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[RP] Acte 4 - Mise à mort

Labda
« Si la liberté grise, la famille rassure »
    Maurice Chapelan

    Labda était rentrée chez elle, parce que l’hiver n’est pas propice aux affaires du saltimbanque. Parce qu’elle aurait sous peu rencontré la brutalité des neiges, la morsure du froid, et qu’elle n’en avait, cette année, ni la force ni la volonté. Labda était rentrée chez elle pour retrouver sa jeune sœur, cloîtrée dans son bordel, mélange de saveurs et de douceurs, alcôve merveilleuse. Elle était finalement rentrée chez elle car le Berry manquait cruellement à sa chair. Son corps tout entier le réclamait, terre de souillures et d’amertume.

    Mais c’était là un retour déçu, duquel il émanait cette si particulière odeur de sang qui, sournoisement, attirait l’enfant. L’effluve lui promit mille soulagements ! Elle lui dit, lui susurra, que sa course était lancée et qu’on ne pouvait arrêter une vengeance en marche. Allez, lui dit-elle séduisante, exauce ma volonté et tu en seras pleinement récompensée ! Elle lui promit la tranquillité de l’esprit. La tranquillité de l’âme ! C’est si beau, si enviable … Alors à quoi bon refuser l’appel du démon ? Comment seulement songer à négliger l’offre ? C’était un choix sans l’être, car Lindor n’était plus corruptible, mais disons plutôt, déjà corrompue.

    Seule la gifle de June n’était responsable de cet engrenage, d’autres chaînes et maillons rouillés s’y entremêlaient déjà. Une dernière chose seulement avait entraîné le précieux mécanisme dans sa course effrénée : ironie du sort, Orian participait au meurtre de son père ! Ô joie, ô allégresse ! Car Labda avait été convaincue, de par la dernière lettre du jeune berrichon, creuse, trop amère à son goût, trop violente, qu’il n’en était pas le commanditaire. Alors qui ? Son esprit torturé en était alors venu à la conclusion si folle et pourtant, toute simple, de la mort de l’amant. Tué par son propre père, probablement. C'est ainsi que vengeance était devenue nécessaire.

    Engeance de malheur, crève, crève !

    Vengeance était en marche. Plus qu’une histoire d'honneur – car quel honneur peut se vanter d’avoir une fille de rien ? – l’affaire était viscérale, animale. Disons, instinctive. Jusqu’à la mort un chien enragé défendra sa part de viande, soit-elle minime. Jusqu’à la mort la louve défendra son louveteau ! Ou presque. Une chose seule était certaine, la haine, vouée par l’un à l’égard de l’autre.

Bourges – 31 octobre 1460, au soir
    Il faisait nuit noire déjà, et les rues de la capitale doucement s'étaient vidées. Seuls quelques badauds gémissant se faisaient encore entendre au coin des rues, quelques soudards insidieux et quelques filles de mauvaise vie que l'on apercevait à peine. La nuit recouvrait tout de son manteau d’hiver, tandis qu’un vent sifflant traversait la cité de part et d'autre. Les quartiers maudits n'étaient pas si loin, pas tellement éloignés, mais ça n'en restait pas moins un pari risqué ; seulement raison avait grand soif de vengeance. Lindor s'avançait, vêtue, comme un homme, toute entière de couleurs sombres. Une longue pèlerine dissimulait la créature et assombrissait la face figée ; l’ombre, le spectre rasait et dévorait les murs, dans son sillage probablement les rats gisaient, inertes. La démarche était aisée, assurée. Rapide et silencieuse. Ces ruelles, combien de fois les avait-elle empruntées ? Trop souvent à son goût. Trop souvent et pourtant si peu encore.

    Car ne crains-tu pas, Lindor, de courir à ta propre mort ?

    Elle arriva au centre de la capitale, là où elle soupçonnait le grand Sarzay de surgir. La place était silencieuse. Un chat, au loin, miaula avec force. Elle ne put dire de quelle couleur était l’animal, ni s’il souffrait d’un quelconque mal, ou bien s’il craignait seulement les entrailles de la nuit. Elle prit les miaulements pour de sombres encouragements, et s’avança à pas de loup jusqu’au Palais, siège de la Chancellerie berrichonne. Maudite chancellerie. Lindor brûlait intérieurement. Alors, c’est là que tu te caches, putain de June ?

    L’imposante bâtisse écrasait la jeune fille et elle pria pour qu’il ne soit pas long. Oui, voilà, il fallait qu'il vienne vite ! A l’abris du regard du garde, elle s’agenouilla, aux aguets. Tout son être était concentré sur une seule et unique action ; l’attente était insupportable. Elle était prête, c'était, le moment ou jamais ! Allez maudit June, viens, viens à moi ! Viens à ta perte !

    Elle attendit qu'il s'éloigne un peu et le prit en filature. Son regard était comme aspiré par la masse sombre qui filait au loin : elle eut même le sentiment de s'envoler tant elle était mue par la passion. Furtive, elle se glissa au moment propice dans le dos de sa proie, y appuyant le bout de sa dague. Avec fermeté, elle le força à poursuivre son chemin jusqu'aux quartiers déchus, futurs planches d’une mise à mort.

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June
    Ce maudit diplomate l'avait mis en rogne. Et vas-y que je te propose des conneries, et vas-y que je refuse le traité envoyé parce que les couleurs ne sont pas jolies... Norf de norf, et ils osaient appeler cet abruti fini, un "ambassadeur" ?!
    C'était presque une insulte pour les vrais. June était plutôt calme de caractère, même parfois dans des situations où il est insensé d'être calme. Mais ce jour-là, ah ! Ce jour-là !

    Si ce n'était l'ambassadeur imbécile, il y avait aussi, pour compléter le tableau, un cheval de la petite écurie du palais qui était parti en vadrouille, un serviteur qui s'était fracturé la jambe en tombant alors qu'il essayait de rattraper l'animal, et même le déjeuner diplomatique prévu qui était arrivé pas assez cuit, puis trop cuit dans un second temps. Le mode d'emploi d'une journée diplomatique pourrie était présent en entier, du sommaire à la quatrième de couverture.
    Énervé, il aboyait en langue angloise sur qui se trouvait sur son chemin, et ceux qui pouvaient l'éviter filaient sans demander leur reste. Quand l'Excellence utilise son langage fleuri personnel, il vaut mieux s'échapper au plus vite.

    Il demeura là jusque tard dans la nuit, travaillant sans relâche sur les dossiers qui était depuis trop longtemps déjà sur son bureau. Mais il était toujours excédé de sa journée. "Demain est un autre jour", se disait-il. Et heureusement !

    La nuit l'apaiserai. Sa solitude aussi, aussi mentale soit-elle. Mentale car Lewa serai là, comme chaque soir, réchauffant de sa masse de poils rêches le fauteuil du grand blond avant qu'il ne rentre. Et puis, sa joie de vivre. Rien que sa présence. Et quand elle ne sera plus là ? Il préférait ne même pas y penser.

    Il décida de se libérer lui-même pour aller retrouver la chaleur de sa maison. Alors qu'il ne faisait qu'y songer, cela lui procurait déjà la satisfaction de la sérénité promise. Plus le temps avançait, et plus il lui tardait d'y être.
    La porte du Palais claqua. Cette fois, il rentrerai à pied, cela lui changera.
    Après quelques temps de marche, il entendit un infime bruit de pas presque inaudible ; il n'eut pas le temps de se retourner qu'il sentait déjà un objet pointu appuyer dans son dos. Son agresseur le força, non sans mal au début, à aller vers des rues plus sombres. Il finit par se laisser faire, puisque sa dague bien cachée dans sa botte était pour l'instant hors de portée

    Décidément, c'était vraiment une journée de m*rde.

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Chancelier & Bailli du Berry - Seigneur de Sarzay - Président du FIER
Labda
    La rébellion que l’adolescente redoutait n’eut pas lieu : bien qu‘il ne mit pas le cœur à l‘ouvrage d‘emblée, le Sarzay se laissa finalement faire. Elle ignorait s’il l’avait reconnue. Elle en doutait ; recouverte de sa pèlerine, elle aurait pu passer inaperçue et ne rester qu’une simple silhouette. Et puis, était-elle la seule à lui en vouloir ?

    Elle resserra son étreinte au fur et à mesure qu’ils s’enfonçaient dans la ville. La course fut sans encombre et se dessinèrent vite les quartiers maudits, sanctuaire d’une belle troupe de débauchés. Ils s‘engouffrèrent là où même la lumière rechignait à s'aventurer. Voilà, ils y étaient, ces deux oiseaux en perdition. Elle le fit emprunter une ruelle étroite où l’ombre d’une masure dessinait sur la façade qui lui faisait face les contours maladroits d’une potence. Elle le força à s'y enfoncer un peu plus encore, tandis qu’au loin, comme étouffées par l’épais brouillard qui recouvrait alors la ville, des jérémiades à peine audibles déchiraient le silence. Décors parfaits pour la pièce qui devait suivre, seule la mise en scène oscillait encore sur les incertitudes des comédiens ; ce serait ce soir, de l’improvisation totale.

    D’autant que les deux protagonistes n’avaient, semblait-il, comme deux couleurs criardes sur la même étoffe, rien à faire ensemble ; beaucoup les opposaient et si peu les rapprochait. Quelque chose assurément les empêchaient de s’accorder, quelque chose de si infime, de si minime et pourtant de si déterminant. Le malaise en devenait presque tangible, comme si la brume alentour résultait de la haine partagée. Lindor théâtralisait tout, c’est ainsi qu’elle déclara dans un élan moliéresque :

    Que diable allions-nous faire dans cette galère ?

    La réplique resta un instant en suspens avant que Labda ne lance les hostilités : elle plaqua le Sarzay contre le mur et se colla à lui après avoir glissé, presque avec douceur, la lame sous la gorge prisonnière. Ainsi serrés, elle ferma les yeux après s'être cramponnée d'une main aux cheveux de June, comme bercée par les murmures lointains.

    Dis-moi June, dis-moi, à tes yeux, quelle est la chose la plus chère ?

    Car il serait grand temps de faire de plus amples connaissances, tu ne crois pas ?

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June
    Il se laissa faire tout au long du voyage. elle l'emmenait dans des endrots qu'il connaissait d'un simple regard, et parfois dans des ruelles jamais vues. Quelle drôle de façon de découvrir ou redécouvrir sa propre ville... Ce serait presque un comble de devoir se faire enlever pour pouvoir prendre le temps de faire du tourisme. Alors qu'il s'attardait du regard sur une poutrelle à la forme étrange, il fut ramené à la réalité quand son ravisseur le plaqua contre le mur. Une lame collée à sa peau pâle et ses cheveux tirés, chose douloureuse qu'il essaye de supporter tant bien que mal. Tant qu'il ne lui tirait pas autre chose...

    "Dis-moi June, dis-moi, à tes yeux, quelle est la chose la plus chère ?"

    Il regarda le mur, durant un quart de seconde. Une voix de femme, connue ; mais qui était-ce ? Il ne savait plus. C'était bien sa veine. Qu'espérait-elle ? Qu'il réponde une chose pour qu'elle la détruise en direct devant lui ? Sarzay ? Le Palais ? Son travail ? Ses vêtements ? Ses objets ? Son cheval ?

    Non. Il savait qui elle était, à présent. Son esprit était revenu au clair. Il répondit donc d'un ton neutre à la question.


    "Orian."

    Il ne mentionna pas Nathan, bien qu'il soit au même niveau qu'Orian dans le cœur de June, c'est-à-dire en premier, en tout premier. Mais dans cette situation, que répondre à la fille qui aime Orian ? Le message est : que doit-elle détruire ? La chose que sa victime aime le plus. Et qu'est-ce donc que cette chose ? La personne qu'elle-même aime le plus.

    Quel dilemme... Le grand blond n'aimerait pas être à sa place.

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Chancelier & Bailli du Berry - Seigneur de Sarzay - Président du FIER
Labda
    La réponse traîtresse fit mouche : sa poitrine se serra, son cœur palpita, elle grogna, laissant ainsi luire à la lueur blafarde de la lune, seule juge de l'affaire, une rangée de dents gâtées. Encore lui ! Toujours, c'était toujours à Orian qu'on en revenait. L'ami, l'amant, l'attachement. Le premier peut-être, pour qui Lindor, en pinçait vraiment. Mais il était loin, à présent, et c'était mort qu'elle l’imaginait, or Lindor n'aimait pas les morts, quoi qu’avec férocité elle se raccrochait à leurs nébuleux souvenirs. Sa lèvre supérieure se retroussa très légèrement, un tic nerveux probablement. Allez savoir, alors que la face resta quasi-impassible, si ce n'était cette lèvre tremblante, ce qui se passa dans l’esprit de l’enfant ! Elle qui accusait le Sarzay d'avoir tué son propre fils, de lui avoir enlevé Orian. Lindor avait saisi la provocation, l’intention. Comment avait-il seulement osé écorcher son nom ?

    Et que répondre à l'assaillant, si ce n’est par des coups plus violents encore ?

    L’as-tu fait beaucoup souffrir, avant de le tuer, Sarzay ? Je vais m’offrir ton oreille en pendentif, je vais t’arracher la peau avec les dents !

    Elle hurla sa haine dans la nuque du Sarzay, tandis que la seconde de silence qui suivit paru durer une éternité.

    Lindor reconquit son assurance ; son corps entier était à présent aussi froid qu’immobile. Son souffle ne sifflait plus, sa poitrine se soulevait régulièrement, ses mains ne tremblaient plus, ses jambes ne flancheraient pas. Abandonnant la chevelure soyeuse, elle arracha avec véhémence les hardes du Sarzay, laissant libre cours à sa démence, et, du bout de sa lame, dessina un L ensanglanté, de la taille d'une paume et demi environ, dans le bas de son dos. Ah, comme elle jubilait alors ! Trépignant, elle partit d'un rire tonitruant ; à croire qu'elle ne s'était jamais sentie aussi victorieuse ! Ne prenant plus la peine de menacer la nuque de son arme, elle passa sa main sur la plaie béante, y enfonçant des doigts agiles.

    Crie June, crie autant que faire ce peut ! A mes yeux, ce sont mes dés truqués que je préfère ! Ils sont splendides, ils sont fidèles. Tu vas payer pour avoir tué ton fils et le mien !

    Elle barbouilla son visage de sang, peintures de guerre. Une vraie souillon.

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June
    S'il avait fait souffrir son fils avant de le tuer ? June resta un instant sur la question, l'air interdit. Orian, mort ? impossible. Impossible car le loup sentait au plus profond de lui que les deux bâtards qui portaient pour moitié son sang étaient encore dans ce monde, quelque part. Et pour Orian, c'était même deux fois impossible : le jeune cadet avait avec lui un Ange, son Ange gardien, en la personne d'une rousse au caractère dictateur, qui ne laisserait personne - et surtout pas June - faire du mal à son protégé. Il aurait fallu lui passer sur le corps avant, et un minimum de trois personnes au moins était nécessaire pour défier Koraï.
    Lindor avait hurlé l'acte d'accusation aux oreilles du Chancelier. N'avait-elle pas peur de réveiller tout le voisinage ? Vu l'état des rues et des ruelles, et force est de constater qu'elles étaient de plus particulièrement glauques, les habitants du quartier devaient avoir l'habitude de l'ambiance "cris et coups de couteau".
    June serra les dents, un peu plus.


    "Tais-toi, maudite femelle. Mon fils n'est point mort. As-tu seulement de tes propres yeux vu son corps pour l'affirmer ?"

    Pauvre fille, pauvre folle. Le berrichon n'avait aucune pitié pour elle et sa maigre existence, mais les mots avaient semblé évidents une fois dans son esprit. Il sentait, à son grand désarroi, qu'elle reprenait confiance, alors que sa propre réponse était vouée premièrement à la déstabiliser. Sauf q'il n'avait pas prévu le cas d'une mort d'Orian, tué par son père. Il fallait vraiment être fêlé pour imaginer une chose pareille.

    Mais voilà qu'elle agissait de nouveau : elle commençait à arracher ses vêtements. Pensant à sa façon, il se dit que, d'habitude, lorsqu'une femme lui arrache ses vêtements, c'est pour annoncer un long moment de plaisir charnel, un de plus ; puis, pensant comme son aîné Nathan, il se mit à se rassurer, les vêtements qu'il portait n'étaient pas les plus beaux, ni les plus chers, ni ceux auxquels il tenait le plus, heureusement. Puis, comme s'il se réveillait, il pensa comme un homme : qu'allait-elle lui faire, au fait ?
    Il eut la réponse rapidement, annoncée par une vive douleur, une de celles qu'il n'avait pas souvent connu dans sa vie, qui pourtant avait déjà quelque longueur. C'était comme si on lui déchirait la peau, comme si on la lui arrachait. Et c'était d'ailleurs ce qu'elle faisait, la maudite, faisant du bas de son dos un carnage. Elle rit. A travers elle, le démon le plus vil rit. Et June, larmes de douleur dansant sur ses joues rougies par le froid, laisse échapper les cris qui vont de concert. Il n'est pourtant pas douillet, ce n'est pas un grand guerrier non plus, mais il encaisse plus facilement que cela, d'habitude ; mais elle s'attaque là à un des endroits sensibles de son anatomie, mis à part sa virilité physique. Et elle continue son mal, ne se contentant pas d'ouvrir la plaie que déjà, elle remue le couteau dedans, ou plutôt, en réalité, les doigts sales d'une démone souillon. Elle se délecte de ce qu'elle commet.


    "Ton... Ton fils à toi ? Orian n'est pas ton fils, salope !"

    Ça vient du coeur. Il souffre. Il a mal.
    Mais celui qui blesse l Loup doit s'attendre à de solides représailles.

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Chancelier & Bailli du Berry - Seigneur de Sarzay - Président du FIER
Labda
    Pas de corps.

    Il était vrai qu'elle n'avait plus autant ri depuis longtemps, quoi que ce rire-la n'avait rien de réconfortant ni d'attachant, au contraire, il était froid et surprenant, quoi que la voix n'en restait pas moins haut perchée et fluette, c'était le rire d'un enfant. Mais à n'en point douter la Bda était sûre de son coup, ainsi ses ricanements contrastèrent avec son outrecuidante assurance. Comment aurait-il pu en être autrement ? Elle qui avait encore le physique d'une môme et les pensées entremêlées dans un enchevêtrement désuet et mille fois ébranlé ? C'était qu'on ne la ménageait pas, la balafrée, et c'était assurément à une mort prématurée qu'elle se vouait à batifoler avec le danger comme elle le faisait d'une effrayante régularité. Il lui restait peu de ses jours où, gamine, aucune ombre ne pesait sur sa frêle stature, si ce n'était celle d'une misère héréditaire. Mais la maladie était venue, aussi sournoise que sa première et ultime grossesse. Alban était né puis était mort, un peu, sûrement, comme son bon sens et quelques braises d'intelligence. Seul lui restait son goût pour le beau, car tel était, oui, en vérité, son but ultime ! Faire triompher la perfection au détriment du reste, ce qui expliquait son attirance certaine pour toute chose vaine qu‘elle exécutait avec une patience insoupçonnée. Et quelle admirable perfection que la sienne ! Perfection de l’horreur, putride idéal.

    Ton ... Ton fils à toi ? Orian n'est pas ton fils, raclure !

    Assurément non. Mais c'est que le grand Sarzay semblait un peu perdu face à ce discours improbable - qui n'en restait pas moins parfaitement sensé aux yeux de l'hystérique -. Il lui prit l'envie de jouer à défaut de s'expliquer. Qu'avancer, de toute façon ? Qu'elle était folle à lier sans en avoir toutefois pleinement conscience ? Mais n'était-ce pas mieux ainsi ? Assurément si, car l'ignorance avant un agréable goût sucré pour la balafrée.

    Égalité !

    Car mon fils et mort et le tien aussi. Il y eut seulement comme une amère déception, tout juste étouffée, dans le timbre de sa voix, car elle aurait préféré gagner, même si cela signifiait avoir plus perdu que le Sarzay. Ce qui était, en vérité, probablement vrai. Outre le fait qu'Orian n'était pas mort du tout mais qu'Alban l'était bien depuis longtemps, de quoi pouvait se plaindre le Paternel ? Lindor ignorait beaucoup le concernant, mais elle lui connaissait un proche entourage, ce qui était réconfortant, un nom imposant et des postes grandiloquents. Sa stature était celle d’un grand homme, et il y avait chez lui quelque solennel aura qui la répugnait. Peut-être était-ce naïf de réduire l'homme à sa réputation, peut-être souffrait-il atrocement d'un manque quelconque, d'un mal nécessaire, mais il était de réputation publique qu'elle était, elle, rien qu’une misérable hystérique sans soutien quelconque. Quoi qu'il y avait eu le cousin, l'adoré protecteur qui avait finalement trouvé la mort sous la lame de quelques vagabonds juste avant leurs retrouvailles inespérées. Quoi qu'il y avait la soeur, la petite catin enfuie dans son bordel miteux, mais elle n'était pas d'un grand secours pour Lindor, ne connaissant rien du monde, ni, d'ailleurs, si peu de sa soeur. Lubin, mais il était bon comédien et ne voyait sûrement rien de plus en Labda qu'un gagne-pain. Lyantskorov peut-être, mais à peu de chose près il était aussi dérangé qu'elle et elle craignait ses humeurs et ses coups. Quoi qu'il y avait eu Orian, l‘indomptable enfant. Pas de corps, non, justement.

    Ton fils est fou.

    Ton fils est fou de m’aimer, il a trop à y perdre, mais maintenant c’est trop tard : on ne m’aime pas impunément. Elle tira la langue et y glissa ses doigts salis par la vie qui s‘était enfuie de la plaie. Ça avait un goût moins infect qu‘elle ne se l‘était imaginé, le sang d’un Sarzay.

    Je l’aurais tué de toute façon.
    Fastueuse conclusion. Il en aurait aimé une autre, ça ne m’aurait pas plu.
    Crois-tu que le printemps succèdera à l’hiver ?
    Pardon ?

    Maintenant que ses mains étaient propres, elle put les glisser à sa guise autour de la majestueuse nuque. Son regard morne et son impassibilité regagnée témoignèrent de la banalité de la chose. L'oeuvre était signée, il était temps de l'achever. Surtout ne pas attendre, au risque de rater de peu l'inestimable excellence.

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