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[RP] Call me maybe...

Lotx
Il avait soupiré, il avait pesté. Il avait sifflé, il avait crié. Il avait menacé, il avait boudé. Même, même il avait véhémé! Ce mot n'existant absolument pas dans la langue française, c'est donc vous dire à quel point il avait beuglé hein? Pourtant rien n'y avait fait... Le père supérieur du couvent où il était logé avait été très clair sur ce point: il ne quitterait sa cellule que pour partir définitivement du couvent, c'est à dire quand son escorte serait arrivée. Une escorte menée par sa nouvelle "responsable de la lubrification des rapports épiscopaux" qui quittait à peine Périgueux et qui ne serait pas là avant des semaines!
Dans un excès de rage, le jeune prêtre donna un grand coup de pied dans son armoire. Les moines, en prière, eurent alors leur messe troublée par les hurlements caractéristiques de l'éclatage de pied contre une armoire qui-rend-encore-plus-énervé-qu'avant résonnant dans tout le couvant. Et pourtant nul ne bougea le moindre muscle, ces braillements pouvaient bien durer tout le jour et toute la nuit, ils n'en quitteraient pas pour autant leur sentiment de profonde quiétude. Pensez donc, bientôt cela allait faire une heure toute entière que le garçonnet ne leur avait pas tourné autour, sautant, gesticulant et surtout ne cessant de marmonner des "je suis évêqueuh, je suis évêqueuh, et pas toi, toi t'es vieux et moche! J'suis évêqueuh, j'suis évêqueuh..." Alors, après avoir maudit l'assemblée épiscopale de France qui venait de le nommer, après avoir prié pour que le Très Haut lui envoie une laryngite carabinée et après avoir échaffaudé divers plans, plus ou moins retors, reposant généralement sur l'emploi d'une vieille statuette de l'ange Al Lopass en pierre massive comme d'une arme contondante, une réunion cléricale extraordinaire avait été réalisée. Et l'emploi de la force fut voté à l'unanimité pour terrer le garçonnet dans sa cellule, jugeant qu'il aurait beau s'égosiller, au moins ne pourrait-il plus s'approcher d'eux à des distances inférieures au centimètre pour ce faire.
Bien leur en prit puisqu'après douze heures de braillements interrompus uniquement par le besoin d'assouvissement de quelques nécessités éminemment naturelles, Lotx se résolut à passer à des activités plus constructives afin de préserver ses cordes vocales pour quand arriverait son escorte. Histoire de pouvoir passer tout le voyage à leur signifier que "j'suis évêqueuh, j'suis évêqueuh!", dans l'hypothèse où ils n'auraient pas compris les quatre cent trente-huit fois précédentes. Alors se tourna t-il vers sa paillasse où il trouva un chanoine (qu'on avait chargé contre son gré de le surveiller) dans un état de crispation passablement avancé. Il lui tendit alors une plume, de l'encre rose et du papier violet, jurant ses grands dieux que oui, oui, rédiger des missives était un moyen simple et efficace de se calmer et d'expier douze heures de torture auditive. Et puis il le lui jura à nouveau mais en criant cette fois puisque le chanoine avait perdu cinq dixièmes d'audition lors des douze heures précédentes.


Bon alors vous c'est quoi votre nom?
-Noël, monseigneur.
-Vous êtes le père... Noël?
-C'est ça monseigneur!
-Bordel! Alors là j'crois bien que j'parle au nom de tous en disant que l'narrateur y touche le fond hein!
-Je vous demande pardon?
-Nan, nan, rien... Bon, 'savez écrire au moins père *sigh* Noël?
-Évidemment, je suis un moine copiste!
-Bon alors s'parfait, on va écrire à l'autre là, le prince, le fils de de la reyne.
-Euh...
-Mais siiiiiiiiiiii! Vous savez, celle qu'avait une sacrée paire de... aheum... celle qu'a succédationné à l'autre glandeur de Lévan!
-Ah oui Béatriz! Le prince il s'appelle Charlemagne de Castelmaure-Frayner.
-Ouais voilà, çuilà, alors prendez l'écritoire qu'j'vous ai donné et j'vous dicte.


Le moine leva les yeux au plafond face à cette incompréhensible et soudaine lubie d'écrire à un type haut placé dont l'évêque ne connaissait même pas le nom mais s'exécuta pourtant. Après tout, si cela pouvait lui éviter encore une crise de nerfs...

Donc de moi à Charlemachin là, votre euh... Comment qu'on dit? Votre princitude? Nan, ça veut rien dire ça, bon mettez juste "mon brave" alors ça suffira! Je vous souhaite mes plus sincères condoléances pour la mort de votre défunte...
-Si elle est défunte ça sert à rien de parler de mort hein?
-Bon... Alors pour la mort de feue...
-Feue c'est pareil ça veut dire qu'elle est morte...
-Nanmé dites donc, spa bientôt fini de m'contredire comme ça? Alors disons pour le passage de vie à trépas de votre mère, qui est donc morte défunte, même qu'on peut l'appelationner feue maintonant.
-...
-Ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiii?
-Ben c'est à dire que, outre la construction de la phrase, ça fait un peu plus d'un an qu'elle est morte donc...
-Et alors mieux vaut tard que jamais non? Donc oùsque j'en étais moi? Ah ouais, une femme très euh... bon, une femme que j'ai très, très bien connu puisque j'ai participationné, à l'époque, aux négociations entre elle et le clergé lors de sa campagne pour le trône, en compagnie du primat d'alors monseigneur Odoacre. Or, figurationnez-vous qu'elle devait nous offrir un archiduché, NAN un marquisat... NAN NAN NAN, un archiduché, c'est mieux comme titre ça pète plus!
-Bon faudrait vous décider je mets quoi, un archiduché ou un marquisat?
-Bah, mettez les deux. Donc un archiduché et un marquisat chacun sauf que comme Odo il est mort et que j'étais marié avec lui eh bien... QUOI ENCORE?
-Vous n'étiez pas mariés! Enfin je veux dire... Je sais bien que tout Rouen se demandait si le fait que vous soyez tout le temps fourrés l'un avec l'autre n'impliquait pas que vous soyez fourrés l'un d...
-Z'y comprendez rien! C'était pas un mariage d'amour mais un mariage vénal pour que je récupérationne toutes ses possessions une fois mort. C'était purement pas intérêt hein, on voulait pas faire des gosses, 'ttendez z'avez vu sa tronche, les pauvres gosses!
-...
-Très bien, très bien. Mettez qu'on était "à ça" d'être mariés alors!
-Je ne suis pas persuadé que le mouvement du pouce et de l'index que vous venez de faire passe très bien à l'écrit.
-Ben z'avez qu'à le dessiner! Bref, je disais donc on était "à ça" d'être mariés et donc en fait elle me devait deux archiduchés et deux marquisats plus les intérêts disons trois ou quatre comtés. En tant que son fils, je viens donc sobrement et avec toute l'humilité qui me caractérise -CESSEZ DE RIRE NOËL JE VOUS PRIE!- vous réclamationner mon du. En plus je suis évêque de Périgueux et j'veux pas dire mais à l'AEF vous êtes pas franchement la mascotte générale hein? Donc forcément, anoblir quelqu'un d'aussi apprécié, nan adulé... nan 'ttendez, comment qu'on pourrait dire?
-Vénéré?
-Nan, vénéré s'quand on va voir la grosse Mathilde... hum... vénérien! C'est ça, quelqu'un d'aussi vénérien que moi au sein du clergé ne pourrait qu'améliorer les rapports que vous entretenez avec l’Église, forcément! Et vous Noël cessez de me faire ces gros yeux, parfaitement que je suis vénérien par mes pairs, j'veux dire si on enlève la moitié de l'AEF ben l'autre moitié elle me connaît pas donc elle m'aime presque bien! Bref! Notez au passage que je suis un clerc fidèle moi -et vous me soulignerez le moi- et la fidélité s'important, j'suis pas comme, au hasard, monseigneur Fitz. Et là vous lui faites un clin d’œil!
-...
-Vous dessinez un type... nan, un poney! Vous dessinez un poney qui fait un clin d’œil! Bon et ensuite on va conclure.Alors là va falloir être lyrique, donc j'vais lui réciter un sonnet! Écrivez: "J'vous ai pas rencontré mais c'est d'la folie donc voici mon pigeon, appelez-moi peut-être. Surtout que c'est dur de regarder droit quand z'êtes là donc voici mon pigeon appelez-moi peut-être. Mais notez que les autres nobles y m'courent après donc voici mon pigeon appelez moi peut-être!"
-Ça ne veut absolument rien dire!
-Normal, c'est un poème, les poèmes c'est fait pour jamais rien vouloir dire mais juste pour en jeter grave, et là y sera vachement impressionné par mes alexandrins hein?
-Ça n'a absolument rien d'alexandrins ça, les alexandrins font douze pieds, et vos vers à vous ils sont même pas uniformes!
-Oui bon, des alexandrins de vingt-trois à vingt-six pieds quoi, m'enfin s'presque pareil... Z'êtes trop conservateur mon vieux, les alexandrins faut les modernisationner un peu!
-...
-Voilà, donc ensuite on signe, est-ce que, comme les évêques, ils ont des anneaux signifiant leur rang? Bah, mettez que je lui baise les anneaux on sait jamais, ça fait toujours plaisir. Pis ensuite on passe aux politesses d'usage, "que l'esprit du Très Haut vous pénètre" signé monseigneur Lotx, évêque -vous me soulignerez ça quat... cinq fois!- et on envoie. Je peux relire?


Noël passa alors la lettre à l'évêque.

Mais... Mais c'est quoi toutes ces ratures?
-Ben aussi, si vous ne corrigiez pas trente fois tout ce que vous voulez dire hein!
-Vous m'avez tout salopé ma feuille violette! Père Noël, vous êtes une ordure!
-...




De Monseigneur Lotx,
A Charlemagne de Castelmaure-Frayner,

Mon brave,

Je vous souhaite mes sincères condoléances pour le passage de vie à trépas de votre mère, qui est donc morte défunte, même qu'on peut l'appelationner feue maintenant.Une femme que j'ai très, très bien connu puisque j'ai participationné, à l'époque, aux négociations entre elle et le clergé lors de sa campagne pour le trône, en compagnie du primat d'alors monseigneur Odoacre. Or, figurationnez-vous qu'elle devait nous offrir *grosses ratures* un archiduché et un marquisat chacun. Sauf que comme Odo il est mort et que j'étais "à ça" d'être marié avec lui, en fait elle me devait deux archiduchés et deux marquisats plus les intérêts disons trois ou quatre comtés. En tant que son fils, je viens donc sobrement et avec toute l'humilité qui me caractérise vous réclamationner mon du. En plus je suis évêque de Périgueux et j'veux pas dire mais à l'AEF vous êtes pas franchement la mascotte générale hein? Donc forcément, anoblir quelqu'un d'aussi vénérien que moi au sein du clergé ne pourrait qu'améliorer les rapports que vous entretenez avec l’Église, forcément! Notez au passage que je suis un clerc fidèle moi et la fidélité s'important, j'suis pas comme, au hasard, monseigneur Fitz.

J'vous ai pas rencontré mais c'est d'la folie donc voici mon pigeon, appelez-moi peut-être.
Surtout que c'est dur de regarder droit quand z'êtes là donc voici mon pigeon appelez-moi peut-être.
Mais notez que les autres nobles y m'courent après donc voici mon pigeon appelez moi peut-être!

Je vous baise les anneaux,
Que l'esprit du Très Haut vous pénètre.

Monseigneur Lotx, évêque de Périgueux



Titre et paroles de chanson tirées de "Call Me Maybe" de Carly Rae Jepsen, et j'ai même presque pas honte!
Certaines répliques sont inspirées du Père Noël est une Ordure, je vous laisse les retrouver c'est pas trop dur...

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Charlemagne_vf
Dans une chambre de l'appartement andégave de la Duchesse de Brissac, en plein Angers, Charlemagne de Castelmaure s'était avachi depuis une heure, le regard vide et pensif, le teint frais et livide. Il avait réfléchi, l'oeil rivé sur l'autre extrémité de son corps, à l'esthétique du pied. D'abord parce que l'être particulier qui partageait sa couche en avait un qu'il trouvait bot, et qui l'était en fait complètement, mais aussi parce qu'il trouvait cet organe d'une laideur infinie. Autant que sa défunte, morte et feue mère cachait pudiquement ses doigts sous des gants, l'Infant cachait ses petons dans des chaussettes et de hautes bottes. Pourtant, à mesure qu'il observait cette partie de lui, il tendait à conclure qu'il avait sous les yeux les plus agréables pieds du monde, et les plus conformistes : deux pieds symétriques, égyptiens, aux ongles propres et au teint plus rosé que ne l'était celui de son visage.
Depuis qu'il était en Anjou, l'Infant de France ne se lassait pas de se trouver des perfections dans ce qu'il admettait sans peine comme des défauts chez les autres. Sur cette terre de fous irréductibles, il découvrait des morceaux de soleil qui rompaient avec l'austérité de sa vie nivernaise. Sur ses terres, il était la froide créature qu'il avait forgée dans son coeur pendant près de quinze ans. Une éducation rude et stricte qui avait fondé le Prince, figure de marbre insensible, méprisant avec hautesse plutôt que hauteur, et avec elle la certitude d'être un Grand, le Grand. L'Aiglon cultivateur de légions de sang pur arborait avec toute la morgue de l'aristocratie sa naissance, et se laissait volontiers ensevelir sous la montagne des actes notariés, rentiers, commissionnaires, baillés qui, en somme, n'étaient que le pain quotidien d'un grand seigneur. Mais en Anjou, il avait pris le nom de Cassian, humble seigneur de nulle-part, otage de Melchiore de Montmorency, otage le jour, amant la nuit.
Perdu dans ces lieux en guerre, il avait découvert la drogue, la luxure ; il avait perfectionné son mensonge, sa lâcheté, sa lubricité.
Désormais, il arborait une crête sombre de délinquant, et son orgueil n'avait plus d'austère que son habit résolument noir. Son visage n'arborait plus tant l'indifférence fière que l'arrogance patentée.

La nonchalante position dans laquelle se trouvait l'Altesse fut troublée. On frappa à la porte, et il grogna. Quelques mois plus tôt, il n'aurait pas grogné. Mais maintenant, il grogne.
Il grogne, mais fait entrer ni plus, ni moins qu'un coursier. De fait, l'anonymat de "Cassian" avait été rompu par un trop plein de rencontres familières dans le canton angevin, par une trop grande densité de Von Frayner au mètre carré. Alors... Il se lève.


C'est...violet ?

Voyez l'outrage : au Premier Prince du Sang, on n'envoie pas de fantaisies rosâtres. A Charlemagne de Castelmaure, on fait l'honneur d'un courrier scellé, et d'un coursier qui ne soit pas crotté.
Le coursier ne pouvait qu'acquiescer, honteux et confus.
Le regard qui se pose sur la missive, tout de même prise en main, est donc dédaigneux. Les doigts percales de l'Héritier retournèrent le pli, puis le déplièrent, et, enfin, les yeux bleu-marine parcoururent les mots, les ratures, les traces d'encre, avec un léger dégoût, et même un bref haut le coeur à lire.

Mon brave ? Qui appelle-t-il mon brave ? Ce ne doit pas être pour moi.

Evidemment, si le pauvre hère s'essayait à une réponse, l'Aiglon levait un doigt, et le faisait taire. De sa bouche ne sortirent donc que des tentatives de "mai..." "heuu..." "c'que..." "Vtr'alt...".

Après un intense déchiffrage ponctué des onomatopées roturières du laquais, Charlemagne afficha une moue circonspecte, puis édicta une maxime éloquente.

Oh la vile mesquinité, oh la vile flatterie. Je vois dans ce répandage de mauvais augure toute l'amertume du cornichon.*

Ne le menaçait-on pas, après avoir destitué le Seigneur d'Imphy et Evêque de Nevers de ses titres, de représailles ecclésiastiques ?
L'Infant tailla plume de paon, tira encre verte, et vélin beige. Il écrivit, avec moins d'approximation que le prélat qui venait de le solliciter.


Citation:
    A Monseigneur Lotx, Evêque de Périgueux.


Mon brave, car il faut l'être pour écrire pareilles inepties à qui porte prédicat d'Altesse Royale,

Toutes tardives soient-elles, & en dépit de l'incongruité de votre prose, je reçois vos condoléances au coeur. Voilà longtemps, somme toute, que je n'en avais reçu sur ce sujet. Votre sollicitude me touche, & des fois que j'eus oublié le trépas de ma très aimée mère, merci de me le rappeler.

Monseigneur, je n'entends rien à vos affaires d'épousailles, de marquisats, de comtés ni de négociations. Entendez qu'en ces temps, j'avais cinq ou six ans, & que ce qui mena ma mère sur le trône m'était une préoccupation fort lointaine. Du reste, elle a couché par testament les noms des hommes & femmes qu'elle souhaitait anoblir : vous n'en étiez pas, ni votre mentor.
Néanmoins, je sais les nécessité pour un Prince de France à paraître tout à fait aristotélicien, & je suis sensible à votre offre. De fait, ma posture auprès de l'Assemblée Episcopale de France doit être bien bancale, en ce que j'ai demandé à l'Evêque de Nevers de me rendre ses terres. Mais c'est, comme vous l'avez justement évoqué, un défaut de fidélité envers Mon Altesse qui fit sa disgrâce. J'entends que désormais, mes vassaux me seront dévoués, corps, coeur & âme. Le serez-vous, si je vous veux à ma droite ?

Mais vous me dites que vous deviez épouser Monseigneur Odoacre. Je pensais d'abord que les prélats & autres ordonnés étaient interdit de toutes noces, mais je ne pensais pas que deux hommes puissent jamais convoler. Entendriez-vous que les choses ne sont pas si immuablement déterminées ?

Je ne cherchais rien de cela, mais maintenant, vous êtes dans mon chemin.
Hey, je viens juste de vous rencontrer, & ce me semble fou, mais voici mon adresse : Hôtel de Brissac, Angers, donc écrivez-moi, peut-être.

S.A.R. C.d.C.


________
* Les robins des bois.
_________________
Lotx
Un des faits les plus singuliers propre à la vie en société est cette propension toute particulière à harmoniser un fait particulier à sa propre sauce. Ainsi à chaque évènement peut-on attribuer une quantité d'explications directement proportionnelle au nombre d'individus impliqués, vaguement impliqués ou en ayant entendu parler le soir, bourré, au sortir d'une taverne. De ces billevesées naissait alors souvent l'ébauche de légendes ou de calomnies qui seraient répétées, déformées et amplifiées pour se propager aux quatre coins du Royaume.
En l'occurrence, le modeste couvent breton où se déroule la moitié de notre histoire n'était nullement exempté de ce phénomène. Et c'est ainsi que certains parlaient déjà d'apparition de la banshee, annonçant rien de moins qu'un cataclysme d'ordre mondial. D'autres, plus pragmatiques, parlaient d'un troupeau de gorets et d'oies qu'un plaisantin s'était mis à l'esprit d'égorger de manière simultanée, bien qu'ils ne sachent pas vraiment expliquer comment. Un troisième groupe, enfin, n'en avait strictement rien à faire mais aurait bien aimé savoir quel était le responsable de cette onde de choc qui avait fait éclater tous les vitraux du village. Car, en effet, au petit matin...


Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii!

A deux kilomètres à la ronde, un groupe de pigeons paisibles s'était envolé, pris de panique. Le petit bedeau, pour sa part, avait presque été projeté contre le mur devant la violence des ultrasons que venait d'entonner le garçonnet. Ce dernier ne semblait pourtant pas trop souffrir des cordes vocales comme il accourut, surexcité, vers son secrétaire.

Z'avez vu, z'avez vu?

Toussotant et crachotant, il fallut presque une bonne minute pour que le pauvre père reprenne suffisamment ses esprits pour comprendre que, une fois n'était pas coutume, la question de l'évêque n'était pas exclusivement rhétorique. Il saisit alors la missive qu'il parcourut en diagonale, le regard vague.

Ouais et alors? Lui aussi visiblement y vous prend pour un taré et si vous voulez mon avi...
-Y me domande si les prêtres y peuvent s'marier!
-Ben forcément, vous avez dit qu'vous étiez marié avec...
-Et si deux hommes peuvent s'marier!
-Ben forcément, vous avez dit qu'vous étiez marié avec...
-Vous comprendez pas quesque ça veut dire?
-Ben si, que vous avez dit qu'vous étiez mar... Oh et puis fiente!
-Y veut m'épousationner! Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii!


La mâchoire du bedeau faillit se décrocher tant il ne s'attendait pas à entendre une pareille ineptie. Pourtant, il tâcha de reprendre le peu de contenance qu'il lui restait après cette annonce pour tenter de protester.

Faut l'comprendre en même temps! S'vrai que j'suis un très, très beau garçon hein?
-Non mais... Enfin c'est pas du tout ça, il veut absolument p...
-Comment ça? Ça veut dire que j'suis pas beau c'est ça?
-Non... enfin... C'est à dire... C'est pas du tout le sujet!
-HAAAAAAAN! Vous dites que j'suis un gros tromblon c'est ça?
-Maiiiiiiiis absolument pas, c'est juste que...
-Alors vous m'trouvez beau?
-Ben euh...
-Dites-le!
-Mais enfin...
-Dites-le!
-Mais je veux p...
-DITES-LE!
-Bon, bon... Oui...
-HAAAAAAAN! Vous êtes qu'un sale sodomite d'abord! Eloignationnez-vous d'moi, z'allez me contaminationner!
-...
-Pis appelationnez-moi "Majesté", je suis deviendu une princesse maintonant!


Noël poussa un long et profond soupir de lassitude.

Mais vous pouvez paaaaaaas vous marier!
-Ah ouais? Et pourquoi j'vous prie?
-Ben... euh... parce que vous êtes évêque déjà...
-Et alors? 'Faut sortir un peu de chez vous mon vieux, l'Eglise est pas obligée de l'savoir! Vive le mariage pour tous! Voilà!
-Maiiiiiiiis c'est un homme! Vous allez pas me dire que vous aimez les hommes quand même. Vous savez, la nature tout ça...
-Et alors? Qu'ce soit un homme, une femme ou une limace lunaire à trois doigts d'pied c'est UN PRINCE, il est riche et fieffé. Donc y correspond parfaitement à tous mes critères matrimoniaux. Pour l'reste ben j'imagine que c'est comme les choux d'Bruxelles, au début on dit qu'on aime pas ça mais on les mange quand même. Pis après ben on s'en enfile un plat tout seul!
-...
-Oui, dans mon monde à moi, les limaces lunaires à trois doigts d'pied ça existe!
-...
-Bon allez, cesser d'faire cette tête là et prendez votre écritoire faut qu'on lui réponde. Alors là va falloir faire attention hein? J'veux dire faut pas qu'y croie que j'suis un garçon facile mais faut l'faire mariner un peu. 'Croyez que j'dois attendre trois jours avant de lui répondre? HAN naaaaaaan, trois jours j'pourrai jamais! Bon alors 'ttendez, on va faire ça tout d'suite mais se la jouer distant. Mais mettre des petits messages cachés aussi. Vous croyez qu'il faut en mettre quatre ou cinq des points de suspensions? Et faut que je dise "bisous" ou "bisous, bisous"? Ou juste rien alors? Ah oui, et oubliationnez pas de mettre des petits cœurs partout en guise de points sur les "i". Faut que ce soit subtil mais apparent quand même, qu'y comprenne!




Mon petit poussin (permettez que je vous appelle "mon petit poussin" hein?),

Comme vous allez vite en besogne, grand fou (hihihihihihihihi!), il ne faut pas croire, je ne suis pas un évêque facile! Ne préférationnez-vous pas m'inviter en taverne un soir plutôt? Vous me sourirez, je vous sourirais, bref, on se sourira. Et puis ensuite vous me raccompagnerez jusqu'à mon couvent. Et au troisième rendez-vous, se passera ce qu'il doit se passer, je soulèverai délicatement ma robe de bure et vous pourrez contemplationner mes chevilles durant cinq secondes complètes!

Du reste, il est vrai que marier des prêtres ou des hommes ensemble ne sont pas des choses qui se font habituellement. Néanmoins qu'est-ce que le mariage? Le mariage c'est simplement un laissez-passer pour pouvoir faire des choses à but procréatif et avoir des enfants. Vous voulez avoir des enfants? Moi j'en veux dix (deux portées de quintuplés), comme ça on pourra garder les plus beaux pour préserver notre lignée et noyer les autres dans la rivière. Bref, donc si deux hommes se marient ensemble uniquement pour faire des enfants c'est possible hein? Si, si. Faut juste qu'y en ait un qui fasse la femme et joue l'rôle d'incubateur quoi. Après, en vertu du droit supérieur à l'enfant d'avoir des parents mariés et au moins un papa, toussa toussa, y a pas de souci... Alors évidemment faudrait pas trop que les autres de l’Église soient au courant, sinon y voudront tous se marier, mais quesqu'y est bien c'est que je peux le célébrationner moi-même, c'est vachement plus pratique comme ça!

Hey! Y a d'autres nobles qui m'courent après, alors voici mon pigeon, donc écrivez-moi peut-être!

Bisous *barré* Bisous, bisous *barré* Chastes salutations (hihihihihihihihihihi),

Monseigneur Lotx, évêque de Périgueux, princesse.

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Charlemagne_vf
Ce devait être un plaisanterie. Une vaste, immense, intense blague. Sans doute un complot de la Curie Romaine. Ce ne pouvait être que cela, oui. Car Charlemagne de Castelmaure, s'il avait entendu çà et là que le rosâtre prélat était fantasque, n'arrivait pas à imaginer ni à admettre que ce fut à ce point. Qui avait la folie à ce point ostentatoire, et l'écriture si extravagante ? Personne. Si ? Non ?
L'Aiglon resta trente-huit minutes et douze secondes circonspect et silencieux, la missive violette en main. Le silence dut toutefois se rompre, et ce fut comme un glaviot qui quittait la gorge du jeune Prince, lancé à la face du sol, aux oreilles des murs. Un marmonnement dédaigneux et méprisant, qui avait quelques échos d'incompréhension.


Mon petit poussin...pe-tit-pous-sin.
Grand...fou ? Petit et grand. Cet homme est dérangé. Evêque facile ? Mais...


Laissant voler un encrier au sol dans un bruit de liquide qui saute et se déverse sur du verre brisé, l'Infant quitta sa table de travail pour trouver un quelconque laquais. Dix-neuf marches plus tard, il était dans la salle de l'Hôtel de Brissac : personne. C'était tant mieux. Le temps de dévaler l'escalier, le jeune héritier s'était imaginé que demander des explications à un valet ou à un garde, c'était admettre qu'en au moins une matière, ils savaient des choses que lui ignorait. C'était avouer des lacunes, et en somme, la perspective était sale.
Il relut, encore. Perplexe. Soupir. Le talon princier claque au sol, agacé.
La main glacée de l'Aiglon attrape une plume, un encrier turquoise, puisque le noir gît.

Grat. Grat. Bout d'aile sur vélin.


Citation:
    A Monseigneur Lotx.


Je ne comprends pas.

S.A.R. C.d.C.


Au feu.

Citation:
    A l'Evêque de Périgueux.


Votre complot, je l'ai démasqué. Vous ne mettrez pas un Prince du Sang dans la position délicate où aimerait à me trouver la Sainte Curie, & mon triste ancien vassal.

S.A.R. C.d.C.


Au feu.

Citation:
Monseigneur. Je n'aime pas le poisson, en revanche, j'aime le canard.

C.


Citation:
Monseigneur, j'ai un terrible besoin d'affection depuis la mort de mes parents et si vous ou quiconque n'étant pas le Dieu qui me les prit peut me l'offrir, alors je la prends.

C.


Citation:
Mon Père.

Le mien est mort trop tôt. Soyez en un nouveau. Je veux bien complexer comme le fit Electre.


Citation:
Mon Père.

Burp.


Feu ! Feu ! Feu ! Feu mes parents. Feu tout !
Charlemagne se courrouça. Ne pas comprendre et faire un caprice : réflexe de prince, réflexe d'enfant. Pourri. Gâté. Il voulait quelque chose, mais ne le pouvait obtenir. Piger cette extravagance du prélat qui n'était en rien comme un prélat. Depuis l'enfance, le jeune Aiglon avait connu les hommes d'églises. Austères ou bienveillant, gras ou maigres. Tous, ils étaient obséquieux. Des genres d'éminences grises, rouges, vertes, parfois pourpres. Jamais roses.
Dans la poche d'un veston de Melchiore, l'Infant tira un sachet de coques réduites en poudre, qu'il se mit dans le nez à l'aide d'une paille.

Lotx, qui es-tu ?


Citation:
    A Monseigneur Lotx, Évêque de Périgueux.


Monseigneur,

Je connais bien des évêques, & aucun d'eux n'est très facile. Croyez bien que si j'avais pensé que vous étiez aisément corruptible, je serais venu à vous le premier. Mais de fait, vous fûtes celui qui me sollicita d'abord.
Par ailleurs, comment savoir que vous n'êtes point filou, & que vous ne vous jouez pas de moi ? Les prélats ne sont-ils pas tous amis ? Allons, pourquoi feriez-vous l'entourloupe jolie à Monseigneur Fitz, dites-moi ? Est-il quelques raisons qui me laissent penser que vous voudriez sa place ? Du reste, c'est avec plaisir que je vous la donne. J'ai besoin d'un évêque, à plusieurs égards.

Votre raisonnement sur le mariage est somme toute fort vrai. Il se dit qu'homme & homme ne font pas d'enfants. Il se dit aussi que pour essayer, il faut être marié. Si l'on refuse à homme & homme le mariage, comment peuvent-ils bien essayer d'avoir descendance ? Si je souhaite essayer. Le permettrez-vous ? Non pas que je le désire. Ce n'est pas ça. Je ne suis pas impie. Je ne suis pas sodomite. & si je l'étais, je ne le dirai pas. Pas à vous en tout cas. Mais ce n'est pas le cas, n'est-ce pas ? Ou si ça doit l'être, brûlez incontinent ce courrier. Il dit de vilaines choses.

Si d'autres nobles vous courent après, en revanche, moi je peux leur envoyer des gardes aux trousses pour dévier leur route. Monseigneur, si vous êtes mon vassal, me serez-vous obéissant ? Moi, je le veux. Que vous le soyez. Vous le serez donc, & me marierez. En outre, vous me montrerez quand même vos chevilles. Faites-m'en une gravure, d'ailleurs. Je n'aime pas la bure. Vous porterez du cuir, ou alors, un bliaud de velours. Noir.

Il faut nous rencontrer. Où ? Quand ?
Taisez-vous, d'ailleurs.

Ecrivez-moi sûrement. Où je courrouxe.

C.d.C.


GARDE ! A MOI !

Le garde arrive donc. Pressé, affolé.

Emmenez ce courrier mon brave. A Lot-x. Lotte, ix. Lotte Xe ?
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Lotx
L'euphorie expansive et, pour tout dire, explosive dont avait fait part le jeune évêque avait au moins eu cela de bon que le bedeau avait pu obtenir une permission exceptionnelle. En effet, dans un énorme élan de profonde mansuétude, Lotx avait accordé à son secrétaire qu'il s'absente quelques jours pour Nantes. Là bas, il devait retrouver sa vieille et pauvre mère, atrocement atteinte par la toux et pour laquelle le sort se faisait de plus en plus sinistre d'après les médicastres. Ainsi avait-il pris la route, chevauchant durant de longues heures sous un ciel tout breton. Car il est bien connu qu'en Bretagne il ne pleut que sur les cons, imaginez donc ô combien le serviteur de l'évêque de Périgueux pouvait s'en retrouver trempé! Tout de même, et parce que pour assurer la linéarité de notre récit il le faut bien, il arriva finalement, éreinté, grelottant. Mais alors qu'il mit pied à terre, il fut aussitôt rattrapé par un coursier qui l'avait poursuivi, visiblement depuis le couvent. Le cavalier lui tendit alors aussitôt une missive cachetée avant de s'en aller dans un grand éclat de rire moqueur. En cet instant précis, un long et profond débat intérieur prit naissance dans le crâne du moine. Devait-il l'ouvrir ou valait-il mieux feindre de ne pas savoir et éviter l'éventuelle catastrophe qui en découlerait? D'un autre côté, il n'était pas dit non plus qu'une catastrophe bien plus grande ne surviendrait pas s'il laissait la lettre en l'état. Alors l'ouvrir ou la laisser fermée? L'ouvrir ou la laisser fermée? Il l'ouvrit.
Échec!
Plusieurs heures et litres de pluie plus tard, Noël était donc de retour au couvent, tenant en sa main une lettre de Von Frayneur au dos de laquelle était rédigé un court message de la main de l'évêque. Et si le moine n'avait pas bien compris les très nombreuses exagérations, les métaphores outrancières et autres hyperboles, il avait bien pu saisir l'idée général: il y avait urgence, il lui fallait revenir au plus vite, c'était là question de vie ou de mort. Affolé il avait alors rebroussé chemin, se demandant qui du feu ou de la foudre devait menacer ainsi le saint édifice pour qu'on le rappelle en pareil instant. Après tout, aux vues des dernières déclarations épiscopales une colère divine ne serait-elle pas des plus normales? Pourtant nulle trace de cataclysme n'était apparente à son entrée dans le couvent, pas plus que lorsqu'il franchit les marches qui menaient à la cellule où était enfermé l'évêque de Périgueux. Alors, précautionneusement, méticuleusement, il ouvrit la porte. Et resta figé quelques instants.
Du peu qu'il l'avait côtoyé, il avait bien compris que le garçonnet semblait être doté de capacités assez exceptionnelles pour tout ce qui concernait l'abolition de l'ordre et l'établissement du bordel le plus parfait. Cependant, il ne s'attendait certainement pas à ce que, au cours de ses quelques heures d'absence, le garçonnet ait pu procéder à un véritable emménagement de sa cellule, la remplissant de foufrous, de chiffons et autres pièces de tissu et ayant installé de grands miroirs sur presque tous les murs. La résultante donnait un peu l'impression d'une chambre de jeune fille de sept ans qui avait décidé de refaire toute la déco en piquant tous les deniers de ses parents de haute noblesse. Et Lotx l'attendait là, debout, tenant une robe dans chaque main la mine déformée par une profonde concentration.


Ah! Z'êtes reviendu? Alors votre pauvre mère, elle a cané ou pas encore?
-Ben j'ai pas pu avoir de nouvelles puisque vous m'av...
-Oh ben ça va alors, si elle avait trépassé on vous aurait préviendu quand même, vous y êtes allé pour rien donc.
-Oui enfin j'aurais bien aimé...
-Récupérationner l'héritage? Ouais j'comprends. M'enfin si vous voulez on peut s'arrangeationner. On dit qu'on fait cinquante-cinquante et moi j'fait en sorte qu'on règle ça rapidoment d'un bon coup d'binette!
-Je vous demande pardon?!
-Ouais ou d'rateau si vous trouvez qu'la binette s'trop violent. J'suis un garçon très, très ouvert 'savez?
-Je... Enfin... Je... Aheum... Et votre urgence si urgente alors, c'était quoi?
-Ah ouais s'vrai... Donc vous préférationnez laquelle?
-Hein? Laquelle quoi?


Le jeune évêque leva les yeux au ciel.

Ben de robe, vous préférationnez laquelle robe pour mon mariage!
-Quoi? C'est ça que vous appelez une urgence?
-Ben ouais, une urgence vestimentaire!
-Mais ça n'a jamais été une urgence ça!
-Ah vous croyez? Pasque vous pensez que j'vais aller à mon mariage de princesse en souillon peut-être?
-Mais... Mais... Là n'est pas le sujet, vous avez tout votre temps, pas besoin de troubler mes derniers instants avec ma...
-Comment ça tout l'temps?! Ah mais on voit bien qu'z'avez fait vœu d'célibat hein! Pasqu'après la robe faut que j'choisisse les chaussures qui vont avec, et puis la tiare, et ensuite que j'habille chacun de mes enfants de chœur pour qu'on s'harmonisationne. Ça prend du temps ça!
-...
-Alors laquelleuuuuuh?

Le moine poussa un long et profond soupir. Pourtant, se battre ne changerait rien à sa situation ni à la tristesse de sa vie en général. Aussi décida t-il de s'exécuter. La première réaction qu'il eut lorsqu'il scruta les robes en question fut de l'ordre du réflexe. Ses paupières se fermèrent pour préserver ses yeux de l'intensité éblouissante des couleurs, et il lui fallut attendre que ses pupilles se rétractent pour qu'il puisse distinguer les contours à peu près clairement sans ressentir de douleur oculaire. Toujours était-il que choisir allait se révéler extrêmement difficile. Les deux étaient d'aussi mauvais goût, les deux étaient beaucoup trop chargées en rubans, en papillons de tissu ou en roses de crépon, les deux étaient recouvertes de paillettes, le deux... eh mais, attendez un instant.

Mais ce sont les mêmes!
-Tsss! Nanmé pas du tout, 'voyez bien celle-là elle est rose viril alors que l'autre eh ben elle est rose licorne. Faut sortir de chez vous un peu des fois hein? Alors je m'disais, le rose viril ça serait pas mal quand même pour souligner ô combien que je suis viril moi-mêm... CESSEZ IMMÉDIATEMENT CETTE GRIMACE! Oui, parfaitement que j'suis très très viril moi-même! Même que j'ai eu un poil qu'a poussé cette nuit alors c'est dire hein? Vous m'croyez pas? Vous voulez que j'vous montre mon poil pour voir c'est ça? Hein, dites-le si vous voulez voir mon poil!
-Ça... ça ira parfaitement monseigneur, je vous crois sur parole! De grâce, cessez de me faire faire des cheveux pour si peu!
-Humpf, j'disais donc pour montrer toute ma virilité, ou alors miser plutôt sur la sobriété avec le rose licorne.
-Oh ben vous savez, au point où vous en êtes, la sobriété...
-Ouais c'est quesque je m'disais aussi!
-Donc oui prenez la euh... "rose viril" là...
-C'était l'autre la rose viril...


Le bedeau essaya d'adopter un sourire gêné pour donner le change mais sa dernière remarque avait visiblement froissé le garçonnet qui arborait une mine glaciale. Ça ne l'empêcha pourtant pas de se retourner pour lui présenter une tenue de très petite taille, en cuir, présentant d'étranges ouvertures permettant, on imaginait, de laisser la peau nue à certains endroits assez inattendus.

Et ça c'est ma tenue de noces!
-Votre tenue de noces...?
-Ben ouais, pour quand y va s'offrir à moi!
-Parce qu'il va s'offrir à vous?!
-Ben ouais, un mariage s'fait pour procréationner, vous pensez tout d'même pas que les cigognes elles apportent les bébés comme ça sans qu'on fasse rien hein? Nan, faut qu'on leur envoie le signal en procréationnant pour commander une cigogne!


Un instant, c'est à dire durant dix secondes, Noël envisagea très sincèrement de répondre. Mais finalement non, il jugea que non. Résolument non!

Et puis z'avez vu, c'est du cuir, tout comme il a demandationné.
-Oui enfin il a demandé du noir aussi.
-Et alors, c'est noir!
-Non, c'est rose!
-C'est noir rosé...
-Non, c'est rose!
-C'est bicolore quoi...
-Non, non, c'est rose!
-Mais si, c'est bicolore! Y a les ourlets qui sont noirs!
-Oui enfin ils sont pas retroussés les ourlets.
-Ben normal! Y sont noirs et spa beau le noir donc faut pas que ça se voie!
-...
-Mais n'empêche qu'elle est quand même noir rosé ma tenue donc c'est bon! Il avait qu'à précisationner sinan hein?


Le bedeau s'assit, soudainement pris d'une immense fatigue.

Ah pis j'voulais vous montrer ça aussi! C'est la gravure de mes chevilles qu'il a domandationné! C'est très très beau hein?
-Ah oui, c'est euh... comment dire? Champêtre...
-Ouais, c'est les pâquerettes qui font ça, j'ai fait découpationner un carré dans la pelouse du père Sévère.
-Vous m'en direz tant... Et la bague là autour de l'orteil, ce ne serait pas...
-Si, si, c'est l'anneau épiscopal de Périgueux!
-Ah ouais... J'en connais qui seront contents quand ils vous baiseront la bague... Par contre dites-moi, juste une petite critique. C'était bien sensé représenter vos chevilles hein?
-Oui, oui.
-Alors pourquoi on les voit pas les chevilles sur cette gravure? Vous avez votre pied de face avec des pâquerettes qui camouflent les chevilles.
-Ouiiiiiiiiiiii mais c'est fait exprès, c'est de l'art caché, suggérationné, ça permet d'se rendre plus désirable, voyez?
-...
-Et puis surtout j'arrivais pas à trouver le bon profil pour mes chevilles...
-...


Ceci devrait être un argument d'autorité pour le bedeau comme, sans attendre une réflexion de sa part, le jeune évêque glissa la gravure dans une enveloppe qu'il joint à une missive qu'il venait de rédiger.



Mon grand poussin (voyez comme mes sentiments peuvent évoluationner vite),

Qu'est-ce que c'est que cette histoire d'amitié entre prélats? Vous n'avez jamais vu de prélats ou quoi? Y en a qui disent que l'homme est un loup pour l'homme, eh bien sachez que le prélat est un prélat pour le prélat, alors c'est dire! Parce que foncièrement qu'est-ce que c'est l'AEF hein? C'est un endroit oùsqu'on concentrationne tout pleins de demeurés ensemble qui font des trucs de demeurés entre eux et font obstruction pour que les gens intelligents puissent pas les rejoindre. Sauf que bon, des fois y en a un qui réussit quand même (moi par exemple). Donc vous vous imaginez tout de même pas que je vais m'intégrer avec eux et risquer, moi aussi, de devenir un demeuré quand même? Ah non, ah non.

Mais vous inquiétationnez pas, j'ai parfaitement compris quesque vous voulez, et je suis très flatté. Si, si, très flatté! Donc pour le mariage, comme je l'ai dit tant que c'est dans le but de faire de la descendance y a pas de problème. Maintenant l’Église s'opposant à la gestation pour autrui ça implique quand même que l'un des époux fasse l'épouse. Et je suis sûr que vous feriez une très bonne épouse si, si. Moi je pourrais pas, déjà je supporterai pas d'avoir la nausée tous les matins pendant neuf mois et encore moins les douleurs de l'enfantement. Et puis surtout moi j'ai la peau qui marque alors je vous dis pas, les vergetures ce serait juste pas possible! Mais vous vous feriez une merveilleuse épouse si, si, j'en suis certain. Et je suis évêque, j'ai fait vœu de chasteté et de célibat donc je sais de quoi je parle hein?
Mais bien sûr tout ceci est très, très loin d'être sodomite hein? Et là aussi je m'y connais, même que j'en côtoie tous les jours. Y a l’archevêque de Reims, celui de Bordeaux... Mon sodomitedar me trompe jamais! Eux, seront bien évidemment foudroyés tôt ou tard par le Très Haut puis ressuscités, puis refoudroyés puis reressuscités, puis rerefoudroyés etc... Faudra juste faire gaffe d'ailleurs à pas glisser sodomite vous même, un accident est si vite arrivationné hein?

Pour nous rencontrationner, je vous propose un rendez-vous à Nantes. Y a une charmante petite taverne, "à l'ours lubrique" que ça s'appelle, je suis sûr que vous vous y sentirez comme à la maison. Vous aimez les nounours?

C'est difficile de vous regarder droit dans les yeux (surtout parce que vous êtes pas en face de moi, bon), donc répondez-moi peut-être.

Monseigneur Lotx, évêque de Périgueux, princesse

PS: Je joints à cette missive la gravure de mes chevilles, vous verrez c'est très, très beau.
PSS: Je joints aussi à cette missive la facture pour la réalisation de la gravure et des différentes tenues que vous avez demandationné. Vous ferez attention, le point c'est pas une virgule, c'est pour séparer les milliers.
PSSS: J'ai quand même réussi à avoir une réduction de cinquante-trois deniers sur la gravure hein?

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Charlemagne_vf
Pour être raccord, il faut aRPenter. Et Charlemagne de Castelmaure arpenta. Après que le courrier fut parti pour Périgueux, il avait chercher comment prononcer le nom de Lotx. Ecrit sur un vélin, il le faisait lire à ses serviteurs, comme un chercheur empirique. Parcourant les rues, il avait aussi appris que les mendiants ne savent pas lire, et s'en était profondément attristé, comme si, découvrant l'illettrisme, il découvrait de paire qu'il était au monde des êtres condamnés à rester ignorants de toute littérature, de tout commerce épistolaire, de toute vie imaginaire. Que ces mêmes gens crevassent de faim en revanche n'interloqua pas l'Aiglon, qui vivait dans un monde sinon de licornes, d'animaux fantastiques, allégoriques, fantasmagoriques que l'on gravait, dessinait, forgeait, peignait sur des blasons.
Dans sa quête du phonétisme, le Prince n'avait pas été avancé : on avait prononcé Lote-kze, Lotix, Lotex, Loss, Loks, Lotte, entre autres diphtongaisons farfelues. Vint alors à l'idée que les parents de l'évêque étaient des gens cruels, plus encore que ceux qui appellent leur fils Charlemagne. Le péri-gourdin valait en l'originalité de son nom la Duchesse d'Auxerre : une Ingeburge que tantôt l'Infant prononçait Ingueburgue, Injeburje, ou Ingueburje.

Plus tard, et même plus tôt qu'il ne l'avait imaginé, le Castelmaure se trouva de nouveau assis, vélin rosé dans les mains. Il commençait à prendre l'habitude de cet échange aussi fantastique que rocambolesque, et le contenu de la missive le laissa une fois de plus complètement pantois.
D'abord, et avant même de parcourir les mots du prélat, l'Infant avait observé d'un oeil de fin esthète la gravure des chevilles derrière pelouse de Lotx. Une croûte. Une vaste blague que l'Aiglon aurait préféré de ne jamais voir. Un truc moche qui pique les yeux. Laid. Laid. Lait. Lait. Laid. Lait. Laid. Laitx. Laix.
D'ailleurs, le parchemin enluminé fut rendu à la lumière brillante de l'âtre où il se fana tristement. Et le temps de la lecture, enfin. Puis la relecture, et la re-relecture. La nausée. La lecture. La nausée.

Mais qu'est-ce que ce prélat ?


Citation:
    A Monseigneur Lotte, Evêque de Périgueux.


Monseigneur,

Vous êtes original, à défaut d'être tout à fait un demeuré. Mais un original, ça oui.
Mais si par ma foi, vous avez compris mes desseins, cela est très bien. Ne vous inquiétez pas de savoir qui fera l'époux, qui fera l'épouse. Déjà, je doute que ce soit l'affaire du marieur, & quand il s'agit d'une affaire d'homme à homme, peut-être les statuts ne doivent pas se graver dans le marbre, & j'estime qu'il n'est aucun mal à, parfois, se donner des rôles inverses. Ne trouvez-vous pas le compromis équitable, & la probabilité de réussite à la pérennité de la descendance doublée ?
Je suis désolé d'apprendre que votre peau marque, par ailleurs, & j'espère alors qu'aucun royaliste ne vous frappera trop fort. Vous me voyez aussi intrigué par vos révélations. Ainsi, il est des archevêques pécheurs ? Qui l'eut cru ? Moi, je ne glisse pas, ou si je glisse, c'est qu'il fait froid & que la neige est tombée sur Angers.

J'ai jadis fréquenté un Ours, mais je n'aime pas particulièrement les nous-nourses. Je viendrai dans votre taverne, quoique je ne sache trop quand. Quant à en faire ma maison, je crains que vous n'alliez vite en besogne : je ne suis chez moi que dans mes terres.
Il faudra que nous discutions prosaïquement, mais avant tout, je dois solliciter mon futur époux, car il ne sait pas que j'ourdis le projet de me l'attacher. Pas encore. Pensez à la terre que vous voulez que je vous octroie en échange de vos offices. Nivernaise ou Chablisienne ? Peut-être avais-je déjà évoqué l'idée de vous offrir celle qui appartenait à feu l'évêque de Nevers.
Mais enfin, j'espère que vous brûlez chacune de mes lettres.

S.A.R. C.d.C.

PS : Le graveur s'est fourvoyé, je ne voyais aucune cheville, vous avez du vous tromper de gravure, ou lui de point de vue. Elle a donc brûlé & vos deniers avec.


Le drame de l'héritier se trouvait tout concentré en un fait : il n'avait aucun faire-valoir à qui lire les lettres. Personne pour s'adonner au commentaire de la prose épiscopale, ni de la poésie princière. Il ne pouvait que discourir in petto avec son for, et se convaincre que l'évêque, bon à interner, méritait bien de donner une dernière cérémonie avant qu'on l'envoie au sanatorium pour le faire taire. Mais oui. L'idée était brillante. Et puis, il faudrait le droguer aussi.
Après avoir donné la missive scellée à un coursier, le prince retourna donc aRPenter, mais à la recherche cette fois-ci de champignons.

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Lotx
Une grande messe venait d'être organisée au sein du couvent breton. Le Très Haut avait été loué, remercié, et puis loué à nouveau. Un miracle assurément, une manifestation non seulement de l'existence mais aussi de l'extrême bonté divine. Une preuve comme quoi, il avait beau être parfois un peu mou de ses genoux éthérés, il finissait toujours, au bout d'un moment, par rétablir l'équilibre naturel et secourir ceux qui étaient dans le besoin. Car, depuis quelques jours déjà, le calme était revenu dans le couvent. Nul hurlement, nulle exclamation n'avait été entendu de la cellule où on avait enfermé le nabot. Tout au moins, plus depuis un épisode particulièrement bruyant où les mots "officiant", "autre époux" et "cocu" avaient été très distinctement entendus depuis l'autre bout du hameau. Depuis, c'était le silence le plus noir.

Allons monseigneur, il faut vous remuer un peu. Cela va faire bientôt trois jours que vous n'avez pas bougé de votre couche...
-...
-Vous ne pouvez pas décemment rester ainsi en pyjama à vous goinfrer de chouquettes à la crème toute la journée en suivant des représentations de ménestrels qui vous jouent des comédies romantiques.
-...
-En plus, vous l'avez déjà vu cinq fois aujourd'hui "le manuscrit de Brit-jette Jeanne", vous savez qu'ils vont se marier à la fin...
-Ouais, y s'marient, EUX!


Le garçonnet attrapa un gros et horrible mouchoir brodé et souffla abondamment dedans. Le retirant un peu trop vite, son secrétaire put observer avec dégoût le long filet vert reliant son nez au morceau de tissu menacer dangereusement de se briser et atterrir sur son menton.

C'est que je l'aimaiiiiiiiiiiiiiiis tellement. Je nous voyais déjà tous les deux, en première page de l'AAP.
-Oui enfin comment aviez vous pu penser une seule seconde qu'il...
-Vous comprenez pas, j'en rêvais toutes les nuits, j'avais accroché la robe d'mariée aux murs d'ma cellule. Pourquouaaaaaaah lui et pourquoi pas moua, dites moi quesqu'il a que je n'ai pas?*
-Non mais attendez, il ne sait même pas qui vous êtes... Et vous non plus d'ailleurs, si ça se trouve il ne vous aurait même pas plu du tout le Charlemagne là.
-Charlemagne? Qui a parlé d'Charlemagne? Tout l'monde y s'en fout d'lui, moua j'parlais de mon titre de princesse!
-Ah oui...
-Je m'étais tellement fait à l'idée, j'avais déjà appris à faire des ronds du poignet pour dire "coucou" à la foule... J'avais mis des petits pois sous ma couche pour m'entraîner à les sentir à travers l'matelas! Et j'remplace le pain par des brioches depuis deux semaaaaaaaaines!


Le bedeau leva les yeux au ciel.

Vous savez, c'est peut-être mieux comme ça. Les titres de noblesse à distance ça marche jamais...
-Nan c'est fini. Je n'rêve plus, je n'bois plus, j'ai même plus d'histoire à m'racontationner. J'suis seul sans lui, je suis laid sans lui, j'suis comme un orphelin dans un couvent. J'ai plus envie d'prêcher pour Ari, ma vie cesse quand mon titre part. Je n'ai plus d'amis, et même ma paillasse s'tranformationne en purgatoire quand mon titre s'en va.**
-Allons, allons vous êtes sûr que vous n'en faites pas un peu trop?
-NAAAAAN! Je suis maaaaalaaaaaadeuh! Complètement maladeuh, comme quand ma mère sortait le soir et qu'elle me laissait seul avec le père Sifflard! Je suis maladeuuuuuuh! Parfaitement malaaaaaadeuh! Je suis malaaaaaaaaaa... AAAH! AAAAH!
-...deuh?
-AAAAAH! AAAH!

Dans un gémissement, le jeune évêque plaqua brusquement ses deux mains contre la partie gauche de sa poitrine. Avant de s'effondrer lourdement, la langue pendante et une grimace crispée déformant son visage.

Mon... Monseigneur? Vous... Vous allez bien? Pas de blague hein? Réveillez vous! Monseigneur? MONSEIGNEUR!

Le moine secoua vigoureusement le périgourdin, tout en lui baffant le visage mais rien ne semblait y faire. L'évêque demeurait totalement inerte et sans vie. Alors, paniqué, le bedeau se rua hors de la cellule pour quérir le médicastre du couvent. Il avait fallu déployer monstre d'argumentation pour faire comprendre que le prêtre rose avait besoin de lui et, surtout, qu'aller le sauver se révélait être une bonne idée. Rappelé à son hypocrite serment d'Hypocrate, le guérisseur ne put que convenir qu'il se devait, au moins, d'aller jeter un œil, histoire de prononcer l'heure de la mort, le cas échéant. Il se refusa néanmoins de jurer de faire son maximum pour tâcher de le faire revenir à la vie, il ne voulait pas non plus se brouiller avec le père supérieur!
Regagnant la cellule, à une allure toutefois bien plus maîtrisée que lors de l'allée, le moine mena le médicastre jusqu'à un évêque qui n'avait pas bougé d'un poil depuis qu'il l'avait quitté. En même temps, de son propre aveu, des poils, Lotx n'en avait qu'un. La guérisseur s'agenouilla alors et entreprit de l’ausculter, lui prenant le pouls, cherchant à savoir s'il respirait. Et puis, lorsqu'il eut fini, il leva la tête en direction d'un bedeau rongé par l'anxiété.


Ah ben si je m'attendais à celle-là... En cinquante ans de carrière, j'avais encore jamais vu un cas pareil...
-Vous... Vous croyez qu'il va s'en sortir monseigneur?
-S'en sortir? Mais mon pauvre vieux, vous ne voyez pas qu'il a rien? Il simule depuis le début!


Cette annonce eut l'effet d'un électrochoc et avant même que Noël ait pu faire part de son étonnement, le garçonnet était déjà sur ses deux pieds, pointant le médecin d'un index accusateur.

COMMENT CA JE SIMULE?!
-Vous voyez... Qu'est-ce que je disais...
-Je ne vous permets pas! J'vous signalationne que j'ai fait un arrêt cardiaque suite à la trahison dont j'ai été la victime et que j'suis actuelloment entre la vie et la mort là!


Le médecin poussa un long soupir.

Et pis d'abord z'êtes qui vous pour dire que j'simule hein? J'suis quand même vachement mieux placé qu'vous pour savoir si j'suis en arrêt cardiaque ou pas! Hein Noël que j'suis mieux placé qu'lui?
-Je... Je... J'aimerais rester neutre si vous y voyez pas d'inconv...
-HAAAAAAAN! Alors vous êtes de son côté? Vous aussi vous m'avez trahi? Judas! Bardieu! Moi qui vous prendais pour un sous-fifre sans personnalité, mais si ça s'trouve c'est vous qu'allez vous marier avec Charlemachin!
-Mais absolument pas enfin!
-Ah alors vous reconnaissez que c'est moi qu'ai raison?
-Ben, c'est pas exactement ce que j'ai voulu d...
-Dites-le!
-Ah non on va pas recommencer!
-Dites-le!
-Le comique de répétition, ça devient ridicule à force!
-DITES-LE!
-Humpf... Bon, bon... Oui...


Le nabot planta alors un regard triomphant dans les yeux du guérisseur.

Ahaaaaaa! 'Voyez! Même lui y dit qu'vous êtes un vieux débris qui y connaissez rien!
-Mais c'est pas du tout ce que j'ai d...
-Vieux débris! Vieux débris! Bouuuuuh le vieux débris!


C'en était trop pour le vieux médecin qui adressa un signe assassin au bedeau en marmonant quelque chose au sujet d'un renvoi très prochain du couvent de la part du père supérieur. Et puis s'en alla en claquant la porte de rage derrière lui, talonné par un moine confus cherchant à le rattraper.

Nooooooon! Attendez mon père, partez pas! Je... Je savais pas!
-Ouais, c'est ça, allez faire votre vieux débris ailleurs!


Le garçonnet ponctua son exclamation d'un rictus mauvais et profita de l'absence de tous pour s'en retourner à son écritoire. Ah ainsi son prince avait honteusement décidé de le tromper, de le remplacer par un quidam quelconque (et assurément vachement moins bien que lui)? Eh bien soit, il allait à présent montrer que son orgueil était intact et que Charlemagne pouvait bien épouser le pape, il s'en ficherait toujours autant.



Cher messire -pardonationnez moi, j'ai oubliationné votre nom, c'est que je vois tellement de gens chaque jour moi!-,

Vos allégations ne me touchent pas tout, non, non, non. Vous savez, moi foncièrement des gens de haute-noblesse j'ai qu'à me pencher pour en ramasser à la pelle, et super grosse la pelle, alors 'pouvez bien me dire tout quesque vous voulez je suis loin, loin, loin de tout ça. Loin, loin, loin! De toute façon je n'ai besoin de personne sur mon poney Davidson!***

M'enfin bon, soit. En vertu de tout quesqu'on a vécu ensemble, et du lourd passif qu'il y a entre nous (je parle pas de votre époux hein), je consent, dans la grande mansuétude qui me caractérisationne, imbibée d'un esprit de noblesse et de panache rare, à célébrationner votre mariage. Enfin, sauf que ça se fera sans publication de bans, sans inscription sur un quelconque registre et surtout, surtout sans que mon nom soit mentionné à quelque endroit que ce soit. Nan pasque bon, faudrait pas pousser trop monseigneur dans les orties hein?
Je consent aussi à acceptationner l'ensemble des terres que vous me proposez m'enfin bon ça c'est aussi vraiment pour vous faire plaisir parce que ça aussi je croule dessous.

Du reste, je sais pas si prendre rendez-vous à la taverne serait nécessaire finalement. C'est que y a tellement de gens nobles que je dois voir chaque jour et implorer de ne pas me céder l'intégralité de leurs terres et de leurs âmes que ça en devient assez épuisant. Je ne sais pas si je serai en mesure de faire le voyage jusque là bas vous voyez?

Non, non, vraiment... Enfin vraiment quoi...

Portez-vous bien, et couvrez-vous, il y a des épidémies de gastro en ce moment, ce serait dommage que vous vous contaminiez mutuellement avec votre époux!

Monseigneur Lotx, évêque de Périgueux, reconnu prêtre de l'année par une commission représentative composée de moi-même


Mais il n'allait pas s'en arrêter là et s'avouer vaincu aussi facilement. Non, non, non. En cet instant, ledit Charlemagne pouvait s'estimer heureux que le téléphone n'ait été inventé faute de quoi il est fort probable qu'il aurait reçu quelques appels anonymes à trois heures du matin. Alors, à la place, l'évêque avait dépensé la moitié de l'héritage d'Odoacre pour embaucher le meilleur faussaire de Rouen. Et ce dernier avait lui-même rédigé une seconde missive que son messager serait chargé de déposer avec le plus de discrétion possible sur la couche du prince pendant qu'il détourne le regard. Histoire qu'il tombe dessus par le plus grand des hasards...



Mon bichon,

je t'écris pour te faire part de toute la douleur qui irradie mon cœur. J'ai fort hâte que tu en termines avec ton prince, que tu sois enfin couché sur son testament pour que nous puissions enfin jouir de ses possessions en toute quiétude. Et nous revoir surtout. Sache que j'ai pour ma part réussi à me procureur le poison, tu n'auras qu'à en imprégner sa nourriture ou ses habits.

Fais également attention à toi. Je me suis rendu compte ce matin que j'avais contracté un rhume de culotte et j'ai bien peur de t'avoir contaminé. Je pense à toi à chaque heure du jour et de la nuit.

Tendrement,

Mgr Aurélien


Sources:
*Pourquoi pas moi
**Je suis maladeuh
***Harley Davidson... Ah non, attendez, le bon lien (qui fait pas peur), c'est celui-là!

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Charlemagne_vf
Autre jour, autre courrier, autre scène.
Charlemagne de Castelmaure, tout juste vêtu. Melchiore de Montmorency, juste dévêtu. L'un dormant, l'autre au bois. Le Prince gratte en effet de son index le vernis d'une table sur laquelle a fondu un peu de cire noire. Lève-tôt quand il n'est pas lève-tard, il descend dans la taverne improvisée dans la salle de l'hôtel de Brissac, et s'avachit avec nonchalance dans une cathèdre, passant sa jambe par dessus l'accoudoir. Il est peut-être sept heures, et dans trois minutes, le premier coursier du jour va entrer, suivi de quelques autres, puis il demandera Charlemagne ou Cassian, pour remettre dans les mains de l'Aiglon quelques vélins pliés, scellés, noircis d'encre.
Les actes officiels vont être lus les premiers : dépêches nivernaises, nouvelles d'Empire, annonces royales, rapports d'espions, rapports d'oreilles indiscrètes laissées dans les diverses assemblées nobiliaires où l'Altesse a droit de siège comme de vote.
Le manège est clandestin, car le Castelmaure n'est pas chez lui. Tout ce qui arrive au campement laissé devant les murs est suivi à l'hôtel andégave de la Duchesse Calyce. Il s'impose un peu. Il s'expose beaucoup, mais en définitive, il ne fait que trôner le temps de cinq minutes, comme un seigneur tenant le Plaid.
Courrier farfelu attendu, courrier farfelu reçu : celui de l'évêque de Périgueux. Il est lu avec le même scepticisme que les autres, mais cette fois, la surprise est arrivée à date de péremption. On s'habitue au grotesque, et l'on s'en vaccine. Le Duc du Nivernais reste donc stoïque, et pour l'instant, ne répondra pas à Lotx, car il n'a rien d'immédiat à lui répondre. Enfin, puisqu'il est tôt, et puisqu'il est appréciable que Melchiore le trouve encore contre son sein, sous son bras, à son réveil, le Prince entend remonter et se glisser dans la couche devenue quasiment conjugale. La parenthèse épistolière est tenue secrète, et si le Montmorency n'est pas dupe, au moins a-t-il l'assurance que son amant a le soin de lui faire croire que jamais il ne s'en sépare, ce qui est une délicatesse tout à fait adorable. Si, si.

L'Aiglon remonte en deux battements d'aile. Il se défait de son habit, et, alors qu'il passe une jambe - la droite - dans le lit, il aperçoit de son oeil marine un morceau de parchemin, tombé là par le plus grand des hasards où par le fait d'un habile messager.
Curieux et indiscret, Charlemagne se saisit du mot, et innocemment le lit. De toute évidence, ce billet n'est pas pour lui. De toute évidence, il est pour la Buse. Et, de toute évidence, c'est un faux. L'évidence est même telle que le Castelmaure ne doute qu'un instant. Instant suffisant toutefois, puisque la minute le suivant, il a asséné un coup de paume spectral sur la joue Melchioresque. Un Shbam retentissant, un Bim affolant, un Boum délirant, un Paf la Buse.


Debout, traître ! Assassin !

Se croit-il trompé, le Fils de France ? Il faut admettre que le procédé est grossier. Or, ce sont bien là les manières maladroites de la Buse. Et dans le doute, l'occasion d'une dispute étant aussi celle d'une réconciliation, il faut y donner bon train.
A califourchon sur le vendre de Melchiore, le Prince frappe torse et visage, avec ses doigts, ses paumes et ses poings blancs, eux-mêmes accompagnés de divers noms d'oiseaux moins nobles que la buse ou l'aigle, moins charmants que la mésange ou le rouge-gorge.
Enfin, le Duc du Nivernais se roule à sa place, fait dos à son désiré, lui jette le morceau de papier, et bougonnant.


Vas-y, tue-moi. On me vengera.

C'est dire ce qu'il est convaincu.
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Melchiore
Le Prince aurait-il découvert le pot-aux-roses ? Évidemment, que Melchiore trompe Charlemagne. Depuis la toute première fois, toute-toute première fois. Il trompe le Prince, oui. Avec les angevins. Au même titre que le prince le trompe lui-même avec les français. Et bien que le sachant pertinemment, Montmorency a décidé de fermer les yeux, à seule fin d'éviter une dispute improductive et casse-bonbons. La lâcheté, c'est plein de bon sens. Et Melchiore est un jeune homme qui ne se dépense que si l'effort en vaut la peine. En l’occurrence, crêper la crête de Charlemagne pour ses rédactions nocturnes ou matinales fait partie des dépenses énergétiques qu'il se garde bien de dilapider à la va-vite. En outre, ce serait là une bataille qui ne s'achèverait pas sans conséquences. Si Melchiore venait à demander la cessation définitive des manigances françaises de Charlemagne, ce dernier, lui, pourrait exiger une sanction sinon égale, au moins supérieure à ce qu'il devra lui-même subir. Et la Buse n'entend pas se défaire de ses micmacs à elle. Allons, les cadavres sont bien planqués dans les placards. N'allons pas les déranger.

La duperie se déroule ainsi, en général. Le Prince attend la faveur de la nuit, quand Melchiore, lui, trop blessé, trop flemmard, attend le point du jour, à une heure avancée où le Prince s'éclipse pour paraître dans son campement ou ailleurs. Certain, donc, que l'Aiglon n'y est plus, c'est ainsi que la Buse file près du port Linier pour ne reparaître à l’hôtel de Brissac que tard le soir. Le Château d'Angers étant pris, il faut aux têtes angevines -bananées incluses- un nouvel endroit où fomenter des fomenteries tout angevines. Un lieu somme toute désaffecté dans lequel on se réunit pour faire durer des entretiens où il est question de Buses et de perchoir cassé qu'il faut remettre debout, et de clapier qu'il faut remplir, et de majeurs à lever bien haut vers l'Est, pour toute prière quotidienne. Wesh.

Et puis, parce que deux ans plus tôt, lors d'une fuite hors d'Anjou -au fin fond du Poitou- qui dura un an et au cours de laquelle sa condition s'était retrouvée au plus bas, Melchiore a appris la peine du travail, il la met en œuvre pour l'Anjou. Il s'applique à mettre en pratique la formation qui, des mois durant, lui a permis de survivre dans une situation précaire qui n'était en rien la sienne. Et s'il se garde bien de parler de cet épisode peu glorieux de sa jeune et folle existence, il en tire toutefois un certain orgueil. Ses mains s'en trouvent abîmées, mais tout ceci, il le fait par amour pour l'Anjou. Tout comme son corps, qu'il abîme, lui, pour l'amour de l'Aiglon. La ferronnerie, donc, et ses connaissances en sigillographie font que Melchiore s'improvise quotidiennement faiseur d'authenticité. Car il ne s'agit pas tant de restaurer un État touché, qu'une partie de sa population coulée.

Et, entre la nuit et le jour, dans l'espace creux de ses rêves, il y a Charlemagne. Parce que malgré sa pleine période de croissance, Melchiore est un être encore profondément innocent, profondément immature et profondément sujet à la basse bêtise. Aucun souci ne pèse assez lourd sur sa conscience pour l'empêcher jamais de dormir et supplanter l'image de l'Amant. S'il est inconséquent, c'est parce qu'il a l'infinie chance d'avoir grandi sans la moindre espèce de contrainte -hormis cette sombre année qui le vit gagner en maturité-, et d'avoir un père suffisamment pris dans ses propres machinations pour n'avoir rien planifié pour son rejeton. Aussi Melchiore est-il infiniment libre, et à son horizon, aucun sinistre projet ne lui est imposé, ni imposable. Car on n'exige pas d'un enfant auquel on a accordé toute liberté quinze ans durant qu'il rentre dans un moule, fût-il carré, rond, en forme de coeur ou d'étoile filante. Melchiore garde les contours de Melchiore, et il a la terre entière à ses pieds comme cours de récré dans laquelle évoluer. Aurait-on voulu le faire marcher droit, littéralement, qu'on n'y serait pas arrivé. Quand on boîte comme lui boîte, on ne marche jamais-jamais droit. Voilà. Son destin n'est pas inscrit dans sa main, non. Il est inscrit dans la plante de ses pieds.

Mais pour l'heure, il dort.

Et dans ces rêves indicibles, il y a Charlemagne. Charlemagne qui est un peu Cassian. Sa silhouette, fière et haute, Melchiore la jalouse un peu. Il la jalouse autant qu'il l'admire. Si bien qu'il n'est pas rare que, par jeu et par cynisme, il la chahute un peu, la bouscule beaucoup, d'un coup de bassin qui, en passant, fait un peu trébucher cet Aiglon trop fier. Car sa contrariété, Charlemagne l'a délicieuse. Le délice, voyez-vous, résidant en la réconciliation. Là ne reste plus qu'à chercher la rédemption. Celle impure, que l'on cueille au creux d'une bouche. C'est un miel de fiel, une bière amère. Car c'est là une amertume que l'on aspire toute entière, comme on aspire le venin d'une plaie. C'est une paix dont on se gargarise volontiers. On se déclare la guerre pour le seul plaisir de signer la paix. Le temps, Rosa, de réciter ses déclinaisons à l'envers, et le sourire Aiglon revient, qui bourgeonne gentiment sur sa figure, qu'il aime pourtant austère. Ces deux lèvres roses sont un peu jumelles. D'égale proportion, elles souffrent d'une césure qui, bien que souvent silencieuse, ne laisse passer que des syllabes appliqués. Une hémistiche en haut, à peine coiffée d'un duvet transparent, et une en bas, posée au bord d'un ourlet légèrement boudeur. Que leurs commissures s'abaissent, et le monde s'écroule un peu. Qu'elles se rehaussent, et c'est alors César qui, levant le pouce, amnistie une foule de gladiateurs jetés au bord du précipice. Alors, pour les remercier de leur bonté, autant que de leur beauté, on s'y jette pour les baiser. Et parce qu'elles ont un goût d'étrennes, on y perd haleine.

Et puis ensuite...Ensuite.... ZBLAM !

Les yeux de la Buse s'ouvrent à la volée, et sa joue cuit un peu. Depuis qu'il a quitté Gennes, il s'est déshabitué de ces réveils-là. Il pense alors voir son père, mais c'est le visage de l'Aiglon, contracté par une curieuse fureur, qui le surplombe.

Ah, l'enflure !


-Gné ?

Les neurones à peine rebranchés, l'offensive poursuit son cours, et c'est son torse qui se trouve martelé. Furieux, lui aussi, et abêtit d'avoir été ainsi coupé de ses songes -car il n'est jamais bon pour l'esprit d'être privé de rêves- Melchiore s'agite, gesticule, tente de saisir les bras assaillants, envoie des coups de pieds vains, tente de rouler, en vain aussi, et plaide, pour seule défense :

-Rahhh ! Mais... Rahhh ! HuummmMAIS ! ReToUrNe ChEz Ta MèRe !

Et voici que l'Aiglon se retourne, non pas chez sa feue mère, mais sur la couche conjuguée. Frottant alors sa joue endolorie, Montmorency avise un morceau de parchemin chiffonné, abandonné dans les replis du drap. Puisqu'il faut au moins une bonne paire de gifles pour réveiller une Buse profondément endormie, le porteur de l'abominable missive n'a dû trouver aucune difficulté pour déposer le pli dans le lit occupé. Mais, bienheureux, Melchiore l'ignore. Ce qui n'est tout de même pas une raison pour que l'Aiglon se soit permis de mettre la main dessus avant lui.

-Yo ? D'où tu lis mes messages, d'abord, s'teu plé ?

Ça n'a certes rien d'un texte-haut, puisque ça n'est qu'un texte aussi bas, sans doute, que l'est son auteur. Mais tout de même ? Melchiore va-t-il, LUI, fouiller les décombres du bureau qu'occupe Charlemagne la nuit, pour y trouver ses rédactions et s'imprégner d'une lecture qui aurait sans doute choqué son âme profondément indépendantiste ?

Ah, le salaud.


-Peuh !

Pour manifester son mécontentement, Melchiore roule jusqu'à la silhouette qui lui fait dos, et l'écrase un peu, juste pour le déplaisir. Dans son élan, sa main paresseuse s'est emparée du morceau de papier qu'on lui a jeté à la figure, et ses yeux décollés en parcourent distraitement les lignes. Comme en témoigne son strabisme passager, et ses sourcils sourcilleux, il ne comprend pas bien. Dans sa demie torpeur, il égraine le champ des possibles. Il aurait pu, après tout, durant un soir où la coque lui aurait vrillé l'esprit, commettre une bourde. Mais qu'irait faire un spinoziste de son acabit avec un Monseigneur Aurélien ? Après tout, la toute première fois, ne s'était-il pas compromis avec un Poitevin, sous l'emprise du stupre ? Mais enfin, enfin bon, enfin, quand même, la chose semble assez absurde. Tromper un Aiglon qui le comble assez pour rendre ses voix impénétrables, voilà qui frôle l'impensable, et se vautre carrément dans le fantasque. Et, si c'est une farce : balancée de bon matin, c'est un peu corsé. En réalité, Eusaias se serait-il pointé dans la chambre, habillé en bouffon et jonglant avec des tartelettes au citron, Melchiore ne se serait pas trouvé plus interdit. Alors, confus, bien qu'il n'ait aucune raison de l'être, il marmonne dans le cou de son bourreau.

-Et moi, en plus, j'avais un cadeau pour toi.

Ah, l'Ingrat.
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    Pays : Archiduché d'Anjou
    Comté/Duché : Duché de Douetum
    Village : Soulanger
    Melchiore possède un culture du Maine.
    Vous souscrivez tout à fait à l'idée que Kirke. est tout-puissant.
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