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[RP] Le marché noir de Limoges

Un_vendeur
[Le vendeur = Azazel, le Maître du Marché]



      Moi je viens d'un pays de désert infini,
      Où les caravanes rêvent et flânent.
      Où, pendant ton sommeil,
      Les serpents t'ensorcellent !
      C'est bizarre çà ?
      Mais, eh, c'est chez moi !
      Quand le vent vient de l'Est,
      Le soleil est à l'Ouest,
      Et s'endort dans les sables d'or...
      C'est l'instant envoûtant,
      Vole en tapis volant,
      Vers la magie des nuits d'Orient ! (*)

    "Bienvenue à toi Ô cher visiteur, habitué ou simplement égaré, te voilà arrivé dans le marché noir de Limoges, aussi sombre et éphémère que la nuit, ici tu trouveras ce qui est interdit, proscrit, banni par les bien pensants. Les ventes sont secrètes et ton identité sera préservée, mais gare à toi si tu te joues de nous, au petit matin on pourrait bien retrouver ta dépouille dans le fossé. Simples vendeurs la nuit, nous sommes le jour mercenaires, truands, brigands, voleurs, sorcières, empoisonneuses ou encore assassins. Ici tes rêves prennent vie, et tu peux rendre les cauchemars de tes ennemis réels. Viens donc ! Entre ! Et ne prend pas peur pour ton âme, si tes pieds t'ont guidé jusqu'à nous, au Sans-nom tu appartiens déjà ! N'aie crainte, sauf peut-être pour ta bourse si tu te montres distrait et ton gosier si la prudence tu as oublié. Le marché noir est ton vice, ton amant, ton supplice ! Entre mon enfant !"

    Toujours la même rengaine, le même discours, le même avertissement qu'il prononçait aux arrivants. Lui ? C'est Azazel, fils du Sans Nom et de la Lune, Assassin le jour et Maître du Marché noir qui prend vie la nuit à la porte sud de Limoges, non loin des faubourgs et des rues nobles. Limoges la Belle, Limoges la sombre, qui cache tellement bien ses secrets mais eux chaque soir, la nuit noire tombée, les font exulter et les exploitent avec malice, délice et avidité. Même les plus Belles villes ont une partie pourrie et lui en est le digne représentant. Lui, l’œil Unique, l’intrigant, le metteur en scène de ce théâtre nocturne où les pièces représentées ne sont nullement des histoires d'amour et de vertu. Lui il est le Mal, le Mâle aussi de ses dames, ces ribaudes peu vêtues qui souillent les mœurs de la noblesse. Lui c'est la gangrène ! Ce mal invisible et qui corrompt même les plus pures. Lui nous l'avons déjà dit c'est Azazel !

    Minuit était passé depuis bien longtemps maintenant et Azazel, à la peau foncée et aux cheveux noirs, vérifiait que chacun de ses partenaires occupaient bien les places qui leur étaient assignées. L'homme était craint même de ses congénères, surnommé le "sans-pitié" le "sans-coeur" ou encore le "sans-ame" dans les légendes que l'on contait de lui. Il y était toujours le loup. Ah ça pour sur, le fluide écarlate avait bien souvent souillé ses mains. Mais ce soir il était Maître du marché et la nuit s'annoncerait longue, la nuit leur serait prospère, la nuit ... leur fidèle amie. Les curieux et habitués arrivaient déjà. Son oeil valide repéra alors une frêle silhouette qu'il avait déjà repéré ici une fois. Fine et probablement jeune, bien que son corps laissait voir quelques courbes féminines. Un sourire carnassier étira ses lèvres, ce soir ça sentait la pucelle, propre et parfumée. *Ne t'égares pas petite brebis, ou l'on pourrait bien te vendre, pour combler la nuit d'un seigneur qui s’ennuie. *
    Le pas se fit décidé lorsqu'il alla à sa rencontre. La main basanée de l'assassin agrippa le bras fin malgré la lourde cape qui la couvrait en entier.


    - Alors la Pucelle, t'es-tu égarée ? Ou es-tu une de ces apprenties sorcières de pacotille ?


___________________
(*) Nuits d'arabie d'Aladdin de Disney.

RP largement ouvert bien entendu.
Mahelya
L'ombre pencha la tête pour regarder la main qui l'agrippait. * Azazel ! Te voilà donc enfin ! On m'a souvent parlé de toi. * La voix qu'elle lui servit, était plus grave que celle que tous lui connaissaient. Mais ne s'était-elle pas grimer pour qu'on ne la reconnaisse pas ? Si ! Alors la voix elle aussi devait changer.

- Pucelle ? Gardes donc tes bonnes manières pour les nigaudes qui s'égarent dans ton antre ! Je suis aussi Pucelle que les ribaudes à ton service. Et je ne suis pas venue pour que tu me contes fleurette ! Retires ta main ou je ne donne pas cher de ta peau !

L'avertissement était donné, sans état d'âme, sans flancher, sans trembler, la Flammèche s'était même rapprochée de son assaillant comme pour donner du poids à ses paroles. *Je suis ici pour affaires et si tu crois que tu me fais peur c'est mal me connaitre. Rien ne m'empêchera d'obtenir ce que cette nuit je suis venue chercher ! Rien pas même toi qui fait la pluie et le beau temps ici. *
Le geste de l’Étincelle fut lent, mais le rayon de lune l'éclairait parfaitement. La lourde cape fut repoussée sur le coté de la hanche, la faible lueur de l'astre nocturne éclairait le pommeau de sa dague. Le bluff et le mensonges marchaient souvent et même si l'Azazel n'était pas dupe quant aux chances de la Frêle face à lui, il comprendrait certainement qu'elle n'était pas venue là pour plaisanter. Lorsque enfin il lâcha sa prise, elle ramena le lourd tissus sur sa silhouette sans détacher son regard du Cicatrisé. Et oui la Petite Flamme avait grandi depuis sa dernière visite en ces lieux, elle avait grandi, appris, mûri bien qu'en vérité elle était toujours pure. Et même si tous ses sens étaient en alerte à lui crier à corps et à cris "Danger", elle ne rebrousserait pas chemin, ne ferait pas demi-tour, ne tournerait pas les talons. La raison de sa venue ici était bien plus importante que ses craintes : Sa Mère !

Les sinoples dissimulés sous le capuchon de sa cape noire comme la nuit, toisaient encore la carrure massive du Maître du Marché à la peau sombre. * Je sais qui tu es ! Je sais où je suis ! Laisses-moi donc passer ! La nuit tous les chats sont gris. La nuit tout le monde porte un masque, cette nuit je ne suis plus Mahelya, mais une cliente de ce marché interdit. J'en connais les us et les coutumes, et les prix aussi. Sois mon guide ou passes ton chemin, je n'ai pas de temps à t'accorder pour tes mises en garde inutiles. *
Le vert de ses prunelles ne quittait pas l'Azazel mais l'Incandescente se montrait farouche en s'éloignant d'un demi pas de son interlocuteur. L'aiderait-il ou pas ? En un sens peu importe, il lui restait quelques heures pour trouver ce qu'elle voulait. Quoiqu'il en soit, elle ne devait montrer aucune faiblesse ici aussi reprit-elle immédiatement la parole.


- Sorcière de pacotille ... je t'en foutrai moi ! Me prends-tu donc pour une imbécile ? Je te dis que je suis une sorcière et demain je me retrouve avec les fers ? Le maître-mot de ce lieu n'est-il pas discrétion ? Tu n'as pas confiance en moi tout comme moi en toi. Ne cherche pas à savoir qui je suis. Conduis-moi plutôt aux médecines interdites. Celles qui parlent d'actes de chirurgie lors de délivrances.

Un ordre ? oui c'était un ordre ! Mais c'est ainsi que l'on faisait des affaires ici. Et Justement la Flammèche était là pour ça, les affaires. Rien ne la détournerait de son but premier à savoir sauver sa mère quoiqu'il arrive et ce quoiqu'il en coute à son âme.
_________________
Un_vendeur
[Le vendeur = Azazel, le Maître du Marché]



    L’œil unique la scrute. Et le sourire s'étend sur les lèvres du Sombre davantage amusé que carnassier. Elle a du tempérament, probablement inconsciente de s'adresser ainsi à lui, à moins qu'elle ne soit folle, ou alors ce qu'elle vient chercher lui ai plus que précieux. Et la curiosité de l'Assassin s'affute, s'aiguise, quelle est donc cette chose si importante pour Elle ? Pas le temps de lui poser la question. La Frêle le menace, lui, le Maître, L'Azazel, il s'en délecte, s'en félicite et jouit pleinement de ce moment sous les rayons bienveillants de l'astre rond. La situation est presque aussi plaisante qu'une partie fine. L'ombre est vive d'esprit, rares sont ceux qui osent lui répondre de front, plus rares encore ceux qui lui montrent une arme pour qu'il cesse son manège. Elle, elle le fait sans état d'âme, sans tremblement, comme ça, sans préambule, sans trace de peur, et pourtant elle a quoi ? 16, 17 ans tout au plus ? Toujours est-il que déjà il la respecte pour ça, il la respecte autant qu'elle ne l'intrigue. Que fait-elle ici ? Soyons clairs ! Tous ses mystères autour de la silhouette fine ne l'effraient pas ! Jamais, Le Mal ne peut trembler devant son propre reflet, et puis le Basané est parfaitement conscient qu'une petite rafale de vent viendrait à bout de cette silhouette. Un geste, une claque et la Pucelle – car oui, il restait persuadé qu'elle l'était – se retrouverait dans le fossé... Mais soit ! Elle voulait jouer ? Alors il ouvrirait pour Elle les portes du Théâtre interdit : * Voyons comment tu t'en sortiras, Pucelle, lorsque que tu te trouveras au milieu de ma scène, mais pour l'heure soit, jouons ton jeu. Voyons jusqu'où garderas-tu ce masque qui te sied pourtant si bien ! * Alors doucement les doigts masculins se posent sur l’épaule de l'Ombre, courant doucement sur tout son long.

    - Il est fort dommage que tu n'ais plus de virginité à proposer, m'est d'avis qu'une jolie plante comme toi m'aurait rapporté un bon prix quoique tu es bien frêle, La Brindille... Peu importe, un hymen trouve toujours acquéreur, au pire des cas, j'aurai pu en profiter... Mais si les affaires en compagnie de mes filles te tentent n'hésite pas.

    S'il la provoque ? Bien entendu ! Elle n'est rien mais elle le rend curieux. Il la toise alors, encore un peu, est-elle vraiment folle ? S'est-elle égaré ? Comment réagit-elle à sa provocation ? L'ombre n'agit pas ici comme les clients habituels, elle n'a pas la même odeur et la qualité de sa mise est bien supérieure à celle qui côtoie le Marché Noir de Limoges. Pourtant elle semble connaître les lieux, et même si elle ne le montre pas lui, l'Azazel qui ne l'a aperçu qu'une fois, devine qu'elle sait qui est son Interlocuteur de l'instant. * Quelle folie ! Une proie se glisse seule sous ses crocs ! Te voilà encore plus culotté ! Alors Limoges, jolie pomme mystérieuse, y aurait-il déjà quelques vers qui grouillent dans ta chair juteuse ? * En tout cas, Elle forcerait presque l'admiration avec son aplomb si particulier. Et lui, le Mâle en éprouverait certainement, s'il ne voyait pas en chaque femme, une ribaude de plus, ou une conquête à ajouter à sa collection. L'oriental n'a pas de cœur, juste un boulier pour calculer et des besoins humains qu'il faut assouvir... Plus tard peut-être. L’œil unique détaille la silhouette fine de bas en haut.

    - Hum ... Médicastre ou apprentie bouchère ... Et bien ... Que de belle promesses pour une si frêle. Viens suis-moi, c'est par ici.

    Et sans s’épancher davantage, il l'entraine à sa suite dans les dédales des étales de fortunes. Tous les présentoirs se pliaient facilement, ainsi lorsque le guet passait, lui et ses camarades perdaient à peine quelques secondes à tout ranger. Impossible de les attraper ou de les prendre sur le fait quelques éclaireurs veillaient sur les toits des maisons les plus hautes, sifflant au moindre mouvement des autorités...
    Fier, orgueilleux, le Maître se mouvait comme bon lui semblait, faisant fi des gens qui croisaient son chemin, et si parfois il lui arrivait d'écraser un ou deux pieds c'est les Victimes qui s'en excusaient. Sa progression était lente, de temps à autre, l’œil unique scrutait l'Ombre à ses côtés, muette, silencieuse. Si Elle était impressionnée, rien dans son attitude ne le laisser entrevoir. * Décidément cette nuit était pleine de surprises ! * Le sourire du Basané s'étira plus encore, retrouvant cette étincelle de lubricité.


    - Tiens c'est là ... Demandes donc à l'Hélvèthe ce que tu viens chercher... Mais dis-moi ... si le prix pour obtenir ce que tu veux est de passer entre des draps ? Que fais-tu ?

    La provocation encore est toujours, il n'était pas prudent jeune fille de t'aventurer seule là !
Cardenas.


    La nuit... Un des quartiers de la capitale se transformait en un repaire pour toutes les ombres, le marché noir se créait dans ces ruelles dès que l'astre nocturne s'élevait. Lieu d'excès, tout ce qui était prohibé le jour dans la belle Limoges devenait soudainement possible, des désirs à assouvir aux services les plus sinistres, l'on disait que chaque demande trouvait satisfaction, du moins personne ne se plaignait longtemps au risque d'une visite de celui qui s'autoproclamait Maître de l'endroit, la plupart des vendeurs ici se soumettait à la loi dictée par ledit Azazel, ce dernier était la figure du marché et faisait en sorte que celui-ci perdure, et s'étende peu à peu, pour le plus grand bonheur des receleurs. Cárdenas en faisait partie, le vieil occitan avait pu écumer tant le sud du royaume que la mer le bordant, bien que la vie mouvementée lui avait permis de goûter au sang comme à la fortune, il avait choisi de terminer ses jours au calme... Ce qui ne signifiait pas cependant se repentir. Loin des provinces où les douanes connaissaient suffisamment ses traits pour le mettre au fer, l'homme s'était installé marchand honnête au Limousin, et revendeur frauduleux lorsque l'occasion se montrait. Contacts et connaissances qu'il avait accumulés lors de ses voyages lui permettaient de parvenir à ses fins dans chaque requête qu'on lui faisait, du moins c'était ainsi qu'il s'en vantait devant tous ceux ayant la bourse assez gonflée d'écus. S'il n'était ni bon, ni foncièrement mauvais, Cárdenas devenait intransigeant avec quiconque se mêlant de ses affaires avec une curiosité dérangeante, il était inutile de jouer pour tromper le négociant, il n'hésitait pas à se débarrasser purement et simplement de ce qui entravait son commerce.

    Il présentait une étale couverte de ses produits, un désordre constant, des manuscrits entassés protégeaient le brillant de colliers ou bijoux qui devaient notamment attirer le regard du client, au sol dépassaient d'une besace de cuir les gardes d'épées toutes différentes, les lames tranchaient la chair comme du papier, disait-il aux intéressés. A ses pieds, une caisse de bois contenait des documents jugés plus précieux mêlés à des bouteilles et des fioles poussiéreuses. De tout, il vendait de tout, mais il n'avait certainement pas le monopole et d'autres se spécialisaient dans des domaines, du charlatan criant à l'élixir de vie au débrouillard écoulant une réserve de victuailles que l'on aurait dû voir sur les tables nobles.
    Cárdenas surveillait les badauds qui erraient dans l'éphémère marché, un gamin l'aidait depuis un certain temps, récupéré dans la rue, l'occitan l'avait pris à sa charge, se déclarant comme son oncle bien qu'aucun lien n'existait entre lui et le garçon, mais il tirait gratuitement avantage du môme. Le receleur avait reconnu une carrure, Azazel faisait sa ronde habituelle pour provoquer les visiteurs mais ô surprise, il était accompagné. Serait-ce une taille et une silhouette féminines sous cette cape ? L'oriental semblait s'amuser... Il avait recruté une énième coureuse de rempart ? Le vieux n'oubliait pas qu'il avait à ce propos une dette envers le borgne pour passer quelques soirées avec l'alcool et ses ribaudes, néanmoins sa crainte du supposé Maître était plus faible que la moyenne, l'assassin avait beau être fier et rentrer entièrement dans le rôle du truand, fils du Sans Nom, avec son unique oeil l'ancien mercenaire le pensait surtout bon pour menacer s'il n'était pas entouré d'un de ses sbires. Il suivait l'avancée du nouveau couple, bientôt intrigué par la seconde personne; il avait jugé trop vite, capuchonnée ainsi ce devait être une cliente... Ils s'approchèrent encore, et vinrent à l'étale voisine. Bingo.
    Un sourire fendit le visage du marchand, d'un geste de la main il fit signe au gamin de veiller à sa place avant de rejoindre Azazel et son invitée. Qu'importe ce que voulait la femme, il n'allait pas laisser facilement cette occasion à l'helvète, chacun pour sa pomme et sa bourse quand il s'agissait de faire du chiffre. Cárdenas, main à la ceinture, voulut apercevoir le visage dissimulé et confirma l'idée que l'oriental avait débauché une jeune. Le marchand entendit seulement les derniers mots d'une éternelle provocation et s'interposa, goguenard, avant qu'il n'y ait réponse.


    - Cesse d'effrayer les mignottes qui s'aventurent par ici lo bòrnhe, d'autres le font déjà et l'une de tes filhetas pourrait mieux réchauffer tes braies. Se tourna vers l'inconnue et baissa d'un ton sa voix rocailleuse. Bonser e benvenguda jovena, soi Cárdenas, marchand réputé et sûr que j'ai ce que vous cherchez, damisela, dites moi et je peux vous arranger un prix, mais un conseil n'allez pas ici, l'on vous donnera n'importe quoi per vostre argent.*

    A travers la barbe grisonnante, le sourire de confiance s'élargit pour dévoiler des rides de plus et des dents jaunies. Le visage buriné par le temps fixait la Frêle, il pouvait bien profiter d'un moment d'inattention du voisin pour rafler une commande.
    _________

    * Dans l'ordre : "le borgne" ; "l'une de tes filles" (dans le sens prostituées) ; "Bonsoir et bienvenue jeune fille, je suis Cárdenas" ; "damoiselle" ; "pour votre argent"
Mahelya
    La décadence ne peut trouver d'agents que lorsqu'elle porte le masque du progrès.

(de George Bernard Shaw Extrait du Bréviaire d'un révolutionnaire)

Le contact des doigts de l'Assassin, malgré les couches de tissus qui l'en séparait de sa peau au teint de perle, la révulsait. Le malaise pointait en même temps que cette irrépressible envie de vomir. Fallait-il que la Flammèche soit tombée bien bas pour ne pas broncher et ne rien laisser paraître de la nausée qui l'envahissait pourtant. L’Étincelle ne bougeait pas, ne tremblait pas, en fait elle avait gardé le masque de la neutralité, non seulement sur son visage dissimulé mais aussi dans son attitude, concentrée qu'elle était sur sa mission de la nuit : Le livre sur les césariennes. Seul ce recueil importait car en cas de complications, lui seul pourrait sauver la vie de sa Mère lors de la délivrance. Seul cela importait, et si le Borgne en profitait un peu, tant pis mais elle se fit la promesse silencieuse que s'il allait plus loin elle le remettrait à sa place, même si pour ce faire l'usage d'une lame était nécessaire.

L'Ombre sans mot dire emboita le pas du Maître des lieux. Sous la capuche, les prunelles observaient, scrutaient l'environnement, surtout pour retrouver son chemin dans le dédale des étalages. A droite, une envoûteuse proposait quelques filtres. Le chemin était étroit et les sinoples eurent loisirs de lire quelques étiquettes ; "Filtre d'amour", "poison d'amour", "amour éternel", "amour charnel", "être performant au ... ". Dommage le reste du parchemin était dans la pénombre. Un fin sourire étira les purpurines dissimulées. Puis le regard se porta sur la gauche, là un soit-disant "sorcier" vendait divers ingrédients, des pattes de lapin, de la bave de crapaud en pot et d'autres objets tous plus étranges les uns que les autres. Sous son capuchon, la Flammèche se demandait qui pouvait bien acheter ce genre d'articles, car en vérité, ils n'avaient aucune propriété particulière. * Des attrappes-nigauds sans aucun doute. * Plus loin, il y avait une diseuse de bonne aventure, un guérisseur, un groupe de ribaudes qui attiraient les passants en dévoilant leurs gorges. Bien que prude, ce grand déballage ne gênait pourtant pas la Frêle, le masque qu'elle s'était attribuée pour la nuit, lui collait non seulement à la peau mais aussi aux pensées. La nuit la faisait autre. l'Obscurité appelait l'Ombre.

Enfin l'Assassin s'arrêta devant un présentoir de fortune. Toujours dissimulée à son regard, la Petite Flamme se tourna pourtant dans sa direction. Il lui expliqua alors qu'elle trouverait son bonheur auprès d'un Helvète. Bien entendu, le Maître des lieux ponctua son information d'une nouvelle provocation, la Rouquine allait y répondre quand un homme à l'accent chantant vint les interrompre. * Sauvé Azazel, mais tu ne perds rien pour attendre. * Pour l'heure l'attention de la Frêle se porta sur le nouveau comédien de la scène.


- Merci Cardenas, je serai ravie de te faire part de ma demande. Mais qui me dit que tu n'en veux pas toi non plus qu'à mon argent ? Toutefois ! je t'accorde crédibilité pour cette fois et si ton prix me semble trop élevé, il me restera l'Helvète. Cherches moi donc le livre de médecine interdite, sur les césariennes en particulier et fixe son coût, pendant que je règle une affaire.

Comme depuis le début, la voix était plus grave, le ton assuré, presque sec. * Je ne suis pas là pour me faire des amis. Et tu vas vite le comprendre ! * Sans attendre son reste, l’Étincelle fit volte-face à l'Assassin. La fine silhouette se rapprocha, encore et encore jusqu'à le frôler. Doucement, elle leva le minois, juste assez pour que les rayons de la lune éclairent sa cicatrice qui fendait sa lèvre supérieure. * Ne cherches pas à savoir qui je suis ! je t'avais prévenu !* Alors doucement elle se hissa sur la pointe des pieds, le souffle s'échappant de ses lèvres purpurines effleurant la peau du Cicatrisé et dans un murmure elle lui dit :

- Ne passent entre mes cuisses que les couronnés qui peuvent m'apporter écus sonnant et trébuchants ! Toi ! tu n'as rien à m'offrir que je ne puisse me payer moi-même ! Cesses donc de me provoquer l'Azazel ! Tu ne sais pas à qui tu as affaire.

Alors doucement, la Frêle virevolta pour retrouver le commerçant au visage buriné, étrangement elle était plus encline à faire confiance au vieillard qu'à l'Assassin et son Helvète... Une pointe de fierté fleurissait dans ses entrailles, elle s'était promis de le rabrouer, elle s'était jurer de ne montrer aucune faiblesse. N'était-ce pas ce qu'elle venait de faire ? Malgré cette joie éphémère, rien ne transpirait dans son attitude, aussi ce fut sur le même ton qu'elle s'adressa au marchand.


- Alors ? l'as-tu ? et quel est ton prix ?


Pas de doute possible, la Rouquine portait parfaitement le masque de la décadence, mais c'était pour le progrès de ses connaissances en médecine : pour la bonne cause en somme. Du moins, le voyait-elle comme ça.
_________________
Cardenas.



    Elle était bien sûre d'elle la Frêle ! Le vieil occitan la détailla à mesure qu'elle lui donnait sa réponse, petite et maigrichonne, la pucelle n'avait pas l'accent des gueux et parlait avec un aplomb qui risquait de lui jouer des tours dans ces ruelles, mais mieux valait dissimuler ici peur et sentiments. Cárdenas s'inclina brièvement pour la remercier de sa supposée confiance et l'invita à le suivre à son étal, à quelques pas d'eux. Il eut un simple regard pour Azazel, s'il était certes satisfait de trouver cliente, il se demandait toujours d'où l'Assassin l'avait débusquée. Le receleur revint à son prétendu neveu et le dégagea du cageot de bois faisant office de tabouret, tandis que l'homme fouillait dans sa marchandise le garçonnet en haillons ne trouva rien de mieux que de s'accouder et d'observer curieusement la jeune fille, elle n'était pas comme les ribaudes, ni le reste des farfelues que l'on rencontrait à ce marché, envoûteuse ou sorcière de pacotille. Le petit brun ne s'attarda pas sur l'oriental, il avait suffisamment entendu les recommandations et les critiques de l'oncle sur le sans-coeur pour désirer passer inaperçu aux yeux du soi-disant Maître.
    Cárdenas, soudainement fier d'avoir dégoté ce qu'il voulait, retourna à la rousse, posant un livre aux reliures de cuir usées devant elle et conservant des parchemins roulés dans l'une de ses mains. Il se pencha vers elle, lui faisant signe de s'approcher également avant de marmonner à voix basse.


    - Je tiens ce manuscrit d'una vièlha amiga, tu ne le trouveras pas ailleurs, mas avisa, attention à ce qu'on ne sache pas qu'il est en ta possession. Tu trouveras ce que tu cherches, tant sur les césariennes et la délivrance, que per asortar... Hm, enfin tu vois ce que font les faiseuses d'anges.*

    Il se recula, gardant seulement ses sombres iris sur la jeune fille. Plusieurs mois auparavant, il avait débarrassée une femme de ce livre avant qu'on ne découvre ce qu'elle pratiquait, de là à dire qu'elle fut plus qu'une connaissance... Le commerçant enjolivait constamment ses histoires, il comptait en faire de même avec ce qu'il avait en main. Il avait récolté ces écrits quelques semaines plus tôt, hors de Limoges, il avait rencontré en taverne un médecin qui paraissait ce soir-là considérer l'alcool comme remède à sa morosité. L'inconnu lui avait dit que des rumeurs de maladies venant de contrées lointaines circulaient dans le royaume, il avait commencé à regrouper des informations et des formules d'élixirs... La suite dévia sur les problèmes d'argent, et les mille malheurs dont il s'accablait. Une fois l'homme plongé dans ses chopes, le marchand avait dérobé quelques unes de ses notes, pensant qu'il pourra refourguer ces formules à d'autres médicastres curieux. Le travail des uns pouvait bénéficier aux autres, et lui faisait du profit. Ravi qu'on lui parle médecine ce soir, il saisit l'occasion de caser ces vélins.

    - Tu me sembles attirer par la médecine, tu as entendu parler des nouvelles maladies se propageant dans ce royaume ? Si tu es intéressée j'ai là qualques précisions sur elles et leurs remèdes que tu n'as pas dans toutes les bibliothèques, vu leur rareté je pensais les négocier à un mètge, mais... Pour ton joli minois je te vends le tout avec le livre per cent cinquanta écus solament. C'est une affaire, qu'en dis-tu, gojata ?**

    Ah pour sûr, l’helvète n'avait pas cette qualité, ni sa débrouillardise. Les livres sur la médecine n'étaient pas courants, surtout sur les méthodes allant à l'encontre des dogmes de la société, Cárdenas se demanda si l'audacieuse tentera de baisser le prix.
    _______
    Dans l'ordre :
    * "d'une vieille amie" ; "mais prends garde" ; "que pour avorter"
    ** "quelques" ; "à un médecin" ; "cent cinquante écus seulement" (c'est pas la mort à deviner hein) ; "jeune fille ?"
Un_vendeur
[Le vendeur = Azazel, le Maître du Marché]



    L’œil unique s'assombrit quand le vieux ose se mêler de ses affaires, le Sombre dévisage l'intrus et l'Ombre. Non seulement l'importun s'occupe d'une transaction qui ne le regarde pas mais il soustrait au chasseur sa proie de la nuit. L'instinct de l'assassin ne le trompait jamais et Elle, elle éveillait sa curiosité et sa possessivité. *Si tu crois que tu es sauvée pour autant Pucelle tu te trompes.*. Toujours est-il que l'humeur presque "sympathique" de l'oriental disparut au fur et à mesure que le Cardenas raffermissait sa prise sur la potentielle cliente. Cela était déjà bien assez inconvenant pour le Maître des Lieux, qu'un commerçant ne reconnaisse pas son autorité ici, ou plutôt qu'il s'y oppose, lorsque la silhouette noire cru bon une nouvelle foi de le rabrouer tout en l'allumant un peu. Elle l'avait frôlé, l'avait approché, l'avait effleuré, et Lui, L'Azazel avait eu tout loisirs de se délecter de son parfum. Une essence de Rose avec un pointe de Lavande. Bien loin des odeurs de crottins et de mâles que ses filles empestaient déjà à cette heure. Une odeur fine, délicate, subtile, enivrante jusqu'à l'ivresse... Se pouvait-il que la Pucelle soit de haute extraction ? * Que viens-tu faire dans les bas quartiers, Coquine. Chercher un peu de sensations fortes ? Esquiver ton monde de coton ? Côtoyer le grand méchant loup ?Ce n'est pas le joli monde rose des poneys ici et tu vas l'apprendre à tes dépends jeune fille ! *

    L'Azazel prend le parti de ne pas répondre à l'ultime provocation de la silhouette Frêle. au lieu de cela, l'oeil sombre se pose une dernière fois sur le visage buriné du récalcitrant à son autorité. * Tu me paieras ça Cardenas ! Crois-moi ! * Le regard s'attarde un temps sur le vieux pour glisser sur le soit-disant neveux. Des idées, des images, des envies... Plus tard l'assassin plus tard... Puis l'Unique se tourne alors vers l'Ombre qui déjà s'éloigne de lui. Un rictus carnassier se dessine du coté de la Balafre qui divise son visage, et sans mot dire, il tourne les talons, disparaissant dans la masse de clients et de vendeurs... Ses pas, le guident vers son Barbare. La main se pose sur l'épaule du Géant. Comprenant immédiatement le Barbare s'éloigne de la Foule et suit son Maître. Car oui le Sans-Coeur avait une mission pour son Fidèle.


    - Écoutes moi bien, il y a une Frêle silhouette qui est avec le Cardenas, suis-là ! Découvre qui elle est, où elle habite, qui elle fréquente, si elle a de la famille. Bref trouves-moi tout sur elle et ne me déçois pas ! Si tu me satisfais tu seras récompensé. Et n'envisage même pas une autre possibilité que de me satisfaire.
    Ah ! et je te le précise parce que je connais ton goût pour la chair, tu ne l'as touche pas. Pas un seul cheveux ! elle est à moi ! verstehend (*) ?


    Il avait parlé à voix basse, même ici, même chez lui, il n'était pas à l’abri d'oreilles indiscrètes. S'assurant que le Barbare avait bien compris la menace sous-jacente, l'Assassin pointe le doigt en direction de l'étale du Vieux Cardenas, le sourire cruel déformant son visage abîmé par l'acier.

    - Va !


________________
(*) Compris ? (allemand)
Mahelya

Elle est loin très loin de se douter de ce qu'il se trame dans son dos. En fait l'Etincelle était fière d'elle, rassurée aussi d'avoir eu le cran de ne pas se laisser faire. Non pour elle, elle n'a rien fait de mal, n'avait déclenché la colère de personne. *Tu es bien naïve jeune Fille !* Aussi c'est sûre d'elle qu'elle rejoignit le Cardenas. Toujours dissimulée, la Fine observe, détaille, analyse le livre qu'il lui tend. L'ouvrage avait déjà semble-t-il bien vécu, le cuir était usée, la reliure n'en parlons pas, et ça ce n'était pas forcément bon signe, il y avait sans doute eu de nouvelles, recherches, de nouvelles éditions. Mais si c'était là le seul ouvrage disponible dans tout Limoges. Voilà qu'elle était devant un cruel dilemme. La fine main blanche apparait enfin de sous la cape tandis que l'Ombre se penche. Hésitant, elle l'approche cependant un peu du grimoire salvateur pour sa Mère. Sans un regard pour le commerçant, sans bouger comme hypnotisée par le trésors devant elle, La Silhouette noire murmure juste de sa voix grave improvisée :

- Je peux ?

Sans réellement attendre de réponse, la Flammèche l'ouvre, concentrée, c'est à peine si elle entend l'histoire de cette vieille amie. De toute façon ici, ils disent tous cela. Alors, l'Ombre regarde, guète le moindre défaut, tout devient prétexte à marchander le prix qu'il lui annoncera. Ici si tu ne marchandes pas, tu n'es pas un homme. Bon d'accord l’Étincelle n'est pas un homme, mais elle n'est pas un pigeon non plus encore moins une buse. Pas là pour se faire des amis, c'est bien ce qu'elle avait pensé un peu plus tôt. * Mais alors Petite Flamme tu es bien loin de te douter, que c'est des ennemis que tu risques de réveiller. * Les doigts caressent, effleurent les parchemins enluminées. Quelques schéma, quelques représentations d'intervention, la liste du matériel nécessaire. Conquise, cette version suffisait amplement. Délicatement elle referme le livre et la Silhouette fait face au visage buriné. * C'est parfait mais, si tu crois que je vais accepter sans discuter ... Tu te trompes et la flatterie ne fonctionne pas sur moi. *

- Mon joli minois, je suis certaine que tu dis cela à toutes tes clientes... 135 écus pour le tout, le livre est très abîmé et ce n'est pas la dernière version. Hors je suis un peu pressée aussi m'en accommoderai-je. J'ai ce qu'il faut sur moi. Pas de délais de paiement.

Dire qu'elle se baladait avec environ cent cinquante écus sur elle n'était sans doute pas la chose la plus intelligente qu'elle ait faite de la soirée. De son point de vue évidement. Il se pourrait bien qu'elle est fait bien pire. Dans son dos, une silhouette massive, immobile à peine dissimulée par la foule qui se pressait maintenant vers les étales, observait le moindre de ses mouvements. Mais l'Incandescente obnubilée par le précieux bouquin avait baissé sa garde et ne l'avait pas remarquée. Visage aux tâches de Rousseurs encapuchonné en direction du vieil homme, elle attendait sa réponse. * Allez ! Conclu l'affaire et je t'en débarrasse. *

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(*) traduction : C'est mon décembre
Ce sont mes rêves couverts de neige
C'est moi qui fait semblant
C'est tout ce dont j'ai besoin
Linkin park My December.

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Cardenas.


    Pour le moment l'occitan se souciait davantage de sa vente que de l'imprévu qu'il avait causé à l'oriental, ce dernier n'avait pas dû prévoir de belles choses pour l'encapuchonnée puisque fuyant dès que Cárdenas réussit à attirer l'inconnue, le borgne aurait pu attendre la fin de la vente ou y participer en forçant les prix, mais rien, il s'en allait avec son amertume et laissait le receleur à sa méfiance. Le vieil homme n'était pas stupide, il savait pertinemment que troubler l'ordre établi, même si celui-ci était officieux, ne restait pas sans conséquence. Malgré son âge, le mercenaire presque repenti comptait encore sur sa solidité, la vie l'avait mené jusque là, n'était-ce pas preuve d'une constitution sortant de l'ordinaire ? Ou d'une chance dans ses aventures. Seul à seul, il pourrait donner leçon d'armes aux jeunes que recrutait Azazel, mais le souffle ne le ferait pas tenir longtemps. Cárdenas montrait guère ses faiblesses, le faire une seule fois suffisait et l'on devait plier l'échine devant un caïd. Évitant toutefois les ennuis, le grisonnant pensait avoir assez de connaissances à travers ce royaume pour s'en sortir, ou assez d'argent pour pour engager de vrais hommes d'armes... Le travail se perdait et se faisait ronger par les brigands. Ah, à son époque, tout était mieux, bien sûr... Sauf qu'il aurait voulu avoir les écus qu'il cachait aujourd'hui avec une avarice maladive.

    Retour à cette vente, il ne vit pas d'inconvénients à ce que la pucelle tâte et examine la marchandise. Avec ses belles paroles, il pensait avoir visé juste, il ne s'intéressait pas tant à ce qu'elle allait faire avec ces manuscrits, chacun ses affaires, et le lui demander aurait pu refroidir encore plus le masque impassible que la rouquine portait depuis son arrivée. Elle observait le papier jauni tandis que l'occitan baladait brièvement son regard d'ébène sur les passants et les formes mouvants près d'eux, il s'arrêta sur le colosse qui était à quelques mètres de l'étale, comment être discret lorsque l'on fait cette taille ? Et que l'on a le vide d'entre les oreilles empli de choucroute allemande... Cárdenas connaissait ledit Barbare - à l'image des muscles et de son accent - du moins l'avait vu avec l'Assassin, il se demanda simplement s'il était venu pour lui, ou pour la Frêle. Plissant ses yeux, le marchand fut sorti de sa vigilance à l'encontre du Géant faussement perdu dans la foule, par la rousselote. Il reprit aussitôt son sourire et l'enjouement habituel lorsqu'il voulait mettre en confiance le client.


    - Ah non, te prometi, un joli visage, cela se remarque plus que tu ne le penses ici...*

    Pas de délais ? Elle devait cacher bien des choses sous sa cape la gamine. Elle avait donc osé négocier, mais on ne la lui fait pas au receleur, pour qu'elle accepte de payer telle somme, la bourse de la belle devait avoir les cent cinquante, ou deux cents écus... Qu'elle dissimulait visiblement très bien. Après vérification que la face de brute errait toujours dans la rue, et dans le dos de la petite, le ton badin de Cárdenas se transforma en un timbre caverneux. Il posa une main sur le livre usé et se pencha pour que seule Mahelya puisse deviner ses mots.

    - Je t'ai dit que c'était rare... Per los cent quaranta, tout est à toi ... Tu as bien cinq écus qui traînent, non ? Et à ce prix-là, je te dis comment sortir de ço mercat en un morceau. Lo bòrnhe t'a guidée jusque là, mais tu n'es pas une habituée, vertat ? Vois lo gigant derrière toi, il nous surveille depuis un momenton et je parierai mon or que ton minois l'intéresse ... Marché conclu ?**

    Pensez-vous qu'il souhaitait l'aider ? Peut-être était-ce une infime raison, mais c'était surtout un enjeu sur la présence du Barbare, et le fait de récolter une cliente de plus. Si elle était satisfaite, elle ferait sûrement de nouveau appel à ses services, et ce n'était pas Azazel qui lui achetait des vélins pour une centaine d'écus chaque soir. L'occitan fige ses iris noircies dans les émeraudes, Limoges change la nuit, sais-tu vraiment où tu es Étincelle ?
    _________
    Dans l'ordre :
    * "je te promets"
    ** "Pour (les) cent quarante" ; "de ce marché" ; "Le borgne" ; "pas vrai ?" ; "Vois le géant" ; "depuis un petit moment"
Mahelya
La nuit épaississait son manteau sombre, même les étoiles rencontraient quelques difficultés pour scintiller pleinement, un voile de nuage opacifiait leur éclat. Pour un ou une superstitieuse cela pouvait être de mauvais augure, signe que quelque chose de Mal allait s'abattre d'ici peu et que mêmes les diamants dans le ciel préféraient en détourner les yeux, se dissimulant derrière de volutes noires, préférant ainsi les Ténèbres, au spectacle du soir. Dans son fort intérieur le palpitant de l’Étincelle, battait légèrement plus vite qu'il y avait quelques instants. Une gêne encore inconsciente s'insinuait vicieusement dans son être, disloquant quelques peu le masque rigide qu'elle arborait depuis le début de son escapade. Tout le monde connait cette sensation étrange d'être observée plus que de raison, comme si quelqu'un invisible tentait de vous sonder au plus profond des chairs. Et bien c'était exactement ce qu'elle ressentait en cet instant. Un frisson désagréable parcourait son échine, et la chair de poule courait sur sa peau. Toujours dissimulée, sous son épaisse cape, L’Ombre tentait de mettre un mot, une silhouette, une regard sur ce qui lui vrillait les sens. Discrètement les sinoples balayaient la foule, frénétiques, en quête du moindre danger suspecté ou avéré. Rien ! Oui !... elle ne remarqua rien. Pas même le Géant. Puis après tout, elle avait été parfaite dans le rôle qu'elle s'était attribuée. Qu'est-ce qui aurait vraiment pu rater ? Rien assurément ... * Prends garde Petit Flamme, avoir confiance en soi est une bonne chose, mais pêché d'orgueil peut être mortel... *

Pourtant cette sensation inconfortable ne la quittait pas. Bien au contraire, l'étau qui enserrait son cœur se serrait davantage à mesure que le temps égrainait ses secondes, le rythme cardiaque de la Rousseur prenait peu à peu de la vitesse et de la résonance. * Bon Dieu ! C'est quoi ce Mordel ! Ne rien laisser paraître au Cardenas ! N'oublie pas Flammèche, tu as une mission à remplir ce soir, chaque chose en son temps, chaque problème a sa solution... Plus tard pour la suite... Mets de coté ce sentiment, concentre-toi sur la transaction. * La gorge se racle doucement tandis qu'elle écoute la réponse du Commerçant. Retrouver contenance et enfouir au plus profond de sa frêle silhouette le malaise qui se forme dans sa gorge, avoir toute son attention sur le visage buriné... Le Vieux marchande encore. * Dis-donc le Cardenas, Joli Minois, ne veut pas dire Idiote contrairement à ce que tu sembles penser. 135 écus pour un livre pour qui je suis certaine que tu n'as jamais versé un seul écu, c'est plutôt généreux. Et comment te dire que là je flippe un peu et que j'ai hâte de rentrer chez ... Ah ... C'est donc ça ... Berde ! *

A la révélation, l'Ombre reste parfaitement immobile pourtant. Ne pas se départir de son illusion, voilà ce qui occupe les premières pensées de la jeune Étincelle. Bien entendu, les suivantes sont nettement plus paniquées. * Mais que Diable suis-je allée faire dans cette galère ! (*) Comment me sortir de là ? Comment rejoindre la rue de la Justice sans qu'il me suive ? Je pourrai bien jouer les funambules sur les toits ... Si je miaule parfois, je pourrais peut-être passer pour un gros chat. Cesses donc de plaisanter, pauvre Nouille ! Te voilà dans de beaux draps et tu le sais, ta petite caboche surdouée, n'a pas pensé à tout ! Imagines la tête du Balafré quand tu vas lui dire tout ça ... * Un éclair terrorisé traverse les prunelles émeraudes à l'instant même où cette dernière pensée s'est formulée dans son esprit. Nizam ... Qu'allait-il dire ? Il serait sans doute en colère, déçu, triste aussi peut-être ... En même temps ... Il n'était pas là, à cet instant ! Il n'était peut-être même plus en Limousin. Il était parti sans le lui dire ! Sans un mot, sans rien ! Sans même prendre la peine de lui demander de prendre soin d'elle. Peut-être qu'après tout il se fichait d'elle, comme Harchi l'avait deviné, comme ceux de sa famille qui la mettaient en garde. Comme... Le néant la comble à présent. Le vert se durcit et les purpurines se pincent ... Attention ça va être un carnage ... Un cœur qui n'a plus rien à perdre, se fiche éperdument de sa survie, et la Petite Flamme en est là présentement. Lentement, La Frêle se ressaisit, et la silhouette se penche sur l'étale du vieux Marchant. Survivre pour le proche avenir est nécessaire notamment pour sa Mère. Quant au futur plus ou moins loin ? ... Futile ... Sans intérêt ...


- 140 écus avec le renseignement ! Marché conclu. Ne t'avise pas de me conduire tout droit dans un guet-apens Cardenas. Je suis attendue et ne dispose que de quelques minutes pour éviter le pire ! Contentes-toi de m'indiquer le nord de la ville, c'est là qu'est mon escorte.

Mensonge, mensonge, le plus bel apparat de la Rouquine en cette terrible nuit. Pourvu que Cardenas lui porte vraiment assistance. Car pour l'heure, l'Incandescente prend le parti de ne pas se tourner vers le Géant. Inconsciente ? Que nenni ! Encore une fois tout cela est calculé. D'une elle évite de montrer qu'elle est au courant et de trahir le Cardenas qui l'a prévenu. * Pas sure que L'Azazel apprécie vraiment que tu laisses filer les proies, n'est-ce pas le Vieux ? * De deux, et c'est un choix, elle évite de connaître le visage de celui qui la suit. Ainsi si elle se retrouve face à face avec elle lui, aucune émotion ne perturbera son minois aux tâches de Rousseurs, ce qui évitera à Mahelya de se trahir si jamais ledit poursuivant ne connaissait pas son visage. Mouais ... Bancale ... Mais faute de mieux ... Elle fera avec ...
La Silhouette encapuchonnée, ouvre alors un pan de sa cape, et laisse entrevoir une tenue à la Garçonne. Discrètement, tout en parlant et en réfléchissant, elle a prit grand soin de retirer les dix écus d'or de trop, de la bourse qu'elle maintenait fermement contre elle. Sans plus de cérémonie, l’Étincelle la dépose sur l'étale du vieux, et ouvre grand la besace, écrin de fortune du livre tant convoité * Tu seras mieux traité au seize, je te le promets ! *.


- Vas-y ! Parles ! Je t'écoute !

La Flammèche s'était penchée davantage afin que la discussion n'est vraiment lieu qu'entre elle et Cardenas. Mais alors que la voix cristalline, plus grave que d'habitude, chuchotait, le regard sinople se posa sur le jeune garçon, ombre du commerçant qui n'avait dit mot depuis le début. Une idée germa dans l'esprit de la Rousseur, brillante, à condition que le mioche se montre subtile, il ne faudrait pas que le gamin subisse à sa place la mauvaise humeur de l'Azazel.

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(*) Inspiré de Molière, les Fourberies de Scapin
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Cardenas.


    Seraient-ce des craquelures dans le masque d'indifférence ? Enfin l'atmosphère douteuse de l'endroit avait des répercussions sur la Frêle. Une once d'angoisse était aisément reconnaissable, comme complexe à dissimuler, Cárdenas fit comme s'il n'avait rien remarqué dans les gestes et l'attitude de l'ombreuse. Tu as voulu goûter à l'obscurité petite Flamme, et elle regorge de surprises pour ceux qui viennent tenter leur courage ou leur stupidité. L'occitan maugréait souvent sur la jeunesse errant dans ces quartiers, l'audace de certains le faisait prendre des paris imaginaires, jusqu'à quand celui-là n'aura pas une dague plantée dans le dos ? Fera t-il, fera t-elle le mois en s'acoquinant avec l'oriental ? Les plus débrouillards s'en sortaient, mais la débauche régnant dans les impasses des faubourgs pardonnait rarement. Lui-même fut téméraire un temps, malin arborant la désinvolture de son âge adolescent, mais l'on apprends vite à ne pas user ses provocations devant plus fort que soi, pour le risque d'étaler son arrogance non plus dans ses paroles mais sur les pavés froids de la cité. C'est en faisant des erreurs que les écervelés comprennent, selon l'occitan, la rouquine, bien que rusée, retiendra une leçon de cette nuit.

    Tiré de ses pensées par la réponse positive de Mahelya, il retrouva le sourire, satisfait d'avoir eu le dernier mot dans la négociation et d'empocher une jolie somme. Le receleur s'arrêta un instant sur l'idée d'un guet-apens... Ce n'était pas prévu mais elle aurait pu lui donner de nouveaux plans. Livrer la jeune fille sur un plateau à Azazel ne serait-il pas moyen d'annuler les dettes qu'il avait envers l'Assassin ? Son esprit jouait déjà la scène, raccompagnant la chère invitée dans les griffes du borgne, ce dernier balaye sa méfiance à l'égard du marchand et en remerciement lui permet une nuit avec les filles de joie... Hm. On frise le rêve vieillard ! "Offrir" l’Étincelle pourrait ne rien lui rapporter, tandis qu'à l'aider, en plus se créer une cliente, il jubilerait en sachant que l'une des proies du si redoutable Maître du marché noir s'était paisiblement - presque - faufilée entre ses lames. Ah l'orgueil d'Azazel en prendrait un coup ! Quitte à recevoir ses foudres...
    Après un bref remerciement les mains calleuses se refermèrent sur la bourse d'écus, laissant libres les parchemins et le manuel. L'argent fut prestement rangé dans une cassette dissimulée entre les multiples affaires traînant aux pieds de Cárdenas, l'homme songeait à bientôt arrêter ses ventes pour cette soirée, voulant mettre en lieu sûr tout le butin qu'il avait récolté avant que des voleurs tendent leur main, ou que ceux dont il était malheureusement débiteur ne viennent réclamer leur dû.
    Le marchand s'assurait de temps à autre de la présence du germanique parmi les passants, avec l'achat réalisé retenir davantage la Frêle ne serait pas une bonne chose, d'autant plus que quitter les lieux semblait également être le premier souhait de la rousse. L'oeil sur les badauds les entourants, l'occitan donna à voix basse les indications, si escorte il y avait, elle aurait mieux fait de l'emmener...


    - Reviens sur tes pas jusqu'à Luisa, la femna que se vante de lire l'avenir si tes poches sont assez lourdes d'écus, veses ? Juste après elle, l'angle dans l'ombre donne sur une ruelle, tant fina coma tu, qui t'évitera le marché, longe les murs et suis-la, tu tomberas sur une autre rue. Il y aura une auberge animée en face, peut-être un ou deux ivrognes sur ses marches qui seront trop occupés a piar, ma contunha a ta drecha, droite. Tu remontes et tu seras totalament tranquille dans les quartiers bourgeois. La milice y passe plus souvent, tu te doutes. Va tout droit, tu verras bientôt le centre de la capitale et ses tavèrnas, le nord ne sera pas difficile à trouver.*

    Les phrases données rapidement, il se redressa, vérifiant que l’Étincelle avait tout compris. Cárdenas descendit à son tour son regard sur le gamin qui était sagement resté à côté d'eux. S'il y avait bien une chose qu'il appréciait chez ce supposé neveu, outre sa roublardise, c'était sa discrétion. Un clin d'oeil au petit, qui n'avait cessé d'observer l'encapuchonnée, avant de rajouter :

    - Per l'un de tes sourires, ou de tes sous, lo minòt pourrait te montrer, qui sait.**

    Pendant que le vieux en profitera pour remballer sacs et baluchons.
    _______________
    Dans l'ordre :
    * "la femme qui se vante" ; "tu vois ?" ; "aussi fine que toi" ; "trop occupés à boire, mais continue à droite" ; "totalement" ; "ses tavernes"
    ** "Pour" ; "le gamin pourrait"
Mahelya
Une leçon à apprendre ce soir ? Voilà qui est tout de même mal connaître l'Ombre surtout quand on lui donne raison. Car la leçon ne sera apprise que bien plus tard, lorsque le danger sera tout proche, étouffant, presque palpable, en confrontation face à elle : Lorsque l'Azazel se présentera devant elle réclamant un dû en réparation de l'affront... Mais ceci sera une autre histoire dont seuls Nizam, Mahelya et l'Oeil Unique seront les protagonistes...

Pour l'heure il est vrai que la crainte vivifie les sens de l’Étincelle, enserre ses entrailles et accélère le rythme de ses battement de cœur. Tous ses sens en alerte. Qu'elle aimerait être ailleurs ... Mais pourtant, cette situation dangereuse est grisante, enivrante. Tout cela reste tellement abstrait et si facile à éviter. Il suffit de quelques écus pour obtenir ce que l'on cherche... C'est si simple... Et l'aide de Cardenas à vite fait d’anéantir ces vraies craintes. Sa bonne étoile la couve de sa douce chaleur, ce soir tout se déroule parfaitement. Cela en devient presque un jeu, une attraction à sensation, un moyen de sentir qu'elle est encore en vie. Car oui, tout ce cirque au-delà d'aider sa Mère est une provocation... Etait-il possible que l’Étincelle n'est pas de quoi s'offrir les services de quelqu'un pour récupérer ce livre tant désiré ? Assurément que non ! Pourtant c'était bien elle, en personne, seule, qui s'était rendue sur les lieux. Une raison à cela : Un Balafré disparu. Oui le Blond était parti - juste quelques jours - Oui il ne lui avait rien dit. Et déjà le vide, prémisse de sa fin s'insinuait dans ses veines. Le Marché Noir devenait alors ce jeu dangereux qui faisait cogner son palpitant et sa cervelle, bouillir son sang dans ses veines. Souffrir pour se prouver qu'on est en vie.

Paradoxalement, c'était aussi une façon de se convaincre qu'elle saurait se débrouiller sans lui, que la Flammèche n'était pas ce boulet qui le retenait par la cheville. Qu'elle avait été avant et qu'elle demeurerait après lui. * Pauvre Petite Naïve ... C'est tellement l'évidence même que de cogner dans un nid de serpent pour se prouver qu'on est plus fort ... La chute sera Fatale, prends garde jeune fille. * Mais rien n'y faisait. Même la crainte n'arrivait pas à étouffer cette fierté nauséabonde, cette vanité écœurante, cet orgueil indécent... La Flammèche en devenait repoussante, détestable. Une âme plus noire que la nuit. Là, dissimulée sous son capuchon, un sourire narquois flottait sur ses lèvres purpurines. * Tu rigoleras moins, Mignonne, quand Nizam en représailles t'annoncera vouloir partir. * Le géant qui l'observait dans son dos, n'était plus qu'un pion supplémentaire dans ce terrible jeu palpitant. Une partie de cache-cache allait être alors engagée.
Les sinoples se posèrent une fois de plus sur la silhouette du gamin. Et doucement la Capuche opine aux dires du vieil homme


- Je lui donnerai cinq écus, s'il détourne l'attention du Géant lorsque je m'éclipserai juste après Luisa. Qu'il fasse tomber une charrette, ou qu'il bloque le passage avec un cochon, peu m'importe, du moment que l'autre ne voit dans quelle ruelle je m'engouffre.

* Regardes-toi Petite Flamme et regardes le Gosse. Es-tu vraiment prête à le sacrifier à ta place ? * Là encore, la Mahelya que tout le monde connait ne réagit pas. La compassion, l'indulgence, la patience et la gentillesse ont été oubliées par l'encapuchonnée. Est-il possible qu'un masque bien porté devienne le vrai visage d'une personne ? Se pouvait-il que le porteur de masque oublie sa véritable nature ?
La Silhouette se tourna en direction du Gamin. Un signe de tête, elle n'était pas dupe et savait bien que le mioche avait tout entendu.


- Ca te convient ? Tu t'en sens capable ?

Un bref accord donné, et immédiatement la Frêle et le Garçonnet se mirent en chemin. La Victoire toute proche chantait de douce mélodie à l'oreille de la Rousseur, faisant battre un peu plus son cœur. Ivre de sa Gloire, elle ne faisait même plus attention à ceux qui l'entouraient. Luisa était en vue et un instant les sinoples se posèrent sur le jeune homme. Quel age avait-il ? Peut-être celui d'Arthan son second frère. Pourquoi était-il là, Ombre d'un visage buriné ? Ce flot de question incessante avait tout de même eu l'effet positif de réveiller la conscience de la jeune Flamme. Pouvait-elle vraiment lui demander ce qu'elle avait formulé ? Le ferait-elle à Arthan ? La réponse était non ... Bien évidement ... D'un pas elle arriva à la hauteur de son guide improvisé. Rapidement, la Flammèche se saisit de sa main avant de glisser cinq pièces d'or à l'intérieur. Étonné le minot leva les yeux vers l'encapuchonnée. Là, dans ce clair-obscure servit par un rayon de lune, il put observer les purpurines de la Frêle lui murmurer :

- Fuis ! j'me débrouille.

Aussitôt dit, aussitôt fait, L’Étincelle le dépassa pour s'engouffrer dans la foule, sa frêle silhouette déambulant avec grâce et habileté entre les passants. A cet instant, elle ne savait pas si le Géant la suivait encore ou pas, ne connaissait toujours pas ses traits. Mais qu'importe il fallait qu'elle s'en débarrasse. * Réfléchit ... Réfléchit ... Réfléchit ... *
Et paf, l'idée germa dans son esprit aussi clairement que si elle y avait toujours été nichée. Combien lui restait-il de pièce, cinq dans la bourse principale, quinze dans la bourse de sureté, ce petit supplément dissimulé entre deux courbes féminines. La ruelle était juste là ... Et sans se poser davantage de question elle balança en l'air les 20 écus s'écriant à plein poumons.


- C'est Noël ! Servez-vous !

L'effet escompté arriva bien vite, les personnes à proximité se bousculèrent vers les écus d'or, bloquant la vue et le passage... Une véritable troupeau de corps enchevêtrés, un amas de chair, vibrant au rythme de l'or.
Alors ... dans la cohue générale ... dans un instant de diversion ... Une ombre disparut non sans laisser dans son sillage la vision flou d'une mèche rouge comme les flammes de l'enfer.

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Cardenas.


    L'occitan avait posé ses pupilles sur le garçonnet, ce dernier reprenait les qualités et les défauts de son maître, à savoir une débrouillardise à toute épreuve pour une forte attirance de l'or. Cárdenas ne payait pas - évidemment - le gamin pour les services qu'il lui rendait, mais le prenait sous son ailes en lui offrant une vie un peu plus sûre que celle de la rue. Parents morts ou ne souhaitant pas s'occuper d'une énième bouche à nourrir, le gosse avait fait partie des innombrables orphelins, voleur lorsqu'il ne supportait plus de ramasser les déchets ou de manger l'hiver des bougies de suif pour satisfaire un estomac vide. Proposition acceptée, les écus tomberont directement dans sa bourse sans que le vieil homme ne le lui en retire, rien que pour cela il aurait pris davantage de risques, il savait que l'avenir le moins sombre était parfois au plus hardi. Naïvement, il se pensait protégé d'Azazel, ce dernier n'était pas là, et son "oncle" garderait un oeil sur lui. Cárdenas s'était baissé devant le minot, lui glissant des conseils et un ordre : le retrouver vivant là où il entreposait ses chères affaires. Le marché se terminait pour le commerçant, il se courba devant la jeune fille, pariant encore sur son espérance de vie dans ce quartier.

    - Ton serviteur gojata, si tu besonhas de libres, n'hésite pas à me mander, tu seras totjorn satisfaite.*


    Surtout si elle lui promettait la centaine d'écus, le receleur laissait rarement dans la nature ses meilleurs clients. Il commençait à remballer, serrer des sacs de cuir, et fit signe au neveu d'emporter la rouquine. Cela ne tarda pas, l'enfant pris un instant la manche de l'encapuchonnée et l'incita à le suivre. Il connaissait cet endroit comme la paume noircie de sa main, les visages étaient plus ou moins les mêmes et se confrontaient avec les troubles quotidiens, peu de choses sortaient de l'ordinaire, la seule hâte du jeunot était que l'occitan l'emmène en voyage. Cette nuit, la curiosité du môme avait été réveillée par l'adolescente, si différente de tout ce qui portait jupons autour de lui. Pourtant il n'avait prononcé aucun mot et vérifiait souvent la présence de la silhouette, fut-il dégourdi, les années de vagabondage avaient eu conséquences sur ses relations à l'entourage, il gardait le silence si parler n'était pas nécessaire pour être compris.
    Il aperçut l'étale de Luisa, et réfléchit déjà à un moyen d'attirer l'attention des passants tout en bloquant le fameux passage où disparaîtra l’Étincelle... Des tonneaux empilés près d'un marchand pourraient convenir, un coup et le bois roule, l'alcool se déverse, le propriétaire criera au scandale. L'option de la charrette n'était pas à négliger, mais peut-être plus complexe à mettre en oeuvre. Les sourcils froncés du garçon durant ses brèves observations se relevèrent dès qu'il sentit une main saisir la sienne. Le premier réflexe fut de se dégager de l'emprise, mais il devina vite que l'inconnue lui donnait en réalité son maigre salaire. "Fuis". Gné ? Et la charrette ? Et le cochon ? Elle n'en veut plus ? Les écus se glissèrent dans sa poche, mais il scruta indécis la Flammèche.


    - Pourquoi ?

    Pas de réponse, elle l'avait déjà laissé. Différente des autres. Irrévocablement. Il la perdit parmi les badauds, faisant seulement attention à ce que les brutes d'Azazel ne soient pas dans les parages, du moins près de lui. Quelques minutes plus tard, il distingua des cris pour l'or, la soudaine bousculade dans la ruelle. Un sourire mutin se dessina aux gerçures de ses lèvres.
    ____________
    *Traduction : "Ton serviteur jeune fille, si tu as besoin de livres, n'hésite pas à me mander, tu seras toujours satisfaite"
Nizam, Mahe et Azazel, incarné par Mahelya


_______Nizam______ ______ Mahelya______ ______l'Azazel______

Bien évidement provoquer le Maître du Marché n'avait pas été la meilleure idée que la jeune fille eut à l'esprit. Pour le borgne provocation ne resterait pas impunie. Et la Mèche Rousse qu'elle avait laissé filtrer lors de son évasion lui avait apporté un renseignement précieux. L’œil Unique en chasseur expert avait lancé sur sa proie quelques maîtres pisteurs.
Bien loin de se douter de l'épée de Damoclès qui planait au-dessus de sa tête, c'est une frêle Étincelle inconsciente qui retrouva son garde Balafré.D'un ton badin elle lui avait exposé la situation, ne comprenant nullement pourquoi Nizam se mettait en colère contre elle. de quiproquo en incompréhension, le couple déjà sur le fil avait manqué une fois de plus de se séparer.
L'envie d'y croire et de se battre encore pour ce rêve d'Idylle avait incité la Flammèche a présenter son mea culpa. Et c'est ensemble que le couple avait décidé de prendre le taureau par les cornes en allant directement à la rencontre de l'Azazel : Rendez-vous était pris dans une taverne des faubourgs quand la lune brillerait haut dans le ciel en cette nuit de début Janvier.

    Inconsciente, imprudente, folle ? Il avait du mal à croire aux agissements de la Rouquine en son absence, ne sachant pas s'il avait pleinement droit de la blâmer. L'impulsif avait pourtant du mal à retenir son inquiétude sans que cela se transforme en aigreur, mais il n'était pas temps de savoir lequel était le plus responsable de cette situation. Elle avait défié le Borgne en se pensant protégée ? Si le risque inconsidéré avait eu le don d'irriter le blond, la décision prise pour retirer la Frêle de l'attention d'Azazel avait encore accentué son anxiété.L'idée que Mahelya lui avait proposé se résumait en une comédie, un jeu qui devra convaincre le Maître du marché, elle lui donnait un rôle que le Balafré appréciait de moins en moins à mesure que leurs pas les guidaient, silencieux, à travers les faubourgs.Une taverne vide et miteuse fut choisie, les deux silhouettes encapuchonnées, enfin seules, révélèrent le garde et l’Étincelle, les azurs agités posés sur elle.


    Un rôle ?! et quel rôle ... La Flammèche avait tout simplement proposé au Balafré de se grimer pour la soirée, en son violeur, sans cœur et sans pitié. La fleur ainsi faussement cueillit - En effet elle ne l'était pas encore - ne représenterait plus aucun attrait pour le Borgne du Marché. Et si le Maître n'avait plus rien à lui voler, alors Mahelya ne serait qu'une femme parmi tant d'autres, une de celles qui n'éveillerait plus son intérêt. Le plan était selon elle sans faille et garantissait presque leur succès. Pauvre Frêle Naïve ... Là dans la taverne, le bleu qui colorait ses cotes depuis sa chute dans l'escalier avait été mis en valeur, le fin carré de mousseline qui laisser deviner ses hanches, arraché par le Balafré pour donner plus de crédibilité à la scène. Quelques subterfuges savamment utilisés pour déclencher quelques larmes. Le Drame joué ce soir se devait d'être parfait. Le cœur tambourinait et l'assurance arborée plus tôt dans la soirée, envolée. La porte s'ouvrit et les sinoples se posèrent sur l'Ombre à l’œil unique.


    Des choses étranges, il en avait vu dans sa vie l'Azazel mais, il devait bien avouer que cette soirée semblait plus particulière encore que tout ce qu'il avait rencontré jusque là. De mémoire, jamais encore une proie n'avait proposé consciente et sciemment de se glisser entre ses crocs de s'abonner à ses griffes, de lui présenter sa gorge pour qu'il y plante ses marques. Si l'art de la chasse le délectait et le contentait à chaque nouvelle partie, Le borgne devait reconnaitre que se retournement de situation éveillait sa curiosité. Et puis de toute façon le résultat serait le même, lui épargnant la traque. A l'issue l'Hymen serait brisé et le rouge souillerait son vit. Voilà des jours et des semaines qu'il avait lancé sur les traces d'une fine ombre à la mèche rousse, ses meilleurs pisteurs et assassins, bien que le mot d'ordre soit de ne pas la toucher. Et voilà qu'un vélin, d'une fine écriture lui était parvenue. Rendez-vous ce soir. L'attente avait été longue mais le Traqueur savait se montrer patient. d'un geste assuré la porte en chêne maltraité fut ouverte et l’œil unique se posa sur un Balafré qui ne lui était pas tant inconnu.


    Habitué à porter un masque, à duper, il avait connu suffisamment de quartiers débauchards pour en deviner désormais les fonctionnements, les codes implicites dans lesquels les novices souvent se perdaient. L'on ne parle pas au caïd comme à la ribaude de l'impasse, il y avait un mélange précis d'audace et de réserve. Le mercenaire l'avait appris, et en usait durant ses contrats, jamais il n'aurait imaginé en faire preuve devant Mahelya.
    Petite flamme, bientôt tu verras l'Autre, celui qui baigne dans le cynisme et le dédain. L'appréhension du Balafré s'amplifiait, il devra enfermer le cœur qui criera d'arrêter, une seule erreur et le couple fera face à bien plus grand danger. Jouer l'ordure, le violeur, cela ne l'aurait pas gêné avec une inconnue, mais ce soir la pucelle malmenée était celle sur qui il devait paradoxalement veiller. Robe déchirée, conseils donnés, Nizam saisit le poignet de l'adolescente, entrant dans la peau sale de son personnage. Elle le laissera parler, suivra chacun de ses gestes, mais garantir qu'il ne la blessera pas... Il en était incapable. Le bruit grinçant de la porte coupa leurs murmures. Il était là. Le dernier regard fut donné à la Frêle, avant de se voiler de noirceur.


    Pas le temps de remarquer les azurs qui se posèrent sur elle. L'acte commençait déjà. La tragédie prenait forme, les trois coups avaient raisonné, les comédiens étaient en place. Mais pour incarner un rôle ne faut-il pas donner un peu de soi, ne faut-il pas exposer ses tripes sur la scène ? Dès que le Maître entra, elle fut comme pétrifiée. La Flammèche n'avait plus rien de flamboyant et c'est une poupée de chiffon sans vie que tenait Nizam à présent. Chaque mouvement qu'il lui imposait, sans la moindre délicatesse, était suivit, esquissé le tout sans protestations aucune. Désespérément, la Frêle tentait de se servir de son talent de pouvoir faire obstruction de tout et de se réfugier dans ses pensées, mais ce soir elle en était incapable indubitablement. Aussi fut-elle obligée d'écouter le venin servit par le Maître, confirmé par le Balafré. Au fond d'elle, quelque chose se brisa. Après cette terrible soirée, plus rien ne serait comme avant, ni pour elle, ni pour le blond encore moins pour leur couple. Et toi l'Azazel ? Toi, celui qui pave d'embuche notre chemin. Toi ? Que penses-tu de ta prestation ? Les larmes - de réelles cette fois - ruisselaient sur le minois aux tâches de rousseur, tandis que laborieusement, les sinoples s'accrochaient à la silhouette du Borgne.


    S'il fut surpris de trouver le Balafré, le Maître n'en laissa rien paraître. Toute son attention était portée sur la petite chose qui trainait à ses pieds. Ce qu'il avait deviné sous l'épaisse cape lors de sa visite au marché noir se confirmait. C'était une toute jeune femme à l'allure prometteuse et déjà l'envie de se l'approprier naissait dans ses entrailles. L'important résidait dans le fait de se débarrasser de l'autre mâle. Bien loin de faire dans la dentelle et la délicatesse, la langue acerbe du Borgne prenait un malin plaisir à lui rappeler de bons vieux souvenirs : lors de son arrivée à Limoges, l'homme face à lui s'était glisser dans les draps de ses filles, sans retenue, sans vergogne, sans conscience non plus. Quelque chose clochait dans cette taverne et s'il ne pouvait obtenir ce qu'il voulait, il n'avait pas l'intention de s'en aller en laissant indemnes. Les paroles piquaient, touchaient tandis que les justifications à peine voilées de l'autre tentaient de se frayer un chemin. Mais pour les oreilles de qui ? Il ou Elle ? Prendre l'Azazel pour un idiot était une erreur, il n'était pas le Maître du marché noir pour rien. Mais au moins avaient-il - Avait-elle - le mérite de se défendre. Et cela il le respectait. Mais respect ne voulait pas dire pitié. Que va donc tu faire à présent Balafré ? L’œil unique quitta la contemplation d'elle pour se poser sur son bourreau.


    Donner l'illusion du vice, était-ce si compliqué ? Pas pour toi, Balafré... Il connaissait Azazel, il avait traîné dans chaque recoin de la capitale limousine depuis son arrivée, n'ayant pas manqué les faubourgs et leurs bordels. Nizam avait rarement honte du plaisir de la chair, longtemps il avait enchainé les embauches pour dilapider ses paies dans les tavernes avec une fille sur les genoux, à terminer la nuit dans ses draps. Les piques du Borgne lui rappelaient aisément ce passé qu'il avait mis de côté depuis la naissance de ses sentiments à l'égard de la Flammèche. Pauvre Étincelle qui gisait maintenant à ses pieds, il l'avait entraînée au sol, humiliée et en ignorait encore les conséquences sur son esprit.
    Le blond poursuivait et cherchait à persuader par des gestes brusques, des rictus tant railleurs qu'odieux. Il n'y a rien pour toi, l'oriental, tu arrives trop tard. Le jeu continua tandis que le Balafré se moquait des cuisses maigres et froides, de la seule satisfaction qu'il eut de lui dérober brutalement son innocence, butant contre ses reins, pensant qu'elle se briserait entre ses mains. Il fallait que la lueur de curiosité dans l'Unique disparaisse.
    Plus emporté qu'il ne le voudrait, Nizam redressa le frêle corps, la main agrippée à la nuque et aux cheveux roux. Rôle de perversion, il va contre les arguments d'Azazel et fait la misérable description de la jeune femme. Elle pleure, Balafré, elle a mal, plongé dans le trouble de son regard, ne le vois-tu pas ?


    La loque qu'elle était devenue à présent, ne voyait plus rien, elle. La comédie, la tragédie devenait bien trop réelle. Était-elle encore actrice ou là dans ce faux-semblant chacun avait revêtu son vrai visage ? Les paroles, les gestes, tout la brisait un peu plus. La Frêle en était à se demander si s'offrir au Maître n'aurait pas été moins douloureux. L’Étincelle n'est plus et peut-être est-ce soir qu'elle comprit qu'il n'y avait plus d'avenir pour ce "Nous" qu'elle avait tant chéri. Soit le Blond jouait vraiment bien la comédie, soit la vie qu'il avait mené avant elle le ravissait plus que celle qu'il vivait présentement... Le doute, vicieusement s’insinuait en elle comme une terrible vérité. Une réalité qu'elle avait jusque là ignoré. Folle ... le Balafré la pensait folle mais peut-être avait-il raison car déjà dans son crâne raisonnait une voix décharnée pour un Avenir à effacer. Elle s'offrirait à lui puisque c'est lui qu'elle pensait désirer mais balaierait par la même occasion son futur, ses rêves de famille, d'enfants, d'union. Rien, il ne resterait rien à sauver après cette nuit. L'idée germait doucement et bientôt provoquerait son accomplissement. A quoi bon se battre ? A quoi bon résister ? Le monde est pourri et les promesses sont faites pour être brisées. * Pardon Maman ... Pardonnes ce qui arrivera dans un futur proche.*. Nizam est bien trop loin d'elle, elle le découvre du moins elle le comprend enfin et c'est grâce à l'Azazel qui distille avec intelligence ses gouttes de poison. Même la Belladone serait plus clémente que lui. Tiens la Belladone ... Une nouvelle pensée nait dans l'esprit torturé. Mahelya a perdu ses repères, Mahelya abandonne. Ce soir même si elle ne le réalise pas encore. Pitié l'Unique ... Pitié, sort de cette taverne car ce n'est plus une fleur qui tu as volé, mais une vie. Le regard émeraude, dément, vide, éteint, implore le départ du "Sans âme".


    Le sanguinaire prend du plaisir. Oui, la jouissance est au rendez-vous presque plus appréciable que celle de faire ruisseler le fluide écarlate. S'il avait su avant ce soir que les mots avaient bien plus de pouvoir parfois que les gestes, alors peut-être en aurait-il plus abusé que de sa Lame ... Non un Assassin reste un meurtrier même s'il faut avouer que la douleur des âmes est un nouveau plaisir qui lui était encore inconnu. ... Il note la déchéance de la poupée de chiffon. Les paroles servies sont bien plus violentes que les coups de reins qu'il aurait pu lui asséner. Il se délecte, il se régale et gourmande sa langue caresse sa lippe. Ils pensaient en faire un dindon, mais finalement étaient pris ceux qui pensaient prendre. Quelques phrases amères s'échappent toujours et sa voix grave raisonne entre les sanglots de la Rousse.Le Chasseur aime la souffrance et celle qui ressent de la part de la Jeune Fille le contente largement. L'unique reste accroché à la fine silhouette son assurance d'il y a quelques jours s'est envolée. Et l'intérêt qu'il lui portait avec ... Que ferait-il d'une chialeuse de plus ? Alors il profite de la découverte de ce nouveau bonheur malsain. Et lui aussi se gausse de la description qu'en fait le Balafré. Froide, glacial, peu encline à onduler du bassin... Une fleur sans saveur... Mais y as-tu vraiment gouté ? Il s'en fiche, cette étrange soirée le comble au-delà de ce qu'il avait imaginé. Alors aussi rapidement qu'il était arrivé, il se dirige vers la sortie, allant maintenant prolonger sa joie sadique dans quelques chopines de bière ou d’absinthe. Et qui sait ? Peut-être finira-t-il sa nuit dans les draps d'une de ses filles. Pour sûr le couple improbable de la soirée ne passerait pas d'aussi bons moments que lui.Son rire raisonne tandis que la porte s'ouvre. Que va-t-il se passer maintenant ? l'Azazel s'en moque, il s'est assuré de les empoisonner. L’œil sombre se pose une dernière fois sur elle ... Puis sur Lui. Amuses-toi Balafré.


    Était-ce vraiment là son masque ? Il était aveuglé par la dureté de ses propres mots et n'entendait pas les suppliques de Mahelya. Le Borgne lui avait presque proposé de travailler pour lui... Inutile de mentir, quelques mois plus tôt le mercenaire avide du fracas des armes aurait sans doute accepté. En restant sagement à Limoges, l'inconscient murmurait, insinuait parfois l'idée qu'il reniait une part de lui-même. Nizam ne vit pas dans quelle scène l'entraînait Azazel, il sombrait et la peau du cynique le collait bien trop pour que ce ne soit qu'un rôle. Sans le savoir, il condamnait le couple qu'il formait avec l’Étincelle, il avait toujours ce goût malsain sur la langue, il ne pouvait pas y échapper. Malgré son engagement auprès de la Frêle, il provoquait toujours ses sens en acceptant ça et là des contrats, expliquant son absence durant des journées, ou des nuits entières. Une drogue, c'était une drogue, et il vivait ainsi depuis des années, comprenez que le sevrage soit des plus délicats.
    Il se moque d'Elle avec l'oriental, et pense enfin cesser la comédie lorsque celui-ci fait demi-tour. Il ne réalise pas qu'Azazel est sorti gagnant de l'histoire, et peu à peu le cœur qu'il avait délaissé depuis le premier acte prend de nouveau place dans ses pensées, charriant alors le flot de culpabilité. Tu es ainsi Balafré, tu t'enflammes, puis tu laisses place aux regrets.
    Elle tombe, chute au sol. Vois ce que tu as fait en acceptant ce jeu, elle tremble et toi tu retrouves tes sentiments comme s'il ne s'était rien passé. C'est fini. Il le répète, tente de la rassurer et de lui dire que ce qu'elle avait entendu n'était que la folie d'un homme. Ce soir, elle aura aperçu ce qu'il s'évertuait à lui cacher, les azurs deviennent fades, et cherchent en vain le reflet perdu des sinoples.


    La porte se ferme sur celui qui vient de balayer ce qu'ils avaient mis des jours, des semaines à construire. Les prunelles sans vie restent attachées à cette porte. Était-ce un signe ? Une porte claque comme une page d'un livre se tourne ? Elle soupire, elle tremble... C'est finit ... c'est finit ... Oui c'est finit et elle le lui répète elle aussi. Mais de quoi parle-t-elle vraiment ? De la scène jouée ou d'Eux ? L’Étincelle devine que la dernière proposition de l'Azazel traine dans l'esprit du Balafré. Il s'excuse et l'aide à se relever mais déjà son palpitant se fait glace. La voix cristalline raisonne mais elle est déjà morte. Les paroles prononcées ce soir appartiennent déjà au Passé. Oui c'est finit ... c'est derrière eux à présent ... Mais qui tente-t-elle de convaincre ? Elle ou Lui ? Le silence retombe dans la taverne, il est temps de quitter les lieux. L'idée qui a vu jour un peu plus tôt dans les méandres tortueuse de ses pensées, revient à la charge et la voix décharnée raisonne plus fort dans son crâne. * Accordes-toi Étincelle quelques moments encore avec lui. Profites d'un sursis. D'un court sursis. Réalise ce que tu n'as pas encore fait ... *. Un mot la frappe encore "Belladone" pourquoi y avait-elle songé ? Peut-être parce qu'elle est convaincue que tout est réellement bien finit ... La Petite Flamme se mouve chancelante, s'éloigne, s'approche de Lui. Elle est définitivement bel et bien perdue. Et la proposition raisonne la surprenant elle même. Accordes-moi cette nuit dans tes bras. Essayons de faire comme si rien ne s'était passé. Peut-être est-ce la le rôle le plus dur qu'elle aura à jouer ce soir. Dans quelques jours un autres sera à endosser. Car déjà elle pense à lui offrir ce bien précieux qu'elle était si fière de garder jusqu'à la nuit de noces. Un ultime cadeau. Une envie de dire que cette fleur ne partira pas avec elle dans l'étreinte de la Faucheuse. Le plan machiavélique se met déjà en place. Elle le sait, elle le comprend. La Frêle n'a plus la force de se battre pour ce couple qu'elle a l'impression de porter à bout de bras depuis le début. Alors, elle manipulera le Blond pour obtenir ce qu'elle veut... Le vert ne rencontrera plus les azurs ce soir. De toute façon il n'a plus rien à regarder...



Post écrit à six mains, posté avec l'accord des joueurs.
Un_vendeur
[Le vendeur = Azazel, le Maître du Marché]



[Quelques jours plus tard]

    - Ramasses-la et nettoies-moi cela. Tu n'as qu'à l’emmener chez la vieille, elle saura quoi faire pour la soigner. Et par pitié, fais la taire, si je l'entends encore pleurer c'est la langue que je lui arracherai.

    Le Sombre se tenait devant une bassine d'eau, lavant ses mains souillés par le sang de l'une de ses filles qu'il avait surpris en train de le voler. L'Assassin n'avait pas pour habitude de laisser la lourde tâche de la torture à un autre, non, cette besogne il aimait l'accomplir lui même. Au fil des années, au gré de ses voyages il avait amassé assez d'instruments pour créer un nouveau tableau d'écorchures et de plaies sur chacune de ses toiles. Et plus l'agonie durait et plus Azazel appréciait. Le plus savoureux était sans doute les longues demandes de pitié et de clémence. Deux mots qui lui étaient totalement inconnus et qui réveillaient en lui le vice. Méticuleusement, L’Oriental essuyait ses mains, passant avec précision le linge propre entre ses phalanges et sous ses oncles. Ne rien montrer de ce que l'on est capable d'infliger à autrui ainsi lorsque l'Azazel frappait c'était une totale surprise. Il savait bien le Sans-Coeur, les rumeurs qui circulaient sur lui. Imposteur, faible, usurpateur, coeur-tendre ... Des nigauds ! des imbéciles et des niais qui se permettaient de dire cela. Ceux qui l'approchaient de près ou de loin savait à quel point il pouvait glacer le sang. La langue de l'Oeil Unique, taquine ses lèvres, comme pour apprécier les dernières saveurs de son repas de violence. Un sourire sadique étire la commissure de ses lèvres, alors qu'enfin le chiffon est balancé à travers la pièce alors qu'il se retourne.

    - J't'ai dit de la virer d'là ! Oh et puis finalement ...

    En quelques secondes l'Azazel parcourut la distance qui le séparait de son Géant tentant de relever la fille de joie. La pauvre ribaude était plus qu'amochée, l'éternel sourire avait été dessiné sur son visage où se mêlaient larmes et crasse. Sur son épaule droite dénudée, une rose sanglante avait été gravée sur sa peau sale. Fermement L'assassin lui releva le menton, déjà s'esquissait sur un de ses yeux bleu la trace d'un coquard. Sans ménagement aucun, une fois de plus le point serré du Borgne tomba sur le visage fin. Un choc ! un craque ! Et la silhouette s’avachit. Sonnée.

    - Au moins comme ça nous ne l'entendons plus. Bien ! Débarrasses-moi d'elle je ne veux plus la voir ici. J'espère qu'elle aura compris la leçon ! On ne se joue pas de moi. ... Tsss Allez ! Bouges-toi !

    Sans plus attendre le géant nordique hissa le corps fluet et inconscient sur son épaule, ne faisant pas grand cas du confort de la fille, en passant la porte elle se cogna d'ailleurs la tête.
    Le maître reste seul, là dans sa tanière. Un domestique/esclave vient pour effacer les dernières traces de l'activité récente de l'Azazel. Quand la porte s'ouvre à nouveau.


    - Maestro ?! Una chica quiere verte !
    - ¿ Quién ?
    - No sé. Pero te puedo decir que ella tiene el pelo rojo.


    Le sourcil de l'Oeil Unique se hausse, la dernière Rouge à qui il a eu affaire, il y avait à peine quelques jours, ne reviendrait pas ici. Non ... Elle n'oserait pas. La curiosité du Maître est piquée à vif, cependant. Le visage redevenu neutre, se tourne vers l’ibérique.

    - Bueno ! Entra.

    L'espagnol se retire et la silhouette de la "Rouge" entre à pas de velours. L'assassin se retourne et pendant un fraction de seconde, force est de constater qu'il est surpris.

__________________
traduction dans l'ordre :
- Maître : Une fille veut te voir
- Qui ?
- Je ne sais pas ! Mais je peux te dire qu'elle a les cheveux rouges
- Bien ! entre.
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