans ses bras, de lui dire à quel point il l’aimait. Même si elle était encore trop petite pour comprendre, même s’il n’avait pas été présent dès sa naissance, il avait besoin de sa présence. Des lettres quotidiennes et des visites hebdomadaires ne lui suffiraient pas.

De plus, il refusait catégoriquement que sa fille soit élevée par le mari de Lacienda. C’était inconcevable, jamais il ne tolérerait que sa chair et son sang vive parmi des nobles inintéressants et incroyablement faux. C’était une NicMaonaigh, pas une Longshanks. Jamais il ne l’accepterait, jamais il ne se résignerait. Mais en attendant, la souffrance due à l’absence de sa fille, rappelait ses vieux démons. Il renouait avec l’alcool, rêvait de faire voler des têtes et ne se privait pas de profiter des charmes féminins. Il redevenait aussi volage que cynique. Lorsqu’il était en proie à un désespoir trop grand que même la présence de son fils ne parvenait pas à combler, il se prenait à rêver de bataille. De grandes batailles. De sang. Coulant à flot sur la terre foulée par les chevaux de guerre. C’était dans sa nature profonde d’Ecossais de rêver de combats et cette nature guerrière se rappelait à lui chaque fois qu’il réfléchissait à sa condition. Syu lui avait proposé de partir au combat, il avait accepté. Peu importe le camp qu’ils choisiraient, peu importe la personne dont ils porteraient les couleurs, au final ils ne se battraient que pour eux. Fiers et égoïstes, dignes héritiers du clan MacDouggal, rejetant la peine et la souffrance en les camouflant sous une rage destructrice.

Assis à la table, il ressassait son passé, imaginait son futur et reniait son présent lorsque sa cousine fit irruption dans la pièce. Stoppant net toute réflexion, il leva un sourcil interrogateur dans sa direction. Elle avait l’air déterminée, décidée. L’accompagner, prévenir les autres ? C’est dans ses cordes ça. Sans lui répondre, il se lève et s’emparant de son nécessaire à écrire-laissé en plan sur la table-, il rédige quelques lignes :



De moi, Maonaigh MacDowell dict. Manu
A toi, Sybelle NicAvoy

Syu a besoin d’aide. Sa mémoire. Ramène tes fesses à Sarlat. Et occupes-toi de prévenir les autres aussi. Elle a besoin de nous tous.


Une fois fait, il pli le vélin et le tend à son fils, l’enjoignant de l’amener au « monsieur qui voyage tout le temps », sachant pertinemment que lui et Eilidh aimaient sortir. De plus, ça lui laissait du temps devant lui pour s’occuper de la requête de sa cousine. Se rapprochant de cette dernière, il passe sa main sur son visage, dégageant quelques mèches rousses. Ses mains sont devenues rugueuses à cause du maniement des armes et de la forge, mais son geste est doux. Ses yeux reflètent eux aussi une certaine tendresse.

Je serai toujours là pour toi, ne l’oublie pas. Toujours.

Et, comme pour atténuer ces paroles lourdes de promesses et de vérité, il se dirige à grand pas vers la porte d’entrée. Sans attendre, il ouvre la porte et lance derrière son épaule :

Allez, magne-toi, j’aime pas rester sans rien faire. On va commencer par le lac.


*The Police
Di dou dou dou, di da da da
C'est tout ce que je veux te dire
Sybelle
I'll be there for you
Like I've been there before
I'll be there for you
'Cause you're there for me too...*



Le début de l’hiver avait été doux pour Sybelle. Malgré des retrouvailles agitées avec son aîné et les troubles que connaissait sa cousine, son quotidien auprès de Robin était fait de journées agréables, suivies de nuits tout aussi calmes. Dans les bras de l’homme, la jeune femme avait trouvé un semblant d’équilibre et elle avait clairement mûrit : moins bagarreuse, moins colérique… Ou tout au moins lorsqu’elle ne faisait pas face aux membres de sa famille qui avaient un talent inné pour la pousser aux extrêmes : peu importe les émotions qu’ils provoquaient - et les Dieux le savent, ils en provoquaient beaucoup - elles n’étaient jamais bien dosées. Les joies étaient immenses et la tristesse démesurée. Quant à la colère… Elle était toujours des plus violentes.

Ce jour là, deux émotions chez la rouquine : l’agacement, parce qu’elle n’aimait pas qu’on lui donne des ordres, même par courrier, et l’inquiétude, parce qu’elle n’avait aucune idée de jusqu’à où Syuzanna irait pour retrouver la mémoire. Après avoir rédigé une brève missive à l’attention de la Joy - et c’est tout, parce qu’elle ne voyait pas de qui d’autre il pouvait s’agir quand Manu disait tout le monde - elle c’était mise en route, sous la maudite neige que les Dieux envoyaient sans s’arrêter. Comme si elle n’avait pas déjà assez à faire avec les brigands qu’on trouvait partout.

Malgré ces dangers, c’est une Sybelle frigorifiée mais en parfait état qui arriva à Sarlat. Après avoir prit le temps de se réchauffer et de poser ses affaires dans la chambre qui l’avait vue à moitié morte et qui était devenue la sienne par la force des choses, la rouquine se rendit à la cuisine où elle se fit chauffer une tisane à la menthe poivrée. Sa tasse en main, elle s’installa dans un des gros fauteuils du séjour, devant la cheminée. Le regard perdu dans les flammes, elle sursauta légèrement quand l’énorme chien de sa cousine vint poser sa grosse tête sur ses genoux. Le grattouillant entre les oreilles, la rouquine eut un léger soupire. Elle n’avait aucune idée de comment les choses allaient se passer à présent, mais elle doutait que cela se règle simplement. Et plus encore, elle doutait de pouvoir être d'une quelconque utilité. Après tout, elle n'avait pas tellement de souvenirs en commun avec sa cousine pour les deux dernières années.


C’est une drôle d’histoire mon gros, hein ?

Et tout en continuant de caresser l'animal, elle jeta un coup d'oeil par la fenêtre. Le neige continuait de tomber, recouvrant les traces de pas qu'elle avait laissé en arrivant.
Mais où donc étaient partis Manu et Syuzanna ?



* I'll be there for you, The Rembrants :
Je serai là pour toi,
Comme je l'ai été auparavant.
Je serai là pour toi,
Parce que tu es là pour moi aussi.

_________________
Syuzanna.
« It's a new dawn
It's a new day
It's a new life for me »
*

Syu apprécia la prise en main immédiate de la situation par Manu. Il ne trainait pas, ne tergiversait pas. Il agissait. Et c'était ça qu'elle aimait. L'action. A quoi bon réfléchir des heures et des heures ? Lui n'était pas comme cet imbécile de Prévôt. Lui ne passait pas ses journées derrière son bureau à lire des parchemins, à se demander des tas de choses absurdes.
Le lac, proposa-t-il. Aussitôt, elle fut prête - elle n'avait d'ailleurs rien de particulier à prendre avant de sortir.

La porte fut ouverte, et l'air frais lui fouetta le visage. Elle ferma les yeux, savourant le contact presque sauvage, du vent glacé contre ses joues. Un sourire éclaira brièvement ses traits, tandis que, les yeux fermés, elle profitait de la brise piquante.
Ne s'attardant pas davantage, elle franchit le seuil. Elle fit quelques pas dans la neige, celle-ci craquant sous ses bottes fourrées. Ses déplacements dessinaient des sillons dans l'étendue blanche. L'air sec faisait voleter ses cheveux autour de son visage concentré sur sa quête. S'éloignant de la maison, elle s'aventura près de la surface de l'eau. Une mince couche de gel la recouvrait, et elle s'agenouilla dans la neige, la peau au contact direct des flocons tombés des cieux. Toquant contre la glace, elle se mit à rire, brièvement. Ce ne serait pas facile, pour les sarladais, désormais, de pêcher, dans un lac gelé !

Se relevant, elle croisa le regard de son cousin. Voulait-il lui faire faire le tour ? Cela était-il un lieu de souvenirs en particulier ? Sans attendre, et étrangement pour elle, sans même oser poser de questions sur la nature de l'expérience, elle commença à marcher, fixant les alentours avec intensité. Que voir ? De quoi se rappeler ? Avait-elle, dans cette petite grotte, passé de tendres moments avec son crétin d'époux ? Sur cette petite langue de terre, avait-elle joué avec Eilidh et Touffu ? Avait-elle cueilli des plantes ici, et là ? Qu'avait-elle bien pû faire à cet endroit ? Et à celui-ci ?

Le lac était vaste, et la marche dans la neige dura plusieurs heures, surtout que l'Ecossaise n'avançait pas vite. Elle se tournait de temps à autre vers Manu, mais à chaque fois, elle retenait ce qu'elle avait envie de lui demander. C'était si déstabilisant, de ne rien se rappeler, quand, elle en était sûre, elle avait tant vécu ici !
Alors qu'ils ne leur restaient plus qu'une boucle à parcourir avant de revenir à leur point de départ, elle aperçut, assez près, la silhouette d'un cheval et de sa cavalière remonter le chemin vers les Peupliers.


- Crois-tu que ce soit déjà Sybelle ? s'enquit-elle, parlant enfin depuis un bon moment.

La nuit commençait juste à tomber lorsqu'ils furent de retour. Elle avait envie de recommencer. De refaire le tour de ce lac. Se tournant vers Manu, les sourcils froncés, elle lâcha, visiblement déçue :

- On fait quoi ? On recommence ? On rentre voir qui est arrivé ?

* Muse - Feeling Good
{C'est une nouvelle aube
C'est un nouveau jour
C'est une nouvelle vie pour moi}

_________________
Manu.
Sometimes everything seems awkward and large
Imagine a Wednesday evening in march
Future and past at the same time

Although not ideal for now it's all that I've got. .*]



Il marchait à quelques pas derrière la rousse, observant les moindres de ses faits et gestes. Qu’espérait-il ? Que souhait-t-il qu’elle ait comme réaction ? Un brusque aperçu des deux ans qu’elle avait perdu, des flashs épisodiques qui lui auraient rappelé une partie de ce qu’elle avait oublié ? Il ne savait pas quoi faire, ni quoi dire. Parfois, lorsqu’elle le regardait, il lisait dans ses yeux une multitude de questions qui finalement ne passaient pas la barrière de ses lèvres. Et elle continuait de marcher, s’arrêtant par moments. Alors lui aussi s’arrêtait et observait le lac gelé. Et après le lac, où l’emmènerait-il ? Que lui ferait-il faire ? Jamais il n’avait dû s’occuper de ce genre de situations. Avec Syu tout était toujours différent, incongru. Avec elle, il essayait de s’adapter à chaque fois à une nouvelle situation. Là, il avait l’impression de devoir apprendre à marcher à un enfant. Tout recommencer, depuis le début. Deux ans. C’est tellement long deux ans, comment tout rattraper ?

Sourcils froncés, il avisa un cheval et sa cavalière avant de se rappeler qu’il avait demandé à Sybelle de venir. Dans sa lettre, il avait évoqué « les autres ». Mais finalement, aujourd’hui, le clan se limitait aux deux rousses, à Enjoy et à lui. Il aurait peut-être aimé voir sa sœur mais qu’aurait-elle fait de plus ? Syu attend une réponse. Croisant son regard, il y lit une certaine déception qui lui procure un pincement au cœur. Evidemment, elle s’attendait à retrouver des souvenirs au lac. Il se force à sourire et glissant son bras sous le sien, il l’entraîne vers leur maison.

Rentrons, Sybelle doit nous attendre.

Petite pause, il sait qu’elle attend autre chose, une promesse qu’il n’est peut-être pas en mesure de tenir. Mais il préfère lui donner un peu d’espoir maintenant plutôt que de risquer de la voir sombrer.

T’en fais pas, tu finiras par te souvenir. Peu importe le temps que ça prendra, les souvenirs reviendront.

Il presse le pas, le froid se faisant sentir. Et, inconsciemment, il espère que sa cousine apportera des solutions autres que les siennes. A deux, ils devraient pouvoir arriver à quelque chose. Parce que lui, il est paumé là. En ouvrant la porte il tombe sur un chien et une rousse. Sourire aux lèvres, il s’approche de cette dernière et dépose une bise sur sa joue droite.

Alors, c’est quoi tes idées ? On l’assomme de nouveau pour voir c’que ça donne ?


Un sourire amusé flotte sur ses lèvres et il va même jusqu’à adresser un clin d’œil à l’amnésique. On peut redevenir con et cynique tout en gardant un certain humour en famille…



*Milow-You don’t know
Parfois les choses semblent difficiles et lourdes
Imagine un mercredi soir qui défile
Le futur et le passé au même moment

Bien que pour l'instant il n'y a pas d'idéal, c'est tout ce que j'ai.

_________________
Sybelle
Si j'avais le pouvoir d'oublier, j'oublierais.
Toute mémoire humaine est chargée de chagrins et de troubles.

Charles Dickens


L'attente n'a pas été très longue avant que les aînés de la jeune femme ne revienne. Pleins d'entrain, Manu salut la rouquine et blague à tout va (après tout, la simple pensée que Sybelle puisse savoir quoi faire est risible).

Toutefois, il semble attendre une vrai réponse... Hum... Que faire pour redonner la mémoire à une amnésique ? Par automatisme, le regard de la rouquine se porte vers la cicatrice en forme de demi-lune qui orne le front de son aîné. L'idée de lui donner un bon coup sur la tête n'est pas si idiote que ça après tout. Radicale, certes, mais pas idiote. Cependant il vaut peut-être mieux attendre de ne plus avoir la moindre solution pour la mettre en place.

Mais plutôt que de se demander comment retrouver la mémoire, il serait peut-être bon de se demander de quoi sont fait les souvenirs... Et pour la renarde, les souvenirs ça n'est pas tant des évènements en eux-mêmes qu'une accumulation de sensations. Il y a le parfum que dégage les gens, la douce chaleur du soleil sur la peau ou au contraire le froid mordant, le goût du sang dans la bouche, l'intonation d'une voix...


Eh bien... Si j'avais quelque chose à suggérer, ça serait peut-être de... Te ramener à des sensations déjà vécues Syu'. Des odeurs, des goûts, des bruits... Parce que, ta tête ne se souvient pas, mais ton corps si. Vous voyez ce que je veux dire ? Demande-t-elle, pas sûre d'avoir exposée ses idées convenablement. Nous pourrions par exemple aller dans ton atelier, non ? Tu y passais beaucoup de temps et... C'est là que nous nous sommes retrouvés. C'est là que tu m'as sauvé la vie aussi. Plutôt marquant comme souvenir, non ?

Et sans plus de cérémonies elle ouvre la porte de la pièce, invitant ses aînés à y entrer avant de les suivre et de se mettre à ouvrir pots et sachets pour les faire sentir à l'amnésique, tachant pour sa part de ne pas se souvenir les douleurs qu'elle a subit ici, son corps meurtrit, les plaies par lesquelles sa vie s'écoulait... Vraiment, se souvenir ça n'a pas que du bon.
_________________
Syuzanna.
[Le paradoxe du gruyère.]

Elle les regarda l'un après l'autre, ahurie, ce qui, en cet instant précis, lui donnait un air franchement stupide. L'oeil éteint, elle les écoutait sans les entendre, à des lieues et des lieues de là. Ou plutôt, elle se donnait le temps de la réflexion. La proposition première de Manu l'emballait peut-être un peu trop, et elle eut aussitôt envie de se saisir d'un gourdin et de se l'abattre sur le crâne jusqu'à ce qu'elle se souvienne de tout dans le moindre détail. Mais par un cruel manque de chance, de gourdin, il n'y avait pas dans la pièce. Syu fut donc contrainte d'opter pour la seconde idée venant de sa cousine, les mots ayant fini par se frayer un chemin par l'une ou l'autre des oreilles de la rousse.

Qu'elle l'eut voulu ou non, d'ailleurs, on ne lui laissa pas le choix. Elle fut poussée dans l'herboristerie avec le moins de délicatesse possible, à ce qu'il semblait. Les pots furent ouverts, les sachets quasiment éventrés, et l'Ecossaise ne put que soupirer tristement : dire qu'elle avait mis un temps fou à classer toutes ces petites plantes, jour après jour, et qu'elles se retrouvaient étalées là, sur la table... N'y avait-il pas de quoi ressentir une pointe de contrariété pour le travail qu'elle avait effectué et qui était à présent saccagé ?
Distraitement, elle s'empara d'une poignée de fleurs séchées. De la mauve, d'après l'odeur, la couleur, la texture. Elle reposa les pétales et se saisit de quelques feuilles ; du laurier.

Et brusquement, le silence quasi-religieux qui s'était installé dans la pièe se brisa, et des cris paniqués résonnèrent. Le battant donnant sur l'extérieur s'ouvrit à la volée, un aboiement de chien résonna dans l'air, une silhouette pleine de sang surgit dans l'embrasure de la porte, puis le calme revint.
Syuzanna comprit, vue la figure qu'affichait les deux autres, qu'ils n'avaient rien perçu, et que tout ceci s'était passé dans sa tête. Dans sa tête, à elle. Comme une infîme trace d'un acte passé.
La peau de ses joues, déjà pâles naturellement, prit une couleur de craie sous le choc. Secouant la tête, elle tenta de chasser la peur qui l'avait soudain étreinte en se penchant sur un pot en argile empli d'une substance visqueuse.
Devait-elle leur en parler ? Non, décida-t-elle. Non, pas encore, ce n'avait été qu'un nuage, une brise. Mais une sensation étrange l'avait envahi. Un désir brusque, qu'elle ne pouvait pas contrôler, ni étouffer. Un besoin presque vital. Quelque chose qui bizarrement, n'avait rien à voir avec les plantes. Et qui en même temps, avait un certain rapport. Mais lequel ?


- Paris, lâcha-t-elle. Il faut que l'on aille à Paris.

Elle ne pouvait pas leur expliquer pourquoi. La raison lui échappait. Mais elle voyait l'endroit, là, dansant devant ses yeux. La boutique minuscule tenue par une femme ; des plantes partout, la forte odeur entêtante en entrant dans l'échoppe... Oui, elle reconnaîtrait l'endroit, à coup sûr. Elle saurait où aller.
Relevant les yeux vers ses cousins, Syuzanna les regarda avec attention. Ils n'y comprennaient rien ? Tant mieux, car elle non plus. Le test de Sybelle avait fonctionné. Si son esprit bloquait la source de son passé disparu, son nez ne l'avait pas trahi. Toutes ses odeurs qui la prenaient à la gorge à l'heure actuelle, l'avait renvoyé vers un autre endroit, bien plus lointain que l'herboristerie qu'elle avait bâti de ses mains. La rousse ne savait pas pourquoi, mais le nom de la capitale française s'était imposé à elle comme une évidence.
C'était là-bas qu'elle devrait poursuivre ses recherches.

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