Dette de sang, dette de larmes

Une silhouette encapuchonnée se promenait dans les dédales de la cours de miracles. Les ruelles sombres et sales, les pavés luisants et humides, les murs crasseux, d'où parfois une lumière jaunâtre illuminait les vitres maculées de saleté. Parfois des cris, des ombres sur les pas des portes, des éclats de musiques tapageuses provenant des tavernes. Des filles de joies, aguicheuses, déballant leurs charmes plus ou moins certains pour appâter le client. Des miasmes infects couronnaient le tout, odeur de mort, de stupre, de crasse et de misère humaine.
Jamais Choyin, ni sa mère, ne l'auraient imaginée dans un tel endroit. Elle trouva enfin la petite bicoque qu'elle avait loué, assez cher. Idéal pour ce qu'elle voulait faire, mais elle devait préparer le terrain...

Elle ouvrit la lourde porte grinçante, et plissa le nez en sentant l'air aux relents d'humidité et ... d'autre chose. Elle entra, posa son lourd sac par terre. Une petite visite des lieux s'imposait. Elle alluma un feu, avec le tas de bois qui trônait à côté de la cheminée. Deux pièces sombres, des murs épais. Une paillasse dans la plus petite des pièces, et deux chaises. Elle eut un sourire sardonique en observant le plafond. De larges poutres de chênes, sous la toiture de chaume humide. Elle sortit les chaînes de son sac, et les installa, de manière à faire pendre les bracelets à sa hauteur.

Elle retira sa capuche, dévoilant son visage exotique, aux traits si étrange pour ceux d'ici. Son père était asiatique, et sa mère Kathryn, voyageuse Thuringienne. Drôle de mélange. Ses longs cheveux noirs étaient rassemblés en une longue tresse, même si lui préférait les voir détachés. Elle eut une pensée attendrie en pensant à celui qu'elle aimait plus que tout, encore malade. Elle pensa au contact de sa peau, à ses caresses, à la chaleur de leurs corps, à leurs étreintes si délicieuses...
Il fallait rester concentrée. Magnus, alias Donatien de Paysac, devait payer. C'était le père d'Exael. Son géniteur. Il l'avait durement marqué, aussi durement qu'elle. Magnus lui avait pris quatre ans de sa vie. Kem avait été vendue par ses frères à ce mercenaire, toujours en recherche de catins pour sa troupe. Le fait que Kem soit bréhaigne avait fait monter les prix... Et elle avait subit quatre ans de sévices, de tortures, de viols répétés. Elle avait réussi à s'enfuir. Mais elle avait été retrouvée ... avec l'aide d'Exael, il avaient réussi à réduire sa troupe à néant. Ce fou, obsédé par Kem, avait sacrifié son groupe, son argent, pour la retrouver et qu'elle redevienne sienne.
Puis était venue la lettre ... Il dévoilait à Exael qu'il était son père. le même sang coulaient dans leurs veines. Elle avait subi le père, et couchait avec son fils. Pourtant, cela ne lui faisait rien, à Kem. Le fils n'est pas le père. Et il avait martyrisé son fils... Elle soupira. L'heure était venue.

Elle sortit les racines de datura d'un sachet. Une plante très puissante, aux effets psychotropes, hallucinatoires, et parfois mortelle si la dose était trop forte. On l'appelait aussi le pommier piquant. Certains païens l'utilisaient dans des rites impies, et croyaient ainsi parler à leurs dieux. Des guérisseurs de son peuples l'utilisaient à petite dose pour endormir avant de procéder à des actes de soin douloureux.
Elle écrasa les racines, ne lésinant pas sur la quantité, et les fit macérer dans un mélange d'alcools. Un colosse tel que lui, elle préférait qu'il soit bien étourdi pour pouvoir l'amener ici. Ce n'était pas une guerre loyale, lui ne l'était pas. Il s'en prenait aux plus faibles, aux femmes et aux enfants. Alors, l'aspect loyal, elle s'en foutait un peu. l'important était qu'il paye et souffre autant qu'elle avait souffert. elle voulait le voir pleurer comme un bébé pour son salut... Elle emporta le flacon, et referma la porte. Bientôt, ils seraient de retour avec ce monstre...

Le lendemain ...
Le voyage semblait interminable, mais le colosse était encore sous l'effet de la puissante potion de datura. Kem craignit un instant de l'avoir faite trop forte ... et de l'avoir tué avant de s'être vengée. Elle eut un regard et un sourire bref pour Exael, puis ils arrivèrent enfin devant la petite maison, que rien ne distinguait des autres, dans une des ruelles sombres et sales de la cours des miracles. Ils transportèrent Magnus promptement à l'intérieur, toujours entravé de liens épais. Il était toujours inconscient, alors, sans un mot, la mâchoire serrée, Kem entreprit de couper les liens, et de lui installer les bracelets de chaîne autour de ses poignets. Puis ils tirèrent les chaines, de manière à le suspendre, les pieds juste au dessus du sol.

C'était ainsi que Kem était parfois punie, on avait l'impression que ses bras allaient se détacher sous son propre poids... Le colosse était encore endormi, le menton pendant sur son torse puissant. Son crâne rasé luisait, son petit bouc, sa musculature impressionnante ... Kem éprouvait un certain malaise à le voir d'aussi prêt, elle qui avait tant souffert entre ses mains et celles de ses sbires. Ses poings puissants, elle les avait subit, lui brisant parfois les os, pour la soumettre, avant de la violer ou de l'abandonner à la concupiscence de ses lieutenants. Elle frissonna, persuadée qu'il allait se réveiller comme un diable en boîte pour tenter de l'étrangler, la battre, avant de la violenter...

Mais il était attaché à la poutre du plafond. Et elle se retourna, pour sortir deux trois instruments de son sac. La médaille de la griffe, un nerf de bœuf, un poignard. Rien de plus. Elle entreprit de rallumer le feu, et y fit chauffer la médaille. Elle lui ferait ce qu'il lui avait fait. Il devait payer, ensuite, elle pourrait recommencer sa vie là où elle s'était arrêtée, sur le ponton d'un quai, lorsque son père avait fait tuer sa mère avant de la donner en mariage au vieux. Et lorsqu'elle s'était révélée stérile, renvoyée à sa famille, elle fut vendue à Magnus ...

Elle eut un regard pour Exael, hésitant soudain. Il s'agissait de son père, ou plutôt de son géniteur, car il était aussi monstrueux en tant que père qu'en tant qu'homme... Elle ne pouvait deviner ce qu'il pensait à ce moment précis. Lui aussi avait vécu des choses terribles... Mais elle pensa à celles qui avaient aussi souffert. Et qui étaient mortes. Mei-Li, Narki, Constanz, et tant d'autres .... et Eva. La petite Eva. Une toute petite fille de huit ans, butin du pillage d'un village. Broultou avait revendiqué comme prise cette toute petite blondinette, qui pleurait. Kem avait longuement négocié avec le mercenaire, pour éviter à la petite un sort tragique. Connaissant l'homme, elle doutait que la petite survive à de telles violences. Elle avait négocié longtemps. Et elle avait subit... elle était rentrée sur sa paillasse en rampant ou presque, la douleur au ventre la pliait en deux. Mais néanmoins, elle avait souri, mais pas d'Eva. Magnus lui déposa à ses pieds en riant, les os brisés, affreusement violentée, les yeux agrandis de terreur, la bouche ouverte en un cri qu'elle n'était plus capable de pousser. Elle était mourante, et Kem, les larmes aux yeux, fit ce qu'il fallait pour la libérer du cauchemar...
Il allait payer, pour elle ...

Le néant, rien, il n'y avait rien, il n'était rien. Comment était-il arrivé dans le néant? Le colosse endormit se posait encore la question. Il réussit petit à petit, à rassembler ses souvenirs. Il attendait sa reyne, sa Kem, sa catin. Dans une auberge... Il avait bu, et puis ... le néant.
Ses sensations revenaient, petit à petit. Les odeurs, d'abord. Il sentait des relents de vieux, d'humidité. Où diable pouvait-il être? Et une senteur, qu'il connaissait bien. Un mélange agréable de chèvrefeuille et de jasmin ... Sa reyne ... Elle était là, l'avait-elle rejoint? Il entendait un feu crépiter, et la sensation de personnes avec lui, silencieuses, dans la pièce.
Puis la douleur, de plus en plus cuisante. Ses poignets, ses épaules lui faisaient un mal de chien, et il se sentait ... nauséeux. Il en comprenait pas, mais la douleur devenait de plus en plus vive, comme une brûlure, comme si ses bras menaçaient de se détacher de son corps... Il était entravé, les bras tordus en arrière, suspendu.
Il ouvrit les yeux, fous de rage, réduit à l'impuissance, lui qui adorait tuer, qui adorait soumettre, et il croisa le regard de sa reyne, sa tortionnaire. Étrangement, il la trouva plus belle que jamais l'observant de ses yeux noirs, son minois respirant l'innocence et la fraîcheur. Il la désirait toujours autant, et des idées obscènes traversèrent son esprit dérangé.

Le colosse, malgré la douleur, lui adressa un sourire narquois, aussi insolent qu'il puisse l'être dans sa position.
Ma reyne ... Tu es venue vers moi. Je le savais, tu convoites mon désir. C'était ainsi que tu me voulais? Il tenta de ricaner, mais cela se transforma en croassement. Tu n'es qu'une catin, je le savais. Détache moi, que je te donne ce que tu mérites.
Mais Kem ne bronchait pas d'un cil, se contentant le le regarder, sans sourire, attendant, tandis que la douleur devenait de plus en plus insupportable. Le jeu avait assez duré, il perdait patience. Il tenta de l'amadouer.
Ma reyne, mon amour. Je te donnerai tout. Détache moi, s'il te plaît. Les derniers mots avaient été crachés d'un ton impatient. mais Kem ne bougeait toujours pas, le regardait de ses yeux noirs étrangement bridés, aucune expression visible sur son visage.
Puis, il avisa son amant, son fils, Exael, adossé au mur de brique, qui visiblement était impatient. Impatient de faire quoi? Magnus commençait à comprendre...

C'est ainsi que tu te bats, fils? Ce n'est pas ainsi que je t'ai appris à te battre, comme une femme? Tu me voles ma catin... et tu veux tuer ton père d'une manière aussi lâche? Aurais tu peur, fils? Il tenta à nouveau de rire, malgré la douleur. Détache moi, fils. Elle ne vaut pas la peine que tu fasses cela pour elle. C'est qu'une chienne, une catin. Je l'ai eu avant toi, de toutes les manières possibles. A chaque fois que tu la prendras, sache que je serai passé avant toi. Elle a connu un homme, un vrai, et avant toi !Et pas qu'un! Crois moi, cette traînée n'es pas tuable au lit, et pourtant, on l'a pratiquée avec les autres! Pense y, fils. A chaque fois que tu la prendras, que je l'ai eue avant toi! Détache moi, et prouve que tu es un homme !

Magnus faisait tout pour provoquer Exaël espérant être relâcher et pouvoir les maitriser à son tour, Il souffrait mais il était robuste l’animal.

Exaël n’avait pas de pitié mais il est vrai qu’il avait l’avantage …Prendre un risque , si près du but était vraiment osé,mais ou était la fierté ? Ou était le courage ici ? Il n’y en avait pas …

Exaël était un brave, la facilité ce n’était pas son domaine, il laissait cela aux faibles. Il retira la dague de sa botte, coupa les liens et le fit tomber. Magnus pestait critiquant ce choix , s’énervant jurant que c’était la pire erreur qu’il venait de faire…qu’il le tuerait facilement et qui s’occuperait de Kem…mais le jeune homme ne l’entendit pas de cette façon.

Il sortit de la maison fit un signe à Kem de se pousser. Magnus fonça sur lui, le plaqua au sol et le rua de coups, le jeune brun arriva à se dégager en le frappant fortement au cou. Magnus cria de tout son être. Exaël se leva fit un mouvement de rotation de sa jambe droite ce qui plaqua son pied au visage de son adversaire, il réitéra plusieurs fois les gestes ne lui laissant aucun moyen de pouvoir prendre le dessus.

Le jeune homme était envouté par une force intérieure, il fit quelques coups pieds arrêtés au niveau de son ventre. Et claqua ses deux mains au niveau des cervicales ce qui le fit tomber. Il le frappa de plusieurs coups de pieds, dans sa sale tronche,au ventre, dans les jambes et sous la ceinture. il l’avait à sa merci, il avait vaincu son père !

On fait moi le malin hein Magnus , tu te croyais puissant et fort mais tu n’es rien ! Sans tes hommes sans tes écus tu es diminué ! Tu me dégoutes ! TU ES UN MONSTRE ! Tu vas payer pour tous tes crimes. Toutes ses femmes violées, toutes tes victimes seront en moi ce soir…Oh oui tu vas payer …

Il le frappa un énième coup et le laissa gésir au sol , pris par la haine et l’envie d’en finir. Personne ne pouvait l’empêcher d’achever son œuvre , même Kem n’aurait pas pu le faire arrêter pourtant il se stoppa. Il le regarda rampant comme un lâche tentant de fuir. Il s’agenouilla lui mit un bon crochet du gauche et ajouta en se relevant.

La marche du vertueux est semée d'obstacles qui sont les entreprises égoïstes que fait sans fin surgir l'oeuvre du Malin. Bénit soit-il l'homme de bonne volonté qui au nom de la charité se fait le berger des faibles qu'il guide dans la vallée d'ombre de la mort et des larmes car il est le gardien et la providence des enfants qui se sont égarés. J'abattrai alors le bras d'une terrible colère, d'une vengeance furieuse et effrayante sur les impies qui pourchassent et anéantissent les brebis de Dieu , et tu saura pourquoi mon nom est l'Eternel quand s'abattra sur toi la vengeance du Tout Puissant..(pulp fiction VF)

Il alla prendre son épée dans la maison , revint vers son géniteur et lui planta dans l’abdomen.

Exaël le regarda agoniser, résister à la mort, ses yeux devinrent rouge de sang, la bave commencer à sortir de sa bouche, il tremblait. Exaël devenait diabolique, tyrannique les traits de son père ressortaient en lui …il fallait qu’il se calme pour ne pas tomber complétement dans la démence …

Et Kem perdit le contrôle des évènements. Magnus était pervers, il savait ce qu'il faisait. Il voulait échapper à la torture ce lâche, en provoquant Exael. Ce qui réussit, d'ailleurs. Elle fut repoussée avec force, et son bien aimé, complètement enragé, s'occupa du colosse. Alors qu'il lui avait promis... Les coups pleuvaient, et Exael eut le dessus sur son père.
Avec effroi, Kem aperçut enfin la ressemblance entre Magnus et Exael dans ses traits déformés par la fureur et la folie...

Magnus gisait au sol, l'épée plantée dans l'abdomen. Il bavait du sang, agonisait. Elle se pencha sur le mourant, qui lui murmura: Ma.. reyne ... Je t'avais .. prévenue ... il est comme ... moi. Il ricana comme il put, eut un spasme de douleur, et la dévisageait d'un air narquois, malgré sa lutte contre la douleur. Il te .. fera du mal... tu le mérites..., sale chienne... j'espère ...que.... tu souffriras...

Sur ces paroles, quelque chose se brisa en elle. Il tentait toujours de la détruire, de détruite la seule chose qui la rendait heureuse, humaine, normale. Il cherchait à briser sa capacité à aimer et être aimée. Il avait raison, elle ne serait jamais qu'une catin... Elle se leva, attrappa le nerf de boeuf, et le fouetta aussi fort que sa rage lui permettait, les coups pleuvaient, le fouet laissait des marques rouges, puis entama la peau. Puis elle alla attraper la médaille avec une pince,. Elle chauffait au rouge. Elle lui plaqua sur le front, sans tenir compte des hurlements de son ex- tortionnaire.
Je te hais ... La voix de Kem était haineuse, inhumaine. Elle en fut choquée elle même. Le colosse émit quelques derniers gargouillis avant d'expirer.

Kem se sentait vide. Vidée de la haine. Eva, les autres, et elle même vengées. Elle tremblait. Elle pensait qu'une fois la vengeance accomplie, elle oublierai tout. Redeviendrai normale. Mais les paroles du colosse avaient fait leur effet. Elle eut un regard pour Exael... La voyait-il comme une catin, comme la catin de son père?
Magnus était beaucoup moins impressionnant dans la mort. Elle tremblait sans pouvoir s'arrêter, les larmes coulaient sur ses joues. C'était fini, mais elle se sentait toujours aussi mal. Elle n'osait pas regarder Exael, son expression de rage meurtrière l'avait terrifiée... Néanmoins, elle se tourna vers lui, planta son regard dans le sien et lui caressa la joue. Elle espérait pouvoir lire dans ses yeux verts ce qu'il voyait en elle...