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[RP] Hérétiquement vôtre : un bûcher pour la sorcière

Syuzanna.
[Je ne remettrai à personne du poison, Je passerai ma vie et j'exercerai mon art dans l'innocence et la pureté.
Dans quelque maison que j'entre, j'y entrerai pour l'utilité des malades, me préservant de tout méfait volontaire et corrupteur.]
*


    Le 1er Février 1461


La porte de l'auberge s'ouvrit à la volée, faisant pénétrer une vague d'air glacé dans la salle commune. Malgré le feu ronflant dans la cheminée non loin d'elle, Syuzanna sentit la froideur carresser son visage. Elle ne prêta pas la moindre attention au nouvel arrivant. La taverne était assez fréquentée pour qu'une personne s'ajoutant au reste de la clientèle n'éveille aucun intérêt. Posant un index sur une page du grimoire posé devant elle, la rousse armée de toute sa patiente, enseignait les lettres à Eilidh et James - respectivement sa fille adoptive et son neveu. La fillette avait déjà déchiffré la première ligne. C'était au tour du garçon de prendre le relais. Mais ils furent bientôt dérangés dans leurs études par un homme. Juché sur une chaise au beau milieu de la salle, il éleva la voix pour couvrir le bourdonnement des multiples conversations.

- Y-a-t-il un herboriste ici ? Ou une guérisseuse ?

Son ton était assez désespéré pour faire relever la tête à Syuzanna. Elle jeta un coup d'oeil à la fenêtre. Le soleil ne tarderait pas à sombrer. Soupirant, elle quitta son assise.

- Je suis herboriste. Que se passe-t-il ?

Elle s'attendait plus ou moins à soigner un homme blessé. Accident de charrette, de cheval... Elle en avait vu d'autres, et souvent les mêmes. Les plaies étaient béantes. Parfois même le malade avait trop attendu et ses chairs s'étaient si bien infectées qu'il fallait couper le membre atteint.

- Pas ici, rétorqua l'homme. Mais viens avec moi.

Plissant les paupières, l'Ecossaise fut tentée de demander plus d'explications, mais sut se retenir. Des affaires privées, il n'y en avait pas tant. Des accouchements qui devaient restés cachés. Des avortements. Les cas « discrets » étaient bien souvent féminins. Et l'Eglise condamnant les avortements, les pauvres femmes ne pouvaient se tourner que vers des personnes plus coulantes. Et dans cette catégorie, Syuzanna était sans doute l'une des plus accomodantes.
Se tournant vers les enfants qui n'osaient pas bouger, elle leur ordonna rapidement de monter dans la chambre qu'ils occupaient, et d'attendre sagement son retour. Puis, suivant l'homme qui avait remis en place la chaise, elle sortit dans le crépuscule glacé, sa besace à l'épaule.


- Vas-tu me dire ce dont il retourne ? questionna-t-elle alors qu'ils avaient parcouru quelques ruelles sans dire un mot.

- On m'a envoyé quérir une guérisseuse. Une femme est tombée enceinte, mais ne peut garder cet enfant, expliqua-t-il rapidement.

L'Ecossaise arqua un sourcil. Que fallait-il qu'elle fasse ? Interrompre la grossesse ou aider l'enfant à venir au monde avant de le déposer aux marches d'une église ?


- Et qu'attend-t-on de moi, exactement ?

- Elle n'est grosse que de deux mois environ. Il te faudra y mettre un terme, dit-il sans la regarder. Voilà, c'est ici, ajouta-t-il en désignant une porte entrouverte. Il semblait étrangement satisfait de la quitter.

Sans prendre la peine de saluer son guide, Syuzanna poussa le battant. La maison n'était pas grande. Une demeure commune de paysans. C'était en général les ruraux qui avaient besoin de ses services. Et cela lui convenait fort bien. Les gens des villes étaient bien moins aimables et plus arrogants que les gens des campagnes.

Dans un coin de la grande pièce convenablement chauffée, une jeune femme était allongée sur un lit, tandis qu'une autre lui tenait la main. Celle qui était couchée semblait paniquée. Avait-elle connu d'autres avortements avant celui-ci ? Syuzanna en avait déjà pratiqué quelques uns. Dont un sur l'une de ses amies d'autrefois. Elle avait confiance aussi bien en elle qu'en ses plantes.


- Bonsoir, fit-elle en s'approchant à pas feutré. Je me nomme Syuzanna NicDouggal, résidente de Sarlat et en voyage par ici. Je suis herboriste.

La jeune femme allongée lui adressa un sourire crispé. Syuzanna s'agenouilla à ses côtés, tout en fouillant dans sa besace. L'Ecossaise grimaça. Son sachet d'ambroise était vide. Il lui faudrait utiliser la sauge, moins maniable mais tout aussi efficace. Le défi était de trouver la dose juste. S'il n'y en avait pas assez, la pauvre femme n'aurait que de vilaines douleurs mais serait toujours enceinte. Extirpant de sa gibecière son sachet de plantes, elle se releva souplement.

S'approchant du feu, elle ramassa le chaudron, heureusement vide, et y versa le contenu d'un seau qui trainait dans un coin. D'un geste sûr, elle y ajouta une bonne poignée de sauge. Tout en attendant que les plantes infusent, Syu se tourna vers les deux femmes. Deux soeurs ? Elles semblaient proches en tout cas. Elle effleura d'une main légère son ventre. Elle aussi était enceinte. Et elle aussi, les premiers jours après la découverte de son état, avait été tenté d'interrompre la grossesse. Mais elle ne l'avait pas fait. Elle n'avait pas eu la force.

La surface de l'eau se rida alors que la température du liquide augmentait. Se saisissant d'un godet de bois, elle l'emplit de la potion. S'approchant de la jeune femme, elle lui tendit la préparation, lui faisant signe de boire rapidement.
La « malade » s'exécuta et vida d'un trait la chope. Dans quelques instants, elle se mettrait probablement à hurler de douleur.


- Cela risque de vous faire très mal, la prévint Syu après qu'une demi-heure se fut écoulée.

Elle avait à peine fini sa phrase que déjà, la malheureuse poussa un grognement sourd en portant une main à son ventre. Poussant sans ménagement la femme bien portante, la rousse souleva légèrement la robe de sa patiente. Les premières gouttes de sang faisaient leur apparition. Tout était normal. La jeune femme se mit à crier un peu plus fort, mais l'Ecossaise n'était toujours pas inquiète. Cela durerait encore un bon moment avant l'expulsion définitive.

Le temps passait. La minuscule forme blanche était sortie, la rousse en était sûre. Mais le sang ne s'arrêtait pas de couler. Syu avait bien tenter de lui faire boire une potion d'achillée milleflue mais la jeune femme ne desserrait pas les lèvres. Son visage était en sueur et son corps était parcourut de frissons. Paniquée, l'herboriste posa une main sur le bas ventre de sa patiente.


- Ciamar... Ach... Chan eil mi a' tuigsinn, fit-elle en fronçant les sourcils, sans faire attention à la langue qu'elle employait.

L'hémoragie aurait du s'arrêter depuis bien longtemps maintenant. Elle posa un index dans le cou de la jeune femme. Le poul était faible, et bien trop rapide. Son visage était glacé. Le lit ainsi que sa jupe étaient rouge de sang. A sa grande horreur, l'Ecossaise comprit qu'elle était en train de perdre la patiente.

Elle leva les yeux vers l'autre femme présente ici. Avait-elle compris, elle aussi ? Ce n'avait été qu'un simple avortement. Tout aurait dû bien se passer. Peut-être n'était-ce pas sa première interruption de grossesse ? Une chose était sûre en tout cas, c'était qu'elle-même n'y était pour rien. Elle avait respecter les doses. Et jamais de la simple sauge n'aurait pu vider de son sang une femme en parfaite santé. Le bébé était-il trop développé ? Lui avait-on menti sur le temps de grossesse ? Un foetus trop gros ne pouvait pas être expulsé sans risque. Etait-ce cela ?
Soudain, la jeune femme poussa un léger soupir. Et cessa de trembler. Ses traits et tout son corps se détendirent. Les mains pleines de sang, Syuzanna se releva, sonnée.


- Je suis désolée, dit-elle à voix basse. Cette jeune femme devait être trop faible, ou le stade de la grossesse trop avancé... Je suis vraiment désolée.

Sans oser lever les yeux vers celle qui restait, Syu sortit avec précipitation de la demeure. Dehors, la nuit n'était déjà plus noire, et la rousse comprit que c'était déjà l'aurore. Elle était restée là la nuit durant. Serrant sa sacoche contre elle, elle s'enfonça dans les ruelles du village à la recherche de son auberge. Tout le monde dormait encore, aussi put-elle monter sans être vue les marches menant à sa chambre. Doucement, elle poussa la porte. Les enfants dormaient paisiblement. Ne prenant que le temps de se laver les mains, elle s'allongea sur son lit. Et aussi silencieusement qu'elle le put, elle se mit à pleurer.

* Extrait du Serment de la Guilde des Herboristes
Ciamar... Ach... Chan eil mi a' tuigsinn = Comment... Mais... Je ne comprends pas (traduction du gaélique)

_________________
Lubin



Quand la sœur aînée de Lubin, larmoyante, vint le quérir, au premier soir de février, cela l’agaça tout d’abord grandement. C’était que monsieur se divertissait dans un tripot malfamé, buvant autant que faire ce peut, une aimable créature languissante sur chacun de ses genoux. C’est pourquoi sa première réaction fut d’émettre un grognement d’irritation qui fit partir d’un rire gras tous ses braves compagnons de jeu. La repoussant d’une poigne sévère, celle-ci réussit toutefois à articuler quelque supplication étouffée par les sanglots. Viens, qu’il réussit à comprendre, viens mon frère. Il resta un moment interdit sur sa face chamboulée, la vue troublée par l’alcool, et fit l’effort de se lever, après avoir distribué quelques caresses sur les courbes suaves des mignonnes. Il se saisit alors de son verre, et, après avoir déposé cartes sur table, suivit la sœur effarouchée, espérant que celle-ci le dérange pour une raison d'importance et non pas pour une quelconque futilité.

Lubin ne s’attendait évidemment pas à la mort subite de sa sœur, n’étant même pas au courant pour sa grossesse secrète, et resta un instant pantois, la main crispé sur le bras d’Anne, la rescapée. Comment avait-on osé s’en prendre à sa cadette, sa si chère, sa si tendre ? Elle avait été la prunelle de ses yeux, sa choyée, sa chasse gardée. Il trouva bien sévère de connaître la mort pour avoir commis le péché de fornication, et se maudit de ne pas avoir découvert son état plus tôt, ainsi, peut-être aurait-il pu lui empêcher telle folie ! Assurément aurait-elle connu pénibles remontrances, mais Lubin lui aurait dicté toute autre conduite ; probablement lui aurait-il ordonné de garder l’indésirable engeance et de l’abandonner à la naissance. Au fond, quoique comédien de profession, jamais Lubin n’abjurerait. Putain de sorcière, bientôt, tu brûleras en Enfer.

Envoyant valser son aînée, le mâle, rendu fou de rage par la nouvelle, fit volte-face et prit la route du retour. Quelle oppressante douleur alors le transperçait de part et d’autre ! Il avait décuvé tout d’un coup, l’agréable enivrement laissant place à une souffrance viscérale, les effluves mirobolantes pour d'horribles crampes. Son expression faciale s’était comme figée, les traits durcis par l’évidence. Pourtant, une fleur pareille, ça n'est pas censée abdiquer si brutalement. Petite Louve, petite Louve n’avait même pas dix-sept ans.

Elle baignait dans son sang, paupières closes. Quoique la vue du corps inerte le remuait, Lubin lui trouva quelque chose de serein, peut-être quelque part dans les traits fragiles du visage enfantin, pâle et parfaitement immobile. Le frère, abasourdi, s’attarda au chevet de la soeur. Il tenta, après s’être apitoyé sur ce misérable sort, de reprendre un semblant d’esprit : il remettrait son chagrin à plus tard, car il était désormais temps de songer à rendre justice. Baisant le front de l’enfant, il se promit.

C’est ainsi qu’Anne et Lubin s’en allèrent quérir un homme d’Église, lui rapportant la mort de la précieuse et les étranges paroles de Syuzanna NicDouggal, car ton pardon, sorcière, ne suffira pas à étancher ma soif de vengeance et les maux qu‘accompagnent ta faute.
    *Proverbe foulfouldé
Frere_denis


    « Sorcière. 1/ Horrible et repoussante vieille femme, en perverse activité avec le diable.
    2/ Belle et attirante jeune personne, dont les perverses activités dépassent le diable. »

      Ambrose Bierce


Le Frère Denis priait. Il passait la moitié de sa journée à genoux dans son monastère. Il suppliait le Très Haut de le protéger de la folie des Hommes. Une bande d'impies, d'hérétiques, de bêtes sauvages. Il avait honte de faire partie de cette race. C'était pour ça qu'il était devenu moine. Pour échapper à la décadence. Denis était pur, lui. Jamais il n'avait forniqué. Pour une raison simple : il haïssait les femmes.
Ce matin-là, il était à genoux comme d'habitude, lorsque les portes de l'église s'ouvrirent en grinçant. Il y eut une série de pas pressés, puis un frère se pencha vers Denis.


Mon frère, je m'en viens vous quérir. Une histoire de sorcellerie.

Aussitôt, le moine oublia ses prières et se leva. Il avait l'occasion de montrer au Tout Puissant la force de sa foi. Une sale sorcière était encore dans la nature. Il ne chercha pas à savoir plus loin. Le mot sorcellerie avait suffi. Cette femme méritait de brûler. Mais il ne pouvait rien faire sans l'accord de la juge. Il irait la trouver plus tard. D'abord les accusateurs.
Il remonta en courant la nef et sortit dehors. Le soleil lui fit cligner les yeux. Denis remarqua sans peine les deux étrangers. Une femme en pleurs et un homme au visage dur. Tous les deux visiblement choqués. Lequel avait été en contact avec l'horrible crétaure du Sans Nom ? Il s'approcha, sa robe de bure voltigeant derrière lui.


Je suis le Frère Denis. Je voue ma vie à la traque et à l'extermination des hérétiques. Vous dites avoir eu affaire avec une sorcière. Vous m'expliquerez tout ceci en chemin, car je ne peux rien faire sans l'aval de la juge Ellana.

Le fait que ce soit une femme qui s'occupe de la justice dérangeait Denis bien sûr. Mais là c'était différent. Cette femme luttait pour les mêmes causes que lui. Elle cherchait sans doute à compenser son triste état de femme par de pieuses actions.
Sans plus attendre Denis se mit en route. Il quitta le monastère. Il avait été tant de fois voir les juges du coin qu'il connaissait la route par coeur. Il avait hâte d'avoir l'autorisation de traquer la Bête.


Alors, mes enfants. Que s'est-il passé ? Comment le Monstre a agi ? Comment était-elle ? Non, de dites rien. Vous nous expliquerez tout devant la juge, cela vaut mieux.

Frère Denis adorait la traque. Chasser les sorcières était ce qu'il préférait au monde. Il débarassait le don du Très Haut des souillures de ces créatures. Il aimait aussi les torturer. Chaque cri que poussait la Créature était un cadeau au Tout Puissant. Et il restait en général le dernier lors des bûchers. Il attendait jusqu'au bout, jusqu'à ce que le dernier fagot ait brûlé. Le moine aimait constater de ses yeux que l'hérétique n'était plus.
Ils furent en vue du tribunal. On les laissa entrer dans rien leur demander. Frère Denis était connu ici. Alors qu'ils entraient dans le bâtiment proprement dit, le moine s'approcha d'un garde.


Nous voulons rencontrer la juge Ellana, pour une affaire de sorcellerie. Dites lui que c'est le frère Denis qui la demande et que l'affaire est pressante.
Ellana...
I’ve got the power.*



Mouahahahahahahahahah !


Le rire, diabolique à souhait, résonnait depuis quelques minutes déjà entre les murs du fameux tribunal tandis qu’Ella, avec un E comme Envahisseuse, se frottait d’avance les mains, anticipant sans trop de peine ce qui allait suivre. Non pas qu’elle fut capable de lire dans l’avenir mais qui n’a pas un jour rêvé de condamner quelqu’un, de tenir une vie entre ses petites mains ? Peu importe, en tout cas il n’était pas rare que la principale intéressée fasse se genres de rêves, malheureusement avec une vie aussi active (active ne veut pas dire honnête) que la sienne il lui était impossible de se consacrer pleinement à la réalisation de chacun de ses désirs. Normalement ! Parce qu’à cet instant, elle occupait enfin la place tant désirée ! Un charmant coup du sort qui pour une fois tombait juste à temps ou alors c’est simplement un signe d’Aristote qui lui demandait de croire encore aux bienfaits de l’amitié blablablabla. Un ami de longue date, qui nous appellerons Monsieur X pour assurer sa sécurité, lui avait volontairement laissé sa place. Aucune menace ne fut proférée à son encontre, bien au contraire, tout ceci fut mené dans la joie et la bonne humeur le plus complète. Vite fait, bien fait hop. Il faut croire que les cuisses d’une jeune blondasse ne peuvent attendre trop longtemps avant de se refermer telle une huitre que l’on s’apprête à dévorer. Dégueulasse.


Néanmoins, avant que les critiques ne fusent, il faut savoir qu’il n’avait pas laissé la Scipio complètement démunie face à la tâche qui lui incombait désormais, loin s’en faut. Un énorme manuel de la Justice pour les nuls trônait fièrement sur un coin de bureau, tout pour passer inaperçu si ce n’était le ruban bleu qu’un ami prévoyant avait attaché tout autour pour que justement, Ella ne puisse l’ignorer sans en subir de violentes contractions d’estomac. Elle se promit d’ailleurs de s’en servir en cas d’absolue nécessité, si sa vie en dépendait notamment…un poids idéal pour assommer les ennemis à la Justice qu’elle représentait aujourd’hui ou tout simplement pour attirer l’attention de quelques individus dissipés.


L’atmosphère jubilatoire de ces dernières minutes s’apaisa lentement et un joli sourire, presque enfantin, accueillit un des gardes qu’elle avait chargé de lui ramener deux coussins censés la rendre imposante au centre de son non moins imposant fauteuil. Et maintenant…a priori y’a plus qu’à. Les doigts féminins pianotèrent lentement contre le nœud lorsque la Bleue songea à la manière la plus appropriée de démarrer un procès, aussi étrange que cela puisse paraître elle n’avait elle-même jamais été contrainte d’assister à l’un d’eux et pour celle qui se targuait d’être irréprochable chaque jour de sa vie, l’absence de condamnation apportait une preuve de plus.


Elle n’eut pas le loisir de réfléchir plus que ça que déjà, un des gardes surveillant la porte venait lui rapporter l’arrivée d’une petite délégation comprenant un moine à sa tête. Étrange et d’autant plus intéressant pour la jeune femme qui voyait là de quoi appuyer sa théorie foireuse à propos du grand complot monastique. Un signe de tête lui signifia qu’il pouvait les faire venir et dans le même temps, elle se redressa précautionneusement, appuyant placidement ses mains contre le bois du bureau. Elle toisa un à un ses premiers invités, le visage dénué de la moindre expression, attendant quelques longues secondes avant de s’exprimer.



Soyez les bienvenus.
Je suggère de ne pas perdre plus encore le temps qui nous ait assurément précieux.



Un nouveau regard inquisiteur en direction des plaignants pour se donner un air encore plus sérieux et c'était reparti.


Qui aura l'honneur de commencer? Parlez. J'écouterai.

*J'ai le pouvoir

Lubin


Lubin avançait à grandes enjambées, dressé de tout son long, furibond. Entravant fermement le bras d'Anne, ses pensées étaient obnubilées par le corps sans vie de sa cadette : il pensait au paisible faciès de la Louve et au sang dans lequel elle baignait. Il songeait aussi à l'enfant qu'elle avait perdu un peu avant son dernier souffle, divine punition. Il pesta en pensant à la soirée qu'il avait passé, se noyant dans l'alcool délicat et les courbes hospitalières, loin de se douter qu'à quelques pas de là sa Louve perdait pied ; il gagnait au jeu tandis qu'elle perdait la vie. Il gémit finalement à cette abominable constatation, mais se reprit presque aussitôt, stoppant net ses lamentations, feignant même une coriace impassibilité. Lubin était bon comédien mais, et surtout, avide de vengeance.

Satisfait de l'attention que leur porta le Frère, sans toutefois soupçonner sa perversité, il reprit un peu d'aplomb, quoique le paysage, ce matin-la, lui parut terriblement sinistre, et le suivit sans rechigner à travers d'étroites ruelles. Anne peinait à avancer, traînant derrière la petite troupe, et Lubin se demanda si elle aussi croyait discerner la furtive silhouette, chimère charnelle, de la Louve à chaque coin de rues. Il se résolut à ne pas lui en faire part, mettant ses hallucinations sur le compte de la douleur. Ô comme il brûlait alors d'impatience, blessé dans sa propre chair par cet évènement funeste ! Il s'était engagé auprès de la Louve, et Lubin avait pour habitude de tenir ses promesses, quoi qu'il lui en coûtait.
    Parlez. J'écouterai.
Il toisa son interlocutrice d'un regard sévère, cherchant sûrement à s'assurer qu'elle ferait tout pour conduire la sorcière jusqu'au bûcher, ce malgré les obstacles contingents et autres retardements. L'idée de rendre lui-même justice lui avait frôlé l'esprit, un instant, au chevet de l'enfant, mais il s'était finalement convaincu qu'une sentence publique et une mort par les flammes étaient les pires châtiments qu'on pouvait administrer à l'hérétique. La juge paraissait imperturbable - Lubin la trouva également particulièrement hautaine - c'est pourquoi il choisit d'opter pour la même impassibilité, non sans mal tant il était mu par un amas d'émotions fortes, allant de la colère, au chagrin en passant par le dégoût.
    On m'appelle Lubin, articula t’il clairement, j'habite la ville et voici ma soeur, il joignit le geste à la parole et la désigna du menton.
Il ne voulut en dire plus, fixant toujours la juge avec insistance. Pas encore, pas si vite, l'affaire était autrement importante ! Il allait reprendre, résolu à se confier dans une certaine mesure, mais fut interrompu par sa soeur restée en retrait jusque là :
    Croyez-vous aux sorcières, madame la juge ? qu'elle lui demanda d'une petite voix, diaboliquement sérieuse.
Frere_denis


Dès qu'ils eurent pénétrer dans le bureau, Denis se mit à trembler. Trembler d'excitation. Rien n'était comparable à ça. Même la perspective de prendre une femme. Il se demandait parfois ce que ça faisait de chevaucher une femme. Mais cette idée ne s'attardait pas en son esprit. Ce qui le rendait plus vivant que tout c'était la quête à la sorcière. Et c'était sur le point de se passer.

Quand la petite demoiselle prit la parole il crut défaillir. Mais parvint à rester bien ancré dans la réalité. Il ne connaissait pas les tenants de l'histoire. Seulement qu'il s'agissait d'une créature monstrueuse qui ne méritait que la mort. Incapable de se contrôler il fit un pas en avant. La juge Ellana devait lui donner l'autorisation. Si elle était maligne elle devait savoir qu'il n'y avait pas meilleur que lui, pas plus teigneux que lui, pas plus persévérant et qu'avec lui les odieuses créatures étaient toujours punies.


Dame Ellana ! Ecoutez cette enfant pure de pêchés ! Elle parle de sorcellerie ! Elle et son frère ont été dupé par une Monstrueuse ! Une créature du Sans-Nom qui ne mérite pas de vivre !

Des rumeurs disaient Ellana assoiffée de justice et de sang aussi lui parla-t-il afin de gagner ses faveurs.

Dame ! La prise d'une telle pêcheresse pourrait peut-être élucider bien des faits étranges ayant eu lieu dans la région. Qui sait si elle n'est pas coupable de la mort du petit Jonathan ? Il n'avait que cinq ans et s'est noyé mystérieusement. Un rituel de sorcière expliquerait tout. Ou tous ces coqs morts retrouvés non loin dans une ferme ? Ainsi que la fièvre bovine ! Malédiction de créature diabolique !

Frère Denis se tourna brusquement vers le frère et la soeur. Il avait envie de les secouer, il avait envie de tout savoir sur leur histoire et par-dessus tout il avait envie de chasser la Bête.

Racontez-nous ce qui s'est passé. N'omettez rien. Décrivez la sorcière. Faites vite, elle est peut-être déjà en fuite à l'heure qu'il est !
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